I'd trade all my tomorrows for one single yesterday
James & Alissa
Je me sentais en plein séance de psychanalyse, et je sais très bien de quoi je parlais, j'en avais tellement fréquenté lorsque j'étais enfant. Pourtant, jamais je ne m'étais dévoilée. Bon nombres de professionnels ont tentés, en vain, de forcer à me livrer sans obtenir de résultats. James, lui, avait toujours eu cet impact sur moi, il émanait de lui une aura particulière qui me faisait me sentir en confiance et me permettait d'arrêter de me cacher derrière ma carapace. Malgré tout ce qui nous avais séparés, ce climat n'avait pas totalement disparus et commençait peu à peu à refaire surface. En dépit de toute la colère que nous avons d'abord échangée, l'échange tendait à s'assouplir teinté de regrets et de remords. « Je n’ai jamais voulu te faire de mal… » Je baissais les yeux un bref instant et expirais difficilement avant de répondre. Moi non plus... Je suis tellement désolé James! J'avais l'impression d'être en plein milieu d'une distorsion temporelle, me perdant entre le passé et le présent au fur à et mesure de nos discutions. Je remontais parfois loin dans mon passé, surtout lorsque j'évoquais mon père et son côté abusif, côté que je commençais à entrevoir chez James vers la fin de notre relation. Mes pensées étaient confuses, cela s'en ressentait sur mes paroles, qui j'en avais peur, soient mal interprétées. « Je préférais mourir que de lever la main sur toi… Jamais… » Je grinçais des dents, mal-à-l'aise de ce quiproquo. James n'était pas ce genre d'homme et je ne l’accusais pas qu'un jour il aurait commis une telle chose. Je sais. Je le sais très bien. Je souriais faiblement à cette déclaration, même si l'atmosphère n'était pas très joyeux, j’acquiesçais avec gratitude à sa déclaration. Mais je lui découvrais des traits de caractères semblables d'une telle flagrance que parfois, certains mauvais souvenirs me revenaient en plein visage en même temps que James m'envoyait promener en grognant, qu'il m'était parfois insupportable d'en supporter d'avantages.
Les larmes de James me touchent et m'attristent et je dois lutter pour ne pas sombrer à mon tour. Je dois contenir mes envies de le prendre dans mes bras pour atténuer son chagrin, j'ai perdu ce droit il y a longtemps déjà. Je dois résister à l'appel du passé. Aujourd'hui il faut aller de l'avant. Il faut tourner la page. Il faut faire pénitence du passé. Il faut faire face. Il faut... Il faut! Je m'en persuade de toutes mes forces mais rien n'y fait. Mes lèvres sont scellées et restent muettes, interdites devant mon obstination. Je secoue la tête, comme pour me résigner à ne jamais réussir à laisser s'échapper les maux qui me rongent. James, lui à plus de faciliter, lui qui a refait sa vie. « Je suis heureux… » Alors que je pensais que ça me détruirait, je m'étonne à sourire faiblement à cette déclaration. Malgré tout, je suis heureuse pour lui également. Il mérite le bonheur. « Et toi ? » Mais la question fatidique me piège. Aujourd'hui, je vais de l'avant. Aujourd'hui, je tourne la page. Toutes les pages que j'ai laissé s'accumuler. Je baisse les yeux, croise les bras et serre mes mains au dessus de mes coudes. Je divorce. Ce n'était pas un gars bien de toute façon... murmurais-je, comme si je me parlais en quelques sortes, Le bonheur c'est la prochaine étape si tout ce passe bien... Il serait peut-être temps. Je resserrais mes doigts plus fortement autour de mes avant-bras. Même si la conversation avançait, le précédent sujet ne me quittait pas. Il ne m'avait pas quitté une seule fois en trois ans. Le regard dans le vague, je mis quelques instants avant de réaliser que je m'étais en quelques sortes déconnectée et que nous étions plongés dans un lourd silence. Lorsque je plonge mon regard à nouveau dans le sien, je m'aperçois que James se rapproche. ou bien est-ce mon cerveau qui me joue des tours? Mon corps tout entier frissonne en réalisant que sa main se pose sur mon visage. Je déglutis avec peine et j'ai l'impression d'être figée. Physiquement et émotionnellement. Cette seule pression me calme, atténue les méandres de mes maux et consoler mon cœur meurtris. « Dis le moi Alissa… Ca va aller. Dis moi ce que tu m’as caché. » Je fixe ses yeux, absorbée par ses paroles et je me sens glisser. Glisser vers la confiance, la sérénité. Les effleurements de son pouce sur ma joue m’hypnotisent, me donnant l'impression que mes larmes ne pourront pas y tomber. J'ai comme le sentiment d'être dans un état second. Mes lèvres commencent légèrement à trembler mais le reste de mon corps résiste. D'une pulsion électrique, j'attrape l'autre main de James et me la pose sur le ventre, sans trop savoir pourquoi. Je suis tombée enceinte James... avouai-je enfin, libérée. Contre toute attente, je l'avais annoncé calmement, sereinement, préférant m'imaginer trois ans en arrière faire cette annonce que j'aurais tant voulue. Mais le sursis que m'offre mon imagination est de courte durée, la réalité me rattrape de plein fouet. Je ferme douloureusement les yeux et laisse échapper une larme, ainsi qu'une autre en les rouvrant. Je m'astreins à ces deux seules larmes, me refusant à m’effondrer une fois de plus. Je l'ai su le jour où tu m'as offert Tagada. Je voulais te faire la surprise à ton retour de mission mais je n'ai pas eu le courage... bégayais-je, les lèvres tremblantes, les yeux brûlants des larmes que je contestais à laisser s'échapper. Je jetais un pavé dans la marre d'un point douloureux de notre histoire. Nous n'avions jamais réellement parlé de la mort de Ian tout les deux, nous nous défilions sans cesse. J'aurais bien voulu faire autrement mais ce passage funeste était inévitable. Je resserrais mes doigts chevrotants autour de sa main toujours posé sur mon ventre. Mais j'ai perdu le bébé... me détruisis-je à confesser. Je manquais de m'étouffer en ratant mon inspiration tant ma respiration était rapide et mes sanglots étaient coincés au travers de ma gorge. Je lâchais la main de James et sentais mon bras s'effondrer le long de mon corps. Je... suis... tellement... désolé... saccadai-je, me contenant toujours de laisser éclater mon chagrin, malgré quelques perles de pleurs qui arrivaient à s'immiscer au recoin de mes yeux.
James & Alissa I'd trade all my tomorrows for one single yesterday
P
assé la phase de la colère il était maintenant évident que la tristesse avait pris la place. Tous deux nous excusions à notre tour, comme si ces pales mots avaient le pouvoir de changer quelque chose. Ils ne rattraperaient jamais les mots, les erreurs, le passé, tout ce temps que nous avions laissé filer et qui avait fait de nous des inconnus. « Je sais. Je le sais très bien. » Je voudrais que ces mots soient suffisant pour me convaincre que jamais je n’aurais été aussi cruel que son père mais ça n’est pas le cas. Petit à petit je me rends compte qu’Alissa a eu raison de fuir – que j’ai été bien mauvais d’oser le lui reprocher. Elle a sauvé sa peau, elle c’est refusée à sombrer en même temps que moi et quelque part elle m’a peut-être sauvé aussi. Son départ m’a au moins obligé à bouger, à me faire à manger, à tenter de mettre le nez dehors de ma salle de sport. Parce que le sport avait été mon seul échappatoire à cette époque. Après son départ, j’avais commencé à aller courir dehors, puis faire une deux courses pour tenter de me nourrir. Ca avait pris du temps, comme si je devais réapprendre à vivre. Mes frères et sœur aussi étaient venus à mon secours sans doute apeurés par ma maigreur. Combien de fois j’avais poussé l’effort jusqu’à la limite ? Jusqu’à voir les étoiles et sentir mon corps sur le point de lâcher… De perdre connaissance ? Je ne savais plus où étaient mes limites j’avais juste… Besoin de ressentir quelque chose. Mais il m’a fallu attendre bien des mois encore avant d’avoir l’impression que cette anesthésie générale de mon cœur ne s’estompe un peu. Ma rencontre avec Savannah y avait été pour quelque chose… Plus parce qu’elle avait été au bon endroit au bon moment que parce que je l’aimais. Nous étions deux âmes en deuil et j’ai partagé avec elle ce que je me suis refusé de partager avec Alissa. Aujourd’hui encore je ne sais pas pourquoi…
Il était temps… Que les larmes sortent. Que j’arrête de prétendre que cette séparation ne m’a pas touché. Prétendre que durant ses trop longues années je n’ai jamais pensé à elle, elle ne m’a jamais manqué. Qui je pourrais berner de toute façon ? Aujourd’hui c’est différent. C’est une toute nouvelle vie qui a commencé pour moi il y a quelques mois avec l’arrivée de Mathis et le bonheur qu’il a apporté. Alors, la voire réapparaître c’est comme une effluve d’un passé trop douloureux que j’ai tenté de laisser derrière moi. Quand je la regarde il y a tous ces souvenirs – ceux que nous avons partagé avec Ian et ça fait mal… Et un peu de bien aussi – de m’en souvenir aussi bien. De ne pas l’oublier… Jamais. « Je divorce. Ce n'était pas un gars bien de toute façon... » « Ho… » Je voudrais qu’elle m’en dise plus mais je sens que ce n’est pas ma place de poser ses questions. Et que les réponses pourraient me faire aussi mal qu’à elle. Alors je me tais. « Le bonheur c'est la prochaine étape si tout ce passe bien... Il serait peut-être temps. » Je souris un peu tristement, mon regard se posant sur mon fils. Ca serait peut-être le moment de lui dire la vérité mais elle ne sort pas. Au lieu de ça je me rapproche un peu d’elle à demi pas – comme apeuré dans un premier temps. « Je l’espère pour toi… » C’est sincère, elle mérite le bonheur. J’aurais juste aimé qu’elle le trouve loin de moi et des souvenirs qu’elle fait resurgir en mon antre. « On était heureux tous les deux… N’est ce pas ? Avant… » Ca semble tellement anodin mais j’ai oublié. Ensevelit sous la colère et la haine des années de bonheur… Il me semble du moins c’est comme un vague souvenir ce bonheur que nous avons touché du doigt.
Ma main va se poser sur son visage et c’est comme un électrochoc. Un frisson qui parcourt tout mon corps au souvenir de sa peau. Je sens son odeur qui est à l’identique malgré les années. Tout en moi semble se réveiller. Et ce besoin de vérité aussi. Il est temps de nous libérer des fantômes du passé. Elle prend ma main et la pose sur son ventre et je me sens déjà blêmir. Comme si la révélation à venir était trop grosse pour que j’accepte simplement de l’entendre. « Je suis tombée enceinte James… » « Non…. » Ma main sur son ventre semble me brûler et je voudrais pouvoir l’enlever mais mes mouvements ne me suivent pas ma pensée. Au lieu de ça je vais essuyer la larme qui coule sur la joue d’Alissa du bout du doigt. Je connais déjà l’horrible suite de l’histoire. Celle où ce bébé ne voit jamais le jour. « Je l'ai su le jour où tu m'as offert Tagada. Je voulais te faire la surprise à ton retour de mission mais je n'ai pas eu le courage... » Je sentais à nouveau mes yeux se remplir de larmes. Un nouveau vide se former en moi alors que la réalité prend sens. « Ian était mort… » Evidement qu’elle n’a pas pu me le dire. Je n’étais plus rien – plus personne – que cette coquille vide et détruite. « Mais j'ai perdu le bébé… » Me mordant l’intérieur de la lèvre je lève d’abord les yeux comme pour empêcher l’émotion de me submerger avant de les fermer sentant une certaine colère m’envahir. Je sais que je ne peux pas la laisser sortir – pas maintenant. Pas après lui avoir dit qu’elle pouvait m’en parler mais une partie de moi n’arrive pas à accepter cette vérité. « On aurait pu être parents. » Ma voix tremble douloureusement, et quand sa main quitte la mienne je me sépare de ce ventre qui me donne l’impression que la mort l’habite encore. Cette enfant je l’ai tant voulu avec elle, repoussant le moment parce que ça n’était jamais le bon… Et il est venu au pire de tous. « Je... suis... tellement... désolé... » Je le sais… Moi aussi je le suis. Et énervé et déçu et triste. Tout se mélange en moi mais je ne laisse aucune émotion prendre le dessus. Cette mains qui était sur sa joue glisse dans sa nuque et je l’attire à moi dans un geste tendre. Sa tête vient se nicher vers ma nuque et je la serre contre mon corps. J’ai juste besoin de ce moment, d’oublier le passer pour vivre ce nouveau deuil avec elle cette fois. Sans doute trop tard mais quand même.
Il me semble qu’elle pleure. Je n’en suis pas sûr mes larmes sont silencieux mais bien existantes, roulant le long de mes joues alors que je garde Alissa contre moi. Longtemps… J’ai arrêté de compter. Arrêté d’essayer d’y trouver un sens il n’y en a pas… « Ca n’aurait pas du nous arriver à nous Ali… Je suis désolé… » Je murmure ces quelques mots à son oreille alors que ma main va caresser ses cheveux. « GGAAAH » C’est le cri strident de mon fils qui me sort de ce moment. Je me retourne vers lui alors qu’il est entrain de jouer avec Tagada. J’avais presque oublié leur présence. Séchant en vitesse mes larmes je me sépare d’Alissa sans avoir de mots. « Je vais rentrer… » Je ne sais plus ce que je fais là. Ce que je ressens juste l’impression que je n’ai plus rien à faire ici. Qu’il faut que je parte parce que j’étouffe. Parce que j’ai peur aussi… Je sais que ça n’est sans doute pas le meilleur moment pour sortir. Que mes yeux rougis vont attirer l’attention de ses collègues. Mais j’ai besoin de prendre l’air de sortir de ce bureau et de digérer l’information. C’est trop…
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James & Alissa
Mon passé vient percuter mon présent de plein fouet. Le raz-de-marée qui m'avait submergé il y a quelques années ne m'avait préparé en rien au tsunami auquel je faisais face aujourd'hui. Je pensais que j'en étais sorti plus forte mais ce n'était qu'un leurre, une illusion à laquelle je m'accrochais tant que j'en avais fini par me convaincre de sa véracité quand je ne faisais que me bercer d'histoires... Malgré mes vaines tentatives de me reconstruire, je n'avais au final réussi qu'à me maintenir la tête hors de l'eau sans jamais atteindre le rivage, sans quitter cet océan d'échec et de déconvenues. Il fallait que les choses changent, que je prenne en main. Dans la conversation, je laisse échapper mes résolutions, reflets de mes pensées en rapport à notre conversation, bien que j'aurais pu m'abstenir de partager mes problèmes de maritaux avec mon ex... Pourtant, et je devrais le savoir, James fait preuve d'une extrême gentillesse, comme toujours. « Je l’espère pour toi… » Malgré les circonstances ainsi que les hauts et les bas que nous avons traversés par le passé et un peu plutôt dans l'après-midi, sa bienveillance me réconforte. Les dépressions thermiques sont toujours formées lorsqu'une masse d'air se réchauffe et se détend, contenant ainsi moins d'humidité, ou d'animosité dans notre cas, et devient plus légère et de fait, exerce une faible pression sur le sol. Ces dépressions s'atténuent en altitude et sont surmontées par un anticyclone à l'effet dissipatif, garantissant ainsi du temps sec et ensoleillé. Comme un temps mort, le moment où le temps se calme et s’apaise. Un léger sourire de sa part en fait naître un semblable sur ma triste figure. Perdue, je n'arrive pas à dire s'il s'approche de moi ou si je me l'imagine. Ce serait bien mon genre, me faire un film. « On était heureux tous les deux… N’est ce pas ? Avant… » Stupéfaite, je me surprends à répondre immédiatement, sans prendre le temps de réfléchir ou d'analyser. C'était une providence! Celle qui contribue beaucoup à la fortune ou au bonheur d'autrui ou qui songe pour lui à tout ce qui peut lui être utile ou agréable. Mais ensuite j'analyse. On était... Au passé. A deux, jamais à trois. Avant. Avant... Je m'apprête à craquer, sa main sur mon ventre, je me fissure une dernière fois avant que s'éparpilles chaque morceaux de moi aux quatre vents.
L'anticyclolyse se manifeste, la météo est de nouveau instable. La deuxième vague du tsunami frappe, des fois que quelques choses aient résistées à la première. Remuant le passé et réveillant les vieux démons, j'ai comme l'impression de subir cette fausse couche une deuxième fois. La proximité physique de James me trouble suffisamment pour expier ce cauchemar qui me hante. Cauchemar qui va probablement le dévorer à son tour, je m'en veux à l'avance pour ça mais emportée par un typhon de sentiments qui me dépossède de mes esprits, mon barrage cède. « Non…. » Le déferlement de ces eaux sombres s'abattent et se déversent tout en faisant remonter à la surface tout ce qui gisaient aux tréfonds de notre passé. Des larmes se forment dans le coin des yeux de James, possible prévisions de fortes intempéries. « Ian était mort… » La tempête se lève, l'orage gronde et cela risque de faire des ravages. « On aurait pu être parents. » Cette phrase, cause une expansion explosive de l'air, le contact se rompt entre James et moi, comme si nous étions victime de la foudre. Je fuis, comme à mon habitude, cette fois en lâchant sa main tandis que sa main se retire comme victime de cet éclair. On aurait pu être parents. répétais-je en acquiesçant, incapable de répondre ou d'ajouter quoique se soit. En dépit de tout, sans doute est-il vrai que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit? Sans n'avoir rien vu venir, me voilà amené tout contre James par une secousse d'électricité statique qui me saisit la nuque avant de laisser place à la douce chaleur d'une étreinte. La pluie de mes larmes cesse peu à peu même s'il me faut quelques secondes avant de réaliser ce qu'il vient de se passer. Fermant les yeux, je me laisse envahir par ce sentiment de sécurité et de confort que m'apporte ce moment. Je referme mes bras autour de lui, sachant pertinemment que chaque seconde compte et sont précieuses, je ne sais que trop bien que c'est éphémère mais n'ai aucune idée de la fin du compte-à-rebours qui sonnera à nouveau notre fin. Une éclaircie vient balayer le mauvais temps, appuyé de tous les souvenirs de notre apogée, notre âge d'or. Notre première rencontre, nos jeux d'enfants, nos bêtises d'adolescents, le début de notre histoire d'amour, les balades mains dans la main, les moments de complicités, les éclats de rires et tout les sourires... Tout le mal qui nous a décimés ne sera jamais aussi fort que tout ce que nous avons vécu. Je le réalise maintenant. Tout était encore là, je devais seulement me libérer de toute cette colère et de toute ma peine.
« Ca n’aurait pas du nous arriver à nous Ali… Je suis désolé… » Ce frémissement au creux de mon oreille m'aide à reprendre le sens de la réaliste. Je me sens comme au réveil d'une douce nuit teinté de rêve serein. J'ouvre les yeux, soulagée de voir que je n'ai rien imaginé de tout ça, que tout est bel et bien réel. Il y a tant de choses qui me traverse l'esprit que j'ai bien du mal à faire le trie, me demandant par où commencer... « GGAAAH » Mathis se charge finalement de nous ramener sur terre. Alertés et surpris, chacun fait un pas en arrière, coupant violemment le dernier cordon qui nous relié. Le regard de James change dès qu'un revers de main vient essuyer ses larmes. Il semble tout aussi étourdi que moi. « Je vais rentrer… » Abasourdie, je ne peux qu'assister, impuissante, à un James semblable à la troisième vague du tsunami qui emmène tout sur son passage, poussette, enfant et lui-même, s'engouffrant dans le seuil de la porte qui s'envole face à sa détermination à quitter la pièce. Tagada vient se frotter contre mes jambes pendant que je fixe toujours James qui n'est plus à présent qu'une mince silhouette au fin fond du couloir. Une dernière larme, silencieuse survivante de la précédente tempête, se décide enfin à sortir et dévale sournoisement ma joue encore chaude et empreinte du parfum de l'homme qui s'en va une fois de plus sans que je trouve les mots pour le retenir. Cette larme en cascade fini sa course au niveau de mon menton pour finalement s'écraser au sol, tout comme mon corps qui s’effondre, trop lourd pour lutter contre la pesanteur. Mon esprit est toujours conscient, je suis éveillé, je n'ai juste pas la force de rester debout. Je suis vidée. Pas même la force de continuer de pleurer. Le regard vague et dans le vide, soudainement interpellé par Tagada qui tient un doudou dans sa gueule. Je saisis ce qui vraisemblablement appartient à Mathis, l'agrippe fermement entre mes doigts, comme je l'ai fais avec James il y a encore quelques minutes. De l'autre main, je caresse Tagada. Je vais devoir survivre à ça encore une fois...