Après quelques jours de festival, Lene avait fini par apprendre chaque recoin de la foire et chaque endroit où ça valait le coup de se péter le bide. Est-ce que c’est enfin le moment de s’inquiéter du fait qu’aucun être humain normalement constitué n’aurait pu retenir ce genre d’information en si peu de temps ? Et pourtant, elle pouvait le soutenir, elle avait mangé devant chaque cuisinier ou prestataire présent à cette foire. Ce qui doit donner une bonne idée de l’état de la santé mentale de la jeune femme. Et aussi de celui de son estomac parce que le fait qu’elle ne soit pas présentement en train de rouler par terre pour avancer est très surprenant. Elle avance, toujours avec la même foule autour d’elle. Elle n’aime pas ça, mais depuis le début de l’été et celui de l’évènement, elle a pu s’y habitué et prendre un peu sur pour elle pour avancer sans avoir nécessairement l’envie de pousser toutes les personnes sur son chemin pour pouvoir marcher à sa propre allure. Non, elle patiente, et même quand c’est un fucking gamin qui a décidé de ramasser un caillou trop rigolo qui lui bouche le passage. Magnifique n’est-ce pas ? Oui, Lene devient une bien meilleure personne. De plus, étant donné qu’elle se dirige présentement vers le stand de confiserie, la densité d’enfant grandit au fur et à mesure qu’elle s’approche ne lui laissant donc pas le choix que de se contrôler, parce que bon, un môme au hasard, elle peut faire genre de pas l’avoir vu, mais une armée entière, c’est beaucoup trop. En plus, ça mord ces trucs-là alors elle va faire comme avec les animaux sauvages et se la jouer soft, comme si non, elle ne venait pas perturber leur écosystème. La raison qui la pousse à se rendre à ce stand plutôt qu’à un autre (parce que bon, elle a plus l’âge de se coller des carries) c’est le ticket de tombola qu’elle a acheté la veille à un adolescent e recherche de pigeon. Le pauvre, il lui avait fait tellement de peine à vendre ses tickets pour ce qui était probablement le stand de ses parents qui avait le forcer à gâcher une soirée à bosser pour eux, qu’elle en avait pris dix. Et oui, en plus d’être patiente, elle en devient généreuse. Comme quoi, une grande roue aurait mieux fait de lui tomber sur la gueule beaucoup plus tôt. Le tirage est donné et les numéro tombent. La surprise lui tombe dessus comme la misère sur le monde quand un de ses tickets tombent pour le lot numéro deux aka une peluche de koala affreusement énorme et apparemment remplie de sucrerie en tout genre. Remarque, le premier prix était deux places à Dreamworld, elle relativise vraiment s’emparent du gros animal parce que si elle se pointe à cette foire, il est loin le jour où elle remettre la pied dans un parc d’attraction. Tout cela l’amène à se décider à ramener son gros truc en voiture, et peut-être même à rentrer, faute d’animation intéressante dans l’immédiat. Elle reprend donc son chemin, une traversée rendue bien difficile par la nuée de gosse et son manque de visibilité du à son énorme koala. Elle ne manque pas d’en re-renverser au passage, et là, tant pis la patience, quand elle s’arrête, distinguant de dos une silhouette bien connue vers laquelle elle préfère se diriger plutôt que de se débarasser, ce qui est bête parce que maintenant qu’elle sait qu’il est là, elle pourrait juste partir et revenir et l’appeler si au cas où il a changé de place. « Gauthier ? » dit-elle en prenant une voix qui n’est pas la sienne, caché derrière l’énorme peluche pour faire mine que c’est lui qui parle. « Je suis ton nouveau meilleur ami. » s’écrie t-elle, avant de montrer son visage quelques secondes après, la blague est drôle mais si elle l’a fait durer, elle aurait trop peur de se prendre un coup. « Enfin, ça va ? Qu’est ce que tu fais là ? » demande t-elle en s’inscrustant à ses côtés pour découvrir des enfants sur des poney, pas vraiment le genre de spectacle où elle aurait imaginé sa présence (en même temps, quand t’es pas parents, surveiller un kid, ça veut pas dire que tu une bonne personne). « Oh ? J’espère que y’en a un qui est à toi parce que là tout d’suite, ça fait un peu pédo que tu sois en train d’surveiller des mômes. » fait-elle remarquer, bon elle sait, y’a un truc parfaitement logique qui explique qu’il soit là.

Elle a parfaitement conscience d’attirer l’attention avec ce truc, elle est même presque sûre d’avoir entendu deux ou trois gamins dirent à leur parents qu’ils voudraient le même, et si Lene n’était pas du genre à garder ce qui lui appartient peu importe l’utilité de l’objet, elle l’aurait sûrement balancer au milieu des enfants pour les voir se disputer sa peluche. Mais non, elle l’avait gagné, il était hors de question qu’elle la refile quand même que ça donnerait un spectacle intéressant (pour elle, pas pour les parents donc les enfants s’entretueraient) Au lieu de ça, elle se contente de faire si une blague – si tenté qu’on puisse appeler ça une blague parce qu’il faudrait que ce soit drôle – à Gauthier.  « Bonjour Lene. » Plutôt sec. Elle hausse un sourcil. Elle sait qu’elle n’est pas drôle, mais elle l’a connu plus déridé. Elle suit son regard vers les enfants assis droit sur leur poney. C’est une surprise pour elle, ce n’est pas le genre d’endroit où elle aurait imaginé le trouver et elle aurait pensé que s’il avait eu un môme, il lui aurait dit ou il y’aurait au moins eu un indice dans leurs précédentes conversations. Mais non, rien. Elle ne se laisse pas abattre pour autant. Elle lance une dernière plaisanterie, au moins pour savoir si c’est le jour. « Je suis conscient d’avoir pu te donner l’impression de les aime plus jeunes. » Un sourire se trace sur son visage en pensant à eux. « Mais tout de même. » Elle ricane un peu. C’est bien, il n’a pas perdu cette étincelle d’humour qui commence lentement mais sûrement à apparaître (enfin, faudra sûrement des années pour que ça évolue vraiment) « Si tu je te dis qu’il y a un Hazard-Perry dans le tas, tu devines ? » Parmi les petites poney là ? Elle ouvre grand les yeux. Non, elle devine pas. Elle est terrible en physionomie, surtout celle d’enfant. « Euh non, mais je pense pouvoir éliminer le petit roux de la liste, il est pas gracieux. » Comme tous les roux, cela dit. Propos dont elle devrait avoir honte, mais après un bref coup d’œil autour d’elle pour s’assurer que les parents de la merveille aux cheveux de feu ne soient pas là à l’avoir entendu, toute culpabilité s’évanouie. « C’est mon neveu Oliver. Et toi qu’est ce que tu fais avec… ce truc ? » « Je l’ai gagné ! » annonce t-elle fièrement avant de raviser son expression, il se doute bien que c’est pas le genre de prix après lequel elle courrerait. « C’est pas pour les mômes ce genre de choses ? » « J’ai acheté des billets l’autre jour à un gosse qui me faisait de la peine et j’ai eu ça à la tombola. Y’a des bonbons dedans. » précise t-elle comme si c’était quelque chose d’extraordinaire. Elle finit par hausser les épaules. « Mais bon, c’est bientôt l’anniversaire de mon petit frère, je lui offrirais au pire. » Oui, parce que si elle pouvait courir après un steack, elle avait passer l’âge des bonbons. « Et donc, c’est celui de qui ? Charlie ? Je ne savais pas que tu avais un neveu » Elle demande, curieuse. Après tout, c’est bien la première fois qu’elle apprend un truc un peu privé.

Les enfants sont tous les mêmes pour elle, elle n’arrive qu’à différencier les beaux des moches, le reste importe peu à ses yeux tellement peu à ses yeux. De toute manière, à quoi ça sert de retenir leur faciès ? ça grandit ces trucs-là, inutile de les relever tant que c’est pas adulte. Donc non, elle ne reconnait pas le neveu de Gauthier, mais elle s’évite tout remarque quant à ses opinions. « Le petit brun là. » Elle lève les yeux pour observer le gamin un instant avant d’acquiescer. Elle ignorait qu’il avait un neveu, mais en même temps, ça explique son côté papa poule qu’il n’avait pas quelques années auparavant. Il finit tout de même par l’interroger sur sa présence là, enfin plutôt celle de la grosse peluche qu’elle tient dans les bras. Elle lui explique, mêlant un simulie de joie et un brin de blasitude dans sa réponse. Elle ne sait pas vraiment si ce truc est un cadeau, mais à regarder autour d’elle il fait envie. « Oh wouah… » fait-il avant qu’elle ne lui fasse part du projet d’offrir cette horrible chose à Simon, son frère. Pas sûr qu’il apprécie plus qu’elle, mais Lene ne rate jamais l’occasion de taquiner le garçon alors le jour de son anniversaire, il aura droit à la totale. « Tes frères et soeurs ne sont pas adultes ? » Question très pertinente. « Sisi » dit-elle pour lui enlever le doute. « Simon aura vingt et un ans ce mois-ci, mais c’est pas grave, c’est mon privilège de grande sœur de lui faire des cadeaux de merde. » Enfin, ce sera sûrement la première de toute sa vie qu’il recevra quelque chose de sa part, bien qu’à y penser elle ne soit pas plus sûre que Tony ou Eva se préoccupe de ça. « J’espère qu’il a un bon dentiste en tout cas. » « ça, c’est son problème » Elle entend un parent derrière râler, probablement parce que le mot en m- a été prononcé. Elle lève les yeux au ciel, à quoi bon se retenir de jurer devant des gosses ? On sait tous qu’adulte, ils les utiliseront quand même. Elle ne relève pas et décide de s’intéresser au petit Olliver, du moins à sa filiation. L’idée qu’il soit de Charlie, le frère de Gauthier, lui paraît plutôt comique, en espérant que le petit ait plus de retenu que lui à rappeler d’où il tient son code génétique. « Non dieu soit loué, Charlie n’a pas encore procréé. » répond Gauthier faisant rire Lene, si seulement elle pouvait dire la même chose de son propre frère. . « C’est le fils de ma jeune soeur Théodora. » Elle acquiesce. « Je ne crois pas que tu la connaisses. » « Nope. Mais tu parles d’elle parfois. » Elle hausse les épaules, avant de se corriger. « Enfin, tu l’as déjà mentionné. » Elle précise, parce qu’elle ne voudrait pas avoir l’air de trop en savoir alors que ça n’est pas le cas. Si elle a retenu l’existence de Charlie, c’est pour une raison bien particulière. « Tu es accompagné ? Oliver en a pour une heure et demi à peu près donc je pense rester dans le coin. » « Nope, louve solitaire, comme toujours. » dit-elle malgré la présence de l’animal en peluche qui compense bien la présence d’un être humain. « Tu veux qu’on aille manger un morceau ? Enfin, si c’est okay de laisser ton neveu ici tout seul. » Bon, à voir les gosses qui sont bien plus occupés à s’balader sur les poney qu’à sourire à leur parent pour les photos, elle se dit que le petit ne devrait pas paniquer, mais elle demande, au cas où. « Par contre avec ce truc là… Ca ne va pas être possible. » Il pointe le koala du doigt. « Pourquoi ? Je vais pas le laisser là alors que je l’ai gagné. Tu t’balades avec un enfant, personne ne va rien dire si j’garde ma peluche. » En soi, elle se fiche de la peluche, mais elle l’a payée et gagnée, elle est trop matérialiste pour s’en débarasser

Privilège de grande sœur, c’est vite quand on sait qu’il y’a jusqu’à quelques mois, Lene n’avait pas revu Simon depuis qu’il était encore qu’un petit garçon. Mais ça, elle se garde de le raconter, ça n’a rien à faire là. Elle doit juste trouver un truc à faire de cette peluche, elle sait qu’au pire, Simon fera mine d’être contente et la filera à Rose. « C’est une façon bien particulière de voir ton rôle de grande sœur. » Parce qu’elle prend un peu son frère comme une poubelle à cadeau pourri ? Sûrement. « Tu sais, je pourrais lui offrir un caillou que je resterais sa préférée des deux alors, je ne fais pas d’effort. » Elle hausse les épaules. A vrai dire, elle n’en fait pas parce qu’elle n’aime pas en faire et que ça ne serait pas la manière la plus honnête de lui apprendre à la connaître. Elle finit tout d’même par se retenir de glisser d’autres mots d’oiseaux dans ses affirmations. Elle se pince les lèvres d’agacement, clairement, parce qu’elle n’aime pas ce qu’elle entend derrière elle, mais elle ne veut pas non plus laisser agir son comportement parfois un peu trop sanguin et se risquer à répondre en étant cette fois, très très vulgaire. Ça ne la servirait pas, alors elle ne dit rien, en revanche Gauthier lui réagit, d’une manière qu’elle trouve incroyablement adulte. « C’est une conversation privé. » God, elle aimerait tellement avoir la capacité de faire taire les gens comme ça, d’une simple remarque mais l’envie de gros mot est là, et Lene n’a pas la maturité nécessaire pour gérer ces situations sans crier et jurer de la manière la plus outrageante qui soit. Elle n’ajoute rien, se retenant même de lui faire remarquer qu’il fait vraiment papa. Elle finit par lui poser quelques questions sur le petit, sa famille, mais rien d’intrusif, juste un peu de curiosité qui si elle l’avait dérangé, elle sait très bien qu’il l’aurait fait savoir. Après lui avoir demandé si elle était seule, et stipulé qu’il avait l’heure devant lui, elle lui proposer d’aller manger un morceau. Elle préfère juste s’assurer qu’il est à l’aise à l’idée de laisser son neveu ici, avec des inconnus. Personnellement, elle s’en ficherait, mais ce côté papa protecteur ne doit pas venir de nulle part et elle préfère savoir si c’est correct pour lui de laisser le petit là. « Pas de problème, de toute façon ils vont partir faire un tour - et à trois accompagnateurs pour à peine six gamins ils seraient bien incapable s’ils venaient à en perdre un. » En effet. Pourtant, elle peut voir dans son regard qu’il pense tout l’contraire, elle n’en parle pas, ça l’arrange de ne pas avoir à rester là trop longtemps. Seulement, il reste une petite condition, celle de laisser le koala là, elle n’aurait juste pas pensé qu’une simple peluche puisse réveiller son côté un peu coincé. Elle soupire intérieurement en s’disant que pourtant, il était en net progrès de ce côté-là. Elle n’a aucune envie de laisser son lot derrière elle. « T’es sérieuse là ? Tu compares un enfant à cet atrocité ? » En quelque sorte, oui. Atrocité, il y va un peu fort. Elle n’est pas dingue de peluche, mais elle en avait vu des biens pires. « C’est tout aussi encombrant. Au moins, ce truc ne parle pas ! » réplique t’elle un peu piquée, elle ne pensait qu’il suffisait d’un si petit truc pour qu’il ait aussi vite honte d’elle. « Ma voiture n’est pas garée trop loin. » ajoute t-il, sans poursuivre le débat, ce qui est sûrement le plus sage avec elle. « On peut aller le mettre à l’intérieur et tu le récupéreras après. Une fois fait je te suis où tu veux. Tu connais les lieux mieux que moi sans aucun doute. » Elle prend le temps de réfléchir à son offre avant d’ajouter, un peu boudeuse quand même « J’irais le mettre dans mon taxi, je suis garée ici moi aussi, et ça m’évitera un détour plus tard. » répond t-elle tout en remettant en place les rubans qui ornait la peluche avec plus ou moins de succès, elle avait jamais compris comment enrubanner ces trucs-là. « tu veux lui dire que tu t’en vas ou c’est bon ? » ajoute-t-elle en montrant Olliver du regard, des fois que le petit prenne peur ou elle ne sait pas trop. Ceci réglé, elle fait les quelques pas pour se sortir de l’attroupement de parent avant de prendre la direction du parking. « Je ne me suis pas garée loin de toute façon. Tu sais ce que tu auras envie de manger ? Je t’invite. »

« Et bien, l’ambiance familiale doit être au top. » Et bien, il ne croit pas si bien dire. Lene réprime tout commentaire et sarcasme, mais à sa façon de le faire, on voit très bien qu’il a mis le doigt sur quelque chose d’important. Elle finit par se racler la gorge pour changer de sujet, après tout, elle n’a eu aucun aperçu de l’ambiance familiale depuis sept ans, peut-être qu’aujourd’hui, ils tiennent le tableau idyllique que ses parents ont toujours tenu à afficher aux yeux du monde. Pour ce qui la concerne, ses relations avec ses frères et sœurs sont chaotiques, sauf peut-être avec Simon, avec qui la réserve est de rigueur. Parlant de Simon, son futur cadeau d’anniversaire commence à être source de discorde entre elle et Gauthier, qui ne semble pas ravi de s’afficher en public avec ce gros machin trop près de lui, ce qui est assez pour légèrement agacer Lene, qui jusqu’à preuve du contraire, ne lui a encore rien demandé. « Tu n’as rencontré que des enfants obèses est incapables de marcher ? Parce que je ne sais pas pour les autres mais Oliver lui sait utiliser ses jambes. » « Non, mais par contre, j’avais jamais rencontré de mec aussi borné et effrayé à l’idée de se balader à côté d’une peluche. Je ne t’ai pas demandé de la porter à ce que je sache ! » Voilà qui était une belle façon de commencer cet après-midi. Il finit tout d’même par calmer le jeu en proposant d’aller jusqu’au parking ranger cette horreur. Il n’a pas tort, Lene serait mieux dégager de ce truc, mais la façon de faire de Gauthier ne lui plait pas et plutôt que d’éviter un énième encombrement, elle répond qu’elle ira jusqu’à son taxi. Elle s’assure juste qu’il est prêt à la suivre. « Non c’est un grand garçon, et je lui ai dit que j’irais faire un tour de toute façon. » « Okay. » dit-elle en haussant les épaules et en prenant sa peluche dans ses bras avant de commencer à marcher vers le parking, Gauthier à ses côtés. Magnanime, parce qu’elle n’est pas non plus du genre à bouder cent-sept ans pour rien, elle lui demande ce qu’il souhaite manger et se propose à l’inviter, parce qu’elle ne veut pas lui donner l’occasion de le faire et passer pour la pauvre de service. « Très honnêtement… A première vu je préférais ne pas toucher à la nourriture de ces stands. » Elle a le droit de lever les yeux au ciel ? Okay, elle sait qu’il sait être coincé, mais tout d’même, on ne va pas dans ce genre d’endroit si c’est pour avoir de tels à priori. « Est-ce qu’il y a un truc qui ne baigne pas dans la sauce ou l’huile ? » Elle ne peut retenir son regard, avant de lancer d’une manière sensée lui sous-entendre qu’il abuse. « Y’a des bonbons. » « Je demande… On ne sait jamais. » Il n’est peut-être pas obligé de le faire de cette manière. Lene a presque l’impression d’être en train de traîner avec sa sœur aînée, exactement le même chichi à l’idée de manger avec les doigts. « Ils ne font pas une broche ou quelque chose comme ça ? » « J’en sais rien, on ira voir. » Ou bien, elle essaiera de le perdre dans la foule. Elle commence à se demander si c’est d’avoir les deux pieds sur terre qui le rend aussi pinailleur. « Tu sais quoi ? Étonne-moi ! J’ai dit que je te suivrais si tu te débarrasses de ce truc, alors je le ferais. » Ils arrivent devant son taxi, le coffre grince quand elle l’ouvre. Des cadavres d’emballage de malbouffe donnent un assez bel aperçu de l’alimentation de Lene. « Tu sais ? J’ai l’impression que la seule façon de te surprendre dans le bon sens, ce serait de t’amener dans un restaurant gastronomique pour qu’on te serve des carottes montées en tour Eiffel. » Elle referme le coffre, violemment (parce que sinon, ça ne marche pas) Avant d’admettre un peu plus calme. « Moi, j’aime bien cette ambiance festival et c’est pas agréable d’y être si tu t’plains. » Elle s’adosse à la voiture, par certaine de vouloir repartir si c’est pour l’entendre bouder. « Je t’aurais proposé d’aller là où y’a le barbecue, mais si l’idée de manger un truc plein de sauce avec les doigts te déplait autant, j’en vois pas l’intérêt. » Piquée par ses propos ? Oui, elle l’est.

Le ton monte d’une façon que Lene devrait apprendre à maîtriser. Evidemment, l’utilisation du verbe devoir n’implique pas qu’elle le fasse. Certes, ce truc est moche, embarrassant, lourd et plus gros qu’elle, mais elle a du mal avec l’idée d’ultimatum, de la condition à le laisser de côté, même si Gauthier finit par visiblement avoir gain de cause. « J’aimerais pouvoir voir ton jolie minois quand je me balade avec toi. » dit-il en désamorçant la bombe que la jeune femme aurait pu être, à croire que le peu de leur échange avait fini par amener Gauthier à connaitre quelques petits trucs au sujet de la jeune femme, comme le fait que la flatterie marche très très bien sur elle. La fierté Adams on dira. Elle ne met pas longtemps avant d’accepter de laisser la peluche de côté, et d’aller la mettre dans son taxi afin de passer l’après-midi plus librement. Ça la tuerait de l’admettre après avoir pris position, mais Gauthier a très sûrement raison. Peut-être un peu aussi pour se donner meilleure conscience, elle décide de l’inviter. Par fierté, aussi. Mais Lene a ses raisons que la raisons ignore. Le regret de l’avoir fait s’installe malgré tout très rapidement dès que Gauthier en vient à se plaindre du programme qu’elle avait proposé, en soulignant le côté très peu diététique de ce qu’il se trouve sur les stands. Peut-être que c’est dit simplement, pour plaisanter, mais consciente qu’il ne s’agit pas là d’un trait de caractère du garçon, elle le prend pour de la moquerie, et un peu pour elle. Sans vouloir non plus passer la journée à bouder, elle se décide à crever l’abcès aussitôt le koala mis au coffre. Après tout, s’il n’a pas envie de sortir avec elle, elle ne va pas le forcer. « Très bien, je ne compte pas forcer ma présence si elle t’est désagréable. Je ne suis pas adepte de ce type de nourriture et je ne m’en excuserais pas pour te plaire. » Et maintenant, elle le trouve susceptible. Pourtant, si elle avait voulu le vexer, elle s’y serait prise d’une autre manière. Un léger froid s’installe, Lene n’a pas spécialement envie de se prendre la tête pour ce type de raison, et forcément sa franchise l’a encore braqué. Elle soupire en pensant au trop d’sensibilité de l’humanité. Ça l’exaspère. « Très honnêtement non de prime abord ça ne me tente pas. J’avais espéré que tu puisses me le vendre mais de toute évidence tu n’es pas dans cet état d’esprit. » Non, mais en même temps, ça n’a jamais été le genre de Lene à forcer qui que ce soit à faire quelque chose qu’il n’aime pas, donc elle n’aurait jamais pensé à avoir à argumenter sur un barbecue. « Je ne sais pas si c’est cette histoire de peluche qui te froisse. » Peut-être que, l’agacement de Lene a commencé là en effet. « Si ça te fait plaisir d’aller manger ne te gêne pas pour moi. Je n’ai pas faim de toute façon. » dit-il en commençant à repartir vers le lieux du festival, à nouveau, Lene soupire à l’idée de devoir presque lui courir après. Sa fierté en prend un coup. « Attends ! » Elle l’appelle, avant de revenir vers lui en marchant vite pour combler son avance. « C’est pas ta présence qui m’est désagréable, c’est juste que je ne vois pas l’intérêt de te vendre quelque chose que tu n’aimes pas, et j’ai pas non plus envie de passer une heure à t’entendre te plaindre de quelque chose que tu n’aimes pas. Je préfère juste avoir l’honnêteté de te le dire. » Elle se justifie, difficilement parce qu’en temps normal, elle n’est pas du genre à le faire, les égos de princesse ne font absolument pas partie de ses passetemps. « J’aime bien passer du temps avec toi, donc je te le propose, mais si c’est trop compliqué, et bien tant pis. » Après tout, les passions communes ne font partout. « C’est quand même vachement plus facile quand on a pas les pieds sur terre. » dit-elle en soupirant, c’est vrai qu’ils n’avaient jamais parlé aussi longtemps sans être sur un bateau.

Elle se sent pas mal prise au piège, mise au pied du mur. Elle observe Gauthier qui s’éloigne et sans trop en faire un foin, elle se rend compte qu’elle se sent vraiment embêtée par ce départ qu’elle ne souhaitait pas. Certes, elle avait eu des mots et des qui ne sont pas très plaisant à entendre, mais elle ne les avait pas prononcé pour être méchante, autrement elle ne se sentirait pas aussi coupable. Pendant les quelques secondes qui sépare le départ de Gauthier de celui où elle l’interpelle, une sorte de lutte mentale se fait à l’intérieur d’elle entre sa fierté qui préfère ne pas tenter de s’excuser et se fier à l’adage qu’on est mieux seul que mal accompagné, et son envie d’aller vers lui et au moins rattraper les choses car après tout, elle n’a jamais eu de mauvais moment en sa présence, pourquoi cela changerait-il ? Son envie l’emporte, bien qu’une fois face à lui, elle ne se montre pas des plus loquace ou pertinente. Elle essaie de temporiser et de se calmer dans ses paroles, ce qui ne la fout pas hyper à l’aise mais elle peut observer à la mine de Gauthier qu’elle n’a pas l’air de s’orienter sur le mauvais chemin. On va dire que c’est déjà ça. « Je ne crois pas que ça soit si compliqué. » fait-il remarqué, elle se retient de rebondir de manière négative. Pour elle si, c’est clairement compliqué s’il n’aime déjà pas être là et que rien de ce qu’elle peut proposer ne l’intéresse vraiment. Mais, elle l’a déjà dit, et préfère se concentrer à passer à autre chose. Elle lâche tout d’même la réflexion qu’entre eux, les choses sont bien plus facile quand ils ont un intérêt commun, comme lorsqu’ils naviguent. Probablement que sur terre, ils ont besoin d’ajustement. « C’est vrai, je n’avais jamais été confronté à ta fascination pour les grosses peluches en mer. » Elle esquisse un sourire. Elle ne va pas lui dire que, c’est surtout que sur le moment, elle s’est braqué par impression qu’il pouvait honte d’elle qu’elle ait ce truc dans les bras. Tant pis, désormais à jamais, il l’a verra comme une de ces cruches qui tient absolument à attraper une peluche Simba à la pêche au canard. « Bon tu m’y emmènes à ce barbecue ? Il se trouve que malgré tout j’aime la viande alors je devrais pouvoir y trouver mon bonheur. » Elle le fixe un instant, le temps de voir si l’incident est bien clos ou non, et se risque à demander. « Tu es sûr ? » Parce que si c’est pour faire une tête de six pieds de long une fois entouré de tout un tas de personne mangeant de façon plus ou moins distinguée, elle préfère cent fois trouver autre chose. « C’est parti pour un barbecue alors ! Je suis sûre que tu ne regretteras pas ! » dit-elle en reprenant la route vers le festival, de bien meilleure humeur qu’il y’a dix minutes. L’opportunité de se nourrir sûrement. « Dis moi Lene, qu’est ce qui te plait dans ce type de festival, mis à part la nourriture de toute évidence. » Elle ralentit sa marche soudainement, c’est une très bonne question. Il est vrai qu’hormis la nourriture, n’importe qui connaissant la jeune femme pourrait se poser la question de ce qu’elle viendrait faire là. C’est plein de gens, d’enfants, deux choses qu’elle déteste. Elle hausse les épaules, sans trop savoir comment répondre. « Je ne sais pas trop, c’est vrai que, manger est vraiment ma principale raison de venir, mais bon, j’aime bien traîner par là, ça me fait sortir et puis, il y’a tout un tas de jeu ou de concours où je eux tenter de gagner des trucs et j’adoore gagner. » explique t’elle en insistant bien sur le fait qu’elle apprécie vraiment de s’en sortir victorieuse. « De plus, on y fait parfois des rencontres surprises. » ajoute t-elle en le regardant, même si bon, la surprise commence à être de moins en moins au rendez vous. « Et toi ? Qu’est ce qui te déplait tant ? T’as pas l’impression que, parce qu’il y’a tellement de monde, tu peux plus facilement te laisser aller à faire des trucs que tu n’oserais pas en temps normal ? Je sais que, y’a dix ans, ça aurait pas été mon genre d’aller dans ce type de festival, et pourtant je me sens beaucoup plus épanouie depuis que j’ai arrêté de réfléchir à la beauferie de certaines occupations. »

Elle n’est pas peu fière de ce qu’elle vient de faire. Elle se doute bien que Gauthier prend tout autant sur lui qu’elle ne prend sur elle, mais il reste que les tensions ont l’air plus apaisées et qu’elle se dit que c’est un peu grâce à elle et qu’elle est parfois capable de faire preuve de diplomatie. Pour Lene qui tente d’avoir un bien meilleur karma, c’est une petite victoire. Les choses revenues calmes, elle marche à ses côtés tranquillement jusqu’à revenir au festival en lui expliquant ce qui lui plait tant dans ces endroits, chose plutôt difficile parce qu’elle-même ne sait pas vraiment. Le fait qu’elle aime ces endroits emplis de populace jure avec son aversion pour l’humanité. « Et bien on ira jouer et te faire gagner. Et moi aussi parce que j’aime ça. » « Oh oui » dit-elle en manifestant un brin de joie. « Peut-être même qu’on pourrait tenter le concours de lancer d’poids ? T’es plutôt fort et ça me permettrait de gagner une révision de mes amortisseur chez Mécanor, vu que le patron a l’air d’être le seul géni à savoir fixer mon taxi, ça m’arrange. » Bon, après, elle lance l’idée un peu au hasard. « Et qui sait, je pourrais peut-être gagner quelque chose pour mon propre petit frère. » lance t-il à son tour, la faisant éclater de rire sur le moment, elle n’imagine pas du tout Charlie s’embarrasser d’une peluche, quand bien même qu’elle ne l’ait pas vu depuis un certain nombre d’année. « Je pense que tu ferais mieux de le donner à ton neveu si ça arrive, il a plus de chance d’apprécier ce genre de cadeau. Mais d’ailleurs, comment va Charlie, toujours aussi handsome ? » Après tout, elle sait qu’il n’a pas encore repeuplé la planète, toujours est-il qu’elle n’en sait pas plus. Elle finit malgré tout par lui retourner sa question, et tenter de savoir ce qui gêne tant Gauthier dans ce genre d’endroit. Bon, elle a compris qu’il y’a le côté bourge qui le rend pinailleur, mais tout d’même, si elle comprend cette aversion chez quelqu’un comme Eva, Gauthier lui semble être d’un autre genre. « Si je ne fais pas les choses ce n’est pas parce que je n’ose pas, mais parce que je n’en ai pas envie. » est-ce que c’est vraiment aussi simple que ça ? Lene hausse les épaules à ses explications, pas vraiment convaincue, mais c’est vrai que si on retire le pétage de bide, elle-même n’aurait pas plus envie que cela de traîner dans ce genre d’endroit. L’idée de lui demander ce qu’il a envie de faire la taraude, mais elle pense déjà connaître la réponse et puis, elle n’ose pas. Elle a été comme ça elle aussi. Puis, on lui a coupé les vivres et elle a du s’ajuster tout en découvrant que le commun des mortels n’est pas si mal et qu’elle peut avoir envie de faire ce genre de choses qui représente pas vraiment d’intérêt. « Et ça te rend plus… heureuse ? » « D’avoir arrêté de penser à l’image que je renvoie ou si ce que je fais puisse être dommageable ? » Lui demande t-elle pour préciser sa question. « Je pense oui. Disons que, ça a rendu les choses différentes. » « C’est ce même nombre de personnes qui me fait en premier lieu éviter l’endroit. » dit-il lorsqu’ils en arrivent à se re-mélanger à la foule. « Je suis plus un adepte du silence et de la solitude. » Elle le savait ça, difficile à croire qu’elle aussi, par moment. « Sauf quelques exceptions. » Elle lui répond d’un sourire, certaine qu’il parle d’elle. « Moi aussi, mais au milieu d’une foule, j’arrive à me sentir seule. C’est bête mais parfois le son est tellement fort autour de toi, que t’entend rien. Je ne suis pas dérangée. » explique t-elle avant de conclure, histoire de ne pas lancer un débat plein de philosophie. « Mais je vois ce que tu veux dire. » Yup, totalement. Après quelque pas, ils finissent par passer devant une tente, qu’elle s’empresse de pointer du doigts. « Oh ! si tu veux, tout à l’heure on peut aller là aussi, ils montrent de court-métrage et y’en a un de Bob Thomas, qui est plutôt cool. Je sais pas si tu connais, c’est un réalisateur plutôt brillant. »