Ce serait un euphémisme que dire que les choses avaient dégénéré.

Les cris du gamin se faisant dévorer vivant résonnaient encore dans ses oreilles bien après qu'il se soit tu, transformé en lambeaux par la créature. Des morceaux d'organes ont été projetés un peu partout et surtout l'odeur de sang, plus forte que la puanteur ambiante, est abominable. Si c’est ça le sort qui les attends, elle préfèrerait encore qu’on l’exécute avant, qu’on lui épargne d’avoir à passer par là, de se faire éviscérer et manger. Maigre consolation, elle n'est pas la seule à rendre son petit-déjeuner. Ou plutôt, l'absence de petit-déjeuner… Trois compagnons arrivent ensuite à se libérer et c’est une étincelle d’espoir qui surgit pour aussitôt finir par mourir lorsqu’ils se font à leur tour attraper par les monstres. Irene a les yeux brouillés de larmes, les traits du visage tirés et résolument pessimistes. Ils vont crever ici et finir en buffet pour zombie ou pire, eux-mêmes peut être transformés en mort vivant. C’est alors que résonne le même tintement que tout à l’heure, l’obsessionnel cliquetis. Les clés. Irene avait cru que leur libération s’était fait la malle en même temps que les premiers libérés, mais visiblement, ce petit groupe a plus de ressources que prévu.

C’est la blonde de tout à l’heure, Azur, qui est désormais en charge, se libérant du même coup que Charlie. « Hé, par ici les clés », murmure Irene, chaque muscle dans son corps soudainement tendu malgré la fatigue, la seule idée de liberté décuplant ses forces. La Lady se contorsionne, tendant maladroitement ses poignets encore entravés dans la direction de ses voisins. Elle sait qu’ils doivent se montrer encore plus prudents qu’avant ; personne ne veut subir d’autres pertes. Ils ne sont plus très nombreux, et plus les victimes sont nombreuses, moins leurs chances d’en ressortir vivant seront grandes. Enfin, les poids des chaînes tombent et libèrent enfin ses mouvements. La douleur la paralyse un peu, et Irene tente de masser ses poignets sans aggraver leur état.

Et puis Azur suggère d'aller chercher des armes. Mais quelles armes ? « Bonne idée... mais je ne suis pas sûre que cela suffise. » Dans ses affaires à elle en tous cas, il n'y a rien qui fasse tilt, pas de quoi fabriquer un cocktail molotov, pas de fusil, même pas une hache. « Il faut qu'on récupère les autres, » continue-t-elle a voix basse. « S'ils sont avec elle c'est peut-être notre seule chance. Mais il nous faut une diversion efficace, cette fois. » Il n'y a aucun reproche dans son ton, c'est plus un constat engendré par la lassitude. Il ne faut pas qu'ils se mettent en danger, mais plutôt qu'ils créent la panique dans le camp adverse. « Un départ de feu, simuler une autre attaque, n'importe quoi. »

Ce ne sont que des pistes lancées en l'air. Irene n'est pas spécialement une bonne stratège, elle veut juste réussir leur mission et s'en aller, oublier ce cauchemar si elle le peut. Mais ils ne sont pas arrivés aussi loin au prix de tous ces sacrifices pour repartir bredouilles.

Comme trainés dans la boue, Ariane, Ed et Nino se retrouvent embarqués, sortie de la tente des prisonniers pour être entrainé on ne sait où. C’était bien la peine de réussir à se débarrasser de leurs chaine si c’est pour finir comme le jeune Clément l’avait été sous leur yeux. Si ça se trouve, ils allaient être livrés là, tels de vulgaires bouts de viande, servis sur un plateau d’argent. Qui allait être mangé en premier ? Nino ne dit pas un mot, observant ce qu’il se passe autour d’eux, peu de temps pour réagir ou agir et aussi peu de moyen de le faire. C’est là qu’arriva cette nana, une grande brune, cheveux long. Nino n’avait aucune idée de qui il s’agissait, mais elle avait clairement rien à voir avec tous les autres. « Je me demande à quelle sauce elle va nous gober. » Il se tourna vers Ariane. Il savait, en voyant son regard qu’elle savait à qui elle avait à faire. Nino se souvenait alors que s’ils étaient tous ici, c’était bien pour une raison. Pour une certaine mission. Il ne s’y était jamais trop intéressé. Il ne faisait pas partie de ceux qui s’étaient porté volontaires pour venir sauver le monde. Non, lui avait seulement croisé leur route et parce qu’il connaissait Duncan, il avait pu rester avec eux. Il n’avait jamais eu le projet de sauver l’humanité, la seule personne qu’il voulait sauver, c’était bien lui. Et voilà où il en était maintenant… « C’est qui celle-là ? » il avait l’impression qu’Ariane était bien contente d’être devant elle.
Un zombi arriva derrière eux et mis des coups de fusils derrière leur genoux pour les faire tomber à terre. « Putain, l’enfoiré ! » jura Nino une fois que ses genoux touchèrent le sol. « C’est quoi le plan maintenant ? J’ai pas l’intention de crever ici ! » Quitte à choisir, il laisserait bien les deux autres passer devant lui. Ca pourrait faire diversion le temps qu’il se barre, si c’est possible…

Un trio, une belle brochette, de quoi faire saliver les zombies qui se déploient autour de nous et la cause de tous nos soucis qui nous regarde presque en souriant avec sa mâchoire disloquée. Bambi-Crystal se trouve devant nous, et elle semble particulièrement intéressée. J’ignore si le stade zombie retire toute faculté intelligente et si elle a juste l’air d’une conne comme ça avec son air prêt à prendre un selfie à tous moments, ou si elle nous joue la comédie pour nous faire flipper encore un peu plus. « C’est à cause d'elle qu'on est là, dude. » Nino qui joue à l’amnésique, ou qui alors était pas du tout conscient que depuis 6 mois ce qui déferlait sur nous était causé par la grande brune aux jambes interminables - et couvertes d’hématomes - qui lorgne sur nous. Et un coup derrière les genoux plus tard, semblerait-il que ce soit mal vu de la défier en restant droit, faut qu’on se prosterne maintenant. Je retiens un rire devant le juron du jeune homme, parce que j’en ai des tous aussi peu gentils et colorés qui me passent par la tête d’avoir été trop conne pour croire qu’on aurait des chances, même futiles de s’en sortir. Ils avaient dû nous mettre sur cette mission pour éradiquer les plus chiants du campement, et voilà qu’on avait tiré le golden ticket. « J’ai ça. » et là, je jure que je fais tout en subtilité, le plus discrètement possible, m’assurant d’avoir l’attention uniquement de Nino et de personne d’autre, lorsque j'exhibe un éclat du pieu où on était attachés quelques minutes plus tôt. C’est rien de grandiose, mais ça pourra toujours ralentir un zombie ou deux, leur crever les yeux, leur trancher la gorge si je parfais ma technique Buffy Summers. Nino sait aussi bien que moi que ce n’est pas la garantie de la survie, mais c’est au moins la promesse d'une minute supplémentaire de vie, quand les choses se gâteront. Comme maintenant, alors que le mouvement se rapproche, alors que les zombies s’agitent, alors que Bambi fait signe d’apporter Nino à elle, et qu’elle se lèche les babines suffisamment clairement pour qu’on comprenne que l’entrée est servie. « Penche-toi! » que j’hurle au brun, sautant sur mes jambes, assénant un premier coup à la gorge du zombie qui lui tient les bras. Et voilà, la guerre est lancée. Stupide idée? Pas tellement, si je me fie à l’odeur âcre de fumée qui vient de derrière nous, et aux cris gutturaux qu'on reconnait tout de même clairement d’humains, qui me suggèrent que notre bande a réussi à se libérer, et qu’elle est en mouvement.