C’était pas bizarre, c’était pas stupide. Appuyée au bar, les prunelles immanquablement accrochées vers l’avant, vers sa silhouette, je me dis que ce sera le temps d’un verre, et d’un seul. Que je partirai d’ici la fin de cette chanson, peut-être même après avoir envoyé un sourire à la volée si son regard capte le mien, et on n’en parle plus. C’était pas comme avant, c’était pas sans malaise, mais c’était moins pire. Inévitable que nos chemins se croisent quelques jours plus tôt dans la cage d’escaliers, alors qu’il était passé voir Sofia, et que je quittais pour une soirée aux bureaux de GQ. Tad avait recommencé à errer dans la vie de mon amie, et les quelques mois réglementaires pour faire passer la pilule de notre rupture de dépit étant passés, je me voyais mal lui montrer le chemin de la sortie. Alors j’avais joué cool, entre les boîtes postales et le premier étage. Quelques échanges de banalités, une prise de nouvelles de ma part sur ses collègues, de la sienne sur ma mère. Rien de bien engageant, et même quelques blagues envoyées à la traîne. Première fois que je le revoyais, depuis décembre, et en toute honnêteté j’étais plutôt satisfaite de ce que j’avais laissé paraître - le reste était bien enfoui à l’intérieur, tellement profondément que je n’en avais pas la moindre idée. On avait eu de bons moments, aussi. C’était pas que des disputes - bon, même si en somme la fin de notre relation avait été plutôt chaotique - et on avait toujours su flirter très proche de l'amitié bonasse, de l’humour à la con, d’immaturités qui gardaient le sérieux dans la pièce d’à-côté quand on ne voulait pas y voir notre incompatibilité qui dérange. Il avait même proposé qu’on aille prendre une bière, un jour, gage de bonne foi. J’avais rigolé, lui pareil, parce que ça, ce serait étrange. On n’était pas trop sûrs de ce que ça faisait de nous, d’avoir enterré la hache de guerre, de concevoir que ce ne soit pas la dernière fois que nos trajets se heurtent à un endroit ou un autre de la ville - et si la vie avait décidé de nous laisser un petit répit en nous gardant l’un loin de l’autre depuis plusieurs semaines, les faits étaient là. On évoluait dans le même monde, autant faire amende honorable.
Puis on s’était lâchés. Lui vers mon amie, moi vers le boulot. La possibilité de prendre un verre était restée sous-entendue, comme lorsqu’on croise une vieille connaissance en lui promettant que la prochaine fois, on aura plus de temps pour lui parler, pour aller chercher un café, marcher sur les docks. Un jour, ça serait cool. Un jour, ça serait une vraie possibilité, pas juste un plan lancé dans les airs. Mais ce jour, ce ne serait pas aujourd’hui. Je termine mon verre lorsque Tad met la note finale à la mélodie, payant mon dû alors que j’entends d’une oreille distraite qu’ils prendront une pause de quelques minutes. Parfait, ça me donne le temps de m'éclipser à travers la mer de groupies qui viendront se pendre à ses lèvres, et c’est tout à mon avantage. Malgré mes bonnes intentions, malgré mon plan de match clair, j’ignore ce qui guide mes pas dans la direction complètement à l’opposé. C’est comme si, une fois que j’ai pu prendre la décision de me barrer, une impulsion soudaine change le cours de ma réflexion, me fait prendre à gauche plutôt qu’à droite, me poste à travers les fameuses fans, aux cils battants, à la bouche en coeur. « Ce solo, dude. » pas meilleure que les autres, pas différente, et c’est presque ce qui me conforte, lorsque Tad entend ma voix et tourne la tête dans ma direction. « J’ai toujours préférée celle-là aux autres. » je pointe sa guitare du menton, alors qu’il s’affaire à la ranger dans son étui. Je me souvenais de toutes les factures d’électricité qui étaient passées sans paiement pour qu’il mette la main sur cet instrument, des disputes et des piques qui s’y étaient dédiées, de nombreux jours après son achat. Mais ce soir, c’est le mode baba cool qui s'enclenche, c’est la trêve des hostilités. M’enfuir sans rien dire aurait rendu ça pire encore, que je pense. Ne pas au moins aller le saluer aurait eu l’effet d’une douche froide, et d’une belle vague de questionnements et d’analyses chiantes et compliquées pour lesquelles je n’avais pas de temps à perdre. Et s’il m’avait vue au loin, avant de filer à la presse? Nah, trop risqué, trop difficile à gérer surtout. Comme un gamin qui cache sa dernière gaffe en évitant de se confesser, comme un bandit qui quitte le lieu du crime en vitesse grand V. Et je réalise que je suis toujours plantée devant la pseudo scène aménagée pour la présence des Street ce soir, au McTavish. Mains dans les poches, tête qui dodeline, je tire ma révérence, fière de l’avancement, me la jouant zen au possible. « J’colle pas, t’inquiètes. Bonne soirée, rockstar. » parce que probablement que lui comme moi n’est pas d’humeur à faire un retour en arrière ce soir, trop poli pour se l'avouer. Ou peut-être même jamais - et je ne lui en tiendrais pas rigueur.
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Dernière édition par Ariane Parker le Ven 26 Jan 2018 - 21:02, édité 1 fois
Il se flingue les yeux à essayer de l’apercevoir à travers les projecteurs. La lumière l’aveugle, il ne peut pas faire plus que de regarder le premier rang. S’il force trop, il risque de déconcentrer ses doigts qui sont en train de faire tout le travail. Le Street Cats se reforme, ce n’est clairement pas le moment de se faire mauvaise pub en jouant comme un pied. Il est juste curieux de savoir si elle est venue. Sofia ne pouvait pas ce soir, mais le flyers avait trainé sur la table du salon et elle lui avait qu’Ariane avait regardé, alors, il s’était de suite imaginé qu’elle pourrait venir. Pas pour lui. Pas que pour lui, mais parce que le Street Cats, c’est un peu son groupe à elle aussi. Sans jouer, elle a nourri la machine pendant des années en amenant les pizzas. Il aurait voulu qu’elle soit venue. Ne pouvant rien changer à l’éclairage, Tad tente d’oublier sa lubie pour se concentrer sur le jeu. C’est tout ce qui compte à ce moment-là de toute.
« Ce solo, dude. » entend t-il derrière lui alors que le bande prend sa pause pour que le bar puisse faire son profit en boisson. Alors comme ça, elle est venue. C’est tout sourire qu’il se tourne vers elle. Il se retient juste de se précipiter pour l’embrasser. Les vieilles habitudes ont la vie dure. Il se souvient qu’il avait déjà failli le faire ce jours-là dans l’ascenseur. « J’ai toujours préférée celle-là aux autres. » dit elle en montrant du doigt sa guitare qu’il a posé pour la ranger. Qui aurait qu’elle dirait ça, fût un temps, cette guitare était source de discorde. « Ouaais, la mienne aussi. Mais je dois la mettre au repos là. » Réponse nulle. Il n’est pas à l’aise. Il se trouve même encore plus bête là, que le jour de leur premier rendez-vous, et pourtant, il n’avait pas été très glorieux. C’est sûrement de se revoir pour la deuxième fois depuis leur rupture qui fait ça. « Mais du coup, t’es venue ! » exprime t-il, spontanément, avant de reprendre. « Sofia m’a dit que t’avais vu le flyers. J’étais pas sûr que ça te botterait, sinon je t’aurais invitée. Tu sais, quand on était dans l’ascenseur. » Il se justifie. Parce que sa première pensée à lui, c’est qu’elle se soit dit qu’il voulait pas d’elle là, alors que c’est faux. Elle est toujours la bienvenue, surtout maintenant que ça ne doit plus être weird entre eux. « J’colle pas, t’inquiètes. Bonne soirée, rockstar. » fait-elle en s’en allant. Tad la regarde partir en s’disant que leur conversation ne peut pas être aussi courte. Il se lance à sa poursuite en l’appelant « Parker ! » Elle se retourne. Lou appelle de son côté pour qu’ils reprennent. « On fait une fête à l’appart après, t’as qu’à venir ! » lâche t-il dans un clin d’œil en tournant les talons avant de revenir sur scène.
Les bouteilles s’entrechoquent. A chaque fois, il y’a quelque chose pour lequel trinquer. Que ce soit pour la réunion des Street Cats ou pour la voisine qui vient d’arrêter de donner des coups de balai pour qu’ils baissent la musique. Ça lui avait manqué ces ambiances-là. Les fêtes d’après concert. Tad est très heureux. Il rattrape le temps perdu auprès de vieux potes qu’il avait un peu perdu de vu avec le silence du groupe. Y’a Ariane dans un coin qui fait la même chose. Ces potes-là sont autant les siens après tout. Et la soirée bat son plein avant de finir par se ralentir. Dans quelques coins de la pièce, il y’a des conversations. Parker seule sur le canapé et Tad qui vient se jeter dedans après lui avoir tendu une bière. Première vrai conversation. « C’était cool ce soir ! J’espère que c’est pas trop bizarre pour toi. » fait-il remarqué en mimant un naturel parfait. « C’était bien ta soirée de l’autre fois ? » .
Évidemment que j’avais vu le papier. Fallait être aveugle pour ne pas remarquer le nom du band écrit en grosses lettres, qui trônait sur la table du salon, puis sur le comptoir de la cuisine, puis sur la chaise à l’entrée. Sofia s’était fait une joie de sous-entendre que ce serait bien, qu’on en revienne à ce qu’on était avant. Elle avait le coeur léger, la voix naïve, elle voyait son retour progressif auprès de la fine équipe comme le signe que tout se porterait mieux, que c’était facile de relancer, de redonner une seconde chance, d’avancer. En somme, j’abondais dans son sens ; j’avais pas envie de continuer à me morfondre sur ce que Tad et moi on aurait pu être, si on y avait mis un peu plus du nôtre, ou si on avait arrêté nos conneries plus tôt pour miser sur cette amitié qu’on avait toujours eue en trame de fond, beaucoup plus amusante que bien des disputes au profit de nos corps enlacés dans ses draps. « Il paraît. » c’est pas dit que je vais exposer le stratagème de mon amie, ni lui mentionner que j’ai tourné la chose dans ma tête un nombre incalculable de fois avant de me faire une raison. J’allais être mature, j’allais jouer aux grandes personnes, j’allais passer voir, et si on se parlait tant mieux, sinon, tant pis. Et puis, c’était un retour en arrière vers ce qui était sympa, jadis. Les shows des Streets, les répéts jusqu’à plus d’heure, les abus de pizza. Ma bagnole qui déborde d’instruments, qui sert de batmobile de service lorsque le bar du soir est à l’autre bout de la ville. De bons moments, de bonnes personnes, et un brin de nostalgie qui me fait lever la main, les saluer du revers, un sourire et un rire plus tard. « J’allais pas manquer le grand retour. C’est cool, de vous revoir sur scène. » et j’étais honnête. C’était bien évidemment ma meilleure amie qui m’avait mentionné que Tad et les autres se redonnaient une chance, et j’avais pas caché ma joie aussi tempérée soit-elle. Le moment de tirer ma révérence a sonné, pas question que je traîne ici trop longtemps en mode ex esseulée, ni que je reçoive encore un coup dans les côtes supplémentaires par la petite blonde, là, qui bat des cils un peu trop vite à mon goût. Mes adieux lancés, c’est la voix de Tad qui me précède lorsqu’il se rapproche dangereusement de ma silhouette en fuite pour m’inviter à l’after. « P’t’être bien. » Est-ce que j’étais vraiment prête, à ça? Est-ce que ce serait pas trop weird, pas trop difficile, pas trop désespéré, de passer? Et est-ce que j’avais vraiment envie de me casser la tête avec toutes ces questions, ou juste le goût de profiter de la bière gratuite et des chips en quantité illimitée que promettaient toujours ces soirées?
« J’ai vécu pire. Et toi, tu survis? » un sourire moqueur se dessine sur mes lèvres. 5 minutes à peine après qu’on m’ait laissée seule sur le canapé avant que Tad ne s’y pose à mes côtés. Je serais malhonnête si je vous disais que je n’avais pas jeté quelques coups d’oeil dans sa direction depuis que j’étais arrivée. De “prendre mon temps” à “y aller étape par étape” j’avais facilement envoyé balader mes bonnes résolutions pour ses beaux yeux et sa voix mielleuse, mais la 2e bouteille qui trouve rapidement sa place entre mes doigts m’empêche de trop penser, trop longtemps. « Étrangement, c'était plutôt cool. Au départ j’étais pas trop fan de l’idée, ça me semblait pompeux et trop sérieux. Mais ils ont pensé à installer une machine à karaoke pour l’occasion. J’ai succombé. » les soirées à GQ étaient toujours bipolaires. Soit elles se terminaient de façon hyper guindée en se mixant avec les bureaux de Vogue, soit elles passaient en mode dégénéré lorsque la crew se sentait plus festive. Et le duo que Clara et Thea formaient pour relancer la vie au boulot était pas du tout à plaindre. Le regard alarmé de Tad me fait rouler des yeux, avant de le rassurer, mains en l’air en guise d’excuses. « Promis, My Heart Will Go On n’a pas été chantée sans la moitié du duo. » il y tenait à sa Céline, il y tenait à ce cover qu’on avait mis des mois à peaufiner, intonations et instruments en écho. J’avais même appris à jouer un solo à la guitare pour l’accompagner au moment le plus intense de la balade - c’est pour vous dire comment on passait nos soirées à faire que des conneries, du temps où… m’enfin. « Ça me fait penser, avant que j’oublie. » mentionner la chanteuse me rappelle ce qui se cache dans la poche intérieure de mon sac depuis des mois déjà, petite babiole achetée sur Etsy l’an dernier en décembre, qu’il n’avait jamais reçue pour cause de rupture sèche et de disparition de mes affaires - dont le sapin de Noël - de son appart. « C’est pas grand chose, mais vois le comme un synonyme de “ça n’a pas besoin d’être bizarre entre nous”. » je n’ajouterai pas que le pas grand chose a failli se retrouver dans les toilettes quelques fois, tout autant qu’il a déclenché une p’tite crise de larmes une fois après un abus particulièrement intéressant de vin rouge et de chocolat noir au piment. De toute façon, lorsqu’il déchirera le papier kraft plié savamment et qu’il posera ses rétines sur les pics de guitare aux imprimés de divers visages de Céline, il risque de passer un stade d’euphorie encore inconnu. « Joyeux Noël à l’avance. »
Elle avait affiché un très beau contrôle d’elle-même. En y repensant avant de monter sur scène, Tad ne pouvait s’empêcher de se rendre que les quelques mots échangés avec Ariane étaient bizarre, qu’il était mal à l’aise parce que ça semblait si peu naturel qu’ils soient à parler normalement alors qu’ils s’entredéchiraient quelques mois plus tôt. Il avait jamais vu d’ancien couple agir normalement, comme si tout était devenu chill dans leur relation, mais le comportement d’Ariane le laissait entrevoir que c’était possible, comme si elle avait passé l’éponge sur le fait qu’il n’est qu’un gros nul de petit ami. Ça le rendait confus mais la voix de Lou sur scène était le signe qu’il devait s’arrêter d’y penser. De toute, Tad est mieux à ne jamais penser.
« J’ai vécu pire. Et toi, tu survis? » Il balance un regard à l’appart, observe ceux qui restent et tentent d’évaluer s’ils vont causer du souci. Il fait un rapide état de la situation avant d’hausser les épaules tout en buvant une gorgée de bière. « Ça se passe. Mais re-pose moi la question quand viendra le moment de nettoyer tout ça. » La semaine prochaine qu’il s’empêche d’ajouter. Parce qu’après tout, ici c’était chez elle et qu’il imagine que ça ne lui plairait pas de savoir qu’il a fait un taudis de leur nid d’amour (même si c’était entièrement prévisible.) Il se prend à sourire comme un niais en sa compagnie. Il arrête en s’en rendant compte, ne sachant si c’est pas habitude ou si c’est juste parce qu’il est content que les choses semblent se calmer entre eux. C’est bête, mais cette bonne entente et cet humour un peu stupide et cinglant lui avait manqué. « Étrangement, c'était plutôt cool. Au départ j’étais pas trop fan de l’idée, ça me semblait pompeux et trop sérieux. Mais ils ont pensé à installer une machine à karaoké pour l’occasion. J’ai succombé. » « Ouuh » lui dit-il, façon de lui dire qu’elle a du agir comme une naughty girl mais sans lui dire vraiment parce que ça serait vraiment bizarre. « Promis, My Heart Will Go On n’a pas été chantée sans la moitié du duo. » qu’elle lui assure, l’amenant à rire parce qu’il n’avait pas pensé à leur façon bien propre à leur délire de chanter cette chanson, s’ils avaient eu le moindre talent à bouger leur corps, il y’aurait même eu une chorégraphie pour accompagner le duo. En se rappelant, il se dit que y’avait qu’avec qu’Ariane qu’il pouvait assumer d’avoir des idées pas commune et décalées. « Bon, ça va. Je te demanderais pas de droits d’auteurs alors. » Il hoche la tête avant de se la jouer chill. De toute, Ariane fait ce qu’elle veut maintenant et si ça lui tente de le remplacer au karaoké, il a trop rien à dire. « Ça me fait penser, avant que j’oublie. » Il la regarde chercher en se demandant ce qu’elle a oublié et surtout si ça a un rapport avec Céline, là mentalement il y’a l’inventaire de toutes ses possessions en rapport avec la star qu’elle aurait pu gardé mais rien ne lui vient en tête. Il n’aura pas longtemps à se questionner puisqu’Ariane pose rapidement entre ses mains un petit paquet en papier kraft. Zut, un cadeau, for real ? « C’est pas grand chose, mais vois le comme un synonyme de “ça n’a pas besoin d’être bizarre entre nous”. » « Okay, je … Je sais pas trop quoi dire. » dit-il en posant sa bière dans un coin pour déballer le petit paquet. Il sent que y’a un sacré nombre de petites choses là dedans, ça l’intrigue, il aime recevoir des choses en nombres mais si elles ont la taille d’une pièce de monnaie. « Joyeux Noël à l’avance. » Il a les yeux grands ouverts qui découvrent les petites images de Céline sur les petits pics en plastique. Il les détaille toutes, pouvant même située chaque époque sur les photos. Il est étrangement silencieux, niais à souhait avec un gros sourire. C’est un beau cadeau. Il en est pantois. « Ariane je .. » Il n’arrive pas à articuler les mots pour la remercier. C’est tout de même pas commun mais très vite son bras passe par-dessus les épaules de la rousse pour l’amener à lui afin qu’il dépose un baiser sur sa joue. « Merci, c’est super. Juste ce dont j’avais besoin pour relancer le band. » Il reprend son bras, détaille encore ses pics en lui en montrant quelques uns à la fois, surtout ceux bien kitsch façon mode des années 80. « Haha, tu t’imagines avec une telle touffe de cheveux sur la tête ? » Il se marre avant de finir par finalement ranger ses nouveaux jouets, les poser sur la table basse et récupérer sa bière. « Je me sens bête. J’ai rien à t’offrir hormis une énième bière. » Il se penche en avant pour saisir la bouteille et la lui tendre. « Si tu veux pas conduire alcoolisée, je peux demanderà Chris de te ramener, je te ramènerais ta voiture demain. Ou tu peux dire non, c’est correct. » La bière entre les mains, il lui laisse le choix avant d’espérer que ce move lui donnera pas l’envie de partir urgemment.
Les voix qui se mélangent, les conversations qui résonnent. Je suis un peu trop à l’aise de revenir ici, de remettre les pieds, les yeux dans cet appartement qu’on a habité ensemble, qu’on a peuplé, qu’on a défini. C’était majoritairement moi, derrière la déco, les couleurs des murs, les quelques items restants que j’avais pas eus le coeur de lui prendre. Il avait fini par ajouter de nouveaux meubles, je les reconnaissais sans forcer, du coin de l’oeil, sachant entre les branches qu’il avait usé de la patience et du goût de Sofia pour rhabiller l’endroit. J’avais eu un pincement au coeur, bref, qui avait suffi à ce que je ravale fièrement les quelques doutes restants, au profit d’un accord couleurs et matériaux qui allait bien à l’endroit, qui tirait correctement profit des pièces ouvertes, de la lumière. « Tu sais bien que je pourrai pas dormir sur mes deux oreilles si je sais que des verres ont marqué la table basse. » mon sarcasme rappelle une dispute conne qui me revient en tête, j’ignore s’il se souviendra, c’est pas grand chose. C’était le genre de truc qu’on trouve mignon au départ, son esprit perdu, la vaisselle sale qu’il laisse traîner partout, l’impression que je joue à la maman avec lui qui avait commencé à prendre le dessus, puis les remontrances et les piques, les attaques et ce cerne, là, que je repère pour l’avoir user à la corde d'un chiffon censé le nettoyer, pour l’avoir saigné comme argument bidon jadis. Ma bouteille de bière se pose sur le bois vernis sans rien d’autre pour l’en protéger, air de défi. Les conflits m’apparaissaient aussi lointains que non nécessaires, dans le moment. « Quel honneur. » il accepte de me céder la chanson, j’ai pas envie de m’éterniser non plus. Tad m’avait tellement vanté la chanteuse en long et en large que je ne pouvais décemment pas penser à Céline sans le voir se transformer en fan invétéré, sans l’imaginer se transformer du tout au tout pour devenir une groupie en bonne et dûe forme. Et j’esquisse un sourire, parce qu’il a les yeux brillants, parce qu’il est heureux, parce que malgré tout ce qu’on a pu se dire par le passé, malgré les cris et les soupirs, le voir comme ça me suffit. Me suffira sûrement toujours. « J’te dis, c’est pas grand chose. » et il culpabilise un brin, il cherche ses mots, il se sent chiche. En vrai, je garde bien profondément les heures de recherche sur etsy, le hussle que le tout avait été lorsque j’avais dû orchestrer la livraison directement du Canada, des frais faramineux quadruplant la valeur du truc. Je cache tout ça pour me faire bonne conscience, me disant qu’il serait encore plus mal à l’aise de savoir que j’avais dû lutter et frimer et payer au centuple pour le petit paquet qui tourne entre ses doigts, et ça m’arrange de ne pas m’avouer qu’au final, j’y avais mis plus de coeur qu’il n’y paraît. « Puis tu es sûrement le seul qui appréciera suffisamment pour le mériter. » j’hausse les épaules, ne connaissant honnêtement aucun autre fan plus intense que lui - et c’était pas plus mal. « Ça ressemble déjà à ça le matin, j’suis prête à passer mon tour pour garder cette mise en plis après la douche. » Tad qui exhibe la chevelure de lionne de la chanteuse me fait bien marrer, quand on connaissait la tendance qu’avaient mes propres boucles à s’emporter entre elles et à finir en afro pas du tout intéressant au réveil. Il s’en était moqué assez de fois pour que je puisse le souligner d’un rire franc, simple, sympa. « Et de ce que je me rappelle, t’es pas mieux côté capillaire matinale. » qu’on ne se leurre pas, c’était pas parce que ses mèches étaient plus courtes qu’il n’avait pas moins l’air d’un épouvantail lorsque le soleil de l’aube caressait sa joue. La bière supplémentaire me convient, et une gorgée plus tard j’hausse à nouveau les épaules. « C’est cool, je devrais m’en sortir. » peut-être est-ce que je devrais partir. Peut-être est-ce que je devrais prendre le fait que certaines personnes attrapent pieusement leurs affaires pour y voir un signal. Ça c’était bien passé, on avait largement prouvé qu’on allait pas s’arracher la tête l’un l’autre à la moindre rencontre impromptue, autant ne pas jouer avec ma chance. « Je reviens. » un passage express à la salle de bain me remettra certainement les idées en place, me donnera l’heure juste à savoir si rester encore un peu est une option, ou si je dois me fier à mon instinct.
Et je fais un détour par le couloir, je tourne un peu plus rondement près de cette porte de bois que je connais par coeur, la chambre que je repère toujours en bordel, les draps défaits, les rideaux tirés. Les affiches de vieux bands qu’on y avait collés un dimanche pluvieux, les vinyles qu'on aimait d'un amour infini qui s’empilent au sol, ses chemises à carreaux dépareillées que j'ai sûrement portées plus souvent que lui qui recouvrent la chaise en biais. Ça n’a pas changé et pourtant c’est différent, c’est comme avant, et encore, je ne m’y retrouve plus. « Sinon… quoi de neuf? » ma voix me confirme que j’ai décidé de rester, que j’étire les minutes, que j’allonge le houblon qui trouve mes lèvres. Que j’ai pas du tout envie de quitter en si bons termes, et que finalement, ce canapé, cette musique d’ambiance, cette conversation, ça passe bien. « Habituellement, si je me fie à ce que j’ai observé, c’est le genre de questions que les gens normaux se demandent entre eux lorsqu'ils veulent faire dans le small talk. » et je me moque. Parce que ça va un peu trop simplement, parce que je suis persuadée qu’on tient quelque chose de révolutionnaire ici, qu’on est trop à l’aise. Que les gens qui restent au salon doivent s’attendre à ce qu’on s’explose dessus, que les paris sont sûrement mis sur nos têtes, à savoir le premier qui accusera l’autre d’une pacotille comme nos antécédents le proposent. Pourtant, ce n’est pas à l’ordre du jour, du moins, pas le mien.
Il les déballe comme un gosse, examine un à un les portraits de Céline sur les médiateurs et fait défiler les looks en désignant dans sa tête les années correspondantes à chacune des images ainsi que la chanson de la star qui faisait fureur à ce moment-là. Il les prend, les observe et en reprend un autre pour mémoriser le plus vite possible tout ceux qu’il a en sa possession. A ce moment-là, l’idée de jouer l’enchante, tout autant que celle de démarrer une collection. Le sujet à méditer sera si ce n’est pas un peu too much ou non. « J’te dis, ce n’est pas grand-chose. » Elle insiste, mais lui est touché de cette attention même si elle date d’un an après. Après tout, elle aurait pu jeter tout ça dans les toilettes, telle qu’il la connait et elle ne l’a pas fait. Pour lui, ce cadeau, c’est une offrande de paix. Un signe qu’elle n’est plus en colère contre lui, que les choses peuvent avoir désormais un semblant d’avant. « Puis tu es sûrement le seul qui appréciera suffisamment pour le mériter. » Qu’elle justifie alors que lui l’écoute avant de répéter ses propos et d’insister. « C’est quand même une super belle attention, merci. » Il ne veut pas en faire des caisses, si Ariane veut jouer les impassibles alors il n’insiste pas à sur combien ce présent le touche. A la place, il lui montre les bouts de plastique affichant les pires idées capillaires de la star, parce que Céline a beau être parfaite, elle n’a pas toujours fait les bons choix de brosse à cheveux. « Ça ressemble déjà à ça le matin, j’suis prête à passer mon tour pour garder cette mise en plis après la douche. » Il éclate de rire. « Effectivement, j’allais dire que ça me rappelle quelqu’un et quand j’ai réalisé que c’était toi, j’ai préféré rien dire pour pas te vexer. Désolé ! » Ou alors, il ne l’est pas du tout, parce qu’il n’a tout de même pas su se retenir à sortir sa vanne. C’était beaucoup trop fort pour lui. « Et de ce que je me rappelle, t’es pas mieux côté capillaire matinale. » qu’elle réplique, il se tait parce qu’il l’a bien cherché. Le complexe est tel qu’il se passe une main dans les cheveux juste pour être sûr qu’ils ne font pas n’importe quoi à ce moment précis. « En effet ! » qu’il ajoute, gros sourire sur les lèvres pour rattraper qu’il soit pris sur le fait, qu’il aurait dû balayer devant sa porte avant de parler et pour lui dire sans le prononcer qu’elle a raison. C’est alors qu’il rattrape l’incident en attrapant une bouteille de bière, gage de remerciement pour ce cadeau qui chérira à tout jamais comme un trésor. Elle accepte son offrande. Tad réalise soudainement qu’il devrait éviter de lui donner trop d’alcool, car c’est plus comme avant où sa chambre était à deux mètres. Maintenant, elle est chez Sofia et là, il doit penser à faire en sorte qu’elle rentre en sécurité. « C’est cool, je devrais m’en sortir. » « Je suis sûr que plusieurs accidents ont commencé avec ces exacts mêmes mots. » réplique Tad, pas confiant du tout, mais en même temps pas très insistant parce qu’il n’est pas sûr de vouloir que cette conversation termine maintenant. « Je dégainerais Uber. » qu’il conclue alors qu’elle se lève, faisant croire au garçon qu’elle a décidé de l’écouter et de filer jusqu’à ce qu’elle prononce les mots suivants. « Je reviens. » Il acquiesce avant de se replonger dans le fond du canapé, de poser un regard à ses invités qui semblent être pas mal à se mettre sur le départ.
La silhouette d’Ariane disparue dans le couloir, il se redresse et fait un tour de la pièce pour en retirer des cadavres de bouteille et remettre en ordre ce qui a été dérangé. Y’a toujours Chris qui est là à papoter avec une nana du bar qu’il a invité à l’after. Il passe à travers eux sans les déranger pour autant pour attraper un bol de chips. Il ne sait pas pourquoi il fait ça : ranger un peu l’appart. Pour se donner bonne confiance ou parce qu’il a peur qu’Ariane le voit toujours comme une gosse qui ne range rien (ce qu’il est toujours, soi dit en passant) Il ne sait pas, mais il se sent soulagé de voir qu’il a réussi à reposer ses fesses dans le canapé avant qu’elle ne revienne vers lui. « Sinon… quoi de neuf? » demande-t-elle en reprenant place à côté de lui. Il hausse les épaules. Il ne sait pas ce qu’il pourrait lui raconter qui lui ferait penser qu’il mène bien sa barque. Sa vie, elle est toujours la même qu’il y’a un an. « Habituellement, si je me fie à ce que j’ai observé, c’est le genre de questions que les gens normaux se demandent entre eux lorsqu'ils veulent faire dans le small talk. » Il affiche une mine surprise. Il ne pensait pas qu’ils allaient en être réduits à des conversations passe-partout. L’humour reprend pour sauver la situation. « Je pensais qu’en matière de small talk les gens se demandaient la météo et faisaient des prédictions sur si l’été allait être doux ou impossible. » Il fait la moue, avant d’hausse les épaules et pointer la fenêtre du doigt. « Cela dit, je comprends ton choix. Il fait nuit, c’est dur à commenter. » Il reprend une gorgée de bière avant de se tourner vers elle en riant. « Sinon, comme tu as vu, le Street Cat revient, j’ai toujours pas été viré et j’ai acheté l’intégral de Modern Cendrillon la semaine dernière. » dit-il en pointant du pied le coffret dvd qui trône sous la table basse. « Et je sais pas si tu te souviens de ma pote d’enfance, celle qui est partie en Angleterre. Son môme va mieux. Je l’ai appris hier. » Il est tout sourire, parce que c’est vrai que dans les choses neuves, ça c’était une sacrée bonne nouvelle. Même si c’était pas sur quelqu’un qu’Ariane connaissait. « Vieux, je vais partir ! » annonce Chris, juste derrière le canapé, la main tendue vers le guitariste pour la poignée d’au revoir. La fille qui l’accompagne se contente d’un signe de tête. « Okay mec ! Merci d’être venu. On se tient au courant. » qu’il répond, tandis que l’autre ajoute « ça marche » en claquant la porte. Il revient sur Ariane, se rend compte que plus personne n’est là dans l’appartement. « T’es sûre que tu voulais pas qu’il te ramène. »
Il a la blague légère sur mon pseudo-départ, sur le fameux moment où je devrai mettre les voiles, et ça a le potentiel de m’énerver. Parce que même si je connais Tad d’avant, que je sais qu’il n’a aucune malice, qu’il souhaite juste que tout rentre dans l’ordre et que je ne renverse aucun piéton sous l’effet du houblon, la vérité reste qu’il insiste pas mal. Mais j’ai dit potentiel de, et pas assumé. Alors je ravale, tout comme ma bière, battant des cils, voyant déjà notre carrière de futurs Jackass tapisser ses murs d’or 24 carats et mes phalanges de diamants. « Ben alors attends pas - et dégaine ta caméra. » si on avait été le moindrement idiots à l’époque de ne jamais filmer nos conneries - j’étais certaine que nos sculptures style domino de vibros que j’avais pu recevoir par la poste, ou nos dizaines de tests de goût sur les capotes à saveurs qu’on m’envoyait par caisses auraient fait fureur sur youtube - ce n’était pas dit que je passerais à côté de la manne cette fois-là. Priorities. Puis la balade dans l'appartement vient, le moment nostalgie de la soirée, entre les Street que j’ai fini par tous saluer, potes d’avant qui me font l’impression de l’être toujours resté. J’en profite pour passer à la salle de bain vite fait, erre dans les couloirs qu’on a repeint en blanc après avoir fait l’erreur de les peindre rouge d’abord et de s’en être donné le tournis. Des gestes qui me paraissent anodins, un trajet que je connais par coeur et qui ne pique pas autant que je l’aurais cru, premiers pas dans notre ancien chez-nous, dans son nouveau chez soi. Mes fesses se reposent près de lui, l’envie de poursuivre sur une si bonne lancée, de me prouver que je suis bien passée à autre chose, qu’on en a grandi, que c’est normal maintenant, de retrouver l’ami qu’il était hors de l’amant. « On peut toujours parler de nos bobos aussi. Ça fait fureur chez les trentenaires. » j’hausse les épaules, désabusée, rigolant à sa propre remarque sur la météo qui faisait son effet au rayon des conversations sans grand fond. Il dénotera mon ironie - et pensera sûrement au voisin de pallier hypocondriaque qui nous avait fourni sans le savoir l’un des meilleurs fous rires de nos courtes vies lorsqu’il avait cru attraper le virus du Nil et qu’on avait alimenté sa panique en saignant les sites web de diagnostics boboches comme s’ils étaient du domaine du sérieux.
Les nouvelles remontent, son quotidien toujours aussi tranquille, toujours autant neutre. Je lui reprochais jadis, je le voyais comme un blocage, comme une façon de me tirer vers le bas. Toujours trop carriériste, toujours à miser sur les accomplissements et l’action - il me donnait parfois l’impression de ne pas avoir de colonne vertébrale, de se laisser guider par le vent alors que je redoublais quotidiennement d’effort pour aller contre. Pourtant, de son discours, il n’y a qu’un élément qui retient mon attention, et tout un - les reproches sont bien loin, limite, ils ne sont même plus d’intérêt général. « Et tu attendais quoi pour me dire ça? Genre, c’est de la plus grande importance! » je fais bien sûr référence aux coffrets de Modern Cendrillon que je remarque maintenant comme si c’était la première fois, son pied les pointant vers le meuble télé. Il ne me faut que 4 secondes et des poussières pour sauter du canapé et m’affaler au sol, mon focus étant de suite posé sur les boîtiers que je rassemble sous mes yeux, et non plus sur la suite de ses propos. Pardon pour l’impolitesse, mais il comprendra sans doute mon amour maladif - malsain, illogique - pour cette série télé affreusement prévisible, clichée et parfaite, découverte au hasard et qui avait par moment presque frôlé la dépendance. « La peintre? Cool. » il parle de la fille riche de son enfance qui s’était exilée en Europe, celle avec le gamin malade. Je me souviens brièvement qu’il soit passé la voir quelques fois, monté à leur chambre à l’hôpital, sans plus, je montre tout de même un peu de bonne foi, je suis pas sans coeur non plus. C’est cool, pour vrai - et Tad le notera à ma voix particulièrement posée, malgré l’excitation qui est palpable du bout de mes doigts maintenant que je tiens l’un des feuillets entre. « Tu veux vraiment que je parte, ou quoi? » Chris dans l’entrée me renvoie un petit rire avant de se barrer, la réplique s’accompagnant d’un éclat amusé supplémentaire de ma part. La pique n’est pas méchante ni accusatrice, juste, je suis une grande fille et je saurai jauger du bon moment pour filer. Peut-être qu’au final, il en a marre que je sois là, et qu’il me le dira de but en blanc, mais son silence me confirme le contraire. Tant mieux. « Parce que je risque de te piquer le coffret de la saison 3 si tu me montres la sortie, j’te dis de suite. » plus aucune trace de la moindre âme qui vive dans l’appartement, mis à part Cooper et moi. Bien naïvement, comme si tout était encore sous contrôle - parce qu’à mes yeux, ce l’est - je prends l’initiative, me relevant d’un bond, la voix un peu plus intéressée, mes prunelles se vissant aux siennes. « On en écoute un? Juste un, hen, c’est pas de la psychologie inversée où j’arrive à t’en enfiler 5 de plus sans que tu chignes. » comme jadis, comme toujours. « Je prends mes aises. » si je ne me trompe pas, c’était un lecteur que ma mère lui avait donné à Noël, même. Quelques pas avant d’allumer téléviseur et console, et d’y insérer un disque au hasard. La musique du générique trouve de suite sa place sur mes lèvres et je chantonne, avant de m’installer bien confortablement au pied du divan, la bière entre les doigts. Tout ici jure, tout ici flirte avec notre passé, mais pourtant, je n’y vois que du feu. Et ça me plaît.
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Dernière édition par Ariane Parker le Dim 31 Déc 2017 - 1:07, édité 1 fois
Un groupe reparti sur de bons rails (de train, pas de coke). Un coffret dvd intégral tout neuf d’une série à l’eau de rose et niaise à souhait. Un presque neveu sorti du coma et potentiellement en bonne santé pendant quelques temps. La vie n’était pas si mal pour Tad Cooper. S’il était toujours coincé dans le même appart, le même taff et sans copine, le garçon voit toujours plus loin que le bout de son nez, ailleurs qu’autour de son nombril et c’est ainsi que le bilan de « ce qu’il y’a de neuf » semble plutôt positif quand il l’expose à Ariane. Pas de vantardise, juste des faits. Ça va bien. « Et tu attendais quoi pour me dire ça? Genre, c’est de la plus grande importance! » Elle s’énerve un peu. Tad craint le pire un instant mais fort heureusement pour sa gorge, c’est au pied du canapé pour récupérer le fameux coffret qu’elle saute. Les yeux du garçon s’ouvre en grand et regarde la jeune femme, presque dans le même état de transe que lui occupait il y’a quelques minutes lorsqu’elle lui a remis ses médiateurs spécial Céline. S’il avait su que ça avait une telle importance, il aurait probablement mentionné la bonne nouvelle concernant Ginny avant. « La peintre? Cool. » Il est inutile de lui demander plus de réjouissance. Il sait qu’elle doit être sincère dans ses propos, mais quand elle a quelque chose sous les yeux qui l’obsède et la fascine, c’est impossible de lui faire relever la tête et ça, c’est sans avoir déjà essayé par le passer. Il s’apprête à se moquer, mais Chris le dernier pote présent interrompt la scène pour faire ses adieux. Apparemment, il s’est trouvé une chicks que Tad salue également à l’occasion avant de les laisser partir, non sans s’assurer une dernière fois qu’Ariane ne voulait pas profiter d’un lift. Elle qui le jugeait immature, il faut croire qu’il a grandi en un an pour s’assurer que maintenant, tout le monde rentre bien sain et sauf. « Tu veux vraiment que je parte, ou quoi? » Qu’elle rétorque, lui se sent mal sur le moment, parce que c’était pas du tout le message qu’il voulait passer et Chris se faufile vers la sortie en riant, probablement à cause de l’impression de déjà-vu qu’ils doivent présenter. Il se racle la gorge en essayant de se justifier avant qu’elle ne se vexe. « Non non. » Mais aucune explication ne vient derrière. Le ton est sérieux. Elle peut bien rester là, creuser un peu les fondations d’une possible amitié tandis qu’il vide sa bouteille de bière. « Parce que je risque de te piquer le coffret de la saison 3 si tu me montres la sortie, j’te dis de suite. » Elle poursuit, lui manque de s’étouffer avec sa bière en éclatant de rire par sa répartie, l’image d’une soirée entre fille avec Nadia lui passant par la tête et la brune qui –bizarrement – n’apprécie pas ce qu’elle voit. Il faut dire que les séries bidon ne sont pas sa came. Mais bon, en la laissant l’emprunter, il a peur d’avoir encore plus l’air de la pousser vers la sortie, ce qu’il ne veut pas, alors il se tait. « On en écoute un? Juste un, hen, c’est pas de la psychologie inversée où j’arrive à t’en enfiler 5 de plus sans que tu chignes. » « Je t’en prie, j’en étais au moment où elle file sur des sites de porn pour apprendre à sucer Colton et où sa mère le découvre. » Qu’il éclate de rire, c’était probablement la saison deux. Arf, pourquoi il cherche ? Ariane sait probablement mieux que lui. « Je prends mes aises. » Qu’elle indique en allant directement s’occuper du dvd. « Fais comme chez toi. » Il prend un air nonchalant, avant de se dire que son invitation pouvait être mal placée, vu qu’ici, c’était un peu chez elle avant. Il n’ose pas regarder sa réaction et plutôt que de rester assis là pendant qu’elle gère la séance, lui se relève. « Je peux prendre à manger. T’as faim ? J’ai des restes de pizza. » D’il y’a deux jours. Mais si elle lui demande, il lui dira qu’elles sont du midi. color=#990000]« Ou alors, tu veux de la soupe ? »[/color] C'est une blague. Aucun légume n'entre dans cet appartement hormis le poivron qui orne la sacro-sainte pizza.« Puis, on peut jouer à prendre des shots à chaque fois qu’elle couine, ça peut être drôle. » Qu’il ajoute en haussant les épaules, la protagoniste de la série étant certainement la plus grande chouineuse que le monde de la télévision ait connu, bien avant Dawn Summers. Une bouteille de tequila sur la table basse. Deux shots à côté. Le générique retentit. Ariane revient à ses côtés. Tad a comme un frisson. C’est innocent et pourtant, l’after party à binge watcher de la merde, c’est tellement avant.
C’est un sourire tout sauf caché qui orne mes lèvres, alors qu’il confirme après 40 échanges, et encore un peu de back-and-forth, qu’il ne tient pas particulièrement à ce que je parte. « Tant mieux. » parce que la scène me rappelle trop nos altercations colorées, parce que c’est cliché à fond, et parce que mine de rien, il me confirme ce que je veux entendre. Petit velours qui passe l’instant d’une seconde, et je m’installe confortablement devant le lecteur DVD, les pupilles qui détaillent chaque feuillet, chaque boîtier, gamine à la veille de Noël qui réalise que la prochaine nuit blanche n’est qu’à quelques secondes de se dérouler. Tad jacasse derrière, et même si ce qu’il peut raconter m’intéresse, c’est entre la saison 3 et la saison 4 que mon esprit divague, les souvenirs des épisodes marquants qui remontent et qui m'arrachent un rire, puis un soupir. « C’est avant ou après la scène de la lingerie dans la ruelle? » que je demande, concentrée au possible, les sourcils froncés, maintenant qu’il parle d’un moment-clé, particulièrement ridicule, qu’on avait acclamé à grand coup de vin cheap du supermarché et de raviolis chinois froids. Parlant de bouffe, voilà que Cooper se la joue hôte du dimanche, et la simple mention de manger me fait saliver, maintenant que je mets un disque au hasard dans le lecteur. « J’dis pas non à de la pizza. » comme si qui que ce soit pouvait vraiment refuser, comme si une pointe de pizza froide n’était pas ce dont tout le monde rêvait, en pleine nuit. « Et moi j’pars à la chasse aux restes de bouteille. » comme avant, mais un peu moins blasée. C’était une habitude, lorsqu’on rangeait après une fête improvisée ici, de vider les fonds de bouteilles dans un grand pichet, de mixer le tout, d’en faire des cocktails qui tuent, qui arrachent les papilles, qui menacent de rendre aveugle. Les invités ont été sages ce soir, mais ils nous ont laissé assez pour mixer vodka, vin rosé et gin ensemble. Le rhum que je vois là me semble trop âgé pour oser le sacrilège de le mélanger aux autres alcools, et je garde la bouteille à part, pour les besoins précis, les crises nécessaires. Finissant mon errance, le garçon encore disparu entre ma commande de pizza et le reste, j’ose une petite demande, la voix qui chante, sachant approximativement où se cache le tout, mais n’osant pas aller fouiller par éthique. « Tad, tu peux me ramener une couverture s'te-plaît? Ou une veste, ou un manteau, ou un rideau, j’sais pas. » j’éclate de rire, nous préparant un pichet attitré, m’installant à son retour, l’attention dérivée vers la télécommande que je presse, lançant la suite. « Ouhhhhh, cet épisode va faire mal. » je reconnais de suite le potentiel, je sais exactement quelles scènes se dessinent pour nous, et même si je trépigne, je sens que nos verres ne seront pas pleins longtemps, surtout à la vue de la bouteille de tequila que Tad a dénichée de son côté.
« Shot! » que je scande pour une première fois, quand la belle blonde platine et plastifiée à l’écran se plaint de ne rien comprendre à la sexualité, maintenant qu’elle décide de s’y mettre pour vrai avec son fantasme de toujours. « SHOT! » et elle renchérit, maintenant que le dit Casanova grimpe à sa fenêtre, et qu’elle est incapable de cacher sa joie, et ses craintes d’être prise sur le fait, larme à l’oeil. « Shotsssss! » j’ai la bouche qui brûle, la langue qui pique, j’alterne entre la tequila et le mélange approximatif pour remplir nos verres maintenant qu’on voit l’autre gamine se plaindre de ne rien connaître, pour aller se blottir en pleurs dans les bras du premier venu, le bad boy de service. La scène d’après me rend perplexe tout de même, et je tourne la tête vers Tad, sachant très bien que lui comme moi n’est pas convaincu par le tout. « C’est impossible à faire, ça. » et je m’avance sur mon siège, le regard vissé sur l’écran, pointant chaque mouvement, maintenant que la blonde et le brun s’entortillent, qu’elle se cambre, se fiche à genoux, garde ses paumes sur lui et ses jambes bien pliées, recroquevillées. « Genre, tu peux pas être à quatre pattes et avoir la main là, et ses hanches ici. » et je me lève, et je pause l’épisode, et je scrute l’image comme tant d’autres fois avant. Si on avait toujours été du genre à rejouer ces moments pour tester leur véracité, à s’inspirer des classiques ridicules du porno qu’on dénichait dans les brocantes pour pimenter nos ébats jadis. Là, c’était du nouveau au registre. « J’deviens cynique, c'est ça? » peut-être que c’était de la mauvaise foi. Ou peut-être que j’étais en train de passer vieille aigrie comme on l’avait tant de fois prédit.
Bon, il sait d’ores et déjà qu’il peut dire adieu à sa belle nuit de sommeil dès qu’Ariane pose les yeux sur sa dernière acquisition. Faute d’avoir utilisé sa capacité à pouvoir se tenir éveillée pendant plus de 48 heures en devenant chirurgien, il pourra très certainement la mettre en pratique ce soir en enchainer la série et le boulot le lendemain. Il est résigné, maintenant qu’il a dit oui, il n’y a rien qui pourra faire qu’Ariane quitte son canapé avant que chaque épisode n’ait été diffusé et chaque rumeur de reprise de la série par Amazon ne soient étudiées méticuleusement. « C’est avant ou après la scène de la lingerie dans la ruelle? » « C’est avant. Jor, juste, je dois être à un épisode de ça. » Parce qu’il se souvient du moment et qu’il sait qu’il ne l’a pas encore vu. La déduction vient donc d’elle-même. Quitte à passer les heures suivantes à absorber des niaiseries, qui si elles avaient été filmées à cette époque auraient fait couler beaucoup d’encre féministe, autant le faire le ventre plat. C’est naturellement que Tad fait ses propositions, ou plutôt sa proposition parce qu’hormis la pizza, rien n’est au menu. C’est un peu déroutant de le voir enfiler la casquette d’hôte, surtout avec Ariane qui a vécu ici, mais il finit par hausser les épaules en s’disant que ça fait un an, que ça ne devrait plus être bizarre. « J’dis pas non à de la pizza. » Bien, il ne va lui rester qu’à faire le tri dans les cartons du frigo. Est-il utile de préciser que le repas à venir ne se fera avec une garantie sans salmonelle. « J’espère bien, personne ne refuse le met de mes ancêtres ! » fait-il, en ne résistant pas à l’envie d’imiter l’accent et les gestes purement italien de sa mère. C’est rare que Tad rappelle ces origines, mais l’occasion de faire rire Ariane était trop forte. « Et moi j’pars à la chasse aux restes de bouteille. » Comme toujours. Tad lui fait le clin d’œil autorisant à fouiller à s’emparer de tout ce qui est liquide dans l’appartement, pendant ce temps, il s’aventure dans le frigo, ouvre les boites à pizza (dont certaines sont vides, bravo champion) pour tenter de composer un semblant de diner pour lui et son invitée. De temps à autres, il regarde par-dessus son épaule où elle en est de la préparation de la mixture. Tad rassemble ses restes dans un plat, qu’il apporte sur la table du salon. « Je les ai classé de la plus ancienne à la plus récente, comme ça, si t’es malade, tu seras que t’aurais du t’arrêter à la pizza que j’ai commandé y’a cinq jours. » Bon, c’est clairement pas la façon de montrer qu’il a muri, mais après tout, en quoi ça la concerne aujourd’hui. Le souvenir d’un paquet de chips égaré dans la chambre refait surface, histoire de compléter le tout, il s’en va à sa recherche quand la voix d’Ariane passe à travers le mur. « Tad, tu peux me ramener une couverture s'te-plaît? Ou une veste, ou un manteau, ou un rideau, j’sais pas. » Euuh … Il reste interdit un instant, se retient de lui rappeler qu’elle a pris avec elle tout ce qui était plaid quand elle est partie, mais plutôt qu’évoquer ce souvenir, Tad prend la seule chose qui correspond à sa demande et qu’il a sous la main : sa couette. Il retourne dans le salon, dépose la grosse couverture sur le canap. « Tiens, c’est ça ou une serviette de bain. » Parce que même les rideaux, y’en a plus. « Ouhhhhh, cet épisode va faire mal. » Qu’elle lance en prenant place, il en fait de même. Le bouton lecture n’ayant plus qu’à être pressé.
« Shot! » L’épisode commence bien. Un premier verre déjà et Tad suit Ariane dans sa rincée, le fait qu’il déteste l’alcool fort lui revient en mémoire et la mixture de ce soir, qui est un sacré débouche-tuyau, lui brûle la gorge, lui fait déjà regretter son engagement. Mais, comme c’est pas le moment de jouer les faibles, il se contente de tousser dans son coin tout en recentrant son attention sur l’épisode, s’il pleure trop, il se dit qu’il pourra toujours faire semblant de rire. « SHOT! » Et ça revient, une seconde fois. Tad arrive encore à faire le brave et en même temps, ce n’est pas dur parce qu’Ariane a les yeux rivés sur la télé. Scène d’amour totalement cucul à l’horizon, et Tad sait ce que ça venir, ça va couiner. Autant se préparer psychologiquement. « Shotsssss! » Qu’elle s’écrit à nouveau. La scène arrive. Le jeu d’acteur lui prend toute sa capacité à réfléchir de par son improbabilité, il ouvre grand les yeux. A ce moment-là, c’est comme Ariane, il se pose tout un tas de question sur la faisabilité de la chose. « C’est impossible à faire, ça. » Qu’elle balance après plusieurs minutes à observer la scène, comme si elle était outrée que l’on essaie de vendre ce genre de chose aux gens, comme si le manque de crédibilité était vraiment offensant dans ce type de série. Rapidement, elle saute hors de canapé et tente de reproduire ce qu’elle voit. Ça avait toujours été un jeu entre ça, de copier les positions discutables présentées dans les porno. Mais aujourd’hui, leur relation est telle que, de la voir essayer, rigoler sur ce qui était une habitude entre eux, le met quelque peu mal à l’aise, il ne sait pas si c’est la tequila mais il a chaud et n’ose pas vraiment la regarder. « Genre, tu peux pas être à quatre pattes et avoir la main là, et ses hanches ici. » Il hausse les épaules, il ne sait pas quoi ajouter. Il pourrait venir l’aider, peut-être que la position nécessite deux personnes, mais en connectant deux neurones avant de lancer l’idée, il avorte en se rendant compte qu’il ne doit pas faire ça. « Je pense que là, on est dans l’ordre de la quatrième dimension. » Qu’il répond, sans trop se mouiller alors que la scène termine sous ses yeux. « J’deviens cynique, c'est ça? » Qu’elle demande. Question tordue. Lui dirait qu’elle a toujours été cynique, mais ça ne l’a jamais dérangé, au contraire même. Mais, il ne va pas non plus lui dire que c’est à ses yeux une qualité. Il ne peut pas. « Je pense surtout que, aujourd’hui, on voit encore plus de truc qu’on avait pas vu à l’époque. » Là encore, il ne se mouille pas vraiment et le fait qu’elle s’en rende compte le traverse, alors il s’empresse d’ajouter. « Mais, continue de critiquer, c’est ça qui fait que c’est drôle de regarder avec toi. » Il chope une part de pizza, à bouche pleine, aucune obligation de l’ouvrir et l’épisode défile, la cendrillon des temps modernes poursuit sa quête du prince charmant et continue d’offrir des moments incroyablement malaisant. « J’arrive pas à déterminer si c’est une bonne chose ou pas qu’on en fasse plus des séries comme ça, c’est un très mauvais exemple de relation amoureuse pour les gamines mais, c’est tellement drôle. » Qu’il commente, avant de mordre à nouveau dans la pizza, sans avoir conscience qu’il n’est pas la mieux placer pour ce qui est de parler de relation amoureuse exemplaire.
Il est mal à l’aise le petit, ou alors c’est qu’il essaie de ne rien manquer de ce qui peut se dire à la télé à travers tout mon babillage. Même si chaque épisode a été visionné un nombre indécent de fois, c’est probablement toujours une religion autant pour lui que pour moi de ne rien manquer des nuances, question d’ajouter de nouvelles insides stupides dont on finit comme seuls auteurs à notre palmarès. Faut dire que notre sens de l’humour et nos intérêts avaient parfois des anicroches - et que Modern Cendrillon ne faisait pas exception à la règle. « T’imagines comment ce serait le summum qu’au fond ce soit une mutante?! » et je suis toujours postée à quelques centimètres de l’écran, les iris qui suivent chaque mouvement à la recherche d’un complot digne de Professor Xavier, ou même tirée direct de Roswell. « Ou qu’il lui manque quelques côtes. » ce qui me semble le plus logique dans la gymnastique qu’elle met en scène à l’écran. J’en appelle au potentiel médical de Tad, espérant qu’en quelques secondes à peine il arrive à me dire si physiquement tout roule chez la nana en question ou si c’est un travail de CGI particulièrement réussi. « Là ça serait direct une carrière dans le porno, aller simple. » j’imagine les billets qui s’aligne pour elle, quand on la vendra comme la révélation du X, celle qui arrive à se cambrer dans tous les sens sans le moindre heurt, et qui ainsi peut réaliser les fantasmes les plus tordus de gros dégeulasses installés dans leur sous-sol à la mater sur webcam. Mon délire éclate dans son envol, et Cooper passe en mode philosophe, ce qui m’arrache un petit rire bien cynique, juste assez. Depuis quand il pensait à la prochaine génération, et aux exemples ridicules dont on la gavait? Au pire, y'avait pas mieux qui pouvait se retrouver au journal de 18h, et c’était bien ça le plus alarmant. Là au moins, elles apprenaient comment enfiler une capote à leur mec avec des scènes en close up tout sauf sexy, mais clinicalement élaborées. Un peu plus et le prochain épisode se chargerait du b-a-ba de leurs premières règles. « Bah, côté mauvais exemple, tu parles quand même à la nana qui est payée pour sauver des couples à toutes les semaines, mais qui a pas réussi à sauver le sien. » et j’hausse les épaules, douce ironie, pas particulièrement déçue ni défaitiste, juste réaliste. Une année complète avait pu passer entre notre rupture chaotique et aujourd’hui. Que ce soit l’alcool qui parle ou l’humilité, j’avais bien fini par m'en remettre et lui tout autant ; je méritais bien le droit d'en rire, pour les larmes et les cris que ça avait causé. Un clin d’oeil plus tard et je reviens me poser près de Tad, drapeau blanc en vue. Et parce qu’on enchaîne de suite sur le prochain épisode avec une scène olé sous la douche, et parce que mine de rien l’ambiance a un peu changé - de raison, lorsqu’un ancien nous a été mentionné, je préfère miser sur les bons points, sur le positif, histoire de rester là où on en est, une relation simple, une genre de… d’amitié? « Tu sais, y’a personne avec qui ça a été… comme avec toi. » le sexe, encore et toujours, mais c’était ce qui nous définissait le mieux. Malgré les disputes, malgré les reproches, malgré nos milliers de différences, restait que lorsqu’on en venait à être charnel, il n’y avait rien ni personne qui pouvait nous égaler à mon sens.
« T’enfle pas trop la tête, moi je dis que ce sont tes gènes de Don Juan italien qui te rendaient si olé au pieu. » qu’il se calme aussi, devant la confidence. J’ai pas dit ça pour lui casser les chevilles dès qu’il se lèvera du canapé, mais bien parce que c’est vrai, et qu’après chaque échec, qu'après chaque connerie, on s’en sortirait toujours tous beaucoup mieux si on misait sur les bons coups. Justement. « M’enfin, c’est une tragédie sachant que la dernière fois où on m'a vraiment fait crier remonte à y’a un an. » c’est pas faute d’avoir essayé. Les coups d’un soir, les fréquentations - j’étais pas devenue prude non plus post-rupture, mais juste. C’était difficile d’aller chercher la complicité qu’on avait bâti après toutes ces années dans une ruelle de bar, ou sur le siège arrière d’une bagnole. « Oh, oh, oh, SHOT! » distraite, et pas qu’un peu, je tourne la tête d’un geste sec vers ce qui se surjoue devant nous, et Cendrillon qui se met à pleurer toutes les larmes de son corps devant l’autre russe qui aligne en moyen 0.5 réplique à chaque épisode où il est casté, castré. « Genre tu peux pas éclater de la sorte sur le paillasson du badboy de service sans qu’il te rejette. Fausse représentation. » et je secoue la tête de la négative, avant de faire descendre la tequila brûlante le long de ma tranchée pendant que dans leur monde de paillettes et de drama ils s'embrassent à gueule déployée sous la pluie battante.
Forcément, de la voir à quatre pattes à tenter de reproduire la scène charnelle se déroulant sous leurs yeux n’est pas sans effet sur Tad, qui se retrouve gêné à avoir subitement des pensées libidineuse à l’égard de son ex. Non pas que ce soit honteux, mais d’y penser remonte quelques souvenirs qui ne sont pas sans effet sur le mental du jeune homme, déjà affaibli par les shots de tequila ingéré trop rapidement alors qu’il sait très qu’il ne tient pas les alcools forts. « T’imagines comment ce serait le summum qu’au fond ce soit une mutante?! » Il s’efforce de rester concentré à leur conversation, fort heureusement, qu’Ariane soit bavarde aide beaucoup et alors qu’elle reprend place, Tad fait de même avec ses idées. « Ce serait possible si SyFy reprend la série un jour. » Syfy. Ou bien, la chaine coupable quand on aime la science-fiction mais que l’on sait qu’elle touche bien souvent des œuvres ridicules et bien ktisch. « Ou qu’il lui manque quelques côtes. » « Huum. » Qu’il répond en tournant les yeux vers l’écran pour vérifier la plausibilité de la chose. L’actrice étant tellement maigre, à la limite de l’anorexie même, il doute sérieusement qu’elel ait pu faire quoi que ce soit, mais bon, il peut toujours ajouter qu’une opération est possible. « Là ça serait direct une carrière dans le porno, aller simple. » « Je ne suis pas sûr qu’elle ait besoin de ça pour ça tu sais. » Non, clairement, quand on voit la série, on se demande comment le comité audiovisuel de protection d’on ne sait plus trop quoi n’a pas censuré ça. Tad se pose sérieusement la question et ne tarde pas à faire part de sa réflexion à Ariane, que c’est pas non plus un contenu approprié, que pas mal de gamine peuvent se méprendre sur les relations amoureuses et la façon dont elles doivent être, il trouve déjà assez dommage que le love/hate soit devenu la normalité. Après, est-ce qu’il peut vraiment émettre un avis sérieux ? « Bah, côté mauvais exemple, tu parles quand même à la nana qui est payée pour sauver des couples à toutes les semaines, mais qui a pas réussi à sauver le sien. » Oui, il dirait que c’est différent. Mais, il ne veut pas se lancer dans cette conversation. L’alcool lui monte au cerveau et à parler de leur relation, il a bien trop peur de dire une bêtise, comme que, parfois, les couples sont fait pour ne pas durer. Que ça ne veut pas dire que la relation ne mérite pas les honneurs, mais que quand on évolue plus ensemble, il faut se séparer et pour lui, c’est ce qui est arrivé. C’était fini, mais ça fait parti des choses. « Tu sais, y’a personne avec qui ça a été… comme avec toi. » Qu’elle ajoute alors qu’il se perd dans ses pensées. Il ne comprend pas, en un an, ça lui semble difficile de comparer une relation de cinq, à moins qu’elle ne parle de « Tu veux dire physiquement ? » Il a le sourire en coin bien malgré lui, celui du mec fier de savoir que pour l’instant, c’est toujours lui qui tient le score maximum. Et ça, elle le voit, plutôt bien d’ailleurs. « T’enfle pas trop la tête, moi je dis que ce sont tes gènes de Don Juan italien qui te rendaient si olé au pieu. » Maintenant qu’elle l’a vu, il sait qu’il peut rire de sa réaction de mâle stupide, à l’égo demandeur qu’on lui jette les honneurs. C’est plus fort que lui, et puis la fatigue, tout ça. Si au moins, il peut être naturel sur ce sujet. « M’enfin, c’est une tragédie sachant que la dernière fois où on m'a vraiment fait crier remonte à y’a un an. » Double confession. Il y’a un an, c’était forcément lui. Et là, les idées salaces reviennent le hanter. Ça revient le frapper, Ariane et lui, la façon dont ils bougeait ensemble, son odeur, son goût, et il sait qu’il devrait lui répondre rapidement avant qu’elle ne se rende compte de ce à quoi il pense, parce qu’elle va le voir, elle le connait, elle connait ce regard lubrique qu’il a quand il pense à une partie de jambe en l’air et Ariane vient juste de réveiller tout ça, ses confessions viennent lui donner l’envie de retenter, de le faire un nouveau, comme un sexe d’adieu. Et fort heureusement, elle ne semble pas voir la réflexion interne du jeune homme, le DVD continuant à tourner, la vie idiote de cendrillon continuant d’apparaître. « Oh, oh, oh, SHOT! » Qu’elle s’écrie, coupant ses pensées, l’amenant à prendre un énième verre qui sur le moment, il l’espère l’aide à penser à autre chose, mais même les yeux rivés sur l’écran, c’est Ariane qu’il voit, qu’il imagine avec lui et ça, c’est trop fort. « Genre tu peux pas éclater de la sorte sur le paillasson du badboy de service sans qu’il te rejette. Fausse représentation. » Qu’elle fait comme réflexion. Il ne l’écoute pas. Il ne cherche même plus à savoir ce qu’il se passe à la télé. Il a un geste rapide envers elle, se penche, attrape sa nuque d’une main, puis ses lèvres sans lui demander son avis, en priant les premières secondes qu’elle ne l’envoie pas paître, que d’avoir céder à ses instinct ne marquera pas la fin de leur soirée et finalement, elle ne le quitte pas, elle ne le gifle pas, ce qu’il prend bêtement pour une invitation, alors il pose une deuxième main sur son visage, intensifie son baiser, pas prêt à la lâcher d’une semelle.
Bien sûr que je le sens, son regard sur moi. Bien sûr que je sens chaque parcelle de ma peau épiée, analysée, une fois la simple mention de ses prouesses encore inégalées. Le simple rire qu’il laisse aller alors que je l’intime de ne pas trop s’enfler la tête suffit à ce que je perçoive de suite ce qui se trame, que je le sente, que je le nie aussi, parce que c’est beaucoup mieux lorsqu’on accuse ce genre de chose, qu'on oublie du revers. Je le connais par coeur, lui tout autant. Et cet aveu n’avait pas pour but ultime de relancer les hostilités, ni même de l’allumer, aussi illogique cela puisse paraître à vos yeux. Honnêtement, tout ce que je voulais, c’était souligner son travail dans les coins, lui rendre la monnaie de sa pièce, le remercier pour ses bons et loyaux services. Visionner ce genre de série avec lui, c’était gage des meilleures discussions qu’on avait pu avoir sur le temps, entre les actualités qu’on avaient entrevues sur les réseaux sociaux, et comment les scénaristes avaient dû être en crise d’inspiration pour rédiger des dialogues aussi lourds à endurer. Un énième shot à mes lèvres et je tourne le regard dans sa direction, m’assurant qu’il suive au moins la cadence, qu’il soit pas resté sur son hall of fame de la couchette en se repassant le top 5 de ses meilleurs moments sur repeat dans l’espoir de revivre encore et encore son heure de gloire. Apparemment, il a envie d’un rematch et pas juste dans sa tête. Pas de mouvement de recul alors que Tad s’approche, que ses doigts enrobent ma nuque, qu’il se presse d’un souffle, expire contre mes lèvres. Pas de mouvement de recul, parce qu'il a l'effet d'un aimant, et aussi chiant cela puisse être, aussi fâchant, frustrant, ce serait pire encore de refuser, pire encore d'ignorer. Il a la fougue, il a l’urgence à laquelle je ne comprends pas trop la provenance, compte tenu du fait que je suis là, que je bouge pas, et que limite, j'agrippe le pan de son t-shirt, le presse un peu plus fermement, le force à se rapprocher. C’est gage de retrouver toutes ces sensations d’avant, la cadence de nos souffles qui s’entremêlent, la pression de son étreinte tout autour, son parfum, le goût de sa bouche, sa langue. C’est sa barbe de quelques jours à peine qui gratte, c’est cette caresse, là, qui rend la chose un peu plus complexe, un peu plus piquante que juste un baiser, for old time’s sake. Et je suis pas conne, je sais bien ce qu’il veut, je veux pareil. Plus, mieux, ce à quoi on était si doués, avant. Ce que je crave depuis le contact, depuis la mention, depuis que je l'ai revu même, soyons fous. Je sens la chaleur monter plus le baiser s’allonge, plus mes mains se glissent sous les tissus, plus je retrouve la sensation de sa peau, sa texture, son grain. C’est le générique qui joue en trame sonore lorsque je prends le relais de l’initiative, me dégageant suffisamment pour passer sans gêne une jambe de chaque côté de son bassin, m’installer confortablement sur ses cuisses, l’oeil aguicheur. Une main qui passe dans mes mèches, un sourire qui constate, qui anticipe. « Il est encore temps d’appeler un Uber... » que je souffle contre ses lèvres, profitant de la proximité pour lui arracher un baiser, puis un autre, pas du tout prude, tout sauf l’envie de l’être. C’est une danse qui commence, c’est une attaque de piques qui se poursuivra jusqu’à ce qu’il m’empêche de parler, jusqu’à ce qu’il se charge personnellement de me fermer la gueule, pour mieux, pour pire. Mes doigts retrouvent vite leurs marques, descendant le long de son torse, retrouvant la boucle de sa ceinture, se glissant le long de sa hanche, mouvement lent, calculé, retenu qui lui provoque un frisson, qui fait écho à travers mes membres, ma respiration un peu plus haletante. « … ou même de me jeter à la rue avec mes clés. » mon index trouve lentement son aine, agresse par le temps qu’il met avant d’arriver là où ça compte, là où c’est sérieux, là où ce n’est plus que de simples baisers échangés qu’on oubliera demain, qu’on justifiera autrement. « T'as qu'un mot à dire et je me barre, toi qui y tenait tant tout à l'heure. » c’est trop facile et ça l’a toujours été, c’est trop simple et malgré tout ce qui reste d’avant, malgré nos bribes et ce que nous ne sommes plus, ce n’est même pas la peine de croire un seul mot de ce que je raconte, de ce que j’avance. À la seconde où Tad a entamé le tout, à la seconde où il a cassé la limite, franchit la ligne, on savait tous les deux que rien n'arrêtera quoi que ce soit. Que ce ne serait qu’une question de temps avant que je finisse par laisser l’envie jouer avec sa fermeture éclair, multiplier les mauvais choix, exposer ma faiblesse, et elle en est toute une, quand il est dans les parages, quand il agit de la sorte. « Par contre, fais gaffe. Tu risquerais de perdre ta place sur le podium, là. » un rire de plus et il est déjà trop tard, un soupir supplémentaire et je me cambre juste assez, recevant ses caresses sans penser à autre chose, sans même le vouloir.
Et il cède à la tentation, brusquement, sans prévention, sans rien. Il profite d’un instant où elle a le dos tourné pour s’emparer d’elle, de ses lèvres et se laisser aller à ce dont il avait envie depuis plusieurs minutes, ce qui commençait par être une obsession. La boule au ventre qu’elle le rejette s’estompe dès les premières secondes, elle accueille son baiser avec envie, elle l’encourage et Tad se sent galvanisé parce que c’était tout ce qui l’avait empêché d’avoir ce geste plus tôt. Maintenant, il n’en demande que plus. Ses mains se font plus baladeuses, de ses épaules à ses bras, de ses bras à ses hanches et de ses hanches à ses fesses qu’il attrape de façon ferme au moment où elle l’enjambe, où elle se place au-dessus de lui pour poursuivre l’étreinte, faisant grimper en flèche le désir de Tad. « Il est encore temps d’appeler un Uber... » Qu’elle souffle, faisant écho à leur précédente conversation, quand Tad essayait inconsciemment de se donner des motifs pour ne pas penser à ça, à ce qu’ils font présentement. Mais au lieu de lui répondre, il se contente de resserrer son emprise sur elle, de l’approcher de lui sans un mot en enserrant plus fermement ses hanches, parce qu’il n’est plus question de Uber. Du moins, pas pour les prochaines quinze minutes. Et ses lèvres rattrapent les siennes au passage, les capture dans une tentative vaine de l’empêcher de poursuivre ses propos sur un éventuel départ. Tad est trop bien parti pour ça, et les mains d’Ariane qui vienne à trouver l’ouverture de son jean commence à sceller la chose une bonne fois pour toute. « … ou même de me jeter à la rue avec mes clés. » Le seul endroit où il va la jeter, c’est sur leur lit. Il se retient de le dire. La froideur de ses doigts dans son caleçon n’arrive pas l’arrêter, et rapidement, leur présence commence à faire leur effet et le grognement rauque qui s’échappe d’entre les lèvres de Tad ne tarde pas à le faire savoir. Ses mains retrouvent le bord de son chandail, s’infiltre sous le tissus pour caresser sa peau, puiser sa chaleur un instant, jusqu’à ce qu’il décide qu’il en veuille plus, qu’elle est restée vêtue trop longtemps et qu’il lui arrache presque son maillot, laissant apparaitre sa poitrine, son ventre, laissant son cou à sa merci. Délaissant ses lèvres, c’est à cet endroit qu’il plaque les siennes, qu’il embrasse, qu’il goute du bout de la langue. Son parfum l’enivre, son excitation s’affirme de plus en plus et ses doigts en sont à caresser de plus en plus de peau, à s’infiltrer du bas de son dos jusqu’en dessous son jean. « T'as qu'un mot à dire et je me barre, toi qui y tenait tant tout à l'heure. » Qu’elle continue de jacter, sans pour autant lui faire arrêter le moindre de ses mouvements. Il a compris, il a probablement été con de suggérer qu’elle file avec les derniers invités. Surtout maintenant qu’ils en sont arrivés là. Mais, Tad n’a jamais été connu pour son intelligence. Et lentement, il en vient à glisser ses mains vers l’ouverture de son jean, qu’il dégrafe délicatement alors que ses lèvres en sont arrivées à embrasser ce que son soutien-gorge laisse à voir de ses seins. « Par contre, fais gaffe. Tu risquerais de perdre ta place sur le podium, là. » Et là, c’est trop. Un peu moins de parole, plus de geste qu’il se retient de dire. D’un geste fort, il la saisit, s’interrompt dans ses embrassades pour la renverser sur le côté, d’une façon brusque mais contrôlée afin qu’elle se retrouve en dessous lui, allongée sur le canapé. Il partage un long regard, sur elle, son corps à moitié dénudé. Il a la mine du garçon qui a faim, qui observe son déjeuner et avant de poursuivre, ses mains attrapent le jean, tire sur le tissus pour l’en dégager afin d’avoir une vue complète sur son anatomie. Il en vient à retirer son propre tee-shirt, avant de se baisser à nouveau sur elle et lui répondre. « Tu n’as plus besoin de partir. » Ce n’est même plus envisageable maintenant que Tad affiche l’ardeur dont elle le vantait quelques minutes plus tôt. Il a la respiration qui s’accélère, chaud, très chaud, et le sang qui cogne aux temps, soit à cause de l’alcool, soit à cause du moment. Et son visage se perd à nouveau entre ses seins, tandis que ses doigts viennent trouver la dentelle de ses sous-vêtements pour s’y insérer, s’assurer qu’elle sera rapidement sur la même longueur d’onde que lui.
Comme si c’était aussi facile que ça, aussi simple, aussi salvateur que de lui proposer, d’effleurer la possibilité qu’il soit encore temps de faire marche arrière, que partir soit plus logique. À l’instant où il me surprend d’un baiser, à l’instant où il s’accroche à ma nuque, y’a rien de plus naturel que de relancer, que de me mouvoir dans ses bras, que d’en demander plus, d’en offrir tout autant. La blague se poursuit maintenant que je passe par-dessus, maintenant que je le surplombe d’une tête et l’iris aiguisé, le sourire qui reprend du service. La pression de ses mains contre mes hanches m'arrache un soupir, ses baisers qui papillonnent le long de mes épaules, réchauffent ma nuque, enflamment mes lèvres, et il m’attire ou alors c’est à mon tour, j’en perds le nord, les sens décuplés. Je rigole et il s’empresse, je pique et il se délie, reprenant le rythme, le dictant comme tant de fois avant. C’est effrayant et excitant, de retomber si vite dans ses bras, c’est rassurant, exaltant. Et je ne suis pas le moins du monde surprise, de voir à quel point chacun de ses gestes, des touchers les plus discrets aux caresses les plus entreprenantes arrivent à m’allumer à ce point, étincelles qui s’embrasent au moindre contact, de ses lèvres, de sa peau, son souffle. J’ai la chair de poule alors que je m’aventure là où avant, je ne demandais pas de permission. J’ai la respiration haletante, presqu’interdite, maintenant que rien dans ses gestes ni dans son étreinte ne m’intime d’arrêter. Alors je joue à la gamine, je joue à la chieuse, à celle qui jacasse, à celle qui distrait, qui passe par ses mots ce qu’elle ose à peine du bout des doigts. Qui détaille d’un coup d’oeil défiant, qui murmure, le sourire trop assumé. Mon t-shirt en moins et je lui laisse amplement le temps de m’observer, de refaire ses marques, de provoquer une cambrure ici, et juste là. Malicieuse, effrontée, j’en suis à faire mon propre chemin vers son intimité, les baisers ne suffisant plus, l’eau à la bouche de m’y retrouver, les caresses étant déjà superflues, presque puériles, pudiques. Mon corps n’en demande que plus, rien n’arrive à le satisfaire. Sa chaleur contraste avec mes paumes glacées, et c’est forte de ses réactions que j’accentue mes mouvements, que j’impose le reste, plus besoin qu’il soit le seul instigateur, plus besoin que Tad soit au centre de ce qui se joue, là, comme si je n’en avais pas autant envie que lui, plus même. Position de pouvoir, et chacun de ses soupirs que je compte, que je convoite. Chaque halètement qu’il laisse glisser le long de sa langue accélère la cadence, mon emprise se resserre jusqu’à sentir l’impact de mes gestes, le coup d’oeil malin, trop intéressé, le désir qui monte. Tad cède bien vite sous mes gestes étudiés, sous mes paumes pressantes, possessives, et il me débalance, m’allongeant contre les coussins, contre son corps lové, mes courbes qui l’épousent parfaitement. Et il se dérobe de moi, de mon visage, de mes joues brûlantes, pour s’égarer sur mon corps, pour y passer ses mains agiles, souvenirs d’avant, mémoires effacées qui reviennent plus vite encore que je ne le voudrais, que je ne l’implorais, surtout. Je sens tout, je ressens tout, chaque brise, chaque passage, mon épiderme l’appréhende, le réclame, le soulage, le soupire. Les yeux qui roulent alors qu'il rétorque, et la pression du revers pour qu'il n'arrête rien, pas si tôt, encore un peu. J’ai la carrure en miette sans même qu’il ne m’ait touchée, vraiment, sans même qu’il ne m’est désirée, alors qu’il se promène, qu’il tergiverse, qu’il erre sur cette pente, cette horrible pente ascendante que je lui encourage, arquant le bassin, m’offrant comme si c’en était la seule issue logique à la fièvre, à cette sensation, piquante, brûlante, douce, affreusement douce. Son prénom qui glisse sans que je ne le retienne, et ce sont les derniers tissus qui quittent mon corps dans une énième expiration. Il a le doigté agile, le touché facile, et ce n’est qu’après avoir profité, trop égoïste, sensible, que je force son visage au mien, et je force son corps, près, plus près, déjà trop près, trop évident, trop pressé. Pulsion combative et destructrice faisant le reste, j’enlace son bassin de mes cuisses pour mieux le sentir contre moi, je le convoite, le détaille, pour voir ses yeux, pour voir son corps, pour le voir tout court. Le jeans qui lui servait de barrière disparaît aussi vite que je l’ai remarqué à nouveau, gymnastique qui m’arrache un éclat de rire et quelques baisers nichés au creux de son cou, capable de le rendre fou d’un millimètre à l’autre. Mes hanches ondulent et son torse qui s’allie au mien, ses bras qui enserrent ma taille, mon front qui se cale au sien, nos soupirs qui, saccadés, se retrouvent pour mieux s’éloigner, pour mieux s’aérer. La douleur s’emmêle à la chaleur de l’union que je convoite, avide, à la chaleur et à ce qu’il a à m’offrir, à tout ce que je veux lui donner.