Épiderme trop blanche pour l'Australie, trop terne pour ce pays. Poupée immaculée qui prend le risque d'un cancer pour bronzer. Qu'est-ce que c'est con! Et pourtant, elle était bien là, Debra, allongée sur le sable, protégée des grains piquants par sa serviette en forme de Calavera. Rien à voir avec la mode, elle avait surtout vu là la grandeur de la serviette qui lui permettait d'avoir de la place et la paix. Ça faisait un moment qu'elle faisait la merguez sur le barbecue, à se tourner et se retourner dans tous les sens pour espérer l'absence de marques de bronzage. Son string de bain, elle ne l'avat gardé que parce qu'elle n'avait pas choisi une plage nudiste pour cette fois - et puis le plaisir de voir qu'on a bronzé n'a pas de prix aussi. Le reste était dépourvu d'un quelconque tissu. Deborah n'avait jamais eu de problème avec son corps, à l'assumer, à le montrer. Très certainement des restes de ses années internat où traîner les seins à l'air à la sortie de douche devant les copines, ça n'avait aucune importance. Elle ne faisait plus attention aux regards sur elle, elle se fichait qu'on l'envie, qu'on la jalouse ou qu'elle inspire le dégoût et la colère par son manque de pudicité. Elle n'était pas la seule de toute façon à être ainsi.

Pourtant, alors qu'elle était allongée les yeux fermés, son instinct lui hurlait d'ouvrir un œil. En dépit de ses lunettes teintées, le soleil australien était encore foutu de lui donner un peu de difficulté d'ouvrir les yeux. Quelques secondes d'adaptation à la lumière et son regard croisait d'abord un téléphone avant de dévisager son propriétaire, ses sourcils se fronçant dans une colère qui ne s'entendait pas (encore) dans ses mots. « Ça va je te dérange pas? Tu veux pas que je prenne la pose non plus? » Instinctivement la jeune femme s'était redressée, l'un de ses bras cachant maladroitement sa poitrine. Bien entendu qu'elle l'avait suspecté de la prendre en photo (quelle idée de mettre son téléphone à ce niveau-là) et autant dire que les joues rougies de honte de l'homme n'arrangeait en rien cette suspicion. N'importe quelle autre meuf aurait hurlé au loup, au pervers photographiant femmes et enfants pour se toucher la pine sur les photos une fois rentré chez lui... mais Debra n'était pas n'importe quelle meuf.

« Tu as le choix. Soit je vais voir les maître nageurs pour qu'ils appellent les flics et tu finis en taule... » Sur ces mots, elle balançait sa crème solaire vers lui. « Soit tu me files ton téléphone et pendant que je le fouille, tu me mets de la crème dans le dos. » Parce qu'elle ne serait pas foutue de croire le moindre mot venant de sa part. N'importe quel pervers serait le premier à dire qu'il ne l'ait pas et qu'il n'a rien fait. Elle voulait le vérifier d'elle-même, coûte que coûte... quitte à lui faire à l'envers et appeler les flics quand même. Connasse? Quand c'était justifié, très certainement et fière de l'être.

« Si tu as rien à cacher, ça devrait pas te poser de problème. » Deborah était persuadée – faussement persuadée – qu’il essayait de la convaincre de quelque chose. Les pervers, une fois encore, étaient les premiers à affirmer haut et fort n’avoir rien à cacher, juste histoire d’avoir le temps d’effacer d’éventuelles preuves. Là, en l’occurrence, Debra ne quittait pas des yeux les doigts du blond, à l’affût de la moindre manipulation sur l’écran de l’objet connecté. Elle lui balançait même sa crème solaire dans un pseudo deal, à la fois parce qu’elle avait vraiment besoin de crème (le soleil australien ne pardonnait pas) mais aussi parce que ça lui permettait d’orienter l’attention de l’homme sur la crème en question et non sur son mobile. Attrapant son téléphone, elle ne rajoutait que quelques mots, pour ne pas dire un ordre. « Tais-toi et crème. » Ses cheveux mis d’un seul côté de sa nuque et ses lunettes relevées pour mieux voir l’écran montraient combien elle était sérieuse.

Effectivement, en arrivant sur l’écran, elle tombait sur l’application Twitter comme il lui avait affirmé. Hum, un peu trop facile pour effacer totalement sa méfiance. Il avait très bien pu appuyer sur l’oiseau en lui passant son téléphone, rien de bien sorcier. Elle quittait donc l’application en question pour se rendre directement dans les albums photos. Beaucoup de screenshot… heureusement pour lui, rien de bien compromettant parce qu’il n’était pas anodin que les plus pervers s’amusaient à prendre en screen des snaps de jeunes filles crédules se déshabillant un peu trop facilement. Rien à voir dans son cas. Beaucoup de titres de musiques, de pochettes d’album… « Deaf Havana hein... je te pardonnerai presque pour ça. » Au moins, il avait un peu de goût en terme de musique, c’était déjà ça… Elle continuait un peu de défiler, laissant les photos en miniatures. Quelques photos d’une meuf en particulier, de lui aussi (c’était bien un mec pour se prendre dix fois torse nu tiens), des photos de famille et lui… « Hé mais je le connais ce mec ! » Et non, elle ne parlait pas de Sawyer présent sur quelques photos de famille qu’elle n’avait, heureusement, pas ouvertes (sinon pour sûr qu’elle serait devenue plus blanche qu’elle ne l’était déjà) mais bel et bien de Levi. Enfin connaître, c’était un bien grand mot. « Enfin je crois le connaître, je suis pas sûre, il me dit un truc. »

Snapchat, WhatsApp, Facebook, Instagram, elle passait au crible toutes les applications à même de poster une photo sur un fil d’actualité ou dans une conversation privée. Rien, pas une seule trace d’elle dans le téléphone. Une forme de soulagement la prenait aux tripes. Si elle était tombée sur quelque chose de suspicieux, elle ne savait pas vraiment comment elle aurait réagi. Plutôt vive dans le genre, elle lui aurait probablement donné un coup dans les parties génitales, histoire de lui apprendre la leçon mais ça aurait pu aisément se retourner contre elle en cas de plainte ou simplement d’erreur de sa part alors oui, elle était soulagée de ne rien trouver. Soulagée d’abord et amusée de l’état de panique dans lequel ça avait mis le jeune homme. Elle profitait qu’il soit fort occupé à faire pénétrer la crème pour tendre le bras et balancer quelques mots ironiques. « Souris, tu es officiellement blanchi. » Ou presque… maintenant il avait une magnifique photo de lui en story Instagram avec une meuf aux seins nus, inconnue au bataillon de ses relations amicales qui allaient bien se demander ce qu’il était en train de foutre. « Disons que c’est ma petite vengeance pour avoir osé mater un peu trop longtemps et sans aucune discrétion. » Sans quoi, elle n’aurait jamais senti un regard sur elle. « J’espère que ta fiancée est pas du genre jalouse. » disait-elle avec un sourire en coin, fortement amusée de sa bêtise, ne lui rendant pas son téléphone, bien entendu, histoire qu'un maximum de contact ait l'opportunité de voir et commenter cette magnifique photo.

La visite du mobile était assez rapide. Aucune photo d’elle, c’était le principal. Elle aurait pu lui rendre son téléphone immédiatement et ne plus entendre parler de lui pour le restant de sa vie. Pourtant, elle fouillait un peu plus loin. Des détails intéressants, qu’elle relevait mais sans porter une quelconque importance aux demandes du blond. Elle était bien trop concentrée à ne pas louper de possibles choses compromettantes. Mais rien, ce mec était clean et c’était tant mieux. Presque clean… au regard de ses amis, il n’allait pas l’être très longtemps après la photo qu’elle venait de prendre mais ça c’était une autre histoire qu’il ne semblait pas comprendre alors qu’elle lui faisait simplement signe de laisser tomber. Il finirait bien par s’en rendre compte de lui-même à un moment ou un autre. « J’ai préféré vérifier... la prochaine fois tu feras attention à ne pas te mettre pile en face d’une nana à moitié nue quand tu consultes ton twitter. » Disait-elle non sans un sourire plutôt rassurant pour lui. Elle ne lui en voulait pas (elle n’aurait pas fait de photo sans ça) parce que Brody n’était pas de ce genre là mais il aurait clairement pu mal finir avec une autre fille qu’elle. Les suspicions de perversion, ça ne pardonnait pas.

La poupée brune se retrouvait rapidement avec un sourire aux lèvres des suites de sa question sur le groupe musical. « Fever, Boston Square, 22, Sing, Worship, Mildred Lost a Friend, Trigger, Sinner. Je t’en sors des plus anciens ou ça va aller comme preuve de connaissance ? » Elle en riait tant il semblait choqué de sa connaissance sur Deaf Havana. C’était vrai qu’ils n’étaient pas très connus mais ce n’était pas non plus un groupe d’amateurs, ils ont déjà plusieurs singles et albums à leur actif et non des moindres, pour Deborah en tout cas. Quelques instants de plus et elle lui rendait enfin son téléphone qui avait vibré quelques fois entre ses mains et en profitait pour récupérer sa crème solaire, fort déçue de ne pas avoir reçue d’aide. « Si je brûle dans le dos, ça sera entièrement ta faute, Kane. » disait-elle en ouvrant son tube pour s’en étaler sur le corps, la poitrine y compris, peu soucieuse que ça puisse le perturber ou non. A vrai dire, pour elle, la poitrine était une partie du corps comme une autre et les gens (notamment les mecs) en faisait une montagne pour pas grand-chose finalement.

« Debra. » disait-elle simplement pour se présenter, quand même, histoire qu’il puisse mettre un nom sur cette femme qui lui avait inspiré la peur dans les premières secondes de leur échange. « C’est quand même dommage d’aller à "la plage" pour rester accroché à son téléphone. Tu accompagnes quelqu’un ou tu es de ces personnes accros à leur téléphone au point de ne pas savoir s’en détacher le temps de quelques heures au soleil ? » Curiosité peut-être mal placée, il était fort possible qu’il prenne cela pour une critique (bien que cela n’en était pas une, Deborah estimant que chacun pouvait bien faire ce qu’il voulait) mais tant pis. Elle ne s’enquiquinait jamais avec la bienséance ou le fait de poser des questions gênantes ou trop directes. Elle n’obligeait jamais personne à répondre et n’empêchait quiconque de l’envoyer bouler si elle se faisait trop intrusive.

Il faisait beaucoup trop chaud pour rester à l'intérieur, question de principe. Enfin, à partir du moment où on était suédois, au delà de moins vingt degrés, c'était déjà la canicule, autant dire qu'à Brisbane, Wren aurait pu se lancer dans une carrière de nudiste sans aucun problème. Les gens en auraient été choqués malheureusement alors il se contentait de prendre son maillot de bain, des lunettes de soleil, deux trois bricoles pour s'occuper avant de rejoindre Kane pour un bon moment de fun dans l'eau. Les deux pompiers n'avaient rien en commun en dehors de leur métier et pourtant, ils s'entendaient à merveille. Personne autour d'eux n'y comprenait quelque chose puisque Doherty n'avait pas l'air de voir s'attacher à qui que ce soit alors que Kane conterait fleurette à la moindre pâquerette qui pourrait croiser son chemin. Au fond, son collègue l'attendrissait parce qu'il arrivait à surmonter des peurs qui le tourmentaient depuis des années. Kane était casé, il faisait attention à ne jamais froisser personne et restait toujours dans les clous au travail. Quant à Doherty, il était incapable de rester en place lors des interventions, sa plus longue relation depuis une décennie devait être de l'ordre d'une semaine mais quelque part au milieu de ces différences irréconciliables, les deux illuminés arrivaient à rire ensemble et s'inviter à des baignades comme s'ils étaient le miroir l'un de l'autre. Arrivés sur les lieux, Wren n'en pouvait plus des trente cinq degrés à l'ombre, il ne jeta pas un regard autour de lui avant de se jeter dans la flotte. Forcément, il s'attendait à ce que Kane débarque à un moment donné mais le suédois dût réaliser au bout de cinq bonnes minutes qu'il n'y avait pas l'ombre d'un musicien aux cheveux longs dans les parages. Ayant nagé pendant plusieurs mètres, Wren dût froncer les sourcils pour chercher des yeux son collègue adoré. Il crut halluciner en le voyant aux côtés d'une brunette qui n'avait pas l'air d'être très habillé. Forcément, le pompier s'approcha, se demandant bien ce que Kane avait encore foutu pour se retrouver à parler avec des femmes nudistes quand il rougissait devant un documentaire animalier sur la reproduction des poissons rouges. Non, cela ne devait pas être possible, Wren avait confondu ses clopes avec la marijuana du voisin du dessous, point barre... Sauf qu'en revenant à la nage, il constata bien vite que Kane était en pleine conversation avec une brune, seins en l'air, crème solaire en train de sécher au soleil. Wren s'extirpa de l'eau, arrivant au galop à point nommé puisque la belle inconnue mentionnait la passion dévorante de son ami pour son téléphone portable. "Non, mais c'est vrai ça, Kanou. Je t'ai pas déjà dit qu'il fallait arrêter de mater des pornos en public? Faut l'excuser, madame, il découvre encore les joies de la sexualité..." Wren passa son bras autour des épaules de Williamson en remettant ses lunettes de soleil correctement sur le bout de son nez, forcément pas choqué un brin d'avoir des seins sous les yeux. C'était plaisant évidemment mais étant donné son manque de pudicité, il n'en était pas dérangé. "D'ailleurs, ça fait dix plombes que je t'attends dans l'eau là... Tu peux m'expliquer ce que tu fous là? Si tu me réponds que tu dragues attention hein, je pensais que c'était toi de nous deux qui était casé mais après, j'ai peut être loupé un ou deux épisodes dans l'affaire..." Il sourit à son ami avant de se tourner vers l'étrangère. "Wren. Le mec que Kane devait accompagner mais l'appel des seins gagne toujours contre une bromance, la tristesse." Il tendit la main vers Deborah, amusé de la situation. Non, clairement, Wren était en train de vivre un des instants les plus épiques de sa vie pas le moins du monde paniqué par la gêne de son camarade... Du Doherty tout craché.

Ce mistral, elle ne l’avait pas vu venir. Pas entièrement en tout cas. Elle ne pensait pas qu’il aurait une telle réaction face à elle. Elle voyait bien qu’à sa façon de s’enfoncer dans son téléphone, il ne l’écoutait plus vraiment et c’est pour le peu qu’il ouvrait la bouche qu’elle devinait sans mal à son ton froid qu’elle l’avait vexé. Ça arrivait souvent, trop souvent sûrement. Ça expliquait le peu de vrais amis qui arrivaient à la supporter d’ailleurs. Trop brute de décoffrage, pas assez délicate dans les mots. Elle n’était pas bien douée avec ça, surtout à l’oral où elle ne prenait pas le temps de penser, où aucun filtre n’était apposé entre son cerveau et sa langue trop déliée. « A vrai dire, je m’en fou un peu. Tu fais ce que tu veux. C’était juste de la curiosité. »

Tant pis. Certes, il y avait des façons de dire les choses (dont elle n’était pas dotée visiblement) mais tout comme lui qui la trouvait trop moralisatrice, elle le trouvait un peu trop susceptible. Lui aussi devrait chiller et simplement admettre qu’il passait peut-être trop de temps sur son téléphone. C’était monnaie courante aujourd’hui et il n’y avait pas de mal à ça – c’était peut-être aussi pour ça que Debbie n’avait pas mesuré la portée de ses paroles possiblement vexantes, parce qu’elle-même ne voyait pas en quoi être catégorisé d’accro au téléphone pouvait être vexant quand, pour elle, il ne s’agissait que d’un fait.

Ils frôlaient le malaise – si ce n’était pas déjà fait. Moment relativement opportun pour qu’un grand brun se joigne à eux. Kanou… elle avait failli rire… puis il l’avait appelé madame et elle n’avait plus ri. Madame, really ?! Ça faisait mal… enfin ça piquait quoi, gentiment. C’était tout de même difficile de ne pas sourire avec de tels propos. Kane, lui, restait concentré sur son téléphone. « Debbie. » se présentait-elle simplement en serrant la main au nouveau venu tandis que le blond ouvrait les lèvres pour justifier de sa non-venue dans l’eau, sans pour autant quitter son écran des yeux, sûrement une manière de faire comprendre qu’il boudait. Debra scellait ses lippes, pour éviter un magnifique "pire qu’une gonzesse" qui menaçait de sortir et d’envenimer la situation. Elle n’y tenait pas vraiment, dans le fond elle n’était pas bien méchante, juste maladroite

« Je crois que j’ai vexé ton ami, c’est davantage ça qu’une quelconque poitrine qui l’a retenu ici, désolée. » Bon certes, il l’avait maté probablement sous la surprise – bien que la brune n’avait absolument rien vu – mais ce n’était pas ses seins qui l’avaient retenu là, loin de là. « Est-ce que tu serais plus disponible que Kane pour protéger le dos d’une non contorsionniste ? » demandait-elle, son tube de crème solaire à la main. Quitte à avoir un autre gars sous la main, elle n’allait pas se gêner pour demander. « Je devrais peut-être t’en prêter, tu es aussi blanc que moi. » Presque des fantômes sur le sable australien, clairement pas deux natifs d’ici.

Avec ou sans aide, irrémédiablement, son regard se reposait sur le blondinet. Quant bien même c’était malgré elle, elle n’aimait pas faire du mal aux gens, encore plus sans raison. Elle aurait pu s’en foutre, passer à autre chose, mais elle était embêtée à l’idée d’avoir provoqué la colère de quelqu’un en une si belle journée, encore plus quand le garçon en question n’avait rien à se reprocher au final. Alors simplement, elle s’était penchée pour que sa main atteigne son genou afin de lui faire relever les yeux, ou éveiller son attention à ses paroles en tout cas. « Hé. Je te présente mes excuses. Quoi que j’ai pu dire qui t’a peiné, je suis désolée. » Qu’il les accepte ou non, elle avait fait preuve de sincérité et c’était là l’essentiel.

On ne pouvait pas dire qu'il était populaire auprès de ses collègues, certainement parce qu'il était trop honnête pour son bien. Wren n'aimait pas les gens de manière générale. Il fallait toujours qu'ils parlent trop pour ne rien dire et ça, c'était frustrant au possible pour quelqu'un d'aussi peu volubile que lui. Cela dit, certains jours, il s'amusait bien plus qu'il n'aurait pu l'assumer. Parfois, Wren était de bonne humeur et il pouvait rire de tout, surtout des autres. Bon, il fallait avouer que Kane était une cible parfaite pour cela puisqu'il n'était pas le garçon le plus expansif du monde. Il fallait toujours qu'il se retrouve dans des situations impossibles, le genre de situations où il ne maîtrisait rien du tout... La preuve, ils étaient à peine arrivés sur la plage que déjà, on l'alpaguait pour une histoire de crème solaire dans le dos. Forcément, au bout de cinq minutes de baignade solitaire, Wren avait fini par se rendre compte que son collègue ne l'avait pas suivi mais il ne s'était pas spécialement attendu à ce qu'il le trouve en pleine conversation avec une jolie inconnue. Enfin, si on pouvait appeler cela une conversation vu l'ambiance qu'il y avait quand il débarqua. Wren n'avait pas l'air gêné outre mesure, c'était le moins que l'on pouvait dire puisqu'il s'empressait d'appeler Kane par un sobriquet ridicule avant de faire le coq devant la jeune femme. En fait, c'était tout à fait le genre de circonstances qui pouvaient l'amuser... Oui, Kane qui semblait au bout de sa vie, presque constipé avec le regard perdu vers son téléphone au moment où Wren discutait avec une certaine Debbie. "Enchanté, Debbie." Il lui sourit avant de se tourner vers Kane qui avait forcément la réponse parfaite pour se justifier. "Du coup, j'appelle L'Oréal tout de suite pour un shooting express? Ce serait con de pas profiter de ta chevelure parfaite du moment. Si tu veux pas te baigner, peut être que Debbie voudra m'accompagner, non?" Autant ne pas relancer Kane sur cette histoire d'addiction au téléphone sous peine de le voir devenir rouge de colère. Il était déjà rouge de gêne quand il était arrivé au milieu de la discussion alors peut être qu'il valait mieux ne pas en rajouter, a priori. Avec Wren cependant, ce n'était jamais aussi simple. Evidemment, il se porta derrière Kane pour lui masser les épaules en écoutant les paroles de la brune. "Il est juste un peu tendu, hein, Kane? Ca va passer, un petit massage et hop, tu reviens parmi nous." Il lui lança un clin d'oeil en sachant fort bien que Williamson n'était pas si simple à gérer quand la mauvaise humeur prenait le dessus sur tout le reste. Le suédois ne lui en tenait pas rigueur néanmoins vu qu'il n'était pas mieux que lui habituellement. Il s'arrêta dans ses gestes pour regarder Deborah avec un sourire. "Oh bah, si c'est pour dépanner, pas de soucis... Non, mais j'en ai pas masse besoin, les peaux de suédois, c'est hyper résistant, on dirait pas comme ça." Il attrapa la crème solaire, en mit sur ses mains avant de s'occuper du dos de Deborah sans gêne ni arrière pensée. C'était l'avantage de connaître quelqu'un comme lui, il lui en fallait bien plus pour rougir ou partir en courant. Il écouta les excuses de la jeune femme envers son ami et sourit légèrement, pas sûr que Kane soit si simple à calmer mais elle pouvait toujours tenter. "Kanette, si on va boire un verre après la baignade, tu nous offres un sourire? Allez, pour ton vieux pote. Ou pour la poitrine de Debbie, comme tu préfères." Il étouffa un léger rire, se disant qu'il abusait peut être un peu mais l'affaire le faisait trop rire pour qu'il puisse se contenir. En attendant, il se retrouvait au milieu de cette situation cocasse, à étaler de la crème solaire dans le dos de la brune tout en regardant un Kane collé à son écran de téléphone... Une bien belle photo de famille pour les passants autour d'eux.

Celui qui s’amusait sûrement le plus, c’était Wren et il arrachait des sourires sans aucun mal aux deux autres. Il était moqueur mais ça n’avait visiblement rien de méchant, les deux hommes étaient assez amis pour se permettre ce genre de réflexions que des inconnus auraient mal pris. Exactement comme Kane qui avait mal pris celles de Deborah parce qu’elle était justement une inconnue pour lui. C’était humain. « Debbie est partante au besoin, à ton service. » Se baigner, faire bronzette, se détendre, profiter de cette plage factice pour se donner l’impression d’être éloigné de la ville. Elle était effectivement là pour ça et ça serait avec plaisir qu’elle accompagnerait le brun dans l’eau si jamais Kane continuait de bouder sur le sable – il avait l’air déterminé pour ça en tout cas. Quand la jeune femme révélait que la mauvaise humeur du blond était très certainement de son fait, Wren n’en perdait pas une pour lui octroyer un pseudo massage pour le détendre, comme si quelques secondes d’appui sur les épaules allaient suffire à lui faire oublier son mécontentement. Non, bien sûr que non et même si le blond en souriait, ce n’était pas assez.

Un moment parfait pour demander à son tour une sorte de massage au grand brun avec un fort intérêt : lui protéger le dos du soleil assassin Australien. Elle n’avait aucune arrière-pensée en lui demandant ce service, bien aveugle – contrairement à Kane – du petit jeu de Wren, fier comme un coq et profitant des petites occasions pour se rapprocher d’elle. Et après on s’étonnait que sa réputation sulfureuse n’était pas en adéquation avec la réalité de ses relations humaines… Elle était nulle, véritablement nulle pour détecter la moindre trace d’une quelconque drague et ça se voyait tant elle portait peu d’importance à ce contact humain aussi minime soit-il. Il lui passait de la crème, ok, et alors ? Un geste anodin pour elle, trop peut-être tandis qu’elle passait ses cheveux d’un seul côté pour ne pas le gêner dans la tâche. « Tu ferras moins le malin quand Kane sera obligé de te passer de l’aloé Vera partout parce que tu auras cuit comme un petit poulet sur broche. »

Elle finissait tout de même par se pencher vers Kane, lui présentant ses excuses. Elle n’aimait pas blesser les gens malgré elle et si ça pouvait lui faire oublier cet instant d’agacement, elle lui offrait ses excuses avec plaisir tandis que Wren parvenait à lui arracher un sourire – et une légère gêne de la part de Debbie. « Non, tu ne me fais pas pitié, je trouve ça juste… normal. » Ouais, c’était juste normal de présenter ses excuses à une personne qu’on a blessé, rien de plus. Elle n’avait aucunement pitié de lui. « Intervention ? Qu’est-ce que vous faites comme boulot ? » Elle avait beau avoir fouillé dans son téléphone, elle n’avait pas assez fouillé pour comprendre qu’il était pompier et le vocabulaire emprunté – intervention notamment – pouvait s’apparenter à bien des métiers différents et le blond venait de piquer sa curiosité.

Un instant plus tard, elle basculait un peu sa tête en arrière, croisant les iris clairs de Wren. « Merci. » Presque un murmure pour le remercier de lui avoir passé de la crème solaire dans le dos. Un sourire et son regard revenait sur le blond, ne perdant pas une seconde. « Tu viens avec nous ou non finalement ? » demandait-elle alors qu’elle se levait, bien droite sur ses deux jambes. Wren avait parlé d’aller se baigner et il avait réussi à faire sourire Kane. Avec un peu de chance, le blond avait changé d’avis et ils allaient être trois à aller patauger dans l’eau et non plus deux. « Je vous laisse décider entre hommes. » Un léger rire et un clin d’œil à Wren qu’elle attendait dans l’eau, au moins lui puisqu’il l’avait proposé, et elle laissait ses affaires ici, prenant la direction de l’eau où elle ne perdait pas de temps pour s’immerger.

Spoiler:

Wren avait toujours eu une certaine assurance, il ne s'était jamais vraiment senti complexé. Il aurait pu pourtant parce qu'il était passé par tous les stades dérangeants de l'adolescence comme tout le monde mais ce cher Doherty avait survécu à cette sale époque sans encombre. Arrivé à l'âge adulte, il avait tout à fait conscience de ses atouts, de ce charme énigmatique qu'il mettait en oeuvre quand il en avait envie pour obtenir ce qu'il désirait. Les femmes étaient attirées par son petit côté secret, par ses manières de dandy renfermé, le genre d'hommes inaccessibles qu'on essayait par tous les moyens de dérider. Une belle utopie. Wren n'était pas facile à démystifier: pour preuve, il ne laissait jamais personne l'approcher de trop près émotionnellement parlant. Il avait quelques amis, mais même ceux-là ne savaient pas tout sur lui et le jeune suédois considérait que c'était mieux ainsi, surtout pour eux. Il fallait dire qu'il avait énormément de secrets, à commencer par cette histoire d'amour du feu qui était un risque énorme dans le métier qu'il avait choisi. Alors, les femmes, que pouvait-elle attendre de lui? Wren n'en était pas moins féministe, il respectait leurs désirs et approuvait leur besoin d'émancipation de la gente féminine mais lorsqu'il était question de s'engager, le pompier était déjà à trente kilomètres de là. Ce jour-là, Doherty était tout à fait dans cette optique, de jouer au mec énigmatique de base, se moquant gentiment de son cher collègue Kane. Lui qui avait été collé à son téléphone pendant la majeure partie de la conversation, il devait se demander ce que Wren était en train d'accomplir. Le suédois avait joyeusement accepté de s'occuper du dos de la belle Deborah et il jetait des regards en coin à son camarade, toujours aussi dépité de vivre pour le moment. "Ca n'arrivera pas, je te rassure. Je demanderai jamais une telle corvée à Kanou." Il lui fit un clin d'oeil à ce moment là alors que ses deux camarades du jour discutaient sans que Wren ne réagisse, bien trop concentré sur sa tâche. Une fois fini, il entendit les paroles de Kane... Intervention? C'était vrai qu'il devait bosser d'ici une heure ou deux, un crève-coeur vu la météo. "On est pompiers." Simple, sans détour. Wren n'eut pas vraiment le temps d'en dire plus, lançant un regard à Kane si jamais il avait envie de développer. A priori, Deborah était surtout prête à sauter dans l'eau, en témoignait le sourire et le clin d'oeil qu'elle leur lança. Forcément, Wren ne put que se tourner vers Kane. "Une petite baignade avant le boulot, allez. Enfin, moi, j'y vais, je sais pas si toi, ça t'aidera à... Te calmer si tu vois ce que je veux dire." Au moins, Wren n'était pas dupe de la situation, tapotant l'épaule de son comparse avant de se jeter à l'eau derrière Deborah, lui jetant des trombes d'eau par pur plaisir. Il fallait dire qu'elle était agréable cette jeune femme, très agréable.

En les voyant là, sur la plage, elle n’aurait jamais deviné qu’ils étaient pompiers. Délit de faciès très certainement mais tant pis. Cela dit, à y regarder de plus près (enfin !) ils avaient plutôt les physiques adéquats pour ça. Pas spécialement musclés à l’excès mais ce n’était pas des crevettes dépourvues d’un quelconque muscle non plus. Les équipements d’une vingtaine de kilos ne devaient pas leur faire spécialement peur. Une pensée un peu débile qui lui traversait l’esprit alors qu’elle se rendait compte qu’elle était un peu dans la lune, le regard un peu trop inquisiteur sur eux. Alors elle filait. Elle s’enfuyait dans l’eau qui lui paraissait fort fraiche après avoir passé tant de temps au soleil. Un frisson courait le long de son échine, sa peau était vite marquée par une chair de poule fugace qui disparaissait aussi vite que Debbie dans l’eau. Ça faisait du bien par une telle chaleur, il n’y avait pas à dire. La sensation de l’eau sur sa peau, ce coquillage planté dans le sable qui caressant son pied. Elle profitait de ces quelques précieuses secondes de solitude avant que le brun ne se ramène, l’agressant à grands coups de trombes d’eau qu’elle ne savait pas éviter. « Stoooop, ma coiffure et mon maquillage ! » Et elle riait cette dinde parce qu’elle n’était pas maquillée, ni coiffée et qu’elle se foutait outragement de la gueule des nanas qui prennent le temps de se faire un brushing et un ravalement de façade pour aller à la plage… why ?

Mais puisqu’il ne s’arrêtait pas, elle en profitait pour disparaitre sous l’eau, à l’abris de son regard. Un court instant dont profitait Kane pour prévenir Wren qu’il s’en allait, n’adressant pas à un mot à Debra – qu’elle n’aurait pas entendu de toute façon. C’est seulement quand elle refaisait son apparition à la surface en silence, après avoir nagé quelques mètres pour se retrouver dans le dos du brun, qu’elle constatait que le blond s’éloignait avec ses affaires en vue de quitter la plage. Ses cheveux devenus noirs au contact de l’eau se plaquaient vers l’arrière. Le visage et les épaules dégagés, la poitrine précieusement camouflée par l’eau, un sourire forcément amusé pointait au coin de ses lèvres quand sa bouche articulait les quelques mots qu’elle pensait tout bas – en profitant pour signaler sa présence au dandy Suédois. « Je vois que tu ne comptes pas t’en aller avec lui. Quand tu disais que c’était triste que l'appel des seins gagne toujours contre une bromance, je ne te pensais pas si sérieux. » La petite saloperie retournait gentiment les paroles de Wren contre lui-même soulignant que c’était sûrement sa poitrine qui le faisait rester là au lieu de suivre son collègue avec qui il était pourtant venu. « Enfin… je note aucune tristesse sur ton visage cela dit. Ça a même plutôt l’air de te faire plaisir. » Le sourire amusé qu’elle avait jusqu’à alors sur son visage mutait en un sourire taquin. Elle profitait même de leur promiscuité physique pour le rendre davantage charmeur. Elle jouait avec lui, de ce regard qu’il portait sur elle depuis le début et ce, sûrement malgré lui. S’il y avait bien une chose qu’elle avait retenu, c’est qu’il n’était pas casé et que, par conséquent, elle n’avait aucune raison de s’abstenir de rire de ça avec lui. « Ce verre que tu as promis à Kane s’il souriait, il tient toujours ? » Ok, c’était à Kane qu’il avait justement promis un verre mais ça coûtait rien d’essayer non ?