Se laisser aller au plus profond du désespoir, ce n'était pas quelque chose qui était déjà arrivé à Tim. Il avait déjà souffert, oui, bien sûr, mais jamais à ce point-là. Jamais jusqu'à la limite d'un effondrement pur et simple du corps et de l'esprit. Le jeune homme n'avait plus l'impression de vivre, pas même de survivre, il nageait dans le plus grand flou possible. Incapable de se sortir de cette phase de latence, perdu au milieu des soldats qui donnaient tout pour une mission qu'ils ne comprenaient pas le moins du monde. Lui non plus ne connaissait pas la raison réelle de sa présence ici, il voulait juste faire taire sa souffrance mais il n'était pas le seul dans ce cas précis, ce qui était plus ou moins rassurant. Ses camarades de chambrée lui avaient déjà parlé des diverses tragédies qui peuplaient leur vie et ils avaient tous cette peur de la solitude comme point de convergence. Alors, l'armée apparaissait instinctivement comme un instant de salut, une deuxième famille, une qui ne viendrait pas vous bousiller parce que c'était déjà fait auparavant. Timothy avait espéré cela lui aussi en signant le papier d'engagement puis, en évoluant durant quatre semaines dans les conditions les plus extrêmes. Il s'était massacré le moindre muscle, la moindre articulation pour passer toutes les épreuves que les dirigeants mettaient sur son chemin. A vrai dire, il était même plutôt bon dans les exercices qui nécessitaient un sacrifice profond parce que Timothy avait toujours été ainsi, à choisir les autres avant lui même, se mettre un but qui ne collait pas nécessairement avec ses propres désirs. Il n'avait pas spécialement eu envie de supporter tout cela mais c'était un fardeau qu'il avait pris le plus naturellement du monde après s'être émancipé de sa mère. Decastel avait voulu être le héros de tout le monde, sauf de lui même, mettant toujours un point d'honneur à voir autrui briller mais jamais sa petite personne. C'était encore le cas à l'armée puisqu'il faisait son possible pour que ses camarades tiennent le coup quand, lui, n'était même pas capable de tenir debout un jour sur deux. Il s'était effondré avant eux au final, après sa première soirée arrosée, après son premier coeur brisé surtout et on ne lui avait pas appris à gérer cela. Rien de tout cela. Il n'était encore que le gamin apeuré qui devait composer avec les jouets féminins qu'on lui mettait dans les mains et Tim détestait chaque seconde de cette existence qui le rendait aveugle aux yeux du reste du monde. Pourtant, à cet instant là, il aurait rêvé de l'être. Aveugle aux yeux de toute la planète, qu'on le laisse périr avec son coquart sur le visage et ses cernes sous les yeux. Ce n'était pas le cas parce que Heïana s'accrochait à lui, le laissait pleurer avant d'oser le regarder, le toucher, le rassurer par de simples gestes amicaux. Il n'aurait jamais cru pouvoir voir un peu de tendresse à nouveau parce que ses amis le détestaient tous ou presque, que Charlie en aimait un autre et qu'il n'avait plus personne à attendre désormais. Néanmoins, Heïana était là et elle l'entraîna bien vite à sa suite sans que Tim ne puisse refuser l'invitation. De toute manière, il n'avait pas vraiment l'impression d'être maître de son propre corps, ses pas sur le pavé résonnant jusqu'à ses tympans sans qu'aucun de ses muscles ne les commandent réellement. Ils atterrirent dans une chambre d'hôtel sans que Decastel ne prenne la mesure de son environnement. Il ne posa pas plus de questions à Heïana d'ailleurs, la suivant dans la chambre et s'asseyant sur le lit comme elle le lui avait demandé. Son regard était vide de larmes, il respirait tant bien que mal, il était absent. Pourtant, il la laissa agir, marionnette à la merci des bons gestes de son amie. Elle partit quelques instants et revint avec une bassine et un peu d'eau, Tim ne posa pas plus de questions, à nouveau. Il resta assis là, son regard se baladant sur les mains de Brook, cherchant à comprendre ce qui avait bien pu lui arriver. Il y avait encore quelques temps de cela, il était prêt à conquérir le monde, déterminé comme jamais à vaincre ses démons. Désormais, il n'y avait plus une once d'énergie pour cela, juste le vide absolu qui lui brûlait l'âme. Ses yeux bleutés, toujours brillants, se posèrent dans ceux vers d'eau de Heïana au moment où elle vint déposer un doux baiser sur sa joue. Timothy ne s'en formalisa pas, même s'il menaçait de pleurer à nouveau parce qu'il n'avait pas l'habitude de la douceur, de toute cette tendresse qui entourait son infirmière du moment. Elle lui retira d'ailleurs quelques couches de vêtements et Decastel ne bougea pas d'un iota durant l'entreprise. Il frissonna de douleur en sentant le parcours des doigts de Heïana sur sa peau mais il ne broncha pas. Ses muscles étaient contractés, il avait mal partout mais au moins, cela prouvait qu'il était encore vivant. Son regard océan se baissa vers la jeune femme en train de le purifier comme personne n'avait osé le faire jusque là. "Pourquoi tu es gentille avec moi? Tu sais même pas si je le mérite." C'était un fait. La moitié de ses connaissances devaient le haïr d'être parti, la seconde était complètement indifférente cependant. "Est-ce que ça pansera mon coeur tout ça?" Il connaissait déjà la réponse, évidemment. Rien de ce qu'il ferait dans les jours à venir ne le pourrait mais Tim n'avait plus que cet espoir pour tenir la route. Il posa sa main sur la joue d'Heïana pour soutenir son regard quelques secondes, abattu. "Dieu existe pas, Heïana, c'est pas possible. Regarde moi ça." Il regarda ses bleus colorant sa peau à divers endroits, sentit sa douleur comme jamais auparavant et Tim se sentit partir, s'allongeant sur le lit, des larmes roulant à nouveau mais plus discrètement le long de ses joues. Clairement, Decastel ne méritait pas autant de considération, pas de quelqu'un comme elle. La pureté incarnée.
Heïana prit le gant qui flottait à la surface de la bassine d'eau, et l'essora; elle sur-éleva un de ses genoux, posant à plat son pied, afin de pouvoir y poser la cheville de Timothy et commencer à frotter doucement la peau à l'aide du tissu imbibé. Une chanson lui vint alors, à nouveau tirée d'un manga qu'elle avait un peu regardé en version animée alors qu'elle était adolescente, et qui une fois de plus, ressemblait à une chanson religieuse, bien qu'elle n'en respecte pas les canons. Plus que les mentions de Jésus, de Dieu ou de quoi que ce soit, ce qu'elle aimait dans cette mélodie, ce rythme, ces paroles, c'était la douceur qui en ressortait, la compassion, l'empathie. Alors, la Tahitienne ne refréna pas son envie, et ses lèvres s'entre-ouvrirent pour laisser passer un flot aérien de paroles pleines d'espoir et de nostalgie mélangés: Lacrimosa dies illa... Alors même qu'elle chantait et que la traduction se faisait automatiquement dans son esprit, ayant étudié le latin au lycée, Heïana eut un petit sourire ironique; le chant qui lui était revenu en tête correspondait si bien à la situation ! "En ce jour de larmes, Où surgira de la poussière, Le pêcheur sera jugé. Pardonne-lui, mon bon Dieu. Jésus, notre seigneur. Le pêcheur sera jugé. Pardonne-lui, mon bon Dieu. Jésus, notre seigneur". En réalité, c'est surtout le début de la mélodie qui correspondait à ce jour, sur les larmes versées. Car aux yeux de la Tahitienne, son ami n'était pas un pêcheur devant être jugé. Enfin, n'importe qui pêchait, c'était évident, mais si il y en a bien un qui méritait le Pardon et la Miséricorde divine, c'était bien l'homme dont elle prenait soin en ce moment même. La jeune femme espéra un instant que Timothy ne s'offusquera pas de ces paroles qu'elle fredonnait, étant donné qu'il s'était assez détourné de Dieu ces derniers temps. Puis elle décida qu'elle s'en fichait bien, que ce qui comptait dans ce texte était plus l'intention et l'attention que la question religieuse, et que la musique adoucit les moeurs, alors aucun argument ne serait recevable contre cette chanson-prière. Lentement, le gant nettoyait le pied du soldat, jusqu'à sa cheville. Puis, Heïana passa à nouveau le tissu dans la bassine, alors qu'elle avait séché la peau de l'homme, et prit le second sur son genou. Elle retira une fois de plus l'excès d'eau, et se concentra sur sa tâche. Mais alors même qu'elle venait de recommencer son entreprise douce et lente, elle fut interrompue par la voix du garçon, qui réagissait pour la première fois depuis le camp militaire de Kapooka. Elle ne put s'empêcher de froncer les sourcils, clairement désapprobatrice face à la réflexion de Timothy sur lui-même. Cependant, elle ne lui répondrait pas de manière sèche ou moralisatrice, elle n'était pas venue ici pour ça. Ainsi, elle répliqua d'une voix plutôt sereine au final, continuant de laver le pied du soldat: Tu le mérites, Timothy. Je le sais, je le sens. Je n'ai pas besoin de plus pour vouloir ton bien.
Heïana se remémora la réaction de Lullaby lorsqu'elle lui avait transmis par SMS les pensées de la recrue à son égard. Autant dire que la wedding planner n'avait pas DU TOUT apprécié le fait d'être mise de côté, et avait été franchement blessée par ce manque de nouvelles de la part de son ami tout en se rendant compte qu'il parlait bien au moins à la Tahitienne, si ce n'est à d'autres personnes. Cette-dernière ignorait si la blonde avait envoyé un autre texto au brun partit à mille-trois-cents kilomètres depuis, mais si c'était le cas, il devait être moins tendre et moins inquiet que les autres, tendant plutôt vers des paroles incendiaires. Du moins, c'est ce que la métisse imaginait. Bien évidemment, Lullaby avait le droit d'être en colère, blessée, déçue, triste, la Polynésienne le comprenait totalement. Il y avait de quoi, dans un sens, et ce même sans qu'elle connaisse vraiment le lien entre l'organisatrice de liens éternels - ou sensés l'être - et l'ancien gardien de cimetière. Mais justement, si elle était aussi proche que ça de Timothy, elle aurait pu faire preuve de plus de compassion, ou au moins essayer de prendre du recul sur cela. Enfin bref, la réaction de la blonde avait été sur le vif, et peut-être que depuis elle était revenue sur sa colère. Heïana l'espérait de tout coeur, car le brun aurait besoin du soutien de ses proches, quand il retournerait à Brisbane. Plus que jamais. La Tahitienne se fit la note mentale d'en parler à Lullaby, dès qu'elle pourrait. En attendant, elle, Heïana Leï Brook, se tiendrait aux côtés du doux blessé, et l'aiderait de son mieux. Pas dans l'immédiat, répliqua-t-elle alors qu'elle séchait le deuxième pied de l'homme exténué, mais ça en fait partie.
C'est alors qu'elle sentit le toucher de la main de Timothy sur sa joue, la surprenant et la faisant rougir, discrètes teintes colorées apparaissant sur ses pommettes. Dieu qu'il était chaud... Interpellée, la franco-australienne releva les yeux et laissa l'homme la fixer le temps qu'il désirait, elle, à genoux devant lui, toute dévouée à sa cause. Elle n'eut pas le temps de répondre à ses quelques paroles que déjà, il s'affalait sur le lit, s'allongeant sur son dos. Heïana se redressa lentement, retenant un gémissement de douleur lorsque ses genoux la firent souffrir pour se ré-articuler: c'est qu'elle était bien restée agenouillée une dizaine de minutes ! Elle décala la bassine et le gant plus loin pour ne pas les renverser, puis vint s'installer aux côtés de Timothy, s'asseyant près de son torse. Elle fit glisser ses doigts sur les perles d'eau couleur tristesse, les recueillant comme un trésor précieux tout en déchargeant pendant une seconde l'homme de leur fardeau, puis la croyante posa sa main sur son torse, à l'endroit de son coeur. Dieu est là, en toi. En chacun de nous. Le principal n'est pas de croire au catholicisme, à l'Islam, au bouddhisme ou que sais-je. L'essentiel est d'apprendre à s'aimer; et là, tu connaîtras Dieu. La leçon semblait bien théorique et philosophique, mais n'était pas si fausse. A vrai dire, Heïana ne s'attendait pas à ce que le jeune homme rebondisse sur ses paroles, il n'était pas forcément en état pour cela; elle verrait bien. Elle ajouta avec douceur: Je n'ai aucun mal à imaginer que tout cela te semble bien lointain, peut-être même futile ou idiot. Tu peux le dire, je ne me vexerai pas. Tu es trop triste pour avoir envie d'y penser. Dans un sens, le jeune homme la rappelait; oh, elle n'avait jamais eu une telle descente aux enfers, du moins pas qu'elle se souvienne. Mais, alors qu'elle était dans sa chambre d'hôpital, après l'accident de voiture qui avait coûté la vie de ses parents et, pendant un mois, la voix de Moana à cause du traumatisme, son désespoir avait dû avoisiner celui que Timothy ressentait actuellement. Bien sûr, chacun voyait et percevait au fond de son coeur les choses différemment, mais elle pouvait essayer d'imaginer, de se mettre à sa place. Vivre une douleur telle que l'on quitte tout pour essayer de se reconstruire. C'est ce qu'elle avait fait, coupant tous les ponts définitivement avec ses connaissances brisbanaises, alors qu'elle avait dix-huit ans. Alors, elle savait le sentiment de solitude et d'abandon dont souffrait Timothy alors qu'il en était l'instigateur, en plus des causes profondes de son mal-être, car elle avait vécu la même chose. Et cela ne faisait que rajouter des raisons à son désir de le choyer, et doucement, de le remettre sur pieds. Mais il aurait besoin de plusieurs jours pour ne serait-ce, déjà, que sortir de cet état épuisé, catatonique et enclin aux pleurs. Elle veillerait sur lui, sur son sommeil comme sur ses pensées éveillées. C'est une promesse, lui murmura-t-elle, sans qu'il y ait de liens avec les derniers mots qu'elle avait prononcé plus tôt; il comprendrait sans besoin d'en dire plus. La jeune femme s'allongea finalement aux côtés de l'homme, un peu plus haut que lui afin de passer un bras sous sa nuque et doucement, l'attirer à elle, afin qu'il s'allonge sur le côté et puisse enfouir à nouveau enfuir sa tristesse contre son sein, alors qu'elle posait son menton dans la chevelure brune de Timothy. Ange tombé du ciel, dans un champ de Lys, en quête de guérison et de réponses. Des réponses qu'il ne trouverait qu'en lui-même.
Les mots n'étaient probablement pas suffisants pour décrire son état, autant physique que mental. Il n'y avait pas un vocabulaire assez richement développé pour expliquer à quel point ce corps décharné et ses pensées chagrinées ne se sentaient plus à leur aise en ce bas monde. Le tout avait été initié il y avait déjà bien longtemps, certainement au moment où sa mère l'avait agressé une fois de trop. Tim revoyait les images se bousculer dans son esprit, cette sensation de ne plus pouvoir respirer avec ses mains si fortement serrées autour de son cou et les traces qui étaient restées plusieurs jours ensuite. Il les avait regardées des heures et avait cherché à comprendre pourquoi c'était toujours ce corps qu'on violentait, pourquoi on ne changeait jamais de cible. Après tout, il y avait des tonnes d'individus qui auraient pu devenir Esmeralda aux yeux de sa génitrice en l'espace de vingt ans mais non, elle l'avait toujours considéré ainsi. Il resterait cette petite fille aux couettes et aux robes roses dans son esprit écervelé, plutôt que cet homme bien bâti et sensible qu'il était devenu. Timothy détestait cela, il était son fils, pas une marionnette mais il n'avait jamais eu le droit d'assumer ce rôle que le ciel lui avait donné le jour de sa naissance. A croire que Dieu l'avait haï presque instantanément pour lui prodiguer autant de souffrance avant même sa majorité mais, Tim avait tenu la barre jusqu'au bout, jusqu'à ce fameux jour où sa mère avait bien failli le tuer. Au delà de son corps, elle avait touché son âme et Timothy ne s'en était jamais remis. Il avait continué sa vie en arrêtant les visites et il était resté souriant parce qu'il avait revu Charlie après cet épisode mais ce bonheur là n'avait été que fugace, forcément. La présence du jeune Decastel dans la vie d'autrui n'était jamais suffisante, il était le substitut, celui qu'on acceptait parce qu'il était doux, drôle et sensible mais il n'était pas celui qu'on choisissait. Le blesser était trop simple et il en était la preuve vivante, plus d'un mois plus tard. Il n'y avait que Heïana pour calmer sa rage envers lui-même, que Heïana pour effacer ses peines avec de tendres gestes de la main. Elle pansait ses plaies apparentes mais c'était peut être celles de son âme qu'elle essayait d'atteindre. Tim n'en savait rien, il était là, présent physiquement mais totalement perdu mentalement. Il n'avait pas de mots, non toujours pas au moment d'écouter sa réponse pleine d'affection. Il le méritait, elle lui disait et lui ne pouvait même pas réagir, juste la laisser continuer à jouer de son tissu sur sa peau. Rien d'autre. Attendre que tout cela s'arrête, qu'il se retrouve de nouveau seul dans la pénombre de sa tente au campement. C'était le destin qu'il s'était choisi après tout, le seul qui ait de l'importance désormais parce qu'il était ici et que son ancienne vie était là bas, à mille trois cent kilomètres de ses peines. Seul reliquat de ce passé déchu, la présence d'Heïana, qui tentait de le rassurer, lui dire que tout irait bien avec le temps. Un jour, oui, un jour. "Quand alors? Est-ce que je peux vivre jusque là?" C'était véritablement un appel du coeur parce qu'il se posait réellement la question. Combien de temps pouvait-on subsister avec une telle peine coincée au fond de ses entrailles? Tim aurait aimé le savoir mais il se doutait que Heïana n'avait pas de réponses claires à lui apporter, rien qui ne le réconforterait. Alors, il prit le temps de la regarder, de prendre la mesure de ce qu'elle faisait pour lui, observant ses joues rosies soudainement juste avant de s'effondrer au fond du lit, pris par les larmes, par l'intensité du moment, de cette souffrance qu'il avait tant refréné et que cette affection nouvelle faisait ressortir chez lui. Il ferma les yeux pour éviter le flot de larmes de le happer mais sentit toutefois les doigts de Heïana retirer l'eau qui passait sur sa peau. Il ne tenta pas de l'arrêter, tout comme il la laissa ensuite poser sa main sur son coeur qui ne battait plus vraiment ces derniers temps. Elle parlait et il écoutait. A l'intérieur, il mourait. Encore. "J'y crois plus. Je suis incapable de m'aimer alors Dieu..." Il ne développa pas plus que cela, c'était de toute manière inutile, Brook avait certainement compris où il voulait en venir. Tim n'avait plus aucun intérêt pour la religion à l'heure actuelle et il ne savait pas si tout cela reviendrait un jour. Ce n'était pas le plus important au milieu de ses larmes il sentit Heïana s'allonger à ses côtés puis le porter vers son corps. A nouveau, Decastel la laissa faire alors que ses mains venaient l'enlacer instinctivement. Elle lui promettait d'être là, de l'aider dans cet instant délicat mais qu'avait-il à lui offrir en échange? Il n'avait rien. Il restait enfoui dans son cou et tâcha de reprendre sa respiration en se rapprochant un peu plus de la jeune femme. "Heïana, merci." C'était tout ce qu'il pouvait lui donner, la seule chose qu'il avait encore, des mots. "Raconte moi quelque chose. Fais moi rêver. Fais moi espérer à nouveau." il ouvrit les yeux et mit finalement son visage à sa hauteur, proche du sien la regardant avec ses yeux brillants de larmes mais il ne pleurait plus. Pour l'instant. L'avenir était si noire, son coeur si mort et son corps si usé mais il y avait encore son esprit qui fonctionnait et là, à nouveau, il avait besoin de son infirmière pour le remettre sur le droit chemin. Pour que les étoiles dans ses yeux bleutés s'allument à nouveau, l'espace d'un court instant.
Tu vivras, avait répondu la demoiselle d'un ton plus ferme que les précédents, mais non dénué de tendresse pour autant. C'était même tout l'inverse en fait: c'est l'affection qu'elle ressentait pour le soldat qui l'avait amenée à parler d'une voix plus décidée, histoire de remettre un certain cadre autour du soldat totalement désorienté. Pauvre âme en perdition, qui ne cherchait même plus la lumière tellement elle lui semblait inatteignable. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Peut-être que cette citation de la Bible était juste, mais elle n'en atténuait pas la douleur et la peine ressenties à ce moment précis par Decastel. Et la jeune femme venue à son secours aurait tout donné pour prendre son désespoir en elle, pour souffrir à sa place, si cela pouvait permettre de le soulager, même un peu. Alors qu'elle s'était allongée à ses côtés, Heïana l'observa tout en lui parlant. Mon Dieu qu'il avait maigri... Alors oui, bien sûr, il s'était musclé, et même pas qu'un peu, mais il y avait également un manque d'apports nutritionnels, ça ne faisait aucun doute. Son visage était beaucoup plus fin qu'il y a un mois de ça, les chevilles que la chrétienne avait lavées étaient si minces, et... La jeune femme se permit de laisser échapper quelques larmes silencieuses, profitant du fait que sa tête se trouve au-dessus de celle de Timothy, ainsi il ne la verrait pas faire. Depuis qu'elle l'avait aperçu, au loin, dans l'accueil du camp militaire de Kapooka, l'émotion lui avait enserré le coeur tel un étau douloureux, menaçant d'actionner les glandes lacrymales de ses yeux. Elle s'était retenue, par retenue envers son ami, qui avait bien assez à penser pour lui-même avant de s'inquiéter des quelques expressions émotives d'Heïana, fussent-elles sous forme liquide. Les larmes qu'elle libéra coulèrent doucement sur ses joues, pour s'écraser au choix sur les draps du lit ou dans la masse brune de cheveux de Timothy. Cela la soulagea presque instantanément, les maîtrisant dans leur apparition; hors de question d'éclater en sanglots, la Tahitienne avait juste eu besoin d'évacuer un peu de la pression ressentie face aux ravages de la vie sur son ami. Elle passa une de ses mains dans la chevelure bouclée, en lentes caresses délicates. La métisse ne répondit pas lorsque le jeune homme déclara qu'il n'était pas capable de s'aimer, alors Dieu... Elle savait qu'il n'y avait pas à argumenter, dans l'état où se trouvait le trentenaire; il n'y avait que la patience et le temps qui amèneraient une amélioration, jusqu'au point où il serait capable de se considérer différemment. Cette période de latence pouvait être assez brève, mais risquait surtout d'être longue, très longue. Mais Heïana serait là, soutien indéfectible, tel le pilier en marbre d'une colonne grecque au temple d'une des divinités du Panthéon antique. Elle attendrait que le brun revienne à lui-même, et resterait à ses côtés le temps nécessaire.
Dans sa tête, une question commençait à germer: pouvait-elle vraiment le laisser retourner à Kapooka ? Peut-être avait-il trouvé une certaine forme d'admiration là-bas qu'il n'avait jamais ressentie avant; il était probablement aussi bon en maniement d'armes qu'elle l'avait lu dans ses lettres; il s'y était fait un bon camarade de chambrée. Mais il avait commis une véritable fuite en avant là-bas, et elle ne lui avait pas été bénéfique, contrairement à ce qu'il avait pu espérer, loin de là même. Alors, il ne semblait pas du meilleur augure de le laisser y retourner. Mais la décision appartenait à Timothy, et la sage-femme ne pourrait le retenir auprès d'elle si, le soir venu ou demain matin, il décidait d'y retourner. Son coeur se serra à cette pensée: s'il penchait en sa faveur de ce choix, elle ne pourrait rien de plus que lui que constater sa mort à petit feu par le biais de leurs lettres, si tant est qu'il lui en envoie encore après ces retrouvailles auxquelles il ne s'attendait certainement pas. Après tout, Heïana avait, sur un quasi coup de tête, sauté dans un avion à la sortie de sa garde de vingt-quatre heures au St Vincent Hospital pour venir jusqu'au camp militaire. Même elle s'était un peu surprise de son acte, tout en étant parfaitement conscience des implications et des devoirs qu'elle endossait ainsi. Mais les responsabilités, ça ne l'effrayait pas; ça la connaissait bien après tout. Alors, la jeune femme espérait de tout coeur que Timothy écouterait la voix de la raison, ou que son âme possède une voix assez vive pour le persuader du bon chemin à prendre. Car même si ce n'était pas dans son champ d'action, de son fait, Heïana se sentirait coupable à jamais s'il arrivait malheur à l'homme qu'elle tenait dans ses bras. Et par malheur, vous savez très bien ce qu'elle entend. Cela ne peut être autre chose, l'ancien gardien de cimetière ayant déjà connu son lot d'épreuves pour une vie toute entière, à seulement trente-deux ans. La métisse fut interrompue par la voix fébrile de Timothy, reportant alors toute son attention sur ses yeux bleu innocence. La demoiselle murmura: Tu me remercieras quand tu iras mieux. Phrase qui ne reniait pas la gratitude du soldat, mais qui l'obligeait à avoir la perspective de jours meilleurs; le pouvoir des mots pouvait être immense. Elle observa le soldat se repositionner, restant dans les bras protecteur de la femme de vingt-cinq ans mais dont les instincts maternel, fraternel et juste empathique existaient depuis bien longtemps, afin de se mettre à la même hauteur qu'elle, à quelques centimètres seulement. Un doux sourire se dessina sur les lèvres pulpeuses à la demande de Timothy; elle préférait l'entendre dire cela, et se ferait une mission d'exaucer son souhait. Après une petite seconde de réflexion, elle raconta: Tu te rappelles des triplés dont je t'ai parlé il y a quelques jours ? Ils sont en pleine forme, même la petite fille. Les pauvres parents sont débordés, et une sage-femme va souvent leur donner un coup de main pour tout gérer. La jeune femme continua à raconter quelques anecdotes de sa vie au trentenaire, certaines drôles, d'autres touchantes. Tant qu'elle pouvait le distraire un peu de sa peine, même s'il savait qu'il devrait y revenir et l'affronter pour en guérir, la métisse était preneuse. Oh, et j'ai créé une variante de mon brownie: désormais, en plus des noix de pécan, je rajoute de grosses pépites de chocolat dans la pâte ! Ça apporte encore plus de fondant.
Le jour finirait par se lever au dessus de sa tête brune, il fallait encore l'espérer, sinon à quoi bon vivre? Timothy se posait cette question constamment ces dernières semaines. Pourquoi les faire venir sur cette planète si c'était pour les faire souffrir et les annihiler? Quel était le but de tout cela? D'autres avant lui avaient dû s'interroger mais il n'y avait aucun moyen réel de trouver une réponse fiable. Comme tous les autres, alors, Tim attendrait le jugement dernier pour obtenir ce qu'il cherchait car, en attendant, cette quête était bien vaine. Il ne pouvait qu'être un homme de plus dans la détresse, lui qui en avait croisé tant entre les allées de son cimetière. Combien de fois avait-il entendu des discours désespérés alors qu'il était en train de bêcher quelques parterres de fleurs? Decastel avait arrêté le compte depuis un moment. Il écoutait ces gens crier leur haine et leur peine au ciel et il avait envie d'absorber toutes ces mauvaises ondes, n'arrivant pas à les comprendre. Désormais, il avait changé d'avis: Tim les comprenait. Tous. Il saisissait les mots noirs, acerbes voire parfois suicidaires parce qu'il les avait pensés lui aussi. Il méprisait encore plus les gens qui souriaient, ceux qui lui avaient tant ressemblé par le passé, les optimistes voire les utopistes, ceux qui souffraient en silence. Tim avait envie de hurler tout ce qu'il pouvait ressentir mais contrairement à d'autres, il n'y avait aucun discours qui rendrait justice à cette noirceur au fond de son coeur. Rien ne viendrait alors, il valait mieux choisir le silence, ce qu'il avait toujours fait à merveille. Lorsqu'on le frappait, se moquait de lui et l'agressait, Tim ne disait jamais rien alors, pourquoi changer les bonnes vieilles habitudes? Non, il ne parlait pas, restant là à observer Heïana de ses yeux encore teintés de larmes salées. Il ne pouvait pas faire autrement, juste accepter les paroles de la belle brune, accepter le fait qu'il vivrait et qu'il pourrait la remercier plus tard, quand il serait de nouveau sur pied. Pour le moment, il avait bien du mal à voir un temps où il serait prêt pour cela mais il était dans les bras de Heïana et c'était amplement suffisant à l'heure actuelle. Sa main était dans son dos et il l'écoutait, silencieusement, ne clignant même plus des yeux pour savourer chaque mot qui s'échappait de ses lèvres. Elle lui narrait ce qui lui venait à l'esprit et les pensées de Tim pouvaient s'envoler vers des inquiétudes moins douloureuses, pour le moment. "Ça, c'est de jolies histoires. Des triplés. Du chocolat. Tout ce que j'aimais avant." Qu'aimait-il réellement aujourd'hui? Pas grand chose, a priori. Dormir. Ne plus penser à rien. Ne pas avoir d'existence propre. En cela, l'armée lui offrait le meilleur parce qu'il n'était même plus sa propre personne, il était un numéro sur une liste de soldats longue comme ses deux bras. Cela lui suffisait amplement, silencieux à nouveau. Il aurait aimé être en mesure d'apprécier ces plaisirs simples, ceux d'un fondant au chocolat ou de l'arrivée d'une nouvelle vie sur cette terre mais, le coeur n'y était pas vraiment, à dire vrai. "Ma mère me déteste. Mes amis me détestent. J'ai donné mon coeur à une fille qui l'a mis en miettes. Qu'est-ce qui me reste comme jolie histoire?" Heïana saurait peut être lui dire, même si Tim n'y croyait pas réellement. Il tâcha d'effacer quelques larmes qui couraient encore sur ses joues avant de reposer ses yeux dans ceux de la jeune femme. "Comment es-tu encore si pure, si généreuse, si aimante... Si toi?" Il ne l'était plus, lui. Timothy avait tout abandonné, même ce caractère qui lui était si cher et il l'indiqua en venant poser sa main sur la joue de Heïana, cherchant à retrouver cette image d'elle qui avait été la sienne aussi. Eux deux, les coeurs purs de l'église. Eux deux, les gentils optimistes proches de Dieu. Tim ne l'était peut être plus mais il était proche d'Heïana alors, c'était tout comme.
Le sourire de la Tahitienne ne se fana même pas lorsque Timothy lui dit que tout ce dont elle parlait, il aurait apprécié le voir, le goûter... avant. Mais plus maintenant. La jeune femme s'attendait à ce qu'il dise cela; elle avait ressenti quelque chose du même acabit, il y a quelques années de cela. Quoi qu'on nous raconte, et même si ça nous déleste de la peine ressentie quelques secondes, juste le temps que les mots passent entre les lèvres de la personne nous parlant, on replonge dans la mélancolie aussitôt la mélodie des paroles finie. Elle soupira doucement, non d'impatience, mais plutôt de compréhension. Bien qu'il y ait sept ans de plus qu'elle, et qu'elle en ait déjà vingt-cinq, elle avait l'impression de se revoir alors qu'elle était tout juste majeure et que, orpheline de père et de mère, avec une petite soeur encore enfant à consoler puis à éduquer, elle avait cru se perdre dans les limbes du désespoir. Par chance, elle avait trouvé en elle la force de se relever; c'est la Foi, et la perspective de voir sa cadette être envoyée dans de la famille lointaine ou en foyer d'accueil qui l'avaient fait réagir, principalement. Elle s'était raccrochée à des objectifs, comme prendre la tutelle de Moana et de l'éduquer du mieux qu'elle pourrait, puis devenir sage-femme comme elle l'avait toujours voulu, pour sortir des abysses dans lesquelles la vie l'avait plongée. Mais plusieurs jours durant, juste après l'accident de voiture, la Tahitienne avait été pleine de rancoeur, de peine, de colère, de désespoir, de tristesse. Tout ce méli-mélo d'émotions les plus négatives, qui semblaient vouloir l'enfoncer toujours plus. Alors, elle comprenait la détresse de l'homme. Lorsqu'il lui parla de son entourage, Heïana répondit avec raison et espoir à la fois: Ta mère est malade, Timothy. Et son âme est très sûrement en peine de te traiter ainsi. Elle ne pouvait pas dire à son ami que sa mère ne le détestait pas, vu ce qu'il avait vécu, elle se doutait qu'il ne serait pas prêt à l'entendre. Tes amis te pardonneront, même si il leur faudra un temps pour ça. Mais ils ne te détestent pas, c'est juste... Impossible. Ou alors le monde était vraiment plus pourri qu'Heïana voulait bien le voir; elle pria pour que ce ne soit pas le cas, et que le futur lui donne raison, de tout son coeur. Plus pour Timothy que pour elle-même, d'ailleurs; le jeune homme méritait une vie meilleure, qu'il pourrait croquer à pleines dents. Avec un sourire narquois, elle ajouta: C'est peut-être une piètre consolation, mais... Il te reste moi. Mon seul espoir est de pouvoir t'aider, quelque soit la manière. Après un court instant de silence, elle demanda: Tu veux parler de cette fille ? Je ne te force à rien, bien sûr. C'est comme tu le sens.
La jeune femme accueillit la main de Timothy sur sa joue en posant la sienne par-dessus, alors qu'elle gardait ses yeux espoir ancrés dans les iris toujours innocents, bien que teintés d'amertume, de son soldat. Qu'il la contemple autant qu'il le voulait, si ça pouvait l'aider à se retrouver, ou à se trouver. Elle eut un petit rictus aux paroles de l'homme, et répliqua: Je ne sais pas, comme tu le dis, je suis moi. Mais tu sais, je ne suis pas invincible, ni parfaite; j'ai tout comme toi, un jour été saisie par le désespoir. Puis, je me suis relevée. Tu y parviendras, toi aussi, même si ça te semble chimérique aujourd'hui. Une fois cela dit, sentant que l'homme commençait à reprendre un peu contenance, elle se redressa sur le lit, et lui fit signe de se remettre en position assise. Elle descendit une seconde, le temps d'aller chercher de son fameux baume du tigre, qu'elle avait amené en gros pot... Ainsi qu'un petit flacon en plus. Elle décapuchonna ce-dernier, et le tendit à Timothy. C'est de l'huile essentielle de camomille romaine, lui expliqua-t-elle alors qu'elle se positionnait à genoux dans son dos. Inspire profondément, en prenant ton temps, plusieurs fois. Ça te détendra. Aussi surprenant que ça pouvait être, cette technique fonctionnait vraiment ! La camomille était un puissant tranquillisant, alors concentrée en huile essentielle... Heïana s'en était notamment servi avant le passage de son examen final de sage-femme, c'est pour dire son efficacité! Et s'il y avait bien quelque chose dont le brun avait besoin en cet instant, en plus d'être entouré d'amour, c'est de trouver un certain apaisement. La sage-femme passa ouvrit son pot de baume apaisant, et en prit sur ses doigts, reportant son attention sur le dos et les épaules de son ami. Elle grimaça: tellement de contusions... Elle irait doucement. Dis-moi si je te fais mal, demanda-t-elle en commençant à appliquer la crème sur la nuque et les épaules de Timothy, moins marquées par les ecchymoses mais dont un massage lent et profond lui permettrait de se détendre un peu. Après quelques minutes de ces vas-et-viens lents sur le haut du dos, elle descendit sur les omoplates, avec moins de force. Humble, elle prenait soin de chaque parcelle de la peau marquée et des muscles tendus de la recrue. Un jour, tout comme les blessures à vif de son coeur, les hématomes disparaîtraient, bien que restant ancrés dans la mémoire du corps. Le temps de la rémission viendra, puis celui de la guérison complète, ne laissant plus qu'un souvenir dans la chair et dans l'esprit de Timothy, qu'il saurait gérer par lui-même. Il retrouverait la pureté du Lys, car son coeur était ainsi fait; voilà l'intuition d'Heïana, couronne d'étoiles brillantes dans la sombre nuit de son ami.
Retrouver la paix, c'était le seul voeu qu'il pouvait encore avoir, lui qui avait toujours été si serein face aux épreuves de la vie. Ce n'était franchement plus le cas. Il se sentait si perdu, sans but, sans pensée positive. Où était ce jeune garçon triomphant qui avait toujours des balles paroles à prononcer à autrui? Où était l'homme qui avait su réconforter Alex au cimetière? Où était ce sauveur qui prenait les personnes endeuillées entre ses bras rassurants? Tim ne le trouvait plus et pourtant, cela faisait des semaines qu'il cherchait le souvenir de cet homme là. Il lui en voulait tant de l'avoir quitté pour d'autres contrées. Au final, il l'avait aimé ce garçon là. Chéri même, parce qu'il avait toujours le sourire, qu'il ne se laissait abattre par rien et qu'il avait encore et toujours la force d'y croire malgré les divers malheurs qui lui étaient tombés sur le coin du nez. Le nouveau Timothy Decastel n'était pas aussi fort que le sien, même s'il était bien plus musclé, qu'il savait manier les armes et qu'il n'avait pas peur du bruit des balles qui fusaient autour de son visage. A l'intérieur pourtant, il était plus apeuré que jamais de ne jamais retrouver cette flamme, cette vie débordante qui était la sienne autrefois. En caressant le visage d'Heïana, il espérait pouvoir lui voler un souffle de cette énergie parce qu'elle lui ressemblait tellement, à ce garçon d'antan. Rien ne changea mais sa peau était si douce et ses yeux si tendres. Au moins, cette vision coupa ses larmes et il put parler, murmurer en fait. Lui avouer qu'il l'admirait à demi mot, car, malgré tout, elle restait fidèle à elle-même et prenait soin de lui. La seule personne qui avait été capable de cela. La seule qui avait franchi un nombre gigantesque de kilomètres pour venir le sauver de ses démons. Tim ne pourrait jamais la remercier à sa juste valeur mais il espérait qu'un jour, au moins, il pourrait être ne serait-ce qu'un dixième de la personne qu'elle était. Si belle, si aimante, si serviable et généreuse. "Ma mère est folle, en fait. Pour ce qui est de mes amis, j'en sais rien, Alex m'a bien dit qu'elle détestait ce que j'étais devenu. C'était ma meilleure amie et... Bee m'en veut aussi d'être parti. Je peux pas gérer ça." Non, il ne pouvait pas vivre avec ce flot de haine le visant. Sa mère avait déjà tué le moindre espoir du gamin innocent au fond de lui, voilà que ses chères amies martyrisaient la détermination d'un homme, mais ce n'était pas le pire. Non, loin de là. Il hocha la tête en entendant la proposition d'Heïana, il savait qu'il lui dirait tout, quand son cerveau aurait pris la mesure de ce qu'il y avait encore au fond de son coeur. En attendant, il s'assit à la demande de sa camarade d'infortune et il la vit le quitter une nouvelle fois, revenant avec de nouvelles onctions qui étaient censés réparer sa peau et ses os meurtris. A nouveau, Timothy la laissa agir, sans force pour la contredire de toute manière. "Qu'est-ce que le monde ferait sans Heïana Brook?" C'était la seule réponse qu'il pouvait lui apporter après avoir écouté son discours sur les malheurs qu'elle avait surmontés. Il ferma les yeux en sentant les massages d'Heïana marquer sa peau. Il n'était que douleur en cet instant mais il ne voulait pas lui dire, elle s'en doutait de toute manière, sa peau lui racontait cette histoire. "T'en fais pas. C'est que de la douleur physique." Non, ce n'était rien ces bleus qui venaient d'un coup de mitraillette, l'autre issu d'un parcours du combattant peut être trop costaud. Rien n'était pire que le bleu sur son visage causé par sa désastreuse chute la veille, c'était celui-ci qui faisait le plus mal parce que Timothy en connaissait l'origine. Il l'avait choisi, celui-ci. "J'ai rencontré la plus belle fille du monde. Elle s'appelle Charlie. Elle a des yeux qui pétillent, une douceur inouïe et un destin peut être aussi tragique que le mien. Tout de suite, j'ai senti mon coeur battre pour elle, comment aurait-il pu faire autrement? Elle était si jolie avec ses beaux yeux bleus et son rire d'ange. Ma sirène. Je l'ai aidé quand elle a souffert et elle m'a aidé quand c'était à mon tour. On s'est serrés l'un contre l'autre, on a pleuré ensemble, ri ensemble, on a été vivants ensemble." Il s'arrêta, reprenant sa respiration alors qu'un demi sourire naissait sur son visage face à ses souvenirs. C'était la première fois qu'il prenait la mesure de ces moments heureux, de cet amour profond qui n'avait plus lieu d'être. "J'avais jamais été avec personne avant elle. Et je lui ai donné tout ce que j'étais, tu sais, ma pureté,ma douceur, ma tendresse, mon amour, mon coeur, mon âme... Parce que je l'aimais tellement. Parce que je l'aime tellement. Et elle..." Il sentit les larmes monter encore mais Tim se mordit la lèvre pour ne pas se remettre à pleurer, se concentrant plutôt sur les gestes d'Heïana sur son dos ankylosé. "Elle m'a tout pris. Elle m'a jeté tout de suite après. Parce qu'elle aime quelqu'un d'autre." Il avait mal au coeur, ou tout du moins, à l'emplacement où celui-ci aurait dû être. "Mais, je suis encore amoureux d'elle. Je le serai encore longtemps. Je veux que ça parte. Je veux tout effacer. Tu peux pas m'aider pour ça, si?" Et ses yeux océan se tournèrent vers elle, pieux face à son innocente beauté. "Non, tu me fais pas mal. Tu me feras jamais mal, toi." Un léger sourire marqua ses lèvres alors qu'il posa sa main sur la sienne. Il était brisé mais il n'était pas si seul alors, Timothy pouvait peut être encore espérer à un avenir serein. Peut être, oui.
Je suis navrée pour ta mère... souffla Heïana avec compassion, ne pouvant qu'imaginer de manière très vague mais de toute façon douloureuse le déchirement que ça devait être, de voir sa propre mère s'attaquer à soi et ce sans même avoir conscience de ses gestes. Quand le jeune homme parla de ses amies, la Tahitienne répondit avec optimisme: Je ne connais pas Alex, par contre Lullaby oui. Quoi qu'elles puissent t'avoir dit, je suis sûre qu'elles attendront ton retour, au final. Si elles sont incapables de te pardonner un seul écart dans toute ta relation avec elle, alors c'est qu'elles manquent de maturité, sans vouloir être vexante, ajouta-t-elle afin de déculpabiliser Timothy des lourds sentiments qui l'envahissaient. Les mots étaient peut-être un peu durs envers les amies de l'homme à l'âme en peine, notamment envers une parfaite inconnue, mais elles n'étaient pas là, à le voir totalement décomposé, détruit. Si c'était le cas, il ne faisait presque aucun doute qu'elles lui pardonneraient toute erreur de sa part. En plus, Timothy était de nature si douce, si gentille ! Il ne faisait aucun doute que si il les avait blessées avec son départ, c'était bien sa première bévue; et puis, il l'avait fait pour essayer de se recentrer sur lui-même - ou comme une fuite en avant, mais c'était là un autre sujet - alors leur rancune ne devrait pas être longue dans le temps; elles devraient pouvoir comprendre. Pour la santé mentale et émotionnelle du trentenaire, Heïana l'espérait en tout cas. Tout en l'écoutant parler, rassurée qu'il lui livre ses sentiments, car ça faisait toujours du bien d'avoir une oreille attentive et de verbaliser ce que l'on pouvait vivre, la sage-femme continuait à couvrir de baume le dos de Timothy, par de lentes caresses visant à dénouer ses muscles si durs, si contractés. Lorsqu'il lui demanda ce que le monde ferait sans elle, la jeune femme haussa les épaules, et répondit : Rien de plus, rien de moins, j'imagine. Je ne suis qu'un maillon de la chaîne, une poussière d'étoiles parmi toutes celles que compte cet univers.
La suite du récit du brun glaça le sang qui coulait dans les veines d'Heïana. Ca ne pouvait être qu'une coïncidence, n'est-ce-pas ? Un même prénom désignant une autre personne, non ? Pourtant, au fur et à mesure du récit du soldat sur celle qui lui avait brisé le coeur, les yeux bleus de Villanelle ne quittaient pas l'esprit d'Heïana, comme une réponse silencieuse à ses faux espoirs, tout comme son rire, qui résonnait, franc et mélodieux à la fois dans le crâne de la jeune Brook. Ainsi, pendant l'introduction du brun sur son histoire d'amour, la Polynésienne s'était arrêtée de le masser, à la fois choquée et plein de questions en tête. Dieu, oh mon Dieu, pourquoi es-tu si cruel envers tes agneaux ? Pourquoi fais-tu en sorte que toutes les connaissances d'Heïana à Brisbane, toutes celles avec qui elle se liait d'amitié, semblaient se tirer dans les pattes, la faisant toujours tourner plus bourrique ? Pourquoi la douce Charlie, qui avait été frappée par son ex, cet homme que la Polynésienne avait connu tout à fait autrement mais sans rien savoir de ses liens avec la rousse, le même qui avait mis Léo dans un sale état, aurait fait du mal ainsi sciemment à l'être le plus doux que ce monde ait porté ? Pourquoi avait-il fallu que ce soit Heïana qui tombe sur John, écroulé sur le trottoir près du St Vincent Hospital ? Pourquoi se faisaient-ils tous autant de mal ? La vie n'était-elle pas assez cruelle seule ? Pourquoi ne découvrait-elle les liens entre chaque personne une fois que le mal était fait, et non avant, auquel cas elle pourrait essayer de les conseiller ? Oh, que la Foi pouvait être mise à mal, parfois; la Tahitienne ne pouvait que comprendre son ami, qui s'en était détourné depuis quelques semaines. Mais c'est là qu'elle se rappelait de leur libre-arbitre: c'est bien ça, qui faisait d'eux en tant qu'humains. Trêve de philosophie, pour le sûr, elle aurait une explication avec Charlie quand elle rentrerait à Brisbane. Et la rousse désormais décolorée avait plutôt intérêt à être claire avec elle. D'autant plus au vu de ce que lui racontait Timothy. Il y avait tant d'amour dans sa voix, pauvre amant délaissé par celle qui avait fait mine de se promettre à lui pour mieux l'abandonner. Heïana reprit son massage, mais son coeur se serra d'autant plus lorsque le trentenaire lui raconta qu'il avait donné son innocence à la serveuse qu'il surnommait "Ma Sirène" pour que, une fois l'affaire faite, elle le lâche comme une vieille chaussette. Rien d'étonnant à ce que le garçon ait voulu fuir sa vie, voulu fuir Brisbane, où sa mère le maltraitait depuis l'enfance et où la seule fille dont il était tombé amoureux avait piétiné ses sentiments sans même prendre la peine de le faire avant qu'il ne se donne totalement à elle. La Tahitienne voyait rouge, et aurait bien besoin de se calmer et de prendre du recul avant d'aller parler à Charlie. Elle n'était pas adepte de la violence, et pourtant sa seule envie à cet instant, était de foutre une claque bien sentie à l'étudiante, pour que ses neurones vrillent assez pour se remettre en place. Mais la violence n'était pas, et ne serait jamais une solution; c'était juste son instinct animal qui parlait, et Heïana en était bien consciente. M'enfin, d'ici à ce qu'elle rentre à Brisbane, son adrénaline serait redescendue. Je suis tellement désolée pour toi, mon doux Timothy... murmura Heïana alors qu'elle passait ses bras autour de la gorge du jeune homme, un peu plus bas pour ne pas trop serrer, et qu'elle se rapprochait de son dos pour l'enlacer tout en douceur. Pauvre petit garçon à l'âme écorchée. Triste adulte à la confiance trahie. Il ne méritait pas cela, non. Il avait le droit à tout le bonheur du monde. Lorsqu'il lui demanda si elle pouvait effacer son amour, effacer sa peine, la jeune femme lui fit un sourire mi-figue mi-raisin, alors qu'elle le relâchait pour revenir à ses côtés, s'asseyant auprès de lui et lui prenant son bras gauche pour l'embaumer de pommade à son tour. Tu me fais penser à une chanson française, d'Edith Piaf, répondit-elle de manière détournée. "A quoi ça sert l'amour ?", tel est son titre. Tu ne peux pas effacer aussi simplement tes sentiments pour Charlie, et tu n'oublieras jamais vraiment ce que tu as vécu avec elle. Mais ne t'en fais pas; pour citer la chanson, "Tout ce qui maintenant, te semble déchirant, demain sera pour toi un souvenir de joie", déclara-t-elle en mettant l'intonation mélodieuse du chant sous ses mots. Lorsque la Tahitienne vit Timothy plonger ses yeux dans les siens, alors qu'elle s'occupait de son bras, elle lui accorda un sourire radieux, les mots du jeune homme lui allant droit au coeur. Il pansera les blessures de son coeur, et Heïana lui procurera les baumes et les bandages appropriés. Bientôt, son âme ternie par les douleurs trop vives pour être ignorées retrouvera son éclatante couleur blanche, couleur des Lys.
Il n'y avait pas plus grand malheur que celui-ci, se sentir abandonner, arrêter la lutte, ne plus être quoique ce fut d'autre qu'une ombre, un vide assourdissant, presque annihilant. Tim n'avait plus rien à offrir, d'autre que des larmes par milliers, qu'un passé malheureux et un avenir ombrageux. Il avait mal, si mal et le flot de douleur ne se calmait pas le moins du monde. Allait-il en mourir? C'était la question qu'il ne pouvait que se poser, même si Heïana était là pour le soutenir, pour lui dire qu'il ne méritait pas de souffrir autant, surtout pas pour sa génitrice. C'était le cas malgré tout: Timothy souffrait pour toutes les personnes qui avaient osé le toucher de près ou de loin au cours de ses années de vie. Sa mère, qui l'avait frappé en premier. Les connaissances du lycée, qui s'étaient moqués, constamment, jusqu'à le rendre nauséeux. Alex, qui l'avait laissé tomber en lui faisant entendre qu'elle détestait ce qu'il était devenu. Charlie, qui l'avait laissé miroité qu'il méritait un amour aussi fort que le leur. Celui-ci n'avait été que du vent, non? C'était ce qu'il devait se dire, sinon il replongerait et Decastel n'avait pas une force suffisante pour retourner dans les bas fonds sans s'y noyer. Il n'avait plus le choix désormais, il allait devoir aller de l'avent, seul à la barre, en espérant ne pas faire de contresens parce qu'il ne connaissait aucunement la route pour rentrer à la maison. D'ailleurs, en avait-il eu une un jour? On pouvait également se le demander, ce n'était certainement pas la bâtisse où il avait habité jusqu'à ses treize ans, encore moins les multiples appartements qu'il avait occupé aux côtés de son frère les années suivantes, peut être que ce qu'il partageait avec Ivan était ce qu'il y avait de plus proche d'une maison. Il n'en était plus tellement sûr parce qu'il n'avait même pas envie d'y retourner à l'heure actuelle. Non, ce que Tim désirait avant tout, c'était retourner dans ce camp de malheur et s'y buter à grands renforts de parcours du combattant et autres difficultés qui martyrisaient son corps depuis plus d'un mois. Au moins, pendant ce temps là, son coeur se taisait et c'était la seule sensation que cherchait réellement Timothy. "Tout le monde l'est oui, mais ça change pas grand chose au destin... Peut être, je ne sais pas, je ne suis pas franchement du genre à me disputer avec mes amis d'habitude mais c'était inévitable, non? J'appréhende... J'ai peur ouais que tout soit fini." Tourner la page, c'était ce qu'il y avait de plus dur à faire et si en plus du chapitre avec Charlie, il devait clôturer son amitié avec Alex et Lullaby, que lui resterait-il pour tenir debout? Son frère, Tim aurait toujours son frère, du moins il l'espérait sinon, il ne voyait pas grand intérêt à continuer de vivre. Bien sûr, il n'allait pas le dire à Heïana qui faisait tout ce qui était en son pouvoir à l'heure actuelle pour qu'il se sente mieux: massage, bain, mots doux... Elle ne laissait rien au hasard parce qu'elle était tendre et aimante, qu'elle n'abandonnait jamais quelqu'un dans le besoin. Avec elle, Timothy pouvait totalement se laisser aller et ce fut ce qu'il fit au moment où elle l'enlaça à nouveau. Il n'avait rien d'autre à attendre d'elle, aucune déception n'était en vue parce que la belle Brook n'était pas de celles qui le blesseraient. Elle était pure, elle était désolée pour quelque chose dont elle n'était pas du tout responsable. Un comble. "C'est pas grave, je suppose... On passe tous par là, par la désillusion. L'envie de ne plus être d'avoir trop aimé." Il le savait, c'était une réalité. Il avait donné tout ce qu'il était à la jeune Villanelle et il avait péri au terme de cette entreprise. Maintenant, il ne lui restait rien de plus que ses souvenirs et les gestes d'Heïana sur son bras alors qu'elle lui racontait une autre histoire. Tim la regardait et il ne savait pas vraiment quoi répondre mais il n'avait plus envie de pleurer, il en avait perdu la force cette fois. "J'espère. On verra. Je suis plus sûr de rien, désormais. Juste que je suis un soldat. Et que demain, la vie reprendra... Je suis désolé pour tout ça, que t'aies fini tout ce chemin pour ça." Pour rien. C'était ce que Tim sous entendait parce que la jeune Heïana méritait également mieux que cela. Mieux que lui. Le décharné. Le mort dans l'âme.
Tout ne sera fini que si tu le veux, pointa Heïana avec justesse. Tes amies te pardonneront, si tu fais l'effort de revenir vers elles et de t'excuser, je n'en doute pas. Elle soupira; même si le contexte avait été radicalement différent, elle comprenait totalement le jeune homme. Après tout, elle aussi avait fuit, des années durant, et contrairement à lui, elle n'avait prévenu personne, ou presque. Pas de visite, pas de SMS, pas de mail. Rien. Elle avait juste rompu les ponts avec ses contacts brisbanais, parce qu'à ce moment-là, Heïana n'était juste pas en capacité d'aller vers eux et d'expliquer ses raisons. Elle avait à l'époque un deuil à faire, tout en s'occupant de la gestion de celui de Moana, tout en reprenant sa tutelle et donc en changeant radicalement leur relation: de simples soeurs, elles étaient devenues mère et fille, en quelques sortes. Bref, bien assez à gérer sans dire de s'occuper des états d'âme des autres. Décision égoïste, sans aucun doute; et pourtant, on ne pouvait la définir ainsi au quotidien. Mais parfois, des choix doivent être faits, des actions menées sans hésitation aucune. C'était sûrement là une des décisions les plus nombrilistes qu'Heïana n'ait jamais commis, si ce n'était LA plus centrée sur elle-même et sur Moana. Mais elle ne regrettait rien, car ça ne servirait à rien, et qu'elle était sûre d'avoir bien fait. Pour sa santé mentale et celle de sa cadette, pour leur intégrité. Essayant d'appuyer ses déclarations auprès du jeune homme, elle se confia. Tu sais, je te comprends parce que... Moi aussi, j'ai tout quitté. Mais en bien pire que toi. Je n'ai prévenu personne de mes amis de l'époque. Et j'ai disparu, avec Moana, de la surface de l'Australie pendant sept ans. La Tahitienne esquissa un petit sourire teinté de mélancolie. Alors tu vois, même si nos situations et bos raisons de tout quitter diffèrent... Je te comprends. Suite à ces quelques mots, la jeune femme passa sur l'autre bras de Timothy, cherchant à le délester du fardeau qu'il portait. Ça semblait peut-être assez vaporeux, voire même fumeux comme croyances, mais la Tahitienne croyait intimement aux énergies spirituelles et magnétiques, chacun possédant la sienne propre à son âme, et interagissant avec celle des autres, avec celles de la Nature aussi. Alors, le massage, en plus de dénouer les muscles tendus de l'homme, servait aussi à retirer tout en douceur le cumul de forces négatives s'étant accumulées en lui. Rien de magique en tout ça bien sûr, il n'allait pas se sentir subitement mieux quand elle aurait fini. Mais s'il y avait une marge d'amélioration, si mince soit-elle, alors Heïana était preneuse.
Alors qu'elle continuait son entreprise, la Tahitienne ne put retenir un petit bâillement; la journée avait été riche en chamboulements et en émotions, ce qui commençait à pas mal la fatiguer. Et puis, elle n'avait pas dormi depuis sa dernière garde, ayant vu la lettre de Timothy alors qu'elle était juste rentrée chez elle; sa réaction avait été immédiate, et le vol en avion trop court pour qu'elle s'y endorme, d'autant plus avec l'adrénaline qui avait parcouru tout son être à ce moment-là. Maintenant que le plus gros des larmes du soldat était sorti, et qu'ils discutaient tranquillement, assis sur le lit moelleux d'une chambre d'hôtel, Heïana ne pouvait empêcher la fatigue de frapper à la porte de son corps et de son esprit. Son attention n'en était cependant pas abaissée, et elle fronça les sourcils lorsque Tim parla de lui et de sa vie par le terme "ça". Mécontente, elle lui donna une petite frappe sur le bras en réaction à ses dires. Je t'interdis de parler de toi ainsi, tu m'entends ? Quoi qu'il arrive, je ne regretterai pas d'être venue jusqu'ici. Tu es mon ami, et tu mérites qu'on vienne jusqu'à toi. La jeune femme laissa passer quelques secondes de silence, alors qu'elle terminait son lent massage sur le bras de Timothy, avant d'ajouter: Tu es sûr de vouloir y retourner ? Je ne t'en empêcherai pas mais... puis, elle laissa planer sa phrase dans les airs. Mais elle avait peur pour lui. Qu'il se néglige, qu'il disparaisse, petit à petit. Vu l'état dans lequel elle venait de le retrouver, comment serait-il dans un mois ? La peur lui noua l'estomac, alors qu'elle arrêtait ses caresses et qu'elle reposait ses mains sur ses jambes, alors qu'elle était à genoux sur le lit, aux côtés du brun. Elle serra les poings sur ses cuisses, et riva ses yeux dessus. Ne pas pleurer, ne pas pleurer... Ça n'aiderait sans doute en rien Tim de la voir se bouleverser plus encore. Contiens-toi Heïana, Contiens-toi...
Avoir mal au coeur, se retrouver brisé au bord d'une route, ce n'était désormais plus une sensation si étrangère à Timothy. Il savait réellement ce que c'était de souffrir, d'être au plus mal, proche de l'extinction. Pourtant, il avait toujours su garder le sourire au fil des années et ce, même s'il avait vécu des moments douloureux. Entre sa mère qui le méprisait, les départs enchaînés et la peur du lendemain, Tim n'avait pas été épargné mais ce n'était rien en comparaison de l'affaire Charlie. Il s'était senti mal, jusqu'à en vomir et les jours suivants, il avait eu l'impression de ne plus avoir une seule pensée cohérente. A l'armée, alors, il avait tout donné pour apparaître à la hauteur de la tâche vis à vis de ses supérieurs et il avait fait un excellent travail en la matière jusqu'à la veille. C'était malencontreux que le mental le lâche maintenant parce que, sans lui, il n'avait aucune possibilité de faire suivre le rythme à son corps. Pourtant, Decastel voulait finir sa formation, il voulait se prouver qu'il en était capable, même avec une âme déchirée, même avec tous ces doutes qui l'accablaient depuis plusieurs semaines. Au moins, il n'était pas seul cette fois là, craquer devant Heïana apparaissait comme la suite logique du lien qu'il y avait toujours eu entre eux. Cette confiance aveugle ne datait pas d'hier et Tim l'avait toujours énormément estimée. Elle non plus n'avait pas eu la vie facile et ce fut ce qu'elle lui signifia en partageant son expérience. Elle avait quitté la ville également quand la situation était devenue trop dure pour elle et apparemment, elle avait mis sept années avant d'oser y revenir. Tim espérait que le tout ne lui prendrait pas autant de temps parce qu'il n'aurait pas la patience de tenir des années entières dans cet état ô combien douloureux. "Je ferai ça, oui. Je m'excuserai. Je suis triste que t'aies à souffrir toi aussi, tu l'as jamais mérité, Heïana. Je suis content que tu sois revenue en tout cas ou alors, je ne t'aurais jamais rencontré et qu'est-ce qui se serait passé, hein? J'espère que tu souffres moins désormais mais bien sûr que je te comprends. Mieux que personne peut être." Il se sentait si proche d'elle parce qu'ils avaient longtemps eu la même vision de la vie, de la religion et c'était ce qui avait amené des tonnes de discussions entre eux. Souvent, ils riaient ensemble après les messes et Timothy accompagnait la jeune Brook sur la tombe de ses parents quand elle se sentait d'attaque. Ils ne s'étaient pas vus dans un autre contexte que celui-ci avant ce jour là mais c'était certain que tout cela changerait quand il rentrerait à Brisbane. En attendant, il s'en voulait énormément d'avoir mis Heïana dans un tel état d'inquiétude, la poussant à venir jusqu'à Kapooka en négligeant son sommeil apparemment. Timothy la vit bailler et il se sentit bien vite coupable du peu de temps que la jeune femme avait dû prendre pour elle ces dernières vingt quatre heures. Il n'aidait pas à arranger la situation, c'était évident puisqu'elle lui demandait ce qu'il comptait faire, s'il allait retourner là bas, au campement et il sentait son trouble. Il la sentait vaciller et il détestait cela. "Oui, je dois finir ce que j'ai commencé. Je dois faire ça pour me prouver que je peux accomplir quelque chose. C'est sûrement absurde mais j'ai besoin de ça, maintenant. Et toi, t'as vraiment besoin de te reposer, de prendre soin de toi." Il lui dit cela avec un sourire alors que la jeune femme avait arrêté ses doux massages. Ce fut au tour de Timothy de passer derrière elle et poser ses mains sur ses épaules pour commencer à détendre ses muscles. "J'y retourne demain. Là, je dois faire attention à la santé de mon amie. Tu devrais dormir et peut être que moi aussi, peut être que si t'es là, j'arriverai à fermer les yeux pour une fois." Car, c'était un fait, Timothy ne connaissait pas un sommeil de qualité ces dernières semaines et ce n'était pas ses douleurs musculaires qui l'y aidaient. Il massa les épaules d'Heïana doucement, constatant que toutes ses larmes l'avaient usé. S'il n'était pas déjà usé auparavant, bien évidemment.
Contente que le brun écoute ses conseils, lorsqu'il lui annonça qu'il s'excuserait à son retour, la brune le poussa d'autant plus dans cette direction, approuvant ses paroles avec enthousiasme: C'est bien; ce sera apprécié, j'imagine. Même si la première réaction ne sera probablement pas positive, ne te laisse pas démonter et persévère. Ça en vaudra la peine.Mais l'inquiétude de Timothy envers elle, bien qu'elle soit touchante, n'était pas ce que la Polynésienne avait escompté. Oups, ça n'avait pas été du tout l'effet désiré. En parlant de sa propre expérience, Heïana avait mené sans le vouloir son ami à se détourner de son propre état, et déjà, celui-là lui disait qu'elle ne méritait sûrement pas ce qu'elle avait pu vivre, et qu'il espérait qu'elle allait mieux, aujourd'hui, sept ans après l'événement l'ayant menée à fuir sa ville natale. Un doux sourire orna les lèvres de la Tahitienne alors que son soldat d'ami espérait qu'elle souffre moins aujourd'hui, et elle posa sa main sur celle de Timothy, déclarant: Pardon, je ne voulais pas me mettre en avant. Je vais bien, ne t'en fais pas. C'était juste un exemple pour te dire que... eh bien, tu n'es pas seul. Bien sûr qu'il ne l'était pas, triple quiche, se morigéna la jeune femme avec un soupir intérieur; après tout, elle était à ses côtés depuis plusieurs heures déjà, n'hésitant pas à traverser l'Australie pour lui. Mais elle avait eu besoin de lui redire, encore. De poser des mots sur sa présence auprès de lui, et de l'entourer d'un cocon de sûreté quasi-maternelle, comme son instinct lui hurlait de le faire. Et Heïana le suivait, toujours, ce qui lui avait été profitable la plupart du temps. Elle hocha la tête positivement lorsque son ami lui annonça que oui, il retournerait au camp le lendemain, se sentant le besoin d'achever cette formation. Fais comme tu le sens, répondit la Tahitienne avec sincérité. Si vraiment, ça tenait au coeur du brun de retourner à Kapooka, alors qu'il fasse. Mais reviens-moi en un seul morceau, sinon je m'occuperai moi-même de ce qu'il restera, le menaça-t-elle faussement, ses yeux verts le fixant alors qu'un rictus moqueur tirait le coin droit de sa bouche pulpeuse.
Ce fut avec surprise que la jeune femme sentit Timothy se décaler, alors qu'il annonçait qu'il allait prendre soin d'elle. Pendant un instant, l'aînée des Brook voulut protester, mais se ravisa finalement lorsqu'elle sentit les mains du soldat, grandes et plus puissantes qu'elle ne l'aurait cru, commencer à lui masser les épaules. Elle ne put empêcher un soupir de délectation en sentant les pouces du brun appuyer sur ses muscles tendus par une nuit de travail et une journée mouvementée, et la Tahitienne ferma les yeux un instant pour profiter de cet instant suspendu dans le temps. Erreur fatale: aussitôt, Morphée voulut l'attirer dans ses bras, et ce n'est qu'au prix de larges efforts qu'Heïana réussit à ne pas tomber directement dans son étreinte. Cependant, son ami semblait lui aussi enclin à une bonne sieste, alors pourquoi pas? Après quelques courtes minutes de massage, Heïana se retourna donc vers lui, et d'un geste souple sur la base de sa nuque, entre sa gorge et son épaule, elle l'invita à s'allonger sur le lit. Trop fatiguée pour penser à l'étrangeté de la situation, la métisse se cala contre le torse de la recrue de Kapooka, s'assura qu'ils étaient tous les deux bien installés, et sombra dans le sommeil.
...
Un rayon de soleil vint chatouiller les paupières de la Belle au Bois Dormant. Zut, dans leur élan plus tôt, ils n'avaient pas fermé les volets. Levant les yeux, de vives rougeurs s'emparèrent des pommettes de la Tahitienne: elle était là, en robe, lovée contre le torse nu de Timothy, qui dormait profondément, son torse se soulevant lentement et redescendant tout aussi doucement au rythme de sa respiration. Délicatement, aussi silencieusement que possible pour ne pas réveiller le soldat en herbe, Heïana quitta son étreinte et se glissa hors du lit. Dix-sept heures, déjà ?! Au moins deux heures qu'ils dormaient, donc. Cela ne ferait pas de mal au brun de se reposer encore un peu; de toute façon, il avait autorisation de sortie jusqu'à neuf heures le lendemain. Mais pour sa part, la Tahitienne était pleinement éveillée. Sur la pointe des pieds, elle se dirigea vers les rideaux pour les fermer, et se dirigea ensuite vers la salle de bain. Une bonne douche achèverait de la remettre d'aplomb. Les vêtements tombèrent à terre, et deux minutes plus tard, une eau presque brûlante coulait sur la peau nue de la jeune femme. Dans quel état d'esprit serait Timothy en se réveillant ? Vaste question... Elle aviserait en fonction.
C'était si dur de parler de tout cela, de leur passé déchirant, de la fatigue qui leur prenait au coeur depuis des jours. Tim savait qu'il pouvait compter sur Heïana, qu'elle serait toujours une amie fidèle, dans les bons comme les pires moments. A l'heure actuelle Decastel vacillait bien plus du côté du pire mais il espérait qu'un jour, il puisse lui rendre la pareille, être présente pour elle comme elle avait pu l'être pour lui. En attendant, il hochait la tête lorsqu'elle lui dit que tout était encore possible avec ses amies: Tim l'espérait réellement parce que, sans toutes les femmes de sa vie, il n'était pas grand chose. En tout cas, il n'était pas stable mais cela, c'était un fait établi depuis le début de cette conversation; Tim s'était effondré dans les bras de la jeune Brook et il avait eu le regard plus ou moins mort tout le long du massage qu'elle lui avait prodigué, bien incapable de ressentir une quelconque émotion parce qu'il était tant abîmé. Son âme soufrait le martyr depuis des semaines et il était certainement temps qu'il crie à l'abandon, mais même cela, il n'avait pas l'air d'en être réellement capable. Tim ne savait pas du tout ce qu'il était censé faire désormais, mais comme le disait si bien Heïana, il n'était pas si seul qu'il en avait l'air. "Je le sais maintenant. Et toi non plus, tu n'es pas seule." Ils s'étaient trouvés, et leur amitié pourrait résister à tout et n'importe quoi Timothy en était persuadé. Ils n'étaient plus seulement des voisins de l'église, des gens qui chantaient des prières côte à côte lors des messes ou des enterrements, ils étaient deux personnes qui avaient subi un certain nombre de malheurs mais qui étaient présentes l'un pour l'autre dans les moments importants. Ce jour là, c'était Tim qui avait eu besoin d'elle mais peut être que les choses changeraient le lendemain, il n'en savait rien mais il s'inquiétait tout de même pour elle. La preuve, il se mit à masser ses épaules, sentant la jeune femme fermer les yeux, la fatigue l'emportant peu à peu. Tous deux finirent par se coucher, dans les bras l'un de l'autre et pour la première fois depuis de nombreux jours, Timothy put s'endormir sans avoir peur des monstres au fond de son crâne. [...] Il se réveilla alors que la pièce était plongée dans la pénombre et il mit du temps à comprendre qu'il était seul dans ce lit inconnu. Timothy se nettoya les yeux et s'assit sur le lit, entendant finalement le bruit de la douche dans la salle de bain. Heïana n'était pas partie, c'était un soulagement pour lui car il n'était pas sûr de vouloir terminer son jour de repos seul dans une chambre d'hôtel. Il se dirigea vers la porte de la salle de bain et toqua, juste pour être sûr et certain que tout allait bien pour elle. "Je pensais que t'allais dormir jusqu'à demain matin, Heï' et franchement, t'aurais dû, je suis sûre que t'es encore fatiguée. J'espère que tu vas bien, en tout cas, j'espère que c'est pas moi qui t'ait réveillé." Tim n'était pas nécessairement maître de ses cauchemars, il espérait ne pas en avoir fait en présence de la jeune femme. En tout cas, il resta là, à l'attendre derrière la porte, ne sachant pas vraiment quel serait e programme maintenant qu'ils avaient vécu une journée riche en émotions, ensemble.
Me voici bien rentrée à la maison. Enfin, depuis hier midi, mais je t'avoue que j'étais trop fatiguée pour avoir le courage d'écrire, vu que j'ai dû retourner au travail aussi sec. Mais ne t'en fais pas, une bonne nuit de sommeil, une grasse-matinée, un pain au chocolat avec un délicieux cappuccino au réveil, et me voilà prête pour de nouvelles aventures ! D'ailleurs aujourd'hui, j'ai prévu de commencer des cours de self-défense; j'ai reçu un SMS hier d'une vieille connaissance que j'avais croisé il y a quelques temps, et cette personne a accepté de m'endurcir un peu. Bon, ça ne sera pas du niveau de tes entraînements, et heureusement d'ailleurs, mes pauvres muscles ne tiendraient jamais; mais dans tous les cas, ces bases de combat ne pourront pas me faire de mal.
Je ne peux te cacher qu'en te voyant retourner vers l'intérieur du campement, ton pas bien plus militaire une fois que tu te sois détourné de moi, mon coeur s'est serré. Pas de tristesse, de chagrin ou de déception, non. Juste d'appréhension, et d'espoir en même temps. Bizarre, hein ? Je suis pas nette comme fille quand même. En tout cas, je prie pour que tout aille mieux pour toi. Je ne le dirais jamais assez: tu le mérites. J'espère que la journée que nous avons passé ensemble, avant-hier, t'as fait du bien. Si cela a pu t'apporter la moindre évolution positive, du grain de sable dans l'océan jusqu'à un nouvel horizon, qu'importe; ce sera toujours ça.
Au fait, as-tu eu l'occasion de partager avec tes camarades la tournée de pancakes fourrés au chocolat que l'hôtel nous avait fait monter en trop ? Franchement, heureusement qu'il y avait un service d'étage, on était bien plus tranquilles comme ça et il faut avouer que leurs plats étaient trop bons. J'ai bien vu que tu n'avais pas un énorme appétit, mais là aussi, mieux vaut un peu que pas du tout !
Bon, ce n'est pas tout ça, mais j'ai rendez-vous avec la plage et surtout, avec la mer. Celle de Brisbane est moins paradisiaque que celle de Tahiti, mais l'eau y est presque aussi bonne, alors je vais aller piquer une tête ! Je t'envoie une photo prise quand je vivais encore à Tahiti d'ailleurs.
Ton amie dont les pensées volent vers toi,
Heïana
P.S. : Je suis super gênée de te demander cela, mais tu n'aurais pas retrouvé hum eh bien... mon shorty de pyjama dans le sac sportif que tu avais avec toi à l'hôtel ? Je me demande si il ne s'y est pas retrouvé alors que je rangeais mes affaires; il a dû tomber du rebord du bureau où il était posé. Quelle quiche. Nico va encore te vanner s'il voit ça, par ma faute. Désolée !
Spoiler:
J'espère que le retour de ce format te convient, je trouvais ça bien de changer
Je suis ravi d'apprendre que tu es bien rentrée en un seul morceau, j'étais inquiet après avoir vu ton état de fatigue lors de notre rencontre. Oui, j'ai toujours un peu de force pour m'inquiéter pour toi, mon amie. En tout cas, j'ai été très heureux de t'avoir à mes côtés durant vingt quatre heures. Ta présence m'a réchauffé le coeur et je m'excuse encore de m'être montré aussi fragile. Je suppose que cela devait arriver à un moment ou un autre mais je n'avais pas pour intention de paraître si abîmé face à toi.
Effectivement, j'ai bien retrouvé un de tes vêtements parmi les miens, de quoi faire jaser mes camarades de chambrée plus encore qu'ils ne le faisaient déjà. Après une nuit d'hôtel ensemble, je me doutais de toute manière qu'ils allaient parler, tu es donc ma petite amie officielle à leurs yeux car, oui, ils s'imaginent que tu as laissé un peu de toi exprès pour que je puisse survivre les dernières semaines au campement sans te voir. Je te rendrai tout ça à mon retour... A moins que tu en aies besoin avant, dis moi?
La vie a repris ici, rien de vraiment neuf. Les choses se sont encore plus intensifiées puisque nous vivons notre dernière ligne droite. Nos corps ne souffrent plus vraiment des courses effrénées et des poids à transporter, on s'habitue à la douleur a priori. Je vais donc pouvoir terminer sereinement la première partie de cette formation, j'aurai accompli mon objectif, un peu de bonheur au milieu de ce ciel bien sombre.
Je vois que pour toi aussi, les choix se font plus fous. Un entraînement, vraiment? Tu n'attends pas mon retour pour t'endurcir, alors? Tu me montreras le résultat d'ici peu puisque, dans deux semaines, je rentre. Profite bien de la mer pour moi, ici, c'est encore le désert et la boue mais mes muscles me remercieront plus tard. Sur ce, je pars pour plusieurs jours pour de la survie en forêt, on sent la fin arriver, je pourrai encore t'envoyer une petite lettre avant de te revoir. J'ai hâte.
Ton petit ami épistolaire.
PS: plus de pancakes à l'horizon depuis plusieurs jours déjà, oups!