Le soleil qui tapait très haut dans le ciel lui donnait l’impression que sa destination n’était qu’un mirage. Alors qu’elle traine avec peine dans le désert avec derrière elle un cheval à bout de force au point d’être incapable de la porter elle, elle discerne au loin une ville au beau milieu du désert. Elle ne savait pas ce qui avait pris aux pionniers que de s’installer ici mais elle comptait bien en profiter le temps de se restaurer – et peut-être même saisir l’occasion de se refaire, même si piller un endroit aussi perdu est à son sens, une grosse bêtise – quand il n’y a personne aux alentours pour acheter des biens volés, mieux vaut jouer profil bas pour ne pas alerter les autorités sur son identité. C’est tout du moins la façon dont Jennie avait décidé de mener ses affaires et le fait d’être moins stupide que quelqu’un qui étalerait ses larçins faisait qu’elle avait longtemps réussi à éviter la potence. Longtemps parce qu’elle venait tout juste de réussir sa première évasion en se contentant de ne pas signaler à celui qui l’avait attrapé qu’une araignée extrêmement venimeuse qui s’était approchée de lui pour en faire son quatre heure. Si on lui avait demandé son avis, elle aurait que ça, c’est la faute au whisky qui attirent les animaux dangereux et que c’était la raison pour laquelle c’était toujours aux hommes que ces aventures arrivaient. Ne reste qu’à démêler la superstition de la réalité. Jennie avait grandie sur cette terre sauvage alors que son détracteur s’était contenté d’immigrer en quittant une Angleterre fade qui n’avait rien d’autre à lui promettre que de la pluie et de la verdure. Ici, c’était le soleil et le désert mais aussi des paysages à perte de vue. Dommage qu’il ait eu trop confiance en lui-même pour se méfier de la nature. C’est donc ainsi qu’elle s’était échappé, de même que quelques autres prisonniers que l’on amenait se fait pendre. Jennie les doigts de velours avait retrouvé sa liberté et tout en avançant fièrement – ce qui ne se voit pas parce que d’extérieur, elle reste une nana qui vient de passer trois jours dans le désert – elle arrive à hauteur de la ville et commence à croiser d’autres êtres humains, ceux-ci la regarde étrangement. Il faut dire que Jennie avait choisie l’accoutrement parfait pour se fondre dans la masse et faire fructifier ses arnaques : elle était toujours habillée en nonne.
Une drôle de tempête appelée 'le manque d'argent' avait poussé un petit brun sur les routes. Fusil accroché à la jambe gauche, cheval noir, Léo - qui préférait se faire appeler 'Taïpan', en référence à ce serpent dont on ne se méfiait définitivement pas assez - descendait une fois de plus dans les bars, afin de trouver sa prochaine proie. Jamais il ne se lassait des portraits mal tirés laissés là par les banquiers lassés de se faire braquer tous les quatre matins. Tout juste arrivé en ville, il repéra le bar le plus proche. Un bar dont il ne connaissait - étrangement - pas le propriétaire. Un pied à terre, Léo attacha son cheval en face du lieu envahi de vieux propriétaires terriens dont les terres avaient été ravagées par le feu; à en juger de leur air clairement vide. En manque de vie. Ce qui le faisait vibrer, Léo, c'était de pouvoir prétendre aller se frotter aux personnes qui se cachaient derrière les portraits accrochés derrière le comptoir du bar. Des hommes, des femmes, des voleurs, des bandits de grand chemin. La plupart du temps, des voleurs de pommes. Pas de quoi s’auréoler de gloire... mais il fallait bien débuter quelque part. Dans ses bottes trop grandes ses pieds, il s'avança jusqu'au bar et y détailla le tableau des primes les plus récentes.
Chasseur de prime, son travail ne consistait en rien de précis. Simplement en un faux prétexte pour s'éloigner de son chez-lui, pour ne pas finir cultivateur de terres stériles, comme son père, ou pour ne pas finir mort, comme sa sœur, comme sa mère. Un travail qui rapportait plus de balles fichées dans la chair que d'argent, mais un travail qu'il fallait faire. Et Léo n'était pas très regardant sur les raisons qui avaient poussé les brigands à commettre leurs méfaits : un vol pour nourrir la famille ? Ça partait directement chez le chérif, tant que l'argent de la prime finissait dans sa poche. En somme : peu de moral, plus de profits. De quoi faire pâlir les défenseurs de la veuve et de l'orphelin. Mais eux, n'avaient pas connu la faim, la vraie, celle qui faisait l'effet d'une cisaille au fond de l'estomac.
Le regard du chasseur de prime s'arrêta sur une affiche. Un certain 'kid', qui avait tout sauf une tête de kid. Une bière commandée plus tard, le brun vint poser son séant sur un tabouret au comptoir, sans lâcher les affiches des yeux. Le type de l'affiche le dévisageait étrangement, de même que les hommes tout autour de lui. Peut-être se disaient-ils qu'un gars aussi petit ne pouvait dignement pas s'occuper des grandes affaires, celles qui concernaient les brutes qui traquaient bandits sur bandits. C'était là qu'ils se méprenaient : avec de l'audace et un bon fusil, on pouvait tout débusquer et ce même si la cible se trouvait en plein cœur du désert.
Elle avance calmement, soutenant chaque regard qui vient à se poser sur elle pour tenter de la dévisager. Elle devine aisément les questions sur toutes les lèvres des passants. Qui est-elle ? Comment a-t-elle atterri ici et surtout, pourquoi dans un tel accoutrement ? Que fait une bonne sœur aussi jeune seule au beau milieu du désert ? Jennie se serait attendue à ce que quelqu’un s’avance, prêt à offrir un peu de charité chrétienne mais non, les gens se contente de l’observer en train de marcher, ou plutôt de se trainer parce qu’elle en arrive au point où son corps ne demande qu’à décéder sous l’effet de la chaleur et du manque d’eau. Une nouvelle fois, elle se paye le luxe que de découvrir l’hostilité des autres face aux inconnus et force lui est de constater que plus elle se recule dans le pays, plus cette hostilité grandie, à se demander qui sont les vrais sauvages en ces contrées. Sa cible sera l’Eglise où elle espère y trouver un prêtre bien plus charitable que celui qui officiait ses cours de catéchisme et qui serait pas à ouvrir gite et couvert à une de ses enfants, bien que dans les faits, elle n’ait rien de l’ouaille et tout du renard que l’on fait entrer dans un poulailler. Elle reste bien sûr trop faible pour fomenter un quelconque plan et après avoir manqué d’échapper à la potence, il semblerait que sa rédemption setrouve dans l’opportunité de changer de vie, loin, bien loin de Brisbane et de son village qui l’avait vu grandir jusqu’à devenir une meurtrière. Les visages se sont tournés, les individus se sont remis à leurs occupations alors qu’elle poursuit sa quête vers l’église à laquelle elle frappe un grand coup une fois les marches montées. Son canasson a trouvé de quoi subvenir à ses besoins en la forme de l’écuelle placée là pour les chevaux. Jennie serait presque prête à y plonger la tête tant qu’elle est désespérée et en manque d’eau. Ce n’est qu’alors qu’elle s’apprête à sombrer qu’elle sent qu’on la tire par l’épaule à l’intérieur et qu’on l’abreuve. Ses dernières forces lui servent à ça.
Bière à la main, Léo observait toujours les portraits crayonnés sur les murs du bar. La nuit allait être froide, il fallait bien se réchauffer. Les regards glacés qui toisaient l'ensemble du lieu n'aidaient absolument pas. Dehors, le soleil était pourtant de plomb et Léo pensa un instant qu'il fallait être fou pour s'aventurer dans le désert en ces temps troublés. Il fallait être fou, ou être chasseur de prime. Léo pouvait traquer n'importe qui, dans le désert, tant qu'il avait son endurante jument - volée à un banquier au beau milieu d'une rue - et assez d'eau pour tenir. Et puis, il connaissait quelques oasis, des coins à serpent - de quoi se restaurer, même si la chair de serpent n'était pas la meilleure des pitances - et des coins pour se reposer. Mais le chemin qu'il voulait prendre, très bientôt, pour traverser le désert, il ne l'avait jamais emprunté. C'était un peu l'aventure. Mais avec toutes les histoires de fantômes que l'on entendait en ces temps troublés, qu'est-ce qui n'était pas un peu 'l'aventure' ? Le petit brun sifflait sa bière sous les regards médusés des autres gars présents dans le bar. Comment un si petit gars peut siffler une bière si grande sans tomber raide ?, devaient-ils tous se demander. Peut-être bien que Léo était-il simplement ivre la plupart du temps. Peut-être bien que c'était ce qui le maintenait en vie.
Son regard passa un instant dehors. On assistait à un drôle de spectacle. Telle Moïse, un être séparait la foule dans les rue, et faisait se tourner les regards médusés des passants. Le bouclé releva le rebord de son chapeau et se mit, lui aussi, à contempler la scène qui se déroulait sous ses yeux. Une femme - une nonne ? - déambulait comme une morte-vivante dans les rues. Un cheval traînait des sabots, derrière elle. Bien vites, les spectateurs retournèrent à leurs habitudes. Léo ne lâcha pas la nonne des yeux. Évidemment, elle se dirigea vers l'église la plus proche. Le chasseur de prime siffla ce qu'il restait de sa bière puis fila à travers le bar, fusil attaché à la ceinture. Dehors, la nonne avait disparue. La porte de l'église claqua sourdement. Des murmures se firent entendre quelques instants, avant de se taire. Le jeune homme en tenue militaire - encore un truc volé - quant à lui, s'avança jusqu'au perron de l'église. Ses portes blanchies portaient des traces de suie. Certainement des gamins du coin, qui ne croyaient en rien et qui n'avaient rien d'autre à faire que d'emmerder le curé. De toute façon, plus personne ne semblait croire en rien, dans les environs. Même pas en l'avenir. Intrigué par la présence de cette nonne morte-vivante, qui revenait visiblement du désert, Léo vint s'adosser à la porte de l'édifice, proche de l'embrasure, dans l'espoir de savoir qui était cette étrangère.
De l’eau. Précieux liquide de vie dont elle se laisse arroser sans rien répondre en retour là où elle aurait facilement montré son mécontentement dans une autre situation. Combien de temps un être humain ne pouvait pas vivre dans eau ? Elle l’ignorait mais elle était certaine d’avoir atteint certaines limites pendant sa traversée du désert. Présentement, ce n’est que eau et oxygène tandis que le prêtre la regarder reprendre peu à peu consistance alors qu’elle était prête à passer l’arme à gauche s’il avait fallu qu’elle traine sa carcasse quelques heures de plus. Elle sent bien dans le regard qu’il pose sur elle les questions relatives à son état et à sa situation. Comment a-t-elle atterri ici ? Que lui est-il arrivé ? Doivent-ils craindre des bandits ? Bien sûr, Jennie ne peut pas être entièrement honnête et lui dire qu’elle serait la personne à craindre si elle décide d’aller dans ses travers. Mais pour l’instant, elle préfère profiter de la charité chrétienne et endosser ce faux rôle qu’elle vient de se donner en attendant d’être sur pieds et de pouvoir repartir. Son but : aller à l’est, au-delà du rabbit proof fence et démarrer une nouvelle vie. De quoi serait-elle faite ? Elle l’ignore, ce qu’elle sait, c’est qu’elle veut mettre loin d’elle ce lourd passé qui la hante. Au-delà de la porte, elle entend deux femmes qui parlent entre elle de son arrivée. Elles se racontent la façon dont elle a traversé la rue. Tout d’abord sous deux regards interloqués, puis dans la plus grande indifférence. Elles mentionnent également un type louche qui est venu se poser sur le devant de l’église peu après qu’elle y soit rentrée mais Jennie ne fait pas attention aux racontars. Elle est pour le moment, bien trop confiante en l’histoire qu’elle s’est inventée. Celle de la nonne venue intégrer un orphelinat dans une ville plus à l’est et dont le but sera de former les métis aborigènes à leurs futures rôles de domestique. Elle savait que tels lieux existaient. Sans ses papiers, elle pouvait être n’importe qui et dans son état, avoir oublié tout ce qu’elle voulait. Une jeune femme fait son apparition dans la pièce et Jennie ne dit rien. Elle comprend vite que le prête a fait chercher quelqu’un capable de lui offrir le gite et que cette jeune femme, elle doit la suivre.
Intrigué, le chasseur de prime avalait les paroles des femmes, dont il pouvait entendre les voix depuis sa position. Léo inspectait son chapeau, patiemment, l'air de rien. Il ne se préoccupait pas vraiment de ne pas être trop discret. Les gens de ce bled étaient, de toute façon, des gens qu'il n'allait pas revoir après son départ. Pourtant, l'arrivée de cette jeune nonne (?) l'interrogeait profondément. Pourquoi une nonne traversait-elle le désert ? Pourquoi seule, de plus ? Les nonnes étaient habituellement toujours accompagnée de plusieurs personnes, des hommes qui veillaient à leur salut - afin qu'elles prennent, ensuite, soin de leur salut à eux aussi. Là, la nonne était entrée en ville seule, avec un cheval maigre et assoiffé. La situation était illogique. Aussi, tout ce qui ne rentrait pas dans les jolis codes de cette société - qui courait droit à sa perte - intriguait le petit brun, qui s'était empressé de partir à la pêche aux informations. Derrière les portes, il entendit qu'on versait de l'eau, probablement pour abreuver la jeune femme. Il entendait aussi les murmures inquiets de quelques jeunes femmes, sans pour autant être capable de distinguer leurs dires exacts. Ces dernières se tenaient pourtant non loin de l'église et non pas dans le bâtiment qui se tenait fièrement au centre de la bourgade.
Et alors qu'il entendit du mouvement dans la bâtisse religieuse, il s'enfonça enfin dans l'ombre. Son chapeau, posé sur son cœur, l'air innocent, fut la cible des regards, juste avant que le prêtre ne lève les yeux jusqu'à ceux du chasseur de prime. Ce dernier observa la scène, l'air troublé par ce qu'il était en train de voir. Le prêtre vint à court de son eau. Léo s'approcha doucement sans dire un mot, et tendit la gourde qu'il tenait accrochée à sa ceinture. La femme, qui accompagnait le prêtre - et qui semblait visiblement en train de venir se quérir de la nonne à moitié consciente - resta interdite. « C'est juste de l'eau. », assurai-je, alors que le religieux attrapait déjà la gourde. Le silence ne cessait d'accroître la tension qui régnait dans le lieu. « J'habite dans le coin, je pourrais la loger, si vous n'avez pas de quoi le faire. J'insiste, cela ne me dérange pas, j'ai une chambre de trop. », coupa-t-il de sa dernière phrase, voyant que la femme qui venait d'entrer dans l'enceinte de l'édifice religieux montrait déjà des signes de protestation. « Ce n'est pas loin, elle pourra vous raconter son voyage lorsqu'elle sera reposée. » Le petite brun désigna du pouce une direction en dehors de l'église, derrière lui. Il réfléchissait à toute vitesse. L'ami d'un ami, auquel il avait déjà rendu des services, prêterait assurément une chambre si on lui demandait. Le prêtre n'étais pas obligé de savoir que la chambre n'appartenait pas à l'homme qui se tenait devant lui.
Plus le chasseur de prime regardait la jeune nonne, plus son visage lui disait quelque chose. En fait, il était certain de l'avoir déjà vu quelque part. Soudain, il se souvint. Les affiches du bar. Cette fille était recherchée, pour sûr. Mais pour quoi ? « J'ai aussi de quoi manger. Dès qu'elle se sera reposée, je lui montrerai le chemin de l'église. », insistait-il doucement, un léger sourire aimable aux lèvres. Après tout, que risquait une nonne avec un gamin au visage d'ange ? Le prêtre lança un regard à son acolyte et opina du chef. Il était prêt à accepter l'offre du brigand.
Jennie n’avait pas vraiment envie de bouger de là. Les églises sont sacrées et elle sait que tant qu’elle reste en leurs seins, elle peut réclamer le droit d’asile et garder ses miches au chaud pendant tout le temps qu’elle voudra. C’est le plan, si jamais d’aventure, son identité est découverte. Mais, aussi éloignée que de l’endroit où elle et deux autres prisonniers se sont enfui parce qu’ils étaient promis à la potence, elle ne craint rien et elle sait que tant qu’elle aura le sang froid dans le mensonge, il n’y a aucune raison que personne ne mette sa parole en doute. Jennie est tellement certaine de son histoire qu’elle ne voit pas les failles. Elle n’est officiellement qu’une pauvre religieuse qui a été attaquée sur son chemin et qui a réussi à survivre. Nota bene de demander à pouvoir prier pour remercier le seigneur de cette chance. Après tout, le zèle ne semble pas être malvenu dans la situation actuelle avec toutes ces personnes qui commence à remplir la pièce et à se demander ce qu’ils pourraient bien faire d’elle. La solution avait été de l’héberger chez une femme qui tenait un établissement pas très loin. La p’tite jeune, c’était sa fille venue veiller à ce que la nonne arrive entière. Le prêtre avec décidé de les accompagner et sur le devant de l’église, c’est un curieux personnage qu’ils rencontrent. « C'est juste de l'eau. » dit-il, tout en tendant sa gourde au prêtre. Jennie reste encore bien trop affaiblie pour avoir une quelconque réaction ou objection, elle reste muette face à la scène qui se déroule devant elle, ce qui est préférable. En dire trop, c’est se trahir. « J'habite dans le coin, je pourrais la loger, si vous n'avez pas de quoi le faire. J'insiste, cela ne me dérange pas, j'ai une chambre de trop. » propose t-il à son grand étonnement, elle ne le connait pas et elle ne sait pas ce qu’un homme du coin pourrait avoir à faire d’une nonne totalement affaiblie. C’est là qu’elle comprit que ce garçon, elle allait devoir le duper parce qu’il n’achèterait pas son histoire. Par chance, la femme qui les accompagne prend parole et proteste. « Madame est une fille de Dieu, elle ne peut pas rester chez un homme célibataire. Ce n’est pas convenable. » pointe t-elle, évitant de ce fait à Jennie de dire quoi que ce soit, le mieux pour elle étant de continuer à ne rien dire et à jouer les femmes trop faibles pour parler ou avoir une opinion. Ça, ça marche bien. « Ce n'est pas loin, elle pourra vous raconter son voyage lorsqu'elle sera reposée. » «Non monsieur, nous devons respecter les convenances. » C’est là que Jennie se dit qu’elle aurait bien voulu que cette femme soit présente beaucoup plus tôt dans sa vie parce que les convenances, on les a jamais respecté avec elle. Mais elle se tait, profite de son image de bonne sœur qui ne lui déplait pas au final. « J'ai aussi de quoi manger. Dès qu'elle se sera reposée, je lui montrerai le chemin de l'église. » termina t-il de proposer, amenant le prête à de son côté, accepter son offre. Elle savait Jennie que même s’ils étaient de Dieu, on ne pourrait jamais faire confiance aux hommes et parce qu’elle se refuse à suivre cette homme dont elle ignore tout et qui la regarde avec trop de méfiance. Elle décide d’aller dans le dramatique et simule un évanouissement au beau milieu de l’échange.
A l'inverse du prêtre, la femme qui accompagnait le beau monde ne semblait pas facile à convaincre. Il fallait user de ruse et heureusement pour le petit brun, il n'était pas départi d'un certain sens pour la comédie. « Madame est une fille de Dieu, elle ne peut pas rester chez un homme célibataire. Ce n’est pas convenable. » Un homme célibataire. C'était bien ce qu'il était, mais s'il fallait inventer un mensonge pour contourner les maudites convenances auxquelles la grenouille de bénitier semblait si attachée... Il ne portait pas d'alliance, mais la vieille bague de fiançailles de sa mère, autour du cou. Pour une fois, elle allait lui servir à quelque chose. De toute façon, elle ne servait plus à rien à sa mère, morte depuis des années déjà. Le petit brun prétextait que sa maison ne se trouvait pas loin. « Non monsieur, nous devons respecter les convenances. » « Qui vous dit que je ne suis pas marié ? » Il sortit de sa tenue de militaire bleue l'alliance, qui pendait à son cou, attachée à une chaîne d'argent vieillie, usée par le temps. « Mais je suis comme tous les gens, n'est-ce pas ? On a tous perdu quelqu'un à cause de la sécheresse. » Oui, voilà, et puis jouer sur le regard de chien battu. « Je n'ai pas pu sauver ma femme, mais ça me ferait plaisir d'aider cette fille de Dieu, comme vous l'appelez si bien. Il ne lui arrivera rien, c'est juste le temps qu'elle se remette. » « Vous la mettrez sur le chemin de l'église demain. Elle se repose, et j'aimerais lui demander des nouvelles de l'endroit d'où elle vient. » Gagné. Le chasseur de prime préparait maintenant son mensonge pour son ami, celui qui verrait bientôt débarquer la nonne - évanouie - sous son toit.
Tout du long, la femme n'avait pas lâché le brun des yeux. Elle avait l'air de lui envoyer milles insultes mentales, alors qu'elle l'aidait à soutenir la nonne jusqu'à une bâtisse non loin de l'église. Bientôt, la drôle de bande se présenta aux portes d'une maison simple. Il fallait prétendre, bien sûr, que la maison lui appartenait. A l'accoutumée, la porte n'était pas verrouillée à clef. « Voilà. Nous allons la mettre à l'étage. » L'accompagnatrice grogna. On entendit quelqu'un charger un fusil, un bruit de chien que l'on abaissait. La grenouille de bénitier poussa un cri, en oublia de soutenir la nonne, qui reposait maintenant à même le sol. Levant les yeux en l'air, Léo s'adressa au propriétaire de la maison. On ne trouvait pas souvent une nonne dans son salon. « Tout va bien, Marcus. Ce sont des amies. » Le dénommé Marcus plissa les yeux. « Qu'est-ce que tu fic- » « Je viens juste de proposer l'asile à la nonne qui vient de débarquer en ville. » « Mais c'est- » « Et nous ne voyons pas d'inconvénient à l'héberger, comme je l'ai expliqué au prêtre. » Le chasseur de prime fit les gros yeux à son interlocuteur, qui, curieux de la situation dans laquelle semblait s'être enfoncé Léo, abaissa finalement son arme. Le propriétaire de la maison était loin d'avoir inventé l'eau chaude, mais il avait au moins la qualité d'être assez intéressé pour rentrer dans n'importe quel mensonge sans trop poser de questions... tant qu'il sentait qu'il pouvait en tirer quelques chose.
« ...et donc tu as besoin de la chambre, mais tu ne sais pas pour combien de temps. » « C'est ça. Je te payerai. J'ai de côté, depuis que j'ai attrapé Billy Jones il y a quelques semaines. » Marcus et Léo avaient installé la nonne dans la chambre vacante. Au passage, le chasseur de prime avait soigneusement vérifié que les issues étaient verrouillées. Il ne voulait pas que sa 'fille de Dieu' file à l'anglaise. Assis au bas des escaliers - le seul moyen de rallier l'issue qui restait la seule 'praticable' - Léo veillait sur la maison endormie. Après s'être laissé convaincre, son ami était allé se coucher. En nettoyant son arme, il faisait le tour de toutes les affiches qu'il avait en mémoire. Le visage de la nonne ne lui disait encore rien... mais tout n'allait probablement pas tarder à s'éclaircir.
Et merde, cet idiot de prêtre allait la fourrer tout droit au fond d’un guet-apens en acceptant qu’elle aille chez cet inconnu. Evidemment que Jennie n’est pas inspirée par ce curieux personnage. C’est un homme et cette race-là ne lui avait jamais voulu du bien. Maintenant, il ne lui restait qu’à découvrir le pourquoi du comment et surtout les raisons que le pousse à s’intéresser à son cas. Elle qui espérait pouvoir faire son trou, elle sent qu’elle a intérêt à détaler dès qu’elle pourra faire deux pas en direction de l’est. Pour le moment, alors qu’elle sent l’échange entre ses accompagnants se corser, elle décide de jouer la faible. C’est un rôle qui lui convient toujours très bien et elles sont rares les personnes à ne pas assumer immédiatement qu’une femme ne fait forcément que s’évanouir ou pleurer dès la moindre difficulté. Alors même que le prêtre accepte l’offre de l’inconnu, elle décide de simuler un évanouissement ce qui lui vaut d’être trimballée jusqu’au fameux domicile du jeune homme de la façon la plus inconfortable qui soit.
« Voilà. Nous allons la mettre à l'étage. » entend t-elle alors qu’ils semble arrivés dans la maison. Le confort se dégrade nettement où le bruit d’un fusil qui se recharge se fait entendre derrière elle. Elle ne panique pas bien que ce son assez familiers l’amène à monter sa garde et à se préparer à bondir derrière la femme qui l’accompagne si elle venait à sentir que la détente allait être pressée. Son plan échoue lamentablement, grâce à la femme qui ne se gêne pas our la laisser tomber au sol. Autant, elle était sa copine, il y’a dix minutes en prenant la défense de sa vertue, autant maintenant, elle lui collerait bien une balle dans le crâne. Malgré tout, elle persiste à jouer les poids morts et écoute attentivement chaque paroles échangées. La femme partie c’est pendant son transport jusqu’à la chambre à coucher qu’elle entend une information qui lui est d’une très grande aide dans ses questionnements. La simple mention de Billy Jones, bandit qui, comme par hasard, était avec elle, il n’y a pas plus tard que deux jours pendant la grande route vers la potence. Est-ce que ce gus serait ravi de savoir que sa prise a été lâchée ? L’information, elle l’a garde pour elle. Elle a simplement compris que ce gars serait un chasseur de prime et que dès qu’il aura confirmation de son identité, il n’hésitera pas à la renvoyer d’où elle vient. Il ne reste qu’une question, comment va-t-elle se sortir de là ?
L'arme nettoyée, le chasseur de prime décida de faire un petit tour du propriétaire, silencieusement. Il retrouva bientôt ses marques. Là, le salon. Juste après, une sorte de cuisine peu ragoutante... et un garde-manger attenant, pas des plus remplis. Léo se servit en viande séchée, en pain, en boisson, aussi. Sans arrêter de surveiller les escaliers, il se remplit la panse puis prépara une assiette à son invitée. Le chasseur de prime avait retiré sa tenue militaire - volée - et avait confié, entre temps, la surveillance de la jeune femme à Marcus. Dans la grange attenante à la maison, il avait installé sa monture, débarrassée de ses paquetages encombrants. Ayant opté pour une chemise qui laissait entrevoir, au col, les maillons brillants de sa chaîne argentée, il rejoignit à pas de loup le pas de la porte de la nonne. Peut-être cette dernière ne dormait-elle pas encore. Il frappa deux coups, assiette de viande séchée à la main, puis passa la porte, le regard au sol. Il redoutait que la jeune nonne soit occupée à se changer, et Léo ne voulait pas se la mettre à dos.
« Excusez mon intrusion. Je vous apporte à manger. », souffla-t-il. Il ne pouvait pas voir son visage, ne savait donc pas si la jeune femme feignait - ou non ? - le profond sommeil. Léo déposa l'assiette sur la table de chevet de la jeune femme. Elle n'était pas venue avec beaucoup d'effets personnels - avait-elle eu le choix ? - mais peut-être gardait-elle quelques effets sur sa monture. La grenouille de bénitier en avait probablement pris soin, de ce cheval assoiffé que la nonne avait traîné derrière elle. « Avez-vous besoin de vous reposer, ou plutôt de prendre un peu l'air ? » Le petit brun ne comptait pas ouvrir la fenêtre. C'était l'idéal, s'il voulait que la nonne ne lui échappe. De l'autre côté de la cloison, on entendait de lourds ronflements. Pauvre Marcus. Il n'allait probablement pas être payé par son invité, qui projetait de fuir dès que la nonne lui aurait échappé - option numéro une - ou si ce qu'elle avait à raconter ne s'avérait pas intéressant. « Votre amie s'est probablement occupée de votre cheval, mais si vous êtes venue avec des affaires que vous avez laissé avec, nous irons les chercher dès que vous serez un peu reposée. Comment vous sentez-vous ? » Sa question n'allait probablement pas avoir de réponse, si la fille de Dieu s'était endormie. Néanmoins, la curiosité de Léo le poussait à la poser malgré tout.
Elle venait d’avoir un temps de repos. Tout le monde était parti et on l’avait laissé dans une chambre, au calme. Un confort que Jennie n’avait pas connu depuis des années. Un confort digne de la femme pour laquelle elle se fait passer. Un confort qu’elle allait fatalement devoir abandonner quand ses geôliers – ou hôte – se rendrait compte de la personne qu’elle est. Elle n’est pas tranquille. Bien sûr que ses yeux avaient tenté de capter la moindre sortie de secours pour qu’elle prenne la fuite mais elle savait à qui elle avait à faire et pouvait déduire aisément que s’enfuir ne serait pas une partie de carte. Le garçon n’avait peut-être pas confirmation de son identité et lui avait peut-être offert le gîte par bonté d’âme mais elle avait appris à se méfier de cette nature là et ne comptait pas rester. Adieu petite ville perdue, elle trouvera un pied à terre ailleurs. Mesurant donc qu’aucune issue de secours de cette maison serait une véritable porte de sortie, elle se décide à continuer à jouer son rôle. Le lendemain, quand elle ira à l’église, elle pourra saisir une opportunité ou plaider sa cause. Il faudra être patiente jusque-là.
Alors qu’elle semble s’être rafraichit et avoir repris quelques couleurs, la porte toque. Elle ne répond rien. Garder le silence, elle est convaincue que c’est ce qui la sauvera. « Excusez mon intrusion. Je vous apporte à manger. » Elle reste allongée, préférant se reposer et prétexter au besoin qu’elle a un besoin assez suffisant en fatigue pour ne pas prendre la peine de répondre. Elle se sent néanmoins obligée de se relever et s’asseoir quand elle sent qu’il s’approche d’elle. La politesse est d’usage. Elle renvoi un sourire en guise de remerciement. Elle doit l’avoir l’avouer, elle a la dalle et son assiette est plus que bienvenue. « Avez-vous besoin de vous reposer, ou plutôt de prendre un peu l'air ? » Est-ce qu’une promenade pourrait être une possibilité de fuite ? Elle y réflechit un instant avant de se dire qu’il est armé, elle non et que si elle avait déjà réussi à battre certains hommes, elle gardait un sacré pourcentage de change de perdre quand même contre celui-ci dans la mesure où il ne serait pas plein d’alcool. « Je préfère rester ici, merci. » Elle parle doucement. Elle imagine que c’est de toute façon ce qu’il doit chercher à faire. Jennie sait mentir mais elle sait qu’il est beaucoup plus facile de berner des idiots et que les idiots, il ne chasse pas les gens et que par conséquent, dans le cas présent, elle doit surtout en dire le moins possible. « Votre amie s'est probablement occupée de votre cheval, mais si vous êtes venue avec des affaires que vous avez laissé avec, nous irons les chercher dès que vous serez un peu reposée. Comment vous sentez-vous ? » « Je n’ai pas d’affaire. » se contente t-elle de répondre. Le cheval n’est pas le siens et elle n’est pas assez stupide pour garder les effets personnels d’un total inconnu qui était en charge de l’envoyer se faire exécuter. « Je préfèrerais me reposer en attendant demain, j’aimerais savoir ce qu’il va advenir de moi. »
Et au grand soulagement du chasseur de prime, la nonne semblait éveillée, prête à répondre à ses questions. Elle avait repris quelques couleurs. Ce n'était pas une petite nature, cela se sentait aisément. Une petite nonne de rien du tout n'aurait pas traversé le désert sans s'enfermer dans un repos digne d'une sainte pendant au moins quelques jours. Léo déposa l'assiette et lui laissa de l'espace. Il alla s'adosser au mur, du côté de l'embrasure de la porte. La lune brillait sagement dans le ciel sans nuage, de l'autre côté de la fenêtre. Les rideaux miteux qui couvraient avec difficulté les parois de verre laissaient filtrer les rayons argentés, célestes, et donnaient à la pièce une ambiance étrange, presque mystique. « Je préfère rester ici, merci. » Le brun opina du chef. Si elle désirait se reposer, c'était en vérité tant mieux. Sortir, c'était s'exposer à une fuite potentielle. Léo voulait économiser ses jambes le plus qu'il pouvait, surtout s'il voulait prendre la fuite à cheval dès que l'occasion allait se présenter. C'était drôle, d'entendre la voix de cette fille de Dieu, après tout ce temps marqué de silence.
« Je n’ai pas d’affaire. » Imperceptiblement, Léo fronça les sourcils. Pas d'affaire. C'était commun, chez les gens de religion. Enfin, tout de même, les nonnes ne se promenaient-elles pas avec au moins une photo de leur famille ? Ou alors, de quoi se rafraîchir, une tenue de rechange ? En vérité, le jeune homme n'y connaissait rien, en religion. Il y avait bien longtemps qu'il avait arrêté de croire en Dieu et se cachait derrière sa vie de vadrouille pour prétexter ne pas pouvoir se rendre à la messe. « Je préférerais me reposer en attendant demain, j’aimerais savoir ce qu’il va advenir de moi. » Les yeux de Léo vagabondèrent un instant dans la pièce faiblement éclairée. « Comme l'a dit le prêtre, vous le rejoindrez dès que vous serez reposée. Je crois qu'il veut en savoir plus sur votre voyage. » Parce que c'était une habitude lorsqu'il réfléchissait, Léo vint jouer avec l'anneau qui pendait à son cou. « Vous ne vous attarderez probablement pas ici. C'est mort, comme ville. Il préférera vous envoyer dans une ville qui a besoin que l'on prie pour son salut. Ici, les âmes sont déjà perdues. », railla-t-il en haussant les épaules. Il ne passait pas beaucoup par ici, mais il savait que la situation s'empirait de jour en jour, entre la sécheresse et le reste. Il ne valait mieux pas s'attarder dans la région. « D'où venez-vous ? Si ce n'est pas indiscret, bien sûr. On ne voit pas tous les jours une nonne sur les routes, par les temps qui courent. », ironisa-t-il en s'efforçant d'adopter un ton aimable. Il fallait la jouer fine.
Elle reste sur le qui-vive. Elle est curieuse de savoir ce que lui pourrait avoir déduit d’elle mais elle pense avoir assez maquillé ses traces pour que la vérité ne tombe pas trop vite. Elle s’était débarrassée de tout effet personnel et n’avait gardé que cette robe qu’elle portait déjà avant son arrestation. Le reste n’était que de potentiels indices pouvant aider à sa traque alors qu’elle avait tout brûlé dans le désert après que ses compagnons de fortune aient pris la fuite. Ce qu’elle regrettait à cet instant, c’était de ne pas avoir gardé le revolver de son geôlier pour le cacher sous un jupon. Elle l’aurait sorti, lui aurait planté une balle dans le crâne à lui puis à son ami dont les ronflements s’entendent de l’autre côté de la cloison puis elle aurait pris la fuite en espérant que les bruits de deux balles n’aient pas trop attiré l’attention. Ça, elle en doute. Une passe encore, mais deux. Les gens auraient rappliqué et direction la potence. Elle se rend compte qu’il sera difficile de partir sans utiliser la violence. Elle répond simplement aux questions qu’il pose. Une seule brûle ses lèvres, son destin ? Parce que sa seule porte de sortie réside en ce prêtre et le fait qu’il puisse l’envoyer loin. « Comme l'a dit le prêtre, vous le rejoindrez dès que vous serez reposée. Je crois qu'il veut en savoir plus sur votre voyage. » Cela lui laisse la nuit pour qu’elle invente une histoire, ou plutôt, qu’elle cherche les détails de l’histoire qu’elle a déjà inventé. Une chance qu’elle voyage, des histoires quand on en a entendu autant, c’est très facile à adapter. « Vous ne vous attarderez probablement pas ici. C'est mort, comme ville. Il préférera vous envoyer dans une ville qui a besoin que l'on prie pour son salut. Ici, les âmes sont déjà perdues. » Bien défaitiste ce garçon, mais elle choisit de ne pas rebondir dessus. Devrait-elle répondre qu’elle priera pour ces âmes ? Elle aurait l’impression d’être bien trop zélée. « D'où venez-vous ? Si ce n'est pas indiscret, bien sûr. On ne voit pas tous les jours une nonne sur les routes, par les temps qui courent. » demande t-il, d’un air qui ne trompe pas. Sa question, c’est de l’enquête, pas de la curiosité. « Je préfère le terme religieuse. » pointe t-elle du doigt quand il prononce le mot nonne qui est fort peu flatteur. Du moins, quand elle l’utilise, ce n’est pas pour flatter les femmes de foi. « Si ça ne vous dérange pas, vous aurez le récit de mon aventure demain, à l’église. J’aimerais me sustenter et faire mes prières, mon trajet a été éprouvant, vous comprenez ? » Elle prend le sourire, demain, elle pourra semer des miettes et mentir, elle ne sera pas à sa merci mais là, maintenant, elle joue le rôle. « Je vous remercie de votre accueil et d’avoir pensé à m’apporter une assiette. Je prierais pour vous. »
Ils se jaugeaient mutuellement. Le chasseur de prime en était sûr, il avait déjà vu le visage de la nonne sur les affiches, dans les bars. Peut-être savait-elle qu'il savait. Ils attendaient simplement le moment propice pour en apprendre plus l'un sur l'autre, à la dérobée. Probablement cherchait-elle tout simplement à se tirer de la maison. La jeune femme avait raison, de choisir cette option. C'était probablement celle qu'aurait aussi choisi Léo. C'était la solution la plus prévisible, celle qui laissait donc peu d'options à la jeune femme : se tirer dans la nuit, ou attendre le lendemain. Les deux fenêtres de tir ne se trouvaient qu'ici. La liberté était à portée de main, mais encore fallait-il savoir la saisir. « Je préfère le terme religieuse. » « Bien sûr. Toutes mes excuses. » Il inclina légèrement la tête sur le côté, si bien que l'anneau qu'il portait à son cou renvoya un reflet sur le mur adjacent à la fenêtre. « Si ça ne vous dérange pas, vous aurez le récit de mon aventure demain, à l’église. J’aimerais me sustenter et faire mes prières, mon trajet a été éprouvant, vous comprenez ? » Là encore, il opina du chef, délia ses bras et s'apprêta à sortir, sans pour autant lâcher la religieuse des yeux. Éprouvant, ce n'était pas le terme exact, pour un voyage à travers le désert australien. Mortel était un adjectif plus adapté.
« Je vous remercie de votre accueil et d’avoir pensé à m’apporter une assiette. Je prierais pour vous. » « Mais c'est bien normal. Seuls les fous n'accepteraient pas d'aider une fille de Dieu. » Son sourire luisit un instant dans le rayon de lumière qui filtrait des rideaux troués. « Je serai en bas, si vous avez besoin de quoi que ce soit. Mon prénom, c'est Léo. » Sa main se posa sur la poignet de la porte. Par chance, cette dernière grinçait affreusement, si bien qu'elle aurait même pu réveiller ce vieux grincheux de Marcus - dont les ronflements faisaient trembler les murs. « Bonne nuit. » Et il avait déjà disparu dans les escaliers, une fois la porte fermée derrière lui. Le chasseur de prime rejoignit le siège, dans le salon, sous la fenêtre qui faisait face à la porte d'entrée. Là, il mit de nouveau la main sur l'une de ses armes, qu'il chargea avec soin. De toute façon, la nuit avait déjà bien avancé. Après avoir tiré la couverture sur ses jambes - et sur ses pieds chaussés de bottes; on n'était jamais trop prêt à courir derrière une fuyarde - Léo crispa sa main sur le long Brown Bess 1842 qui était posé à côté de lui. La nuit allait être longue.
Elle en était venue à jouer son rôle à fond. Suggérer qu’elle allait aller jusqu’à prier, elle qui avait toujours détesté l’église, cette saloperie de fausse charité chrétienne et le curé qui apprécie toujours de glisser ses mains sur les cuisses des filles pendant le catéchisme. Elle avait horreur de la religion. Elle avait horreur des religieux. Ces gens là n’ont pas de libre-arbitre, ils font ce qu’on leur dit, simplement. Jennie devait cependant se contenter de cette étiquette parce que tant que sa vie était dédiée à Dieu, personne n’allait se risquer à commettre un péché en l’attaquant. Elle serait sauve, jusqu’à demain. En attendant, il allait falloir qu’elle passe la nuit ici et elle n’y était pas enchantée. Elle avait demandé au jeune homme sa tranquilité et il la lui avait accordée. Il était de toute façon coincé lui aussi parce que temps qu’elle était sage, il devait la présenter en un morceau au curé et ça, elle le sait et le garde bien en mémoire. « Mais c'est bien normal. Seuls les fous n'accepteraient pas d'aider une fille de Dieu. » dit-il en réponse à ses remerciements. Il sonne tellement faux. Au moins aussi faux qu’elle. Une chance qu’aucune personne étrangère n’est là pour s’en rendre compte car c’est triste à entendre. « Je serai en bas, si vous avez besoin de quoi que ce soit. Mon prénom, c'est Léo. » Elle ne donne pas le siens. Si elle disait Jennie, elle prendrait le risque d’être découverte. Il fallait qu’elle se trouve un prénom, une identité. Quelque chose. « Bonne nuit. » poursuit-il, elle acquiesce et aussitôt le dos tourné, elle s’empresse de dévorer l’assiette qu’il a posé sur sa table de chevet. L’idée qu’un met puisse être empoisonnée ne l’effleure même pas. Il faut qu’elle mange et qu’elle réfléchisse. Demain sera une grosse journée.
Elle s’était réveillée avec les rayons du soleil. Le sommeil avait été réparateur bien qu’elle aurait encore eu besoin d’au moins trois nuits comme celle-ci pour être au top de sa véritable forme. Elle devrait se contenter de ce qu’elle a. Le rendez-vous à l’église approche et par soucis d’hygiène et d’image, elle réclame de l’eau pour se nettoyer. C’est le gars qui ronfle qui l’amène, il semble visiblement plus sensible à son histoire que son acolyte. Elle pense pouvoir en déduire qu’ils ne chassent pas à deux. L’eau dans sa chambre, elle se déshabille rapidement. L’idée est de partir au plus d’ici, elle en vient à se pincer au moment où elle réalise qu’elle parait trop pressée et que c’est louche.