Le chasseur de prime avait passé une bonne partie de la nuit à cogiter, l'autre à somnoler. Heureusement pour lui, il n'avait pas besoin de beaucoup d'heures de sommeil. C'est à l'aube qu'il franchit le pas de la porte de la maison. Le soleil tapait déjà fort, mais pas assez pour dissuader les habitants de se déplacer à travers les rues quelque peu vacantes de la ville. Après une toilette rapide, Léo vint réveiller son acolyte, qui s'occupait de la religieuse. Au passage, le brun attrapa le poigne de son hôte, qui tenait un baquet rempli d'eau entre ses mains. « Tu te souviens qu'elle est religieuse, Marcus ? Fais attention. » Le petit brun avait remarqué l'empressement avec lequel son hôte prenait soin de se plier aux demandes de la nonne. Simple politesse, ou attirance déplacée ? Léo ne se posa pas la question deux fois et fila, alors que Marcus déposait l'eau dans la chambre de leur invitée. Après avoir pris un petit déjeuner consistant, le jeune homme se mit en tête de préparer celui de la grenouille de bénitier - ou plutôt, de la fausse grenouille de bénitier. Lorsque l'assiette fut remplie, il alla la déposer du côté de la chambre de la jeune femme, après avoir frappé trois coups à la porte. Puisqu'elle devait être occupée, il se contenta de déposer l'assiette au sol, devant sa porte, et fila sans demander son reste.

Léo passa le reste de son temps à refaire l'inventaire de ses affaires, vérifiant que tout était en place pour une fuite rapide. Lorsque ce fut fait, il rejoint la maison, pour aller chercher la religieuse. L'heure du rendez-vous approchait à grand pas et le bouclé ne désirait qu'une chose : en savoir plus à propos de l'étrangère. Allait-elle se trahir d'elle-même ? « C'est l'heure, ma sœur. » C'était de cette manière là que l'on appelait les nonnes, non ? Léo ne le savait plus depuis longtemps. « Le prêtre doit vous attendre. » Léo ne connaissait même pas son nom. Il se contenta d'escorter la jeune femme jusqu'à l'église, là où le prêtre l'attendait de pied ferme. Un morceau de pain encore à la bouche, ce dernier se leva de son pupitre pour accueillir les visiteurs. « Vous êtes vous bien reposée ? Ce jeune homme ne vous a-t-il pas causé trop d'ennuis ? » « Je crois que je sais encore me tenir. », marmonna le chasseur de prime, agacé. « Que diriez vous de nous laisser ? Je crois que nous avons des choses à nous dire. » « Elle a dit que je pourrais entendre son histoire. », trancha le brun, d'un ton très calme. Ce qui était vrai... dans un sens. Il se souvenait parfaitement de la réplique de la veille au soir. Le prêtre, quant à lui, semblait perdu entre les deux jeunes gens.

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Elle l’avait entendu toquer à la porte pendant sa toilette mais n’avait pas répondu. Ce ne serait pas respectable après tout, mais dès qu’elle avait entendu l’assiette toucher le sol, elle s’était empressée de s’en saisir pour se nourrir. Elle avait encore faim malgré le repas d’hier soir et c’est sûr et certain qu’il lui faudrait un bœuf pour se remettre de l’épreuve. Prête à sauver les apparences, elle avait profité de la matinée pour brosser sa robe afin de retirer une bonne partie de la poussière qu’elle avait récupérer pendant sa longue marche. Elle se qualifierait d’à peu près présentable même si à choisir, elle porterait toute autre chose que cette grande tunique noire qui capte toute la chaleur. « C'est l'heure, ma sœur. » L’heure de se rendre à l’église allait sonner et Léo était venu la prévenir sans oublier d’utiliser des termes plus correct en vue de son – faux – statut. C’est qu’elle pourrait s’habituer à cette attitude révérencieuse. « Le prêtre doit vous attendre. » Elle acquiesce avant de le suivre. Elle n’est pas du tout à l’aise de la façon dont elle ignore la suite des évènements. « Vous êtes-vous bien reposée ? Ce jeune homme ne vous a-t-il pas causé trop d'ennuis ? » demande le prêtre, à son grand étonnement parce que s’il avait été si inquiet que ça pour sa vertue, il l’aurait laissée dormir chez l’autre nana et lui aurait donnée l’occasion de se barrer plutôt que de prendre le risque à chaque seconde de se faire plomber par un foutu chasseur. « Je crois que je sais encore me tenir. », rajoute Léo alors que Jennie répond simplement. « Mes hôtes ont été accueillant mon père. » Sans en dire trop, ou peu. Juste ce qui est attendu d’elle. « Que diriez vous de nous laisser ? Je crois que nous avons des choses à nous dire. » propose le prête et ça, Jennie dit oui. « Elle a dit que je pourrais entendre son histoire. » Mais c’était sans compter sur la méfiance du garçon. Elle ne soupire pas mais ajoute. « J’aimerais cependant pouvoir me confesser avant de raconter mon trajet, j’ai dormi dans la demeure d’un homme, veuf certes, mais cela reste un péché. » précise Jennie à l’adresse du prêtre qui s’empresse de montrer le confessionnal.

C'était un duel, avec le prêtre. Un duel que ne voulait pas perdre Léo. Un duel qui donnait, à la clef, tous les renseignements dont l'un et l'autre avaient besoin... mais pas pour les mêmes raisons. Peut-être le prêtre avait-il besoin de savoir de quelle trempe était la jeune femme qu'il avait récupéré la veille. De quelle bois elle était fait, pour savoir où l'envoyer par la suite. S'il allait se la garder pour lui, aussi, c'était une option. Léo était convaincu que tous les prêtres faisaient ça, avec toutes les nonnes. On n'accusait pas un serviteur de Dieu de pécher, de toute façon. C'était idiot, contre la nature de leur fonction. S'ils avaient été choisi par Dieu lui même pour suivre cette voie, ils ne pouvaient pas dévier de leur chemin. C'était impossible, pour des gardiens du troupeau. Enfin, pour de faux gardiens du troupeau. Léo était certain d'une chose : dans la société, il y avait les moutons et les loups. Les moutons, comme leur nom l'indiquait si bien, étaient ceux qui suivaient sagement la masse sans trop s'en éloigner. Les loups bouffaient ceux qui s'aventuraient hors de la joyeuse troupe, qui était prête à sauter dans le vide si les autres s'y mettaient aussi. Mais au delà d'eux se situaient les meneurs du troupeau. Eux prenaient garde à ce que l'équilibre ne rompait jamais entre 'mouton' et 'loups'. Puisqu'il était chasseur de prime, il n'était pas compliqué de deviner dans quel groupe il se situait.

L'enceinte de l'église apportait un peu de fraîcheur et contrastait avec la chaleur de plomb qui s'était abattue sur la ville. Pourtant, la tension qui régnait déjà entre les trois protagonistes n'était pas faite pour faire redescendre la température d'un seul degré, et ce même si la religieuse tentait de rassurer le prêtre quant au confort relatif dans lequel elle avait passé les dernières heures. Et même si Léo avait les armes nécessaires pour tenter de faire pencher le prêtre en sa faveur, la jeune nonne avait un meilleur argument. « J’aimerais cependant pouvoir me confesser avant de raconter mon trajet, j’ai dormi dans la demeure d’un homme, veuf certes, mais cela reste un péché. » Le bouclé retint un soupir et s'éloigna à contre cœur. Le prêtre lui envoya un regard presque vainqueur et emmena la jeune femme du côté d'un confessionnal miteux. Il referma le rideau sur la religieuse avant de s'installer derrière le sien. L'air de rien, le chasseur de prime feint un instant de contempler les modestes œuvres installées ça et là dans le Cœur. Il n'était plus rentré dans une église depuis des lustres. Derrière le fin rideau qui séparait Léo des deux autres protagonistes, on entendait des murmures. Habillement, Léo laissa traîner ses oreilles, non sans se départir d'une mine faussement contemplative.

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Elle devait le savoir maintenant qu’elle ne se débarrassera pas aussi facilement du garçon qui lui collerait aux basques jusqu’au bout. Elle avait compris qu’elle était dans sa ligne de mire et que le prêtre ne lui serait pas d’un grand secours si son identité était découverte. Elle allait devoir composer et compter sur elle alors. Pour le moment, cela voulait dire d’acheter du temps et faire en sorte que le garçon s’éloigne sous prétexte qu’elle soit contrainte d’aller à confesse est trop facile. Ce jeu de la religieuse est trop facile parce que tout le monde gobe n’importe quoi dès qu’il s’agit de religion. Alors qu’elle s’enferme au confessionnal, un choix se présente à Jennie : celui de dire la vérité, ou de mentir. La confession est sacrée et si elle lui disait qui elle est, d’où elle vient vraiment. Il n’aurait pas d’autres choix que de ne rien dire, ce qui s’échange ici étant un secret entre eux deux et Dieu. Toutefois, parce qu’elle avait le souci d’épargner l’âme du vieil homme, elle se décide à se cantonner à sa version. Celle e la nonne qui était en route pour un couvant à plusieurs milliers de kilomètres où elle devrait exercer une fonction de gouvernante pour des orphelins, seulement, sa diligence à été attaquée et elle avait réussi à s’en sortir de justesse. Belle version qu’elle continuait d’alimenter quand un coup de feu se fit entendre à l’extérieur de l’église, suivi de près par des cris provenant d’un homme complètement fou. Billy, à n’en pas douter. Elle aurait voulu s’enfuir avant de le croiser. Il n’avait pas été plus rapide qu’elle à trouver son chemin jusqu’à ce village. Elle espère qu’il ne l’a pas suivi. Sortie du confessionnal en même temps que le curé, ses yeux se posent sur le chasseur dont le stationnement est bien trop proche de la boite en carton pour que ce soit anodin. Pourquoi ne l’avait-elle pas vu venir ?

L'histoire était inventée, le chasseur de prime en était sûr. Ou alors, peut-être s'acharnait-il pour rien. Mais dans ce cas là, il fallait déguerpir de la ville et vite, parce que les villes voisines dans lesquelles il avait potentiellement semé le trouble n'étaient pas composées que de ses meilleurs amis. Il allait bientôt falloir faire un choix : abandonner l'histoire de la nonne pour repartir sur les routes, ou écouter cette religieuse et continuer de creuser pour avoir des informations à son propos. Pour l'instant, elle se contentait de raconter des histoires d’orphelins. Il fallait croire que, selon elle, les nonnes se promenaient seules dans le désert. Il n'en croyait pas un mot. Elles étaient généralement accompagnées, au moins d'une de leurs consœurs, mais plus généralement encore de gens armés. Sur les chemins, les brigands n'avaient généralement pas trop de scrupule à s'attaquer à des religieux, tant que ces derniers portaient de effets personnels pouvant avoir de la valeur, de l'eau, ou de la nourriture. L'incertitude d'un lendemain rendaient les gens fous, mais le désert les rendaient carrément inhumains. Ils retournaient à l'état sauvage.  

Alors qu'il était en train de s'interroger sur le mensonge de la nonne, un grand bruit se fit entendre à l'extérieur de la ville. Une détonation. Le petit brun braqua son regard sur la porte de l'église. C'était certainement encore des brigands ivres, qui se battaient au comptoir du bar à propos d'une prostituée. Léo n'était pas le héros du coin, il n'intervenait que s'il était payé, bien payé. Il n'était aucunement dans son intérêt de dépenser des balles et de l'énergie pour des ivrognes. Pourtant, la détonation se fit à nouveau entendre. La panique, aussi. Elle envahissait les rues comme un poison qui montait lentement depuis la rue. Le chasseur de prime décida de s'éloigner à pas lents de l'endroit où il se trouvait, non loin du confessionnal. Le prêtre, lui aussi, avait fait penché sa tête à l'extérieur de la boîte de bois usée dans laquelle il s'était enfermée avec la religieuse. Léo ouvrit avec lentement le battant de la porte de l'église. Dehors, on entendait un homme vociférer de façon indistincte. Indistincte ? Pas tout à fait. Au milieu des hurlements, le chasseur de prime était certain qu'on hurlait son prénom. C'était comme si toute la rage du monde venait de se concentrer dans cette voix qui hurlait « Léo ! Je sais, qu'ce putain de connard, je sais qu'il est v'nu ici ! Tu vas m'le dire, toi, hein ?! Bouges ton cul d'me dire où j'peux trouver sa sale gueule, avant que j'n'éclate la tienne ! » Et le bouclé se rendit alors compte que ce monstre roux de presque deux mètres de haut qui secouait une femme autour de laquelle s'étalait déjà une mare de sang vociférait avec la voix de Billy Jones.

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Le coup de feu avait fatalement attiré son attention. Elle ne savait pas où elle était tombée mais le village avait l’air assez paisible pour que ça paraisse anodin que des gens usent des armes. Peut-être s’était-elle trompée ? Mais à en juger par la réaction du prêtre, il valait mieux aller voir dehors ce qu’il s’y passait. Jennie, en tous les cas, voulait voir ce qu’il s’y passait et en croisant le regard de Léo une fois sortie du confessionnal, elle se dit que c’était là, le moment tant attendu parce qu’elle n’en aurait pas d’autre. Ils s’étaient tous les trois approchés de la porte mais c’est Léo qui l’avait poussé pour observer ce qu’il se passe. Elle n’allait pas jouer les curieuse de toute façon, c’était là l’occasion de poursuivre son gros rôle de religieuse esseulée et elle allait s’en tenir. « Léo ! Je sais, qu'ce putain de connard, je sais qu'il est v'nu ici ! Tu vas m'le dire, toi, hein ?! Bouges ton cul d'me dire où j'peux trouver sa sale gueule, avant que j'n'éclate la tienne ! » C’était Billy Jones, le bandit que Léo s’était vanté d’avoir attrapé la semaine passée auprès de Marcus. Merde, c’était quelqu’un qui connaissait son visage à elle. Quelqu’un qui risquait de la griller. Elle devait partir vite, mais comment ? Son visage se glissa malgré tout à travers la porte où elle pouvait voir le géant s’en prendre à une jeune femme. « Il l’a tuée ? » demande t-elle, pas certaine de la réponse. Jennie avait du sang sur les mains, certes. Mais elle n’avait jamais tué pour autre chose que de se défendre. C’est sûrement pour ça d’ailleurs que Billy n’a pas fini avec l’autre. « C’est vous qu’il veut ! » pointe t-elle alors à Léo, l’air de lui demander s’il compte continuer à laisser faire ça ?

Billy Jones. Un type affreux, avec la gueule de travers, des cheveux hirsutes, pas la lumière à tous les étages. La preuve, il secouait, sur la place principale et sous les yeux médusés des habitants qui fermaient leurs volets, une femme qui était probablement déjà morte. C'était impressionnant, combien le corps humain pouvait contenir de sang. Le liquide rouge, poisseux, s'étalait avec lenteur sur la place ensablée. Le corps livide pendait mollement entre les grosses paluches du brigand, qui avait accroché à sa ceinture son Revolver Starr. Le chasseur de prime, quant à lui, fit un pas sur le perron de l'église, accusé par la nonne - à juste titre - d'être celui que réclamait le bandit. Alors, résolu, il s'était dirigé à l'extérieur, pour confronter ce dernier. Il n'avait pas peur de ce brigand, qu'il avait déjà arrêté une fois. Ce colosse ne faisait peur qu'aux petites gens. Lorsqu'on savait s'y prendre, il n'était pas plus difficile à neutraliser qu'une araignée avec une chaussure. Le bouclé pensait à toute vitesse. Son cheval se trouvait dans la petite ferme, non loin. La nonne était encore dans l'église. Le prêtre allait vouloir l'embarquer pour prier, assurément, alors que les coups de feu raisonnaient dans les rues. Quant à Billy Jones, il ne tarderait pas à se rendre compte que l'objet de ses cris et de ses requêtes se trouvaient sur le perron de l'église qui se trouvait dans son dos. Le chapeau vissé sur la tête, Léo dégaina lentement son arme, un revolver Remington dont il était très fier. L'achat, très récent, lui avait valu de dépenser plusieurs payes... mais valait amplement le coup.

Chargée, l'arme ne faisait plus qu'un avec le bras du bouclé, qui, s'il n'était pas réputé pour sa force physique, se révélait être un excellent tireur. Ce dernier siffla Billy Jones, qui avait, jusque là, continué de secouer la femme - morte, c'était certain, au vu de l'étendue sanguinolente qui s'était étendue autour d'elle - comme un prunier. Que faisaient les autorités ? Elles squattaient le bar, assurément. Aussi Léo se retrouvait-il à faire face, seul, au colosse qui se tenait à quelques mètres. Arme à la main, il menaçait l'homme qui se trouvait là, dont le regard perçant semblait, lui aussi, pouvoir décocher des balles assassines. « Ils remettent les gens dehors, là où je t'ai laissé ? », ironisa le bouclé. Déjà, la bête en furie se rapprochait du chasseur de prime, qui braqua sur sa silhouette visiblement abîmée par une traversée récente du désert. « Qui t'as relâché ? Les autorités ont jugé que ce pourquoi je t'avais attrapé, c'était pas suffisant ? » « J'me suis r'lâché tout seul. Ils sont pas prudents, tes gens de lois, à faire voyager des caravanes de bandits dans le foutu désert. » Son sourire sale, noir et jaunâtre, donna au chasseur de prime à froncer des yeux. Beaucoup de monde venait en même temps du désert, fallait-il croire, par les temps qui couraient.

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Ses yeux étaient scandalisés devant la violence dont Billy était capable de faire preuve. Elle aurait mieux fait de le descendre quand elle avait l’occasion. Le monde se serait mieux porté avec une sale brute de son espèce en moins dans ce pays. Jennie ne pouvait que le voir sans que ce soit réciproque et si ses yeux pouvaient tuer, alors elle l’aurait fusillé sans problème. Seulement, la personne que Billy était venue chercher n’était pas elle mais Léo, sans aucun doute, pour l’avoir attrapé et rendu aux autorités. Une bonne chance parce que cet idiot allait lui permettre de sortir. En prenant un air naïf, elle avait fait remarqué au garçon bouclé que c’est lui qui était demandé, un sous-entendu qui veut que, s’il ne se bouge pas, d’autres personnes perdront la vie et que c’est tout sauf chrétien. Elle espérait que ça le pousse à partir et elle avait eu raison de le faire parce que face au fait accompli, c’était à lui d’affronter le gros roux. « Ils remettent les gens dehors, là où je t'ai laissé ? » Cependant, elle n’avait d’autres choix que de sortir en même temps que lui, le prêtre était de son côté trop occupé à prier pour toutes les âmes en danger. « Qui t'as relâché ? Les autorités ont jugé que ce pourquoi je t'avais attrapé, c'était pas suffisant ? » « J'me suis r'lâché tout seul. Ils sont pas prudents, tes gens de lois, à faire voyager des caravanes de bandits dans le foutu désert. » La conversation ne lui échappe pas. Elle commet l’erreur de regarder derrière elle, de croiser le regard de Billy qui s’empresse de faire la remarque à Léo. « Je vois que tu es aussi tombé sur Jennie Baby » Et il ricane, ce gros porc. Si sa porte de sortie n’était pas là, elle lui trouerait la peau elle-même mais le fait est que tant qu’ils discutent, il fait diversion et elle n’a pas de mal à filer à l’écurie pour sceller son cheval rapidement et prendre la poudre d’escampette tandis qu’on l’oublie un peu.

Trop occupé par le colosse rouquin, le bouclé ne remarqua pas la présence de la nonne. Ou plutôt la remarqua-t-il trop tard, lorsqu'elle passa juste derrière lui. Que foutait la sœur dehors ? Le prêtre n'était-il pas capable de la garder à l'intérieur ? C'était bien sa veine. L'arme braqué sur le front de son violent interlocuteur, il voulut lancer à la nonne de rester dans l'enceinte du bâtiment, là où était sa place. Enfin, sa fausse place. « Je vois que tu es aussi tombé sur Jennie Baby » Le sourcil droit du chasseur se lève au nom prononcé par le rouquin. Bien sûr. Les affiches. Il avait raison. Et il suffit d'une seconde d'inattention au bouclé, d'un seul millimètre de sa tête tournée vers la jeune femme, pour que l'immense brigand ne se rue sur lui. Fort heureusement, l'arme du chasseur était chargée. Une balle fila se loger dans l'enseigne bancaire qui se trouvait non loin de là. Alors que Billy lui attrapait le poignet, une autre vint se ficher dans un volet fermé par un habitant. Des cris perçants secouèrent un instant la rue, puis tout redevint calme.

Calme, ou presque. « J'vais t'saigner comme un porc, Taïpan ! T'entends ?! » Les poings du monstre tentèrent d'attraper le cou du chasseur de prime, sans grand succès. Agile, ce dernier lâcha son arme à la portée de son autre main, et ficha la crosse de cette dernière entre les côtes de son adversaire. Le geste, vif, eut le mérite de couper la respiration du redouté Billy Jones. D'un autre coup de crosse, Léo écorcha la mâchoire de celui que l'on pouvait comparer à une bête furieuse. Le rouquin tomba sur le côté, sonné. Alors que le petit brun se dégageait avec difficulté, la main de l'autre homme se referma sur sa botte et la brusque poigne lui fit lâcher son arme. On n'assommait pas si facilement un colosse. Un coup de poing plus tard, Léo crachait du sang sur le sol. Au loin, il pouvait voir cavaler la nonne. Elle se dirigeait du côté des écuries.

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Elle doit agir vite. Billy est un homme stupide, elle sait qu’il ne retardera pas Léo assez longtemps pour qu’elle puisse disparaitre comme elle l’aimerait. C’est pourquoi, elle s’empresse de courir jusqu’à l’écurie, non sans passer devant une maison devant laquelle le linge pend. Très bien, adieu la nonne. Elle chope une robe au passage qu’elle enfile tant bien que mal par-dessus ses sous-vêtements une fois dans l’écurie. Elle sait déjà qu’elle s’accorde plus de chance vêtue de blanc. Accrochée au mur pend un sac dans laquelle elle trouve une besace d’eau et un couteau. Ce sera rudimentaire mais bien assez pour survivre. Jennie avait déjà vécue en pleine nature, elle savait se défendre et trouver sa nourriture. Rien ne lui faisait peur là dedans. Seul le soleil était son ennemi. Son cheval est là, il la reconnait et ne semble pas bien réjoui de la revoir, parce qu’il sait ce que ça veut dire : le désert, à nouveau. Et la dernière fois qu’ils avaient tenté l’aventure, ça ne leur avait pas réussi. Elle avait laissé sa robe dans un coin et avait attrapé une selle qu’elle n’avait jamais mise en place aussi vite de sa vie. Là encore, elle partait sans rien, pas d’arme, pas d’effets personnels et se laissait aller à la merci du désert. Elle n’avait pas le temps de voler quelque chose, l’écurie ne renfermait rien de précieux. Tant pis, elle avait sa vie et sa tête, elle trouverait une histoire encore sur son chemin vers Perth. Elle se sentait capable. Le cheval scellé, tout était en place pour qu’elle prenne la fuite et sans attendre, les portes de l’écurie s’ouvrent dans un vacarme et elle lance son cheval dans un galop comme il n’a que très rarement connu – et qui n’est peut-être pas très malin quand on considère qu’hier, il était à deux doigts de décéder – il faut qu’elle parte, il faut qu’elle brouille ses pistes. Quand elle se retourne pour la première fois, la ville est loin.

Et un autre coup partait dans sa mâchoire. C'est qu'il allait avoir sa peau, l'affreux. Mais Léo ne projetait pas de mourir aujourd'hui. Pas tout de suite. Il y avait trop d'argent à se faire pour mourir si vite. Une vie un peu meilleure à se construire, loin de ces crevures de bandits violeurs de femmes et d'enfants. Une vie un tout petit peu meilleure et quoi que disait l'adage, l'argent faisait effectivement le bonheur. Et il fallait compter sur Léo pour en profiter. Ses doigts effleuraient la crosse de son arme, qui gisait dans la poussière. Alors que Billy allait encore enfoncer son poing dans ma mâchoire de Léo, ce dernier lui décocha un coup de genoux dans le bas ventre, ce qui donna au chasseur de prime le temps nécessaire pour attraper son arme. Une fois cette dernière saisie, il en brandit le canon entre les deux yeux du brigand. Sans attendre, il appuya avec force sur la détente.

Et le coup partit. Fort. Il raisonna à travers les rues. Comme un animal sonné, Billy Jones eut un spasme. Ses yeux grands ouverts se voilèrent. La mort venait d'attraper son âme - s'il en avait eu une - par le col. Les deux mètres de chair et de muscle s'abattirent avec violence sur le corps de Léo, qui réprima un grand soupir. Il resta là une poignée de seconde, alors qu’apparaissaient les premiers curieux. On vint le dégager et en une minute, le chasseur de prime était sur pieds. Il remit son chapeau et fixa l'horizon. S'il était encore légèrement hébété, il ne perdait pas de vue son objectif. La fausse nonne. Alors que les autorités s'avançaient - il était temps ! - vers le corps sans vie de Billy Jones, Léo fila à l'anglaise du côté de la ferme, qui se trouvait à quelques dizaines de mètres. Au pas de course, il récupéra sa monture, qu'il avait précautionneusement préparé le matin même. Du sang ruisselait de son arcade, mais il n'en tenait pas vraiment compte. « Et mon argent ! » « Une autre fois, Marcus. » Et le brun éperonna sa monture, la lançant du côté du nuage de poussière qui se dispersait à l'horizon.

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Elle devait se retenir pour ne pas maltraiter sa monture à force de coup pour qu’il avance aussi vite que possible. Elle avait entendu le coup d’feu final en quittant la ville, elle savait que Billy était mort et que Léo n’allait pas tarder à découvrir le pot aux roses. Billy avait prononcé son prénom : Jennie. Jennie les doigts de velours, qui avait à son actif près de trois banques braquées, six diligences et le meurtre d’un homme : son oncle. Si elle était une criminelle, elle dirait que non, elle insisterait sur le terme de survivante parce que la vie n’a pas été tendre avec elle et qu’elle avait du s’acclimater comme elle pouvait de sa situation en faisant des choix pas très louables. Jennie, elle avait eu pour projet de tout recommencer à zéro pourtant. Elle y aspirait à sa vie tranquille. Elle en avait rêvé pendant toute sa marche à travers le désert à caresser le doux rêve de tomber dans un endroit sympa où elle pourrait travailler comme fille de ferme ou bien serveuse dans un restaurant. Elle aurait gagné sa vie et aurait pu tomber sur quelqu’un qui ne la tripoterait pas trop vite et aurait fini sa vie dans la plus simple simplicité, loin de cette violence. Mais, il avait fallu qu’elle tombe sur ce type et qu’il se prenne de méfiance envers elle. Il avait fallu que Billy soit là, qu’il prononce son prénom là où elle avait pris soin de ne jamais le dire. Elle avait tellement espéré et s’était tellement réjouie de l’ouverture qui s’offrait à elle qu’il était hors de question que sa chance file alors ce cheval avait bien intérêt à galoper de toutes ses forces pour qu’elle retrouve cette liberté à laquelle elle aspira tant. Jennie n’était pas prête à se remettre au destin.

C'est qu'il filait comme le vent, le cheval de Léo. Il filait comme le vent, malgré le paquetage plutôt dense dont il était chargé. Il y avait ce grand fusil, d'abord, que Léo trimbalait partout. Ses revolvers, bien sûr. Le sel, pour éloigner les maudits fantômes, les vivres, pour s'éloigner de la mort en plein milieu du désert brûlant... et l'eau. Même si, en tant de temps passées à sillonner les routes, Léo connaissait bien les diverses oasis qui se trouvaient sur son sillage. Elles n'étaient pas vraiment compliquées à trouver. Heureusement pour lui, le chasseur de prime avait une bonne mémoire. Il s'élança donc à la suite du nuage de poussière, qui se dispersait à l'horizon. Bien sûr, que la nonne n'en avait jamais été vraiment une. Son mensonge avait eu le mérite de tromper le monde pendant un petit moment... mais pas de tromper Léo. Les mensonges, c'était son truc. Il avait l'habitude, avec les brigands. Dommage pour la religieuse. Si sa tête valait de l'or, Léo n'allait certainement pas la laisser filer. Il en allait de son prochain revolver flambant neuf et des kilos de poisson séché qu'il devait acheter pour se réapprovisionner.

Bientôt, il n'était plus qu'à quelques mètres de sa cible. C'est qu'il cavalait vite, le cheval usé de la petite sœur - qui s'était plus habillée en petite sœur, par ailleurs, les voilettes, ça devait être peu pratique pour galoper. Léo n'eut pas le temps de se demander dans quelle direction cavalait la jeune femme. Jennie. Ces questions allaient venir plus tard, pour sûr. Les renseignements en trop, ça se vendait bien. Si elle faisait partie d'une bande, c'était encore plus de monnaie sonnante et trébuchante pour le chasseur. Léo cala les rênes qui se trouvaient auparavant entre ses doigts gantés entre sa cuisse et la selle. Il tendit le bras pour détacher de son paquetage le grande fusil dont il ne se servait que pour chasser. Dans une poche de cuir, il gardait toujours de quoi tirer sur les maudits fantômes. S'il avait tué Billy Jones - sa prime ? envolée - il ne voulait pas tuer Jennie. Sa tête valait plus cher si elle pouvait fournir des informations. Léo appuya sur le chien qui émit un 'clic' sonore et pointa le dos de la fuyarde. Malgré ne nuage de poussière, il pouvait apercevoir son dos. Son index, qui caressait jusque là la détente, appuya d'un coup sec sur l'appendice de métal - et le coup partit. Et il était content, le Léo, parce qu'il était sûr d'avoir touché sa cible. En un coup. Voilà qui gonflait agréablement ses statistiques de meilleur tireur de la région.

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Lene & @Léo Ivywreath

Elle s’élance vers son futur Jennie. Derrière elle, elle n’aperçoit pas de danger. Personne à sa poursuite alors elle y croit. D’ici quelques heures, elle pourrait être assez loin pour que n’importe quelle route qu’elle aurait pu prendre puisse être la bonne et que plus personne ne puisse s’élancer à sa recherche. Elle essaie d’y croire vu que de toute façon, croire est certainement la dernière chose qui lui reste. Seulement, elle avait été naïve. Son cheval n’était pas assez rétabli pour la porter aussi loin et aussi vite et il n’avait pas fallu longtemps à Léo, en pleine possession d’un véritable cheval, pour retrouver sa trace. Elle ne l’avait pas vu venir et son envolée vers la liberté se termine au moment où le coup de fusil retentit et où elle sent que quelque chose se plante dans son dos. Ça fait un mal de chien et tout en tombant de son cheval, elle hurle à la mort. Elle n’était pas prête et au-delà du fait de s’être fait tirée dessus, la chute est violente. Son cheval détale, la laissant seule dans un nuage de poussière. Elle connait ce moment Jennie, celui où tout s’arrête, où quelqu’un décide pour elle. Seulement, ce n’est qu’un retour à la case départ. Elle trouvera un moyen de s’enfuir. Elle trouve toujours. Ce gars là avait été assez bête pour laisser s’enfuir Billy Jones. Hors, elle était malgré tout plus intelligente que le rouquin. « Espèce de fils de pute. » se contente t-elle de dire au moment où le chausseur arrive à sa hauteur. Elle ne bouge pas, elle sait qu’elle est prise, que ce serait inutile de se débattre. Les masques tombent, elle n’a plus le langage ou la révérence d’une bonne sœur. Maintenant, elle redevient qui elle est, les secrets sont terminés.

Et la petite sœur dégringola de son cheval. Son cri se répercuta un instant dans les environs, juste avant que le corps de la brune ne s'étale au sol. Fier de lui, Léo rattacha son arme d'une main, et la laissa au profit d'un de ses revolvers. Il fit venir son cheval auprès de la jeune femme d'un trot mesuré. Les deux avants bras appuyés sur le pommeau de sa selle, les yeux plissés à cause du soleil malgré les larges rebords de son chapeau, il détailla la jeune femme du regard. « Espèce de fils de pute. » « Alors ma sœur, on oublie ses bonnes manières ? » Léo passa la jambes par dessus la croupe de son cheval, le revolver toujours braqué au niveau du sternum de la jeune femme qui gisait encore au sol. Avec lenteur, de son autre main, il détacha une corde solide de la selle qui se trouvait à sa hauteur. Son cheval ne broncha pas. Il était très habitué à ces petits rituels. Pas farouche, mais pas mou pour autant, il regardait de droite à gauche, comme si l'environnement lui semblait plus intéressant que la capture de cette scélérate.

« J'te ramène à ton prêtre, ou tu préfères le shérif du coin ? Pour sûr que ce soir, ton prêtre, il te fait perdre ta vertu. Je crois que tu préféreras le shérif. », railla-t-il. L'arme toujours braqué sur la jeune femme, il lui intima de lui faire dos en se roulant sur le ventre. Ça fait, il lui attacha fermement les poignets. Léo n'avait aucun scrupule à traiter les femmes au même niveau que les hommes. Après tout, ils étaient tous du même sac : des brigands. Et aux brigands, l'on ne réservait absolument aucun traitement de faveur, pas même aux femmes. Plusieurs nœuds plus tard, il releva de force la fuyarde. Sans la quitter des yeux, il vint chercher une gourde à tâtons. « T'as pas soif ? Cavaler ça donne soif. » Et même si la réplique semblait moqueuse, la question était réelle. Il s'enfila une rasade d'eau. « T'allais vers où, Jennie ? Alors t'étais copine avec Billy Jones ? Ce fils de pute est mort, maintenant. Pas moyen qu'on retourne là bas, ils ont repéré ma gueule, maintenant. » Non, assurément, il fallait se trouver une autre ville. Si la tête de Jennie était effectivement à vendre, alors Léo devait en tirer sa prime et vite. Il détestais se trimbaler ses futures payes plusieurs jours entiers.