« Si tu creuses un peu la question, je pense que tu les apprendras bien vite. Reste à savoir si t'es curieuse. » La curiosité sur les autres, ce n’est pas un point fort de Freya. Elle a cette fichue habitude de juste s’en foutre, royalement et prodigieusement. Un intérêt inexistant, un dédain persistant, elle ne veut pas voir plus loin que ce qu’elle peut voir en apparence. Cela lui a valu des surprises en conséquence. Que ce fut avec Soheila Hodge ou Jessian Reed, par exemple. Rester avec une image placardée dans la tête, un avis rempli de préjugés et de vieilles rancunes, et voilà que tout est ébranlé une fois qu’on se penche un peu plus sur le sujet. Freya ne croit pas que la condition humaine peut aller en s’améliorant. Peut-être que c’est pour ça qu’elle fut surprise quand les deux jeunes femmes lui ont prouvé le contraire. Pas de grands dessins, pas grandes paroles, mais juste de quoi l’ébranler un peu plus.
Mais quand ça concerne les personnes qui l’intéressent, tout de suite la flèche d’intérêt change de bord, se tournant à 390° sans aucune hésitation. Et Tim, ce grand fossoyeur au regard nostalgique et incertain, l’intéresse, l’intrigue, titille sa curiosité. Parce qu’on ne raconte pas ses blessures au premier venu, parce qu’on cache les cicatrices d’un passé qui reste flou et ancré dans la peau. Elle ne sait rien de lui, pas plus qu’il ne sait de choses sur elle. Enfin, en tout cas, à ce qu’elle sache. Hormis le fait qu’ils sont sur deux mondes distincts et que lui est le verre plein à son verre vide. Une foi inégale envers l’Homme qu’elle ne possède pas, qu’elle ne trouve pas et qu’elle rejette.

Est-ce que cette foi est partie en même temps que son innocence passée ?
Freya voulut le répondre mais il l’a coincé, piégé entre ses deux iris bleus dilatés par l’alcool. Les yeux clairs, comme toujours, et encore, toujours sa faiblesse. Si elle n’avait pas été assise, elle aurait flanché de voir autant d’assurance chez Tim. Parce que ça l’étonne, ça la foudroie, ça la surprend. Et ça lui plaît aussi. Beaucoup. Plus qu’elle ne veut se l’avouer.
Et elle apprécie encore plus quand il franchit la barre, cette limite qui s’est brouillée cette dernière heure, ce fil qui se casse d’un mouvement de lèvres sur les siennes. Comme elle lui a dit, Doherty ne refuse jamais un baiser. Parce qu’elle est en constance recherche d’affection, qu’elle peine à trouver et qu’elle a toujours la frousse de voir disparaître. Parce que t’es faible, tu te laisses charmer avec une aisance incroyable. Quelques mots, deux ou trois verres et tu te laisses emporter plus loin que tu le penses. Tu l’as prouvé, plusieurs fois, ces derniers mois. T’es incapable de résister. T’as beau détester l’Homme, tu aimes l’attention des hommes. Sentir que tu peux au moins être appréciée ne serait-ce que quelques heures. Même si quelques heures, ce n’est jamais suffisant, ça ne te comble jamais et que t’en ressors souvent plus misérable qu’à l’arrivée.

Freya insiste sa pression sur la bouche de Tim en retour, sa main se noyant dans ses cheveux et glissant à sa nuque. La foule autour d’eux a disparu et un gouffre peut s’ouvrir sous ses pieds qu’elle s’en foutrait royalement. Elle reconnaît ce sentiment d’emballement, de ses membres qui se réveillent d’une sensation toute nouvelle, d’un bas ventre qui s’enflamme malgré elle. Alors elle accentue toujours un peu plus son baiser, quitte à en crever d’air s’il le faut. Comme si elle s’y raccroche et qu’il n’y a plus que ça pour la garder sur terre.
Réveilles toi, gamine, c’est Tim. Pas un simple type rencontré dans la rue. Ouvres les yeux. Arrête tes conneries. T’as pas assez bu pour ça. Tu veux vraiment tout foutre en l’air pour ça ? Oui. Non ? Le doute est là, persistant et rayonnant.

Alors elle ouvre les yeux et elle se détache. Freya laisse son front sur celui de Tim, tentant de reprendre une respiration, un rythme cardiaque normal. « J’serai toujours curieuse te concernant, big fella. Tu m’prouves une fois de plus que je ne te connais pas… Alors s'il faut aller creuser, j'irai prendre ma pioche et je le ferrai. » Puis elle se décroche de lui et passe sa main sur sa joue, sa poitrine gonflée d’une affection particulière pour ce jeune homme qui ne cesse de l’ébranler.
Soucieuse des autres parce qu’elle ne veut pas être un regret de plus à rajouter dans une liste. Et surtout pas dans celle de Tim. Elle a trop de respect et d’estime pour lui. Freya ne s’en remettrait pas si lui aussi finit par lui tourner le dos parce qu’ils ont déconné une fois. « Je veux pas qu’tu regrettes, Tim. »

Il n'était plus tout à fait le même, c'était le cas de le dire. Quelques mois auparavant, Tim aurait eu peur de tout dans cette pièce, des bruits de verre qui s'entrechoquaient, des murmures incessants, de tout ce monde qui ne lui voulait certainement pas que du bien. Decastel avait longtemps été traumatisé par la foule mais à ce sujet, l'armée l'avait aidé à évoluer. Lorsqu'on vivait en communauté, on ne pouvait plus vraiment se laisser paniquer dès que plus de trois personnes dormaient dans la même chambre que la vôtre. Alors, Timothy s'y était fait et ce bar ne l'effrayait plus le moins du monde. Ni l'alcool qu'il buvait pour faire passer le désespoir latent au fond de ses entrailles. A l'inverse, il avait la sensation d'être parfaitement à sa place ce soir-là, en compagnie de Freya, la jeune femme tenant sa promesse datant d'un autre temps, de ce temps où Tim était un tout autre homme, apeuré par toutes les possibilités de ce monde. Il se montrait sous un tout nouveau jour face à la jeune Doherty ce soir là et il aimait cela, se prouver qu'il était capable de se laisser aller sans avoir un vent de panique dans tous les membres de son corps. Il avait perdu le contrôle, de la situation et de ses pensées. Certainement qu'il s'était trop rapproché de Freya, que son joli sourire et ses petites pommettes avaient fait fondre ses seuls neurones restants. Tant pis alors, il sombrerait dans cet abysse là, dans l'appel de ses lèvres contre les siennes. Si, au début, il avait eu peur qu'elle le rejette, il constata bien vite que ce n'était pas réellement l'intention de la jeune femme. Au contraire, elle prolongea le baiser, osa l'approfondir en s'accrochant à son crâne, lui faisant glisser ses mains de la même manière sur le visage de la jolie Doherty. La sensation lui plaisait atrocement, il volait et ce n'était pas l'alcool qui provoquait ce flux d'émotions, c'était les lèvres de Freya, le goût de ses lippes, la danse de leur langue et l'envie de ne plus jamais avoir à respirer. Pourtant, il fallaut le faire à un moment donné et Tim se détacha d'elle à contre coeur, les joues rosies par cette douce chaleur qui s'était répandue dans tout son corps. Decastel réalisa que Freya était plus ou moins dans le même état que le sien et ses propos le firent sourire, forcément. "Tant mieux, parce que je comptais faire pareil." Elle s'éloigna quelque peu de lui et très rapidement, le manque d'elle se fit ressentir. Tim ne contrôlait pas grand chose de cette soirée mais il aimait l'idée de n'être maître de rien, c'était l'univers de Freya, les sensations qu'elle lui avait promises et là, sa main sur sa joue rougie, Tim ressentait l'envie de reprendre où ils s'étaient arrêtés, même si Freya semblait prendre peur, tout d'un coup. Le regret, voilà ce qu'elle ne voulait pas être à ses yeux et Tim ne put que froncer les sourcils en entendant ses mots. Avant de lui répondre, il revint chercher ses lèvres à la hâte, fougueusement parce qu'il n'avait peut être que cette certitude là, il ne pourrait pas regretter cela. Pas elle. Il dût s'écarter de cette passion nouvelle une fois de plus pour la regarder avec des yeux bleutés intenses. "Je regretterai rien. Je te lâcherai pas. Je veux ça. Toi." Il voulait ça, oui, en passant son pouce sur les lèvres de Freya, ne calculant même pas l'intensité de son désir pour elle ce soir là mais celui-ci se lisait dans le regard qu'il lui lança, intense. C'était juste arrivé comme cela, au détour d'un jeu ridicule mais l'addiction de ses lèvres se rappelaient à lui, de manière incessante. Oui, constante.

« Tant mieux, parce que je comptais faire pareil. » Non, ne fais pas ça, ça vaudrait mieux. Pour lui plus que pour elle. Il va fuir, il va la lâcher, il va s’en mordre les doigts. Il va vouloir faire machine arrière et cette jolie amitié qu’ils avaient commencé à se bâtir, si spéciale et différente des autres, cette amitié partira en fumée, s’écroulera comme un château de cartes. Freya n’a rien de bon à lui révéler parce qu’il n’y a rien en elle de joli, de doux, de joyeux. Elle n’est qu’un ramassis d’erreurs, de contradictions, de complexité.
Alors elle hoche la tête à la négation tout en baissant les yeux parce qu’elle aurait honte. Honte d’elle-même, honte de ce que Tim lui fait ressentir, honte de ce qu’il pourrait (veut) découvrir. Freya s’apprête à le contredire, à l’arrêter, à lui mettre un frein dans sa frénésie. Il plonge sans se soucier des conséquences, sans réfléchir à deux fois, et ça, ça lui fait peur. Mais il veut visiblement lui prouver que non, lui faire comprendre que ce n’est pas la peine, que maintenant qu’ils ont commencé, ils n’ont plus qu’à foncer tête baissée vers là où ça les mènera.
Que ce soit dans un fleuve tranquille ou dans un mur.

« Je regretterai rien. Je te lâcherai pas. Je veux ça. Toi. » Il doit devenir complètement fou. Il dit ça maintenant mais il blâmera l’alcool demain. Quand il finira par se taper la tête contre le sol parce que plus jamais, plus jamais il ne boira. Et plus jamais il ne veut perdre ce contrôle qui vient la troubler, elle. Freya voit les dernières miettes de sa résistance tombées à leurs pieds. Il ne manquerait plus qu’elle les écrase de son talon et c’en est fini. Elle a voulu se montrer prudente, elle voulait juste passer un instant avec lui.
Parce qu’il est différent des autres et qu’il l’intrigue.

Mais le jeu s’est retourné contre elle et Freya n’est qu’une pauvre idiote qui essaie de balbutier les règles de ce jeu qui échappe à son contrôle. Il l’a prise au dépourvu et elle ne s’y était pas attendue. Néanmoins, un garçon, une fille, un bar, de l’alcool. Une histoire typique, une soirée banale et un dénouement qu’il fallait prévoir depuis le début. Mais Doherty n’est pas de ce genre là et ce retournement de situation, ça aussi eut fait de lui faire perdre toute sa contenance.

Les deux billes bleues en face lui font passer un message qu’elle n’est pas sûre de pouvoir assumer. Freya s’imagine qu’elle peut résister (elle ne peut pas). « T’en sais rien. T’as bu, t’as visiblement le cœur brisé et tu cours vers la première fille que tu croises. » A ce stade, est-ce qu’elle essaie de se raisonner elle ou lui ? Est-ce qu’elle est en train d’essayer de le repousser, maladroitement, de façon malhonnête, tout en le suppliant de ne pas se détacher d’elle ?
Parce que Freya a cette spécialité incroyable de vouloir faire fuir tout en retenant près d’elle. Elle ne veut pas être une déception, elle ne veut pas qu’on creuse au-delà de la surface mais en même temps, si, fais le, essaie de découvrir quelque chose que je ne sais pas, que je ne comprends, qui m’échappe totalement. Un monde que même elle n’arrive pas à comprendre ni à faire tourner rond.
« Une fois que t’auras gratté à la surface, ça sera fini, Tim. C’est pas beau ce qu’il s’y passe là dedans. » Cette fichue insécurité, tiens. Tim ne l’a pas encore rencontré, ce manque de confiance en elle. C’est qu’elle commence à se fissurer, là, devant ses yeux, juste parce qu’il la regarde comme ça.

Et parce qu’elle décrète que les regrets, ça sera pour plus tard, c’est elle qui fait le premier geste. Un raclement de chaise pour s’approcher de lui parce que l’espace entre eux est trop grand, trop vaste. Et des lèvres qui se cherchent de nouveau, qui se trouvent et qui continuent à les plonger un peu plus dans cet abyme mal éclairé, où il est impossible de savoir comment on va atterrir.
Mais Freya espère sincèrement que Tim s’en sortira indemne. Parce qu’elle, elle est habituée à se casser la figure. Mais Tim, même avec son étiquette de soldat, il reste le cœur innocent qu’elle a rencontré des mois auparavant.

Et elle s’en mordrait les doigts si quoi que ce soit lui arrive par sa faute.

Allez savoir lequel des deux était le plus désespéré en réalité. Tim rentrait d'un voyage de deux mois à plus de mille kilomètres de là et cette expérience l'avait plus ou moins détruit. Certes, il avait obtenu des résultats et la première partie de sa formation avait été validée, mais à quel prix? Son corps s'était retrouvé parsemés de bleus, bien souvent ankylosé et au bord de lâcher... Heïana l'avait récupéré dans un état lamentable aux deux tiers du séjour et son coeur brisé ne lui avait pas réellement permis de vivre ce changement de cap sereinement. Timothy avait fait semblant, mais c'était aussi ce qu'il savait faire de mieux. Combien de fois avait-il souri alors qu'il méprisait tout et tout le monde? Surtout après qu'il rendait visite à cette génitrice qui le violentait. Il continuait à se faire subir tout cela, véritable masochiste sans bute et sans limite. Alors, l'armée n'avait été qu'une étape supplémentaire vers la voie du suicide à petit feu et c'était bien mieux que de rester à Brisbane et voir Charlie évoluer positivement aux côtés d'un autre homme. Non, Decastel avait définitivement besoin de penser à autre chose, voire de ne penser à rien du tout et l'alcool était le remède parfaitement indiqué pour tout oublier le temps d'une soirée. Il ne se rendait peut être plus compte de tout mais Tim arborait cet air de certitude, cette envie de percer le mystère Freya Doherty à jour parce qu'elle lui avait offert une image des plus intéressantes. Une vision de liberté, un brin de folie, tout ce qu'il n'avait jamais été avant de s'engager dans l'armée sur un coup de tête. Alors, ce soir-là, il était question d'aller plus loin, de ne pas se laisser bloqué par des principes quelconques... Non, hors de question. Elle l'avait défiée, il l'avait embrassé. Il ne le regrettait pas une seule seconde, ce contact l'ayant amené vers un tout autre univers, quelque part où il n'y avait que le parfum de Freya, que ses lippes fougueuses et cette envie logique, conséquence d'un jeu qui aurait dû être idiot. Il la sentait réticente désormais parce que ses mots étaient forts, déterminés et elle, elle ne voyait en lui que ce garçon brisé qui regretterait dès qu'il aurait éjecté les doses d'alcool de son cerveau occupé. Tim, lui, ne put que lui répondre avec un sourire et des yeux scotchés au sien. "T'es pas la première fille que je croise. T'es Freya, celle qui est venue m'aider au cimetière, celle qui me fait découvrir son univers, celle que j'ai envie d'embrasser, ça compte ça." Il niait ses arguments en bloc. Le nouveau Decastel n'avait pas de place pour le regret ou la peur, il les avait déjà bien assez laissés diriger sa vie et ce n'était plus une possibilité viable. Il était encore jeune, il avait envie de vivre et la belle Doherty avait encore tant à cacher... Même si, pour elle, c'était quelque chose de forcément négatif. Tim la regarda avec des yeux intenses, sa main se calant à nouveau contre son jour, plus assuré que jamais. "C'est toi alors, c'est beau. Personne n'est parfait, on est tous plus ou moins cassés, tous plus ou moins perdus mais t'as tant à offrir, crois-le. Moi, je le vois et j'ai pas peur de ce qu'il y a là dedans, comme tu dis. Je suis sûr d'avoir connu pire, sûr de pas être forcément mieux en plus alors, pourquoi se priver? Pourquoi avoir peur?" Il avait lui aussi montré sa tête avec un petit sourire angélique. Non, il ne pensait pas qu'elle pouvait être si terrible qu'elle le disait. Elle avait juste peur de souffrir, d'être abandonnée... Comme lui, en somme. Malgré ses paroles, elle avait rapproché sa chaise de la sienne et elle était venue chercher ses lèvres à nouveau, ce que Timothy ne pouvait pas lui refuser. Il en avait envie lui aussi alors, il laissa ses mains venir caresser ses hanches alors que ses lèvres berçaient les siennes, étranger au décor autour de lui, concentré uniquement sur elle. "Qu'est-ce que tu veux, toi, Freya?" Ils avaient beaucoup parlé de lui mais au final, Timothy n'avait que peu idée de ce qu'elle pouvait désirer désormais, son pouce caressant sa joue, dans l'attente de sa réponse. D'une libération ou d'un rejet, encore.

Freya est trop alcoolisée pour ne pas sourire bêtement. Qui aurait pu croire que cette situation arriverait un jour ? A la base, elle était seulement venue contempler les dégâts de son jumeau. Puis le jeune homme l’a fait rester malgré lui, par ce qu’il dégage et ce qu’il inspire. Rapidement, Doherty s’est retrouvée avec son propre trousseau, Tim lui faisant visiblement confiance pour garder les meubles intacts. Ils s’étaient revus, bien sûr, formation express, mais il lui avait déjà confié ce qu’il connaissait le mieux entre ses mains. Pour certains, ce n’est qu’un lieu. Mais pour Tim, d’après ce qu’elle a compris, c’est toute sa vie.
Mais jamais, jamais elle n’aurait pensé qu’il lui foutrait un jour sa propre personne entre ses mains tremblotantes au retour d’une soirée de retrouvailles plus ou moins inattendues. Même main qui fait sa propre vie dans le sillage de ses cheveux, de sa nuque, de sa joue puis de la courbe de son épaule et de sa gorge. Les pensées sont quelque part, mais ses gestes affirment le contraire.

Même Freya s’y perd et ce n’est pas avec ce qu’elle a dans le sang qu’elle va pouvoir espérer donner un sens à tout ça.

Tim ne doit pas réaliser la portée de ses mots. De l’intensité qu’il dégage à ce moment précis, que ce soit par ce qu’il dit, par ce qu’il fait ou par ce qu’il lui fait ressentir. C’est le genre de phrase qu’elle n’a pas l’habitude d’entendre.
Peut-être parce qu’elle ne veut pas les entendre, ni les comprendre et encore moins les prendre en compte. Les gens sont tous des menteurs nés, d’une hypocrisie sans nom. Comment peut-elle faire confiance à quelqu’un quand elle a été brisé plusieurs fois ? Elle aime à penser que sa confiance est difficile à obtenir mais en vérité, Freya est toujours la première à foutre sa tête pour s’élancer et se laisser emmener dans le pays des merveilles.Fichu lapin avec sa fichue montre de penche, vous rappelant que le temps passe, que le monde continue à tourner et que si vous ne saisissez pas l’instant présent, sûrement que l’occasion ne se représentera jamais.

Et là, son pays des merveilles se trouve devant elle, sous l’apparence d’un homme qui ne la quitte pas des yeux, qui garde sa main sur elle, qui ne veut pas qu’elle s’enfuit. (Enfin, c’est ce qu’elle pense.) Il lui murmure des paroles qui font fondre un peu plus la plaque de verglas qui s’est formée autour d’elle. Tim sait comment parler, il sait comment désarmer et le pire, c’est qu’il n’a pas besoin d’arme ni de force physique pour ça.
« Tu m’accordes trop d’importance. » Tu seras déçu, forcément. Il n’a rien vu des couches qui se cachent sous cette peau qu’elle a toujours eu du mal à apprécier et à accepter. « J’ai peur que ça détruise l’amitié qu’on a commencé à instaurer entre nous. » C’est une Doherty, elle finira par briser quelque chose. Que ce soit elle, lui, eux, cet espèce de lien qui vient de se transformer en quelque chose de plus étrange, évaporé, envolé, coupé.

Ils ont déjà franchi la ligne, dépassé cette frontière floue d’une amitié banale entre un homme et une femme. Et ça complique tout, ça enchevêtre tout, ça complexifier l’ensemble des choses. Rien de bon peut en sortir… Et pourtant, Freya se détacherait de lui pour rien au monde à ce moment précis.
« Qu'est-ce que tu veux, toi, Freya? » Cette dernière cligne des yeux ; on ne lui a jamais vraiment posé la question de façon aussi directe. La réponse est assez brouillée mais le message est le même.
Que tu gardes tes mains là où elles sont. Que tu me gardes prisonnière encore pour quelques minutes ou quelques heures. Que tu ne me laisses pas demain. Que tu ne regrettes pas. Qu’on puisse sortir de cette histoire la tête haute et le cœur plus léger.

« Je pourrai dire que je veux la paix dans le monde. Plus de famine, plus de guerre, plus de morts, plus de douleur. Que j’veux l’égalité des sexes. La repopulation des espèces en danger. Une planète plus propre. » Freya penche légèrement sa tête sur la main de Tim placardée sur sa joue, comme pour s’y lover un peu plus. « Mais j’suis égoïste. Je m’en fous de tout ça, ce soir. Tout c’que je veux pour l’instant, c’est que tu restes avec moi. » Elle glisse une main sur le coeur de Tim. « Mais j’veux juste protéger ça. Te briser un peu plus n’est pas envisageable. Parce que tu mérites ce qu’il y a de mieux sur cette planète, Tim. » Alors ne me laisse pas cette opportunité de te pourrir et de t’amocher.

Freya finit par lâcher ses yeux pour laisser échapper un léger rire. « Le ton méloromantique de cette conversation me fait croire qu’on a assez bu pour ce soir, non ? » Elle regarde sur la table et il reste un verre, un unique verre encore rempli. Hors de question de perdre ça. Elle le regarde un moment avant de le prendre et de le poser sur sa main ouverte. « C’est ton tour, je crois. »

S’il a une dernière question à poser, c’est maintenant ou jamais.

Si seulement elle pouvait se voir comme lui la voyait, belle, drôle et pétillante. Freya ne s'appréciait pas énormément, c'était une évidence vu comment elle se comportait quand on la regardait avec trop d'intensité. Elle avait peur, Tim le sentait et lui, pour une fois, pas le moins du monde. Il avait ses certitudes, peut être dues à l'alcool certes, mais il ne voulait pas qu'elle s'échappe ce soir là. Elle voulait qu'elle reste happée par son regard, si c'était la seule chose qu'elle était encore en mesure de pouvoir voir. Le décor alentour, il fallait qu'elle l'oublie absolument, son passé, ses pensées aussi, tout ce qui pouvait entraver ce bonheur d'être ensemble, sans doute, sans peur. C'était ainsi que Timothy voulait passer sa soirée en tout cas, en sa compagnie, à rire, à ne penser à rien de douloureux, ni au fait qu'il n'avait plus de coeur en état de marche et qu'il était devenu de la chair à canon par la force des choses. Tout cela ne devait pas avoir la moindre importance à l'heure actuelle parce que, dès le lendemain, la vie reprendrait ses droits et le malheur reviendrait certainement frapper à leur porte mais ils se devaient d'être jeunes et naïfs pour ce soir. Au moins quelques heures. Decastel n'avait pas l'habitude de cette attitude et cela, Freya avait dû le sentir lors de leurs quelques rencontres: il était optimiste certes mais il ne se fiait pas à autrui aussi aisément que son comportement avenant pouvait le faire croire. Il avait fait confiance à la jeune Doherty assez aisément pourtant, puisqu'il lui avait donné son cimetière, son bien le plus précieux et il comptait désormais sur elle pour le conserver en bon état. Il n'avait pensé à personne d'autre pour cette tâche qu'à la jeune femme qui l'avait aidé à récurer des pierres tombales avant la tempête, comme quoi, Tim pouvait connaître de multiples certitudes sur la personne qu'était Freya. C'était exactement ce qu'il volait lui signifier en gardant ses yeux azur rivés sur elle, sa main qui caressait sa joue, ses mots qui voulaient la rassurer car, oui, tout irait bien pour eux deux, elle devait y croire, absolument. "Non, tu es importante sans le savoir. Tu as mon cimetière Freya, ne l'oublie pas. Rien ne sera détruit entre nous, pas si on ne le désire pas." Tout était une question de conviction et Decastel pouvait l'avoir pour deux. Cela dit, l'avis de la jeune femme comptait également énormément pour lui alors, Tim ne pouvait que l'encourager à s'ouvrir à lui après un baiser salvateur. Freya eut l'air de réfléchir, comme si on lui demandait jamais ce qu'elle pouvait penser des choses qui la concernaient avant tout. Le soldat la regarda avec un sourire alors qu'elle énonçait une liste assez importante de choses en guise de réponse. "De bien nobles intentions." Néanmoins, ce n'était pas la portée de son message. Non, c'était lui qu'elle désirait préserver et les yeux de Tim se mirent à briller d'une toute nouvelle intensité au moment où elle posa une main sur son coeur, celui-ci battait plus vite. N'était-il pas mort normalement? "Et je vais rester avec toi. Ne t'en fais pas. Il n'y a plus rien à briser, promis." Il lui fit son plus beau sourire en faisant voyager une main dans ses doux cheveux, terminant sur son joli minois. Elle était jolie et le moment était peut être trop intense pour deux personnes alcoolisés et comme le suggérait la jeune Doherty, ils devraient peut être arrêter là avant de finir leur séjour en cellule de dégrisement. Avant cela, elle posa l'ultime verre dans sa paume, c'était à lui de terminer le jeu. "Ok. On le partage? Je n'ai pas du tout envie de passer le reste de la nuit en tête à tête avec la personne en face de moi, dans un endroit plus privé." Tim ne put qu'avaler la moitié du liquide du verre parce qu'il avait exposé suffisamment d'arguments pour que Freya se doute qu'il allait lancer ce genre de discours. Elle était la seule décisionnaire désormais.

« Non, tu es importante sans le savoir. Tu as mon cimetière Freya, ne l'oublie pas. Rien ne sera détruit entre nous, pas si on ne le désire pas. » Et si c’est plus fort que soi ? Si ça les dépasse totalement, si ça leur échappe des mains ? Qu’est-ce qu’ils feront si jamais tout s’écroule comme un château de cartes alors qu’ils auront juste soufflé dessus ? Freya n’a pas vraiment envie de savoir. Elle sait qu’elle, elle ne contrôlera rien parce qu’elle n’a jamais su faire. Elle a toujours laissé ses émotions prendre le dessus, l’envahir et la guider dans chaque étape de sa vie. Chaque épreuve, elle les a vécu avec une intensité qui a pu la rendre folle à certains points. Contenir les flots d’affres qui la dépassent, qui lui parcourent les veines tels de mini tsunamis, c’est son frère qui y arrive, pas elle.
Aucune contenance, aucun répit, elle est juste une victime de ses propres éléments.

« Et je vais rester avec toi. Ne t'en fais pas. Il n'y a plus rien à briser, promis. » C’est d’une tristesse déconcertante et pourtant, il semble lui dire ça comme si ce n’est rien. Juste un petit détail sans aucune importance, aucune envergure, pas de quoi fouetter un chat, passer votre chemin. Et pourtant, ce petit organe vital fait la pluie et le beau temps, il décide à lui tout seul si vous allez être heureux ou si vous allez souffrir jusqu’à en être presque anesthésier. « Dis pas ça, big fella. » Tu n’es pas une cause perdue, tu n’es pas mort, pas encore et pas tout de suite.
Des mots que Freya ne dira jamais parce qu’elle est incertaine. Elle ne connaît pas son histoire, son passé, ni la cause de son cœur brisé. Est-ce que c’est lié avec son départ quasiment précipité pour l’armée ? C’est le genre de réaction aussi stupide que normal qu’on peut faire par amour. Mais Doherty ne laisse pas sa curiosité prendre le dessus ; il lui racontera s’il a envie, s’il a le courage, s’il le veut. Elle n’est pas du genre à tirer les vers du nez de qui que ce soit, ni à forcer la main pour des révélations traquées. Seul le temps pourra dire si un jour il se confiera autant qu’elle pourrait le faire avec lui.
« J’te prouverai que t’es encore vivant. »

Comment, elle ne sait pas trop. Elle ne veut pas l’entraîner trop bas dans son monde. Il y a d’autres lignes à ne pas franchir et même si Freya est arrivée première à chaque course, elle ne compte pas amener Tim avec elle. Ce n’est pas ce qu’il mérite et il n’a pas à subir tout ça. Parce que c’est stupide et con mais surtout terriblement facile.

« Ok. On le partage? Je n'ai pas du tout envie de passer le reste de la nuit en tête à tête avec la personne en face de moi, dans un endroit plus privé. » Freya le regarde longuement, son cerveau embrumé tentant de connecter ses brides de nerfs qui lui restent pour former une réponse logique et cohérente. Mais est-ce que c’est vraiment possible, surtout quand il la fixe de cette façon ? Quand il lui murmure toutes ces jolies choses à laquelle elle ne croit pas vraiment mais qu’elle a envie, juste pour ce soir et juste pour lui ? Quand il s’amuse à balader sa main un peu partout, avec une spontanéité déstabilisante et un aplomb sans égal ?
La seule réponse valable, c’est de finir le fond de ce verre.
Alors c’est ce qu’elle fait juste avant de plaquer sa bouche contre celle de Tim.

Ce n’est pas doux, c’est ardent. A la mesure de ce que lui crie son envie d’une passion fébrile. Freya vient de laisser derrière eux toute possibilité de mettre la marche arrière. Il n’aurait pas dû la laisser décider, il aurait dû raisonnable. Il est censé être réfléchi et posé, non intrépide et impétueux. Mais après tout, c’est Tim qui lui a demandé de rentrer dans son monde, n’est-ce pas ? Et dans le monde de Freya Doherty, les réflexions, les questions et les conséquences futures sont à laisser à l’entrée, sur le tapis juste avant de s’essuyer les pieds, merci.
Ses bras autour de Tim, l’empêchant de s’éloigner, Freya brise leur contact foudroyant tout en gardant son visage près du sien. Elle sourit légèrement tout en caressant leurs nez de façon absolument adorable. « Merde, tu vas pas assouvir mon fantasme de le faire en public, alors ? »

Ce soir, tu peux l’emmener au bout du monde, avec toi tous les balles, qu’elle te suivra.

Timothy n'avait jamais paru plus assuré dans ses gestes et ses dires. C'était peut être cela cette fameuse sensation qu'on pouvait avoir lorsqu'on avalait un bon litre d'alcool. Il avait entendu tellement de gens, ivres, se prendre pour les rois du monde quand, lui, se trouvait à côté d'eux à essayer de comprendre ce qu'ils voulaient bien pouvoir dire par là. Il comprenait certainement mieux maintenant qu'il avait embrassé Freya et qu'il avait découvert cette douce addiction que pouvait être ses lèvres, même si elle doutait énormément de l'avenir qui allait se présenter à eux une fois que leur alcoolémie serait redescendue. Tim ne pouvait pas lire dans une boule de cristal mais il était persuadé que c'était un choix qui valait le coup, se laisser aller entre ses bras cette nuit, s'occuper d'elle et effacer le moindre de ses doutes, la moindre de ses peurs pour ne pas avoir à penser aux siennes. Tim se sentait tellement désespéré, il était tellement mal aimé, tellement perdu dans sa vie mais il avait toujours été bon dans cette douce mission que d'être le chevalier servant, celui qui réconfortait, qui apportait la douceur et la patience tant attendue à des personnes qui n'en avaient pas reçu depuis trop longtemps. Freya avait l'air d'en souffrir autant que lui, de cette solitude liée à ce qu'elle pensait d'elle même. Il était triste de constater qu'elle avait si peu d'estime de lui même, pensant qu'elle pouvait le briser avec une aisance déconcertante. Ce ne serait pas le cas car Tim était doux, patient et il ne se laisserait pas englober dans une autre orbe de souffrance que celle qu'il venait de vivre avec Charlie. Cette nouvelle bulle n'était pas celle là parce que Doherty voulait le préserver et Decastel ne pouvait qu'en être ému, forcément. Peu de personnes avaient toujours voulu le préserver, faire attention à lui mais Freya avait l'air d'être dans cette catégorie vu qu'elle insistait sur son état émotionnel, à lui. "Je te dis juste la vérité." Il haussa les épaules, assuré dans ses dires. Elle ne pouvait pas blesser quelqu'un qui avait déjà tout donné et tout perdu. C'était Charlie qui avait tout emporté sur son passage, le laissant sans plus aucun espoir, plus aucune envie. Ce soir là, il pouvait encore rêver un minimum parce que Freya lui indiquait vouloir le faire sentir vivant. A nouveau. Pour quelques temps, au moins cela. "Tu peux essayer." Il ne pouvait pas lui assurer qu'elle y arriverait, pas après les dernières semaines qu'il venait de passer, les problèmes de coeur, les soucis avec sa mère, ces abandons successifs qui le rendaient amer. Avec Freya, il ne se sentait pas ainsi, il arrivait à sourire, à avoir un peu d'espoir. Alors, lorsque arriva le temps de la dernière question, du dernier verre, il ne put que chercher à savoir si elle allait continuer cette soirée en sa compagnie. Elle avala la fin du verre avant de venir l'embrasser avec passion. Tim lui rendit son baiser avec la même fougue, approchant son coeur du sien, pantelant déjà de tout ce qu'elle pourrait lui offrir. "Tout se négocie tu sais, mais faut préciser tes fantasmes un peu. Après tout, j'ai repéré un super cagibi dans ce bar. Sinon, je peux te ramener chez moi ou ailleurs, c'est toi qui choisis." Pour elle, il ferait n'importe quoi et effectivement, il le montra en posant ses bras autour d'elle pour qu'elle vienne sur ses genoux, déposant de doux et tendres baisers le long de sa mâchoire et au creux de son cou, la serrant délicatement contre lui, une promesse que la suite de la soirée allait être très intéressante si elle le désirait.

« Je te dis juste la vérité. » Justement, c’est bien là le souci. Il a l’air de toujours dire la vérité et l’alcool ne fait qu’accentuer la sincérité de ses propos. Il n’a pas de filtre et il n’a pas non plus de mauvais traits. Il est juste honnête de la façon la plus platonique qui soit et c’est purement désarmant. Freya n’est pas habituée à ce genre de comportement. A ce genre d’attitude. Elle qui ne connaît que les pires décisions pour essayer de tempérer ce qui lui reste de bon dans sa vie et dans sa tête.
Petite, on lui a dit qu’elle pouvait faire ce qu’elle voulait, pour le peu qu’elle le voulait. Mais jamais on ne l’a regardé dans les yeux et demandé sincèrement ce qu’elle veut. Il a fallu qu’elle attende vingt sept ans et une paire d’yeux bleus au détour d’un cimetière pour qu’on lui pose la question. C’est désarmant (oui, elle se répète mais elle le pense et ça la trouble).

Freya a beau joué l’assurance devant le monde, elle n’en reste pas moins incertaine sur tous les points de vue de son existence. Elle remet tout en cause au moins tous les matins et le soir, elle se pense invincible. Mais en vérité, elle est loin de l’être. Elle n’est qu’une pauvre chose qui n’est que faiblesse dès qu’on lui accorde un peu d’attention, un peu de délicatesse, un peu de tendresse.
Ce fichu sentiment d’attachement qu’elle recherche sans cesse. Que parfois elle frôle, que parfois elle touche, que parfois elle réussit à attraper. Et puis ça retombe, comme un véritable soufflé, aussi mollement et sans bruit mais aux résultats dramatiques. On blâme qu’elle est trop impulsive, folle, voire tarée. Et les responsabilités, ce mot ne figure pas dans son dictionnaire. Et pourtant, elle jugera toujours que c’est de la faute des autres. Ils ne s’accrochent pas assez, ils ne creusent pas assez, ils ne veulent pas voir plus loin. Et même quand elle donne tout, parce qu’elle donne toujours tout et jamais dans la demi mesure, ça se retourne contre elle. Étouffante, impatiente, envahissante.

Doherty espèce ne pas être comme ça avec Tim. Il n’est pas là pour subir tout ça. Il veut juste passer du bon temps, décompresser de ses deux mois de tension et d’épreuves en tout genre qu’il a dû endurer. Alors Freya essaiera de lui mettre un sac léger dans les mains pour qu’il n’ait pas à supporter la charge qu’elle peut être.
C’est qu’elle est charitable quand elle le veut.

« Tout se négocie tu sais, mais faut préciser tes fantasmes un peu. Après tout, j'ai repéré un super cagibi dans ce bar. Sinon, je peux te ramener chez moi ou ailleurs, c'est toi qui choisis. » Freya rigole doucement alors qu’il l’entraîne sur lui. Genre, physiquement et littéralement. Et il n’y a pas une once de résistance, elle se laisse faire. Parce qu’elle est conne et parce qu’elle a (enfin) mis ses à priori et ses doutes au placard.
Elle réfléchira demain, ou jamais. Jamais lui semble dans l’immédiat la meilleure des solutions. Doherty balaie mentalement d’un geste de la main tout ça, ne faisant plus que place pour Tim et ses lèvres qui sont déjà sur son cou et qui lui laissent échapper un léger soupir de contentement. « Pour cette fois, je me contenterai de te partager avec personne d’autre que moi-même. » Ses bras l’entourant, Freya ramène d’une main sur sa joue son visage vers le sien. « On peut appeler un taxi. Chez toi car chez moi, c’est pas possible. » Puis elle se mord la lèvre. « Sinon, y a les vignobles ou la forêt qui sont plus proches, si t’sens aventurier. » Elle s’approche un peu plus de ses lèvres, s’arrêtant qu’à quelques millimètres. « Parce que ça aussi, c’est dans ma liste. » Est-ce que ça aussi, c’est raisonnable ?

Esprit éteint, lèvres scellés. Fuck off.
Ils seront adultes plus tard. Ils ont le temps pour mesurer le risque de leurs actes et ce qui en découlent. Ce soir, juste ce soir, laissez-leur lâcher prise. Laissez leur le temps d’être jeunes et d’aller en dehors de la route de brique jaune.

Il aurait dû certainement faire plus attention à lui, se préserver du monde extérieur mais il fallait croire que l'instinct de survie de Timothy était tombé proche de zéro. Il lui avait fallu un abandon de trop pour qu'il ne s'intéresse plus le moins du monde à ses sentiments ou à ses choix d'avenir. Le jeune homme désirait juste vivre dans l'ici, le maintenant, sans se soucier de toutes les bagatelles du lendemain ou de la veille... Des histoires qu'il ne voulait pas ressasser, qu'il ne voulait pas revivre. Avec Freya, tout était nouveau alors forcément, c'était beau à ce moment là et c'était exactement ce dont il avait besoin. De son instinct protecteur envers lui, de ses lèvres agiles qui volaient au secours des siennes, de son coeur qui battait contre le sien et qui lui faisait croire qu'il avait encore la possibilité d'être vivant. Avec elle. Alors, il ne pouvait que s'attacher à elle, à son apparente douceur, sa quête de bonheur et son envie d'être appréciée pour ce qu'elle était, pas pour une simple image qu'elle renvoyait. Cela tombait bien que Tim fut lui même, l'exemple même du garçon qui souhaitait découvrir absolument ce qu'il y avait derrière le masque, pas du tout effrayé par ce qu'il pourrait y découvrir. Lui ne voyait que sa beauté, son envie de ne pas le blesser et c'était la seule personne depuis longtemps qui se comportait ainsi à son égard. Timothy en était ému, forcément, parce qu'il était fragile mais la jeune Doherty l'était tout autant que lui, c'était une évidence. A eux deux, ils pouvaient peut être créer quelque chose de beau ce soir là, quelque chose de tangible, de réel, un mélange d'eux deux qui les rendraient vivants quelques heures. C'était la seule chose que désirait Tim et il lui prouvait en faisant s'attarder ses doigts sur son visage, y déposant des caresses tendres, des promesses de prendre son temps avec elle, de ne pas brusquer son affection envers elle. Freya voulait qu'il reste avec elle et il ne lui refuserait pas. Rien. Jamais. Non, il la porta sur ses genoux et il prit soin de la serrer contre lui, d'apprendre à apprécier la sensation de l'avoir si proche de lui, sentir son odeur et la sensation de sa peau sous ses lèvres. Elle appréciait ses gestes, il le sentait et il était évident qu'ils n'allaient pas pouvoir rester ici, à la vue de tous puisqu'ils menaçaient de déraper à tout instant. Ne restait qu'à déterminer où ils termineraient la soirée... Tim aurait-il le courage d'attendre un taxi? "Pour une première, ça me convient parfaitement." Il fit remonter ses baisers de son épaule jusqu'en haut de son cou, sa mâchoire, son menton, se retenant de faire tomber la bretelle de son haut pour descendre plus bas encore, le désir perlant dans ses yeux azur qui se posaient dans les siens. "Chez moi, c'est trop loin. Les vignobles? Il paraît qu'il y a une super vue et moins de risques de tomber sur des animaux sauvages... Je veux pas te blesser. Je vais prendre soin de toi." Il se releva de sa chaise, Freya toujours dans ses bras et il la porta jusqu'à la sortie, se décidant à la relâcher uniquement lorsqu'ils arrivèrent dehors. Tim ne fit pas attention aux clients du bar qui les regardaient de manière étrange en le voyant faire. Il attrapa la main de Freya, la caressa de son pouce alors qu'il la dirigea hâtivement quelques centaines de mètres plus loin, les vignobles faisant leur apparition face à eux. Timothy sourit à la jeune femme avant d'entraîner Freya à sa suite dans une allée, il la fit marcher quelques centaines de mètres à nouveau et là, plus personne alentour. Plus aucun bruit. Juste, de l'herbe sous leurs pieds. Tim retira sa veste et la posa au sol, s'y asseyant avant d'inviter Freya à retrouver sa place sur ses genoux. "Ca te va comme endroit pour ce soir? Si t'as froid, tu me dis, je te réchaufferai." Effectivement, il passa ses bras autour de la jeune femme, revenant chercher ses lèvres, en toute délicatesse d'abord, sans rien brusquer, juste pour la découvrir à nouveau et lui prouver qu'il était là. Qu'il serait là avec elle, si elle était prête à l'accepter, à se laisser tenter.

« Chez moi, c'est trop loin. Les vignobles? Il paraît qu'il y a une super vue et moins de risques de tomber sur des animaux sauvages... Je veux pas te blesser. Je vais prendre soin de toi. » C’est une promesse complètement folle qu’il lui fait. Et Freya s’y laisse bercer. Elle y croit, elle ose espérer qu’il y arrivera. Qu’il va réussir à lui montrer par ses gestes ce qu’il vient de dire par des mots. Elle a même la pensée folle qu’il trouvera peut-être la solution de faire taire tout ce qui lui hurle aux oreilles malgré elle.  Cette voix qui lui rabâche qu’elle n’est qu’une mauvaise graine, qui a poussé dans le sens contraire que le commun des mortels. Je ne sais pas ce qu’il me prend à ce moment là. T’oublies tout, tout ce qui fait son essence même, juste pour pouvoir te laisser bercer par des paroles d’un homme que t’as connu dans un cimetière. J’ai envie d’y croire, j’ai envie d’attraper cette étoile qui pourrait la bonne. T’es naïve. Je sais. Tu sais très bien que les filles comme toi, ça ne gagne jamais des hommes comme lui.
Le bruit du pub n’est qu’un brouillard, un écho parce qu’elle a l’impression qu’il n’y a que lui à ce moment-là. Il n’y a que Tim et ses deux iris bleutés qui semblent lire en elle mieux qu’elle réussit à se comprendre. On dit souvent que les yeux sont le reflet de l’âme. Et Tim lui donne la sensation qu’il veut la lire, la comprendre. Qu’il veut effectivement creuser et chercher plus loin. Alors Freya dépose les armes et fait fondre sa glace parce qu’elle ne peut pas résister au regard intéressé et brûlant du jeune homme.

Elle a la sensation d’être déjà mise à nue sans qu’aucun vêtement ne soit tombé.

Freya n’eut pas le temps de lui répondre qu’elle pousse un léger cri alors qu’il la porte jusqu’à la sortie. Il est complètement fou sachant tout ce qu’il a ingurgité ce soir. D’ailleurs, quand l’air de l’extérieur lui fouette le visage en même temps que Tim la reposant par terre, elle se félicite d’avoir (pour une fois) quelqu’un sur lequel se raccrocher pour ne pas flancher. Ses deux pattes sont chancelantes mais Tim prend les rênes. Elle se laisse guider parce qu’elle l’a décrété ce soir.
Ne pas se soucier de la destination pour vu que le voyage soit beau.

Marcher lui fait un bien fou et si Timothy ne se trouvait pas à la tirer derrière lui qu’elle se serait déjà arrêtée pour s’écrouler et dormir sur place. A la belle étoile parce que le ciel est toujours témoin. La voie lactée est sa complice et veille toujours sur elle. Freya a toujours eu cette fascination pour ces boules lumineuses qui tiennent aussi haut sans jamais faillir. Si, gamine, elles s’éteignent et elles finissent par tomber. C’est juste toi qui aime penser qu’elles sont éternelles.
Mais Tim est là et il l’entraîne loin de la foule, loin du bruit, loin de toute civilisation.

« Ca te va comme endroit pour ce soir? Si t'as froid, tu me dis, je te réchaufferai. » Il l’attire de nouveau vers elle pour l’embrasser doucement. Freya s’assoit à cheval sur lui, l’emprisonnant entre ses jambes, tout en jouant mollement avec ses cheveux. De légères bouclettes qui ne sont pas sans lui rappeler (douloureusement) quelqu’un. Non, la ferme, ne dis rien, vire de là, je te sens venir. Je ne veux pas y penser, ni à lui ni aux autres. Les hommes du passé doivent rester où ils sont. Celui du présent se trouve en face de toi et n’attend que toi.
«  N’importe où m’ira tant qu’t’es là. » Freya eut ensuite un léger sourire. «  T’as conscience que les animaux sauvages, c’est nous, là ? » Perdus dans des champs de vigne qui s’étendent sur tout leur long, il n’y a pas âme qui vive dans les alentours. «  Je fais pas ça, d’habitude. Les relations d’un soir. » Mais si au vu de ces derniers mois, on pourrait croire le contraire, pense-t-elle amèrement. On ne s’attache pas à elle, on revient à la même conclusion. Des mains qui jouent sur elle puis qui la délaissent.

Alors elle fait pareil. Ses propres mains se tiennent tranquillement sur ses épaules avant qu’une s’échappe pour aller se loger sa hanche et le rapprocher un peu plus d’elle.
Freya lui embrasse doucement le coin de ses lèvres avant de dévier vers sa mâchoire puis son cou avant de remonter vers son oreille. «  Je suis gelée, Timothy. » Sa voix n’est qu’un murmure, presque une supplication, avant qu’elle place un autre baiser sous son oreille.  

Pour la soirée à venir, il n'y aurait plus que Freya Doherty qui existait dans son esprit, sa douce voix, ses jolis yeux ébène et son sourire d'ange. Il la voulait près de lui, avec lui, peut être même plus qu'une simple nuit même si pour l'heure, la question ne se posait pas le moins du monde. Tim était uniquement concentré sur elle, sur la manière dont il pourrait la satisfaire et surtout, prendre soin d'elle. C'était ce dont elle avait besoin avant tout, de quelqu'un qui serait présent pour elle et qui ne la jugerait pas pour ses choix hasardeux ou ce qu'elle avait dans le crâne. Timothy était une personne parfaite pour jouer ce rôle là: il n'avait jamais eu cette tendance au jugement, il avait bien trop souffert de cela lui-même pour envisager agir de la sorte avec autrui. Il était le chevalier protecteur, celui qui se mettait entre la beauté et le danger et qui risquait sa vie en conséquence. C'était ce qui était arrivé avec Charlie après tout, il s'était mis entre elle et son ex et on avait tous vu ce qui était arrivé. Le chevalier s'était pris un coup d'épée dans le coeur et depuis, il était parfaitement à l'agonie, incapable de ressentir quoique ce fut de joyeux ou même de positif. Freya, elle, ne pourrait pas le blesser, non, il avait juste envie de l'entourer de ses bras musclés et de la porter vers un monde sans risque, un monde où on l'accepterait comme elle était, belle et indépendante, fragile dans son estime d'elle mais si forte dans son rapport aux autres. Elle ne pouvait que plaire à Decastel, lui qui recherchait sans cesse un rôle à jouer dans la vie d'autrui. Ce soir-là, il serait son étoile du Berger parce qu'il allait la guider vers la sûreté, la portant d'abord vaillamment dans ses bras avant de l'entraîner au fin fond des vignobles de la région. Là, ils étaient les deux animaux sauvages qui venaient déranger la quiétude du lieu et ce fait fit sourire Timothy en recevant Freya sur ses genoux, tout doucement. "On sera les indésirables ce soir. Mais on sera ensemble." Ils détonnaient le décor de raisins, l'odeur des feuilles et le vent léger qui les faisait se bercer les unes contre les autres. Tim n'y faisait que peu attention, il regardait Freya, juste elle et lui promettait de prendre soin d'elle, d'être là et de la réchauffer, quoiqu'il arrive. "Moi non plus. Demain est un autre jour n'y pensons pas, et... Si t'as encore besoin de moi, je serai là. Rien n'est obligé de finir cette nuit." Non, ils n'étaient obligés de rien, certainement pas de prendre une décision alors qu'ils étaient serrés l'un contre l'autre et qu'il sentit les lèvres de Freya commencer à parsemer sa peau de si doux baisers. Il la laissa faire, caressant son dos et sa hanche, l'amenant plus proche encore de son corps jusqu'à ce qu'elle lui murmure quelques mots à l'oreille, des mots que Tim entendit et qu'il ne pouvait accepter. "Je m'occupe de toi. Je te lâche pas. Tu n'auras plus froid." Ce fut à son tour de laisser des baisers langoureux sur sa peau, dans son cou jusqu'à son épaule alors qu'il fit glisser finalement les bretelles de son soutien gorge, avant de lui retirer son tee-shirt, tout doucement, ses yeux bleutés se perdant dans les siens, si tendres, si beaux. Il fit descendre sa traînée de baisers peu à peu vers sa poitrine et il prit son temps pour faire monter sa température corporelle, ses mains caressant son dos avant de dégrafer le tissu. Elle était à demi nue mais elle n'aurait plus froid, pas alors que les lèvres du soldat descendirent fougueusement vers ses orbes voluptueuses, ses mains l'y accompagnant pour réchauffer chaque pore de cette peau désormais découverte alors qu'il l'enserrait, qu'il cherchait à lui donner toute sa chaleur, toute sa tendresse dans une succion, dans un baiser, dans une caresse. Chaque particule de son corps brûlait pour qu'elle n'ait plus à avoir froid. Qu'elle n'ait plus à souffrir ce soir là.