Apocalypse now
Raelyn Blackwell & @Leah Baumann – Univers alternatif
2 ans depuis la fin du monde – Jour 44

« C’était très drôle. » Je lève les yeux au ciel. Ce dernier mois aura vu revenir - en partie tout du moins - nos comportements et notre relation d’avant apocalypse. Certes, nous ne nous jetons pas des insultes au visage, pas plus que je ne la drogue à son insue, mais quelque chose s’est temporairement brisé lors de la mort de Mitch. Me reproche-t-elle de m’être murée dans le silence ? Ne comprend-elle pas que j’ai besoin de faire mon deuil et que chacun le fait à sa façon ? Qu’elle ne peut pas m’en vouloir d’avoir perdu une partie de mon envie d’avancer ou d’être devenue une piètre compagne de route ? « Tu imagines s’ils l’utilisent pour faire revenir leurs invités à la casserole ? » Et…. Sans surprise elle récolte à nouveau un roulement d’yeux vers le ciel. « Et au pire, tu tiens à ce point à notre si jolie petite vie ? » Le fait d’avoir perdu le goût de continuer devrait nous aider à prendre des décision audacieuses non ? Le diction ”et puis au pire, on meurt” s’applique à présent. Mon instinct de survie m’interdit d’intenter à ma vie, mais suis-je réellement effrayée à l’idée de la perdre ? Pas réellement, pas alors que j’y pense en étant en sécurité dans la voiture.

« On pourrait déjà s’éloigner, ça minimiserait le risque qu’ils nous tombent dessus en pleine nuit. Et on aura plus qu’à enterrer les armes et planquer la voiture avant d’y aller, ça me semble faisable avant que le soleil se couche. » Je hoche la tête doucement, tentant de voir les points positifs dans ses idées malgré la légère rancoeur qui s’installe. « T’as pas tort, on peut faire ça. Comme ça on pourra débarquer à la première heure demain. » Avec un peu de chance, ces gens là sont du matin. « On s’éloigne de combien ?  » Il faut prendre en considération que cette distance, nous devrons la marcher demain matin. « Dix kilomètres ? » Ainsi en deux heures et demies, deux si nous marchons à bon rythme, il nous sera possible de regagner la voiture. « Plus ? » J’hésite. J’ai peur qu’en nous éloignant trop cela complique une éventuelle fuite. Mais je ne veux pas prendre le risque que la cachette de notre véhicule soit découverte.

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Raelyn Blackwell & @Leah Baumann – Univers alternatif
2 ans depuis la fin du monde – Jour 44

« Plus que toi j’ai l’impression. » Je hausse les épaules, ravie qu’elle ait mordu à l’hameçon. Evidemment que c’est ce qu’elle me reproche, de donner l’impression d’être plus blasée qu’autre chose, lassée de cette existence. Préférerait-elle que ma joie de vivre soit plus communicative et que je passe mon temps à rire et à sourire ? N’ai-je pas le droit de faire mon deuil comme n’importe quelle personne ayant perdu un être cher ? Je ne rebondis pas, peu désireuse de voir tourner en rond une conversation qui ne trouvera jamais de fin puisque nous ne parvenons plus à communiquer ces derniers temps. Surtout qu’elle accepte de laisser sa chance à la communauté que nous observons depuis plusieurs jours et que, déjà, je sens l’excitation poindre dans mon tripes.

Je ne veux pas les rejoindres pour me faire de nouveaux amis et parce que je me sens seule. Je me fiches bien des âmes qui errent à l’intérieur de ce complexe, tout ce que je vois c’est : solides mur protecteur, assez de nourriture pour faire vivre tout un groupe de personnes et peut-être, je n’ose même pas y rêver, de l’électricité. Alors je suis prête à prendre le risque, je suis prête à me faire passer pour ce que je ne suis pas, une adorable jeune femme en détresse, je suis prête à sourire et prétendre aimer mon prochain. « On peut tabler sur quinze et voir ce qu’on trouve comme cachette à partir de là. Au besoin, on s’éloigne encore un peu… Ca ne me dérange pas de marcher. » « Ouais c’est bien ça. On cachera quelques armes sur le chemin aussi. » On est jamais trop prudente. Je doute qu’il nous laisse nous balader armées à l’intérieur de leur petit paradis, si bien qu’il nous faudra une solution pour mettre la main rapidement sur de quoi nous défendre si nous devons fuir.

J'ôte mes pieds du tableau et bord à l’instant où Leah démarre. Les yeux vissés au compteur de kilomètres, nous n’échangeons pas un mot pendant tout le trajet, jusqu’à ce que je désigne d’un geste de la main un bosquet qui me semble pouvoir dissimuler le pick-up. « Là. On trouvera pas mieux que ça je pense. Faudra peut-être ramasser quelques branches pour le recouvrir, des ronces pour dissuader les curieux. » Je m’improvise des talents de camouflage, il faut savoir être multitâche dans ce nouveau monde.

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Raelyn Blackwell & @Leah Baumann – Univers alternatif
2 ans depuis la fin du monde – Jour 44

« Je te laisse t’occuper de ça pendant que j’efface nos traces » Évidemment, elle réserve immédiatement la tâche la moins ingrate, mais je crois que je m’en fiche. Je hausse les épaules et, rodée à l’exercice depuis des années maintenant, je jette un coup d’oeil autour de nous pour déterminer ce qui me sera le plus utile dans mon travail de camouflage. J’attrape l’une des deux grosses paires de gants que nous utilisons pour manipuler les barbelés à l’arrière de la voiture ainsi qu’une machette, avant de commencer à couper de grosse branches et d’entreprendre de transformer la voiture en un large buisson de ronces. Pour l’instant et puisque nous allons encore y passer une nuit, je laisse juste un accès à la portière avant conducteur du véhicule, étroit mais assez large pour que Leah comme pour puissions nous y glisser ce soir et sortir demain matin.

Je dépose quelques ronces supplémentaires et quelques branchages de plus à quelques mètres du véhicule qui me permettront d’achever mon travail de camouflage demain matin une fois que nous n’aurons plus besoin d’accéder à la voiture, et je termine à peine lorsque j’entends la voix de Leah dans mon dos. « J’espère vraiment que ça fera l’affaire. » Je jette un coup d’oeil à la voiture. Elle est évidemment encore visible de près, mais encore faut il que quelqu’un vienne coller son nez contre un bosquet de ronce pour qu’il la trouve. Je tend une des deux pelles à Leah et j’attrape l’autre. « Faut qu’on enterre le gros des armes et quelques provisions avant qu’il fasse nuit. » On pourrait les laisser dans la voiture, mais alors si quequ’un la trouvait nous viendrions à tout perdre et je n’ai pas envie de prendre le risque que ça arrive. L’arsenal du Club, ou plutôt ce qu’il en reste, représente un vrai trésor de nos jours. Je m’éloigne de quelques mètres de la voiture, jusqu’à trouver un coin qui me satisfasse, facilement reconnaissable. « En plus il a plus toute la journée, on aura qu’à bien tasser la terre et personne verra que quelqu’un a creusé un trou ici. » Pour une fois, la chance semble être de notre côté.

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Raelyn Blackwell & @Leah Baumann – Univers alternatif
2 ans depuis la fin du monde – Jour 44

« Comme quoi la chance est parfois de notre côté. » J’esquisse un léger sourire, ça faisait longtemps - en essuyant du revers de ma main la sueur qui trempe mon front. Je me sens sale et fatiguée mais demain est un autre jour, et avec un peu de chance, un autre jour où nous pourrons prendre une douche. Je rêve d’un lit moelleux. Je me demande comment ils vivent là dedans et ça m’obsède au point que je me sente prête à faire un génocide pour récupérer l’endroit s’ils nous en refusent l’accès. Leah ne serait pas d’accord, c’est bien là la faille de mon plan.

Je lui tends la pelle et, heureusement pour l’entente de notre duo, elle ne tente pas de négocier pour que nous nous en occupions demain. Elle s’exécute au même rythme que moi, en bientôt on entend plus que le bruit des pelles qui retournent la terre. Une fois notre petit trésor enterré, je passe de longues minutes à faire des rectifications pour rendre l’endroit invisible, pour masquer que la terre a été creusée. Ce n’est qu’une fois satisfaites que nous retournons vers la voiture. « Bon, je propose qu’on dorme maintenant. On a du chemin à faire demain et la journée a été longue… » je hoche la tête doucement. « C’est du bon travail. » « Merci. » Serait-ce des paroles cordiales et agréable entre nous ? Un miracle est-il encore possible ? En tout cas j’esquisse un sourire et montre du doigt la zone dégagée. « J’ai pas encore recouvert par ici. On peut passer par la portière conducteur, je la cacherai demain. » Je m’exécute en me glissant à travers les ronces précautionneusement, avant de me hisser à l’intérieur du pick up et de passer côté passager pour que le brune puisse entrer à son tour. Une fois installée, je penche mon fauteuil et l’observe un instant. « J’ai besoin de temps tu sais. Mais ça va aller. » Je ne sais d’où me vient cette subite envie d’ouvrir un peu mon coeur ou en tout cas de clarifier les choses. « En tout cas j’ai un bon pressentiment pour cet endroit. » Je ferme les yeux et, sans demander mon reste, je m’endors en quelques minutes à peine.

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Raelyn Blackwell & @Leah Baumann – Univers alternatif
2 ans depuis la fin du monde – Jour 45

« Je sais. » J’ignore si elle est sincère où si elle jette ça comme ça, mais je ne suis pas une sentimentale et je me contente de ce qu’elle me donne : elle sait, elle n’a pas peur que je lui claque entre les doigts, et je hoche la tête doucement. « Ça fait au moins une de nous deux, j’espère que tu as raison. » « C’est surprenant que ce soit moi, ça doit bien être une première. » Parce que de nous deux, j’ai plutôt l’habitude d’être la plus méfiante en temps normal. Je me retourne finalement, faisant dos à la jeune femme, et je clos mes paupières pour m’endormir rapidement.

La nuit, je suis agitée de cauchemars. Ils ne me quittent que rarement depuis l’attaque de la grange : comment réussir à passer au dessus de ma perte puisqu’elle se rappelle à moi toutes les nuits ? Au petit matin, en proie à des sueurs froides, je me tourne et retourne, avant de comprendre que Leah est éveillée elle aussi. Parfait, nous n’avons pas de temps à perdre alors. « Réveillée ? » En guise de réponse je me redresse et m’étire du mieux que je peux. La douche, je m’accroche à la douche qui prend des années de fantasme après n’avoir gouté qu’à des lacs froids à la propreté parfois suspecte.

On mange nos dernières conserves, avant de quitter l’habitacle. Lorsque je claque la porte derrière nous, je suis prise d’un étrange sentiment : ce n’est qu’un véhicule, mais il nous sert presque de foyer depuis des semaines, c’est difficile que de laisser la sécurité, même sommaire, que le pick up nous apporte derrière nous. Je termine le camouflage de la voiture avant de reculer de trois pas. « On pourrait pas encore mieux étoffer ? » Je fais la moue, avant de tourner la tête vers elle. « J’ai des doutes. Ça reste une voiture planquée derrière quelques branches et des ronces alors... » Alors on a fait de notre mieux. Je replace les deux fusils que je porte en bandoulière, m’assure que le poignard à ma ceinture est bien placé avant de me mettre en marche. « On enterrera deux des fusils à un kilomètre de la colonie ? » Pour être armée en cas de fuite forcée, puisque je présage déjà qu’on ne nous laissera pas garder les armes avec lesquelles nous sommes arrivées sur nous. Pourrons nous les récupérer après coup ?