« Yeah I’m a needy bitch. Yeah I want you around. Yeah yeah. » quand il sort les yeah, yeah, c’est jamais bon signe.

« But I know you can’t be that now. I know you’re all him and I am too juste de l’entendre dire ça, juste ces quelques mots, brefs, ça me soulage. Il le verra sûrement, comment mes épaules relaxent, comment mon corps en entier perd de sa tension, relâche enfin les nœuds l’espace d’un instant. C’est bref, mais c’est là, et ça fait un bien fou de l’entendre dire qu’il sait que je suis all about Levi, jute ça, ça fait tout. but I want to carry you now. You are taking everything on your shoulders Ari and you should not. » jusqu’à ce que le reste clash, jusqu’à ce qu’il verbalise enfin ce qu’il me hurle des yeux depuis des semaines.

Et il doit le voir que mon regard devient lentement mais sûrement noir. Il doit le voir que j’attends impatiemment la suite, que je peux pas croire qu’il ose, que je suis à deux doigts de le faire taire pour l’empêcher de statuer ce qu’il pense si fort, ce que j’ai tellement lutté longtemps pour ne pas le laisser dire. « Let me help for fuck sakes. Let me carry. If you don’t want me to carry him let me carry you. Because who will do your job, that you do perfectly I fucking swear you are the best with him… » ses mots se perdent, il se perd lui aussi. Et moi je reste là, je bouge pas, je respire même plus.

« …but who will do your job if you’re dead tomorrow? » don’t go there Kane, don’t say it.
« I can’t have you both dead. » you went there, you said it.

J’entends même pas la suite. J’en ai rien à battre de la suite, rien de ce qu’il ne peut dire maintenant ne rachètera ce qu’il vient de conclure là, à voix haute. « Is this really what you think? » je pensais même pas lui laisser la moindre chance de répondre, je me croyais déjà bien trop enragée, bien trop bouillante pour lui laisser la moindre chance de se reprendre. But seems like I’m not that different after all. « That Levi and I, we are both gonna die? » j’anticipe, je vais vite, je pique sans baisser le regard, sans lui permettre un seul mot finalement. Sa simple vue m’horripile, ses mots tournent en boucle dans ma tête.

« Get out. » mon corps entier est immobile, mon ton est catégorique. S’il joue au pessimiste, ça passe pas. S’il nous envoie des vœux de malheur, ça passe pas. Je suis capable de prendre bien des choses, je fais que ça depuis le début. Je suis objective, les deux côtés de la médaille, toujours. Mais sa panique interne, son death wish, je veux pas ça. Ça, c’est ma limite. Ça, c’est trop. Il est trop. Et il est encore là. « Get the fuck outta here Kane. » toujours pas un geste, pas un sous-entendu. Juste mes mots. Et c'est bien assez.

« Is this really what you think? » Et elle perd le contrôle. J’ai dit ce qu’il fallait pas dire. J’ai osé dire ma plus grande peur et elle me le met en pleine face. J’avais pas le droit.  « That Levi and I, we are both gonna die? »

« I didn’t- »

« Get out. » Elle me laisse pas le temps. Et elle me remet dehors, là où j’étais. Là où elle est venue me chercher. Là où elle m’a suivit. Et je bouge pas.  « Get the fuck outta here Kane. » Je sais qu’elle va pas m’écouter. Mais je veux pas partir.

« I’m not going out. »

Mon ton est aussi catégorique que le sien. On est sur un bras de fer qu’elle va gagner je sais. Mais je vais tout donner pour pas qu’elle gagne.

« I’m scared of everybody dying all the time for fucks sake. »

Je suis traumatisé since day 1. Hi Chuck. We’re all gonna die Je le sais très bien. She knows too.

« Why are you so mad seriously ? I’m scared you’re gonna die cos I’m scared of everything. And I want to do everything to prevent that. I am not gonna let any one of you going down without a huge fight. I’m fucking sick of you not listening to me I fucking hate this. »

Parce qu’elle a complètement zappé le fond de ce que j’ai dit. Elle a besoin de se reposer dans tous les sens du terme. Faut qu’elle se repose sur moi. Il faut.

« Nobody is dying on my watch and let me watch you while you watch him cos you take all the space I barely do anything but just be here. And I’m not going out. »

Please Ari. Breath. Je veux la prendre dans mes bras so bad… Mais elle va me mettre une droite en pleine gueule.

« I’m not going out. » « Of course you’re not. » et je roule des yeux, parce que son petit jeu prend pas. Parce qu’il a oublié un truc et un seul : s’il est pas celui qui se tire, je pars direct. Mes affaires que j’attrape dans la foulée, sa silhouette qui tangue j'ignore vers où je le vois même plus. « Then I’m the one who’s out. »

Et j’ai la main sur la poignée, et y’a le couloir de l’autre côté. Je sais pas où je vais aller me poser, mais ce sera loin, le plus loin possible de Kane. Parce que sa panique déteint sur moi. Parce que son angoisse de merde m’a fait trembler, juste un peu, à peine, juste assez pour que je le remarque. Déjà que je hais tout du séjour prolongé de Levi à l’hôpital, si Williamson pouvait arrêter de jouer au larmoyant prêt à envoyer la prochaine malédiction cosmique sur nous, ce serait bien, merveilleux. « I’m scared of everybody dying all the time for fucks sake. »

« Grow a pair, man. » we’re all gonna die. Je l’aurai quoté, dans une autre vie. Il l’aurait fait bien avant moi, on aurait ri, on aurait parlé d’autre chose, on aurait passé le temps en racontant des merdes, en saignant sa playlist du moment. Mais là, j’ai plus aucun filtre, plus aucune envie, plus aucune force. Il m’a vidée de tout ce qui me restait.

« Why are you so mad seriously ? I’m scared you’re gonna die cos I’m scared of everything. And I want to do everything to prevent that. I am not gonna let any one of you going down without a huge fight. I’m fucking sick of you not listening to me I fucking hate this. » « Do you hear yourself? » ma silhouette fait volte-face, j’y crois pas qu’il continue, qu’il insiste, qu’il sache à quel point ça me fait mal, et qu’il fasse tout en son pouvoir pour me casser sur son passage. « I’m asking you to shut the fuck up about that and you keep at it? Are you deaf now?! »

J’ai crié, je pense que lui aussi, je sais plus trop qui a initié en premier, mais le ton a levé d’un cran. « And stop acting like you’re surprised I’m listening to no one. » la personne surprise, c’est moi dans l’instant. Parce que malgré ce qu’il peut bien me reprocher, j’entends que lui, juste lui, depuis la seconde où il est là. C’est ça, le problème. « Nobody is dying on my watch and let me watch you while you watch him cos you take all the space I barely do anything but just be here. And I’m not going out. »

Et donc il part pas. Et étrangement, je pars pas non plus. Je soupire par contre, remonte avec violence la fermture éclair du hoodie qui est à Levi, je l’ai compris quand j’y ai fourré mes mains et que j’y ai trouvé un joint roulé bien serré qu’il a planqué là avant qu’on parte du bateau pour sûr. My man. « I’ll sleep when he gets back. » la seconde d’après, je m’installe sur le lit, mes jambes qui passent sous la couverture, la télé que je fixe sans vraiment la voir.

Of course you’re not. » Of course ? Ok, pour une fois elle me prend pas pour un baby. Elle n’a pas admit que j’allais filer et esquiver sa fureur. Parce que dieu sait que c’est pas facile. Mais là c’est trop important. Je fuis pas. Je les aime trop pour ça. I’m scared shitless mais je vais nulle part. Levi needs to come back to his room soon tho. Parce que j’ai toujours cette image de lui en train d’être réanimé et j’aime pas ça.  « Then I’m the one who’s out. » Elle veut fuir, elle le dit, mais elle le fait pas. « Grow a pair, man. » Vraiment c’est hallucinant ce qui sort de sa bouche. La vérité c’est qu’elle est tout aussi effrayé que moi qu’il meurt mais elle veut pas l’entendre. Pourquoi elle se mettrait dans un état pareil en l’entendant sinon ? Elle veut pas de cette réalité et moi non plus et c’est pour ça qu’on est en train de se crier l’un sur l’autre. Parce qu’on veut se garder tous en vie et on veut pas entendre que l’issue sera autre que celle là. « Do you hear yourself? » Yeah I hear myself. I’m just saying aloud your worst fear and you don’t want that. « I’m asking you to shut the fuck up about that and you keep at it? Are you deaf now?! » Ca me brise le coeur de voir à quel point elle est révulsé. Elle peut encore moins vivre sans lui que moi. Elle laisse pas une seule seconde la place à cette éventualité qui lui brise le coeur dès qu’elle l’entend parce qu’elle est possible. « And stop acting like you’re surprised I’m listening to no one. » Not surprised. Mais il faut vraiment qu’elle m’écoute cette fois. Elle me saoule à en faire qu’à sa tête et me dismiss tout le temps. Je dis pas que des conneries. Avoir peur qu’ils meurent tout le temps ça veut aussi dire tout mettre en oeuvre pour que ce cauchemar ne se produise pas. Si je suis devenu un first responder c’est pas par hasard. Je veux sauver les gens. Tous. Tous. Je veux tous les sauver comme j’ai pas pu sauver Chuck. Comme j’ai pas pu sauver Jared. Je veux pas voir d’autres amis s’ajouter à cette liste. Nobody is dying on my watch. Et ça. C’est le truc le plus vrai que j’ai jamais dit.

Elle se calme. Elle respire. Thank you. Elle est toujours en colère mais elle part plus. « I’ll sleep when he gets back. »  Oh god thank you. Elle m’a écouté. J’hoche la tête. Je suis trop soulagé. J’ai trop envie de la prendre dans mes bras mais elle va me mettre une droite en pleine gueule c’est sûr.

« I’m going to check where he is. »

Je sors de la chambre parce que j’ai besoin de savoir. Je veux arrêter de l’imaginer au sol inconscient. Je remonte le couloir, descend un étage, et demande la situation aux infirmières qui savent. « Ah yeah sorry it’s taking a bit more time, one exam room was not supposed to be free but it is now so they took advantage. Should not be too long. » J’aurai bien demandé quelle est la pièce en question mais je sais aussi que je vais pas pouvoir entrer à l’intérieur et le voir de mes yeux donc je n’ai que sa parole à prendre et je le fais. Je la prends. Je visualise Levi en train de se faire manipuler pour un n-ième examen. Les yeux ouverts. Conscient. Better. Je fais demi tour pour retourner à la chambre parce que c’est là qu’il va aller dès qu’il aura fini. Dans la cage d’escalier pour retourner à l’étage, je me tiens à la rampe. Levi is getting another exam. Ariane is going to sleep. Et je laisse sortir la pression. Je fonds en larmes. Cette altercation avec Ariane m’a drainé. C’était beaucoup. C’était nécessaire. Tout comme mes larmes là. Des larmes de soulagement. Des larmes de fatigue. Et j’ose me remettre en haut de la liste cos it’s how it’s supposed to be. They are not dying. I won’t let this. Et je me reprends bizarrement rapidement. Et je termine de grimper ces marches pour retourner à la chambre. Et je sais que Ariane va voir que j’ai pleuré. Mais qu’elle voit aussi que je suis mieux. Je suis de retour en haut de la liste. They’re not gonna die. I won’t let this. Déterminé.

« He's having a last minute exam. »

« I’m going to check where he is. » au moment où il passe la porte, je lâche un long, un énorme, un nécessaire soupir. Je fais même pas gaffe à s’il entend ou pas, de toute manière, ça l’étonnera zéro que je réagisse de la sorte. La manette de la télé avec laquelle je joue sans le réaliser, les chaînes que j’alterne pour m’occuper à autre chose qu’à me répéter encore et encore les mots maudits de Kane. Ses malédictions à deux balles, son obsession avec la mort, sa peur que Levi et moi, on s’en sorte pas. Il joue au héros mais il chambranle, il se veut rassurer, a shoulder to cry on, but I’m sure he’s the one crying right now.

Mais ça sert à rien, de l’haïr comme de l’aimer. Parce qu’en bout de ligne, je sais qu’il va revenir. Je sais qu’il va faire qu’à sa tête ; je l’ai entraîné ainsi d’aussi loin que je me souvienne. Je l’ai toujours pousser à agir, à arrêter de parler pour rien dire et à prendre action à la place. C’était qu’un retour d’ascenseur, c’était qu’une nouvelle claque de sa part pour me prouver ce qu'il a appris. À avoir passé toute ma vie à le pousser à bouger, à man up, le voilà qui grandit exactement quand je le maudis de le faire, mais que paradoxalement c’est exactement de ça dont je semble avoir besoin dans l’instant. Un allié, ou au moins ce qui ressemble à.

Il revient dans la chambre. Et il a pleuré. Ça sent les larmes jusqu’ici, ses yeux sont rougis, bouffis, il se tient trop droit, ses épaules sont trop carrées, c’est sûr qu’il essaie de gérer au mieux là, qu’il se permet plus de craquer. Fine by me.

« He's having a last minute exam. » « Ok. »

Mes yeux ont pas quitté l’écran, mon corps a pas quitté le lit. Qu’il parte ou qu’il reste, la décision lui appartient. Je sais juste qu’à un moment, je me love un peu plus creux dans les coussins. Que je suis encore bornée, que je me laisserai pas m’endormir sans Levi à proximité, mais que je fais l’effort de m’installer plus confortablement. J’essaie. Qu’il en fasse de même.  

Bien sûr que je l’ai entendu soupirer. Mais elle est toujours là et elle est dans le lit. C’est ça qui compte. Quand je reviens elle m’accorde pas un seul regard. Fine by me. « Ok. »  Elle est toujours là et elle est dans le lit. C’est ça qui compte. Je vais m’asseoir sur la chaise qui est positionné près du lit. Je regarde l’écran de la télé mais mon esprit est pas du tout focalisé sur le programme. Mes yeux se tournent vers elle quand elle se cale un peu mieux dans le lit. J’ose rien faire. Elle va juste me sauter à la gorge à la première occasion. Parce qu’elle aime pas se montrer faible mais c’est une force d’accepter qu’on a besoin d’aide. Je sais pas si elle le sait. Je sais qu’elle veut pas l’entendre par contre. Je redétourne les yeux rapidement parce que je ne veux pas lui donner une occasion de me faire un reproche quel qu’il soit. She will do it without anyway if she really wants to. Au fond j’ai juste envie de la prendre dans mes bras. Genre. Vraiment. Comme d’hab je me dis que c’est pour elle, mais c’est surtout pour moi. Je veux pas lui montrer que j’ai besoin d’elle alors je ne le fais pas. Je veux pas qu’elle me remette en pleine face que j’ai besoin d’elle. De son soutient. Je veux juste lui donner de la tendresse mais elle va twister mon geste sans vouloir écouter mes véritables motivation. I shouldn’t have to be scared to give her a hug. Mais là c’est vraiment pas le moment. I am fucking allowed to hug my friend whenever the fuck I want. Mais là, elle va pas le prendre comme ça. Et je regarde l’heure sur mon téléphone. Ca n’avance pas. J’ai toujours l’image de Levi en train de se faire manipuler pour son examen dans ma tête.

On a l'air de rien là. Et le pire, c'est que la situation ne risque pas de changer du tout, en tout cas, pas de mon côté. Il dit que je suis épuisée, il dit que je dois dormir, il dit bien des trucs Kane, mais il m'écoute pas. Il écoute pas quand je lui dis que c'est d'être ici, éveillée, ce dont j'ai besoin. Il écoute pas, quand je lui dis que je fais ce que je dois faire. Parce que je le sais, qu'à la seconde où je ferme l'oeil, c'est juste Levi que je vois. Juste lui, à Perth. Lui quand on lui a fait l'annonce la première fois, et qu'il m'en a parlé par la suite. Lui qui me l'a annoncé, stoïque, détaché, brisé ouais. Ce jour-là je m'étais juré que je serais pas juste forte pour moi mais pour lui aussi. Et aujourd'hui, et depuis des semaines, je repense qu'à ça.

Je repense qu'à ça, parce que c'est la seule chose qui me fait ressentir. Pas la fatigue des nuits blanches, pas les courbatures des lits inconfortables et minuscules partagés à deux. Pas la rage envers les infirmières incompétentes et tout sauf professionnelles, pas l'angoisse qu'un matin ce soit fini. La seule chose que je peux ressentir c'est ça, je veux pas. Si je laisse entrer ces démons là, si je les laisse revenir, j'ai peur du résultat, je le nie en bloc.

Alors je garde les yeux ouverts, fixés, concentrés. La chaîne que je change, et c’est sur la météo que je tombe. Les averses qu’ils annoncent, c’est con et c’est cheesy et c’est inutilement stupide, mais je lève le son. Ils parlent de la pluie qui va pas arrêter dans les prochains jours, du froid de merde qui va venir avec. C’est pas l’Australie quand ça se rebelle ainsi, c’est censé être chaud ici, on est censé bouillir sur place par moment. L’hiver est long gone, mais ils nous annoncent que pourtant y’en reste encore à tolérer. Je hais le froid ; parce que ça me rappelle comment McGrath gèle comme une feuille à la moindre brise ces temps-ci. Un nouveau soupir de ma part, et un frisson qui s’y ajoute.

Elle va rien dire. Elle va rien faire. Rien faire à part lever le son quand ça parle de la météo pourri qui arrive. Je sais que c’est pas un hasard qu’elle fasse ça. J’essaie de pas y voir de double sens mais je sens que y’en a. C’est sa façon de communiquer avec moi parce qu’elle a pas l’air décider à ouvrir la bouche. Ou en tout cas pas pour moi. Je pense surtout que toute cette pluie ça va empêcher les feux de prendre facilement dans les environs. Y’en a eu énormément ces derniers temps et on a besoin de ça. Une bonne rincée pour rafraîchir tous, pour humidifier la végétation. Et Levi n’est toujours pas là et mes yeux vont vers la porte, espérant voir la poignet s’ouvrir à tous les instants. Come on. Je veux qu’il vienne. Je veux le voir de mes propres yeux au lieu de l’imaginer dans sa salle d’examen. Je suis naïvement en train de croire que Ariane va véritablement se laisser s’endormir une fois qu’il sera là. Mais elle est toujours dans le lit mine de rien. Peut être que y’a des chances. Et je suis le premier à briser le silence parce que j’ai aucune fierté, je m’en fou d’être le premier. Je sais que je vais me prendre un revers aussitôt mais c’est pas grave.

« I’m sorry. »

Pour tout. Parce que même si je pense avoir raison, j’aime pas la savoir mal à cause de moi. Ses émotions sont valables tout autant que les miennes et apparemment on est loin d’être in sync en ce moment. Je veux juste son bien et elle ne veut pas son bien. Elle veut tout pour Levi. Elle a stoppé sa vie pour la sienne. Ca devrait pas être comme ça. Je suis désolé pour tellement de chose. Surtout pour avoir dit les pires trucs à ses oreilles. Je m'en veux mais en même temps je vois pas comment ça aurait pu se passer autrement. C'est horrible de pas être sur la même longueur d'ondes qu'elle. Je déteste ça. Je suis désolé de pas être in sync. Je suis désolé pour tout. Parce que forcément c'est ma faute.

« And I want to hug you but you want to punch me. »

Je tourne la tête vers elle juste maintenant. Je m’attends à voir des flammes sortir de ses yeux d’avoir brisé le silence qui régnait. J’ai tellement l’impression que j’ai le droit de rien dire si c’est pas directement lié à la guérison de Levi. Parce que c’est tout ce qui compte là. C’est tout ce qu’elle voit. Je sais pas comment j’ai pu oser demander un hug, on devrait pas penser à ça. On devrait être focus sur Levi. Tout le temps. Vraiment je suis le pire ami apparemment. I’m not. Pour elle si. And it’s killing me. Je mets tellement d’importance dans ce qu’elle pense et ce qu’elle pense de moi. La décevoir c’est la pire chose. Ca arrive pourtant très souvent. Je la mets sur un trop grand piédestal. Faut je la fasse redescendre… Mais j’arrive pas. Ariane est tout en haut. Elle veille. Elle veille trop et pas sur elle.

« I’m sorry. » I know. Je devrais répondre, je devrais ajouter quelque chose, je devrais répliquer et calmer le jeu, prendre sur moi aussi. Il a raison sur papier, il a raison en théorie, mais il sait pas par quoi je passe, ce que je vis. He doesn’t know cause you are not telling him. And I intend to keep it that way.

Parce que c’est plus safe ainsi. Parce que c’est toujours comme ça que j’ai fonctionné, parce que même si maintenant je donne tout ce que j’ai pour protéger Levi, reste que je protège encore et toujours Kane sur le pilote automatique.

C’est pas tout. Si seulement. Kane en rajoute, il plonge son regard dans le mien, il le tient. Le silence tout juste avant est salvateur ; même si je sais qu’il prend sur lui, qu’il pense à nous pour assumer la parole en premier et officiellement initier un drapeau blanc que je n’aurais jamais cru détester autant qu’il agite.

« And I want to hug you but you want to punch me. » « Since when do you care? » que je réplique sans même y penser.  C’est dur ça aussi, mais c’est vrai. Il me demande pas ces choses-là. Il prend, je donne, l’inverse est vrai ; et qu’il le statut aussi honnêtement pique. Ça veut dire qu’il ne sent plus ce lien-là, ça veut dire que je risque bientôt de ne plus être la seule dans cette pièce à ne rien ressentir du tout.

J’inspire, laisse le temps à l’air de couler le long de ma gorge, d’emplir mes poumons, de calmer tout sur son passage. « You talk too much. » d’abord, la constatation, les faits, inévitables. Puis la place que je ne lui fais pas dans le lit, mais que j’improvise plutôt, en me levant du matelas qui craque sous mon poids pour finir sur ses cuisses. Sans un regard de plus. Sans un mot. Juste un geste ; un fin sourire presque soulagé qui passe une seconde sur mes lèvres.

« Since when do you care? » This. C’est ça qui fait le plus mal. Pourquoi je prends des pincettes ? Parce qu’elle me laisse pas le choix. Je sais plus comment me comporter avec elle. Si c’est pas à propos de Levi, j’ai l’impression que j’ai pas le droit de faire quoi que ce soit. Qu’elle va me prendre pour insensible parce que y’a des choses plus importante. C’est vrai. Mais la vie continue malgré tout ,elle l’a totalement oublié et ça me fait peur. « You talk too much. » And you not enough. Même pas du tout. Je pensais qu’ils m’avaient inclus de nouveau dans notre trio depuis la révélation du cancer mais non. Y’a encore des trucs que je sais pas. Qu’elle veut pas dire. Que je vais pas demander. Ca sert à rien de jouer au gars vexé. Ils ont leurs raisons que je ne connais pas et qu’ils ne cherchent même pas à me faire comprendre. Ok. Ils ont besoin de whatever ce qu’ils sont en train de faire et moi, quand elle s’installe sur mes cuisses, j’ai l’impression que c’est absolument tout ce que j’ai besoin à ce moment précis. Après cette tempête, ça fait un bien fou de la sentir proche physiquement. J’ai l’impression qu’on vient de me donner un grand bol d’oxygène. Je respire. Elle est là. Elle est contre moi. Et mes bras qui l’entourent sans même que j’ai besoin d’y penser. Je vois son léger sourire et je vais lui déposer un long, beaucoup trop long baiser sur la joue. Beaucoup. Beaucoup. Beaucoup trop long. Parce que je me décolle pas. Je la serre fort, mes lèvres sur son visage trop longtemps. J’ai les yeux fermés.

« Thank you. »

D’être venu contre moi.

« I love you. »

Je lui dis tellement souvent en ce moment. Je lui écris. Je lui dis. Je sais pas si c’est parce que je sens qu’elle en a besoin, ou si c’est moi. Ca n’en reste pas moins la vérité que je murmure contre sa peau avant de coller mon visage contre le sien. I really do. Elle sait.

Ses bras mettent même pas une fraction de seconde avant de s’enrouler autour de moi à m’en faire suffoquer. Mais je bronche pas, c’est du commun ça, c’est pas un geste qui me fait sursauter, encore moins qui me donne envie de me dégager. Kane qui complète en posant son front sur ma tempe, ses lèvres sur ma joue. Il s’éternise et je suis persuadée qu’il inspire à travers, y’a toute la pression du monde de réaliser que ce simple geste banal pour des tas d’autres lui semble aussi viscéral. Y’a toute la conscience qui part avec aussi, quand égoïstement je profite autant de sa proximité qu’il profite de la mienne.

« Thank you. » c’est égoïste ça aussi, Ariane, de pas répondre, de le laisser parler encore tout seul, et de lui répondre seulement en enlaçant ses doigts aux tiens. « I love you. » I know. Sorry I’m loving him more. Ma gorge se serre, mes doigts contre les siens aussi.

J’ai aucune idée on reste combien de temps comme ça, sans que ni l’un ni l’autre ne bouge. De la météo prévue pour la semaine, on est passé à un reportage sur les différents feux de forêt qui se sont déchaînés sur la Sunshine Coast tout l’été. C’est du pareil au même, j’écoute tout d’une oreille distraite, chaque son qui passe du couloir à la chambre, chaque piste qui pourrait annoncer que Levi revient, qu’il est revenu. « I’ll answer one question. »

That’s all I can do right now. Probablement que Kane sera aussi surpris que moi que je cède, même si c’est en partie, même si c’est peu, mais que c’est tout ce qu’il peut tirer de moi aujourd’hui. J’ai pas l’insolence de lui préciser qu’évidemment je lui répondrai la vérité et que la vérité, j’ose croire qu’il me connaît assez pour savoir que je vais tout faire pour respecter ma part du contrat. « Choose wisely. »

Ca fait tellement de bien de voir qu’elle profite du moment autant que moi. Qu’elle n’est pas qu’un bloc de glace. Qu’elle n’est pas encore en train de se fermer. J’ai tellement détester la voir comme ça tout à l’heure quand elle était en train de signer les papiers. Une autre personne complètement. Là je commence à retrouver la Ari que je connais. Ses doigts qui enlacent les miens, ma coeur qui se remplis de tout l’amour que j’ai pour elle.

Je sais pas non plus combien de temps on reste comme ça. Combien de fois on lève la tête en même temps parce qu’un bruit de porte à proximité nous fait penser que c’est peut être Levi. Et puis nos têtes qui se reposent l’une contre l’autre quand on se rend compte que non. Pas encore. I’ll answer one question. »  Hmmm? Je comprends pas ce qu’elle veut dire. « Choose wisely. » Oh. Ok j’ai compris. Je comprends.

« Do you want some veggie lasagna? My mum made a ton. »

Je dépose un baiser sur sa joue, doux. I don’t want to know if you don’t want to tell me. Mais j'espère quand même que y'a pas un autre cancer ou une maladie là dessous. Là je suis méga soft parce qu’elle est toujours toute contre moi et ça fait si longtemps qu’on avait pas été si proche. Je sais que c’est pas encore comme avant parce qu’il y a un tas de truc qu’elle me dit pas mais je m’en fou là. Ca fait mal si j’y pense trop mais je veux pas la perdre alors je passe outre. I can’t lose her. Je veux même pas imaginer ce scénario. Même si on s’éloigne, elle est toujours dans ma vie et ça me va. De même pour Levi. Je prends ce qu’ils me donnent.

Et il se calme. Je dis “il”, mais on comprend tous que moi aussi, je relâche un peu plus la tension. Dans mes épaules, dans ma mâchoire. C’est pas tout et je suis encore bien incapable de m’endormir, bien sûr que j’éviterai de lui mentionner que c’est ainsi depuis qu’on est débarqués en catastrophe à l’hôpital ; et que malgré mes bonnes intentions de sombrer une fois que Levi sera de retour, j’ai très peu confiance en mes capacités à arriver à réussir ce mince challenge.

Mais Kane semble avoir lâché le morceau pour l’instant, et je ne ramènerai clairement pas le sujet sur le tapis en si bons termes. Les bons termes évoluant en une seule question que je lui autorise, pas nécessairement parce que les forces me manquent mais plutôt parce que je doute de pouvoir arriver à jongler avec toutes les réponses. Jamais je ne dirai quoi que ce soit impliquant Levi sans qu’il ne soit là pour compléter mes paroles, pour y ajouter sa version. Alors je prends sur moi pendant les quelques secondes que met Kane à réfléchir à ce qu’il veut me demander, à faire le tri dans ce qui s’accumule dans sa tête à travers toute la rage qu’il me voue pour choisir l’heureuse interrogation élue.

« Do you want some veggie lasagna? My mum made a ton. » ses lèvres viennent à peine de quitter ma joue que je lâche un rire sec, mais un rire tout de même, à travers lequel je sens la pression écrasant ma cage thoracique s'alléger un peu plus. « Mine’s better. » pas particulièrement, mais c’est la réponse à laquelle il doit s’attendre, quand depuis que je suis haute comme trois pommes je revendique d’être la seule personne de mon entourage à cuisiner la meilleure lasagne qui puisse être goûtée par l’homme. Les petits élans à l’ego, dirons-nous.

Puis, je me replace distraitement, reste sur lui pour finir par poser ma tempe sur le sienne. « Is she on Uber eats? » je demande, la voix marquée par la connerie, par le sourire en coin que j’arrive à garder un peu plus longtemps en place. Il sait très bien que je ne quitterai pas la chambre avant qu’on nous fiche dehors, et par là j’entends qu’on me prenne par les cheveux et qu’on me traîne à travers tout l’hôpital de force pour me jeter sur le parking. Mais je suis prête à faire des concessions en attendant.

Je la fais rire. Au moins ça. C’est rare de la voir sourire. Ça fait du bien. Je la regarde parce que je veux profiter de cette vue. « Mine’s better. » Of course it is. Mais je ne lui donne pas à voix haute. Je lui donne quand même parce qu’elle me lit comme personne. Elle se met un peu plus confortablement sur moi, mes bras qui ne la lâchent pas. Mes lèvres pas trop non plus. « Is she on Uber eats? » Elle sourit toujours ça fait beaucoup trop de bien.

« I’m sure she can if I ask. But I will go and get some for all of us. »

Parce que j’ai pas envie d’abuser de la gentillesse de ma mère. Parce que je ne sais pas si ils ont vraiment envie de la voir si jamais elle se ramène ici. Mes parents habitent pas si loin. Rien n’est loin à Brisbane quand on a une voiture. C’est pas comme s’ils étaient à Gold Coast. Ils sont proches. Et je ne les vois pas tellement pour autant. J’ai pas le temps. C’est trop rempli dans ma vie en ce moment. Alors que j’aille chez mes parents une demi heure tout à l’heure c’est une bonne chose. J’y retournerai dès que je leur accorderai un autre créneau. Soon. Parce que je vais leur faire une place. Il le faut. C’est important.

Je pourrais partir maintenant et ramener le tout pour gagner du temps et qu’on mange le plus tôt possible mais non. Je veux pas lâcher Ariane.

« Haven’t seen them for a while. »

Je pense pas que ce soit une quelconque révélation mais j’ai eu envie de le dire à voix haute. Je plaisante pas quand je fais passer Levi et Ariane en premier. Pourquoi j’ai l’impression de devoir me justifier à elle malgré tout? Est-ce que je suis en train de lui montrer des preuves? Kinda am in a competition with her. A competition that I have lost before it even started.

Il a pas vu sa mère, ses parents tout court, depuis un moment c’est sûr. Il parlerait pas d’elle avec cette voix-là, il rendrait pas la conversation de façon aussi détachée si c’était pas le cas. « I’m sure she can if I ask. But I will go and get some for all of us. » mine de rien et ça sort de nulle part, mais je repense à la dernière fois où j’ai été mangé chez les parents de Kane. Même pas pour souligner quelque chose en particulier, c’était juste un dimanche comme un autre. Fût un temps quand j’étais gamine, c’était rendez-vous hebdomadaire à tous les dimanches soirs. Sa grand-mère était même là parfois, du sérieux. On parlait de tout, de la semaine à venir, des devoirs que Kane faisait, que je faisais pas. On parlait de tout sauf de ma mère qui rentrait pas toujours tous les week-ends, de la maison familiale que j’habitais pratiquement toute seule, de leur fils qu’ils encourageaient d’un regard d’un seul à venir camper dans mon salon dès qu’il le voulait en faisant bien exprès de ne pas le dire à voix haute, de ne pas heurter mon orgueil de gamine qui n’a fait qu’empirer avec l’âge.

« Haven’t seen them for a while. » knew it. « You should go right now then. » ma main intacte qui lâche la sienne pour ébouriffer distraitement ses cheveux, et ma silhouette qui se dégage de ses cuisses l’instant d’après. Le même timing que choisit une infirmière pour entrer dans la chambre, pour s’adresser à moi, presque l’ignorer lui. « Mrs McGrath? There’s something we need to check with you. » j’ai presque eu espoir qu’elle soit là pour changer les draps, plier en forme de cygnes nos serviettes et nous annoncer qu’on avait gagné un concours à travers tout l’hôpital qui nous permettait d’avoir un abonnement Netflix inclus pendant notre séjour. La blague.

Le regard de Kane que j’anticipe sur moi. Je fais volte-face et tourne le dos à l’autre qui m’attend toujours dans l’embrasure de la porte, une pile de papiers dans les mains desquels elle veut sûrement discuter. « Go. I’m fine. » j’insiste, sachant très bien que s’il part c’est que pour mieux revenir. « I’ll switch to tea as soon as I get back to the room. » I won’t, he knows. But I’m trying. He knows too. Je feins même de bâiller, c’est trop surjoué, mais c’est tout ce qu’il me reste comme argument.