Ce n'était jamais une notion évidente pour un Doherty, le bonheur. Il y avait toujours tout un tas de variables qu'on ne maîtrisait pas avec la vie qu'ils menaient, tous, plus ou moins et Wren n'était franchement pas différent du reste de la famille en la matière, c'était même plutôt l'inverse. Il en était un des pionniers, lui qui avait expérimenté le désespoir sous bien des formes, que ce fut par le biais d'un bad trip ou d'une mauvaise soirée quelconque à essayer de veiller sur sa génitrice. Il avait bien plus l'habitude de s'énerver que de montrer un beau sourire, on pouvait même dire qu'il ne savait pas vraiment le faire. Avec la plupart des gens, en tout cas, c'était une réalité, le suédois n'en avait ni l'envie ni le loisir mais il y avait également ces quelques personnes privilégiées pour qui il ferait tout, même être heureux, ce qui avait l'air parfaitement inconcevable à l'heure actuelle. Lizzie était la première de file de cette catégorie: Doherty était fort capable de lui promettre la Terre entière, voire quelques planètes voisines s'il y avait la possibilité de faire naître chez elle un sentiment de joie. Il fallait dire qu'il l'avait toujours aimée, même de loin, même en tassant le chambranle de ses sentiments sous un masque de mec dur et froid. Wren ne l'avait jamais vraiment abandonnée, ce n'était qu'une couche supplémentaire sur cette façade déjà bien garnie et il avait fini par s'habituer à cette attitude d'homme détaché qui n'aimait rien ni personne. Ce n'était pas tout à fait lui mais au moins, ainsi, il avait l'impression de se protéger encore un peu. Ce jour-là, ce n'était plus du tout le cas puisqu'il hochait la tête face aux mots de Lizzie, lui promettant sûrement par la présente qu'il allait essayer, oui, de trouver le bonheur en même temps qu'elle, à défaut de le voir avec elle. Ils n'en étaient pas là et le nordique ne tenait pas à faire une quelconque promesse qui ne les aiderait en rien à retrouver le chemin des vivants. A l'heure actuelle, ce qui comptait réellement, c'était cette promiscuité retrouvée, ces quelques touchers qui voulaient dire beaucoup sans qu'aucun mot ne soit réellement prononcée, il n'y avait jamais eu besoin de longs discours entre eux, de toute façon. "Je leur disais rien, j'ai jamais aimé parler, surtout quand c'est pas nécessaire." Sauver les gens n'avait rien d'héroïque selon lui, surtout pas quand on devait vivre avec le flot de ses pensées. Celles-ci étaient des plus médiocres et il réalisait avec du recul qu'il avait agi ainsi par pur égoïsme et pas par philanthropie. C'était le feu qui l'intéressait, pas les gens qui risquaient d'y succomber en se battant contre lui. Le reste n'avait aucune once d'importance et Wren s'en voulait encore et toujours d'y penser ainsi. Il ne put que fermer les yeux quelques secondes, le temps de reprendre une bonne bouffée d'air en écoutant la jolie brune. "On s'attendait, alors. Oui, mais la dernière fois, c'était l'inverse." C'était un prêté pour un rendu, une balle qu'ils relançaient au dessus du flet constamment en espérant sincèrement que leur comparse ne faillirait pas en retour. Ce n'était pas le cas, puisqu'elle était là, proche de lui, le contact toujours présent au moment où Croustibat remontrait sa toison face à eux. Le suédois eut un léger sourire en voyant la réaction de la belle Potter. On ne résistait pas à un Doherty, à ce sujet, elle n'avait pas franchement tort. "Ça veut dire que je sais retenir ton attention ça, Potter, fais attention à ce que tu dis. Je pourrais croire que t'as encore le béguin pour moi." Il voulait plaisanter, détendre un peu l'atmosphère parce qu'il sentait que Lizzie se remettait peu à peu de ses émotions. Evidemment, il savait déjà ce qu'elle ressentait puisque c'était la même chose de son côté. C'était fort, c'était électrique et il sentit la décharge lui parcourir l'échine au moment où il passa ses doigts dans le pelage du chat, sentant les doigts de Lizzie glisser sous les siens dans l'entreprise. Un sourire, encore un et il savait qu'il était perdu à nouveau. Cette fois, à jamais.

Elle sourit malgré elle, Lizzie, parce que ça sonne bien comme Wren Doherty. Ne jamais parler pour ne rien dire, ne pas perdre son temps avec des paroles inutiles, toujours aller droit au but. Un peu son contraire, elle qui aime bien mettre des mots pour essayer d’arrondir les angles, quitte à finir par bredouiller et ne plus savoir le sens réel de ses propos. Il y avait eu cependant beaucoup de non-dits, entre eux, des silences qu’elle a toujours respectés. Avoir sa présence lui suffisait, elle n’avait qu’à se blottir contre lui et le sentir respirer près de son oreille pour être rassurée de le savoir auprès d’elle. Que ce n’est pas parce qu’il ne disait rien qu’il ne ressentait rien. Même si Wren ne le lui a jamais rien dit, qu’il n’a jamais prononcé les mots qu’on espère tous entendre un jour. La seule fois où elle aurait aimé qu’il se taise, qu’il ne dit rien, il a fait tout le contraire.
Pourtant, à l’heure actuelle d’aujourd’hui, Lizzie se dit qu’elle avait été soit trop stone soit trop aveuglée par ses larmes (sûrement les deux) pour ne pas voir son regard. Ses deux iris vert, coincés dans les siens, toujours plus bavards que tout ce qu’il peut dire. Et ce matin, Elizabeth s’y perd, éperdument car c’est une valeur sûre, qu’elle est au moins lucide sur ça. C’est aussi rassurant car, même s’il le lui a promis, il ne compte quand même pas la laisser tomber. On ne fout pas quelqu’un sur le côté de sa vie quand on regarde une personne comme ça. Comme si elle représente l’univers et bien plus encore. A en juger par son palpitant qui s’emballe une nouvelle fois, Lizzie entend les mots qu’il lui transmet sans les dire.

Et elle se mord la lèvre tout en baissant les yeux quand il parle de l’autre fois. La dernière fois. Lizzie ne l’avait jamais vu dans un état pareil. Elle a encore des vertiges rien que d’y repenser. « Je ne veux pas repenser à la dernière fois. Je veux plus être ce genre de soutien, Wren. » Même si elle viendra, elle accourra tout de même et de plein gré si jamais il le lui demande. Si jamais il se refout la tête à l’envers, qu’il refait une connerie, qu’il sent son monde défaillir. Lizzie sera là pour lui, toujours, parce qu’elle s’est déjà perdue depuis le moment où elle l’a revu sur ce bord de route.
« Je ne suis pas en état de faire attention à ce que je dis. » s’excuse-t-elle avec un léger sourire amusé aux lèvres malgré son cœur qui dégringole sûrement de quelques étages quelque part dans son intérieur. Qu’elle tente de camoufler en s’intéressant à l’être à quatre pattes qui s’étale de tout son long entre eux, bien décidé à montrer sa présence. Ou peut-être protéger son maître d’elle, qui sait ? Ses doigts frôlant ceux de Wren sur le pelage lui font remonter les yeux sur son visage. « Et si c’était encore le cas ? Que ça s’est jamais vraiment arrêté malgré tout ? Est-ce que je prends le risque de m’entendre dire que je ne suis qu’un jeu parmi d’autres ? » Son visage est tremblant, ses mains aussi. Parce que c’est le genre de confessions risqué, quelque chose qu’elle n’a plus fait depuis longtemps… Depuis lui. Depuis que Wren lui a balancé ses mots à la figure, des mots qu’elle aurait préféré qu’il garde pour lui, des mots mensongers mais des mots qui ont quand même miroité pendant des années dans son estomac. Et sa tête. Lizzie secoue la tête avant de rompre le champ visuel entre eux pour se mettre sur le dos, une main sur Coustibat - ou Wren, voire les deux - tout en soupirant. « Désolé. Je voulais pas- J’avais dit que je le ferai plus. Ramener ça sur la table. » En plus, ce n’est pas forcément le meilleur moment. Celui où elle manquerait d’éclater en sanglots à tout instant ou de crever de panique. Au choix. Non, ressasser le passé et toutes ces vieilles blessures alors que Lizzie lui avait promis de travailler sur ça, ce n’est pas honnête. Pas après qu’il l’ait aidé, qu’il a allumé un putain de briquet pour elle, qu’il s’est montré aussi prévenant.

Elle lui fait confiance mais des doutes subsistent malgré elle.
Voilà douze ans qu’elle les rumine, ils ne partiront pas du jour au lendemain.

De l'eau avait coulé sous les ponts depuis leurs dernières retrouvailles, oui, et pourtant, il y avait encore cette fichue souffrance qui les empêchait de profiter pleinement d'être ensemble à nouveau. Certes, ce n'était plus comme avant, ni Lizzie ni Wren n'était encore adolescent mais cette magie qui vibrait entre eux était toujours présente. De cela, l'ancien pompier ne pouvait pas en douter, pas quand il la regardait avec autant d'intérêt, s'attendant à tout moment à ce qu'elle le quitte pour ne plus jamais revenir vers lui. Il avait tellement mal agi vis-à-vis d'elle qu'il ne pourrait pas lui en vouloir de faire un tel choix, c'aurait été la décision la plus logique qu'une femme pouvait prendre. Doherty était de toute manière très loin de l'image du gentleman parfait, celui qui était aux petits soins constamment avec une plaisanterie à dire au bon moment... Non, Wren était plutôt sombre, taciturne et il ne savait pas dire les mots qui comptaient, toujours happé par un désespoir quelconque qu'il désirait plus que tout cacher. Hors de question d'avoir des faiblesses, ce n'était pas très suédois de sa part et il avait fallu qu'il soit un roc si longtemps pour les autres qu'il n'arrivait pas tout à fait à se détacher de cette image d'homme grand et fort qu'il avait véhiculé pendant ses années lycée. Les gens le vénéraient d'ailleurs pour cela: tout le monde connaissait l'histoire de sa famille et il constatait son courage, à lui, ce gamin qui prenait soin de deux autres marmots en nourrissant sa mère folle à lier. Il était l'image même de la bravoure dans ce genre de circonstances et il en avait clairement profité au maximum, quitte à blesser d'autres individus dans l'entreprise. La seule personne qu'il avait toujours voulu préserver en dehors de sa famille, c'était Lizzie et Wren avait échoué en la matière. Il l'avait fait souffrir plus d'une fois, même si son mensonge lors de la rupture avait été la pire plaie qu'il ait pu infliger à une femme aussi merveilleuse qu'elle. Maintenant, il essayait vainement de recoller les morceaux, de s'occuper d'elle après un moment traumatique et il espérait franchement ne pas être trop maladroit dans la manoeuvre, même s'il parlait pas et la regardait au contraire beaucoup. Au moins, il était présent, il ne la jugeait pas pour tout ce qui s'était passé et il lui souriait en évacuant le plus vite possible le souvenir qu'elle avait de leur dernière soirée ensemble et le dernier réveil également. Wren ne voulait pas qu'elle y repense et en souffre alors, il hocha la tête, elle n’était pas en état pour ce genre de conversations à l'heure actuelle et il était fort capable de l'accepter. A la place, il se mura dans le silence, au moins quelques secondes supplémentaires avant de tenter de détendre l'atmosphère, un léger rire glissant de ses lèvres lorsque Potter lui avoua qu'elle n'était pas vraiment en mesure de contrôler son discours. Une réponse qu'acceptait le nordique avec un certain amusement, elle avait certainement encore le béguin pour lui, si ce n'était pour son caractère, il y avait encore cette attraction physique entre eux qu'on ne pouvait pas nier, surtout pas quand on sentait cette électricité quand leurs doigts se frôlaient dans les poils mi longs du chat entre eux. Wren le sentait aussi intensément qu'au premier jour et cela le rendait fou lui aussi, sans avoir la possibilité d'y échapper, c'était ce que l'amour procurait, non? "C'est normal que tu penses encore ça, Lizzie. T'as le droit de douter. On doute tous. Après tout, moi je doute encore que tu resterais auprès de moi après tout ça justement... Parce que je pense encore que t'es bien meilleure que moi, que tu mérites autre chose que ce ça là justement, alors je peux pas t'en vouloir de repenser à ce mensonge que je t'ai dit." Elle avait tous les droits sur lui, de toute évidence et Wren n'essayerait pas de la dissuader d'avoir une pensée logique et sensée. Lizzie avait raison de se méfier de lui, on le considérait comme le diable après tout et peut être que Doherty aimait cultiver cette image de lui pour ne pas qu'on s'approche de trop près puisqu'il savait qu'il était capable de faire souffrir énormément et d'en pâtir lui aussi par la même occasion. "C'est ton choix, Lizzie. Soit t'acceptes le risque et qui vivra verra soit tu le fais pas et... Je sais pas. Je sais juste que je pourrais pas être heureux dans ce cas." Et il lui avait promis d'essayer, ne la lâchant pas du regard malgré un relâchement de son côté. Il y avait encore ses doigts si proches des siens et c'était la seule chose qui avait de l'importance. Tout le reste n'était que pacotille, que des mots et Wren n'y prenait plus garde depuis longtemps.

Il y a une grande différence entre leurs versions adolescentes et leurs versions adultes. Et pourtant, ils restent cloués dans les mêmes sentiments qu’à l’époque, ils pourraient presque retrouver un peu plus toutes ces habitudes qu’ils avaient partagé pendant des mois. Parce que c’est naturel, c’est familier. Que Wren a été le seul que Lizzie a vu sous cet angle-là, le seul qui a pu porter et prendre et contrôler son cœur de cette façon. Qu’importe le résultat, le chemin avait été là, les émotions aussi et tout ressurgit à cet instant. Parce qu’elle est faible et qu’elle ne peut pas s’évertuer à dénier l’improbable. Rien que sa propre façon de le regarder doit montrer la portée de ce qu’elle ressent pour lui. Derrière cette peur apparente de ce qu’elle vient de vivre, Lizzie n’ignore pas qu’elle aurait pu aller plus loin dans ses gestes s’il n’y avait pas cette barrière psychologique pour l’en empêcher.
Et malgré ce qu’il peut laisser entendre, Wren continue à la couver de doux mots, de lui rappeler que dans un monde sordide, elle est meilleure que lui, qu’elle mérite autre chose (mieux ?). Il ne parle peut-être pas pour ne rien dire mais quand il le fait, ses propos résonnent, s’engloutissent dans sa cabosse et la rendent presque émue. Lizzie n’a pas forcément l’autorisation de penser ce qui traverse son esprit constamment mais ça la rassure un peu de savoir qu’il n’en tient pas rigueur. Pire, qu’il l’approuve. La capacité de se battre le dos à coups de fouet est un talent chez Doherty qu’elle ne peut supporter. Alors ses petits doigts finissent par s’agripper aux siens, longs et magnifiques même s’ils ont commis des choses qui la dépassent même elle. « Tu fous ton bonheur entre mes mains, Wren ? Pourquoi tu fais ça ? Ce n’est pas supposé être quelqu’un qui le fait et qui le trouve à ta place. T’es censé vouloir être heureux pour toi avant tout, pour aller mieux dans ta tête. » Lizzie redresse son buste vivement, Croustibat la regardant de travers pendant deux secondes face à ce geste qui l’a bousculé. Elle regarde ses pieds un instant avant de se tourner vers Wren, son cœur en implosion, de fines larmes perlant de ses yeux.
Ce n’est plus de la souffrance mais presque de la douleur. Une symphonie intérieure alors qu’elle se finit par passer pleinement une main dans la chevelure du suédois, frôlant son oreille et atterrissant sur sa nuque. A l’intérieur d’elle, c’est une mélodie tortueuse qui se joue parce que Lizzie ose rapprocher son visage de celui de Wren, elle a l’audace d’aller à l’encontre de la volonté de son propre corps pour poser son minois près du sien, ses lèvres tremblantes frôlant son front. C’est Wren, c’est Wren, c’est Wren. Son nez respire dans ses cheveux et elle s’accroche à son cou tout en lui embrassant la peau, doucement, même si ça la fait pleurer. Parce qu’en même temps, ça lui fait du bien. Lizzie a l’impression d’être un peu plus forte, qu’elle ne se laissera pas intimider de cette épreuve pour l’éloigner du seul être qui arrive encore à emballer son cœur. « J’accepte tout si t’es patient avec moi. Je crois que je ne peux pas faire machine arrière, de toute façon. Bien trop éprise de toi je resterai, il faut croire. » Une promesse de jours meilleurs. Ensemble ou sinon rien. « Tout recoller, tout reprendre depuis le début… C’est un risque que je veux prendre. Seulement avec toi. Parce que c’est toi. » Et que toi, tu vaux bien plus que n’importe qui d’autre.

Ne voir qu'elle était un fait commun pour Doherty. Déjà, à l'époque, plus personne d'autre n'existait en dehors de Lizzie Potter mais la principale concernée ne l'avait jamais vraiment su. Wren était tellement doué pour faire taire ses émotions, à cette période là plus encore que maintenant car il sortait peu à peu de l'adolescence, coeur brisé par une famille incontrôlable. Il n'attendait plus rien du monde,le jeune suédois, et pourtant, on l'avait mis sur le chemin d'une femme merveilleuse, qu'il n'avait jamais mérité outre mesure. C'était quelque chose dont il avait toujours du mal à se détacher, convaincu jusqu'au bout des ongles d'être un homme mauvais, un diablotin incapable de se maîtriser, toujours à blesser autrui, à brûler des hectares de forêts et se laisser porter vers la drogue et le vice. Qu'avait-il à apporter à la jolie brune dans ce genre de conditions? C'était la pensée qu'il avait eu à ce moment là, à quelques minutes de la quitter, croyant faire le meilleur choix possible en la préservant du démon qu'il avait au fond de lui mais il s'avérait qu'il s'était juste tiré une balle dans le pied. Doherty n'était pas tout à fait lui-même quand elle n'était pas là, parce que Lizzie l'avait aidé à s'ouvrir au monde extérieur mine de rien, même si c'était encore maladroit, même s'il se refusait à exposer ses sentiments d'une manière trop frontale. C'était aux autres de deviner ce qu'il avait dans le coeur et dans la tête, même si c'était une mission impossible, la preuve, même Potter n'avait pas su décrypter le véritable message dans cette rupture brutale. Il n'était question que d'un homme qui souffrait, pris dans les tourments d'un patrimoine génétique qui lui faisait atrocement peur et il n'était pas prêt à l'assumer à ce moment-là. L'était-il plus désormais? Wren en doutait quelque peu puisqu'il s'était adonné à l'héroïne à peine quelques semaines auparavant mais par contre, il avait conscience qu'il ne pouvait plus le cacher. Il était ainsi, en proie aux flammes et c'était un fait avec lequel il allait certainement devoir composer jusqu'au restant de ses jours mais peut être que la présence de la belle brune à ses côtés rendrait la tâche bien plus aisée. On parlait de Lizzie Potter après tout, celle avec qui il s'était lié irrémédiablement, celle qui l'avait rendu accro mais à tout autre chose que des petites pilules blanches alors, oui, Wren l'assumait, sans elle, le bonheur n'était que fugace, voire carrément inaccessible. "Mais je veux être heureux pour moi, je t'assure mais après douze ans, je sais où je peux trouver ce fichu bonheur, Lizzie. J'ai beaucoup erré pour en arriver là: je me suis défoncé, j'ai fini dans des lits sans savoir ce que je foutais là, je me suis jeté dans les flammes, j'ai essayé de mourir peut être quarante fois sans le savoir alors, je peux t'affirmer que c'est être avec toi qui me rend le plus vivant, j'en suis désolé mais... C'est comme ça." Il n'allait tout de même pas lui mentir à ce sujet, sentant le trouble de la brune au moment où il appuyait sur les derniers mots, son coeur menaçant de sortir de sa poitrine en la voyant se relever subitement pour passer sa main dans ses cheveux, son visage si proche du sien, elle touchait son front, la main de Wren se perdit délicatement dans son cou. C'était un réconfort qui était habituel douze années auparavant mais à ce moment là, il voulait dire bien plu encore puisque leurs deux âmes portaient leurs traumatismes et ils n'étaient pas censés laisser autrui s'approcher autant de leur âme. Cela dit, ils étaient Lizzie et Wren et peut être qu'ils ne pouvaient pas s'en empêcher, c'était en tout cas ce que le discours de l'actrice laissait présager. "Ok, Lizzie. Faisons ça. Je suis prêt pour ça... Et tu me connais, je suis la patience incarnée." Il lui fit un clin d'oeil, même si, à l'intérieur, il était complètement dépassé par ce qu'il venait de lui avouer. Il était prêt pour elle, était-ce complètement dingue? Certainement mais c'était aussi vrai quelque part puisque Wren s'assumait enfin. Et ses sentiments pour elle restaient présents, ses doigts caressant tout doucement sa joue alors que son regard ne la lâchait pas, un sourire naissant sur ses lippes, doux et patient. Un sourire amoureux.

Lizzie ne le lâche pas, malgré l’appel près de son ventre de Croustibat pour un peu plus d’attention. Son maître vient de lui balancer une image de ce qu’a été sa vie pendant toutes ces années et elle aurait aimé dire qu’elle est surprise, mais pas tant que ça. Pas vraiment, même. Elizabeth a toujours eu conscience du type de garçons qu’était Wren Doherty. Le genre que les filles veulent mettre la main dessus parce qu’il est de ceux qu’on qualifie de mauvais garçon. Mais qu’en même temps, il y a quelque chose de rassurant avec lui. Peut-être la sensation de se sentir la seule à ses yeux quand il vous regarde ou sa grande taille qui vous couve totalement. Lizzie l’a vu, elle a été témoin de ce qu’il peut provoquer chez les autres. Homme ou femme, il ne laisse jamais personne indifférente.
Alors qui est-elle, elle, Lizzie Potter, pour résister à cette créature esseulée, sombre, tourmentée ? Surtout quand il lui offre tout ce qu’il a de plus beau sur un plateau dépoussiéré, avec un regard puissant dans les siens, dénudé de tout mensonge pour cette fois-ci. Brillant d’une honnêteté qu’elle ignore comment prendre, par quel bout et dans quel but. Enfin, la finalité est sûrement déjà toute trouvée. Droit dans son cœur, implantant son petit drapeau dessus telle une reconquête gagnée d’avance. Lizzie aura beau lutté, elle n’y échappera jamais. Plus maintenant alors qu’elle reconnait de nouveau la sensation de sa peau contre la sienne, qu’elle se laisse apaiser par cette odeur typique lui. La jeune femme aurait aimé être là pour ne pas qu’il se perde, pour ne pas qu’il ait les ailes brûlées mais ils ont chacun fait leur trajectoire comme ils ont pu, gérant du mieux qu’ils pouvaient (spoiler : pas vraiment très bien, visiblement). Et tout ça pour que leurs chemins se croisent de nouveau, de la plus meurtrière et cruelle des façons.

Wren lui répète qu’elle seule peut le rendre heureux et c’est une responsabilité qui lui parait tellement énorme, se mélangeant à la culpabilité certaine de devoir alors lui faire subir tout ça. Savoir qu’il a été si mal pendant toutes ces années-là la fout aussi en émoi le plus total, cachant ses faibles larmes dans ses cheveux. « C’est beaucoup de pression d’un seul coup. Même si… Même si t’es celui qui me permet de pas devenir folle, là. » Elle murmure doucement tout en reculant légèrement pour le regarder. Même si ça veut dire lui projeter cette émotion à la figure, lui faire voir à quel point c’est bien trop grand pour elle tout ça. Surtout maintenant. Lizzie caresse du pouce sa joue alors qu’un sourire triste vient se perdre sur ses lèvres. « Je sais que tu peux l’être. » Ne serait-ce que pour moi. Il n’y a qu’à voir la façon dont il se comporte avec elle depuis la veille ; d’une patience et d’une retenue tout en douceur, chose que même lui ne doit même pas remarquer. Lizzie repose sa tête sur l’oreiller, Croustibat enfonçant un peu plus sa frimousse entre eux. « Je crois que j’ai envie de dormir mais j’ai peur. Crousti et toi, vous bougez pas, hein ? » demande-t-elle timidement, portant leurs mains sur l’animal qu’elle embrasse doucement sur la tête. Ne me lâche pas, s’il te plait. J’ai besoin de toi, bien plus que tu peux le penser.

Parfois, ne pas avoir les réponses était peut être la solution idéale. Wren, en tout cas, n'avait jamais réussi à le voir de la sorte jusqu'ici. Il n'avait rien vu venir cela dit, loin de s'imaginer que retrouver le visage de Lizzie si proche de lui provoquerait exactement les mêmes sensations que douze longues années auparavant. Il était le même homme à nouveau, celui qui devenait si faible face à une telle beauté, même si elle avait les yeux rougis, qu'elle était encore tremblante après tout ce qui s'était passé. Les choses ne changeaient pas forcément au bout du compte, pas entre eux en tout cas et Doherty ne pouvait plus revenir en arrière parce qu'il lui avait dit ce qui adviendrait si Potter prenait le risque de le laisser entrer de nouveau dans sa vie. Les événements seraient clairement différents parce qu'ils n'avaient plus dix sept ans, que le monde ne s'étendait pas devant eux comme un drapeau noir qui pouvait les abattre à tout moment... Ils avaient changé, même si ce n'était pas perceptible autant lorsqu'ils se trouvaient dans la même pièce. Les faits étaient énoncés pourtant, Wren indiquait à Lizzie ce que son voyage avait donné sans elle non loin de lui et il n'y avait rien de glorieux à constater qu'il n'avait strictement rien accompli, à part cette longue et tortueuse descente aux enfers. Et puis, elle était là à nouveau et le destin du nordique semblait se dessiner d'une manière un peu plus sereine, même si la patience allait devoir être de mise assurément. "Tu deviendras pas folle, non." Il resterait là pour l'en empêcher. Wren serait présent à chaque étape de sa guérison, une épaule sur laquelle pleurer, un coeur sur lequel s'épancher, un cerveau à inonder de confessions. Il était capable de tout pour elle, même sacrifier sa piètre existence au passage. Rien n'était plus important que Lizzie Potter et c'était ce qu'il lui montrait dans la force d'un regard, dans l'agilité d'un sourire, voyant bien que le trouble de la brune restait présent au moment où elle se coucha de nouveau, apparemment plus à même de s'endormir paisiblement maintenant. "Aucun de nous ne bouge de là, promis, Lizzouille." Croustibat, ce n'était pas joué d'avance mais Wren tiendrait le cap, la regardant fermer les yeux avec ce petit regard affectueux. Sans elle, il n'était plus vraiment lui et il lui avait fallu douze ans pour le comprendre, quel idiot il faisait mais l'erreur ne serait plus répétée. Plus jamais, désormais.