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 when the sun goes down (Amos Taylor)

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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyLun 27 Jan 2020 - 16:36



Le soleil se couchait sur Brisbane, et Luc l'imaginait mourir dans un cri rauque d'agonie terrible, saignant de son éclat écarlate sur le paysage. La ville ne s'agitait plus : le dimanche soir, tout était calme.

Six heures du soir. Cinquante-trois heures qu'il n'avait fermé l’œil. Cette même pupille scrutait à la fenêtre le spectacle grandiose du ciel rougissant. Il aurait aimé pouvoir voir l'horizon pour observer le soleil disparaître peu à peu derrière la ligne délimitant le ciel et la terre, mais autour de lui se dressaient les immeubles muets. Il ne savait pas quoi faire de lui-même. Agité, il quitta la fenêtre et s'assit à son bureau, où il n'avait pas passé plus de vingt minutes d'affilée ces trois derniers jours. Lorsqu'il était aussi excité, il était incapable de se concentrer, partait dans tous les sens et fournissait généralement un travail plus constructif derrière une toile. Ou mieux encore : sur scène. Mais le dimanche soir, il n'y avait aucun show.

Huit heures. Il tomba par hasard sur une feuille volante sur son bureau. Il avait complètement oublié ! Sa nouvelle qui parlait de la petite fille du mariage habillée en rouge s'était vendue à plus de huit-cent dollars australiens. Huit heures trois : il était habillé pour sortir. Il connaissait un petit bar perdu dans les ruelles du quartier où il faisait bon de boire un verre le dimanche soir. Il était tout seul ? Et alors ? Il était de parfaite humeur pour se prendre une cuite.

Ce fut d'un pas conquérant et énergique qu'il marcha jusqu'au bar. Près de vingt minutes plus tard, il pénétrait dans l'établissement. Le cadre avait l'apparence d'une petite caverne de matelots, une cale de navire. Il y faisait anormalement sombre, avec pour tout éclairage de petites lanternes suspendues ça et là au plafond. Il n'y avait quasiment personne. Luc vint saluer le barman, un grand type écossais avec qui il avait déjà eu maintes conversations agitées.

- Alors, M'sieur Juanes, lui dit-il en espagnol, pas prêt à se pendre ce soir ?

- Callate, Paul, a répondu Luc avec un grand sourire. Un whisky, s'il te plait.

Le barman grommela quelque chose en scots que Luc ne saisit pas et lui servit son verre en levant haut la bouteille, sans en mettre une seule goutte à côté. Par la suite, il s'éclipsa un peu plus loin et le jeune homme vit qu'il y avait une femme avec lui, du genre porte-jarretelles et jupe noire, très belle, de très petite taille. Frustré de n'avoir personne avec qui faire la conversation, Luc tourna sur son tabouret. À sa gauche, il y avait bien cet homme, mais il ne semblait pas très enclin à parler. Luc le dévisagea peut-être un peu trop longtemps, puis retourna à son verre.


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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyMar 28 Jan 2020 - 21:54




When the sun goes down
Je ne devrais pas m’en tracasser. Cette dispute avec Raelyn, elle devrait me couler le long des reins et, pourtant, tandis que je végète dans ce studio trop étroit, je me prends la tête aussi littéralement que littérairement. Je l’enferme entre mes mains, je remonte le cours de cette soirée étrange et j’en tire un constat déplorable : je suis un type ignoble. Quel genre de monstre fait miroiter à une femme la possibilité d’une île pour reculer ensuite ? En suis-je un ? Est-ce bien grave finalement ? Ses amis sont des ordures de la pire espèce. C’est eux qui contribuèrent à effacer de mon existence ma plus belle réussite. Normalement, je devrais me réjouir de l’avoir blesser, la jolie blonde, au point qu’elle en perde son sang-froid. Je devrais sauter de joie et de bonheur en me rappelant ses airs courroucés. Or, je n’en tire aucune gloire et ça sent mauvais. Je sens poindre en moi un nouveau sentiment de culpabilité et, las, je m’emploie à le chasser en buvant plus que de raison. Je ne titube pas encore. Je dirais même que la force de la coutume m’empêche d’être complètement ivre alors que j’ingurgitai près de la moitié de la bouteille. Un jour, le whisky me tuera, mais pas aujourd’hui. Sur l’heure, ce sont mes remords, alors que la photo de Raelyn me nargue, qui m’achève. J’en déduis que, pour ne plus affronter son regard, il me faut la retourner et m’enfuir. Il me faut m’adonner à une vieille manie qui date de mon mariage : me saouler, oui, mais dans un bar et non plus au milieu de mon appartement.

J’empruntai des routes jusqu’ici inconnues avant d’échouer dans un bouge à la décoration atypique et plaisante. A peu de chose près, on se croirait sur un bateau. Un cliché. Un qui colle davantage à la réalité surfaite des néophytes des embarcations des vrais marins, mais l’atmosphère me rassure. Elle me semble familière. Aussi, je m’installe au bar, hermétique à la vie qui s’anime autour de moi, sans jeter un regard sur mes voisins, me concentrant uniquement sur le contenu de mon verre. Le désavantage dans ce genre d’endroit, c’est que vient toujours ce moment où le tenancier refuse de nous servir. Je n’en suis pas encore là. Je tiens bien la distance quoique je me sens irrité. A mes côtés, un gosse, un peu androgyne, brille de par sa bonne humeur. Il s’adresse aux autres avec une bonhomie presque surjouée. Il parle fort, s’exprime comme s’il était à la maison et, comble de l’insolence, puisque nul ne lui accorde l’intérêt qu’il réclame, il me fixe d’un regard oppressant. Que veut-il ? Discuter ? Ai-je vraiment l’air d’un gars avenant prêt à tailler une bavette avec le premier venu ? Est-il aveugle ? Dois-je le renvoyer dans ces buts ? Peut-être, lorsque ça sera nécessaire. Pour l’instant, je me contente de l’ignorer, bien que je lui jette une œillade brève. La sienne, elle reste appuyée, trop à mon goût et je craque, parce que je suis plus ivre qu’il n’y paraît. « Lâche l’affaire, gamin. Je suis pas de bonne humeur. Je suis pas la compagnie qu’il te faut. » crachais-je en envisageant sérieusement prendre mon verre et le fuir vers un ailleurs où il ne serait pas.  



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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyMer 29 Jan 2020 - 14:13



Il ne s’était pas rendu compte qu’il regardait l’homme assis à deux tabourets de là aussi intensément. Lorsqu’il détourna le regard, il capta les yeux de l’inconnu l’effleurer quelques secondes. Cela l’aurait étonné qu’il soit d’humeur à discuter, prenant en compte sa posture et ses yeux sombres qui brillaient dans la pénombre. Pas le moins du monde mal à l’aise, Luc s’osa à un sourire, mais l’autre l’envoya bouler de manière expéditive. On entendait dans sa voix qu’il n’en était pas à son premier verre. Le jeune homme s’en retourna à son propre whisky et, avant d’avoir pu répliquer, (quelque chose de l’ordre de « Comment vous pouvez savoir la compagnie qu’il me faut ? ») Paul se planta à nouveau devant lui, les mains sur les hanches, telle une mère de famille en colère, sauf qu’il souriait de son air si particulier. Ses dents et ses lèvres étaient presque entièrement dissimulées par sa barbe rousse. On aurait presque dit un robot à ses expression : il avait une certaine immobilité dans le regard qui lui donnait l’air lent (mais c’était surtout une résultante de son problème de drogue) alors qu’il était très intelligent. Il lui donnait souvent des avis intéressants sur ses essais et ses articles et parlait quelque chose comme huit langues. S’il l’avait voulu, il aurait pu devenir traducteur pour l’ONU, mais il était désintéressé et frivole, et surtout enchaîné à l’héroïne. C’était la raison principale pour laquelle Luc ne passait jamais trop de temps avec lui en dehors de ses escapades alcoolisées : tout cela faisait remonter de mauvais souvenirs. Chaque fois qu’ils se voyaient, ils discutaient en espagnol, car, vu le nombre de natifs espagnols qui passaient dans son bar, quand il en tenait un il ne le lâchait pas.

- Autre chose ?

- La même chose.

Ils discutèrent quelques temps à voix basse. Paul lui demanda des nouvelles de son père, et Luc lui servit une réponse toute faite pour ne pas avoir à s’éterniser sur le fait qu’il était en train de crever et qu’il commençait à être plus mince que son fils, puis ils parlèrent avec agitation des nouvelles du monde. Luc fit une démonstration de sa descente exemplaire, enchaînant les verres comme les réponses aux questions de Paul. La fille aux porte-jarretelles s’occupait de servir. Il ne savait toujours pas qui c’était.

Il ne fallut pas longtemps à Luc pour être ivre : il avait déjà bu de manière quasi-ininterrompue ces trois derniers jours. À son quatrième verre, il ressentait l’agréable confusion de l’alcool. Paul s’éclipsa et il resta silencieux et d’un calme relatif pour au moins trois bonnes minutes avant de se souvenir du type assis à côté. Il lui lança un regard pour s’assurer qu’il était toujours là, et il l’était : c’était à peine s’il avait bougé d’un centimètre. Le jeune homme hésita sur la phrase à lancer. Il ne voulait pas se prendre une droite avec une parole déplacée : il devait conserver son joli minois pour les shows de la semaine. Prudemment, il posa ses coudes sur le comptoir et planta son regard dans celui de l’inconnu.

- Vous allez rejeter mes bons sentiments si j’essaie de faire la conversation avec vous ? demanda-t-il avec un sourire insolent, mais pas une once de méchanceté.



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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyJeu 30 Jan 2020 - 19:47




When the sun goes down
Je ne parierais pas que mon analyse de la situation soit purement et simplement objective. Si je pressens le regard de mon voisin sur mon profil, peut-être ne me détaillait-il pas vraiment comme si j’étais une œuvre d’art. Il n’empêche qu’il me dérange, qu’il me prive de ma tranquillité, qu’il m’interdit de me concentrer sur ce qui m’anime alors que je suis profondément habité de la nécessité de mettre de l’ordre dans mes idées. Evidemment, c’est hypocrite. Je ne traîne pas dans un bar choisi au hasard pour méditer ou chercher des solutions à mes problèmes. Je suis ici, pour les balayer à grands renforts de Whisky, pour qu’il ne me torture plus. Je suis ici pour qu’ils ne me torturent plus et pour oublier que je suis impuissant face à certaines situations, pas pour me faire des amis ou parce que je suis parti en quête de compagnie, elle ne m’est pas indispensable, elle ne l’a jamais été. Je ne suis pas devenu solitaire par la force des choses, je le suis par essence, par nature, alors oui,  ce gosse m’importune. Sa seule présence me déplaît et m’irrite. Mauvais, j’irai jusqu’à prétendre que le son de sa voix réussit à m’irriter. Quand suis-je devenu ce type profondément désagréable ? A quel moment ai-je cessé de réagir en faveur de l’humanité ? Suis-je une espèce de robot dont les gestes machinaux sont juste bons à le maintenir sous tension ? Est-ce désolant ? Dois-je m’en inquiéter ? Convient-il que j’essaie de m’ouvrir à ce gosse pour me bercer de l’illusion que la vie ne m’a totalement changé ? Que mes expériences ne m’ont pas bouleversé ?  Que je suis, aujourd’hui, le même homme que j’étais hier et que je serai demain ? Ai-je bien la force de trouver réponse à cette question d’ailleurs ? Je n’en suis pas certain, alors, parce que je m’entame déjà un peu, je passe à autre chose. Je m’en désintéresse. Je clos les écoutilles qui mènent à mon esprit et je me cloisonne. La vie autour ne partage plus mon attention…Du moins, je le crois.

Visiblement, l’échec de ce que j’imaginai être sa première tentative ne l’arrête pas, le gosse. Il se tourne dans ma direction et, évidemment, il attire le mien. Mes pupilles pivotent dans sa direction, mais je n’ouvre pas la bouche. J’apprivoise sa question. Je me demande ce qu’elle cache. Veut-il vraiment discuter avec un gars qui, à peu de choses près, à le double de son âge ? Qu’aurais-je à lui dire de toute façon ? « Tu peux toujours essayer si tu as du temps à perdre ? » marmonnais-je sans le regarder. « Mais, tu devrais me faire confiance quand je te dis que je te dis ça pour ton bien. » Ce n'était pas une menace, pas même un avertissement. C'était traduit sur le ton du conseil. Il ne risque rien avec moi. A part subir l'affront que je me lève sans crier gare et que je le laisse à ses discours éventuels







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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyJeu 30 Jan 2020 - 22:06


L’homme lui faisait un peu penser à son grand-père. Non pas qu’il eut l’air vieux - son grand-père, qu’il ne s’amusera pas à appeler Papi, n’avait même pas quarante ans quand Luc est né - mais plus quelque chose dans sa manière de se tenir, dans sa manière de lui parler. Il y avait le même côté bourru et ennuyé, ressassant des pensées en permanence, tiré de ses réflexions lorsqu’on lui posait une question par-dessus sa tasse de café matinale, dans laquelle il mettait du Whisky sans le dire à sa femme. Luc n’aurait pas pensé avoir une envie folle de parler à une copie du souvenir qu’il se faisait de Jose Juanes, et pourtant il ressentait un fort intérêt envers l’inconnu du bar. Même s’il n’avait rien partagé avec ses grands-parents, ces derniers l’avaient élevé ; ce n’était pas rien. Même s’il s’était senti mourir quand ils l’avaient envoyé en apprentissage, l’empêchant de poursuivre ses rêves, ceux pourquoi il était venu au monde, ils n’en avaient pas cessé d’être ses responsables légaux, qui les avaient accueilli sous leur toit, lui et son père, et les avaient élevé comme deux frères.

Néanmoins, Luc ressentait une envie inexplicable de discuter avec l’inconnu du bar. Il avait un peu calmé son excitation, à force de descendre tous ces verres, et avait l’air d’un chat avec le dos rond : un peu farouche, mais loin d’être dangereux ou belliqueux. L’énergie impromptue avait laissé place au sentiment habituel : un certain ennui, une lueur vaguement kamikaze dans le regard, qu’il avait toujours : c’était ce que lui valait l’abus d’alcool et de cocaïne ainsi qu’un nombre d’heures de sommeil extrêmement réduit. Il se planta sur ses coudes et posa son menton au creux de ses mains.

- Vous me faites penser à mon grand-père. Et j’ai tout un tas de temps à perdre, et je ne pense pas que vous soyez au courant de ce que nécessite mon bien. Le besoin change en fonction de l’individu, non ?

Ce n’était qu’une question rhétorique. Il passa une main dans ses cheveux coupés court (plus facile pour les perruques) et enchaîna en soufflant.

- Désolé. On dirait un type de l’université qui essaye de briller.


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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptySam 1 Fév 2020 - 16:46




When the sun goes down
Avais-je bien entendu ? Il me comparait à son grand-père ? J’ai quitté la trentaine il y a à peine quelques années. S’il cherchait à m’attendrir, le gosse s’y prenait comme un manche. Nul n’aime s’entendre qu’il est vieux. Je fais peut-être plus que mon âge, mais lorsque je m’aperçois dans un miroir, je n’ai pas l’impression d’avoir le visage creusé par les sillons du temps. J’ai bien quelques rides à ces endroits stratégiques que le temps adore, mais au point d’être son papi, je me refuse tout bonnement de l’envisager et, par extension, d’en sourire par politesse. Il croirait qu’il a atteint son but, qu’il est parvenu à gagner mon attention et que, désormais, je vais pivoter sur mon tabouret pour le détailler de mes yeux bleu profond. Je n’en fais rien. Je ne sourcille pas non plus, pas même quand je juge sa remarque savamment intelligente. Je faisais erreur moi aussi. Il n’est pas comme moi, maladroit avec les mots. Il les maîtrise plutôt bien, ce qui le range dans la case des Hommes doté d’une faculté verbo-linguistique effective et qu’il le sait, le bougre. Il le sait et il en joue. Sauf qu’à défaut de compter parmi ses partenaires, je suis assez rusé pour me défendre d’une pirouette : « Je ne sais pas ce qui nécessite ton bien. » Je répète la formule avec une pointe de mépris et je poursuis. « Mais, je sais que personne n’a besoin d’être remballé, encore moins quand cette personne essaie de tuer sa solitude dans le fond d’un verre. » lançais-je puisque, de toute évidence, c’est ce qu’il est venu chercher dans ce bouge.

D’une certaine manière, mon objectif ressemblait à s’y méprendre au sien, à la différence que je peux largement me contenter du brouhaha ambiant, moi. Aurait-il été une femme magnifique, aux longs cheveux dorés et aux jambes interminables, que j’aurais pu faire un effort si le souvenir de Sarah ne se disputait pas une place prépondérante avec l’autre femme qui occupe mes pensées ces derniers temps. L’autre, que je refuse de nommer. Mon cerveau malade s’arrête de temps à autre sur les souvenirs de nos précédentes soirées, mais je m’en détourne aussi vite que me le permet ma raison. « Et c’est justement parce que tu te comportes comme un jeune premier que je ne veux pas perdre MON temps à discuter avec toi, gamin. Appelle ton grand-père. Il saura quoi te dire, lui. » surenchéris-je en réalisant brusquement que, pour quelqu’un qui s’oppose à toute forme de discussion, je me donne beaucoup de mal à lui répondre et à échanger. Qu’importe que je lui décoche quelques flèches pour le dissuader de poursuivre, s’il est têtu, il saura s’estimer heureux, d’autant plus s’il me connaissait un minimum. Il comprendrait ô combien cette phrase, longue, dépassant le sujet-verbe-complément, est rudement inhabituelle, rudement pour moi.


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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyMar 4 Fév 2020 - 10:52



L’inconnu n’était pas commode. Luc, qui était déjà bien éméché, hésita à remballer ses armes et quitter le bar, et s’il continua la conversation, ce n’était pas par fierté ; pas du tout. Simplement une sorte d’envie d’être gentil, réparer les pots cassés, ne pas passer pour un connard, ou pire : un petit con. Il décida de rattraper le coup par un sourire d’excuse qui n’était pas forcé le moins du monde.

- Désolé, répéta-t-il en se frottant un oeil, preuve de son alcoolémie notoire. Je ne suis pas très bon avec les gens. Ne soyez pas offensé, mon grand père avait à peine quarante ans dans mes premiers souvenirs. Dans la famille, on a des enfants très jeunes, je suppose.

Alors que l’homme semblait un peu lutter pour déclamer sa prose, Luc ressentait un besoin incroyable de parler. Ce n’était pas vraiment son genre ; en tout cas pas avec les inconnus. Même avec ses amis, il restait toujours derrière ses habitudes, car lorsqu’il partait en roue libre il se prenait des regards inquiets. Luc n’était pas quelqu’un de pratique. Il aimait rester discret, toujours plongé dans ses réflexions, mais lorsqu’il avait bu il réfléchissait moins. C’était certainement pour cette raison qu’il le faisait autant. Or, là, il tanguait un peu sur son tabouret. Au moins, l’inconnu ne semblait pas d’humeur à lui mettre son poing dans la figure. Et tant mieux, car le jeune homme n’était pas d’humeur à recevoir une droite.

- Je ne suis pas un jeune premier, loin de là. J’ai arrêté l’école jeune. J’ai un soi-disant diplôme, mais il ne me sert à rien, pour être honnête.

Ce qu’il racontait ne servait à rien, il s’en rendait bien compte. Voyant le regard profond de l’homme du bar, Luc fit le dos rond et battit en retrait. Pas tout à fait, mais un peu. Il demanda un autre verre, tout en ayant une conscience aiguë de son porte monnaie qui poussait des cris d’agonie.


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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyMar 4 Fév 2020 - 21:04




When the sun goes down
Et je saisis ô combien j’étais détestable dès que je fus confronté à cette grimace que le gamin m’adressa. C’était une sorte de sourire humble qui traduit des excuses, comme s’il convenait qu’il en formule, mais qu’il n’y parvenait pas. Il ne m’avait rien fait. Il avait simplement cherché à combler son sentiment de solitude.  C’était la seule raison viable qui conduit les gars comme nous dans ce genre d’endroit. Autant dire que j’eus l’impression d’être un minable. Je ne me radoucis pas vraiment. Ce serait mentir que de le prétendre, mais je me tournai légèrement vers lui, sans exagération, sans sous-entendre que j’étais prêt à la mener avec lui, cette saleté discussion. « Ce n’est pas grave. »  ai-je donc grogné, acceptant ses justifications tandis que le portrait qu’il tire de lui-même ressemble étrangement à ce que je suis : nul en matière de communication, pas doué pour les relations humaines. Pourtant, témoin privilégié de son état d’ébriété, à le vois peiner à maintenir son équilibre sur son tabouret, il finit par m’intriguer. Il était né d’une jeune mère, avait abandonné ses études, possédait un bout de papier difficilement obtenu et qui lui était inutile. Il avait également dans le fond des yeux cette lueur étrange de l’affliction. Il paraissait triste, comme moi, et je soulignai pour moi-même que c’était un point commun de plus. Je le détaillai en silence tandis qu’il enfonce sa tête dans ses épaules. Je le scrutai du coin de l’œil réclamé un verre de plus et, pris d’un soudain élan de compassion devant son attitude, je prévins le barman que, celui-là, il serait pour moi. « Ne va pas t’imaginer que c’est parce que j’ai changé d’avis. » avertis-je celui dont j’ignorais encore le nom. «Disons que je viens de décider que tu ne me dérangeais pas tant que ça finalement. » Et qu’il était rare que les Hommes s’intéressent à autrui sans arrière-pensée. « Qu’est-ce que tu cherches le mioche ? » lançais-je finalement, lasse de jouer aux devinettes.  




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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyMer 5 Fév 2020 - 13:13



Bizarrement, Luc ne se sentit pas plus relaxé quand l’homme grommela dans sa barbe qu’il passait l’éponge. C’est avec une extrême surprise qu’il l’entendit réclamer l’addition de son verre et il se tourna vers lui d’un air un peu médusé. Alors qu’il ajoutait qu’il n’avait pas changé d’avis, Luc eut un sourire un peu plus ouvert et légèrement amusé. Le jeune homme se sentit dans le besoin de répondre, au moins de le remercier, et il ne pouvait être rendu plus heureux autrement qu’en lui offrant un verre.

- Merci.

Rien de plus ; ce n’était pas nécessaire. S’il se perdait en longues phrases alambiquées il allait par le même mouvement égarer l’homme du bar, il l’avait assez bien compris. Et quand bien même, il n’y avait rien d’autre à dire. Seulement, en l’écoutant prononcer sa dernière remarque, il fut obligé de prendre quelques secondes de réflexion avant de répondre. Croyait-il qu’il essayait de le draguer ? Luc était toujours un peu paranoïaque envers les potentiels homophobes de la ville. Il avait entendu peu après son arrivée des histoires morbides à la Stephen King sur des couples d’hommes passés à tabac ou carrément assassinés et restait sur ses gardes, désormais. S’il ne portait pas sur lui (si on part du principes que certaines personnes le font) son homosexualité, il était toujours inquiet pour sa survit. Et si l’homme en face de lui décidait qu’ils étaient ennemis jurés en comprenant que Luc sortait avec des garçons et décidait de le tabasser en sortant du bar ? C’était possible. Dans le doute, il ne lui dira rien sur ses pratiques nocturnes dans les clubs de Drag du centre ville. Ravalant ses craintes, il posa un coude sur le comptoir et frappa de petits coups nerveux contre la surface verticale qui s’offrait à son pied.

- Je sais pas ce que je cherche. Certainement une manière de m’enfuir de mon appart’ pourri, juste le temps d’une soirée. Je m’étais plus ou moins promis que j’arrêtais de boire seul. Je tiens pas très bien ma promesse, mais au prix des verres à l’extérieur ça m’oblige à aller plus lentement à l’ivresse, je suppose.

Petite pause gênée. Il regardait ses doigts qui pianotaient sur le bar. Devait-il renvoyer la question à son interlocuteur ? Certainement.

- Et vous ?

Il osa un regard vers l’homme dont il ne connaissait pas encore le nom en guettant toute trace d’animosité dans ses prunelles. S’il croyait que Luc comptait le draguer, il se trompait. Le jeune homme n’avait pas touché le corps d’un autre depuis la mort d’Alexis et il n’était pas prêt de le faire.


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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyMer 5 Fév 2020 - 15:31




When the sun goes down
Je n’avais que faire de mes remerciements. En réalité, ils m’agaçaient parce qu’il m’obligeait à accepter qu’il avait fini par atteindre son but, ce drôle de gosse. Entre sa maladresse, sa détermination et cette ivresse perceptible en un seul regard, je ressors intrigué de ce début de conversation, celle qu’il s’employait à faire naître entre nous, sans grand succès jusqu’ici. « C’est bon. » bougonnais-je en les balayant de la main. « Retiens juste que je veux la paix. » Et, c’était vrai. Ça l’était quand je poussai la porte de ce bar où je ne n’avais jamais mis les pieds, ça l’était encore lorsque je le rabrouai à sa première intervention. Mais, cette fois tandis que je prétends, je ne suis plus certain d’être convaincant. C’est moi qui ouvre le dialogue après avoir observé le gamin du coin de l’œil, après lui avoir inventé une vie aussi morne que la mienne, après nous avoir prêté des traits communs. Je lui demande ce qu’il cherche, mais pas comme il semble l’entendre. Je ne sais pas ce qu’il s’imagine, mais sa nervosité trahit, de toute évidence, que la question le met mal à l’aise. ça ne me dérange pas. C’est un travers de ma personnalité que d’adorer désarçonner, mais il n’empêche que je me demande ce qui peut bien lui traverser l’esprit. Curieux, j’achève de tourner sur mon tabouret pour lui faire pleinement face cette fois. Mes yeux s’attardent sur ses doigts qui pianotent le zinc. J’entends l’hésitation dans le fon de sa voix, mais il se lance tout de même. Il réagit et me répond. « Mon appart est pourri moi aussi, mais je suis un projet. » Non pas immobilier, mais bien marin. Je rêve d’être propriétaire de mon bateau, mais je ne pipe mot. La décoration suggérerait que je suis un habitué, que mes mauvaises habitudes tiennent à l’alcool alors que je la trouvais des plus ringardes. « Tu as pas des potes de ton âge avec qui aller faire la fête ? » M’enquis-je ensuite, heureux qu’il ne cherche pas à se foutre en l’air dans l’indifférence la plus totale et qu’il m’ait donc choisi comme moteur, comme impulsion pour le motiver à aller au bout de son geste. Je n’aurais pas voulu qu’il écrive, sur sa lettre de sa Dieu : j’ai rencontré l’enfoiré de trop. « Moi, à ton âge, je partie que j’étais déjà presque marié. » Quoique les traits particulièrement juvéniles et androgyne de ce type soit déroutant. Il paraissait dénué de genre et sans âge. « Quant à moi… » répondis-je néanmoins surpris par ce qu’il ait osé la poster, cette fameuse interrogation. « Je veux juste que ma tête ferme sa gueule et que mes souvenirs me foutent la paix.





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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyMer 5 Fév 2020 - 19:44



Au final, Luc était plutôt rassuré par la bouguonnerie de l’inconnu. Jouerait-il ainsi l’inintéressé s’il comptait le mener dans un piège et lui défoncer le crâne à coups de barre de fer ? Sans doute Luc était légèrement paranoïaque, mais c’était une facette de sa personnalité. Lorsqu’on passe ses soirées en semaine à se déguiser en femme pour chanter de la musique dans divers bars, on avait de quoi s’inquiéter. Il ne rebondit pas sur la réponse de l’homme, comme pour lui laisser son espace qu’il semblait tant chérir et se força d’arrêter de pianoter comme un forcené sur le bar pour enrouler ses doigts autour de son verre. Une gorgée ; il ne ressentait plus la brûlure de l’alcool, à cette heure-là.

Ainsi, il avait des projets. Quel genre de projet, au juste ? Luc estima qu’il aurait été un peu forcé de le questionner d’avantage. S’il voulait lui livrer quelques informations, qu’il le fasse, mais Luc n’osera pas lui tirer les vers du nez. Une nouvelle fois, il se frotta les yeux, la vision un peu trouble. Mieux valait s’arrêter à ce verre. Mais personne n’a jamais dit que le jeune homme était quelqu’un de raisonnable.

Quand à sa question ? Des amis ? Luc délia sa langue et parla tranquillement, bizarrement enclin à partager des pans privés de sa vie personnelle. Oui, il avait trop bu.

- Moi ? Non. Je connais quasiment personne dans cette ville. Et puis y’a personne avec qui sortir un dimanche soir. Les bons citoyens travaillent, demain matin.

Il mâchonna entre deux paroles les restes de son utilité citoyenne, qui serait nulle s’il n’envoyait pas ses articles au Brisbane Times. Il se figea légèrement à l’affirmation de l’homme, concernant le mariage. Il laissa planer un long silence durant lequel il termina son verre d’une traite avant de le reposer un peu plus brutalement qu’il ne l’aurait voulu sur le revêtement en chêne du bar. Son regard s’était arrêté sur les mains de l’homme mais il regardait presque en-travers, les yeux ternes.

- J’étais fiancé, il y a deux ans. Mais on ne se marie pas avec un cadavre. (Une autre pause, plus courte, pendant laquelle il réalisa ce qu’il avait dit. Il ferma un instant les yeux et, lorsqu’il les rouvrit, il reprit d’une voix égale, bien que rendue hésitante par la boisson.) Mais ouais, je comprends. Ce serait pratique d’avoir un interrupteur pour éteindre ses pensées, parfois. L’alcool, ça marche plutôt bien.


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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyMer 5 Fév 2020 - 20:41




When the sun goes down
Et je l’écoute avec attention, pieusement, en avalant plusieurs gorgées de mon verre. Pas en une fois, bien sûr. Je le fais, souvent, principalement quand Raelyn m’asticote un peu trop à mon goût, mais en cette fin de soirée, je m’impose de la mesure. J’ai le temps après tout. Personne ne m’attend dans mon studio étroit. Personne ne se languit de mon retour. J’aurai tout le temps de sentir l’ivresse s’installer en mon sein, parcourir mes veines et me déconnecter de la réalité, pas tout entière, non, mais celle qui me dérange, la merde que je brasse chaque jour que Dieu fait.  Ma solitude est mon amie et, à la grimace qu’emprunta le minois enfantin du gamin, je réalise qu’elle nous fait un point commun. « Les bons citoyens ne sortent pas dans les bars de toute façon. » Ils partagent un moment en famille devant un film ou un bon jeu de société. Les enviais-je parfois ? Je réfléchis un instant et je statuai sur un non. J’avais eu ma chance. J’avais tout gâché. Après la mort de ma fille, je m’employai à détruire mon mariage et mon couple. J’étais infidèle à Sarah, pas charnellement, mais à cause de la bouteille. Je buvais trop, beaucoup trop. Il m’arrivait parfois d’être forcé de m’accrocher au mur du couloir pour marcher droit. Un jour, je tombai juste devant la porte et elle dut me ramasser comme on récupère un déchet traîné à terre pour mieux le mettre à la poubelle. C’était exactement ce qu’elle avait fait en me chassant. Elle m’a jeté et, si pas dans une benne ordure, dans le fond d’un garage. De temps en temps, elle me dépoussière, mais quel plaisir est-ce que je peux bien tirer de sa sollicitude quelquefois insultante ? Aucun. Pas plus que je n’ouvre à m’ouvrir à ce gosse à demi-mot, mais quelque chose en lui me touche, quelque chose que je peine à expliquer. Est-ce que ça tient à sa détresse palpable ? Souffre-t-il ? Est-ce cette dernière qui m’appelle parce qu’elle appelle la mienne ? Parce qu’elle la réveille ? Je ne sais pas trop, mais mes hypothèses se vérifient. Il souffre des conséquences du deuil lui aussi. « Oh, si ça peut te rassurer » lançais-je dans l’espoir que l’ambiance ne s’alourdisse pas alors que je me détends à peine, grâce à l’alcool sans doute. Je bois trop vite. Déjà je commande deux verres : un pour lui et un autre pour moi. « On ne se marie pas non plus avec un vivant. Je peux te demander de quoi elle est morte, ta fiancée ? » m’enquis-je sans me douter, après avoir hoché naturellement de la tête : oui, l’alcool aide. Évidemment.



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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyMer 5 Fév 2020 - 22:41



L’homme n’avait pas foncièrement tord. Après tout, il fallait avoir accédé à un certain niveau de déchéance pour sortir dans un bar de ce genre, qui n’offrait quasiment pas de tables pour plus de trois et où il semblait impossible de venir passer une soirée entre amis : on n’y voyait rien et il y régnait une drôle d’odeur que Luc identifiait comme une variété de poisson. Sortir seul dans un bar avec comme but de se torcher faisait partie du palmarès de l’alcoolique endurci, presque au même niveau que de descendre une bouteille, seul dans son canapé. Répétez l’opération plus de trois fois dans la semaine et vous êtes diagnostiqué.

Luc n’était même pas un véritable alcoolique endurci : il n’était qu’un nouvel addict du goulot. Pour tout dire, il avait commencé à développer une relation intéressante avec l’alcool lorsqu’Alexis était mort. Auparavant, il avait à peine touché à un verre de toute sa jeunesse. Il ne voyait pas trop l’utilité et ne ressentait pas ce besoin qu’a la jeunesse de se pinter la gueule pour s’amuser. Non, il était tombé dedans pour surmonter son deuil. Cela avait commencé de manière stupide, un coup de tête, et il s’était rendu compte avec délice que s’il buvait suffisamment, il pouvait enfin bénéficier d’une nuit de sommeil complète, alors qu’avant il s’obligeait à rester éveillé des jours d’affilé à coup de cocaïne pour éviter de passer sept heures allongé dans le noir à fixer le plafond.

- C’est vrai. Je sais pas ce que font les braves citoyens dans cette ville, dit-il avec un rire sans âme.

L’inconnu commanda deux autres verres. Luc comprit en le remerciant d’un signe de la tête qu’il allait avoir du mal à rentrer chez lui. Il habitait à presque vingt minutes à pied et n’avait jamais pris le bus aussi tard ; il n’était même pas sûr qu’il y ai encore des transports en commun à cette heure. Il prit la décision de faire attendre son verre quelques minutes pour éviter de tomber de son tabouret dans la demi-heure qui suivait, mais le tournant que prenait la conversation lui donnait bien envie de s’y abandonner. À part les gens du club et son père, personne n’était au courant pour la mort d’Alexis, aussi était-il compliqué pour le jeune homme de mettre des mots sur ses souvenirs. Néanmoins, il n’avait aucun problème pour se le remémorer : un samedi soir, très tard, les lumières du couloir allumées, la télévision tournant sur ce stupide documentaire animalier, et son spectateur raide dans la mort, la seringue couchée sagement à ses côtés, comme une amante maudite. Luc avait envie de pleurer. L’émotion et l’ivresse faisaient ressortir son léger accent espagnol.

- Overdose involontaire. Héroïne, ajouta-t-il du bout des lèvres.

Tant pis pour la chute du tabouret. Il but une gorgée de son verre et se racla la gorge pour se ressaisir. Passer à autre chose.

- Enfin bon, hein. Vous êtes un amoureux déçu vous aussi, alors ?

C’était une manière plutôt alambiquée de le formuler, mais après tout c’était là la vérité.


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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyJeu 6 Fév 2020 - 0:45




When the sun goes down
Lorsqu’il m’a été donné de comprendre ce qui, en Raelyn, me plaisait tant, j’avançai sans grand risque qu’elle était si vivante qu’elle me ressuscitait. Je le lui confiai d’ailleurs, sans chercher à la complimenter, mais parce que j’avais à cœur d’être plus franc du collier qu’à la genèse de notre relation. Elle n’en était pas vraiment une, mais qu’importe, le résultat est le même. Quand je suis avec elle, je ne me cache plus derrière des rires semblables à celui que le gamin me sert. Ils sont plus francs, plus lumineux, et non plus éteints. Ainsi j’en déduis que je ne me suis pas trompé. Ce gosse souffre du même mal que moi. Il se sent malheureux, dénué de toute volonté de marcher sur les traces du bonheur sans un coup de main avalé cul-sec au fond d’un bar miteux. Il est dépourvu de combativité. Moi, je savais pourquoi. Je ne l’exprimais jamais à voix haute, mais les raisons de mon suicide lent résultent de mon deuil inachevé. Mais lui ? Si jeune ? Qu’a-t-il vécu de terribles pour être réduit à adresser la parole aux premiers types venus, antipathiques de surcroît ? Il éveille ma curiosité, mais elle n’est pas malsaine. Je cherche à comprendre parce que grâce à lui, je me sens moins seul, moins inutile et moins anormal. Son comportement me déculpabilise parce qu’il ressemble au mien et que, si je ne suis pas le seul pleutre à me noyer dans l’alcool après un drame, je n’ai plus à me sentir responsable d’être, parfois, une véritable loque.

Dois-je néanmoins préciser que je regrettai d’avoir osé une question complémentaire ? Les circonstances du décès de sa compagne m’obligèrent  à avaler cul-sec le verre à peine tendu par le serveur et de le repousser aussitôt vers lui, qu’il me serve à nouveau. Je n’étais pas préparé à l’éventualité que son histoire ressemble autant à la mienne et déjà je revois le corps sans vie de Sofia. Ça m’arrache un frisson. Dans mon estomac gonfle le ballon de ma rage, de ma rancœur et de ma peine également. J’en reste silencieux, parce que si j’ouvre la bouche, je crois que je pourrais hurler mon mal à la lune comme un loup affamé. J’attends donc la suite, pressentant qu’un désolé ne serait pas le bienvenu et le remerciant intérieurement pour cette transition. Il me force à me sortir de la tête les images funestes de la plus grande tragédie de ma vie et, même si je sais qu’elles me rattraperont une fois de retour chez moi, que je n’aurai d’autres choix que d’appeler Sarah, parce que sa voix m’est familière et parfois rassurantes, que je m’empêcherai de rechercher du réconfort auprès de Raelyn si mon épouse me refusait son aide, je préfère ne pas y songer, pas maintenant. « Disons que je n’ai pas su y faire pour empêcher la catastrophe. Mais, je ne suis pas là à cause d’elle. Ça fait des années que c’est terminé. » J’ai beau joué les désabusés, je ne regrettais pas de l’avoir épousé. « Sarah est une femme de bien, mais à tendance égoïste. Comme toutes les autres je suppose. » Au moins est-elle bien vivante. « T’y crois vraiment à la théorie de l’overdose involontaire ? » Je cherchais pas à remuer la merde, mais les mots dépassent ma pensée. A aucun moment je n’envisageai possible que Sofia ait cherché à se suicider, mais qu’en était-il de cet inconnu ? N’était-il pas simplement en train de se voiler la face ? Embêté de remuer le couteau dans sa plaie visiblement béante, je me décide enfin à lui tendre la main avec politesse. « Amos. » lançais-je à la dérobée.



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Message(#)when the sun goes down (Amos Taylor) EmptyJeu 6 Fév 2020 - 11:18



Le souvenirs étaient douloureux. Pourtant, c’était loin d’être la première fois que Luc pensait à l’incident : dès qu’il parvenait à fermer l’oeil, il en rêvait. La journée, encore, il avait de la chance, car la concentration de son travail lui laissait le loisir de penser à autre chose. C’était la nuit le pire. Néanmoins, malgré son trouble, il eut le temps de voir celui de l’homme, qui but son verre en une gorgée et en recommanda un autre dans la foulée, sur le regard étonné de Paul, un chiffon à la main et un verre dans l’autre. Mais l’inconnu se reprit vite et ne resta de son trouble qu’une légère lueur dans ses yeux. Luc se rendit compte qu’il parlait en phrases énigmatiques, exactement de la même manière que le faisait son père ces derniers temps ; certainement était-ce la marque de fabrique des hommes d’âge mûr désabusés, mais Luc n’était pas certain. En l’écoutant, il luttait contre ses souvenirs et marcha dans les pas de l’homme en terminant aussi son verre. Sans chercher à s’en cacher, le jeune homme attrapa d’une poigne volontaire la planche de bois qui recouvrait et dépassait un peu des deux côtés du bar. Éviter de tomber.

- Je sais pas, j’ai pas trop côtoyé de femmes dans ma vie, répondit-il sans réfléchir. À part ma grand-mère, je suppose.

Sa grand-mère avait été une femme de bien aussi, pensait-il. Un peu vieux jeu alors qu’elle n’était pas si âgée, mais aimante.

- Qu’est-ce qui vous ramène ici, alors, si c’est pas votre Sarah ? demanda-t-il en regardant son verre vide.

Il n’avait pas envie de répondre à la question de l’homme, néanmoins en y pensant il eut un sourire attendri. C’est fou d’être encore amoureux après deux ans d’absence. Il se passa une main dans les cheveux et répondit d’une voix douce, encore perdu dans ses pensées, sans faire attention à genrer son ex-fiancé au féminin en guise de couverture. Il ne s’en rendit pas compte du tout et peut-être que ce sera la réaction de l’autre qui le fera tiquer.

- Ouais, j’y crois. C’était pas quelqu’un du genre à vouloir en finir, même si je suppose que pour tomber dans l’héroïne il faut avoir trempé dans la souffrance pendant longtemps. Mais il était pas comme ça. C’était un mec heureux, toujours baignant dans le positivisme à outrance, mais il était légèrement kamikaze, du genre à vivre à cent mille pour cent tous les jours de sa vie ; peut-être un peu irréfléchi aussi. C’était simplement... la dose de trop, acheva-t-il avec difficulté.

Mélanger l’alcool et les souvenirs n’était pas quelque chose de recommandé. Il mit quelques secondes à comprendre que l’homme se présentait à lui, de la manière la plus simple et directe qui existait. Le jeune homme esquissa un sourire d’excuse de balancer sa vie à ce prénommé Amos et serra sa main d’une poigne un peu timide.

- Luc. C’est la première fois que vous venez dans ce bar ?


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