Il retrouvait des bribes de l'ancienne Maze, là, quelque part, bafouée par cette nouvelle jeune femme qui n'avait plus l'air de connaitre de raison de vivre. Wren ne désirait pas qu'elle abandonne la partie cela dit, pas après qu'il eut connu ce qu'elle avait à offrir à ce monde. Elle avait toujours été la joie de vivre, Maze, une brune dynamique et volcanique qui savait comment calmer ses émois en un rien de temps. Doherty aurait certainement dû la remercier pour tout cela d'ailleurs, il aurait pu l'envisager si elle n'était pas partie comme une voleuse en saccageant son misérable coeur au passage. Il s'en était remis cela dit, parce que là, c'était lui qui se battait pour la remettre en selle, lui qui jouait avec les intentions de Crawley pour prouver un point. C'était vraisemblablement des gamineries tout ce qu'il pouvait lui dire ou, en tout cas, une métaphore sacrément mal choisie en vue des circonstances parce que la brune n'était pas dans son assiette et le suédois n'aurait pas dû jouer autant avec ses émotions mais on n'allait certainement pas le changer à son âge, lui qui jaugeait délicatement la silhouette de Maze, il l'avait chamboulée, une évidence qui ne datait pas d'hier puisqu'il leur était toujours aisé de se renvoyer la balle comme de bons enfants qu'ils pouvaient être en se retrouvant dans une pièce ensemble. "Ah ouais? Non, je sais pas comment tu t'y serais pris pour être honnête. T'étais censée être imprévisible, non? Donc, ce plan était possible, Crawley." Si elle avait été dans son assiette, c'aurait été différant mais Maze souffrait, Wren le voyait, il n'était pas dupe et il ne voulait pas qu'elle tasse son ressenti derrière un jeu stupide parce que c'était la facilité et qu'il l'avait li même trop choisie pour que le tout demeure sain. La jeune femme s'approche de nouveau de lui, alors qu'il fumait en faisant preuve d'une certaine dose d'arrogance vis à vis des passants qui devaient les juger sans ménagement. Pas leurs affaires, qu'il aurait dit, s'il n'était pas totalement concentré sur les paroles de Maze et sur sa voix qui se brisa au moment d'en finir. Celle là, il se l'était pris en plein plexus parce qu'il ne l'avait pas vu finir, il avait toujours minimisé son importance pour elle après son départ précipité et voilà qu'elle lui lançait le discours inverse. Le fameux discours qui le garda silencieux une petite minute de trop, assurément. "J'veux bien jouer avec toi, Maze, tu le sais. Mais j'veux pas que tu caches ta souffrance, pas avec moi... Tu penses que ça te fait du bien de refouler mais tu retardes l'échéance et crois moi, c'est dévastateur. J'ai beau être un connard rancunier, j'ai envie que tu sois heureuse, tu comprends?" Est-ce que lui se comprenait, en réalité? Si seulement il la savait. Wren se releva néanmoins, ne la lâchant pas des yeux, la désarçonnant jusqu'au bout de ce vert d'eau unique, alors que sa main en profita pour subtiliser le téléphone et le lever en l'air avec un air de victoire. "J'appelle qui, Maze?" Il lui fit un clin d'oeil, connard jusqu’au bout.

Dans un monde idéal, Wren se serait levé pour lui courir après, l’attraper, lui dire qu’il lui pardonnait et lui faire oublier tous ses mauvais souvenirs. Et puis, pendant qu’on y était, ils auraient certainement roulé ensemble dans l’herbe d’une colline en riant à gorge déployée, tels les plus mièvres des teen movies jamais faits. Mais là ils étaient plutôt dans un film à suspense qui menaçait de tourner au drame à tout moment. « Oui après tout, bon plan plausible. Peut-être que c’était exactement ce que j’étais en train de faire, je n’en sais rien. Je sais plus ce que j’essaye de faire. » Garder la tête à la surface de l’eau, c’était probablement cela qu’elle peinait à faire en réalité. Elle l’avait déstabilisé avec son discours. Allait-elle finalement parvenir à le faire fuir ? S’il avait voulu se venger de ce qu’elle lui avait fait subir, maintenant aurait été le moment parfait pour la laisser tomber et s’éclipser comme elle l’avait lâchement fait. Mais non, il n’avait pas choisi cette solution là et au contraire continuait de se montrer présent et attentionné. Alors qu’elle l’écoutait avec une infinie intention, sa fréquence cardiaque et sa respiration s’accélérèrent, comme si son corps cherchait à tout prix un moyen de retenir le débordement d’émotions qui s’annonçait et les mots qui cherchaient à franchir la barrière de ses lèvres. « Wren….refouler ce que je ressens c’est la seule solution viable pour moi actuellement. J’arriverai pas à affronter la réalité. Quant à parler d’être heureuse…ça reviendra peut-être un jour…plus tard…je l’espère. Mais c’est pas pour tout de suite et je me suis fait une raison, ça va. En attendant, ce genre de moments me permet de garder la tête hors de l’eau, et j’essaye simplement d’en profiter. Je… » Je quoi Maze ? Wren venait de se lever et elle se retrouvait à présent surprise, incapable d’aligner un seul mot, hypnotisée comme à l’accoutumé par son regard. Ce regard qui lui rappelait à chaque seconde un petit peu plus qu’elle avait fait une erreur magistrale. Mais alors qu’elle luttait encore pour chercher ses mots, elle se retrouva bêtement à observer ce qui ressemblait fortement à son téléphone portable dans la main de Wren. « Qu’est-ce que… » Elle porta spontanément sa main à la poche arrière droite de son jean comme pour vérifier les faits et constata bien la disparition de l’objet incriminé. Commençant enfin à sérieusement paniquer elle s’avança et tendit un bras en direction de Wren avant que son mètre 59 ne se rappelle à elle et ne lui fasse rapidement lâcher l’affaire. Elle n’était littéralement pas à la hauteur et n’allait certainement pas récupérer son téléphone de cette manière-là. « Wren…fais pas ça… » Son ton était suppliant. Elle ne savait plus quel jeu jouer pour tenter de le convaincre de lui rendre son portable. Etait-elle censée prendre cela à la rigolade ? Elle aurait aimé en être capable. Plus que tout. Mais le fait que le suédois soit maintenant en possession de son téléphone alors qu’elle s’était déjà sentie sur le point de craquer à plusieurs reprises depuis qu’il était arrivé ne faisait que l’angoisser davantage. « Ok d’accord, t’as gagné. Mais je vais pas te donner de noms. Ça sera ni toi, ni personne. Ce que j’ai vécu…ce que je vis…n’a strictement rien à voir avec les épreuves que tu as dû affronter. J’ai bon espoir que ma douleur à moi s’estompera avec le temps et beaucoup de patience. En attendant, je vois pas pourquoi je devrais l’infliger à quelqu’un d’autre. » La Maze sûre d’elle et toujours prête à le provoquer semblait bien loin. Sa fragilité se ressentait dans sa gestuelle comme dans ses mots et ses intonations. Elle était au bord de la rupture depuis plusieurs semaines maintenant, mais à ce moment précis plus que jamais.

Elle était perdue et Wren ne se reconnaissait que trop bien dans les réactions typiques de Maze. Il avait passé la majorité de son existence à vivre avec cet état d'esprit dévastateur, sans savoir ce qu'il était, encore moins ce qu'il voulait et pourquoi il était aussi blessé perpétuellement. Avec le temps, il avait fini par comprendre qu'il était le seul à vraiment se mettre des bâtons dans les roues, à s'empêcher de vivre sa vie au maximum sans se juger pour la moindre petite bafouille. Maze avait certes vécu une expérience traumatisante, le nordique n'en doutait pas une seconde mais tout ce qui concernait sa guérison hypothétique, c'était elle qui bloquait la mécanisme en refusant de l'aide, en n'acceptant pas de comprendre ce qui lui était arrivé, aussi atroce le tout avait-il pu être. Doherty n'avait aucune réponse réelle à lui apporter parce qu'il n’était de toute évidence pas un spécialiste de la chose, il ne pouvait que hausser les épaules en acceptant que la jeune brune ne sache aucunement ce qu'elle avait essayé d'accomplir vis à vis de lui. Wren comprenait parfaitement qu'elle ne savait plus où elle en était ni ce qu'elle voulait. Juste s'en sortir, c'était déjà un joli rêve mais elle ne le ferait probablement jamais 'il n'y avait personne pour la bousculer et cela, Doherty était parfaitement en mesure de le faire, il avait toutes les armes, toutes les ressources pour satisfaire ce besoin irrépressible de la remettre sur pied, même si rien ne le concernait directement. "J'peux pas accepter ça. Tu peux pas refouler tout ça. Tu peux pas dire adieu à tout ce que t'as vécu avant juste comme ça. C'est dur, je sais que c'est putain de dur, crois moi. Tu penses que je sais pas à quel point c'est compliqué de pas savoir comment gérer la violence qu'on reçoit? Tu penses que je suis pas en mesure de comprendre qu'on puisse devenir son propre bourreau? Je me suis fait taper des années par mon géniteur et il a essayé de tous nos cramer, Maze. Je sais pas ce qui s'est passé pour toi, c'est sûr, mais je sais que refouler ce pan de mon passé, ça m'a rendu fou, ouais, fou au point de devenir comme lui. Tu peux pas laisser faire ça, pour toi, promets moi. Après tout ce qu'on a vécu, promets moi juste ça." Qu'elle finirait par retrouver son sourire, qu'elle trouverait quelqu'un à qui parler et qui pourrait l'aider à regarder de nouveau le bonheur en face. Wren n'était pas cette personne, il le savait bien et il se retrouvait comme un idiot avec le téléphone de Crawley dans la main, à entendre ses supplications et ne pas savoir quoi faire, une fois de plus. Juste rien, voilà qui semblait être la solution idéale à l'heure actuelle parce qu'elle allait pleurer, non, s'il insistait trop? Cela dit, pleurer, n'était-ce pas ce dont elle avait besoin comme première étape? "T'infligeras rien pour la simple et bonne raison que quand une personne t'aime, quelqu'un de ton entourage, elle peut encaisser tout et n'importe quoi pour te relever. Te referme pas, Crawley. Deviens pas comme moi. Et puis, t'as le droit de craquer de temps en temps, t'as conscience que t'es humaine et pas un robot de l'humour?" Il lui fit un clin d'oeil en lui tendant son téléphone. "Fais ce que tu veux mais réfléchis. Vraiment, ok?" Pas de pression, aucun regret, juste l’espoir qu'elle finirait par faire les choix qu'il n'avait pas faits de son côte et qui pourraient la sauver d'elle même. De ces démons si dévastateurs.

Au fond d’elle, Maze savait pertinemment qu’il avait raison. Que refouler tout ce qu’elle avait vécu ne l’aiderait en rien. Mais elle n’arrivait pas à puiser suffisamment de force en elle pour revivre une nouvelle fois tout ce qui lui était arrivé. Elle avait l’impression qu’elle n’était pas en mesure de le supporter, ni physiquement, ni psychologiquement. Alors elle restait dans cet entre-deux, dans ce statu quo qui ne lui faisait pas réellement du bien mais qui ne pouvait pas non plus lui faire de mal. Elle avait envie de pouvoir faire cette promesse que Wren lui demandait, plus que tout, de lui faire confiance, de réaliser qu’il serait là pour l’aider à se relever. Mais elle s’était convaincue qu’elle n’avait pas le droit d’exiger cela de lui, comme si elle ne le méritait pas, ou qu’elle ne le méritait plus. Elle observa longuement la main qu’il lui tendait avec l’objet qu’elle tenait tant à récupérer. Las, elle attrapa son téléphone avant de le remettre dans sa poche. S’ensuivit le plus long silence de son existence. Elle observa Wren durant de longues secondes, jaugeant le choix qu’elle s’apprêtait à faire, essayant inutilement de détecter à quel point ce qu’elle allait dire pourrait l’affecter. Ses épaules s’affaissèrent, preuve physique qu’elle abandonnait finalement le combat. Elle attrapa l’une des mains de Wren pour avoir un point d’ancrage physique à la situation présente, car elle savait qu’elle allait en avoir besoin plus que jamais pour se sortir de l’enfer dans lequel elle allait se replonger. Puis, replongeant son regard dans le sien, elle prit une longue inspiration avant de se lancer dans ce qui s’annonçait comme un discours extrêmement douloureux : « Il était une fois…une britannique un peu dérangée qui participait à une soirée après une longue journée de travail. Une soirée comme elle avait l’habitude d’en organiser avec ses collègues mais aussi avec de parfaits inconnus qui avaient exceptionnellement travaillé avec eux. Pour une raison encore inconnue aujourd’hui, elle ne fit pas attention à son verre comme à l’accoutumée. Aussi fut-il certainement d’une facilité enfantine pour son agresseur de glisser une quelconque drogue dans la boisson qu’elle buvait. » Les souvenirs de cette soirée lui revenaient violemment en mémoire, transformant son visage et rendant plus durs ses traits au fur et à mesure qu’elle avançait dans son récit. « Je me suis rapidement retrouvée inconsciente…et je me suis réveillée dans un lieu clos, sans fenêtre, entourée d’autres femmes qui ne savaient pas plus que moi où on se trouvait, ni pourquoi…Je les ai vues être emmenées les unes après les autres, hurler, se débattre de toute leur force, et être ramenées des heures plus tard silencieuses et prostrées. » Elle avait beau regarder Wren, ça n’était plus ses yeux qu’elle voyait à présent, mais bel et bien les images de son récit qui se déroulaient devant elle et lui faisaient revivre une nouvelle fois ce traumatisme. « Il n’y a pas un seul jour qui passe sans que leurs cris ne raisonnent à nouveau à mes oreilles. On ne pouvait rien faire. Rien. On était attachées, désespérées, nos ravisseurs parlaient une langue étrangère. J’aurais voulu aider ces femmes, faire quelque chose, n’importe quoi ! Mais j’en étais incapable. » Sa voix s’était une nouvelle fois brisée et toute la détresse qu’elle avait tellement enfouie en elle refaisait surface brutalement. La pression de ses doigts sur la main de Wren se faisait de plus en plus forte sans même qu’elle ne le réalise. « Je savais pas depuis combien de temps j’étais là, je savais même pas si quelqu’un me cherchait. Il y avait fort à parier que mon silence radio avait surpris mais pas nécessairement alerté. Au bout de quelques jours, on m’a transportée de l’espèce de cellule dans laquelle j’étais vers un camion. Ils avaient l’intention de nous emmener ailleurs, de nous faire quitter le pays. Et quand j’ai compris ça, tout espoir et toute trace de combativité m’ont abandonnée. » Sa gorge était nouée, elle avait de plus en plus de mal à rester audible. « Jusqu’à présent, j’avais trouvé le courage de me débattre quand quiconque s’approchait de moi. Je rentrais dans un tel état de furie qu’ils finissaient en général par me laisser tranquille pour choisir une proie moins résistante. Je me montrais forte, tout ça pour condamner quelqu’un d’autre à ma place… » Le fait de le dire à voix haute, de mettre enfin des mots sur cette douleur, ne faisait que renforcer la culpabilité qu’elle éprouvait. « Mais il faut croire que finalement, quelqu’un était bien en train de me chercher. J’ai eu la bonne idée de compter un inspecteur de police parmi mes amis. C’est lui qui a réussi à me sortir de tout ça avant que le camion n’arrive à destination et que l’histoire ne devienne bien plus tragique encore. » Son visage était vide de toute expression et pourtant, un flot continu de larmes coulait sur ses joues sans qu’elle ne s’en aperçoive. Elle était bien là, en face de Wren, sans pour autant l’être réellement. Maze restait bloquée dans ses souvenirs et ses images qu’elle souhaitait tant oublier. « Je me rends compte de la chance que j’ai eu. J’ai pris des bleus, j’ai des cicatrices, mais je n’ai subi aucun sévice à la hauteur de ce que ces femmes autour de moi ont vécu. Et rien de tout ça ne fait sens, rien de tout ça n’est juste. Pourquoi moi ? Pourquoi elles ? » Elle semblait petit à petit revenir dans le monde présent, s’accrochant à la réalité du regard qui lui faisait face pour ne pas sombrer à nouveau. Doucement, ses doigts relâchèrent finalement la main de Wren pour glisser et retomber le long de son corps. Elle vacillait, son corps tout entier tremblait et les traits de son visage étaient maintenant tordus par la douleur. « Je suis retournée à Londres pendant plusieurs mois avant de réaliser que, peut-être, ma vie était ici. Mais j’arrive pas à passer à autre chose. J’arrive pas à effacer tout ça. Et je ne vois pas comment je pourrai un jour y parvenir. » Les yeux humides et des larmes coulant encore sur ses joues, elle trouva encore la force de tenter un semblant de sourire avant de lancer :  « Tu te sens mieux et soulagé de savoir tout ça Wren ? Parce que moi non. Il n’y a rien qui me plairait plus que d’être un robot de l’humour, là, maintenant, tout de suite. »

Il ne s'attendait pas à ce qu'elle ouvre de nouveau la bouche pour tout lui déballer, le gifler oui à la limite, mais se montrer aussi vulnérable envers lui après tout ce qu'il avait essayé d'entreprendre, clairement pas. A croire que Wren avait trouvé la clé pour dérider Maze dans les grands moments de doute, peut être oui, qu'il avait eu un impact sur elle à un moment donné dans sa vie car sinon, pourquoi irait-elle lui attraper la main et la serrer si fort en lui annonçant la pire tragédie de son existence? Wren ne bougea pas d'un cil durant tout son discours, écoutant patiemment l'histoire d'un drame solitaire, quelque chose de morbide qui aurait très bien pu achever la grande Maze Crawley. Il comprenait tout de suite mieux pourquoi elle était sur la défensive, pourquoi elle semblai détester l'envie même de vivre: elle s'en voulait, c'était indéniable. Doherty aperçut peu à peu des larmes couler sur ses joues alors qu'elle narrait les multiples combats qu'elle avait dû mener pour survivre, pour ne pas que ses ravisseurs la choisissent comme quatre heures. Elle avait été forte, la brune, et elle n'était même plus capable de s'en rendre compte, rongée par les regrets d'avoir été une survivante, une de celles qui s'étaient battues suffisamment pour empêcher des sévices bien plus graves encore. Wren l'admirait, vraiment, la preuve, il en restait silencieux un long moment, ne faisant même pas attention à la manière dont elle avait peut être serré trop fort ses doigts. Il s'en fichait royalement: lui, tout ce qui l'intéressait, c'était cette peine qu'il lisait au fond de ses yeux, même la remarque acerbe qui lui servit de conclusion à tout cela n'eut pas l'air de l'atteindre. "Oui, Maze, oui. Parce que je peux le supporter, ça... Mieux que le silence. Je comprends mieux ton silence, ta peur aussi et le fait que tu restes toujours à plusieurs mètres. Je comprends tout mais est-ce que j'ai le droit au moins de te réconforter? Contrairement aux légendes urbaines, je peux aussi être un bon ami dans les moments où c'est nécessaire. Peut être qu'après, je pourrais t'aider à travailler le retour de ton robot de l'humour, qui sait?" Il lui tendait de nouveau la main, lui offrant cette fois une possibilité de pleurer de tout son saoul si c'était ce qu'il lui ferait du bien pour avancer. Bien sûr, rien de tout cela ne la guérirait dans un avenir immédiat mais pas par pas, elle y arriverait. "Et si tu culpabilises pour toutes ces femmes... T'as pas à le faire. T'as fait ce que tu devais pour survivre, t'as été forte, comme la Maze que je connais et qui est si importante pour ce monde. Alors, permets toi d'avancer. T'as le droit de guérir, d'être heureuse et de profiter de la vie... Justement, peut être que comme ça, t'aideras toutes celles que t'as pas pu aider sur le moment. Il y a encore de l'espoir, Crawley, eh, sinon ni toi ni moi ne serions encore là." Car ils étaient clairement des handicapés de la vie et de tout ce qui était précieux à l'intérieur. Wren lui souriait, sincèrement, se montrant sûrement plus fort que la brune l'avait imaginé mais il grandissait, peu à peu, prouvant qu'il était capable aussi du mieux, d'être un roc pour autrui, des bras entre lesquelles pleurer lorsque tout devenait sombre. Doherty n'était peut être pas un monstre, finalement.

Elle tentait sans grand succès de se redonner un peu de contenance, ne serait-ce que pour éviter les regards interrogateurs et curieux que leur jetaient maintenant définitivement les gens qui circulaient autour d’eux. Il était certain que le spectacle qu’ils offraient sortait de l’ordinaire. Les yeux encore embués, Maze laissa glisser son regard du visage de Wren vers la main qu’il lui tendait. « Y a rien que j’aimerais plus que ton aide pour redevenir ce robot et tenter de retrouver ne serait-ce qu’une infime partie de ce que j’ai été. » Elle marqua une légère pause avant d’attraper à nouveau sa main et de se laisser glisser contre lui. La tête blottie contre son torse, elle sentit les larmes repartirent silencieusement de plus belle. Elle pensait ne plus supporter aucune forme de contact humain mais la vérité était surtout qu’elle avait désespérément besoin d’une épaule sur laquelle pleurer et de bras pour la réconforter et ceux de Wren semblaient être les mieux placés pour accomplir cette tâche. « A quoi ça sert d’être forte si c’est au dépend d’autres personnes aussi démunies que nous face à la situation ? C’est pas de la force, c’est de l’égoïsme. » Elle n’avait jamais été capable d’écraser les gens pour pouvoir avancer, de faire passer sa propre réussite avant celle de ses amis comme de ses ennemis. Ça n’était pas sa façon de faire, ni de réussir. Et pourtant, elle avait l’impression que c’était exactement ce qui s’était passé lors de cette mésaventure. Si ce n’est que dans le cas présent la conséquence de ses actions avait été encore plus dramatique et exacerbée que dans un contexte professionnel lambda. Elle n’arrivait pas à se défaire de l’idée qu’elle aurait pu trouver un moyen d’aider ces femmes. Elles auraient pu faire quelque chose toutes ensemble. Mais elle n’avait pas été en mesure de réfléchir calmement et clairement. Et cela était probablement compréhensible pour n’importe qui, mais c’était malheureusement loin de l’être pour elle. « Wren, je suis bonne qu’à faire du mal aux gens depuis plusieurs mois. Regarde comment ça c’est fini entre nous. Ce qui m’est arrivé ensuite. Je me suis renfermée auprès de tout le monde, mes parents ne me reconnaissent plus et ne savent plus comment faire pour discuter avec moi. Mes amis ne comprennent pas mes sautes d’humeur. J’ai quitté mon job parce que je suis incapable de retourner là où tout a commencé. Je sers à quoi en ce moment ? Je fais quoi de ma vie ? Rien. » Elle avait été à deux doigts de déclarer que tout ça ne se serait peut-être pas déroulé ainsi s’ils étaient toujours ensemble, si elle n’avait pas agi de manière aussi stupide mais cela aurait été injuste de reparler de cette situation maintenant. Et ne disait-on pas qu’avec des si on pourrait mettre Paris en bouteille ? Elle avait fait une erreur et elle ne pouvait s’en vouloir qu’à elle-même et assumer. Tout comme elle devait assumer tout ce qui en avait découlé. Quelque chose dans toute cette histoire ne faisait que renforcer un peu plus sa culpabilité : « Pour ce que ça vaut, c'est-à-dire certainement pas grand chose, j’aurais fini par t’appeler plus tôt si…si tout ça n’était pas arrivé. Mais je comprends pas Wren. » Elle se détacha un peu de lui pour pouvoir le regarder. « Je comprends pas pourquoi t’es encore là pour moi. C’est dur et injuste de te demander ça après tout ce que je viens de te raconter mais hurle-moi dessus, dis-moi que je suis une idiote de m’être comportée comme je l’ai fait avec toi, et pars. Parce que c’est honnêtement tout ce que je pense mériter. » Et elle était plus que sincère en prononçant ses mots.

Wren en avait oublié les passants, ce qui n'était pas une première en réalité puisqu'il ne faisait jamais vraiment attention aux gens qui le jugeaient. Il y en avait eu des centaines, surtout lors de sa période de gloire où il avait choisi l'aiguille pour passer le temps. Erreur de débutant, erreur qui ne l'avait pas rendu plus vivant ni plus heureux, juste un déchet de plus au sein de cette humanité en perdition. Il ne voyait personne, Doherty, concentré uniquement sur le regard si désespéré de Maze, elle qui avait tout perdu, elle qui s'accrochait à une vie qui ne faisait absolument plus sens pour elle. Il la comprenait, c'était sûrement le pire dans cette situation: il avait fallu une année pour qu'il en arrive à ce degré d'acceptation des choses mais il y accédait peu à peu, enfin en paix avec ses choix passés. Il n'y avait rien de beau ou d'élégant dans ce que le suédois avait accompli: brûler la maison familiale, balancer sa mère chez les fous, préférer l'héroïne à n'importe quelle âme humaine et il en passait des tonnes. Maze n'avait rien fait d'aussi mal et pourtant, elle souffrait plus que de raison et Wren ne pouvait que soulever cette injustice dans son crâne d'écervelé. Il la recueillit entre ses bras, n'essayant même pas de parler, il la laissait juste le faire de son côte parce qu'elle avait besoin de cela, d'exprimer tout son ressenti qui lui crachait à la gueule dès qu'elle se levait chaque matin. Wren comprenait tout et il ne disait rien, la serrant simplement alors que le discours de la brune s'allongeait, qu'elle laissait son incompréhension de sa présence mener la dansa délicatement. Remettre les choses en perspective, voilà ce qu'il fallait faire, Doherty. "Tu peux te refaire mille scénarios dans la tête où t'essaies de sauver ces femmes, ça aurait donné une fin horrible. Pour toi. Et pour elles aussi, au final. On t'aurait violée, détruite, tuée Maze si t'avais fait quoique ce soit alors..." Non, cela ne l'était pas,égoïste, car personne n'en aurait jamais rien su, il aurait continué à la haïr alors qu'elle aurait disparu et c'était là la plus grande injustice que le monde aurait connu, même si la jeune femme en doutait de son côté. "On te demande pas de servir à quoique ce soit à l'heure actuelle. Je dirais même que c'est bien aussi d'être rien de temps en temps. Il fat que tu réapprennes à vivre et ça, crois moi, ça prend du temps mais c'est pas impossible, ok? Tu vas y arriver parce que t'es pas seule." Il savait que tout un tas de personnes seraient là pour elle, il suffisait qu'elle tende la main, trouve l'espoir quelque part ou dans quelque chose mais le nordique avait l'espoir pour qu'elle y arrive, on parlait de Maze Crawley après tout. Celle-ci se détacha de lui et Wren se contenta de le regarder, sans rien dire durant un long instant. "Te hurler dessus, pourquoi? Parce que tu t'es protégée de moi comme toute personne sensée l'aurait faite? Je peux te traiter d'idiote si tu veux mais ça changera pas grand chose, si? Il s'est passé ce qui s'est passé et t'as pas besoin de remuer le couteau dans la plaie de quelque chose qui date autant et qui n'a plus de sens. Ce qui compte, c'est ta remise sur les rails et je crois que si je suis pas là pour te botter le cul, ça va pas être simple, non? Après, je peux partir évidemment parce que c'est sûr que tu mérites tellement de mépris d'être humaine et d'avoir souffert..." Il lui faisait un clin d'oeil, finalement pas si revanchard que cela, peut être parce que la situation avait changé, que l'histoire qu'elle lui avait raconté changeait aussi énormément ses priorités en termes de ressentis. Au bout du compte, Maze Crawley ne méritait juste pas d'être aussi malheureuse, beaucoup moins que lui de son point de vue.

Maze ne connaissait toujours pas la raison pour laquelle elle avait décidé de contacter Wren ce jour-là. Mais ce qu’elle savait en revanche à présent, c’est qu’elle ne regrettait pas son geste. Peut-être avait-il raison après tout, peut-être lui avait-elle lancé un appel au secours. Elle était soulagée qu’il ait répondu présent, mais elle se noyait également dans sa culpabilité, ayant la désagréable impression qu’elle avait été la première absente à chaque problème qu’il avait rencontré ces derniers mois.
La tête posée contre son épaule, ses larmes commençaient à sécher alors que la vive émotion qu’elle ressentait se calmait petit à petit. Elle écoutait chacun des mots que Wren prononçait avec la plus grande attention. Elle savait bien que si elle avait agi d’une quelconque autre manière, elle ne serait peut-être plus là aujourd’hui pour raconter son histoire. Mais était-ce juste pour autant ? « J’ai pas envie de penser à ça…j’ai pas envie de penser comme ça…mais au fond de moi, quand ça va vraiment pas, je peux pas m’empêcher de me demander si la mort n’aurait pas été plus agréable que cette culpabilité permanente. » Les yeux dans le vague, elle réfléchissait à toute cette situation, perdue dans ses propres pensées qui se traduisaient à travers ces mots qu’elle prononçait à haute voix sans véritablement s’en rendre compte. « J’ai pas envie de mourir et j’en ai jamais eu envie. Je crois pas. Mais au fond de moi, je me pose la question… » Maze avait toujours eu un rapport très particulier avec la mort qui, comme beaucoup de monde, restait un concept très abstrait. Comment pouvait-on cesser d’exister du jour au lendemain ? Elle ne croyait pas réellement à une vie après la mort, mais de manière contradictoire elle n’arrivait pas non plus à se dire que tout s’arrêtait d’un coup, comme ça, d’un battement de cil. Est-ce que la mort lui faisait peur ? Non. Elle en avait bien moins peur pour elle que pour ses proches. Et avec tout ce qui lui était arrivé, Wren ne semblait pas la craindre non plus. Elle avait du mal à réaliser toutes les épreuves par lesquelles il avait dû passer, souvent seul et de manière douloureuse. Le fait qu’il soit encore là, sain d’esprit et prêt à l’aider relevait du miracle et elle ne pouvait que lui en être davantage reconnaissante encore. « Bon et bien…Y a plus qu’à alors ? » Mais l’idée de ne servir à rien ces prochains temps la séduisait grandement. Et elle avait déjà bien entamé cette tâche depuis plusieurs semaines d’ailleurs. Elle prit le temps de se perdre une nouvelle fois quelques secondes dans le regard de Wren avant de se hausser doucement sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur sa joue. Son regard était triste et on y lisait toujours une certaine détresse mais un fin sourire étirait maintenant ses lèvres. « Merci. Vraiment. De me pousser dans mes retranchements, d’être là, à l’écoute, et d’être prêt à me botter les fesses. Parce qu’effectivement je vais en avoir besoin ces prochains temps. » Elle marqua une pause avant d’ajouter : « Et je suis sincèrement désolée de ne pas avoir été présente pour botter les tiennes quand tu en avais vraiment besoin. » Elle aurait donné cher pour pouvoir remonter le temps et changer le passé, pour être aussi présente pour lui et pour l’aider à traverser les épreuves qu’il avait eu à affronter. Et même si elle était triste que cela n’ait pas été le cas, elle était soulagée que d’autres personnes aient pris la relève. Il était effectivement difficile de se relever de ce genre de situations quand personne n’était là pour nous tendre la main. Elle le réalisait pleinement à présent. « Je pensais vraiment pas avoir autant besoin de cette conversation avant aujourd’hui. J’irai pas jusqu’à dire que je me sens mieux, mais le poids qui écrase ma poitrine a perdu en intensité. » Elle sourit légèrement avant de lui lancer un regard en coin et d’ajouter : « Et je pense que je me sentirai mieux si tu trouvais effectivement le temps de me traiter d’idiote de temps à autre. »  

Wren y pensait souvent, au jour où il devrait dire au revoir à cette planète. Il était par ailleurs convaincu que ce moment arriverait plus tôt que tard, lui et cette manie à toujours se fourrer dans de sacres pétrins. Il n'était clairement pas capable de vivre une existence saine et paisible, toujours à la quête de cette fameuse adrénaline qui remplissait son monde d'une teinte grisâtre. C'était ce qu'il cherchait en mettant le feu eux éléments, la même chose qu'il retrouvait dès l'instant où l'aiguille se plantait inconsciemment au fond d'une de ses veines. Doherty ne vivait que pour cela, trouver un sens à sa vie en passant par les états émotionnels les plus ardus à supporter: c'était une erreur évidemment et il aurait dû savoir il y avait déjà bien longtemps que l'amour était la seule carte qui l'aidait réellement à sortir ses doigts de la prise. La mort le tenaillait, il était toujours devant elle, à suivre la trajectoire de sa faux, comme si, à force de la regarder, il finirait par l'obtenir. C'était certainement pour cette raison que le discours de Maze lui parlait autant. Il la tenait toujours entre ses bras, hochant la tête, malgré sa désapprobation certaine de l'idée qu'elle puisse mourir d'un événement aussi tragique que celui qu'elle avait vécu. "Pour toi, ça aurait peut être été une libération vers le néant. Mais pour ton entourage, Maze?" Pour ses parents, ses amis, pour lui? Elle n'y avait sûrement pas pensé, comme lui n'avait pensé strictement à rien la première fois qu'il avait ingéré ce tube d'héroïne. Il y avait toujours un certain égoïsme quand on prenait une décision aussi radicale alors qu'on savait tous que seulement les autres pourraient nous ramener à la vie. Non pas que Doherty avait tâché de le faire avec la jeune femme, il ne se considérait pas aussi important que cela à ses yeux mais il y avait un espoir clair qu'il avait pu l'aider d'une quelconque façon, même la plus abstraite possible. En tout cas, elle avait l'air de moins trembler en se détachant de lui pour déposer un baiser de remerciement sur une de ses joues. Wren continuait de la suivre du regard, taisant tout ce qu'il avait important à dire pour juste ignorer les peurs tenaces qui resteraient toujours ancrées vis à vis de ce qu'il avait traversé de son côté, même s'il minimisait le tout depuis son sevrage. "T'en fais pas, mes fesses ont été bien gardées et bottées, pas d'excuse, madame! Et compte sur moi, je suis un véritable tyran quand il faut, tu risques de souffrir et de me gifler de ci de là... Cela dit, je suis sûr que faire échapper ta colère t'aidera d'une façon ou d'une autre." Cela ou son amertume, n'importe quel sentiment valait le coup en réalité. Wren lui fit un clin d'oeil pour mieux conclure ses propos. "Tant mieux... Bientôt, tu pourras tenir sur tes jambes toute seule. Et... Compte sur moi pour te traiter d'idiote tous les jours. D'ailleurs, ça commence maintenant. Comment t'as pu être aussi idiote de penser que je te laisserais dormir dans un hôtel, sérieusement? Du coup, tu vas crécher chez qui, là?" Question d'importance, prononcée avec une petite pointe d'humour, on ne refaisait pas un Doherty, lui qui était d'une étrange bonne humeur maintenant que son nuage de rancune était passé, celui-ci remplacé par une certaine culpabilité de ne pas avoir su ce qui était arrivé à Maze Crawley. De ne pas l'avoir anticipé, surtout.

Maze ferma les yeux quelques secondes pour réfléchir à ce que Wren venait de lui dire. Puis elle soupira. Évidemment qu’il avait raison. Si elle ne s’imaginait pas pouvoir supporter le chagrin que provoquerait la mort d’un de ses proches, elle ne pouvait pas non plus faire abstraction de celui que ressentirait sans nul doute sa famille et ses amis si elle venait à disparaître. « Je sais bien que t’as raison, mais… » mais la possibilité restait là, présente. Elle ne termina jamais cette phrase. La question se posait et se poserait toujours tant qu’elle ne serait pas passée à autre chose. La mort n’était pas ce qu’elle souhaitait, mais elle ne pouvait empêcher ses pensées de se perdre dans de sombres interrogations philosophiques. Mais pour le moment, Wren était parvenu à éclaircir quelque peu son horizon et à lui faire entrevoir des possibilités de rétablissement. Un jour lointain peut-être, mais un jour malgré tout. « Si je pouvais éviter de te frapper quand même, ça m’arrangerait. Bien que je ne te cache pas qu’il fut une époque à laquelle je songeais à t’assommer avec une casserole. » Elle répondit par un sourire à son clin d’œil. « Mon proprio n’a pas vraiment été très conciliant avec moi pour cette histoire de porte défoncée. Dingue, non ? » Ceci dit, elle avait peut-être omis de lui expliquer que sa porte avait été défoncée car elle avait manqué de mettre le feu à l’appartement. Elle avait choisi de détourner quelque peu -beaucoup- la vérité et avait inventé un mensonge éhonté qui ne lui avait pas permis pour autant d’échapper aux foudres de son ex propriétaire.
Alors que Wren revenait à la charge sur son piètre logement actuel, elle fit mine de réfléchir quelques instants pour se rappeler la formulation exacte qui avait été utilisée. « Tous ces stratagèmes pour me mettre dans ton lit Doherty... Tu sais, tu peux être plus littéral et le dire en face. Tous ces détours métaphoriques, franchement, c'est pas de ton niveau, tu m'as habituée à mieux. » L’air innocente, elle se pinça les lèvres en essayant de garder son sérieux mais il ne lui fallut pas plus de 5 secondes avant de finir par rigoler. Rire…cela faisait bien longtemps que ça ne lui était plus arrivé. Elle finit néanmoins par tenter de reprendre bonne contenance : « Excuse-moi, c’était trop facile pour que je passe à côté…Plus sérieusement, une chose à la fois. J’apprécie l’intention et ton inquiétude mais pour l’instant j’ai l’impression que la chambre d’hôtel, c’est ce qu’il me faut. J’ai besoin d’essayer d’y voir un peu plus clair, je viens à peine de remettre les pieds à Brisbane et je me sens pas d’imposer ma présence à quiconque pour le moment. Et inutile de dire que le loyer d’un appartement est hors de mes moyens tant que j’aurais pas retrouvé un nouveau boulot. » Ha oui, elle était aussi sans emploi actuellement…Le lui avait-elle déjà précisé ?  A croire que ce rendez-vous était classé sous le signe des informations lâchées à la dérobée. Présentement, tout était tellement confus dans l’esprit de la britannique qu’elle ne se souvenait honnêtement plus de ce qu’elle avait déjà pu dire ou non. « Mais bon. Vraie question maintenant… » Elle était redevenue tout ce qu’il y avait de plus sérieux lorsqu’elle replongea son regard dans le sien. « Comment vas-tu ? Et j’aimerais bien une réponse moins expéditive que celle à laquelle j’ai eu droit au début de cette conversation. » Ça n’était pas un reproche, et ça n’en avait pas le ton, loin de là. Elle jugeait même qu’elle avait largement mérité de se faire rembarrer comme il l’avait fait. Mais après tous les sujets qu’il avait à peine évoqués le concernant, elle s’inquiétait sincèrement pour lui. Elles étaient belles les deux âmes en peine et meurtries qui se retrouvaient réunies dans un parc par une si belle journée.

L'ambiance aurait pu être plus dérangeante, elle l'avait été durant quelques minutes d'ailleurs, le temps que Wren perce la carapace de Maze. Il n'était jamais évident de réussir ce genre d'exploits avec la brune qui avait un caractère bien trempé et une propension à la mauvaise foi quand on la poussait dans ses retranchements. A ce sujet, ils avaient sûrement été montés sur le même modèle vu que Doherty s'était fortement reconnu dans les manières détournées de Crawley d'éviter les sujets fâcheux. Elle n'avait pas envie de tout avouer à Wren, du moins au début, elle avait tout fait pour qu'il fuie avant d'apprendre la terrible confession. Après coup, elle ne semblait pas tellement le regretter, comme si le suédois avait pu avoir un quelconque pouvoir réconfortant malgré tout. Wren ne s'était jamais pris pour un fin psychologue, il avait même tendance à dire qu'il avait toujours été l'inverse de ce genre d'étiquettes, à frapper avant de parler, à fuir avant d'écouter. Quelque chose en lui, néanmoins, avait fini par changer ces dernières semaines, peut être qu'il avait réalisé que rien ne servait de courir après les fantômes de son passé, de s'atteler à retrouver ses premières amours, à courir après l'image d'un père qui ne lui avait jamais voulu du bien, de ressentir uniquement des remords lorsqu'il repensait à sa génitrice. Il évoluait, doucement mais sûrement, et il espérait que les douleurs de Crawley l'aideraient à en faire de même de son côté, même si pour le moment, elle n'avait pas l'air convaincue de pouvoir dépasser ce lien étrange vis à vis de la mort. Wren la regarde, hochant la tête parce qu'il comprenait fort bien cette sensation, il l'avait vécue jusqu'ici et d'une façon bien violente mais il allait mieux, ou au moins, il avait l'impression d'aller mieux. C'était un parcours du combattant mais il avait foi en Maze, en cette femme qui l'avait agressé avec une poêle le jour de leur rencontre alors qu'il avait cassé sa porte. Un grand moment de son histoire, à lui aussi. "Tu sais pas utiliser des ustensiles de cuisine, tu sais les faire brûler, c'est tout... Quoi, comment ça,il a pas aimé mes réparations express ton proprio? J'y ai mis du coeur pourtant." Le nordique fit une mine faussement boudeuse: il se doutait qu'il n'était pas un expert du bricolage mais il s'était senti coupable de sa réaction disproportionnée, comme quoi son rapport au feu avait toujours été trop intense. Néanmoins, il n'y pensa pas très longtemps, captant le regard taquin de son interlocutrice, qui retournait vaillamment ses propos contre lui, elle avait du toupet, vraiment. "Si j'avais voulu te mettre de mon lit, je t'aurais juste demandé si tu voulais y venir, tu me connais. Tu rêves un peu trop, t'aurais eu le droit au canapé, faut pas abuser non plus, Crawley. Mais d'accord. Tu as changé de voie, alors?" Elle n'en avait apparemment plus du tout, c'était surtout cela qu'il était censé comprendre, comme s'ils vivaient des événements similaires en même temps ou presque puisque Doherty avait dû tout changer de son côté. C'était d'ailleurs un concours de circonstances qu'elle lui en demande plus sur sa vie, ils n'avaient pas tellement approfondi le sujet avant de se battre comme des gamins pour un téléphone portable. "Je t'assure, ça va. Je travaille dans un bar, le DBD et je viens d'emménager avec mon ami, Gabriel. Je vais pas te mentir, j'ai souffert un moment mais je me relève et je crois que là, je tiens le bon bout. C'est le bottage de cul ça, ça aide, tu vois." Il se rasseyait sur le banc, attendant peut être qu'elle le rejoigne ou qu'elle lui pose d'autres questions. De son côte, il n'osait pas, il ne voulait pas la froisser ni lui faire peur. Le silence convenait à Wren, aussi.

Elle secoua légèrement la tête de gauche à droite, faussement outrée par cette réflexion. Puis elle haussa les épaules avant d’ajouter nonchalamment : « On ne peut pas être parfaits partout j’imagine. La cuisine…le bricolage à l’arrache de porte défoncée… »  Elle essayait tant bien que mal de faire abstraction de ce qu’elle venait de raconter, de son bouleversement et des images qui s’imposaient encore à elle. Et pour cela, rien ne s’était avéré plus efficace jusqu’à présent que le détournement de sujet et l’humour dont elle arrivait encore à faire preuve par intermittence. « Le canapé ? Ma déception est grande. » Comme si elle avait retrouvé un peu de ses habitudes passées, elle avait dit cela sans laisser transparaitre une quelconque expression pouvant appuyer ou non le fait qu’elle plaisantait. « Je ne suis pas certaine qu’on puisse véritablement dire que j’ai changé de voie au stade où j’en suis…Mais j’en peux définitivement plus du métier que j’exerçais avant. Pourtant, j’ai toujours eu l’impression de bosser dans un domaine qui me passionnait… » Après tout, ce projet professionnel s’était imposé à elle alors qu’elle n’avait que 16 ans et elle avait tout fait pour suivre cette voie depuis. Bosser dans ce festival à Brisbane, cela avait été pour elle l’accomplissement de tous les efforts qu’elle avait faits depuis des années. « Mais pour revenir à cette idée réjouissante de "je sers à rien", j’ai vraiment l’impression que mon métier est stupide. J’aide pas les gens, j’aide pas la société, j’aide pas la planète. Et en ce moment je dois réussir à me retrouver, moi, mais j’ai aussi besoin de me sentir utile. » Elle ne savait pas si ce qu’elle racontait faisait sens aux yeux de Wren ou si cela n’était pour lui que de sombres élucubrations d’une personne complètement perdue. A bien y réfléchir en vérité, il y avait peut-être un peu de ça aussi. Mais après ce qui lui était arrivé, elle ne pouvait pas se résoudre à rester dans la branche professionnelle qu’elle avait choisie sans avoir l’impression d’exercer un métier ô combien superficiel et bien loin d’être indispensable. Evidemment, l’événementiel permettait aux gens de se distraire, de se changer les idées, et cela était sans aucun doute bien plus utile et nécessaire que Maze ne voulait bien se l’avouer en ce moment. Mais qu’est-ce que la distraction en comparaison à des gens qui mouraient de faim chaque jour ? A des femmes battues qui devaient se taire ? A des enfants séparés de leurs familles ? Son point de vue était extrême et loin d’être objectif, mais c’était le sien à présent. « Je suis complètement perdue. » Maintenant que la tempête semblait passer et qu’elle semblait avoir retrouvé son calme, elle se rassit à côté du suédois. Les jambes croisées sur le banc, elle laissa tomber son dos contre le dossier avant de basculer sa tête en arrière et de regarder le ciel bleu au-dessus de leur tête. « Je te crois. J’ai hâte de tester cette technique qui a fait ses preuves. Et si t’as besoin que je me dévoue pour te les botter à mon tour, n’hésite pas à me faire signe. Je suis sûre que je ne dois pas être trop mauvaise dans cette discipline. » Elle la maîtrisait tout du moins verbalement, ou elle avait été capable à une époque de faire en sorte que les gens se ressaisissent et elle n’y allait en général pas de main morte. Cela ne pouvait pas lui faire de mal que quelqu’un décide de lui appliquer son propre remède. Les sourcils très légèrement froncés, elle tourna sa tête vers Wren avant de lui demander : « Gabriel donc ? Est-ce que c’est un…ou une amie ? » Gabriel était un prénom mixte après tout. Légère jalousie ou curiosité mal placée, elle n’aurait su le dire mais la question lui brûlait les lèvres. Qu’avait-elle à perdre à la poser si ce n’était fournir une arme supplémentaire au suédois pour recevoir une des remarques sarcastiques dont il avait le secret. Elle retourna son visage vers le ciel et resta silencieuse quelques minutes, essayant de se vider l’esprit et de simplement profiter du moment. « Promets-moi… » A croire que ses pensées ne se décideraient jamais à la laisser prendre une pause. « Promets-moi que tu viendras me voir si tu devais rechuter. » Elle ne se pardonnerait jamais d’être une nouvelle fois absente de la vie de Wren si cette situation venait malheureusement à se présenter.

Ils étaient loin d'être parfaits, détail avéré que Wren ne cherchait plus à nier depuis bien longtemps déjà. On pouvait même dire qu'il s'était considéré comme un fléau depuis une bonne dizaine d'années, préférant que les autres le fuient plutôt qu'ils persistent à le suivre. Sa tactique avait plutôt bien marché jusque là puisqu'ils étaient tous partis un à un, il était virulent, parfois mauvais mais il savait qui il était et ce qu'il devait faire éviter aux gens qu'il aimait. Maze avait suivi un chemin quelque peu différent d'autrui cela dit car elle n'avait pas franchement eu besoin des stratagèmes insidieux de Wren pour le quitter. Non, elle l'avait fait toute seule, parce que Doherty avait choisi de ne pas tout lui dire tout de suite et avec du recul, il n'aurait même pas su dire s'il aurait fini par tout avouer. Il aimait croire qu'il était assez sincère pour ce genre de confessions mais sa différence de mode de vie avec celui de la jeune femme laissait penser qu'il aurait fini par la lâcher elle aussi car c'était plus facile ainsi, car c'était mieux pour ne pas la faire souffrir. Cette fois, on n'avait pas eu besoin de lui pour cette tâche: Crawley avait trouvé les ennuis toute seule et Wren n'en avait absolument rien su. Désormais, il avait tous les détails en tête et ce fait changeait la donne: comment la haïr et lui en vouloir alors qu'elle avait tout perdu? Il ne voulait pas la prendre en pitié, bien sûr que non, car il l'avait toujours bien trop respectée pour ce genre de raccourcis mais son instinct l'implorait de faire attention à elle. De ne pas aller trop loin cette fois, de rentrer dans son jeu certes mais de ne pas s'y noyer, autant pour elle que pour lui. "Comment oses tu alors que ce bricolo t'a sauvé de la faim? Tu m'en dois toujours une ou deux d'ailleurs... Tu me connais, je suis le roi de ta déception, Crawley." Il ne savait pas si elle riait ou non, peut être ne voulait-il même pas réellement connaître la réponse au bout du compte. Sur ce coup là, Doherty voulait juste se sentir bien et prier pour que ce fut la même chose pour la brune. Il comprenait néanmoins par ses mots que Maze avait perdu le sens de la vie quelque part au beau milieu de cette aventure et qu'elle ne croyait plus dans le bien qu'elle avait pu faire par le passé, juste par sa présence, même pas forcément par ses actions. "La musique, c'est très important pour les gens tu sais. Ne minimise pas ce que tu représentes. Et puis, vraiment, si tu veux être utile dans le genre badass, il y a une place libre à la caserne, sait on jamais que tu manies mieux la lance que la poêle." Il laissa échapper un rire cristallin, s'asseyant plus confortablement sur le banc, observant en coin Maze qui avait les yeux rivés vers le ciel. Elle avait l'air si absente alors qu'elle était de retour, le nordique ne savait pas s'il aimait vraiment cette sensation qui lui étreignait le coeur. "Sinon, tu te reconvertis dans la boxe, effectivement, je pense que ça t'irait comme discipline." Il n'irait pas jusqu'à lui dire qu'il se porterait volontaire comme cobaye parce qu'il n'avait pas assez de jugeote pour tenir en place dix secondes sur un ring. Wren était un homme d'extérieur, un homme qui se mit à rire le plus naturellement du monde en imaginant Gabriel avec une petite dose de maquillage ou une robe d'été. Une vision idéale, vraiment. "Je lui dirais qu'on l'assimile à une femme à lunettes, ça le fera beaucoup rire. Non, on peut dire que c'est mon meilleur pote, on s'est sauvés mutuellement, on peut le dire." Et pour cela, le suédois lui serait éternellement reconnaissant, sans Gabriel, il ne serait pas là si serein à plaisanter avec Maze et lui offrir un doux regard au moment où elle lui demandait de promettre l'impossible, ou presque. "Si je promets pas, tu me bottes le cul, c'est ça? Je viendrai pas te voir et tu sais pourquoi? Parce que je vais pas rechuter, Maze. Je vais pas reprendre l'aiguille, je vais pas sauter dans les flammes, je vais juste être un type normal... Et puis, une promesse à sens unique, bof. Du coup, je le fais seulement si tu me promets de prendre soin de toi et retrouver le goût de vivre. Si t'y arrives pas, je t'en voudrai pas mais... Promets moi d'essayer au moins parce que le monde en a pas fini avec toi, Crawley, crois moi." Il lui fit un clin d'oeil rieur, s'armant d'un sourire sincère, tendant la main vers elle pour sceller un deal qui n'avait peut être aucun sens car il ne s'agissait que de mots. Parfois, cependant, des mots pouvaient tout changer.

C’est vrai qu’en y réfléchissant bien, elle n’avait pas vraiment à se plaindre. Non seulement Wren l’avait sauvée des flammes et avait réparé sa porte, mais il l’avait en plus de ça sauvé d’une imminente hypoglycémie en lui préparant à manger. Et tout cela après qu’elle l’ait accueilli telle une furie prête à lui sauter à la gorge. Difficile de faire preuve de mauvaise foi après tout ça. « Je t’en dois une ? Vraiment ? Tu veux que je passe te préparer un bon plat de pâtes un de ces quatre peut-être ? » Elle lui lança un regard interrogateur, doublé par un léger sourire en coin. Avait-il vraiment envie qu’elle cuisine pour lui ? Tenait-il tant que ça à mettre le feu à son nouveau logement ou à manger un plat raté ? Et, s’il avait de la chance, peut-être réussirait-elle même à faire un parfait combo des deux.
Alors qu’il suggérait qu’elle rejoigne la caserne en guise de reconversion, elle haussa un sourcil interrogateur avant de lui balancer un léger coup de poing dans l’épaule. « Tu pourrais au moins faire semblant d’y croire. Je suis sûre que l’uniforme m’irait comme un gant. » Pour ce qui était du métier en lui-même, elle repasserait en revanche. Elle avait beau râler pour la forme, il était certain que si elle manquait de faire brûler tout un immeuble en se préparant un simple plat de pâtes, il était impensable qu’elle rejoigne les soldats du feu. Quoique si ses coéquipiers étaient capables de gérer les catastrophes qu’elle provoquerait, alors ils seraient les mieux entraînés de la région. Il y avait peut-être quelque chose à faire. « Et bien, tu remercieras ce Gabriel alors. » Le regard à nouveau tourné au loin, elle avait dit ça de manière faussement évasive et véritablement sincère. Elle tentait de continuer à cacher à quel point les mésaventures de Wren l’impactaient à peu près autant que les siennes, elle n’était pas la meilleure pour camoufler une quelconque émotion. Surtout pas face à cet interlocuteur si particulier et qui comptait tant pour elle. Elle ne connaissait pas Gabriel, mais s’il avait été là pour le suédois dans les moments difficiles qu’il avait dû traverser, elle ne pouvait que lui en être infiniment reconnaissante.
Maze tourna à nouveau son visage vers Wren, les sourcils froncés, l’air concentré sur ses paroles. Une fois qu’il eut fini de parler, elle marqua un nouveau silence. Vraisemblablement en pleine réflexion et analyse de ce qu’il venait de lui dire. Elle se pinça les lèvres en jetant un coup d’œil à la main qu’il lui tendait. Pouvait-elle lui faire ce genre de promesses ? Trouverait-elle suffisamment de force et de courage en elle pour ne pas simplement sauver superficiellement les apparences auprès des gens qu’elle croisait, mais aussi pour se reconstruire durablement ? Rien n’était moins sûr à ses yeux, mais promettre d’essayer ne pouvait pas lui nuire. Et surtout, il était effectivement difficile de demander à quelqu’un de faire une promesse quand la réciproque n’était pas vraie. Aussi finit-elle par sourire tristement avant d’attraper sa main et d’ajouter :  « Je te promets d’essayer. » Elle l’observa encore quelques secondes avant de venir poser sa tête sur son épaule. Son regard se perdit une nouvelle fois devant elle, regardant sans vraiment le faire les gens qui passaient devant le banc sur lequel ils étaient assis. Il était difficile pour elle de faire disparaître cette part de morosité qui ne la quittait pas même quand elle souhaitait sauver les apparences au maximum, mais elle se sentait bien malgré tout, là, avec lui, parvenant tant bien que mal à faire le vide dans sa tête. « A quel moment deux bras cassés comme nous parviennent-ils à se trouver, tu m’expliques ? Quand on y réfléchit, les chances devaient quand même être infimes… » Elle aurait donné cher pour que ni lui, ni elle n’aient eu à subir tous leurs traumatismes passés, mais quelque part c’était aussi cela qui avait fait d’eux ce qu’ils étaient. Chaque épreuve qu’ils avaient traversée avait influé sur leurs choix et les avaient amenés là où ils en étaient aujourd’hui. Etait-ce la meilleure des situations ? Certainement pas. Mais c’était au moins une situation dans laquelle ils avaient le mérite de se connaître, et c’était tout ce qu’elle demandait.

Son humour lui avait forcément manqué, on parlait de la grande Maze Crawley, toujours prête à animer des discours barbants avec des répliques cinglantes et des plaisanteries ridicules. Pourtant, c'était ce qui avait amené Wren vers elle en premier lieu, enfin, si on excluait cette tentative d'assassinat quelle avait eu envers lui parce que c'était clairement cela qui les avait liés avant tout. Maze avec un ustensile de cuisine dans la main, Doherty qui s'impatientait de la très flagrante bêtise de la jeune femme: le combat verbal aurait pu durer des heures mais ils avaient fini par s'assagir, sans que le pompier de l'époque n'ait eu le temps de franchement le comprendre. Deux ans plus tard, le suédois n'avait pas beaucoup plus de réponses sur ce qui s'était passé ce jour-là, on pouvait mettre le tout sur le compte du destin ou de leur inhérente folie qui les entraînait toujours sur des chemins hasardeux apparemment. Wren n'avait pas regretté cette bien étrange rencontre, il n'avait même pas regretté le moindre moment pour être honnête et ce, même s'il avait vraiment souffert sur la fin. Maze avait fait ce choix pour eux deux et si, à l'époque, il n'avait pas tout saisi, il comprenait désormais qu'elle leur avait peut être sauvé la vie à tous les deux parce qu'ils se seraient détruits dans un contexte pareil et aucun d'eux ne s'en serait remis. Certes, les circonstances n'étaient pas meilleures à l'heure actuelle mais au moins, aucun d'eux n'était responsable de la disgrâce de l'autre, ils s'en étaient chargés eux-mêmes, comme des grands. Wren avait suivi son chemin de junkie pyromane jusqu'au bout et la brune s'était laissé aller dans le plus intense des désespoirs mais ils se retrouvaient tout de même quelque part au milieu de leur enfer personnel. "Encore une tentative de meurtre de ta part, Maze? Tu trouveras bien un moyen de me rendre le service sans m'empoisonner, sois créative un peu." Non pas qu'il n'appréciait pas les pâtes mais vu la tendance à mettre le feu qu'avait sa camarade, Doherty ne tenait pas tellement à tenter l'expérience, surtout pas maintenant qu'il habitait un appartement avec un bien meilleur standing que l'ancien. Non, il ne ferait pas subir ce genre de douleurs à Gabriel, celui qui l'avait sauvé plus de fois qu'il n'avait compté et que Maze remerciait sans que Wren ne puisse rien faire d'autre que sourire et être aussi reconnaissant qu'elle du résultat. "Ah mais j'en doutais pas au niveau de l'uniforme, c'est tout le reste qui risquerait d'être problématique, tu cramerais la caserne en un temps record." Et l'idée le faisait rire parce qu'elle était quand même maladroite lors des situations d'urgence, elle lui avait maintes fois montré et c'était une des choses qui avaient attendri Doherty. Là, il n'était plus question de cela, juste de se poser sur ce banc, de regarder les gens passer et laisser la tête de Maze se caler contre son épaule comme elle avait pu le faire plein de fois dans une autre vie. Ils n'étaient plus les mêmes mais ils s'étaient serrés la main en se promettant d'aller mieux, ou au moins de faire tout ce qu'il fallait pour faire croire qu'ils allaient vers ce fichu mieux. Le nordique espérait sincèrement qu'elle tiendrait parole parce que, si elle était de retour dans la région, il ne supporterait pas la présence d'une Maze à moitié. "Parle pour toi, j'suis un mec bien sous tous rapports, Crawley. Rien à signaler de mon côté, je gère mon existence d'une main de fer... Après tout, je suis un Doherty, non? Ou le fils de Satan, personne s'est décidé sur l'appellation adéquate quand on a de tels gènes." Elle était partie pour cette raison, lui avait déchiré le coeur pour ce patronyme justement mais Wren avait décidé de le porter fièrement désormais et de ne plus le laisser croupir dans un tiroir pour sauver sa réputation. "Je crois surtout que t'as mis le feu à moins de deux mètres d'un pyromane. T'as provoqué le destin, ma pauvre." L'assumait-il? Il voulait le croire, même s'il n'était pas cet homme là, plus autant en tout cas car il n'avait pas eu envie de mettre le feu à quoique ce fut depuis des jours mais est-ce qu'on allait le croire? Un homme comme Doherty n'avait pas le droit à la rédemption, certainement pas en présence de quelqu'un comme elle, qui avait fui sa noirceur en premier lieu.