| (#)Lun 27 Avr 2020 - 20:01 | |
| "J'ai compris que tu n'aimais pas vraiment les gens, et tu n'apprécies pas non plus les choses matérielles. Donc c'est vrai qu'à part les montres parfaitement réglées, et les plans qui se déroulent à la perfection, tu n'as pas l'air d'aimer beaucoup de choses." Je relève les yeux vers Jill. J'ai un instinct de méfiance, car quelqu'un qui enregistre des informations sur moi comme ça, d'habitude ce n'est pas bon signe, et pourtant, je sais que ce n'est pas le cas avec elle ce soir. Je sais que c'est une soirée à part, hors norme, un moment dont on ne parlera plus.
Dans le taxi, je la vois sourire, ravie. "Tu l'avais pas prévu cet arrêt là ?" Et elle me regarde, et son expression est hybride, je ne parviens pas à la déchiffrer. Il y a de la défiance, de l'humour, mais aussi de la joie. Rares sont les êtres humains qui éprouvent du bonheur à passer autant d'heures avec moi. Je me rappelle quand Bailey avait des étoiles dans les yeux, petit, lorsque j'arrivais - ça lui était vite passé. J'ai des amis qui apprécient ma compagnie, mais nous ne sommes pas des sentimentaux, pas comme la tornade qui me dévisage. "Non, pas celui-ci." Et pour cause, je n'ai jamais emmené personne dans ces jardins. "J'ai jamais entendu parler de cet endroit." Je hausse les sourcils de satisfaction. Elle va profondément aimer ce lieu, et elle ne dira jamais que c'est moi qui l'ai emmené, grâce à notre contract verbal de garder cela pour nous ; c'est parfait.
Dans les jardins, sur la passerelle, l'atmosphère change de nouveau, et c'est invisible, insonore, inodore, mais je sais que c'est là, qu'il y a une transition qui s'est opérée. Je ne suis pas un homme tactile, mais j'ai envie d'embrasser Jill. Par curiosité, avant tout. J'ai envie de savoir ce que ça fait d'exprimer de l'affection envers elle de cette façon-là, sans avoir besoin de faire des compliments ou de la remercier pour une soirée agréable. Comme découvrir une autre façon de communiquer. Je demande la permission, évidemment, car je détesterais qu'elle se sente en danger, seule avec un homme qu'elle connaît à peine dans des jardins vides la nuit. Je veux qu'elle sache qu'elle a le choix.
Et elle s'approche.
"Tu me demandes vraiment si tu peux le faire ?" Je me rends compte que j'ai retenu mon souffle. "T'es pas censé demander…" J'ouvre et ferme ma main, qui n'a qu'une envie : passer autour de la taille de Jill. "Tu le fais, et t'attends de voir si ça passe ou si ça casse." Elle est si proche désormais que je laisse mon bras dans son dos l'amener encore plus près.
Et je l'embrasse.
C'est doux. C'est délicat. Evidemment, pour moi, ce n'est pas sexuel, c'est autre chose. C'est une connexion - ce qui est bien plus significatif, à mes yeux. C'est baisser l'armure encore un peu plus. Je m'éloigne une seconde, la regarde dans les yeux, lève ma main gauche vers son visage, la glisse sur sa joue, ses cheveux, puis l'embrasse de nouveau. Je sais que ce sera la dernière fois. Pourtant, quelque chose en moi ne veut pas s'y résoudre. Je me sens bien, dans l'espace ténu entre son souffle et le mien.
"Stop", je murmure, et jamais je n'ai parlé aussi doucement de ma vie, j'en suis certain, et je ferme les yeux tandis que je recule. Je n'ai pas l'habitude de ressentir des émotions, donc je prends quelques secondes à discerner que ce qui se déplace au fond de moi, c'est de la tristesse. Je sais qu'il est temps que la soirée s'achève et que je m'y tiendrai, mais c'est extraordinairement plus difficile que ce que je pensais. J'aurais dû me tenir à mon agenda de la journée. Je n'aurais pas dû improviser. J'ouvre les yeux et rencontre ceux de Jill. J'aimerais sourire, mais rien ne vient et je ne me force pas.
"C'est l'heure de rentrer."
A contrecoeur, je descends de la passerelle et longe les jardins vers le taxi. Nous montons dans la voiture, et je ne dis pas un mot jusqu'à ce que la voiture s'arrête devant chez elle. "Bonne nuit, Jill." Je la regarde une dernière fois, et un sourire arrive cette fois-ci, et tout y est. Lorsqu'elle referme la portière et que le chauffeur démarre, je pousse un long soupir. Ce chapitre est fermé. Ce livre est terminé. On ne m'y reprendra plus.
@Jill McGrath-Fitzgerald |
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| (#)Lun 27 Avr 2020 - 20:41 | |
| La passerelle est totalement isolée. Ils ne sont que deux, dans une bulle éloignée du monde qui les entoure. Jill ne pense plus à Bailey, ni à sa sœur. Et ça lui fait beaucoup de bien. Elle ne pense plus à tout ça quand elle écoute Sebastian poser sa question. Quand elle s'approche de lui un air de défi dans le regard. Elle ne sait pas ce qu'elle veut Jill, mais c'est qu'un jeu après tout non ? Et puis, personne ne saura jamais. Parce qu'ils l'ont promis. Et ils tiendront cette promesse aussi longtemps qu'il le faudra.
Ils sont face à face, et Jill n'a pas lâché son regard. Elle ne calcule rien parce qu'il n'y a rien à calculer. Il peut toujours faire marche arrière après tout. Il peut dire qu'il blague, et que tout ça n'était qu'un mauvais plan pour lui soutirer des infos. Mais elle le sait Jill que ça n'a rien à voir. Elle sent dans le regard du brun qu'il y a quelque chose de différent, quelque chose qu'il n'a pas vu venir et qu'il a du mal à gérer. Elle respire calmement et elle le laisse enrouler sa taille.
Et il l'embrasse.
Elle ne recule pas, elle se laisse faire. Le geste est doux, il est tendre, et elle était bien loin de se douter qu'il était capable de faire une chose pareille. Les bras de Jill glisse autour de son cou alors qu'il s'éloigne légèrement de son visage pour glisser sa main sur sa joue. Et il revient vers elle. Qu'est-ce qu'ils sont en train de faire ? Ils sont les deux personnes horribles des deux côtés de la famille. Ils se détestent, c'est ce qu'ils ont toujours dit non ? Ils se détesteront de nouveau le lendemain matin. Comme ils l'ont convenu quelques minutes auparavant.
Elle l'entend son stop, et elle s'éloigne elle aussi. Elle recule et elle met quelques secondes à réaliser ce qu'il vient de se passer. Si Bailey apprend ça… il ne l'apprendra jamais. Absolument jamais. Il a raison ils doivent rentrer. Et elle ne veut pas voir ce qu'il se passe dans les yeux de Sebastian. Elle ne peut pas se poser de questions, alors elle se tait. Ils se taisent tout le long du trajet. Et la voiture s'arrête devant chez elle. Elle se tourne vers lui en hochant la tête. "Bonne nuit."
Et elle sort, elle arrive à sa porte, elle soupire et elle rentre chez elle. Elle essaiera d'oublier, ils feront comme si de rien n'était.
La soirée est terminée.
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