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 en forme de huit

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Message(#)en forme de huit - Page 3 EmptyJeu 7 Mai 2020 - 2:40

"Forêt amazonienne." Et enfin, j'obtiens gain de cause. Jill parle principalement des animaux, et la plupart des créatures ne m'intéressent pas, mais les fourmis me fascinent. Elles ont un système hiérarchique précis et un langage étonnant. J'apprends que certaines peuvent être mortelles, et ça ne les rend que plus appréciables. Je me demande si leur venin se vend sur le Dark Web. Je poserai la question à mon hacker. Quand elle évoque les bruits nocturnes, je lève les yeux au ciel : qui peut bien vouloir s'enfoncer dans une forêt terrifiante où les cauchemars deviennent réalité ? L'impuissance face à la nature n'est pas un sentiment que j'aimerais éprouver. Je ne réponds rien. J'enregistre les informations dans un classeur épais sur Jill McGrath. Bien sûr, elle a également visité l'Europe. "Tu devrais y retourner pour tes projets architecturaux. C'est inspirant." Tout monument donne foi dans les capacités de l'humanité, ce qui n'est pas peu dire. Et elle rit de mon dégoût d'Amsterdam. Elle s'y attendait, je suppose.

Nos cerveaux sont différents, en effet. "Je ne pense pas que ma façon de penser soit plus épuisante que la tienne, car tu ressens beaucoup plus d'émotions que moi. Mon rapport au monde est plus rapide, mais le tien est plus riche." Je sais qu'elle n'essayait pas de comparer, mais je tiens à souligner à quel point nous sommes complémentaires. "Ou peut-être que quand je veux me retrouver seule je sais y faire pour que personne ne sache où je vais." Je suis étonné. Certes, je ne suis pas arrivé il y a si longtemps que ça à Brisbane, mais je pensais mes informateurs plus efficaces (note mentale : virer John et Matthew).

Dès qu'il s'agit de Ginny, en revanche, ce n'est pas moi qui suis en retard, et je vois bien que Jill aussi n'aime pas manquer d'informations. Elle ne le dirait pas en ces termes, mais c'est à peu près ça, je présume. Elle projette sa frustration sur moi, et je m'assois sur le banc. D'habitude, quand les êtres humains s'énervent, je dois attendre que ça passe. Alors, j'attends. Elle marche, elle marche, et s'épuise toute seule. Je l'observe. Je contemple, en fait, le fossé qui nous sépare : elle va ruminer cette nouvelle donnée pendant des jours et des jours, plutôt que de déterminer rationnellement si ce changement lui donne envie de recontacter Ginny, ou au contraire de l'éloigner encore plus. Elle se posera des questions sur leur relation plutôt que de lui en parler ; elle éprouvera des multitudes de sentiments, et appellera ça confusion. "Est-ce que je peux aider ?" Je ne sais pas comment, mais si elle me l'explique, j'essaierai.

@Jill McGrath-Fitzgerald
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Message(#)en forme de huit - Page 3 EmptyJeu 7 Mai 2020 - 3:25

Il lui parle de l’Europe après avoir attentivement écouté son résumé sur l’Amazonie. Elle le voit qui enregistre les informations, alors elle se fait un plaisir de détailler au maximum. Elle devrait y retourner pour ses projets architecturaux. “T’aurais une liste d’endroits à me conseiller ?” Elle a toujours aimé voyager, alors pourquoi le faire pour ses projets elle aussi ? “Non attends j’ai une meilleure idée.” Elle reprend ses idées à lui. “Tes 3 monuments préférés, en dehors de l’Angleterre.” ça aurait été bien trop facile sinon. Elle connait déjà ceux qu’il aime à Londres, mais ils n’en parlent pas. Ils évitent le sujet de Londres depuis des années déjà alors ils peuvent continuer comme ça.

Il explique encore, il veut montrer qu’au fond ils ne sont pas si différents. Alors Jill écoute, elle continue de chercher à comprendre comment il fonctionne, et jusque là, ça l’aide à comprendre ses réactions en général. Et il exprime le fait que sa façon de penser est plus riche, et elle fronce les sourcils. “Est ce que t’aimerais ressentir plus d’émotions que ce que tu peux ressentir ?” Qu’est ce qu’il est capable de ressentir d’ailleurs ? Ca aussi ça a toujours été un point compliqué, quelque chose d’étrange autour de Sébastian. Il manque d’empathie, ça elle le sait, mais est ce qu’il a du mal à ressentir toutes les émotions qu’elle connait bien. Et des fois, ce serait peut-être bien plus simple de pouvoir ne rien ressentir.

Elle s’énerve, elle tourne, elle réfléchit. Elle ne pense plus aux dessins, ni aux voyages, ni à quoi que ce soit d’autre que sa petite soeur qui est enceinte. Elle voudrait ne pas y penser, ne pas renvoyer toute sa frustration sur Sébastian qui a l’air complètement perdu sur la banc. Il a l’air d’attendre quelque chose alors que Jill est comme un lion en cage. Mais elle essaie de respirer en le voyant comme ça, il n’y est pour rien. Et il lui demande si il peut aider. Alors elle s'assoit sur le banc elle aussi. “Non c’est pas de ta faute.” Ce n’est pas contre lui qu’elle doit s’énerver, elle ne devrait s’énerver contre personne d’ailleurs. “Si tu peux aider.” Elle se tourne un peu vers lui et arrête d’observer les tortues. “Changes de sujet, ou pose d’autres questions.” Elle secoue la tête en jouant avec sa bouteille d’eau. “J’ai pas envie de penser à Ginny ou à qui que ce soit d’autre.”

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Message(#)en forme de huit - Page 3 EmptyVen 8 Mai 2020 - 0:12

Je n'ai jamais écrit une liste de mes lieux européens préférés, parce qu'avec qui l'aurais-je partagée ? Je réfléchis donc à sa question, et j'en ai rapidement une dizaine qui me viennent en tête. L'idée est maintenant de les mettre en ordre, de les ranger par thèmes et fonctions, ou bien par architecture ; ou époque, tiens ; non, plutôt par zone géographique. Avant que je ne puisse décider d'un système de rangement, Jill m'arrête et change de question : en fait, juste trois monuments européens en-dehors de l'Angleterre. Trop facile. "Le Palais du Parlement, à Bucarest." Je sais que je devrais me retenir d'énoncer les anecdotes qui me viennent en tête, mais je n'y arrive pas. "L'architecte était une femme de trente-cinq ans. Le marbre venait de Transylvanie. Le projet a coûté 40% du PIB annuel pendant la construction." Et je soupire de soulagement. Voilà, c'est dit. "Les ruines de Delphe, en Grèce. La légende raconte qu'Apollon s'adressait aux mortels là-bas, à travers la prophète La Pythie." Je ne crois évidemment pas à la magie et aux dieux, mais j'aimais lire de la mythologie entre quatre et six ans, et je m'en souviens étonnamment bien. "L'Alcazar, de Séville. Tu vas tomber amoureuse de l'architecture et des jardins, mais n'oublie pas de lire le guide historique, aussi, c'est incroyable ce que ce lieu a vu comme batailles." Je sais qu'elle n'en fera rien, mais je peux toujours essayer.

"Est ce que t’aimerais ressentir plus d’émotions que ce que tu peux ressentir ?"

Il y a tant d'empathie et de curiosité dans cette question que je m'arrête un instant dans ma pseudo-visite de l'aquarium pour la dévisager. Il y a des décennies, Bailey m'interrogeait comme ça, parfois, pour essayer de me comprendre, mais ça fait longtemps qu'il a arrêté, et maintenant il n'y a plus que sa femme pour le faire - l'ironie du sort. Une fois ma surprise passée, je réfléchis. Je ne me suis jamais posé la question, et je n'ai pas de réponse toute faite, servie sous cloche d'argent. "Je suppose que ça pourrait être parfois intéressant d'éprouver le monde plutôt que de le réfléchir", je commence, en toute prudence. Mais des idées me viennent, déjà. "Par exemple, j'aimerais comprendre pourquoi des êtres humains qui ne vont manifestement pas ensemble s'obstinent à se mettre en couple, ou à le rester une fois qu'ils s'en sont rendus compte. J'aimerais aussi comprendre pourquoi tout le monde semble convaincu qu'il leur manque la moitié d'eux-mêmes tant qu'ils n'ont pas rencontré l'âme soeur ; je n'ai jamais eu l'impression de ne pas être entier. J'aimerais savoir ce que ça fait aussi, quand quelqu'un nous manque, et quand on est inquiets sans trop savoir pourquoi. Et cette propension des foules à lever leur visage vers le soleil, je conçois que ça n'a pas de sens rationnel, mais j'aimerais éprouver le même plaisir qu'eux à être juste assis ou allongé sous un astre." Oui, donc, tout compte fait, j'aimerais bien ressentir plus d'émotions que je ne le peux.

Au sujet de Ginny, Jill passe d'ailleurs par beaucoup d'émotions : la surprise, puis le mécontentement, une certaine dose de confusion et d'agressivité, et enfin elle s'arrête et demande à être distraite. Quinze idées me traversent l'esprit, et, au hasard, pressé par l'urgence, je choisis : "Qu'est-ce qui est préférable : la liberté de tous ou l'égalité de tous ?" Je me rends immédiatement compte que ce n'est probablement pas ce qu'elle entendait par un changement de sujet, et je lève la main pour lui demander d'attendre, je peux faire mieux, je peux trouver une conversation plus sociable. "Savais-tu que la montre à quartz est si précise qu'elle ne perd une seconde que tous les six ans ?" Je soupire et secoue la tête. "Je suis désolé, je suis très mauvais pour faire la conversation."

@Jill McGrath-Fitzgerald
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Message(#)en forme de huit - Page 3 EmptyVen 8 Mai 2020 - 0:52

Elle le voit qui réfléchit beaucoup, que son cerveau tourne à mille à l’heure quand elle lui parle d’architecture et de ses lieux préférés en Europe. Elle lui demande trois de ses lieux préférés, et elle n’attend pas longtemps avant qu’il ne se décide. Et il explique pleins de choses. “Donc il va falloir que je fasse le tour de l’Europe c’est ça ?” Et elle aimerait certainement le faire une nouvelle fois un jour. Et elle s’arrêterait pour regarder ses lieux préférés et se faire son propre avis. “T’as toujours aimé apprendre l’histoire de chaque lieu que t’as visité ?” Parce qu’il donne toujours des tas de détails, comme si il était le guide touristique de tous les plus beaux monuments du monde. “Je visiterai ces lieux un jour.” Et elle continue de marcher et de tourner en disant ça. Elle ne parle pas vraiment fort, un peu comme si elle se parlait à elle-même en réalité. Elle continuera de voyager, et de développer sa vie même si elle devient mère.

Elle pose une question surprenante Jill, sur les émotions qu’il voudrait/pourrait ressentir. Et elle ne s’attendait pas à une telle sincérité, à une telle explication. Et les sourcils de Jill se froncent quand elle se rend compte qu’il ne ressent presque rien en réalité. C’est aussi terrifiant que intrigant. Leur vision de la vie est tellement différente, mais Jill continue de se poser des tonnes et des tonnes de questions. “Tout le monde ne pense pas ça.” Jill déjà n’est pas en accord avec tous les exemples qu’il a pu donner. Elle n’a jamais cru en l’âme soeur, elle ne se laissera jamais aller dans une relation si ça ne marche plus… Mais quelques parties la font réfléchir un peu trop encore. Elle réfléchit beaucoup quand elle discute avec lui. “Donc personne ne t’a jamais manqué, tu t’inquiètes jamais ?” Et elle regarde devant elle, ce serait tellement plus simple d’être comme lui de temps à autre. “Tu ne peux pas le ressentir ou tu t’empêches de le ressentir ?”

Il emmène un sujet compliqué sans même le faire exprès. Il aurait pu l’utiliser contre elle, il aurait vraiment pu en parler pour la détruire. Mais il ne l’a pas fait, ils ont dit qu’ils ne le feraient pas. Alors elle ne peut pas déverser sa haine et sa frustration sur lui. Et elle lui demande de changer de sujet, de lui dire autre chose pour qu’elle ne pense plus à Ginny. Elle ne veut pas penser à elle une seconde de plus. Et la première question qu’il trouve la surprend tellement qu’elle se tourne vers lui, et elle ne peut s’empêcher de rire. Un vrai rire franc parce qu’elle s’attendait à tout sauf à ça. Il lève la main alors elle pose une main devant sa bouche et attend la suite. Peut-être qu’il trouvera mieux. Et il parle de montre et elle se mord la lèvre inférieure pour éviter de rire de nouveau. Il s’excuse de ne pas trouver de sujet, alors que Jill continue de se retenir de rire. Ca a fonctionné non ? Il lui a changé les idées. “La liberté sans hésitation.” Elle répond tout de même à sa question qui avait quelque chose de réellement intéressant. “Non je savais pas, je ne connaissais même pas les montres à quartz” mais qui d’autre que Sébastian et les horlogers peuvent savoir des trucs pareils ? “Je trouve pas.” ça fait déjà de longues minutes qu’ils discutent, peut-être de nombreuses heures, qu’ils discutent sans pouvoir s’arrêter.



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Message(#)en forme de huit - Page 3 EmptyVen 8 Mai 2020 - 1:26

"Bien sûr, c'est la meilleure formation pour tout architecte." Il y a aussi des merveilles ailleurs, ceci dit. Les pyramides égyptiennes et latino-américaines étaient importantes. Il y avait des palaces au Moyen-Orient qui avaient changé le monde. Jérusalem était une destination nécessaire aussi. Peut-être que les igloos pourraient l'inspirer. "En fait, un tour du monde serait mieux." Si elle me laissait planifier ce voyage, je pourrais mettre tous mes informateurs sur le sujet, et on ferait une liste en béton. Il faudrait qu'elle prenne des photos de chaque lieu, éventuellement, ou mieux : qu'elle les dessine tous. Mes yeux vont d'un côté et de l'autre tandis que je considère les possibilités, et finissent par tomber sur le ventre de Jill. Quelle idée, aussi, d'avoir un enfant - non, deux, deux - maintenant. Ou en général. Pollution, surconsommation, réchauffement climatique, crash financier, fin du monde, et si on avait un enfant ? "J'aime beaucoup les renaissances. Mon animal préféré, c'est le phénix." Mes yeux s'écarquillent. "Je sais que ce n'est pas un animal, je veux dire la créature. Le symbole. La perpétuelle renaissance." Je renonce. Elle voit ce que je veux dire. Espérons. "Les monuments ont les plus belles histoires de renaissances. Il leur arrive toutes sortes de choses et on les rebâtit, encore et encore."

Jill écoute ma réponse, plus longue que prévu, je dois dire, sur le spectre de mes émotions, et on pourrait croire que sa curiosité est rassasiée, mais pas du tout. Déjà, elle annule le mythe de l'âme soeur. "Ah, je note." (Note mentale : le mythe de l'âme soeur n'est pas universellement partagé.) Puis, elle pose d'autres questions. Cette femme est inlassable. "Non", je réponds, et je ne sais pas quoi rajouter, comment expliquer. Quand quelqu'un s'en va, la personne est partie, et je suis tout à mon présent, pas à contempler leur absence. Quand un problème survient, ce n'est qu'un rouage qu'il faut réparer, et donc je m'en occupe, je ne vois pas ce que l'inquiétude viendrait faire là-dedans. "Tu ne peux pas le ressentir ou tu t’empêches de le ressentir ?" Jill ferait une horlogère douée : elle descend de niveau en niveau pour trouver la source du fonctionnement. "Je ne sais pas. Je sais juste que je ne le ressens pas." Je n'ai jamais pris le temps d'aller en thérapie. Les résultats ne me semblent pas fondamentalement utiles. "Est-ce que tu éprouves des émotions tout le temps ? A chaque seconde ?" Puisqu'elle examine mes mécanismes, je peux faire de même avec les siens, j'imagine. "Souvent, je remarque que tu éprouves plusieurs émotions en même temps. Comment ça marche ? Est-ce que tu choisis de garder seulement celle que tu préfères ?" Nous sommes presque français, dans notre éducation sentimentale.

Parmi les tortues, Jill est fâchée, puis Jill rit, et je m'adapte. Je la regarde trouver tout ce que je dis très amusant. Ca me plaît. Dans une autre vie, peut-être que je dis ce que je pense sur scène, et que la foule s'esclaffe. Je pense que je n'aimerais pas beaucoup ça, ceci dit, ce serait de la moquerie, sans doute, alors que Jill ne se moque pas. Elle me trouve drôle. Elle choisit la liberté, et j'ai tant envie de ne pas répondre, mais il y a une faille dans cette réponse - et aussi dans l'autre ; c'est une question piège, car elle ne peut ouvrir que des débats, et elle ne doit jamais trouver de conclusion. "La liberté absolue permet tous les crimes. Ce n'est pas parce que la peine de mort et le meurtre sont interdits qu'ils n'ont pas lieu pour autant." J'imagine Bailey lever les yeux au ciel, et j'ajoute : "Mais l'égalité absolue empêche toute différenciation, et donc impose une renonciation à la créativité et à l'avènement du progrès et de l'art." Bon. Si maintenant elle veut partir de l'aquarium, je ne peux que comprendre. Mais pas avant d'expliquer les montres à quartz ! "Pierre Curie, l'époux de Marie Curie", je la regarde pour vérifier qu'elle sait qui est Marie Curie, elle sait, je continue, "et son frère Jacques ont découvert l'effet piézoélectrique. C'est la capacité d’un corps à se polariser sous une contrainte mécanique et de se déformer sous l’action d’une charge électrique. Et figure-toi que le quartz possède cette capacité !" Ca explique tout. J'espère que ça explique tout. "Tu comprends ?"

Ma conclusion principale est que mes talents de conversation sont minables. Pour une raison inexplicable, ce n'est pas celle de Jill. "Donc là, tu es heureuse de parler avec moi ?" Je demande pour l'éducation sentimentale, pas pour qu'elle me confirme si oui ou non elle apprécie ma compagnie au point d'en éprouver une émotion positive.

@Jill McGrath-Fitzgerald
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Message(#)en forme de huit - Page 3 EmptyVen 8 Mai 2020 - 2:23

”Je suis pas encore architecte.” Et ça, c’est un détail assez important qu’il ne faut pas oublier. Elle n’a rien fait encore, elle a tout devant elle, et elle le sait que ça va être compliqué. Long et très compliqué. Mais les visites seraient sûrement la meilleure chose à faire pour être capable de s’instruire encore un peu plus. “Oh et t’as une liste de choses à faire avec ton tour du monde imaginaire ?” Parce qu’il continue de réfléchir. Il réfléchit quand elle le lance sur des sujets qui l’intéresse beaucoup, et l’architecture est quelque chose qu’il aime. Elle sourit, elle aurait pu le faire ça, si elle avait fait son tour du monde bien plus tard. Mais elle aura peut-être l’occasion de le refaire, bientôt, dans quelques années. Elle est jeune encore. Elle garde espoir, elle ne sera pas une de ces mères au foyer qui ne fait rien d’autre que s’occuper de ses enfants et penser à sa vie d’avant. Elle ne peut pas être comme ça, elle n’y survivrait pas. Il explique, encore et toujours, avec une tonne de détails. “Je vois ce que tu veux dire.” Et cette histoire lui rappelle celles qu’il lui avait raconté à Londres. “C’est vraiment tes monuments préférés ceux de Londres ?” Il y en a tellement dans le monde.

“Enfin, moi je pense pas comme ça. Mais je ne connais pas les avis du monde entier.”
Elle hoche la tête, il y a tellement de gens qui ne vivent que pour ça. “Ca doit être bien plus simple.” Parce qu’il n’a pas à réellement se soucier du monde qui l’entoure. Il n’a rien qui l’encombre, aucun sentiment, aucun manque. C’est triste, mais tellement moins compliqué. Et lui aussi pose des questions, assez perturbantes d’ailleurs. Jill n’a jamais réfléchi à ce genre de choses. “Je ne pense pas.” Ce serait compliqué de ressentir toujours une émotion. “Mais je pense pas être une bonne référence.” Elle fronce les sourcils. Sa deuxième question est compliquée, c’est vraiment difficile de répondre. “Je peux pas choisir. Je pense que c’est surtout les mauvaises émotions qui prennent le dessus si il y en a plusieurs.” Elle essaie vraiment de réfléchir à ce genre de situations. “Je pense qu’on ressent plus facilement la jalousie, l’angoisse, la peur que les bons sentiments. Les bonnes émotions marquent moins que les mauvaises. Mais je pense que c’est difficile de ressentir plusieurs choses en même temps.” Elle n’est peut-être pas clair, mais elle essaie comme elle le peut.

Il l’aide vraiment à mettre de côté le sujet de Ginny enceinte, sujet auquel elle repensera le soir même. “Tu n’as pas dit la liberté absolue.” Et elle penche la tête sur le côté. C’est le genre de conversation, de débat qui n’a pas de fin. Parce qu’il y a toujours des gens pour penser ou vouloir l’inverse. “Le pire des deux serait l’égalité absolue pour tous on va dire alors. Ce n’est que mon point de vue.” Et c’est possible qu’il en ait un bien différent de nouveau. “Et si justement c’était toutes les règles présentent qui donnaient aux gens l’envie de les transgresser.” Et si ils continuent comme ça ils peuvent ne jamais sortir de cet aquarium. Et il se met à parler des montres à quartz, il a changé de sujet, et il continue de discuter. Il est passionné, et, même si elle n’a jamais été passionné par les monstres elle l’écoute. “C’est compliqué à comprendre.” Elle continue de sourire en croisant son regard, ce n’est pas en une soirée qu’elle pourra réellement comprendre ce qu’il peut bien se passer à l’intérieur d’une montre. “Mais tu l’expliques bien.” Il y met de l’énergie en tout cas.

Elle lève les yeux au ciel, pourquoi il pose la question ? “Si j’avais pas envie d’être là je serais pas restée.” Jill ne reste pas si elle n’en a pas envie ou si elle s’ennuie. Et elle ne s’ennuie absolument pas. “Oui j’aime bien discuter.” Parce qu’elle n’avait pas vraiment répondu à la question.



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Message(#)en forme de huit - Page 3 EmptyVen 8 Mai 2020 - 2:50

"Pas encore", je répète, et les mots ont une toute autre signification dans ma bouche que dans la sienne. "J'ai des idées, oui. Mais me connaissant, je passerais des semaines à éplucher les guides de voyage, jusqu'à avoir des itinéraires d'une précision qui t'exaspèrerait." C'est réconfortant, quelque part, de réaliser à voix haute, ensemble, toutes les différences fondamentales entre nous, tout ce qui fait qu'elle aurait probablement voulu me fuir si nous avions été plus proches à travers les années. C'est plus simple, pour moi, de me dire qu'elle m'apprécie à petite dose, quelques heures dans des décors exotiques, puis rien pendant des mois. Autrement, elle finirait par s'ennuyer de ma régularité routinière, de mon amour de la rigueur et la discipline. A peine ai-je le temps de me dire tout cela, de faire ma paix, qu'elle évoque les monuments de Londres, et je soupire et je souris, car toute ma muraille s'effondre, pierre à pierre. "C'est chez moi. J'accorde une grande importance à la maison, aux racines." J'aurais fait un très bon père au foyer - et ç'aurait soulagé des centaines de personnes, qui auraient cru que je les laisserais tranquille. Il me suffit d'Internet et de réseau téléphonique pour faire marcher mon règne de la terreur.

Je hausse les épaules : je ne sais pas si c'est simple ou pas de ne pas avoir toutes ces émotions qui habitent les autres ; je n'ai jamais eu d'autre expérience de la réalité. "Pourquoi tu n'es pas une bonne référence ?" Elle explique la prédominance des sentiments négatifs, et je comprends pourquoi elle aimerait être débarrassée de ses ressentis, pourquoi elle envie mon vécu. Si la peur l'emporte sur la joie, qui voudrait avoir un coeur aussi grand que le sien ? "J'aimerais qu'on puisse échanger pendant une journée." Peut-être qu'alors j'observais les tortues avec émerveillement. Peut-être que je serais envahi d'inquiétude. Peut-être même que je serais confus.

Jill choisit de poursuivre le débat de la liberté ou l'égalité, et je souris face à ses réponses. "Certes", et je reconnais que l'absolu que je sous-entendais n'allait pas de soi. Elle choisit la liberté de nouveau, et propose que les règles sont le problème. Elle doit avoir une grande foi en l'humanité pour mettre la responsabilité du côté des contraintes et non des pulsions. "Tu aimes lire ? J'ai des essais de philosophie que j'aimerais tant te prêter pour qu'on en puisse parler après." Je peux en débattre autant que veux avec mes amis de la haute, qui ont tout lu, tout vu, tout vécu, mais l'ennui avec eux, c'est que nous avons les mêmes opinions sur les valeurs et la façon de diriger le monde efficacement. Jill m'offrira toujours des réparties que je n'attends pas et des approches qui me feront réfléchir. Et puis, elle écoute mes explications sur les montres, et ça, personne d'autre ne le ferait (un jour, j'ai essayé avec un ami à Londres, et son regard était vide, il avait déserté son corps pour penser à autre chose ; je ne peux même pas lui en vouloir, j'aurais fait pareil s'il m'avait parlé de sa passion : l'apiculture).

Lorsque je lui demande si elle est heureuse ici, maintenant, elle feinte autour de la question, et je la regarde faire sa pirouette. "Tu sais que ce n'est pas ce que je demandais." Je ne réitère pas ma question, cependant. Je sais qu'elle ne peut pas vraiment y répondre. "Que vas-tu faire du reste de ta journée, Jill McGrath ?" Puisqu'elle fuit son domicile conjugal, qu'elle ne parle pas à sa soeur, que j'ai envahi sa cachette à l'aquarium, et qu'elle ne peut pas boire d'alcool ou se droguer à cause de la grossesse, quel peut bien être le reste de son programme ? "Tu veux visiter ma splendide demeure ?" Je tourne les yeux vers elle rapidement, afin de préciser : "Ce n'est pas une proposition indécente. J'étais sérieux, tout à l'heure." Quand je disais que le sexe ne m'intéresse pas. Ceci dit, j'étais sérieux aussi quand je disais que certains contacts me plaisent. "Ou une prochaine fois", j'ajoute, avant d'enfin me taire.

@Jill McGrath-Fitzgerald
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Message(#)en forme de huit - Page 3 EmptyVen 8 Mai 2020 - 3:26

Il a tellement confiance en ses capacités que ça lui fait chaud au coeur. Elle hoche la tête, pas encore. Mais ça arrivera un jour, il en est bien plus persuadé qu’elle, mais elle y croit un peu aussi. “Tu crois vraiment ?” Elle n’est jamais partie avec un plan ou un itinéraire Jill. Elle a toujours laissé faire le feeling et ses envies. C’est le plus important non ? Mais imaginer Sébastian faire tout un programme juste pour qu’elle puisse visiter tous ses monuments préférés ça la fait rire. Il accorde une importance au chez lui, comme Jill en réalité. Ils n’ont juste pas le même chez eux. Jill c’est Brisbane, lui c’est Londres. Mais elle le comprend. “C’est toujours bien d’avoir un chez soi, un endroit où on sait qu’on peut revenir après avoir voyagé.” Et c’est ce qu’elle a toujours fait Jill. Elle est toujours revenue en Australie.

“Parce que j’ai pendant un temps bien réussi à annihiler tout ce que je pouvais ressentir.” Ou du moins à essayer de tout cacher au plus profond de son esprit. Et on ne peut pas dire qu’elle soit la personne qui gère le mieux ses émotions. “Enfin tout le monde n’est pas comme moi” et elle parle en partie de sa maladie qui ne l’aide pas à gérer correctement ce qu’il peut se passer dans sa tête. Ils sont encore aux antipodes l’un de l’autre sur ce point, et pourtant, ils essaient de s’expliquer comme ils fonctionnent. C’est intéressant, déroutant aussi parfois, de voir à quel point ce qui se passe dans la tête d’une autre personne peut être différent. “Ce serait original.” Et pendant une journée elle atteindrait l’objectif qu’elle a tenté d’atteindre pendant de nombreuses années.

Les questions sorties de nulle part la font rire, elles l’aident à oublier aussi. Et elle n’attendait que ça pas vrai ? Alors elle en profite tant qu’elle le peut. Tant qu’il ne décide pas de s’enfuir parce qu’il a peur ou parce qu’il a passé trop de temps avec une autre personne. Elle hoche la tête, il lui arrive de lire de temps à autre. Et pourquoi pas essayer les livres de Sébastian, après tout, même si ils ne lui plaisent pas, elle pourra toujours le lui dire. Elle exprimait toujours son point de vue, sa façon de penser et lui aussi. C’est pour ça qu’ils pouvaient passer des heures à discuter sans jamais s’arrêter. "Si t'as pas peur que j'ai de meilleurs arguments que toi je veux bien."

Il pose une question qu’elle évite, bien sûr qu’elle l’évite. Elle évite souvent les questions de Sébastian, surtout quand il pose celles là. “Je sais.” Mais elle ne dit rien de plus, elle continue d’observer les bassins en restant assise sur le banc. “Tu as un programme Sébastian Fitzgerald ?” Il avait toujours un programme. Pour tout, et n’importe quand. La dernière question est surprenante, et elle ouvre un peu la bouche sans rien dire Jill. Elle attend, de savoir si il change d’avis ou non. Il peut toujours changer d’avis. “Tu veux me montrer tes livres.” Il parle d’une prochaine fois et elle balaie l’idée d’un revers de main. Elle a dit qu’elle voulait se changer les idées pas vrai ? “T’habites loin ?”



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Message(#)en forme de huit - Page 3 EmptySam 9 Mai 2020 - 1:24

"Je crois vraiment." J'aurais rétorqué à toute autre personne qu'un tel manque de confiance en leurs propres capacités allait les mener droit dans le mur, et bien fait pour eux. Mais à Jill, je ne fais que réitérer ma foi dans ses capacités. Et nous parlons de foyer, et je sens que le mien est si loin. Les lieux où l'on revient après avoir voyagé ne sont pas les mêmes pour elle et moi. C'est ici, ses racines. C'est là-bas, les miennes. C'est plus simple, plus confortable, d'explorer comment nous éprouvons le monde, alors, de se prêter l'un à l'autre des lunettes de vue à correction différente. "Tu ne le faisais pas si bien que ça, je trouve", annihiler ses émotions, elle restait tellement vivante même lorsqu'elle était au plus bas, et que je l'ai vue, à l'hôpital, défaite, même lorsqu'elle était au plus haut du high, dans des fêtes où je soupirais de la voir se comporter comme une autre personne, comme si elle n'était pas là ; mais tout ça venait d'une colère, d'une tristesse, d'une peur, tout ça restait motivé par des émotions. "Je connais peu de gens qui ressentent leurs émotions avec autant d'honnêteté que toi sans devenir amers ou méfiants." Certains portent des masques, d'autres ne jurent que par l'impulsivité animale. Jill a une candeur qui équilibre ses deux natures, à la fois révolutionnaire festive et empathe bienveillante. Tout le monde n'est pas comme elle, effectivement.

Elle accepte ma proposition, et j'ai l'impression qu'après une entente, nous signons l'ouverture d'un club de lecture. Bien sûr, mes pensées s'orientent immédiatement sur une liste. Descartes, éventuellement, mais pas primordial. Sartre, peut-être, ça lui plairait, Beauvoir aussi. Berkeley la ferait rire. Kant finirait par l'intéresser, mais c'était trop tôt et trop rude. Elle prendrait les Platon pour des comédies. Hume ! Hume et ses recherches sur le bonheur. Il a écrit quatre essais qui résument différentes façons de concevoir le bonheur, et je sais que ça lui plaira de considérer les arguments de chacune et d'en débattre - d'autant que, infailliblement, nous aurons des opinions différentes sur ce thème. "Je n'ai pas peur", je réponds avec retard, lorsque mes pensées enfin se taisent et me rejoignent à l'aquarium.

Comme à chaque fois qu'on se voit, peu souvent, mais c'en est presque devenu une tradition maintenant, Jill prononce mon nom complet. Pourtant, je parviens à la surprendre avec ma proposition de programme. Je me surprends à espérer qu'elle refuse, soudain, mais je ne dis rien, je n'enlève ni n'ajoute. "Tu veux me montrer des livres", elle affirme, elle ne demande pas, et je hausse les épaules. Ce n'est ni vrai, ni faux, c'est une partie de ce dont j'ai envie. "T'habites loin ?" Je la regarde en silence pendant trop de secondes à la suite, parce que mes neurones sont à nouveau en cavale. La maison est propre. La maison est vide. Jill dans la maison. Jill et moi dans la maison. Bailey. Bailey n'est pas dans la maison. Jill est dans la maison. Montrer les livres. Les bibliothèques sont dans ma chambre, mais j'en sortirai les ouvrages qui m'intéressent et les apporterai dans le salon. Je peux lui offrir du thé. J'ai du lait. J'ai du sucre. J'ai du miel. Peut-être qu'une tisane serait mieux. Pas la même qu'à Ginny. Je serai dans la cuisine, elle sera dans le salon. Elle regardera les livres. Elle posera des questions. Je ferai du thé. "A trente minutes en voiture. C'est pour ça que je suis arrivé avec un peu de retard." Je dis ça comme si nous nous étions donné rendez-vous. "Je peux appeler un taxi." Et je me rends compte que je n'ai pas bougé, que mes pieds sont fermement ancrés sur une zone spécifique du sol. Je ne sais pas qui j'essaye de rassurer en restant si calme, elle ou moi.

Si elle confirme, j'appellerai un taxi et nous serons bientôt chez moi.
Si elle refuse, j'appellerai un taxi et je serai bientôt chez moi.
Dans les deux cas, bientôt j'aurai une tasse de thé dans ma main, donc tout ira bien. Je suis anglais, après tout.

@Jill McGrath-Fitzgerald
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Message(#)en forme de huit - Page 3 EmptySam 9 Mai 2020 - 1:56

"Crois moi  je suis capable de cacher tout un tas d'émotions." ils pratiquent tous ca les McGrath. Les masques. Même si c'est celle qui se cache le moins, elle arrive à le faire. Elle n'aurait jamais pu en exprimant tout ce qui se passait dans sa tête. Ils se sont pas mal fréquentés quand Jill habitait encore à Londres. Ils ne se voyaient que très rarement à deux, mais ils passaient des soirées dans la même pièce quand leurs familles étaient réunies. Et elle peut être très différente Jill, selon les personnes et les occasions, elle a des tonnes de facettes aussi complexes les unes que les autres. "Et c'est bien tu crois ?" Elle ne changera pas, mais elle peut toujours lui demander son avis. "Je peux très bien-être amère et méfiante." Mais pas avec lui. 


Il réfléchit pendant de longues minutes  et Jill le laisse faire. Il doit être en train d'établir une liste de livre à lire longue comme le bras. Elle sourit un peu et en profite pour se concentrer sur les tortues, pour continuer de jouer avec son carnet de dessin. "Tu devrais peut-être." elle ouvre de grands yeux faussement étonnés. Et elle sourit lui laissant le temps de traîner dans ses pensées tant qu'il en a encore besoin. 


Il propose d'aller chez lui. Et Jill ne refuse pas. Elle n'a plus envie d'être seule, elle a envie de discuter  de tout et de rien. Elle n'a pas envie de voir Ginny, elle n'a pas envie de voir Bailey non plus. Alors elle ne refuse pas. Mais elle voit dans ses yeux qu'il ne s'attendait pas à ça. "En retard ?" comment il pouvait être en retard à un rendez-vous qui n'était pas prévu. "A moins que tu veuilles qu'on y aille à pied." bien évidemment que non, elle n'ira pas à pied. Mais elle ira. Ce ne sont que des livres après tout, juste l'occasion de continuer de parler pendant quelques heures encore. "Personne t'oblige à m'inviter."  il peut revenir sur sa décision si il n'est pas sûr de vouloir laisser quelqu'un entrer chez lui. "tu peux revenir sur la proposition." et elle pouffe de rire. Elle a dit oui, il ne s'attendait pas à ça, et il a l'air perturbé. Alors il n'est pas obligé, il n'est obligé de rien. Mais Jill se lève en tenant sa bouteille d'eau et son carnet dans chaque main. 



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