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 dans des toiles de rosée

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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyDim 10 Mai 2020 - 20:34

Elle est peut-être puriste pour les dessin. Elle hoche la tête, ce n'était pas une question. Plutôt une pensée qu'il a laissé échapper à voix haute alors elle ne rajoute rien. Elle joue avec ses mains et sa tasse. "Donc tu vas devoir vérifier mes listes ?" il n'aura pas à vérifier ses listes puisque c'est lui qui va les faire. Elle ne tiendra pas une liste Jill, elle le sait et lui aussi. Alors ce ne sont que des questions théoriques. Parce que ça l'amuse de voir à quel point il peut prendre à cœur des sujets qui semblent aussi anodins qu'une liste. "Donc tu vois que tu peux t'adapter aux choses désorganisées."   et elle sourit encore une fois parce qu'elle le cherche. Il lui parle de surprises et elle lui répond sincèrement, alors bien évidemment c'est désorganisé et il fait la remarque et elle lève encore une fois les yeux au ciel. "Et ca t'étonne ?" elle hausse un sourcil, il le sait à quel point sur ce point là ils sont différents. 


Elle se lève et part à l'exploration de la maison. Maison pas si grande que ça finalement. Tout est parfaitement rangé, rien ne dépasse dans une seule pièce. Sauf dans sa chambre à lui. Elle est entrée sans demander la permission, et qui ça étonne. Mais il ne râle même pas Sebastian, il a l'air choqué et perturbé, mais il ne dit trop rien. Une menace voilée, et elle capte son regard pour qu'il comprenne qu'elle ne dira rien. "J'ai entendu que tu cassais quelque chose." et c'est forcément la théière qu'il était parti remplir dans la cuisine. Elle a tenté de changer de sujet pour pouvoir continuer son exploration, sans rien toucher évidemment, mais il est perdu dans sa tête. Il en faut peu pour qu'il se perde. Il essaie de lui faire confiance. "Tu peux, j'ai jamais rien dit pour Londres." personne n'a jamais su qu'ils s'étaient vus pendant cette soirée, il n'a jamais rien dit et elle non plus. Alors ils peuvent se faire confiance pas vrai ? Il se rapproche et elle ne recule pas, elle croise les bras sur sa poitrine en l'écoutant parler. Il parle de parfum et elle continue de le regarder, étonnée par sa remarque. "Je mets pas de parfum, ça doit être mes cheveux." parce qu'effectivement le parfum lui donne des hauts le cœur. Mais elle fronce les sourcils, il n'a même pas essayé de la virer de cette chambre. "Pourquoi c'est la seule pièce comme ça ?" la seule pièce qui ne ressemble pas à une page de magazine de meuble sans aucune âme. Et elle tourne un peu les yeux, le parquet, les livres, les lampes, le lit, elle a l'impression d'être dans une autre maison. Et elle se tourne vers la bibliothèque immense. "T'as combien de livres ?" elle sait qu'il connait le nombre exact des objets posés dans sa maison. 



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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyDim 10 Mai 2020 - 21:37

"Je les corrigerai au fur et à mesure", et par là, j'entends que j'ajouterai des précisions. J'aurai probablement des questions à chaque fois qu'elle suggérera une idée, car elle y mettra tout le flou dans lequel elle vit, et je voudrai polir le diamant brut à chaque fois. On ne se refait pas, ni l'un, ni l'autre ; on apprend juste à coexister. "Je m'adapte à tout", je réfléchis, "sauf, peut-être, à l'Amazonie." J'aurais l'air d'un enfant terrifié au milieu de la forêt tropicale, dans une combinaison d'astronaute, à regarder les moustiques et serpents comme les porteurs de poison qu'ils sont. Les expéditions naturelles sont une vaste plaisanterie dont je ne comprends pas l'humour. "A chaque fois", je confirme. Je ne pense pas que je réussirai à m'habituer un jour aux façons d'être de Jill, car elles diffèrent tant des miennes - sauf l'honnêteté et la curiosité, où nous nous retrouvons en tout point.

Raison pour laquelle, probablement, elle se tient peu après dans ma chambre, le regard baladeur sur ce lieu où personne d'autre que moi n'a mis les pieds jusqu'ici. "La théière est tombée", et à ma formulation, on dirait qu'elle l'a faite toute seule. "Plus que quatre." J'ai bien fait d'en apporter d'autres, finalement, mais j'avais tort sur qui serait l'ennemi principal de ma vaisselle. "Tu peux, j'ai jamais rien dit pour Londres." Ben, voyons, parlons de Londres en étant seuls, tous les deux, dans ma chambre. Ca me semble être une brillante idée pour maintenir les distances de sécurité que nous devons nous imposer. Distance de sécurité que je brise immédiatement en nous rapprochant d'un pas. Je ne vais pas faire de commentaire sur son shampoing, car on friserait les dialogues de telenovelas. Je me contente d'acquiescer, comme si c'était une information majeure (c'en est une, et elle est notée). "Parce que je ne fais confiance à personne et qu'il y a mille indices sur qui je suis, ici." Et d'habitude, mes invités ne se baladent pas chez moi pendant que je fais bouillir de l'eau. "Sept cent quatre-vingt-deux." Mes yeux se tournent enfin vers la bibliothèque.

J'envisage de faire un pas vers la gauche, mais réalise que ça va être plus compliqué que prévu. La droite ? L'arrière ? L'avant ? Rien. Très bien. Je n'ai pas besoin de me déplacer, de toute façon. "Tu peux toucher ceux qui n'ont pas l'air extrêmement anciens." Peut-être que ça la convaincra de se déplacer vers la bibliothèque, et que je serai libéré de l'énergie magnétique évidente qui émane d'elle. "Tu as des auteurs préférés ? De préférence, anglais, mais au stade où on en est, j'accepterai même des livres de cuisine." Ce n'est pas une plaisanterie. Ma bibliothèque est remplie de non-fiction : histoire, philosophie, sociologie, anthropologie, même quelques rares volumes de psychologie, et puis évidemment médecine, physique, chimie, botanique, économie, météorologie (les restes d'une phase douteuse de mon existence), communication, finance, et droit. Le monde particulier de mon cerveau.

@Jill McGrath-Fitzgerald
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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyDim 10 Mai 2020 - 22:15

"J'ai l'impression que tu parles d'une enfant" elle roule des yeux, parce qu'elle sait qu'il corrigera quoi qu'elle décide de lui envoyer. Alors elle laisse faire en riant, il trouvera sûrement les listes qu'elle peut créer affreuses et désorganisées. "Tu peux pas savoir tant que tu y es pas allé." Elle est sérieuse, il pourrait découvrir des tas de choses sur lui en faisant ce genre de choses. "C'est vraiment beau là-bas. " elle hoche la tête et sourit en peu en se rappelant de ce qu'elle y a vu. "J'ai fait pleins de dessins."  qu'il verra peut-être un jour si il veut toujours voir la collection, ou si la collection n'a pas été noyé entre temps. Elle le surprend à chaque fois, et elle reste interdite quelques secondes, comment c'est possible. "Comment je peux te surprendre alors que t'es censé connaître tout sur tout le monde ?" c'est connu. Sebastian Fitzgerald sait toujours tout, et il n'aime pas les surprises. 


Sa chambre est grande, et bien plus remplie que ce qu'elle aurait pu imaginer. Elle observe les détails, cet endroit qui semble excentré de la maison  excentré de l'Australie même. "Pourquoi tu l'as lâché ?" parce que la théière n'aura pas sauté de ses mains seule. "C'est mieux les chiffres pairs." et elle sourit avant de se tourner vers lui. Il ne se détend pas, mais ne lui demande pas de sortir. C'est étrange, elle ne s'attendait pas à cette réaction. Il ne lui fait pas pleinement confiance  pourtant il devrait. Elle n'a jamais trahis leurs secrets. Elle fronce les sourcils mais le laisse parler. "Comme quoi ?" elle sonde son regard alors qu'elle cherche ce qu'il peut bien y avoir d'aussi important dans cette chambre. Sa bouche s'ouvre un peu plus quand il donne le nombre de livres. La chambre en est remplie, et c'est beau les bibliothèques. "Tu les as tous lu ?"  


Elle ne bouge pas, lui non plus. Ses yeux restent rivés sur les livres, elle ne saurait même pas par quoi commencer. "Oh même sans gants ?" elle est presque étonnée. Elle aurait vraiment le droit d'aller toucher des livres ? Il sait pourtant qu'elle ne rangerait pas comme il le veut lui. "Tu peux être sûr que si je m'approche de cette bibliothèque le premier livre que je vais attraper ça risque d'être le plus cher." parce qu'elle ne saurait pas reconnaître un vieux livre. Mais elle se rapproche un peu des livres, juste d'un pas pour pouvoir lire un peu mieux les titres. "Des auteurs anglais…"   elle cherche quelques secondes avant de sourire. C'est assez cliché. "Instinctivement j'aurais dit Dickens, ou Jane Austen. Mais c'est plutôt connu." elle n'a pas de nom de philosophe. "J'ai rarement lu ce genre de livre." elle sourit en pointant du doigt la bibliothèque de Sebastian. 




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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyLun 11 Mai 2020 - 0:18

"Beaucoup nous trouvent puérils, toi et moi." Moi parce que je fais la guerre, elle parce qu'elle est imprévisible. Ils mettent ma façon de jouer avec les vies humaines et sa façon de ne jamais être là où on l'attend sur le compte d'une infantilisation tardive, et ça ne me dérange pas ; on dit bien pire sur moi. "Est-ce que tu penses que tu apprécierais d'être poignardée soixante-dix fois ?" Je laisse un silence d'une seconde, avant d'ajouter : "Tu ne peux pas savoir, tu n'as jamais essayé." Voilà à peu près l'idée que je me fais d'une expédition en pleine nature tropicale. "Je serai ravi de voir ce que tu y as dessiné, ceci dit. Depuis le confort et la sécurité d'une ville." Je suis invincible face à des humains, mais une poussière face à des forces plus instinctives et naturelles. "Comment je peux te surprendre alors que t'es censé connaître tout sur tout le monde ?" Je souris, enfin. "Là est toute la question." Que je ne cesserai de me poser jusqu'à ce que ses habitudes et réactions soient devenues prévisibles pour moi.

Jill devine apparemment ce qui est arrivé à la théière, et j'aimerais recourir au mensonge, mais c'est une question de principes. "Parce que j'ai compris que tu étais dans ma chambre. J'étais... surpris." Chiffres pairs ou impairs, le fait est qu'il y en a une de moins, et je me sens plus loin de l'Angleterre que jamais. Une tasse aux mains du McGrath-Williams et une théière à cause de la McGrath-Fitzgerald ; vous voyez bien qu'il y a un point commun à tous les problèmes dans ma vie, et je repense au jour où j'ai conseillé à Bailey d'épouser Ginny, et à tous les ennuis qu'on aurait évités si je l'avais défendu auprès de notre père. Il n'y aurait personne dans ma chambre. Je n'habiterais pas ici, d'ailleurs. Je n'aurais donc pas apporté cinq théières. Je n'en aurais qu'une, celle qui est à Londres. J'ai presque le vertige tellement c'est un univers parallèle qui se déploie sous mes yeux.

Jill demande un exemple de ce qui est révélateur dans ma chambre. "Toute information peut être utilisée si on sait la manier. Mais je sais que tu n'aimes pas que je parle de ce que je fais." Je ne tiens pas à l'indisposer avec la façon dont je manipule la moindre donnée pour la transformer en une arme de destruction massive. "J'ai lu des chapitres de tous les livres, oui, mais pas tous dans leur ensemble. J'ai des questions ciblées, et ils m'apportent les réponses que je cherche." J'espère qu'elle ne va pas répondre que Google, ou pire, Wikipédia, seraient plus efficaces.

Si aucun des deux ne met fin à cette proximité, le monde tel qu'il existe risquera d'être transformé à jamais ; je dis ça sans intention mélodramatique : c'est un fait. "Même sans gants", et je grimace, mais la priorité est qu'elle se déplace, donc admettons. Je pourrai toujours l'empêcher de toucher les livres importants après. "Les livres à tranche brune sont ceux que tu veux éviter, alors, pour faire simple. Les autres couleurs sont des éditions contemporaines." J'ai le pressentiment qu'elle va ignorer toute instruction, de toute façon. Elle fait un pas, et je prends une profonde inspiration. Combien de temps encore va-t-elle rester dans ma chambre ? Je ne sais pas, mais déjà je peux me déplacer de nouveau. Je m'approche de la bibliothèque, mais en diagonale, pour mettre au point un pas supplémentaire de distance entre nous.

Dickens. Jane Austen. Je me demande si Bailey lui a raconté. Ce sont précisément ces auteurs que je lui ai cités le jour où je lui ai conseillé d'épouser Ginny. Les deux univers parallèles existent de nouveau. Un troisième vient s'ajouter : celui où en 2014, à Londres, je serais retourné voir Jill pour l'inviter à dîner de nouveau. Et un quatrième. Et un cinquième. "Dickens et Austen étaient mes auteurs préférés quand j'étais enfant." Dès l'adolescence, la non-fiction a pris le dessus. "Si tu vois un livre qui te plaît, tu peux... l'emprunter." Je lève les yeux au ciel. Je n'ai aucune envie qu'un de ces livres sorte de chez moi. "Je créerai une liste pour que tu n'oublies pas de les ramener." Formidable, je passe au pluriel maintenant, ce sont plusieurs livres maintenant. Quel cauchemar.

Dans l'univers parallèle n°2, je serais en train de mortellement m'ennuyer à Londres, à un concert d'un artiste où Bailey aurait dû aller, mais il aurait été trop ivre pour s'y rendre et m'aurait demandé de le remplacer. Jill, en plein tour du monde, serait dans le public, parce qu'elle aimerait ce musicien, et je lui dirais que je ne comprends rien à ses paroles, et elle me l'expliquerait. Puis, on irait boire un verre, et un jour elle viendrait chez moi, et elle découvrirait ma bibliothèque. Oui, fondamentalement, quel que soit l'univers parallèle, nous nous retrouverions, à un moment donné, dans ma chambre, devant mes livres. Je souris, perdu, et réalise qu'elle m'a posé une question, car elle me regarde. "Pardon ?"

@Jill McGrath-Fitzgerald


Dernière édition par Sebastian Fitzgerald le Lun 11 Mai 2020 - 3:17, édité 1 fois
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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyLun 11 Mai 2020 - 1:09

"Je pense qu'on me trouvera puéril jusqu'à la fin de mes jours."   ce n'est pas une fin en soi. Jill ne s'intéresse pas à ce que les gens pense d'elle. Alors elle laisse couler, elle laisse parler, et elle fait ce dont elle a envie. La comparaison la fait tousser légèrement et elle ouvre de grands yeux étonnés. C'est bizarre de comparer l'Amazonie à un meurtre. "Effectivement vu comme ça." elle s'enfonce de nouveau dans le canapé en le regardant un peu en coin, il a des idées bizarres des fois. Mais elle finit par rire en secouant la tête. "Un jour…"   il a demandé à voir ses dessins, elle le laissera voir un jour. Peut-être que ce sera prévu, peut-être pas. Mais il les verra. "Tu pourras toujours les regarder dans la partie Amazonie du sea world pour te mettre dans l'ambiance." elle s'amuse beaucoup de son presque dégoût pour cet aquarium. Ses réponses sont vagues, lui aussi sait éviter certaines réponses. "Tu sauras peut-être un jour." mais elle est imprévisible depuis toujours Jill, et ça sera sûrement le cas pour un long moment encore. Peut-être qu'il ne s'habituera jamais.

"Tu te doutais pas que j'allais visiter ?" il ne l'a pas fait alors Jill l'a fait elle-même. Et elle l'a encore étonné, comme toutes les 5 minutes apparemment. Elle demande ce qui peut autant le trahir dans cette chambre pour que personne n'ait jamais pu la voir. Personne sauf Jill. "Donc tu diras rien de peur sur je puisse l'utiliser contre toi ou tu ne la montres à personne parce que tu caches toutes les informations que tu as sur les gens ici ?"   elle ne s'arrête pas de poser des questions. Et quand il ne veut pas vraiment répondre elle cherche dans ses yeux. "Comment tu fais pour savoir où chercher ?" il y a tellement de livres, et par conséquent pleins de chapitres. Elle se sent minuscule face à cette collection. Elle est autorisée à s'approcher des livres, elle se demande pourquoi avant de faire un pays de plus vers la bibliothèque. Pas qui débloque apparemment les pieds de Sebastian puisqu'il bouge lui aussi. Elle observe, et bien évidemment elle meurt d’envie de toujours les livres avec une couverture plus brunes que les autres. “Tu les lis uniquement si ils te sont utiles ?” Est ce que la seule chose qu’il a pour se changer les idées c’est les montres ? Elle observe et laisse courir ses doigts sur plusieurs livres à la fois sans en sortir aucun. Il doit lui faire une liste non ?

Elle se tourne vers lui pour savoir si il est vraiment sérieux. “Tu les lis toujours ?” Parce que ça peut lui arriver à Jill de rouvrir un de ces bouquins juste pour le plaisir. Il ne dit pas ça pour la faire marcher, il n’utilise pas le ton de la plaisanterie là, alors elle ne le regarde pas Jill, elle continue de chercher des livres qu’elle aurait déjà lu. Elle peut emprunter un livre, même des livres apparemment. “C’est toi qui devais me faire une liste de ce que je devais lire je te rappelle.” Elle tourne de nouveau la tête vers lui, toujours une liste, sa vie est basée sur des listes très certainement. “Est ce qu’il y a une chose que tu fais sans avoir besoin de liste ?” Elle fronce les sourcils, réellement intéressée par la réponse. “Même si tu me le rappelles pas j’oublierai pas.” Mais elle ne sait pas, il y a tant de choses inconnues, d’auteurs inconnus aussi.

Elle se perd dans sa contemplation, de la chambre dans son intégralité de nouveau. Elle observe le parquet, elle regarde les quelques meubles, ça lui rappelle tellement la maison de ses parents à Londres. “Pourquoi tu décores pas toute la maison comme ça ?” Elle soupire, ne parle pas bien fort mais attend de longues minutes sans qu’il ne fasse un bruit. Elle se retourne vers lui et il semble perdu dans ses pensées en regardant vers elle. Elle fait un léger signe de la main “Eh !” Il revient à lui lentement et elle baisse un peu la tête pour capter son regard. “Ca va ?” Ce n’était pas la question qu’elle a posé mais elle s’inquiète un peu. “Je te demandais pourquoi tu décores pas ta maison comme la chambre.” Peut-être qu’elle captera de nouveau son attention si elle lui pose ce genre de questions.





Dernière édition par Jill McGrath-Fitzgerald le Lun 11 Mai 2020 - 3:16, édité 1 fois
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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyLun 11 Mai 2020 - 1:36

"Les éternels incompris", je conclus avec un sourire, en parodiant bien trop de poèmes français du XIXe siècle - qu'est-ce qu'ils pouvaient pleurnicher, ces gens-là. Jill accepte ma victoire sur l'Amazonie, ce qui me met de très bonne humeur. Suffisamment, même, pour rétorquer à son "un jour", "La semaine prochaine ?" Je m'avance, je sais que je m'avance, on ne fait pas de plans avec Jill, je la surprends à la dernière minute quelque part où elle allait seule ; ça a toujours été comme ça. "La semaine prochaine", je répète alors, comme une affirmation, "mais tu ne sauras pas où." Je réfléchis. Ca ne marche pas. Pour que je puisse voir ses dessins, il faut qu'elle les prenne, et elle ne va pas les emporter partout avec elle pendant la semaine. "En fait, tu sauras probablement où, parce qu'il faudra qu'on se mette d'accord pour que tu prennes tes dessins." Je me suis emmêlé les pinceaux allègrement, mais ça y est, je me suis retrouvé. Elle propose la partie Amazonie de Sea World, et je fais un faux rire pour qu'elle comprenne que jamais.

"Non, d'habitude mes invités demandent l'autorisation avant de se déplacer dans ma maison." Raison pour laquelle j'aurais dû me douter que Jill, qui ne demande jamais l'autorisation de quoi que ce soit, partirait en éclaireur de son propre chef. "Les deux", je souris, satisfait qu'elle ait deviné juste. Elle apprend à me connaître, petit à petit. "Bonne question", je remarque, sur savoir où chercher, "je regarde les bibliographies des cours donnés dans les meilleures universités, Oxford, Cambridge, Harvard, etcetera, pour savoir qui sont les spécialistes de chaque domaine, puis je feuillette leurs ouvrages en librairie jusqu'à trouver ceux qui m'apporteront le plus de réponses, et j'achète ceux-là." Je ne sens pas les heures passer quand je suis en quête de ces ouvrages. On pourrait presque dire que c'est un plaisir. "Oui, mais tu sais ce qu'on dit : joindre l'utile à l'agréable. J'ai toujours aimé lire, et j'ai toujours aimé apprendre. Quand j'ai compris que je pouvais faire les deux en même temps, c'était Noël en avance." Sauf que je n'aime pas spécialement Noël, mais elle comprendra l'idée. "Tu trouves ça triste de consacrer sa vie à l'utile ?"

Je hausse les épaules. "Pas vraiment. J'aime particulièrement Darcy et Elizabeth, donc, parfois, quand je suis alité à cause d'un rhume, je relis ce roman-là. Bon, et dans certains vols long-courrier, j'emporte Oliver Twist, parce que relire ces mots à des milliers de kilomètres au-dessus de l'océan, c'est comme être chez soi. Ca aide à ne pas se demander ce qui fait tenir l'avion dans le ciel." Sebastian, pour l'amour du ciel, arrête de raconter les moindres détails de ton existence à cette femme. "Et toi ?" Je ne peux me sentir moins vulnérable que si elle partage autant que je le fais. Les seules transactions où on ne sort pas perdant sont les échanges. "Oui, je préparerai aussi la liste. Je disais ça au cas où tu voyais un livre qui te faisait envie sur le moment." Parce qu'elle est impulsive, alors ça me semble raisonnable d'attendre ça d'elle. Je réfléchis : est-ce que je fais des activités sans liste ? "Non, pas vraiment."

Lorsque je me perds dans des considérations étranges, Jill me ramène à la réalité. "Ca va ?" "Oui, pourquoi ça n'irait pas ?" Une pirouette pour évacuer le fait que je viens de nous imaginer dans une salle de concert londonienne. "Je te demandais pourquoi tu décores pas ta maison comme la chambre." "Même problème que tout à l'heure. Je ne veux pas qu'on connaisse mes goûts, mes préférences. On peut déduire beaucoup de détails comme ceux-là." Je finis par m'asseoir sur la seule surface possible : le lit (et je regrette de n'avoir pas mis une table et une chaise, ç'aurait été utile). "Voilà, je n'ai plus qu'à te faire assassiner par le MI6, maintenant." Mon visage étant tout aussi sérieux que d'habitude, je précise : "Plaisanterie."

@Jill McGrath-Fitzgerald


Dernière édition par Sebastian Fitzgerald le Lun 11 Mai 2020 - 3:17, édité 1 fois
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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyLun 11 Mai 2020 - 2:28

Ce surnom est original, ce surnom plaît à Jill. Elle hoche la tête. “J’aime bien les éternels incompris.” Elle regarde un peu dans le vide, c’est la réalité après tout. Elle ne donne pas de date, elle dit juste qu’un jour il les verra. Mais lui, il veut un moment, il veut déjà le prévoir et Jill sourit. Il demanderait presque la permission, comme si il n’était pas capable de la retrouver n’importe où. “La semaine prochaine.” Elle répète ses mots, pourquoi pas après tout. Et ils parleront dessins. Elle ne saura pas où. Comme d’habitude en réalité, ce n’est pas une nouveauté. Elle fera sa vie, et il la trouvera un jour dans la semaine sans qu’elle ne s’y attende vraiment. Mais il se reprend, et elle hausse un sourcil Jill. “Tu verras pas tout en une seule fois.” Ce serait bien trop d’un coup. Il aime les catégories non ? Alors il va falloir qu’elle divise en plusieurs groupes. Elle est épuisée rien que d’y penser. “Tu veux voir quoi en premier ? L’Amazonie ?” Puisque c’était le sujet quelques minutes auparavant. “C’est toi qui choisis l’endroit.”

“J’aurais dû demander l’autorisation ?”
Elle hausse un sourcil, elle ne l’aurait pas fait de toute manière. Mais elle peut toujours poser la question. “Je peux toujours trouver seule.” Elle connait déjà quelques uns de ses secrets, mais c’est mieux quand c’est lui qui les donne de son plein gré. Alors elle observe et elle ne cherche peut-être pas à le connaitre un peu mieux, elle n’a pas besoin d’une chambre pour ça. “J’ai toujours de bonnes questions.” Des questions qui le font réfléchir, qui le font beaucoup parler aussi. Ca parait barbant ses activités, mais elle ne juge pas ses manières de s’occuper. “Mhmh.” Elle hoche la tête Jill, elle écoute et elle enregistre. “Est ce que tu relis des livres que t’as déjà lu ?” Parce que, si il apprend aussi rapidement, il ne devrait pas avoir à les relire régulièrement. Et les questions de Jill ne sont pas vraiment intéressantes, pourquoi elle se pose ce genre de questions d’ailleurs ? “Je trouve pas ça triste si ça te va.” Mais elle fronce un peu le nez. “Je trouve ça triste que tu cherches pas des choses à faire pour ton plaisir. Que tu cherches toujours une finalité à tout.”

“Ces livres sont géniaux à lire des dizaines de fois.” Elle ne s’en lassera sûrement jamais. Et elle se fait la remarque qu’elle ne les a pas lu depuis bien trop longtemps. “Je suis en train de me dire que ça fait bien trop longtemps que j’ai rien lu.” Et elle fronce les sourcils, elle n’a jamais beaucoup lu, mais pourquoi pas reprendre maintenant qu’elle va beaucoup moins travailler. “Je note.” Et peut-être qu’elle partira vraiment avec un livre qu’elle aura choisi. “Tu les as ?” Les deux livres dont il parlait quelques secondes auparavant. “Tu pourrais apprendre à laisser tomber tes listes quelquefois.” Est ce que ça peut être quelque chose à lui apprendre ?

Il se perd dans ses pensées et elle se penche un peu. “T’as l’air perdu.” Pas sûr qu’il aille vraiment bien mais elle ne le forcera pas à parler. Elle ne pourrait pas de toute manière. “Tu penses vraiment que mettre du parquet dans ton salon peut révéler tous tes secrets ?” C’est étonnant de penser comme ça, de toujours vouloir faire attention à tout. Il parle d’assassinat et elle le fixe alors qu’il s’assoit sur le lit et elle pose son dos contre le mur. Elle garde un air aussi sérieux que celui du brun. “Tu choisirais pas un MI6 pour m’assassiner c’est bien trop voyant.” Donc elle avait déjà compris que c’était une plaisanterie. “Et si tu me tues je pourrais venir hanter ta chambre jusqu’à la fin des temps.” Elle hoche la tête. “Je casserais toutes les théières et je laisserais la porte entrouverte constamment.” La Jill fantôme serait affreuse avec lui.





Dernière édition par Jill McGrath-Fitzgerald le Lun 11 Mai 2020 - 3:16, édité 1 fois
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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyLun 11 Mai 2020 - 3:02

Je sais quoi offrir à Jill, donc, pour un éventuel anniversaire ou Noël : un vêtement sur lequel seront imprimés les mots L'éternelle incomprise. Si j'étais extravagant, ce serait sur un bateau qu'elle les trouverait inscrits. "Tu verras pas tout en une seule fois." "Ah ?" L'expression de mon visage change, et je suis presque certain que c'est cela qu'on appelle bouder. Et pourquoi donc ? J'en déduis qu'il doit y avoir une quantité astronomique de dessins. Je secoue la tête. "Londres." L'Amazonie viendra après, mais d'abord, ma ville, mon foyer, le lieu où nous nous sommes rencontrés. Peut-être qu'elle aura des dessins du pont, de la gare, de l'église même. Probablement pas, ceci dit. Quels que soient les croquis, je serai soulagé de retrouver ces lieux. "Tiens, ça, c'est une émotion, non ? Le fait que Londres me manque ?" Elle me propose de choisir le lieu, et je considère la question longuement, avant de sourire : "Tu sais ce qui ferait sens ? Un salon de thé. Est-ce qu'ils ont des salons de thé à Brisbane ?" Il ne serait pas étonné que ce ne soit pas le cas.

"Disons que ç'aurait été poli de demander l'autorisation, mais ça m'aurait également inquiété, venant de toi." Bien sûr qu'elle peut trouver mes secrets, et qu'elle peut les diffuser à la radio et dans les journaux, mais de plus en plus, je crois qu'elle ne le fera pas. Je ne comprends pas exactement ce qu'elle gagne à passer du temps avec moi, mais je saisis qu'elle apprécie ces moments. Les êtres humains attaquent rarement dans ces cas-là. Par ailleurs, elle a raison : ni elle, ni moi n'avons parlé de Londres à qui que ce soit, et pourtant on en a eu, des occasions de le dire à Bailey, ou même à Ginny. C'est un secret bien gardé, et je n'ose imaginer l'impact qu'il aurait s'il était révélé un jour. "C'est vrai que tu as toujours des bonnes questions. Comment ça se fait ? Tu voulais être journaliste, quand tu étais petite ?" Ce n'est pas difficile d'imaginer une minuscule version d'elle courir d'adulte en adulte en posant trente-six mille questions gênantes auxquelles ils refusaient de répondre. "Rarement, j'ai une mémoire visuelle très développée." L'impression de perdre du temps me gagnerait trop vite, en plus.

"Je trouve ça triste que tu cherches pas des choses à faire pour ton plaisir. Que tu cherches toujours une finalité à tout." "Mais tout a objectivement une finalité. Le monde est fait de chaînes de cause à effet. Faire semblant qu'elles n'existent pas peut donner l'illusion qu'on s'en libère, mais ça reste une illusion. Je choisis de dire à haut voix la vérité, je choisis d'en être toujours conscient. Peut-être que c'est ça, que tu trouves triste, au fond, le fait d'être constamment lucide sur tout ? De ne jamais se laisser aller à l'impression que la réalité, c'est juste ce qu'on éprouve ? ce qui est là sur le moment ?" C'est une différence majeure entre nous, et je pense que nous avons tout intérêt à l'explorer.

"Voilà une belle occasion de reprendre." Ses yeux et ses doigts parcourent les livres, et je me force à regarder ailleurs pour ne pas faire une remarque. Tout ceci est très inhabituel. "Oui, il y a plusieurs éditions de chacun des deux, tout à droite de la bibliothèque, deuxième étagère en partant du bas." Apprendre à laisser mes listes ? "Est-ce que je peux le noter sur la liste de ce que tu dois m'apprendre ? Ou est-ce que le premier apprentissage est justement de ne pas noter sur une liste le fait de moins utiliser de listes ?" Vous m'avouerez qu'il y a de quoi être confus.

"Je suis perdu", j'avoue, en fronçant les sourcils. J'hésite, puis soupire - autant lui dire ce qui me travaille ; elle comprendra ; elle comprend toujours. "J'aurais dû t'appeler, en 2014. Je ne l'ai pas fait parce que j'avais l'impression que ça m'amènerait à choisir entre tout ce que j'avais construit et toi." Ce lourd silence qui tombe. Je hausse les épaules. C'est plus facile de parler de parquet, après ça, et j'acquiesce : même le choix du bois peut être révélateur pour l'oeil qui sait interpréter. "Tu as raison, j'utiliserais probablement un poison. C'est plus subtil, plus délicat." Voilà de charmants plans hypothétiques et morbides. Elle parle de hanter ma chambre jusqu'à la fin de ma vie, et mon sourire se fige ; elle a cette manie de déclarer des idées qui me laissent perplexe. "C'est un bon argument pour t'assassiner, en effet." Tant pis pour les théières ; et je porterais un pull pour les courants d'air.

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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyLun 11 Mai 2020 - 5:24

Londres, il veut voir Londres. Et Jill réfléchit déjà à tout ce qu’elle a pu dessiner de cette ville. Il boude ? Elle rit Jill, elle ne pourrait pas sortir tous ses dessins en une seule fois, c’est impossible. Alors, elle les montrera, petit à petit. “Je vais devoir les chercher.” Parce qu’il y a des dessins de cours, de monuments, et beaucoup de dessins qu’elle a fait pendant les années qu’elle a passé seule dans cette ville. Quand Matt, Ginny et Bailey sont partis. Elle hoche la tête. “Tu vois tu connais le manque.” Même si c’est une ville, ça reste une émotion à part entière. “Bien sûr qu’il y a des salons de thé, il y a des salons dans toutes les villes du monde maintenant.” La mode à l’anglaise se répand dans le monde entier, et le thé est apparemment le même qu’à Londres. Même si Sébastian passera son temps à râler parce que le thé de Londres est meilleur.

Elle n’aurait pas demandé la permission, et il le sait. “Tu vois, tu le savais que je finirai par bouger du canapé.” Elle hoche la tête en gardant ses bras croisés contre elle. Et elle observe, tout, elle pourrait observer ces objets pendant un long moment. C’est la seule pièce qui vaut la peine d’être observée dans cette maison, la seule qui a un peu de couleurs, un peu de vie. Elle lui pose des questions, de très bonnes questions de nouveau et il y répond avec des tonnes de détails. “Je sais pas, je m’intéresse c’est tout.” Elle cherche à établir un profil sûrement, à connaître vraiment une personne. Elle fait souvent ça. “Non j’ai jamais voulu être journaliste.” Elle pouffe de rire, elle n’a jamais rêvé d’aucun métier d’ailleurs. Pas dont elle se souvienne en fait. “Alors pourquoi il t’arrive de relire Austen et Dickens ?” Elle essaie peut-être de voir si il est capable de lire par plaisir, ou si son seul but est d’apprendre.

Elle a répondu à une question, et bien évidemment il n’est pas d’accord. Et il exprime son point de vue. Elle ne le coupe pas, elle écoute et elle attend qu’il ait terminé pour répondre. “tout a une finalité, mais tu n’es pas obligé de forcément y penser. Je pense pas autant que toi à la suite. Quand je dessine par exemple, je cherche pas un objectif à tout ça, je le fais juste parce que ça me fait plaisir.” Elle essaie de comprendre son esprit mais c’est compliqué pour elle qui a toujours aimé l’imprévu, le feeling et les ressenti plutôt que de tout calculer constamment. Mais c’est flou, et compliqué à expliquer.

Elle regarde l’étagère qu’il vise, celle sur laquelle il y a des livres que Jill aime. Et elle les attrape. “Celui là n’est pas marron.” Et la voilà qui feuillète le bouquin pendant quelques minutes. Et elle trouve quelque chose à lui apprendre, qu’il se détache de ses listes. “Je m’en souviendrai, pas besoin de le noter.” Et oui, ça fait partie de l’exercice. “Interdit de le noter en secret parce que ça tourne trop dans ta tête.” Elle commence à connaître ses manies. “Tu vivras une journée sans faire aucune liste, sans prévoir quoi que ce soit.” Et ça, ça risque d’être compliqué.

Elle aurait peut-être dû se taire, ne pas poser cette question là. Mais elle l’a fait, et il répond honnêtement parce qu’il fait toujours ça Sébastian. Il est perdu, d’accord. Tout le monde peut être perdu pour des tas de raisons. Mais sa raison à lui est inattendue. Vraiment. C’est lui qui a coupé court à Londres, et ils ont voulu garder le secret. Ils ont voulu essayer d’oublier cette soirée et c’est ce qu’ils étaient censés faire pendant toutes ces années. Le silence est lourd, il est long aussi. Et Jill essaie d’analyser chaque partie de cette phrase, de cette explication. Pourquoi maintenant ? Pourquoi là ? “T’avais certainement une bonne raison de pas le faire.” Elle baisse les yeux sur ses pieds, elle aurait très bien pu chercher à le recontacter elle aussi. Elle ne l’a pas fait, ils ont voulu oublier, Jill a vraiment essayé. “On devait oublier.” Et elle le regarde de nouveau dans les yeux, peut-être qu’il plaisante, peut-être qu’il cherche juste à la déstabiliser. “Pourquoi maintenant ? T’aurais pu m’en parler avant.” Mais il ne voulait pas choisir il vient de le dire. Elle reste contre le mur et tente de changer de sujet, de plaisanter à son tour. Rien ne vaut l’humour pour essayer d’éviter ce genre de conversations. “Et certainement moins douloureux.” Elle hoche la tête, le poison est une bonne idée. Elle rêve peut-être Jill, parce que c’est très peu probable que Sébastian soit capable de dire des trucs pareils. Elle ouvre la bouche avant de la refermer, elle ne sait pas quoi dire. C’est peut-être lui le plus imprévisible aujourd’hui. “T’en as déjà glissé dans mon thé ?” Elle se racle légèrement la gorge, qu’est ce qu’elle peut bien rajouter à ça ? Elle réfléchit, un peu trop peut-être. “Je suis quand même mieux vivante que morte j’espère.” Elle se rapproche un peu pour le rejoindre du bon côté de la pièce. “Allez viens il faut refaire chauffer de l’eau dans une nouvelle théière.” Elle attrape son poignet pour le tirer hors de la chambre. “Et je prends ça.” Le livre qu’elle n’a pas lâché depuis qu’il lui a montré l’étagère. C’était il y a des heures ça non ? Elle ils sortent de la chambre pour rejoindre la cuisine.

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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyLun 11 Mai 2020 - 22:52

Si elle avait un système organisé pour ses dessins, elle n'aurait pas besoin de chercher ceux de Londres. Je m'imagine une bibliothèque parfaite, divisée par lieux géographiques, et au sein des lieux, par année. C'est mieux qu'un système chronologique, qui deviendrait rapidement chaotique, à cause des nombreux voyages que fait Jill. Les étagères pourraient se trouver dans un atelier qui ne serait qu'à elle, un lieu de création où elle retrouverait son bureau avec plaisir. Personne n'aurait le droit de venir la déranger là, même pas moi. "Oui, apparemment", et c'est étrange de réaliser que le manque m'est familier ; je suis rassuré qu'il s'agisse d'une ville et pas d'un être humain ; c'est moins handicapant. Nous nous retrouverons dans un salon de thé pour regarder des dessins de Londres, et ce sera presque comme si on y était. Presque.

En quelque sorte, Jill a raison : j'aurais pu calculer simplement qu'elle fouillerait la maison, mais je ne l'ai pas fait. Je réfléchis moins vite, parfois, quand elle est là, parce qu'elle prend toute la place, toute l'attention ; elle ne réagit jamais comme je l'attends, et je dois donc me focaliser sur la conversation pour ne pas perdre le fil. Elle rit à l'idée d'avoir pu vouloir un jour être journaliste. "Tu devais bien avoir des rêves, enfant", je réplique, car j'ai un jour rêvé d'être dictateur de la planète et d'exterminer les imbéciles, donc il y a bien un souhait qu'elle avait dû formuler, aussi étrange qu'il ait pu sembler à l'époque, "archéologue ou pompier ou fleuriste ou vendeuse de bonbons." Je propose des options, car peut-être que cela réveillera un souvenir lointain. Elle me demande pourquoi je relis Austen et Dickens, et je hausse les épaules. "Ils me font sentir que j'appartiens." Nous avons tous besoin de cela, non ? L'appartenance.

Elle parle de finalité et de plaisir, distinguant les deux - une distinction qui n'existe pas pour moi, malgré ses efforts de m'en convaincre. J'acquiesce. Son point de vue fait sens pour elle. Elle prend un livre, Sense and sensibility, et je souris, car on ne pourrait pas mieux définir tout ce qui nous sépare. "Interdit de le noter en secret parce que ça tourne trop dans ta tête." Je hausse les sourcils : il est rare que je considère une interdiction que quelqu'un d'autre me pose ; d'habitude, je la balaye d'un commentaire assassin, mais cette fois j'essaye d'imaginer m'y plier. "Je ne promets rien", je réponds, car plus je pense à ne pas noter, plus j'ai envie de noter. L'esprit de contradiction, sans doute, ou un diagnostic OCD latent. "Une journée ? Du lever au coucher du soleil, ou vingt-quatre heures ? Est-ce que tu me préviendras à l'avance ? Il faudra que ce soit pendant le week-end, car je ne peux pas travailler sans listes." Je pose mes conditions, je m'informe, mais je ne refuse pas ; c'est déjà un progrès.

Je sais que je ne devrais pas, mais je parle de Londres, car c'est comme la liste : plus j'essaye de contourner cette pensée, plus elle revient. "J'ai essayé d'oublier." Elle demande pourquoi maintenant, et je secoue la tête. La question n'est pas tant de la temporalité, mais du fait que ce soit encore là, après des années. Je vois dans son corps, dans sa gêne, que je ne suis pas le seul à trouver que c'est un regret légitime ; ç'aurait été plus simple, pourtant, qu'elle s'indigne et qu'elle parte, me laissant à ma douce amertume. A la place, son comportement éveille un espoir que je ne me permets pas. Alors, je me tais. Longuement. Même lorsqu'elle répond à mes plaisanteries sur son assassinat. Même lorsqu'elle espère qu'elle est mieux vivante que morte. Il n'y a rien à dire quand tout est dit.

"Allez viens il faut refaire chauffer de l’eau dans une nouvelle théière." Elle s'approche, mon corps entier se crispe, et sa main prend mon poignet. Je retiens ma respiration. L'entièreté du chemin dans le couloir, tant que nous sommes en contact, je suis en apnée, et je ne dois ma survie qu'au fait qu'elle me lâche enfin et me précède dans la cuisine. Elle tient encore le livre de Jane Austen, et je cherche une seconde théière tout en dissimulant du mieux que je peux le fait que je reprends tout juste mon souffle. Mécaniquement, je fais chauffer de l'eau. "Est-ce que tu peux m'attendre dans le salon ?" C'est moi qui demande l'autorisation, maintenant, parce que l'effort pour ne pas reprendre sa main et la poser sur mon poignet à nouveau est insoutenable. Mes yeux restent figés sur la bouilloire. Je sais qu'elle partira bientôt de la maison, et il faut que je me concentre sur cette donnée factuelle. Dès qu'elle sera sortie de cet espace, ce sera fini ; je ne la retrouverai plus que dans des lieux publics, à la vue de tous ; il n'y aura plus l'excuse des livres ni de la découverte de ma maison ; et nous savons que je n'irai jamais dans la maison qu'elle partage avec un autre ; donc il n'y a plus que cette eau qui bout et les minutes qui restent jusqu'à son départ.

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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyLun 11 Mai 2020 - 23:57

Des rêves d’enfants, c’est tout juste si Jill se souvient avoir été une enfant. Est ce qu’elle a eu une enfance d’ailleurs ? Peut-être pas comme tout le monde l’entend. “Je sais pas.” Elle fronce les sourcils, elle réfléchit. Il y a certainement eu trop de litres d’alcool et de grammes de drogue entre aujourd’hui et le moment où elle pouvait être considérée comme une enfant. “Je trouve pas que ce soit le genre de métiers qui peuvent faire rêver un enfant.” Elle hausse un sourcil, elle tente quand même de réfléchir pendant les quelques secondes silencieuses. “Voyager, j’ai vraiment toujours rêvé de voyager.” Et elle a réalisé son rêve de tour du monde. Et les livres sont intéressants, l’explication de Sébastian l’est encore plus. Elle comprend un peu ce qu’il veut dire, alors elle hoche la tête et ne dit rien de plus. Elle les relira ces livres maintenant qu’elle risque de passer bien plus de temps chez elle.

Elle a des choses à lui apprendre apparemment. Et elle cherche vraiment ce qu’elle peut apprendre en dehors des émotions qu’elle arrive à ressentir quand lui ne les connait pas. Et les listes, ces listes dont il parle pour tout et n’importe quoi. Elle secoue la tête, et lui dit qu’il passera une journée sans liste. Elle ne sait pas quand, ni comment, mais ça arrivera un jour. “Si tu la notes tu es un mauvais élève.” Et elle hoche la tête, elle pourrait désorganiser toute une liste si jamais elle apprenait qu’il avait dérogé à la règle. “Tu verras.” Il n’aura pas plus d’informations, il va réfléchir à une vitesse fulgurante, il réfléchit déjà bien trop depuis qu’il a rejoint Jill dans l’aquarium. Son cerveau va sûrement finir par griller si il continue comme ça. “Je note.” Un week-end parce que monsieur Fitzgerald ne peut pas travailler sans liste.

Elle attrape un livre de la bibliothèque de Sébastian, elle va le ramener et le lire. Et il parle de Londres. Pourquoi il parle de Londres ? Ils ont déjà tenu des années sans se souvenir de tout ça, sans que personne de leur entourage ne soit au courant. “Je pensais que tu l’avais fait.” Elle souffle presque en restant proche du mur pendant quelques minutes. Elle parle mais lui ne parle plus, il est encore totalement perdu dans ses pensées et elle ne sait même pas si elle est capable de la sortir de toute sa réflexion. Elle pourrait s’inquiéter, mais elle lui laisse le temps de se mettre en accord avec lui même, de faire un truc. N’importe quoi, qui montrerait qu’il est encore un peu présent. Alors elle prend les choses en main, elle se rapproche lentement, elle ne le brusquera pas. Et elle l’emmène vers la cuisine. Elle n’était pas encore entrée dans la cuisine non plus. Elle observe quelques secondes alors que machinalement il attrape une nouvelle théière. Et l’ancienne est encore éclatée au sol, et une flaque d’eau refroidie est entre le salon et l’entrée de la cuisine. Il aligne enfin quelques mots et elle hoche la tête, elle va vers le salon. Mais elle commence à ramasser les morceaux de théière étalés sur le sol avant de se diriger vers la poubelle en attendant qu’il se décide à la virer ou à revenir avec de l’eau chaude. Mais elle non plus elle ne parle plus, elle attend juste.

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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyMar 12 Mai 2020 - 0:17

Bien sûr que si, ce sont des rêves d'enfants, je les ai lus dans des articles spécialisés. Il est important de savoir quels sont les désirs enfouis des humains lorsqu'on souhaite les contrôler. Voyager, bien sûr. "Ce n'est pas un métier", je remarque, plus pour la forme qu'autre chose. "Tu vois, t'aurais gagné à devenir journaliste, finalement, t'aurais été payée pour voyager à travers le monde et écrire des reportages." Elle aurait été parfaite pour ce métier là, pressante dans les interviews, précise dans sa plume (d'autant plus avec des références littéraires comme Dickens et Austen). Je m'étonne qu'elle n'ait pas eu plus d'ambition de carrière, car elle aurait pu réussir ce qu'elle aurait entrepris ; mais il n'est pas trop tard, et j'ai bien compris qu'elle compte se lancer bientôt. Je suis curieux de voir à quelle vitesse elle va exploser le plafond de verre et laisser sa marque sur l'urbanisme de toutes les villes qu'elle touchera du doigt.

"Si tu la notes, tu es un mauvais élève." Je souris, séduit. "Tu as compris les menaces qui m'atteignent, je vois." Mon complexe de petit garçon parfait ne passe pas inaperçu. Qu'elle sache l'utiliser, en revanche, me procure un sentiment de satisfaction intense : elle pourrait être une parfaite manipulatrice, si elle le souhaitait. Elle ne me donne pas plus d'informations, mais cède pour que l'expérience ait lieu un weekend, et ça me suffit (ça doit me suffire) pour le moment.

"Je pensais que tu l'avais fait." "Moi aussi." Je ne précise pas si je pensais que je l'avais fait, ou si je pensais qu'elle l'avait fait. Quelle importance, de toute façon ? Cette situation est catastrophique, et nous en avons bien conscience. Alors, il vaut mieux migrer vers la cuisine, même si le contact de sa main n'aide pas du tout. Elle accepte de sortir, de me laisser seul, et je pose mes mains sur le plan de travail avec un soupir. Il faut que je me reprenne. J'ai trop laissé ce moment exister sans chercher à le contrôler, et ça commence à se ressentir. Le silence qu'elle accepte se prolonge, et j'aimerais qu'il en devienne insupportable au point qu'elle décide de partir. Je ne sais pas si j'ai la force de lui demander de quitter la maison. C'est fou à quel point une bouilloire peut être assourdissante, et étrange que des millénaires de progrès n'aient pas réglé ce problème. On a bien inventé des aspirateurs silencieux, après tout. Lorsqu'enfin elle se tait et que je verse l'eau dans la théière, j'entends Jill qui met des morceaux de la précédente (paix à son âme) dans une poubelle. J'avais oublié que c'était encore là. Je lève les yeux au ciel à l'idée qu'une femme enceinte soit en train de nettoyer les dégâts que j'ai causés.

J'apporte la nouvelle théière dans le salon et la pose sur la table. Je jette un oeil à la flaque, vestige d'avant notre conversation sur Londres. "La femme de ménage nettoiera demain." Ma voix est normale. Tout va bien. Je hoche la tête sans rien dire tandis que je laisse le thé infuser. "Alaric et Charles", je dis soudainement, "ce sont mes deuxièmes prénoms, au cas où tu ne sais pas encore comment appeler les", grimace, "jumeaux", pause, "si ce sont des garçons." Revenir sur des sujets simples. "Je proposerais bien Emerson, mais je me doute que tu n'as pas d'affection particulière pour mon père." Pas qu'elle en ait pour moi non plus (si je me le répète suffisamment, je finirai par m'en convaincre). Je verse le thé dans les tasses. Cette fois, c'est moi qui ai le canapé et elle le fauteuil. Nous n'avons fait qu'inverser, pour voir tout sous un angle différent.

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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyMar 12 Mai 2020 - 1:05

Effectivement, voyager n’est pas un métier. C’est peut-être pour ça qu’elle a autant aimé voyager et qu’elle a toujours voulu le faire. “Tu m’as demandé mes rêves d’enfant, pas un métier.” Il se perd et elle s’en amuse quand elle elle arrive à enregistrer les questions et tout ce qui se dit dans cette conversation. “J’ai peut-être loupé ma vocation.” Et ce n’est pas à son âge qu’elle apprendra un nouveau métier. Mais elle pense toujours un peu plus à l’architecture. Elle en est certainement capable. Il faut juste qu’elle se lance, un petit coup de pouce pour qu’elle arrive à avoir assez confiance pour croire en la possibilité de faire quelque chose qu’elle aime. De réussir quelque chose par elle-même. Et elle le sait, soit ça passe soit ça casse, c’est peut-être ça qui est si terrifiant.

L’ambiance est encore légère à cet instant, quand Jill cherche ce qu’elle a à lui apprendre, quand Sébastian cherche à avoir des informations qu’elle ne donnera pas. Elle lui laisse juste une chose, ça pourra se dérouler pendant un week-end. “J’apprends vite.” Et ce n’est peut-être pas une nouveauté. Elle a toujours été doué pour la manipulation, pour cerner les gens quand elle était encore jeune et qu’elle vivait une vie de débauche. Elle a bien changé, en peu de temps.

Et elle n’aurait peut-être pas dû entrer dans cette chambre, dans cette maison. Mais elle ne voulait pas que cette après-midi se termine. Elle avait besoin d’air, de se changer les idées, et c’est ce qu’elle arrive à faire quand elle discute avec lui. Il pensait avoir oublié, elle elle sait qu’elle ne l’a jamais vraiment fait. Elle ne l’exprimera jamais à voix haute mais elle a aimé cette soirée, c’était étonnant, imprévu, et comment elle aurait pu oublier ça ? Elle allait mal quand il est arrivé dans ce bar perdu dans les rues de Londres, elle avait envie de hurler sur tout ce qui bouge, de boire jusqu’à ne plus savoir comment prononcer son prénom, et il avait changé tous ses plans. C’est une soirée qui n’était certainement sur aucune liste, un moment que personne n’aurait jamais pu prévoir, et surtout pas eux. Et elle attrape son poignet pour s’éloigner de cette chambre, pour qu’il arrive à retrouver la parole. Et la seule chose qu’il lui demande c’est de s’éloigner de la cuisine. Et elle ramasse quelques bouts de théière pour ne pas rester sans rien faire.

Il retrouve la parole et Jill se glisse dans le fauteuil, il y a toujours le livre ancien sur le coin de la table. L’autre livre elle l’a posé sur le côté du canapé. Il est trop loin pour qu’elle puisse jouer avec, et elle en oublie totalement son carnet de dessin qu’elle a posé sur un meuble quand elle est entrée dans cette maison. “C’est que de l’eau.” Il suffit d’une serpillère et la femme de ménage aura bien moins de travail. Elle ne doit pas avoir beaucoup de travail d’ailleurs. Il donne deux prénoms et elle fronce les sourcils. Il parle des jumeaux, il grimace. “Tu vas grimacer à chaque fois que tu vas prononcer le mot jumeaux ?” C’est à elle de grimacer en fronçant les sourcils. “J’espère que ce sera deux garçons.” Elle s’est toujours bien mieux entendu avec les garçons qu’avec les filles. Il lui donne ses prénoms et elle se demande pourquoi. “Pourquoi tu me donnes tes prénoms ?” Pourquoi elle devrait donner ses prénoms à ses bébés. “Pas celui de ton père s’il te plaît.” Elle capte son regard, elle est très sérieuse, ne pars pas sur ce terrain là Sébastian.

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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyMar 12 Mai 2020 - 1:22

Oui, ce sont ses rêves d'enfants que j'ai demandés, mais mes rêves ont toujours été professionnels ; je n'avais pas envisagé qu'ils puissent être d'une autre nature chez les autres. "Je ne pense pas", sa vocation est dans ses carnets à dessins, et elle le sait aussi bien que moi. Et elle me dit qu'elle apprend vite l'art de la manipulation, et mon sourire est entier et réjoui. On va bien s'amuser.

Ou pas.
Dès qu'il s'agit de Londres, les conversations sont moins drôles, moins enjouées, et reposent surtout sur un silence qui dure, qui dure, jusqu'à ce que Jill reprenne la situation en main. C'est une femme d'action habituée aux émotions, donc je peux compter sur elle pour nous sortir de ma confession. Boire du thé dans le salon, c'est un terrain plus sûr.

"C'est que de l'eau." Je n'ai aucune idée de ce qu'elle veut dire. Que ça sèchera tout seul ? Que la femme de ménage n'aura pas de mal à nettoyer ? Je ne sais pas. J'acquiesce, dans le doute. Elle remarque ma grimace à la mention des jumeaux. "Ce n'est pas pour rien qu'il y autant de films d'épouvante avec des jumeaux", je réponds en haussant les épaules, au risque qu'elle m'assomme avec la théière numéro deux.

Elle espéra que ce sera deux garçons, et je ne peux m'empêcher de me dire que ça reproduirait notre schéma à nous, Bailey et moi ; ça n'a jamais été simple, et avec des jumeaux, ça le sera encore moins. Il y a tant d'incompréhensions entre deux frères : Saül et Auden en sont une autre preuve. "J'espère que tu ne crois pas dans les superstitions pour orienter le genre des foetus." Il y a mille techniques, toutes pires les unes que les autres. (Et oui, je m'y connais en superstitions, car, devinez quoi, c'est un moyen de contrôler les autres. Cause à effet.)

"Au cas où tu manquerais d'inspiration. Et pour faire la conversation." Sa réaction est encore pire quand je tente le prénom de mon père. "C'est noté. Pas le mien. Pas le tien non plus, j'imagine. Il reste les rois d'Angleterre, sinon. George. Edouard. Des prénoms respectables." Je sais qu'elle n'est pas préoccupée par la tradition, mais je ne peux m'empêcher de la remettre sur la table. "Ca fait partie des responsabilités du parrain d'aider pour les prénoms." Ou ça en faisait partie, au XVIIe siècle, en Angleterre.

"Tu accouches quand ? Dans quel hôpital ? Tu as déjà un médecin ? Tu as pris ta décision pour l'épidurale ? Est-ce que tu as fait des tests préliminaires pour savoir s'ils étaient en bonne santé ? Comment sont tes tests sanguins ?" Oups. Non seulement je me mêle de ce qui ne me regarde pas (mais qui me regarde quand même), mais en plus je le fais jusqu'au bout. "C'est généralement le moment où on me demande de me taire", je remarque avant de boire mon thé.

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Message(#)dans des toiles de rosée - Page 2 EmptyMar 12 Mai 2020 - 1:47

C’est que de l’eau, c’est qu’une théière, c’est qu’un thé, c’est qu’une chambre. Pourquoi tout prend de telles proportions en si peu de temps ? Elle part s’asseoir sur le fauteuil après avoir nettoyé une partie du sol, ça fera un peu moins de travail pour la femme de ménage. “Ok t’es traumatisé en fait.” Et Jill se met à rire un peu en passant une main sur son visage. Heureusement qu’elle n’est pas terrifiée par les jumeaux en général. Ca ferait bien trop de sujets sur lesquelles angoisser en plus de tout le reste. Et elle lève les yeux au ciel, sa seule connaissance des jumeaux vient des films d’horreur. Super. “Non je laisse faire les choses, je suis pas du genre à manger tout et n’importe quoi pour le sexe d’un bébé.” C’est très étrange de faire ça non ? Elle, elle cède juste à toutes ses envies. Les chips en particulier, mais elle ne s’étend pas sur le sujet.

Il cherche à faire la conversation, et elle se détend un peu Jill. Elle ramène encore ses jambes en tailleur sur le fauteuil avant de boire un nouveau thé. “Je suis censée faire une liste de prénoms.” Le voilà qui va être content, elle doit en faire une de liste. Une liste qu’elle n’a pas vraiment commencé, c’est dur de trouver un prénom pour un bébé. “Je vais pas donner un de mes prénoms à mes enfants.” Elle le regarde, légèrement étonnée. Il doit sûrement connaitre ses autres prénoms alors elle ne donne pas de détails. Il reparle du fait qu’il veut être le parrain, et elle soupire un peu Jill. Elle ne sait pas quoi lui dire, elle ne peut pas lui promettre qu’il le sera. Il doit gérer ça avec Bailey. “J’ai pas dit non Sébastian, mais tu sais que tu vas devoir en parler avec Bailey.” Il le sait, elle parle un peu pour rien donc. “Je lui en parlerai pas.” C’est une promesse, elle ne veut pas se mettre entre eux, et elle ne doit pas se mettre au milieu de cette conversation. “Et, tu me donnes que des prénoms de vieux.” Et elle sourit de nouveau, elle finit toujours pas essayer de détendre l’atmosphère.

Un tourbillon de questions, et elle le regarde, ahurie. Pourquoi il pose toutes ces questions ? Pourquoi il fait ça ? Elle secoue la tête, elle ne peut pas répondre à quoi que ce soit. Elle ne connait pas certaines réponses. Elle essaie de calmer sa respiration. Elle panique, elle panique complètement. Elle ne sait pas. Elle a le temps non ? Elle ne doit pas réfléchir à tout ça tout de suite. Son regard est fuyant, un hôpital ? Il faut vraiment qu’elle le choisisse à l’avance ? Mais elle a plusieurs mois encore. Ses mains se serrent un peu autour des accoudoirs. Elle ne l’écoute plus vraiment, son regard est fuyant et elle a reposé sa tasse sur la table. “Je…” Elle ne sait pas, elle ne sait rien. Est ce que c’est normal qu’elle n’ait pas fait toutes ces recherches déjà ? Est ce qu’elle est déjà une mauvaise mère ? “Il faut nettoyer l’eau par terre ça va abîmer le parquet.” Fun fact il n’y a pas de parquet dans le salon. “Ok c’est pas du parquet.” Elle essaie d’éviter, comme elle veut éviter toutes ces conversations depuis des semaines déjà.



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