La promesse d’un festin digne de ce nom donna des ailes à Loupiotte. Dès que le mot magique résonna à son oreille, le camélidé redressa la tête derechef, ouvrit de grands yeux dans lesquels se reflétaient une certaine forme de compréhension, gratta ses sabots dans le sable et s’élança avec une célérité qui les surprit toutes les deux. Soudain, traîner ses huit cents kilos dans le désert Australien ne semblait plus être qu’une simple formalité. Désarçonnée, Colleen le fut presque dans tous les sens du terme tant elle peina à se raccrocher au chameau et dut serrer avec force la bosse avant pour éviter une chute qui, à cette vitesse, était susceptible de lui causer de sérieux dégâts. Loupiotte donnait peut-être l’impression à ses maîtres de ne rien comprendre mais le mot « festin » n’avait apparemment aucun secret pour lui. Force était de constater qu’il avait de sacrés chameaux sous le capot celui-là !

Le vent fouettait le visage de la chamelière et lui sifflait aux oreilles, pourtant un sourire ravi étirait ses lèvres. Passé le moment de stupeur, elle se sentait libérée et si elle n’avait pas eu si peur de perdre son équilibre, elle aurait sans doute fermé les yeux pour pouvoir apprécier pleinement cette sensation incroyable qui s’était emparée d’elle. Elle n’avait pas la moindre notion de l’endurance des chameaux, mais espérait que Loupiotte tiendrait dans la durée et qu’elle pourrait le récompenser de ses efforts à la fin de la course, comme elle le lui avait promis en échange de ses prouesses.

Ce ne fut qu’au bout de quelques secondes de galop que Colleen remarqua l’absence de Kelly aux côtés du chameau. Inquiète, l’Anglaise ignora sa prudence coutumière pour pivoter la tête vers l’arrière et découvrir avec consternation la course de sa partenaire qui peinait à revenir à leur hauteur. Ce fut plus fort qu’elle, sans doute un peu hébétée par la sensation de légèreté et de liberté qu’elle ressentait sur le dos de Loupiotte, elle éclata de rire face au spectacle qui s’offrait à elle. Sa poitrine, déjà malmenée par les soubresauts du chameau, la fit souffrir davantage mais peu lui importait : elle était incapable de rester indifférente à l’expression concentrée de Kelly alors qu’elle cavalait dans le sable. « COURS, FOREST ! » Hurla-t-elle, hilare, avant de flatter l’encolure de sa monture et de lui glisser quelques nouvelles paroles d’encouragement. « T’es un champion, Loupiotte ! Je suis si fière de toi. Continue comme ça mon beau ! » .

Clairement, le départ de cette course à dos de chameau est un véritable capharnaüm. Telle une bande de satellites inséparables voilà que l'on reste tous groupés au même endroit, créant carambolage, pluie de jurons et nom d'oiseaux à tous les égards.

Cela paraissait pourtant simple aux premiers abords. Choisir un chameau, monter sur le dos de ce dernier et se lancer dans la course. Objectif : la ligne d'arrivée. Je crois que la majorité d'entre nous, exempter Martin, avait quelque peu oublié que les animaux ont leur propre caractère et surtout leurs petites habitudes. Je me demande bien s'ils ont un jour participer à une course telle que la nôtre ou si leur quotidien se concentre sur le fait d'animer les visites sporadiques des touristes qui osent s'aventurer dans le coin. Tout étant que Greg se retrouve à créer un accident et qu'en quelques minutes, me voilà perché sur le dos de Bip-Bip. Il est jeune et vaillant, c'était noter sur sa fiche, et c'est bien connu, on peut croire aveuglément un résumé qui ressemble à s'y méprendre à un simple copier/coller d'une fiche wikipédia sur le caractère des hommes. Bip-Bip à un air cool, qu'on ne s'y méprenne pas, je ne l'aurais pas choisi sinon, mais il semble suivre le troupeau sans trop se poser de questions. Je tente de flatter l'animal, lui parlant d'une voix douce et posée, mais il semblerait que ce soit peine perdue. Soudainement, il relève la tête et s'élance pour foncer droit sur le chameau de Jack qui, lui, avait décidé de se taper un petit demi-tour en règle. Le choc est frontal et je m'agrippe de toutes mes forces à la selle. « Jack t'es à contre-sens ! Chauffard ! » Faut croire que la vieillesse n'aide pas avec le sens de l'orientation. Et voilà que nos compagnons à quatre pattes semblent vouloir taper la causette, ce qui rend Bip-Bip tout fou. Il s'agite et moi je me sens glisser. « GREEEEEG. » que je hurle alors que je me sens pencher de plus en plus sur le côté me rapprochant bien trop du sol à mon goût. « Mais fait quelque chose! » Comme si mon partenaire allait pouvoir sauver mon âme avec la simple corde qui se trouve entre ses mains.

Heureusement, par je ne sais quel miracle, je reste solidement assis sur le dos de Bip-Bip, qui tourne la tête vers moi. « Eh doucement mon pote, j'ai une course à finir moi. » Je lui souris comme s'il allait pouvoir percevoir cela et me tourne finalement vers Greg qui semble légèrement horrifié, mais surtout prêt à se foutre de ma gueule sûrement dû à mon cri peu viril de tout à l'heure. « Bon Greg… Je suis sur le chameau, mais toi faut que tu nous sortes de ce guêpier. » que j'affirme le sourire aux lèvres malgré les ordres que je lui assène. « Regardes, y à une ouverture là, sur la gauche. Faut que nous emmène là-bas. » Je souris à nouveau et donne un très léger coup de talon à Bip-Bip, priant pour que l'on puisse prendre de l'avance. « Vers l’infini et l’au-delà. »

Toutes ces séances de jogging se révélaient fort utiles. Kelly n’avait pas la forme physique d’une marathonienne, mais elle avait l’habitude d’aller courir dans son quartier et les espaces verts une à deux fois par semaine, de quoi s’entretenir un cardio correct. Bien qu’elle eut l’impression que tout ce sable s’infiltrait dans ses poumons à chaque inspiration, elle n’était pas peu fière du rythme qu’elle tenait afin de rattraper Colleen et Loupiote. Le bestiau ne semblait pas vouloir ralentir pour l’attendre, en tout cas, et sa partenaire en riait à gorge déployée. Si elle n’était pas aussi concentrée sur sa propre course, Lee aurait sûrement ri également.

A côté d’elle, les chameaux d’Isaac et Loan commençaient à prendre de l’allure. « Ah ça non, alors ! » s’exclamait-elle, craignant qu’ils parviennent à rattraper et distancer Loupiote. Elle en oubliait presque que si son ancien binôme finissait en bas du classement, c’était sa propre place qui était également en jeu. Tout ceci n’avait définitivement ni queue, ni tête.

Sous les encouragements de Colleen, Loupiote se sentit pousser des ailes et tenta d’accélérer un peu plus. Dans son élan, sa chamelière tomba à la renverse. Voilà, elle en était certaine depuis le début de cette course folle ; ils allaient finir blessés. « Oh mon Dieu, Colleen ! » L’animal s’était arrêté à quelques mètres d’elle. Kelly arriva au niveau de la brune en quelques enjambées. N’osant pas la toucher de peur de faire plus de mal que de bien, la sommelière se retrouvait démunie. « Tout va bien ? » Quelle question.  « Tu t’es blessée ? J’appelle l’équipe médicale ? » Elles perdraient un temps précieux, mais une course ne valait certainement pas une commotion. « Tu préfères que je prenne la relève sur ton bolide ? » demanda-t-elle, espérant intérieurement que la réponse serait négative. Kelly ne se pensait pas capable de dompter Loupiote aussi bien que ce sa binôme de cette semaine, et avec elle aux rennes, elle sentait le désastre à plein nez.

Ca carambole dans tous les coins et visiblement, ça met ce cher Dalas de mauvaise humeur. Ce qui reste somme toute relativement compréhensible - elle non plus, n’aimerait pas qu’on plonge dans son cul tête la première, encore moins à coups de dents. L’animal rue, peu prompt à se laisser mater aussi facilement, et sûrement peu fan de l’épilation qui se déroule contre son gré sur son derrière bien fourni en laine raboteuse. Le camélidé renâcle, secoue l’arrière-train et se déchaîne finalement dans une embardée phénoménale qui laisse leurs collègues et concurrents loin derrière eux. Elle a le temps d’entendre Greg brailler comme une mule en rut, se faire engueuler par (presque) toute l’équipe et déjà il faut se mettre à courir. Se mettre à l’abri, surtout, ça lui semble presque indispensable maintenant que le capharnaüm règne sur le petit groupe : elle agite ses jambes peu entraînées, un peu boiteuses, jusqu’à pouvoir suivre le chameau revenu à un calme légendaire. Quand ils trouvent leur rythme de croisière, loin devant les autres, Grace sent ses jambes déjà usées mais étrangement plus fonctionnelles qu’avant son départ en l’entité de couch potato depuis Brisbane. Jack, lui, digresse un instant sur les étoiles et le cosmos, bien loin des préoccupations de Grace qui, main tenant fermement le licol du chameau, fait surtout attention à ne pas se faire écraser les orteils. Il lui tire un sourire, malgré tout, un peu rêveur.

“T’aurais eu une autre occasion dans ta vie de conduire un chameau ?” Sûrement, oui, c’était rien de si compliqué à trouver comme activité touristique. N’empêche, le faire gratuitement, filmé et en se dirigeant vers un joli pactole, ça n’a rien de banal, comme situation. Elle enchaîne, le ton toujours aussi enjoué : “Puis qui sait : si tu remportes les $100 000, je suis sûre qu’Elon Musk se fera un plaisir de te propulser au meilleur observatoire du monde, directement dans l’espace.”

L'idée lui extirpe une espèce de risette de gosse ; forcément, ça ferait rêver n'importe qui, une telle somme. Pas le temps de se perdre en tergiversations, ceci étant, parce que Dalas, visiblement saoulé par leur conversation, prend Grace de court et décide de faire demi-tour sans consulter l'assemblée. “Ben tu vas où !?” s’affole Grace, tenant la corde sans savoir comment arrêter un animal de deux fois sa taille et bien dix fois son poids ; lequel rend ça clair qu'il ne réagira pas aux menaces ni à la corruption. Bien parti pour rentrer comme un grand jusqu'à Charleville, cet abruti de Dalas trottine donc en direction opposée et, bien obligée de lâcher la corde, Grace se retrouve toute seule au milieu de nulle part, avec son sac à dos rempli de conneries diverses et ses yeux pour pleurer. Essayer de regagner le chemin principal semble vain, mais elle s’y risque quand même et la tentative se solde par un deuxième chameau qui passe au galop devant elle - pas le sien, cela dit. La cavalière, en revanche, n’a pas l’air plus à l’aise que Jack, puisque sa course folle s’achève sur une envolée qui se conclut par une chute (et pas des moindres). “Ca va ?” crie la brune en direction de la jeune femme larguée par son bolide, lequel mâche son mors quelques mètres plus loin avec fainéantise. Elle n’a pas le temps de s’avancer plus, cependant, qu’une flèche humaine la double pour s’enquérir de l’état de sa partenaire. “Vous allez bien ?” réitère Grace en s’approchant, l’air parfaitement perdue, sans sa monture et son partenaire, simplement armée de son sac à dos. Désireuse de se sentir utile, la photographe va se saisir du licol de leur chameau pour éviter qu'il ne s'enfuie pendant que la blessée se relève. “J’ai de l’eau et une barre de céréales, si vous avez besoin. Et un binôme qui va pas tarder à revenir, s'il arrive à maîtriser sa monture.” Une gamine aux bras ballants. L'idée de s'emparer de la monture et de se barrer avec pour avoir une chance de gagner lui traverse l'esprit, puis disparaît presque aussi vite - elle n'a décidément pas les couilles de monter sur ces saloperies qui envoient des coups de cul et vous font passer par-dessus bord à la moindre contrariété.

@Jack Epstein @Colleen Sainsbury @Kelly Ward

“T’aurais eu une autre occasion dans ta vie de conduire un chameau ?” elle marque un point la fourbe, et elle a le don de le faire rire même si son épiderme le fait rager. Tout chauffe et tout blesse, tout fait un mal de chien encore vingt-quatre heures après l'impact. Le poing de Saül sur son nez a laissé des souvenirs qui supplantent ceux, nostalgiquement tragiques, des dernières dizaines d'années à ses côtés. Est-il con au point de vouloir retourner voir son meilleur ami, une fois l'aventure finie? Il y pense Jack, à débarquer à sa porte, à se parfumer de clopes et de bonnes intentions, d'être lui envers et contre tout une bonne bouteille à la main et prêt à essuyer un refus comme un revers de coup. Il espère l'idiot, le naïf, le canadien, il espère réparer les pots cassés. Mais il accueillera leur fin sans rouspéter, si vraiment c'est le sort que l'italien lui a réservé.

Elle est sympa, Grace. “Puis qui sait : si tu remportes les $100 000, je suis sûre qu’Elon Musk se fera un plaisir de te propulser au meilleur observatoire du monde, directement dans l’espace.” elle est sympa et elle aborde un sujet que le laisse pantois. « Tu ferais quoi avec le fric, toi? » lui, il l'ignore. La question n'a rien d'un jugement, elle ne fait que l'amener à réaliser aussi clairement qu'un rupicole sur un rocher ou qu'un furoncle au milieu du visage que l'évidence est actée : lui, il sait que dalle il fera quoi du fric gagné. Lui, il sait même pas ce qu'il ferait d'une part de fric tout court en somme, quand la seule chose qu'il sait c'est qu'il est cassé. Ses comptes sont à sec, ses poches avec, et il trop bonasse pour se dire que la première chose logique à faire serait de rembourser ses dettes astronomiques, aux dimensions presqu'asymétriques. Éternellement aveugle, vraiment. Et pas juste à cause de son oeil boursoufflé qui fait office de bulbe noirâtre rendant un peu plus disgrâce à ses joues de musicien fatigué.

« Jack t'es à contre-sens ! Chauffard ! » un aveugle et un chameau qui se fait la malle, un chameau qui décide de partir dans un autre sens complètement, un chameau qui le fait paniquer entre deux blatèrements. « Je porte l'étendard de la course, je le fais pour le moral des troupes! » quel bouffon. Il rit de sa connerie en plus, il riait plutôt, quand un bruit de chute dans son dos le force à ralentir son chameau, à encourager Dalas - Dobby? Dumbledore? - à faire demi-tour. La voix paniquée de Grace ajoutée à l'écho de l'impact l'inquiète, c'est quand il voit Colleen au sol qu'il flippe encore plus.

J’ai beau dire que j’aime les animaux, les chameaux ne font apparemment pas partis de mes préférés. Les chiens c’est quand même beaucoup mieux. Bip-Bip me ferait limite peur à agir comme ça, je comprends pas pourquoi il s’est pas arrêté et a préféré foncer dans le cul du chameau d’Isaac et Martin. Loan me donne l’ordre de me calmer, mais en fait ça sert à rien de rester calme avec ce couillon de camélidé, il veut jouer au plus con et pour une fois, je veux bien lui laisser la victoire. Je grommelle (un peu plus, un peu moins, de toute façon on n’est plus à ça près) en descendant, je refuse de rester davantage en hauteur. Loan grimpe en riant, je vois vraiment pas ce qui le fait marrer d’ailleurs, et c’est une fois installé entre les deux bosses qu’il se rend compte qu’il est loin du sol. Ah, il fait moins le malin là, hein. Au lieu de me narguer parce que je dois soi-disant arrêter de gigoter comme un asticot. Il sait au moins à qui il parle ? Il garde quand même son enthousiasme alors que moi je veux juste finir cette course de merde. Je jette un coup d’œil en direction de Sienna et Ivy pour voir où elles en sont : loin, plus loin que nous. Putain, Sienna va nous faire perdre bordel de merde. Va falloir qu’elles trouvent un moyen pour faire avancer leur chameau, elles aussi, parce que c’est clairement pas gagné là. On n'est pas très loin devant elles de toute façon, on n'est pas hyper bien placés non plus au final. Il faut trouver quelque chose pour détourner l'attention des autres participants, les faire ralentir, les faire tomber, je sais pas moi, il faut les divertir. Pourquoi elle sort pas ses seins maintenant, Ivy ? Ce serait l'occasion, non ? Elle a sans doute écarté les jambes pour arriver jusqu'à cette épreuve, je vois pas comment elle a fait pour rester aussi longtemps sinon. Ce serait peut-être l'occasion de nous montrer tes tétons la blondasse, non, tu penses pas ? La voix de Loan m’oblige à tourner la tête vers lui à nouveau : « En avant mauvaise troupe ! Guide nous vers la réussite ! » C’est bien, au moins un qui est enthousiaste. Le chameau se met en marche, et je tiens les rennes pour essayer de le guider comme je peux. Apparemment, il aime pas trop quand je tiens les rennes, parce qu’il a essayé de se débattre, il secoue la tête et parvient à se libérer de mon emprise pour rentrer dans le chameau de Jack. Il a pas toutes les lumières à tous les étages, Bip-Bip. Et qu’est-ce qui fout en contre-sens Jack d’ailleurs ? Est-ce qu’il a autant de mal que nous à contrôler son bestiau ?

« Jack t'es à contre-sens ! Chauffard ! »

Il a beau gueuler Loan, Jack arrive pas à redresser le guidon, enfin il arrive pas à contrôler son chameau quoi. Je vois Loan qui penche sérieusement sur le côté, il va se casser la gueule ma parole. Il m’appelle en panique, et au fond je suis bien content d’avoir lâché les rennes juste avant parce que je me serai retrouvé entre les deux camélidés, coincé. « Mais fait quelque chose! » Ah, oui. Je me précipite alors vers lui pour essayer de choper la corde, mais Bip-Bip secoue la tête juste pour m’empêcher de le faire. « P’tain mais tu vas t’arrêter ou bien espèce de couillon ?? STOP. » Apparemment, cette fois-ci ça marche, et notre chameau accepte de se faire dompter pour quelques secondes. Stop, je retiens le mot stop, ça nous servira certainement. « T’as eu ton permis Epstein ? T’as pas vu que t’était à l’envers ? » Une pique vers mon vieil ami avant de me décaler sur le côté, tirant Bip-Bip comme je peux tandis que Loan ‘rassure’ Bip-Bip. C’est bon, il fait le con tant pis pour lui s’il se prend une claque dans le museau. « Bon Greg… Je suis sur le chameau, mais toi faut que tu nous sortes de ce guêpier. » J’ai beau détester qu’on me donne des ordres, là j’ai pas d’autre choix que de l’écouter. « Regardes, y à une ouverture là, sur la gauche. Faut que nous emmène là-bas. » Mon regard se tourne vers la direction désignée, et j’acquiesce. « T’as raison » J’ai vraiment dit ça ? « peut-être qu’il aime pas trop le monde, peut-être qu’il préfère avoir sa piste de course rien qu’à lui. » Il est peut-être pas si différent de moi que ça au final. Je le tire un peu pour qu’on puisse s’éloigner de l’agglutination, et Bip-Bip semble s’être un peu calmé. Bon, c’est peut-être vraiment la concentration de tout ce monde qui le faisait paniquer en fait. Je claque ma langue contre mon palais pour le faire avancer, et il semble suivre, jusqu’à ce qu’il se mette à cavaler d’un coup d’un seul, me forçant à lâcher les rennes. « Wah mais ça court hyper vite en fait ce truc. » Je les vois loin maintenant, et il va falloir que je rattrape le retard. Finalement j’aurais peut-être préféré être sur le chameau.

« Betty, c’est pas dans ce sens-là qu’il faut aller ! Fais pas demi-tour ! » Qu’est-ce qu’elle se retenait d’être vulgaire avec Betty Boop. Elle se mordait la lèvre à chaque fois qu’un juron était à deux doigts de s’échapper de ses lèvres. Elle ne voulait pas avoir la PETA ou d’autres associations de défense animale pour maltraitante psychologique et verbale. On savait jamais avec eux il pouvait trouver et inventer tous les chefs d’accusation possibles et inimaginables pour vous mettre dans la sauce. Elle s’efforçait de faire dans la douceur devant la caméra, sinon les hashtags humiliants et virulents pulluleront sur la twittosphère lors de la diffusion de l’émission. C’est vrai, entre l’accident pipi, les petites disputes avec Greg et son attitude avec Betty Boop, elle va passer pour la godiche de l’émission. Lorsque Betty prit la merveilleuse décision de faire brutalement demi-tour, Sienna croisa le regard plus qu’inquiet d’Isaac qui semblait craindre une énième collision. « T’inquiètes pas Isy, je gère ! » Dit-elle en tenant tant bien que mal les rênes alors que Betty fonçait dans la direction inverse avec une détermination que May lui avait caractérisé précédemment. Sienna n’osait même pas regarder Greg parce qu’elle sentait déjà qu’il devait l’insulter intérieurement pour ne pas savoir conduire un chameau. C’est bien plus simple de conduire une voiture, c’est pas impulsive et ça répond aux manoeuvres, tout simplement.

Si elles continuaient dans cette direction, elles iraient tout droit en direction de Charleville et ce n’était pas du tout le but. Il fallait qu’elles fassent partie des premiers. Mais depuis le départ, elles n’enchainaient que les gaffes et les catastrophes alors que les autres partaient avec une bonne longueur d’avance à l’instar de Colleen et Kelly. « Laisse moi monter, tu sais pas du tout gérer un chameau. Si j’te laisse encore faire ta gamine sur son dos on va perdre. » Sienna lança un regard plus qu’étonné à Ivy. Mais pour qui se prenait-elle ? Elle fronçait les sourcils alors que Betty venait de s’arrêter. Est-ce que ça en valait vraiment la peine de se disputer avec elle ? User son énergie pour elle, c’était vraiment nécessaire ? Déjà qu’elles avaient pas mal de retard, il ne valait mieux pas rentrer dans ce jeu-là. Cette semaine de course aux côtés d’Ivy promettait d’être riche en surprise. Et Sienna s’étonnait de descendre de la chamelle sans broncher. « Vas y, si tu sais mieux conduire un chameau que toi, je te laisse monter sur le dos de ta cousine. » Ou presque. C’était le premier jour pour leur tout nouveau binôme, mais peut-être qu’à la fin de la semaine, elles se toléreraient. Elles étaient sans doute assez intelligentes pour mettre leur rancoeur de côté. Pendant que Sienna caressait le museau de la chamelle, Ivy prenait place sur le siège posé entre les deux bosses. L’anatomie était réellement bizarre et autant dire que le chameau était un animal laid. « Allez Betty, je crois en toi ! »

@Ivy Waterhouse

Je l’aime bien ce chameau. Il fait vivre un enfer à Sienna, et si on avait pas été dans le même duo, j’aurais pu penser que c’était le plus beau spectacle de tous les temps. Ce départ est un carnage, pleins de chameaux rentrent les uns dans les autres quand d’autres partent en courant avant de faire demi tour. Ils avaient pas plus con et plus ingérable comme animaux ? Je secoue la tête quand j’observe Sienna tenter de s’en sortir avec tout ça. C’est épuisant de la voir galérer, et pourtant, on ne peut pas dire que je l’aide vraiment jusqu’à ce que mon esprit de compétition reprenne le dessus. Je ne perdrai pas, et sûrement pas à cause de la brune. “Donc c’est toi qui commence à envoyer des piques mais c’est moi qui dois me calmer ?” Je hausse un sourcil, elle est sérieuse ? Elle joue au chien hargneux qui ne me laisse pas en placer une et après elle fait comme si c’était elle la fille calme du duo. Elle se fout de la gueule de qui ? Elle dit qu’elle gère le chameau, elle ne gère rien du tout et elle fait n’importe quoi. Elle a jamais pris un cours d’équitation ou quoi ?

« Laisse moi monter, tu sais pas du tout gérer un chameau. Si j’te laisse encore faire ta gamine sur son dos on va perdre. » Je ne peux pas faire pire qu’elle, on a pas avancé d’un mettre encore à cause de son incapacité à gérer un chameaux. Ca doit pas être si difficile, et je me souviens de tous les cours d’équitation que j’ai pu faire quand j’étais enfant. “Je t’emmerde.” Elle ne mérite même pas que je cherche de quoi répondre. Et j’ai hâte de voir sa tête quand moi je serai capable de faire avancer Betty Boop quand elle en a été incapable. Elle parle à l’animal, comme si c’était utile. Elle a déjà essayé de lui parler et elle a fait demi tour, elle devrait juste se taire et prier pour que cet animal ne soit pas aussi débile qu’il en a l’air et qu’il finisse par avancer plus rapidement que tous les autres. Et je reste calme en claquant la langue pour lui faire signe d’avancer. “Si ce truc veut pas avancer on peut peut-être finir en courant.” Parce qu’elle commence à me gonfler Betty Boop.


@Sienna Hawkes

Eh ben voilà ! C’est pas si dur que ça non ? Je l’ai toujours dit et je le dirais jusqu’à ma mort: si on traite bien l’animal, qu’on lui montre qu’on l’aime et qu’on ne compte pas lui faire de mal, ils nous le revaux 1000 fois plus! C’est ainsi en parlant calmement et gentiment avec Pégase, l’affublant de surnoms affectifs, que l’animal se met gentiment,doucement et tranquillement en route. Ainsi, Isaac parvient enfin à se remettre en selle de façon à ne plus ressembler à un crapaud ou un sac à patate sur le dos du pauvre chameau et nous avançons donc  avec toute la tranquillité du monde vers la direction donnée.

Du coin de l’œil j’observe les autres candidats qui sont réellement en proie à de sérieux problèmes. Gregory ne cesse de hurler sur son compagnon, loan en fait de même (je note du coup dans un coin de ma tête que je vais devoir lui en toucher deux ou trois mots sur sa façon de traiter les animaux), un chameau a décidé de faire demi tour pour s’emballer avec Sienna et Ivy qui court derrière, montrant ainsi à nouveau son manque de capacité. J’ai envie de lui hurler que courir derrière un animal apeuré c’est pas la meilleure idée du siècle mais un accident survient et j’avoue que mon attention est assez rapidement capté par la cavalière qui vient de tomber.

Je continue à m’avancer et accélère même le pas mais très rapidement je remarque que la jeune femme est déjà bien entourée. Hochant la tête, je lance un coup d’œil à Isaac  «on prendrait pas par là ? » suggérais en désignant un tronçon sur lequel nous aurons des chances de rester en vie si un nouveau mouvement de panique ne viendrait à reprendre.

 « je crois qu’un des chameaux ne m’a pas loupé tout à l’heure» soupirais-je en massant à nouveau mon articulation  «en plus il a chopé l’épaule qui est déjà faible de base » je secoue doucement la tête puis remet mon sac en place sur mon dos et reprend la longe en main  «tu feras attention hein » je reporte mon attention sur mon nouveau binôme  « un seul éclopé ça suffit» je laisse échapper un rire puis grimace légèrement  « et le dis surtout pas à May ou au crew, je me suis deja pris un avertissement et j’ai pas envie d’être éliminé pour raisons médicales » je reporte mon attention sur l’avant

 « tu crois qu’ils nous prévoit un week-end détente à la marocaine ? » changeais-je subitement de sujet  «on a déjà les chameaux. Donc il serait logique qu’on ait droit au thé à la menthe, au couscous, au narguilé et tout ça. Peut-être même des danseuses sexy? » de toute manière après les animaux la prod ne sera plus à une polémique près.

J'apercevais le camélidé monté par Colleen s'extraire de très bon train de l'embrouillamini créé par les multiples carambolages auxquels j'avais malheureusement contribué tandis que Jack, lui, s'élançait avec Grace à contre-sens. « Jack t'es à contre-sens ! Chauffard ! » Je ne pus m'empêcher de rire doucement devant le caractère rocambolesque de cette course. Si j'avais cru participer à une telle mascarade en me levant ce matin... Martin était parvenu de son côté, non sans peine - certaines personnes de la production s'était révélées être de véritables branquignoles malveillants après tout -, à ne pas finir écrabouillé par les masses des chameaux et tentait désormais d'apaiser la bête que j'avais montée. Sa stratégie s'avéra payante puisque nous avancions enfin dans la bonne direction.

Tandis que je reprenais confiance entre les bosses de l'animal, la doyenne de l'aventure chuta de sa monture à quelques dizaines de mètres. « Mince... Ça va, Colleen ? » J'adressais, sincèrement soucieux, à la participante, bien vite soutenue par sa coéquipière ainsi que Grace, avant que le chameau sur lequel Jack s'est installé ne se heurte au leur malencontreusement.... Je grimaçais, compatissant : manifestement, ce duo s'était emmêlé dans un autre imbroglio.

C'est au tour du chameau de Loan et Greg de prendre une avancée significative. Je les observe, envieux, adressant un regard entendu à mon nouvel acolyte. Allez Martin, souffle les bons mots à l'oreille de notre ancêtre. « On prendrait pas par là ? » suggère le kinésithérapeute. « Oui, bonne idée. Allez mon vieux Pégase, montre-leur c'est qui le patron ici... » J'encourage d'une voix douce en tapotant délicatement la vieille carcasse.  « Je crois qu’un des chameaux ne m’a pas loupé tout à l’heure » me confie le soignant, à qui je voue désormais toute mon attention, inquiet. Je l'écoute me décrire sa blessure et m'inviter à être prudent au cours de cette course. Un rictus apparaît sur mon portrait. « J'essaie, j'essaie, mais jusqu'ici, j'ai pas franchement de chance avec les animaux... » Le trentenaire me met dans la confidence de son avertissement et je hoche la tête gravement. « T'inquiètes, je dirais rien. Mais fais gaffe quand même, et dis-moi si ça va pas, » la santé du jeune homme demeurait la plus importante et je ne voulais pas qu'il subisse un malaise à cause de ROA.

« Tu crois qu’ils nous prévoit un week-end détente à la marocaine ? » Je ris devant le passage du coq à l'âne du garçon et le programme - attrayant - qu'il conjecturait.  « Ce serait cool. Ils ont un don pour nous programmer des animations plutôt mémorables... Parfois, j'me demande s'ils consomment. » A l'allure des épreuves abracadabrantes, relevant d'esprits propres à de grands hurluberlus sous l'effet de psychotropes, je me préparais mentalement à tout et n'était désormais plus surpris par la suite des événements. « Vous vous êtes inscrits ensemble, Loan et toi ? » Je demande, converser avec Martin m'aidant tout autant que semblant rendre plus confiant Pégase : me concentrer sur une discussion avec le jeune homme et non sur la chute que je redoutais était bénéfique et j'imaginais que le chameau me sentait aussi moins nerveux sur son dos.