Tranquillement mais surement. Surement mais tranquillement. Voilà comment nous avançons, Pégase, Isaac et moi d ans le sable chaud. L'animal est très gentil et semble content, voire joyeux de s'être éloigné du groupe dangeureux que représente ses congénères chameaux. Un coup d'oeil vers mon binôme me fait comprendre que lui aussi commence à se détendre de plus en plus. Il parvient enfin à souffler et apprécie même le paysage qui nous entoure. Pour ma part, j'arrive enfin à reprendre le contrôle sur ma respiration et ça fait beaucoup de bien.

J'en profite pour observer, moi aussi, ce qui nous entoure. Il y a, devant nous, les binômes de Kelly et Colleen qui sont en tête à tête avec Jack et Grace. Je pense, sincèrement que nous n'aurons aucune chance de les rattraper mais ça m'est égale. Tant que nous n'arrivons pas derniers, ça me va. Malheureusement, un coup d'oeil en arrière me fait comprendre que Sienna et Ivy sont, à nouveau, en mauvaise position lorsque je remarque que le Greg semble, à nouveau, perdre tout le contrôle sur son chameau.  «ATTENTION ! SIENNA ! IV- ... » je n'ai pas le temps de dire quoique ce soit de plus que tout s'enchaîne rapidement.

Bipbip entre en collision avec le postérieur de Betty Boop, il y a des cris de rage, des exclamations de surprise et il y a aussi Loan qui s'éclate la gueule au sol. Je me tourne totalement, m'immobilise même, puis soupire doucement et relève mon regard sur Isaac  «Vas-y continue un peu sans moi, je te rattrape rapidement » que je lui dis avant de m'élancé vers Ivy et mon meilleur ami qui s'est relevé.

 « Putain, ça va ?» demandais-je en posant ma main sur l'épaule de Loan  « Tu t'es pas fait mal ?» je m'inquiète un minimum quand même mais au moins il est débout et je pense que ses égratinures sont seulement superficielles.  «N'oublie de bien désinfecter à l'arriver » je lui adresse un sourire et un clin d'oeil avant de reporter mon attention sur Ivy et Sienna  «ça va les filles ? » demandais-je avant d'adresser un sourire désolé à ma binôme. Désolé que ça ne se passe pas comme prévu, désolé qu'on ait été séparé. On aurait tout déchiré si la prod' n'avait pas trouvé cela fun qu'on ne soit plus ensemble, elle et moi  « Je...» je lance un coup d'oeil vers Isaac et Pégase qui sont toujours en route vers l'arrivée  «Je vais y retourner » je leur souris une dernière fois puis me détourne et accélère le pas pour rattraper mon nouveau binôme.

Je considère désormais que Pegase apprécie le surnom "pépère" mais abhorre celui de "Peggy". En effet, mes encouragements aux teintes de prières usant de cette première appellation s'avèrent bien plus productives que les autres. Je tapote affectueusement l'excroissance devant moi qui me sert péniblement de prise, le fibreux pelage de l'animal frictionnant ma paume recouverte de poussière depuis ma dernière chute. L'impression de ressembler à un mort-vivant ou un spectre avec ma dégaine des plus louftingues m'habite. Entre les ecchymoses résultant des rebondissements issus de l'aventure et les bosses qui menacent de s'élever au même volume que de pulpeuses nectarines si je n'y place pas de salutaires glaçons sous peu, j'ai de quoi arborer l'allure du parfait aventurier s'extirpant d'outre-tombe. Je n'avais jamais pensé que Race of Australia m'apporterait de quoi relater un récit rocambolesque à mes proches et peut-être petits-enfants, si j'avais la chance d'un jour devenir père.

Je remarque Martin discuter avec Ivy un peu plus loin et je comprends le déchirement qu'il peut ressentir en voyant son binôme initial peiner dans cette course. Malheureusement, leur chameau n'a pas du tout l'air de souhaiter collaborer et les deux jeunes femmes ont par conséquent de quoi être désenchantées.

« Bon, une chose de faite » me notifie le kinésithérapeute, de retour à ma gauche. Je lui offre un sourire amical, bien plus en confiance sur le dos de Pegase maintenant qu'il avance dans la bonne direction et à un rythme plus gouvernable - douce utopie, comme si j'avais contrôle sur les gestes de l'animal. « Ça va là haut ? » « Ça va, ça va, » j'atteste, bien que demeurant sur mes gardes. On ne savait jamais ce qui pouvait passer par la tête du camélidé. « Et toi, ça va ? » Je questionne, soucieux. Après tout, Martin avait aussi été chamboulé par les chameaux et revenait d'une certaine convalescence. « On est bientôt arrivé je pense, donc ça devrait le faire. » « Oui... » Je souffle sans néanmoins desserrer les dents. La ligne d'arrivée était certes visible mais j'avais l'impression qu'elle se tenait à des lieux de mon actuelle localisation. Tout se jouait à peu : il ne manquait que Pegase n'en fasse qu'à sa tête et décide par exemple de faire demi-tour ou de prendre racines au prochain pas pour que nous quittions l'aventure. De plus, cette épreuve était particulièrement cruelle car comme la précédente, le binôme perdant entraînait deux autres concurrents vers la sortie.  « T'es un super garçon Pégase, pas vrai, hein ? »« Oui, continue comme ça pépère. Bientôt, tu pourras te reposer et qui sait, peut-être sur tes lauriers... » Il aimait qu'on lui flatte l'égo, n'est-ce pas ?

« ATTENTION ! SIENNA ! IV- ... » C'était peut-être sans compter la chamelle de Sienna et Ivy qui entre dans la croupe de son aïeul. Je grimace, me retiens de justesse à la bosse, redoute ardemment la réaction de ma monture. « Tout doux, tout doux. » J'avais manifestement développé un traumatisme vis-à-vis de ma dernière cascade. Une nouvelle secousse fait manquer un battement à mon cœur, je déglutis laborieusement. Je jette un coup d’œil implorant à l'univers. « Vas-y continue un peu sans moi, je te rattrape rapidement » Il a drôlement très confiance, Martin. « Faudrait qu'on s'éloigne, Martin... » Je l'invite à susurrer à l'oreille de notre corpulent moyen de locomotion, mais le soignant est déjà parti du côté des filles pour s'assurer qu'elles vont bien. Un rictus mal assuré apparaît sur mon portrait, je tente de me redresser et orienter le bestiau aussi prudemment que possible. Deux petites minutes plus tard, mon partenaire est de nouveau à côté de moi : dieu soit loué. « Ça va ? » Je questionne, très inquiet, quant à l'état des quatre autres touchés par ce carambolage que Martin a rejoint très rapidement, pour ma part bien trop occupé à ne pas retomber au sol pour être en mesure de m'en assurer par mes propres moyens. « Tu peux m'aider à essayer de l'éloigner un peu ? Il t'écoute mieux que moi, j'crois. » Je sollicite. Les balades à dos de chameaux, plus jamais.

Comme s'il lisait dans ses pensées, Loupiote se mit à ralentir de plus en plus. Kelly espéra un instant que l'animal comptait simplement prendre un trot plus lent, pour le bien du postérieur malmené de sa chamelière et des poumons de Colleen, mais comme elle le redoutait, il s'arrêta au niveau d'une touffe d'herbe pour un snack improvisé. "Flûte !" souffla la sommelière. Le chameau pensait à tous les coups que c'était ça, le goûter qui lui avait été promis s'il avançait. Il avait rempli sa part du contrat ; il avait couru au point de distancer une bonne partie des concurrents et désormais, il avait un petit creux. Lee en profita pour masser ses lombaires. Monter cette chose n'était pas de tout repos. Elle s'estimait chanceuse que Loupiote n'avait pas pilé d'un coup, sans quoi elle aurait mangé la poussière. "Colleen ! Tu tiens le coup ?" fit-elle une fois sa binôme arrivée près d'eux, le souffle court. "Tu peux m'aider à l'arracher à sa collation ?" Le plus simple aurait été qu'elles s'y mettent à deux pour tirer leur monture jusqu'à la ligne d'arrivée qui les narguait juste là, mais il était obligatoire d'avoir un participant sur son dos.

À quelques mètres d'elles, c'était le retour des dominos. Carambolages en chaîne perturbaient la course de Martin, Isaac, Sienna, Ivy, Loan et Greg. Ils étaient repartis pour un tour. Seuls Jack et Grace s'en sortaient. C'était une bonne nouvelle pour Colleen, moins pour Kelly. "Ça va nous tomber dessus aussi si on ne se remet pas à avancer." commenta Kelly, inquiète. Elle n'avait pas l'intention de subir à nouveau les gérémiades des autres candidats incapables de faire preuve de patience et de calme. Pour son naturel zen, toute cette agitation, ces cris, ces jurons, c'était inconcevable. Elle tapota le flanc de son bestiau affectueusement. "Je t'en prie, Loupiote, on y est presque. Juste un tout petit effort. Il y aura toute l'herbe que tu veux, là bas, quand on sera arrivés." À deux, Colleen et Kelly détournaient l'animal de sa distraction. Il ne leur restait plus qu'à croiser les doigts pour qu'il les transporte jusqu'à la fin de cette course.

Elles n’en étaient plus qu’à quelques mètres. La ligne d’arrivée. La course n’avait pas été de tout repos, mais Colleen s’estimait heureuse car en dépit de sa chute et des multiples carambolages qui avaient rythmé leur parcours, elles n’avaient pas démérité. Les encouragements et la confiance qu’elles avaient accordés à Loupiotte avaient porté leurs fruits, et le chameau avait fait la fierté du binôme, galopant à une folle cadence à travers l’Ayers Rock et leur permettant de faire la course en tête à plusieurs reprises.

Désormais, ce n’était plus qu’une question de minutes. Lancé à pleine vitesse Loupiotte avait dépassé tous les autres chameaux et fonçait droit vers la ligne d’arrivée, que Colleen parvenait enfin à distinguer au loin. Elle peinait toujours à rattraper Kelly quand, soudain, le chameau parut ressentir sa détresse et fit une halte inopinée. Du moins, c’est de cette manière que l’Anglaise analysa la situation, car la vérité était que Loupiotte le gourmand avait trouvé son bonheur dans une touffe d’herbe plantée au beau milieu du désert. Bien loin de rechigner face à ce ralentissement inespéré, ce fut avec un certain soulagement que Colleen rattrapa sa binôme et s’arrêta enfin. Elle se pencha en avant, posa une main sur son genou et l’autre sur sa poitrine dans une tentative désespérée de retrouver son souffle. De grosses gouttes de sueur perlaient sur son front et se mêlaient à la poussière, son teint était rougi par l’effort et elle sentait déjà le picotement annonciateur des coups de soleil lui brûler la nuque et le visage. Son débardeur était trempé et son short déchiré. Elle avait l’air d’une vraie guerrière. Non, elle avait l’air d’une aventurière.

« Mer-ci Lou-piotte » Fit-elle entre deux expirations. « T’es un génie ». Puis elle leva le visage vers sa partenaire qui s’enquérait de son état. « Ça va, je crois que j’ai perdu un poumon dans l’affaire mais… Ça va » Répéta-t-elle. Quand son palpitant modéra enfin sa course déchaînée, elle se redressa et pivota le visage vers l’arrière. Tous les chameaux étaient derrière eux, mais celui de Martin et Isaac venaient de reprendre la course et s’approchaient d’elles à un rythme qu’elle ne pouvait se permettre de négliger. Elle jeta un coup d’œil à Jack et Grace, qui après un départ sur les chapeaux de roue peinaient à poursuivre sur la même lancée et étaient désormais en quatrième position. Colleen pria intérieurement pour la santé de son Jack-Jack – peu lui importait qu’il soit premier ou dernier, tant qu’il ne faisait pas une chute délicate – puis reporta son attention sur Kelly qui lui demanda de l’aide pour arracher Loupiotte à son repas. Colleen s’exécuta et saisit une nouvelle fois le licol du chameau tandis que Kelly se chargeait de l’encourager. Leur entreprise fut couronnée de succès : Loupiotte redressa la tête, vrilla son regard sur la ligne d’arrivée, gratta ses sabots dans le sable et s’élança. Colleen ayant plutôt misé sur un trot confortable, doutant que leur chameau possède les ressources nécessaires pour sprinter à nouveau, elle fut prise par surprise et n’eut d’autre choix que de se remettre à courir.

Vingt mètres, dix mètres… Cinq. Deux. Un. Inarrêtable, Loupiotte. Un champion. Toutefois, il aurait pu davantage soigner son arrivée sur la ligne. Euphorique, le chameau pila brusquement et Kelly bascula aussitôt dans le vide. « Kellyyyyy » S’écria Colleen, qui piqua à son tour une dernière accélération pour franchir la ligne d’arrivée et se ruer vers sa partenaire. Elle l’aida à se relever et évalua les dégâts. « Tout va bien ? Tu as mal quelque part ? Tu peux te tenir à moi si tu veux ». C’est alors qu’elle aperçut le sourire de sa partenaire et comprit que tout allait bien. Portées par des émotions contraires mais largement dominées par l’extase et la fierté, elles éclatèrent de rire en même temps et Colleen se jeta dans les bras de Kelly pour la serrer contre elle. Elle devait probablement puer la mort, mais elle s’en contrefichait. Elles y étaient parvenues. Elles qui avaient choisi leur chameau en dernier, elles qui avaient assimilé la course à une épreuve effrayante, elles dont les chances d'arriver au bout en un seul morceau avaient été maigres. Elles y étaient parvenues.

Elles se détournèrent l’une de l’autre et observèrent un instant les autres binômes se ruer vers la ligne d’arrivée. Ce n’était plus qu’une question de minutes, de secondes, avant la fin de la course. Une question de jours, d’heures avant que la sentence des éliminations ne s’abatte sur le groupe. Avant que la guillotine soit installée, qu’ils montent sur l’échafaud, que le couperet aiguisé s’abatte sur les têtes de deux binômes.

Colleen soupira et caressa affectueusement la tête du chameau. « Allez viens mon grand, nous t’avons promis un festin et nous comptons bien honorer notre promesse ».

Je déteste le fait d'avoir été séparé d'Ivy pour cette semaine. En plus la voir galérer là, lors de cette course, qui, malheureusement, est super importante pour nous, me brise le cœur. Pas pour moi mais pour elle. Car je sais à quel point elle a envie de gagner, combien son esprit de compétition est important et combien elle a envie de rester dans la course. Je le souhaite aussi, évidement, mais pas autant que ma binôme. Je peux donc, au moins, m'assurer que tout va bien pour Ivy et Sienna, qu'elles tiennent le coup. Et j'espère sincèrement que, silencieusement, j'arrive à lui faire comprendre que je ne lui en veux pas, que ce n'est pas de sa faute.

Je retourne ensuite vers Isaac qui est parvenu à garder le parfait contrôle sur Pégase et les ratrape sans problème. En les rejoignant, mon partenaire me demande si tout va et j'hausse les épaules  « ça va » dis-je sans trop de conviction en lançant un coup d'oeil au-dessus de mon épaule  « Y a plus de peur que de mal, mais je crois qu'Ivy et Sienna n'y arriverons pas à temps» et je pousse un nouveau soupire de déception puis soupire doucement  « enfin peu importe, j'espère au moins que Grace et toi continuerons !» reprenais-je avec sincérité, lui adressant un large sourire.

J'attrape ensuite la longe accroché au licol de Pégase et je l'invite à me suivre vers un endroit plus sécurisé où nous ne risqueront pas d'autre carambolage. Le vieux chameau connait parfaitement son taff et l'execute à la perfection en marchant tranquillement vers l'arrivé. Un peu devant nous, Kelly passe la ligne de d'arrivé avant de se rétamer dans le sable. Une partie de moi est plus qu'heureux qu'elle ait bouffé la poussière, mais en même temps j'espère que la chute sera sans conséquence ni gravité. J'avoue que je ne sais pas combientième nous sommes, Isaac, Pégase et moi lorsque nous passons l'arrivé, mais je sais que la course est enfin fini et que l'infirmier peu enfin descendre de sa monture et je suis sûre qu'il est bien heureux lorsque ses pieds touchent à nouveau le sol  « You did it» souriais-je largement en levant la main pour un highfive  «Peu importe les résultats, j'étais vraiment heureux de partager ce bout d'aventure avec toi »

La catastrophe. Betty Boop et d’autres chameaux entrèrent en collision dans une harmonie chaotique. Elle avait commencé par entrer dans le chameau de Martin et Isaac, et après ce fut au tour du chameau de Greg et Loan d’entrer en collision dans tout ce beau monde. Un magnifique spectacle que Sienna observait d’un regard dépité. Elle tirait une de ses gueules. Les gueules dignes de photo d’identité qu’on prenait dans les photomatons des supermarchés. Pourtant Betty Boop avait retrouvé de sa superbe et avait entrepris une bonne avance. Elle pensait que ça allait le faire et qu’elles allaient enfin pouvoir rattraper les autres. Mais non, Betty Boop avait décidé de reprendre son activité favorite : le carambolage. N’était-elle pas au courant que Sienna et Ivy avait pour ambition de gagner une course ? On parle au passé parce que désormais tous les espoirs sont paris en fumée depuis bien longtemps. Enfin, bref. Les chameaux ne doivent pas être préoccupés par les mêmes soucis que les deux jeunes filles dans leur vie. Leurs seules préoccupations ça doit être de boire de l’eau et de brouter de l’herbe.

« Ça va les filles ? » Sienna leva un regard noir vers Martin. Noir de haine, haineuse envers la situation (par contre lui). « Ouais. C’peut aller. » Elle était brève, froide mais tout l’a saoulé à l’heure actuelle. Il n’y avait peut-être, aller, seulement Greg qui pourrait lui décocher quelques mots de plus. Les uns et les autres parlaient, et Sienna boudait clairement à quelques mètres d’eux. Bras croisés, l’air renfrogné. Elle n’avait envie de parler avec personne, elle voulait être loin de tout le monde. Elle voulait juste que le carnage s’arrête parce qu’avec Ivy, elles collectionnaient les roulés-boulés de Betty, et ça en devenait insupportable. « Bon, Ivy, on y va ? » Elle était toujours sur la chamelle (quoi ? Betty était sur le dos d’Ivy ?), tout aussi désespérée qu’elle.

“Les bières tiennent toujours ?”
« Les bières, t'as compris l'essentiel. »

Les tournesol sont remis aux oubliettes, la soirée est planifiée à la volée. Il est pas un ivrogne Jack, et il est persuadé que c'est la même pour Grace. Mais la seule perspective de passer une soirée posé à observer une pinte et son houblon fermenté suffit à le calmer un peu sur l'air d'allée. Il sent sa colonne vertébrale qui tressaille le quarantenaire, entre les sprints de Dalas - Doremi? domino? - et ses arrêts inopinés, c'est difficile à juger.

“Tu rayonnes, beau-papa. Exactement à ta place. T’as jamais songé à te reconvertir en berger pour chameaux ? Tu serais beau.” alors il juge ailleurs, ses prunelles rieuses quittant le duo de Kelly et Colleen qui s'élance vers la victoire lui si fier, quand Grace découvre peu à peu comme des pelures d'oignon la situation qui la relie à Greg. Beau-papa, really?“On se revoit à la ligne d’arrivée avec des bières, les gars ?” « Ma pauvre. » qu'il grommelle entre ses lèvres gercées couronnées d'un sourire en coin. En clair : je le connais aussi, et si t'as besoin d'anecdotes louches et gênantes à son propos, j'en ai un grimoire plein. Ça leur fera de quoi discuter devant leurs bières, c'est acté.

“Jack, ça te dérange si je prends le relai ?” il descend dans la seconde, lui qui n'avait pris le chameau que puisqu'elle le lui avait cédé. C'est son tour à elle de briller comme une étoile filante illuminant le firmament. “Rien ne me ferait plus plaisir que de doubler Greg avant l’arrivée, je te jure.” le licol qu'il lui tend avec cérémonie, la révérence qu'il y ajoute rien que pour additionner un peu de drame au tableau. « Do what you have to do. »

Ce qui se résume en un Dalas - Dobby? Dictionnaire? - qui broute l'herbe et n'en a rien à faire. « Hey Greg, c'est des cheveux blancs là? Ah non oublie, avec la soleil ta calvitie m'a berné. Joli bide sinon, t'as l'air en santé! » alors il ressort ses plis de gamin en mode terreur des bacs à sable Jack, distrait Greg comme il peut le temps que Grace n'en reparte que plus vite, que meilleure.

« Hey Greg, c'est des cheveux blancs là? Ah non oublie, avec la soleil ta calvitie m'a berné. Joli bide sinon, t'as l'air en santé! »

La belle-fille du concerné éclate d’un rire moqueur sans tarder - toute excuse est bonne pour se payer sa face. Le côté course folle versus le beau-daron, pour le coup, est par contre mal parti : malgré la détermination et à grand renfort de talonnades, Dalas ne bouge pas d’une plume, décidé à camper sur ses positions et à éviter l’attroupement de ses semblables qui ne cessent de le prendre pour victime attitrée - Grace imagine qu’elle ferait pareil, à sa place, mais ce n’en est pas moins rageant. “Allez, mon gros ! On les défoncera plus tard, mais là il faut qu’on avance !” Il ne réagit manifestement pas davantage à la pression. Elle choisit, en désespoir de cause, de changer d’approche : “Puis t’es beau comme tu es, faut apprendre à t’aimer malgré tes différences. Regarde, moi, je m’aime même avec un bras défoncé.” Prétendons que c’est vrai, pour le bien de leur monture. Aucune réaction, pourtant. Du moins pas jusqu’à ce que leur gâteux de chameau tressaille alors qu’une voiture de sport passe au loin en faisant brailler Mondotek - Alive depuis les enceintes puissantes. Grace, elle, s’accroche maigrement aux poils qui recouvrent la bosse pour s’empêcher de tomber, et cache à peine son effarement : “De la tektonik ? En 2020 ?” It’s more likely than you think. Son coeur bat encore de l’embardée alors que le coup de pression semble avoir eu raison des réticences du camélidé : celui-ci avance d’un pas peu pressé, tête toujours baissée en direction des diverses touffes d’herbe qui s’offrent à son bec.

“Tu le connais comment, Greg ?” demande la gamine perchée sur son cheval de trait au museau ridé, tout en guidant ce dernier dans la direction indiquée.

La ligne d’arrivée semble se rapprocher, tout autant que les autres binômes ont l’air de s’être évaporés dans la nature depuis des lustres - seules Ivy et Sienna partagent leur galère, poussant tantôt des cris excédés et des soupirs résignés contre leur tête de mule personnelle. Grace commence à chantonner Dale Dale Candela par pur dépit, prête à tout pour motiver sa monture. “Contente de voir qu’on est pas les seuls à galérer”, lance-t-elle au duo qui les suit de près. Son ton est jovial mais elle le sait : l’issue de la course se joue dans les prochaines minutes, rien de plus. “Ca vous dit qu’on essaie de les flipper pour qu’ils détalent jusqu’à l’arrivée ? Je sais plus quoi faire d’autre.” Si ni la tektonik, ni Dale Candela ne motive ce pauvre Dalas, autant tenter la dernière issue. Au cas où, Grace talonne quand même une dernière fois en braillant “POUR NARNIA !” sans trop d’espoir. Sait-on jamais.

je change d'approche:

Et y’a Martin qui gueule devant. Il n’a même pas fini de donner mon prénom que Betty Boop entre en collision avec un nouveau chameau avant qu’un autre binôme ne fasse la même chose avec nous derrière. Ca en est trop, vraiment. J’ai juste envie de laisser ce foutu animal ici et me barrer loin, très loin de cette émission avant d’égorger un caméraman ou May en personne devant l’Australie. Je suis excédée, énervée contre le monde entier. J’ai besoin de souffler, et j’espère qu’au moins mon dernier week-end détente sera tranquille et que je pourrais finir ma semaine convenablement avant de retourner à Brisbane, ou ailleurs. Je ne sais même pas si je vais rentrer chez moi tout de suite, mais j’ai quand même hâte de pourrir tous les producteurs de cette émission.

Je ne me concentre pas sur Loan, c’est quand même pas de ma faute s’il est incapable de s’accrocher à son chameau correctement. Je croise le regard de Martin qui repasse à côté de nous. Je suis énervée mais aussi tellement désolée qu’il perde à cause de ce chameau. Ce n’est pas à cause de moi, je ne pouvais pas faire plus pour essayer de faire avancer cette bête. On a tout essayé avec Sienna, et rien ne marche. C’était certainement de la triche venant de la production. Ils voulaient éliminer le meilleur duo, alors ils ont envouté ce chameau, je ne vois pas d’autre explication possible. Un envoûtement à la Merlin ou Harry Potter. Et ils ont bien réussi leur coup puisque je vois les autres duos passer la ligne d’arriver, sans ne pouvoir rien faire d’autre qu’attendre et soupirer assez fortement. Je sais que Martin ne m’en voudra pas, mais moi je vais m’en vouloir pendant un bon moment. Je n’ai même plus envie de me prendre la tête avec Sienna, c’est pour dire à quel point je suis saoulée. “Si t’arrives à la faire avancer peut-être qu’on passera la ligne d'arrivée avant la semaine prochaine, moi je sais plus quoi faire.”

“Tu le connais comment, Greg ?” « Bien. » qu'il rigole d'abord, jouant presque les ingénues à lui ajouter une touche de mystère en plus. « On a grandi ensemble. » bien plus physiquement que mentalement. Ils ont fait leur lycée ou du moins des fragments de, ont réinventé le monde des dizaines de fois aussi. Ils ont grandi mais ils n'ont pas pris en maturité, et le majeur qu'il imagine être brandi dans sa direction n'est qu'une raison de plus pour qu'il s'esclaffe en prime.

“Contente de voir qu’on est pas les seuls à galérer” Ivy et Sienna sont ambiantes, Jack s'assure de remonter à la hauteur du chameau de la blonde pour au moins se gratter quelques minutes de proximité avec elle. « Ça va? » qu'il demande, foncièrement curieux, espérant qu'elle lui réponde par l'affirmative ou même qu'il puisse voir dans ses yeux un regain de confiance. “Ca vous dit qu’on essaie de les flipper pour qu’ils détalent jusqu’à l’arrivée ? Je sais plus quoi faire d’autre.” Grace a le mérite d'être enthousiaste et son coeur ridé à Jack, il se réchauffe de la voir jouer aux gamines à espérer une victoire pour tous. “POUR NARNIA !”

Narnia suffit pas, malheureusement, pour que Dalas - Devon? Dominus? - choisisse le bon chemin. Alors il prend son mal en patience Jack, et il tente le tout pour le tout en se postant devant le camélidé pour tenter de dévier sa trajectoire. Ce ne sera qu'un goulu, qu'un baveux, qu'un bruyant coup de langue qui conclura sa journée, sa joue noyée par la langue rugueuse de celui qui malgré tout ça a été un pas pire allié. La course se termine au loin, les caméras zooment sur son éclat de rire de gamin, et il y pense à ses bières, à ses étoiles, à ses tournesols et à la suite. Quelle qu'elle soit.