Les questions s’enchaînent et à présent, tout ressemble à un jeu de questions réponses. Difficile de dire s’il y a un enjeu, s’il y aura une gagnante et une perdante ou si l’une d’entre nous se préoccupe réellement des réponses de l’autre - pas moi en tout cas - mais on s’y prête à ce jeu idiot, à ce jeu dangereux pour ce qu’il remue. On pose question sur question, on tente de prendre le dessus puisqu’il est plus agréable d’être dans le rôle de l’inspecteur que du suspect interrogé.

« A la première contraction. » « J’aurais dit avant. » Je pensais qu’elle craquerait pendant la grossesse Jill, avant même de poser les yeux sur ses enfants et parce qu’elle réaliserait ce qu’il est en train de se passer. « Cest pas devenu réel avant ? » Peut-être qu’elle ne s’est pas rendu compte, peut-être qu’elle a vécu dans le déni pendant neuf mois et qu’à partir du moment où ils ont été là elle a plus pu les ignores. « Je supporte pas de les entendre pleurer. » « Et lui, il pleure ? Il le vit comment ton départ ? » Peut-être que c’est lui qui l’a foutue à la porte, après tout.

Je parle de lui, son mari, le père de ses enfants, et évidemment elle me rend la monnaie de ma pièce. J’ignore si elle s’intéresse vraiment, mais moi je sais que je n’ai pas envie d’en parler. « C’est lui qui est parti ou c’est toi ? » Pourtant je réponds. Parce que c’est la règle du jeu, parce qu’elle parle et qu’ensuite c’est mon tour et que la drogue me donne l’impression que j’ai pas le choix. « C’est moi qui suis partie. Mais c’est lui qui a tout gâché. » Notre chute, la fin de notre histoire, je l’ai pas voulu. Je suis en train de redescendre, putain de discussion trop sérieuse.

« Pourquoi ? »
« Pour les souvenirs. » Ceux avec lui. Les nôtres.
« Bali. » Je hoche la tête, doucement. Je pourrais demander pourquoi, sauf que ça ne m’intéresse pas. Elle peut répondre Bali, Monaco, les Philippines ou la planète Mars, ça ne change rien pour moi.
« Y’a pas un pays qui t’attire ? »
« Non pas vraiment. J’ai jamais eu envie de bouger. » Avec Amos, je n’avais besoin que de nous, d’être seuls et coupés du monde. L’endroit n’importait pas.

Elle énumère les effets qui s’additionnent et s’enchaînent. Elle aime les retrouver, comme de vieux bons amis qu’elle n’avait pas vu depuis bien trop longtemps. Des amis qu’elle n’aurait jamais dû recroiser de nouveau et qui ont pourtant croisé sa route au hasard. C’est le destin, elle avait besoin de cette rechute, elle avait besoin de retrouver sa vie d’avant le temps d’une soirée au moins. Je ne sais pas pourquoi on joue au jeu des questions, mais je réponds. Je ne sais pas si elle s’intéresse ou si elle cherche juste à se concentrer sur autre chose que sur ses malheurs à elle. “C’est devenu réel quand j’ai dû être alité pendant un mois et que j’ai accouché un mois en avance à cause de moi.” Elle serre les dents, tout est de sa faute et elle soupire une nouvelle fois. Le temps ne guérit rien. “Il a enlevé son alliance et m’a demandé de partir. Il doit pas le vivre si mal.” Elle oublie une bonne partie de l’histoire pour mettre l’entièreté de la faute sur lui, elle ne dit pas qu’elle a fuit en Nouvelle Zélande pendant une semaine sans donner de nouvelles à personne.

Elle pose des question alors Jill fait pareil. Etonnement elle répond la blonde et Jill écoute. “Mensonge ? Trahison ? Abus de confiance ? Tromperie ? Tout en même temps ? T’as déjà pris le temps d’aller taper dans des trucs ou dans des gens pour te défouler ?” C’est ce qu’elle aurait fait Jill si Bailey avait été affreux ou l’avait trahi. Mais peut-être que Raelyn préfère passer ses journées défoncées pour oublier.

Elle change de registre, se retrouve à tripper sur des lumières qui bougent et dansent au même rythme que les basses qu’elle ressent encore et encore un peu plus. Les souvenirs, exactement comme Jill. “T’as encore quelque chose qui te retient ici ?” A sa place, Jill serait déjà partie à l’autre bout du monde. C’est ce qu’elle a fait pendant une semaine.

« C’est devenu réel quand j’ai dû être alité pendant un mois et que j’ai accouché un mois en avance à cause de moi. » Là elle pique ma curiosité, elle la pique à l’instant même où elle dit que c’était à cause d’elle, et je brûle d’envie de savoir ce qu’elle a fait Jill. Si je suis déjà cash en temps normal, sous les effets des stupéfiants je suis plus désinhibée encore et je n’hésite pas une seule seconde à lui poser la question tant je brûle de curiosité. « T’as fait quoi ? T’as fumé ? T’as pris de la drogue ? T’as bu ? » Ou peut être tout ça à la fois ? « Le verre que je t’ai servi la dernière fois. Tu l’avais bu ? » Elle peut me le dire, ça n’a plus la moindre espèce d’importance à présent : ses gosses vont bien, kind of. « Il a enlevé son alliance et m’a demandé de partir. Il doit pas le vivre si mal. » Je suis sûre qu’il doit se lamenter aussi. Ca m’étonnerait qu’il l’ait fait de gaité de coeur son mari, pas après avoir eu deux enfants et, connaissant Jill, elle a forcément merdé pour qu’il en arrive à ce genre d’extrême. « C’est lui qui t’a viré ? Qu’est ce que t’as fait ? » Elle peut prétendre à d’autre qu’elle n’y est pour rien, mais avoir moi elle peut se montrer honnête : je vois mal à qui je le raconterais de toute façon.

« Mensonge ? Trahison ? Abus de confiance ? Tromperie ? Tout en même temps ? T’as déjà pris le temps d’aller taper dans des trucs ou dans des gens pour te défouler ? » Elle cherche à savoir Jill et ça n’a rien de surprenant : je me permets de lui poser toutes les questions qui me passent par la tête et elle me retourne la faveur, je ne peux même pas lui en tenir rigueur après tout, mais ce que je peux faire c’est ne pas lui répondre, ou alors de façon vague parce que ça fait mal de m’attarder sur tous les détails. « Ouais c’est ça. Un de ceux là. » Il a menti et il m’a trahie à mes yeux. Il a abusé de ma confiance puisque jamais je ne me suis doutée de quoi que ce soit et il m’a trompée avec sa vengeance. Alors oui, presque tout en même temps. « T’as encore quelque chose qui te retient ici ? » Je secoue la tête, avant d’esquisser un grand sourire. « Non, mais je suis plus tout à fait ici. » En plein trip, j’imagine déjà que je suis ailleurs, plus haut, à droit ou à gauche ça n’a pas vraiment d’importance. « T’as dis qu’on pouvait taper dans des trucs ? » Sur l’heure et vu mon état, l’idée me semble excellente.

Elle parle trop Jill. Pourquoi est ce qu’elle se confie à la blonde ? Elle n’est pas de bon conseil, elle ne fait que l’enfoncer et lui faire croire en tous ses démons qu’elle essaie de refouler depuis des mois. Et pourtant, elle boit Jill, et pire, elle sniffe de la cocaïne. Ca lui fait du bien, bien plus que ce qu’elle n’oserait avouer. Elle serre les dents, laisse sa tête se pencher de tous les côtés et profite de chacun des effets qui fait son arrivée petit à petit. “J’ai rien fait de tout ça. J’ai juste été trop active.” Et elle aurait préféré avoir fait une vraie connerie plutôt que de paraître aussi faible. Elle a joué avec son filleul dans son jardin au lieu de se reposer, et elle s’est écroulée. A partir de ce moment là, elle avait tout juste le droit de se lever de son lit pour aller jusqu’au salon. “Oui.” Et ça aura été le seul écart de toute sa grossesse si on ne compte pas la drogue qu’elle a prise avant de savoir que deux petits êtres grandissaient dans son ventre.

Elle serre les dents, elle déteste le sujet de Bailey. Elle sent que Raelyn fait ça uniquement pour se changer les idées et penser à tout sauf aux problèmes qu’elle a. “Je suis partie une semaine en Nouvelle Zélande et j’ai pas donné de nouvelles.” La langue de Jill se délie au fur et à mesure que les effets se font ressentir.

Elle a des problèmes avec un mec, l’homme qu’elle aime certainement. Jill n’a jamais vu Raelyn amoureuse et c’est assez perturbant de s’imaginer qu’elle peut se mettre dans des états pareils pour un homme. “Et tu l’as pas encore fait tuer ?” Les sourcils de Jill se hausse, autant essayer de dédramatiser, alors qu’elles vivent le chaos. Elles sont en plein trip, et Jill rit après les quelques mots de Raelyn. “Ce monde là est plaisant aussi.” Un monde qui ne se trouve que dans leurs têtes et qu’elles peuvent faire apparaître avec chaque ligne de poudre blanche. “Tu veux taper dans des trucs ou dans des gens ?” Elle pouffe de rire, elles peuvent faire les deux. “Taper dans des gens c’est facile. Taper dans des trucs j’ai deux possibilités.” Elles pourraient taper sur des voiture à la casse avec des battes, ou forcer la serrure de la salle de boxe où elles pourraient passer une partie de la nuit.

« J’ai rien fait de tout ça. J’ai juste été trop active. » Trop active. Inutile de dire que cette version des faits ne me satisfait pas particulièrement, que je suis au contraire plutôt déçue que ce soit si ennuyeux. C’est pour ça qu’elle n’a le droit qu’à un « Oh. » comme réponse, mais elle enchaîne sur quelque chose de beaucoup plus intéressant. « Oui. » Le verre, elle l’a bu. Je l’ai mis sous ses yeux, elle a prétendu qu’il ne l’intéressait pas, qu’elle était plus forte que ça et que je ne réussirais pas à la tenter, et j’ai prouvé que j’avais raison. « Parfait, je pourrais rajouter que j’ai fait boire une femme enceinte dans la liste des raisons pour lesquelles je dois être admise au paradis. » Un sourire étire mes lèvres, et il s’agrandit lorsqu’elle poursuit. « Je suis partie une semaine en Nouvelle Zélande et j’ai pas donné de nouvelles. » « Tu quoi ? » J’éclate de rire et, théâtrale, je me frotte même les yeux. « Il doit vraiment te détester. » Elle l’ai laissé, elle a laissé le père de ses deux gamins coincés avec les mômes pendant qu’elle s’est tiré à l’étranger pour profiter de la vie. « En terme d’instinct maternel tu dois détenir un genre de record là. » Un que je lui laisse volontiers : des enfants, je n’en veux pas.

« Et tu l’as pas encore fait tuer ? »
« Et non, à croire que je suis devenue chiante. »

Le fait est que jamais je ne pourrais envisager de lui vouloir du mal ou qu’il soit blessé par ma faute. Je n’ai même pas réussi à le balancer à Mitchell ou aux autres avant de découvrir qu’eux aussi c’était bien foutu de ma gueule. « Il a menti à d’autres gens aussi. Des qui pourraient avoir envie de lui demander des comptes. Et j’ai même pas réussi à le leur dire. » Je suis devenue chiante à ce point là.

« Tu veux taper dans des trucs ou dans des gens ? » Là elle m’intéresse et mes lèvres s’étirent un peu plus. « Taper dans des gens c’est facile. Taper dans des trucs j’ai deux possibilités. » « Dans des trucs. Tu m’as bien regardée ? J’ai pas le gabarit pour taper dans des gens. » J’ai des nerfs d’acier mais, aujourd’hui, l’idée de trouver un exutoire à ma peine, à ma douleur et à ma colère me paraît séduisant. « Je t’écoute. Tes idées ? »

La réponse à sa question n’est pas ce que la blonde espérait, elle le sait Jill. Elle secoue la tête, elle n’a pas fait d’écarts pendant sa grossesse, sauf un. Sauf ce verre que Raelyn lui a offert et a laissé devant son nez pendant de longue minutes avant de s’enfuir comme une voleuse. “Si toi tu vas au paradis j’ai rien à craindre pour mon sort.” Elle préfère se dire qu’elle n’est pas la pire Jill, mais la liste des raisons pour laquelle elle va finir en enfer et qu’elle est une mauvaise mère continue de s’allonger un peu plus à chaque seconde. Même Raelyn semble étonnée que Jill ait osé partir loin de sa famille pendant une longue semaine. “C’était peut-être le but.” Qu’il la déteste, c’est tout ce qu’elle cherche à faire au fond quand elle va mal, elle détruit pour éloigner, et cette fois ça a marché un peu mieux que ce qu’elle aurait pu prévoir. Elle pouffe de rire, la drogue sans doute. L’idée qu’elle n’ait aucun instinct maternel la fait rire alors qu’elle continue de fixer le plafond. Sa tête tourne, et ces sujets semblent si lointains ce soir, alors que demain tout ça sera de nouveau son quotidien.

C’est à la blonde de se confier un peu. Jill observe la jeune femme réagir, elle est amoureuse Raelyn, un amour qui la bouffe de l’intérieur et c’est terrifiant. Bailey se met vraiment dans ce genre d’état quand Jill décide de prendre la fuite ? Elle ne peut pas s’empêcher de se poser la question et de penser à lui pendant quelques secondes. “Raelyn perd de sa superbe.” Jill penche légèrement la tête sur le côté. “Si tu veux le récupérer tu l’auras.” Elle a l’air de lui en vouloir, mais elle a l’air de l’aimer encore plus, et quand Raelyn veut quelque chose, elle l’obtient, Jill est sûre de ça.

Elle réfléchir aux options, elles vont donc aller taper sur des trucs après avoir éclaté de rire. “On peut aller taper sur des voitures, à coup de battes de baseball, j’ai un ami qui fait ça souvent.” Elle s’est souvent retrouvée avec Dorian à hurler et à taper sur des trucs. “On peut aller forcer la serrure du club de boxe où je vais souvent !” Elle aussi, elle a bien envie d’aller dépenser son énergie en tapant sur des trucs.  

« Si toi tu vas au paradis j’ai rien à craindre pour mon sort. » J’éclate de rire, un rire beaucoup trop exagéré pour une blague qui était somme tout téléphone du début jusqu’à la fin mais, portée par mon ivresse et tout le reste, je ne peux m’en empêcher. « J’ai prévu de soudoyer les videurs à l’entrée. »  A quoi ressemblent-ils finalement ?

« C’était peut-être le but. »
« Tu voulais qu’il te déteste ? »

Ca ça m’intéresse. Pour ça je tends l’oreille et je lui porte une attention toute particulière mais déjà elle revient sur moi et mon sujet du jour, moi et mes problèmes que je n’ai envie de partager avec personne d’autre que personne mais sur lesquels je m’épanche aujourd’hui, pour une raison qui m’échappe. « Raelyn perd de sa superbe. » « Ouais, ta gueule. » Mes lèvres s’étirent en un sourire amusé et je porte mon verre à mes lèvres. « Si tu veux le récupérer tu l’auras. » « C’est pas si simple que ça. » Je veux le récupérer, mais je veux récupérer ce que nous avions, je veux être capable de faire fi de sa trahison mais cette possibilité là n’existe plus. Parce que je ne peux oublier ce que je sais, parce que je ne peux oublier qu’il est allé jusqu’à me livrer à Aberline pour qu’elle m’achève d’un coup sec dans la nuque. Mais tout ça je ne peux le confier à Jill, je ne peux le confier à personne sans que cela ne prenne des heures et, de toute façon, je n’en ai pas envie. « On peut aller taper sur des voitures, à coup de battes de baseball, j’ai un ami qui fait ça souvent. On peut aller forcer la serrure du club de boxe où je vais souvent ! » Là elle m’intéresse et je caresse les deux idées. « Et tu vas où pour casser des voitures ? » Déjà, je me redresse et je fouille mon sac à la recherche de mon téléphone. « Je nous appelle un taxi ou t’as quelqu’un qui peut nous y emmener ? » Nous y emmener et nous laisser tranquille, je n’ai pas envie de faire le moindre effort de socialisation.
 

l’alcool et la drogue, elle ne pensait pas faire ce mélange ce soir. Elle réfléchissait à boire un verre, et maintenant, elle se retrouve à vouloir enchainer les lignes de cocaïne pour ne plus jamais quitter cet état de transe. “Emmene moi à deux on aura peut-être plus d’arguments.” Elle hausse un sourcils, complètement perdue entre ses émotions et ses ressentis. Elle soupire, bouge encore la tête dans tous les sens et se laisse aller à rire comme une enfant à chaque phrase de Raelyn. Les phrases qui ne concernent ni Bailey ni ses enfants. Tout le reste la fait rire, parce que tout le reste est léger en comparaison de ce qu’elle vit ces derniers temps. “Si c’est lui qui s’éloigne c’est pas de ma faute.” Elle hausse les épaules comme si c’était la chose la plus logique qui soit. Elle ne sourit plus parce qu’elle réfléchit. C’est lui qui la déteste, lui qui la vire, et au final, ce n’est pas elle qui prend directement les décisions qui détruisent leur couple et leur famille.

Raelyn amoureuse, ça c’est une nouveauté à laquelle elle ne pensait jamais assister. Elle sourit et Jill pouffe de rire. Elle se comporte comme si elle était en école primaire mais elle s’en fiche. Tant qu’elle s’amuse c’est tout ce qui compte. “Elle est amoureuse !” Les yeux de Jill pétillent de malice, elle aussi elle a fini par se faire avoir. “C’était plus simple quand on changeait de lit toutes les nuits hein…” Elles n’avaient pas à réfléchir ni à ressentir. “J’imagine que c’est toi qui rends les choses compliquées ?” Les questions et les réponses s’enchaînent comme si c’était naturel. Mais demain elles auront oublié cette conversation, elles se seront oubliées jusqu’à la prochaine fois où tout ira mal et qu’elles se recroiseront par hasard.

“A la casse.” Elles vont donc hurler et taper sur des voitures à la casse de Brisbane. “Tu nous appelles un taxi ou tu as quelqu’un pour nous emmener ?” Jill ne veut appeler personne, elle l’a dit, elle ne voulait voir personne ce soir. “Je peux toujours conduire !” Elle a des clefs et une voiture, c’est tout ce dont elles ont besoin.

« Emmène moi à deux on aura peut-être plus d’arguments. »
« Bien sûr que non, tu ferais trop mauvaise impression. »  

Je lui adresse un sourire avant de revenir aux sujets qui m’intéressent beaucoup plus. A-t-elle tout fait pour que son époux la déteste Jill ? Pourquoi ? Est-ce quelque chose de récurrent chez elle ce besoin de tout détruire quand les choses se passent trop bien ? Est-ce pour ça qu’elle laissé ses enfants ? « Si c’est lui qui s’éloigne c’est pas de ma faute. » « Tu disais que c’était le but… Te cache pas, t’en a trop dit ou pas assez. » J’esquisse un sourire et je lui tend une oreille attentive, sauf qu’elle est retorse Jill, qu’elle en profite pour m’attaquer moi quand il n’était question que d’elle. Elle dit que je pourrais le récupérer si je le voulais Amos, mais elle est loin d’imaginer ce qu’il s’est passé, elle est loin d’imaginer que je ne suis pas juste partie, que je ne l’ai pas juste laissé et qu’il n’a pas juste menti sur des choses futils et sans importance. « Elle est amoureuse ! C’était plus simple quand on changeait de lit toutes les nuits hein… » « Tu vas me dire que je me répète mais… Ouais, ta gueule. » Je ne répèterai pas que je ne suis pas amoureuse : à m’entêter à le scander je ne ferai rien d’autre que prouver que c’est faux, que je mens de façon éhontée. « J’imagine que c’est toi qui rends les choses compliquées ? » « C’est nous deux. Moi j’ai pas demandé à ce que ça le soit. » Lui il savait. Pendant tout ce temps il savait qu’il gardait ce secret qui nous abimerait dès lors qu’il sortirait.  

« A la casse. » Je lève un sourcil, amusée par l’idée et finalement je me demande ce que j’ai à faire de mieux de ma soirée. Rien, je tranche rapidement et l’idée d’un exutoire à ma colère me séduit. Après tout je ne suis qu’en compagnie de Jill et si j’en crois nos habitudes après ça nous nous séparerons pour ne pas nous revoir avant des mois ou des années. Ce sera entre elle et moi, tant pis si je montre que je suis touchée. « Tu nous appelles un taxi ou tu as quelqu’un pour nous emmener ? Je peux toujours conduire ! » « C’est ça et moi je sais utiliser un tapis volant. » Je sors mon téléphone, j’ai même du mal à taper sur les touches. « Je commande un taxi. »

Jill se perd dans ce qu’elle dit. Elle devrait se taire mais ses lèvres bougent toutes seules. Elle n’a pas envie de s’empêcher de parler et Raelyn ne le fait pas non plus. La drogue fait son effet, en espérant qu’elles auront tout oublié dès le lendemain. Elle essaie d’exprimer ce qu’il se passe dans sa tête mais c’est compliqué. Il y a plusieurs histoires, plusieurs idées, plusieurs fois qui se taisent maintenant que la drogue parcourent l'entièreté de son corps. Et qu’est ce qu’elle aime cette sensation, elle ne s’en lassera sûrement jamais. “Je pars pendant une semaine, je donne pas de nouvelles donc il est énervé. Il est énervé, il me vire de la maison. Mais c’est pas moi qui suis partie, c’est lui qui m’a viré. Donc si tout est cassé c’est pas de ma faute.” Un raisonnement qu’elle tente d’expliquer, et tant pis si la blonde n’est pas capable de comprendre que la seule chose que veut Jill c’est de dédouaner, rester loin de la notion de responsabilité. C’est plus simple si ce n’est pas de sa faute, elle n’a pas à se justifier si la seule personne qui fait des conneries c’est Bailey.

Elle est vraiment amoureuse et ça en serait presque attendrissant si ça lui importait vraiment. Mais si elle pose des questions à Raelyn c’est surtout pour ne pas être la seule à s’ouvrir un peu. Elle est étrange cette soirée. Mais elle continue de profiter la brune. “Il a essayé de revenir vers toi ?” Si c’est de sa faute à lui elle ne devrait pas avoir à lui courir après. Si tout est de sa faute c’est à lui de galérer pendant des jours, voir des semaines pour la récupérer.

Elle parle de tapis volant et les yeux de Jill s’illumine “Ce serait tellement génial.” Elle s’imagine déjà faire le tour de Brisbane à bord d’un tapis volant et c’est dans ces moments là qu’on peut se rendre compte qu’elle n’a pas pris de drogue depuis un bout de temps. “Tu fais une ligne tous les combien de temps ?” C’est qu’elle est déjà impatiente. Elle ne sait pas combien de temps s’est écoulé depuis la première prise. Elles sortent et se retrouvent à attendre le taxi. “TAXIIIIIII” elle hurle au milieu de la rue pour attraper celui qui vient les récupérer, pleine d’énergie pour continuer cette soirée.

« Je pars pendant une semaine, je donne pas de nouvelles donc il est énervé. Il est énervé, il me vire de la maison. Mais c’est pas moi qui suis partie, c’est lui qui m’a viré. Donc si tout est cassé c’est pas de ma faute. » « Ca a aucun sens ce que tu racontes. » Ca n’a aucun sens parce que la brune ne sait pas ce qu’elle veut, parce qu’elle veut la vie de famille et l’indépendance, la corde au cou et la plus parfaite des libertés et que ça c’est impossible, sauf qu’elle ne l’a pas encore compris. « Pour moi ça sonne comme si t’avais tout fait pour te faire mettre à la porte. Alors tu devrais être contente, t’as réussi ton coup. » Si je suis un peu amère c’est parce qu’elle semble se plaindre d’avoir perdu tout ce qu’elle avait de bon dans sa petite vie misérable quand moi, je n’ai rien demandé. La passion qu’on vivait Amos et moi était sincère, intense et je n’ai rien demandé de ce qui m’est tombé dessus. Je me gavais de bonheur et ça m’allait, alors je ne pleurerais pas sur Jill qui a tout jeté aux orties parce qu’elle ne supporte pas quand sa vie n’est pas dysfonctionnelle.

« Il a essayé de revenir vers toi ? » « Oui et non. » Il a essayé de m’ouvrir les yeux. Il a essayé de me montrer à quel point il agissait dans mon intérêt, plutôt que de me planter un couteau dans le dos. Mais il n’est pas revenu pour me récupérer, sans quoi il se serait excusé. Il aurait pris le temps d’entendre aussi la façon dont je me sentais, d’entendre ma détresse. Si je suis laconique, c’est que je n’ai que peu envie d’en parler et elle devra me tirer les vers du nez Jill.

« Ce serait tellement génial. »
« Mais on se crasherait. Autant qu’en voiture. Mauvaise idée, ça mettrait des morceaux partout. » Qui tomberaient comme de la neige puisqu’on survolerait la ville sur notre tapis. « Tu fais une ligne tous les combien de temps ? » « Pourquoi t’en veux déjà une autre ? » Un sourire étire mes lèvres. « Y’a pas de règle, c’est comme tu veux. » Y’a des règles, mais c’est entre son corps et elle, entre ses limites et elle, qui suis-je pour me mettre en eux ? « TAXIIIIIII » Elle hurle et les taxi s’arrête. Les phares m’éblouissent et je l’écoute à peine lorsqu’elle donne l’adresse de la casse.  

Rien n’a de sens dans sa vie. Ni ses envies, ni ses besoins. Tout entre en collision et c’est ingérable pour la McGrath. Elle ne veut pas que sa famille se détruise autant qu’elle a envie de se retrouver tous les soirs à boire dans les bars de Brisbane. Ca ne va pas ensemble. Et elle le sait qu’elle devra faire un choix un jour. Bailey lui imposera de faire un choix, c’est certain. Il lui dira que c’est soit eux soit sa vie d’avant, et le problème à cet instant, c’est qu’elle ne sait absolument pas quoi choisir. Elle aime ce cocon douillet qui l’englobe quand elle se drogue et qu’elle boit jusqu’à ne plus connaître son prénom. Mais elle sait qu’elle aime Bailey, et qu’un jour elle pourra être capable d’aimer ses enfants. Il suffirait d’un petit effort, il suffirait qu’elle arrête de fuir. “Je suis ravie.” Et elle boit son nouveau verre d’une traite. Comment est-il arrivé là ce verre ? Elle ne se souvient même plus l’avoir commandé.

Raelyn ne veut pas parler, elle est coriace la blonde, même avec plus de poudre que de sang dans le corps. Jill secoue la tête, elle ne veut pas la forcer à répondre et pourtant elle aimerait savoir qui est la personne capable de briser le coeur de la demoiselle aussi facilement. Elle est brisée, et il faudrait être aveugle pour ne pas s’en rendre compte. “Si tu veux pas parler là, tu balanceras quelques trucs quand tu te retrouveras à taper sur des voitures.” Dorian lui pardonnera d’avoir fait une soirée destruction sans lui. Elle a besoin de se défouler, et sa partenaire de soirée la suit aussi étonnant que ça puisse paraître.

Jill hausse les épaules. Ca a quand même l’air sacrément cool de se balader sur un tapis volant. “A la casse.” Elle peut tenir le temps d’un trajet, elles seront au calme avec les voitures. Personne ne pourra les voir faire n’importe quoi. Le taxi les prend et Jill n’a pas le temps de se rendre compte de quoi que ce soit qu’elles sont déjà arrivées. “Il est super rapide ce taxi.” Elle a l’air étonnée, impressionnée, et le conducteur les regarde comme si elles étaient deux aliens sorties de nul part. “Tu me suis tu me perds pas.” Parce qu’elle ne pense pas qu’elle aura la force de revenir la chercher.

Elle passe à travers un trou dans le grillage qu’elle connait bien, attrape la batte qui est toujours au même endroit quand elle vient ici. “A toi l’honneur ?” Elle lui laisse le choix.

« Je suis ravie. »
« T’as l’air. T’as un teint merveilleux. »

C’est ce qu’on dit aux femmes enceintes non ? Ca doit aussi s’appliquer à celles qui viennent d'accoucher ? Que dis-t-on à celle qui viennent d’abandonner leur enfant ? Je doute qu’il y ait une formule appropriée alors je m’en tiens à cette là, parce que je sens que je suis pas loin du point de non retour pour la brune et qu’elle risque de me claquer entre les doigts. Ces freaks et leur imprévisibilité...« Si tu veux pas parler là, tu balanceras quelques trucs quand tu te retrouveras à taper sur des voitures. » « Je balancerai rien du tout. Si t’es curieuse, tu prendras ton courage à deux mains et tu poseras des questions. Mais pour l’instant, j’ai pas assez bu pour y répondre. » J’en ai même déjà dis bien plus qu’à mon habitude.

Le voyage en taxi me semble passer en un souffle, à moi aussi. Je fixe les lumière de la ville, à mi chemin entre l’extase et l’abattement, et je n’arrive pas à m’en décoller. Lorsque nous nous éloignons, je me souviens avoir demandé à Jill où elle m’emmenait, comme si je n’arrivait pas à imprimer l’information. Lorsque le véhicule se gare devant le casse, cela me revient et un immense sourire étire mes lèvres : je n’ai jamais fait ce genre de chose mais j’ai sans conteste une sacrée dose de violence en moi, le résultat risque d’être intéressant. « Il est super rapide ce taxi. » « Plus vite qu’un tapis volant. » De mémoire d’homme, personne n’a jamais dit ça avec autant de sérieux que ce que je viens de le faire. « Tu me suis tu me perds pas.  » « Je vais pas te fausser compagnie dans ce genre d’endroit. D’ailleurs c’est flippant, avoue tout tu m’as emmenée ici pour me détrousser et jeter mon corps sous un tas de débris ? » Je me penche vers le chauffeur pour lui laisser une liasse de billets. Surement y en a-t-il trop, mais il ne s’en plaint pas et démarre sans demander son reste. Je suis la brune à travers le grillage et lorsqu’elle place une batte de baseball entre mes mains, je l’observe comme fascinée. « A toi l’honneur ? » « Dans quoi je frappe ? » Je regarde autour de moi, sans savoir par quoi commencer.

"T'as oublié de complimenter mes cheveux." C'est ça non les trucs qu'on sait toujours aux femmes enceintes ? Qu'elles ont de beaux cheveux et une belle peau. Jill s'en fiche bien de l'état de son corps après ce chaos qu'a été l'accouchement. Une nouvelle gorgée, elle ne veut pas penser à tout ça. Elle secoue la tête, ce moment n'est qu'un mauvais souvenir parmi tant d'autres. Elle serre les dents, il lui faudra quelques lignes de plus pour rentrer dans les détails si Raelyn est intéressée, ce qui est peu probable selon Jill. 


"On se trouve de quoi boire pour aller là-bas ou on se contente de ce que tu as dans ta poche ?" La poudre suffirait, mais elles n'ont plus de limites. Jill n'en a plus aucune alors elle boira et prendra tout ce qu'elle veut et ce qu'elle aime. Elle rêve déjà de la prochaine ligne entre les histoires de voitures et de tapis volants. Elle parlera Raelyn, elle en est certaine. Elle va finir par hurler en donnant des coups sur les tas de taule qu'elles vont rejoindre grâce au taxi. La tête tourne, le temps passe soit trop vite soit bien trop lentement. Elle a aussi froid qu'elle meurt de chaud la McGrath et c'est comme si elle découvrait toutes les sensations, les sentiments, pour la première fois. Pourquoi elle avait eu comme idée d'arrêter la drogue déjà ? A cet instant elle n'en a aucune idée. 


La route est terminée aussi vite qu'elle a ete commencé. Elle fait le chemin, se faufile entre le grillage et les carcasses de voitures qui traînent dans tous les coins. "Tu crois que ça marcherait vraiment ? Je peux garder cette idée pour la prochaine fois qu'on se voit." Elle n'a pas envie de se débarrasser de la blonde tout de suite. Elle a l'impression qu'elles se comprennent un peu, et qu'elles ont besoin des mêmes choses le temps d'une soirée. "Dans tout ce que tu veux !" Elle tend le bras pour lui montrer l'étendue de voitures abandonnées. "Sauf moi." Autant preciser, on ne sait jamais. "Mais avant…" elle tire sur la poche de la blonde, elle attrape la cuillère et la bouteille pour sniffer ce dont elle a besoin. "Toi ?" 

 

« T'as oublié de complimenter mes cheveux. »
« Ouais je sais, c’est volontaire. Contente toi du teint. »

J’ai à peine regardé ses cheveux pour être honnête mais à partir du moment où elle m’offre la possibilité de la piquer, évidemment que je vais la saisir sans hésiter. Elle me connaît trop pour ne pas le savoir Jill. « On se trouve de quoi boire pour aller là-bas ou on se contente de ce que tu as dans ta poche ? » Elle soulève une question intéressante et, tandis que je compose le numéro du taxi, je hausse les épaules. « Trouve une bouteille, je veux pas savoir si tu l’as payée, je veux pas savoir d’où elle vient. » Vole une bouteille derrière le bar. C’est un peu le défi qu’il faut lire entre les lignes, là, tout de suite.

Plus tard, lorsque la voiture nous dépose, je jette un regard méfiant à la décharge, sans réellement l’être : la drogue a de toute façon abaissé toutes mes barrières depuis longtemps et Jill est peut-être le moindre mal sur lequel j’aurais pu tomber. « Tu crois que ça marcherait vraiment ? Je peux garder cette idée pour la prochaine fois qu'on se voit. » « Je sais pas. Je suis petite et pas épaisse mais j’ai pas peur des coups bas. Je suppose qu’il faudra essayer pour savoir. » Je la suis à travers le grillage sans même réfléchir à ce que je déblatère, et une fois que nous arrivons, un sourire étire mes lèvres. Je ne sais pas pourquoi cela m'enthousiasme, toutes ces merdes, mais dans l’état dans lequel je suis ça le fait. « Dans tout ce que tu veux ! » La batte entre les mains je me retourne vers elle et elle semble lire dans mes pensée.

« Sauf moi. »
« Merde, y’a plus rien d’intéressant du coup. »
« Mais avant…  » Elle se penche vers moi et, les réflexes émoussé par mon état général, je réagis à peine. Elle sort ma propre fiole de ma poche et s’enfile sous mes yeux de quoi réveiller un cheval.
« Doucement, c’est pas de la farine et t’es pas en train de faire des cookies là. »
« Toi ? » Elle tend la fiole dans ma direction et mon sourire s’étire. Evidemment que je vais en prendre, je ne réponds pas et imite son gest, avant de serrer mes doigts autour de la batte de baseball tandis que je sens tous mes sens s’éveiller. Le premier coup, je le porte dans le rétroviseur d’une voiture et je le rate. Mais le second explose le pare brise et moi, j’explose de rire.