Le bar était calme en cette fin d'après-midi. Itziar n'était pas particulièrement enchantée de se trouver là et ce pour plusieurs raisons qui lui étaient propres. La première et sans doute la plus importante était que d'ordinaire, elle ne travaillait pas l'après-midi. 99% de ses shifts étaient en soirée afin de lui permettre de pouvoir assister à ses cours à l'université. Aujourd'hui, elle avait échangé avec Josh et elle ne pouvait s'en prendre qu'à elle. Je te remplace n'importe quand ! Lui avait elle lancé avec ses yeux de chiens battus pour qu'il accepte de travailler à sa place samedi prochain afin qu'elle puisse célébrer l'anniversaire d'une de ses amies et ne pas se retrouver coincée au bar jusqu'à trois heures du matin. Elle avait vu son sourire en coin et elle avait tout de suite su qu'elle n'aurait pas dû proposer ça. Josh connaissait Itziar, il la connaissait très bien même. Il travaillait avec elle depuis qu'elle avait commencé et il savait pertinemment que ce que Itziar appréciait dans son travail, c'était le contact avec les clients, elle vivait pour travailler quand le bar était plein à craquer et qu'il était difficile de savoir où donner de la tête. Elle avait une sainte horreur des moments plus calmes, où elle se retrouvait derrière le bar à ne pas faire grand-chose. Il savait aussi que ce genre de moments avaient lieu en après-midi quand le bar n'était pas ouvert depuis bien longtemps et que les clients habituels étaient au travail ou en train de vaquer à leurs occupations il n'y avait donc pas grand monde et par-dessus tout l'après-midi, il y avait toujours ce risque que certains viennent accompagnés de leurs enfants. Ce qui était aussi une des raisons pour lesquelles Itziar préférait travailler le soir, lorsque les mineurs n'étaient plus autorisés dans l'établissement. Elle n'avait rien de particulier contre les enfants, elle n'était juste pas du tout à l'aise face à toute personne de moins de douze ans. Face à des enfants, il fallait bien se tenir, bien se comporter, faire attention à ce qu'on pouvait dire et ça c'était compliqué pour Itziar. Peut-être était-ce parce qu'elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de côtoyer d'enfant depuis longtemps, la plus jeune de ses cousines ayant seulement trois ans de moins qu'elle et ses parents n'ayant pas eu d'enfant après elle ces contacts étaient donc limités. Ce qui ne lui déplaisait pas.
D'ailleurs, aujourd'hui, c'était le jackpot pour elle quand un couple était entré avec leur fillette haute comme trois pommes. Alerte marmot. Je te remercie pas avait elle envoyé à Josh. La fillette ne criait pas. C'était déjà ça. Parce qu'elle en avait vu des gamins qui arrivaient avec leurs parents, traînés de force sans qu'on leur demande leur avis et qui hurlaient ou couraient partout dans le bar jusqu'à ce que leurs parents décident de quitter les lieux. Alors, elle n'allait pas trop se plaindre non plus. Même quand c'était la fillette en question qui était venue d'elle-même lui commander un deuxième verre de jus de pommes qu'elle lui avait servi sans tenter de faire la conversation parce qu'après tout, que pouvait-elle bien raconter à une fillette qui devait avoir au maximum sept ans. En revanche, si elle n'était pas à l'aise avec les enfants, ce n'était pas le cas de tout le monde et Rose, avec ses cheveux couleur bonbon qui était là depuis un moment à dessiner semblait être dans son élément. Elle n'avait pas l'air perturber le moins du monde par la fillette venue s'incruster à sa table, son verre dans une main pour observer ce qu'elle était en train de faire. Elle observait la scène de loin, presque ébahie qu'elles semblent avoir tant en commun, ou que Rose sache prétendre avoir beaucoup en commun avec la petite fille. Elle n'entendait pas ce qui se disait, mais elle était admirative. De derrière le comptoir, ça paraissait complètement naturel. Elle fut interrompue dans ses observations par un groupe de clients venus s'installer au comptoir, s'occupa de leur servir à boire et de discuter un peu, une chose qui ne lui demandait aucun effort quand il s'agissait d'adultes, peu importait leur âge. Prise dans sa conversation, elle n'avait pas remarqué que le couple était parti et c'était quand le groupe du comptoir s'était dirigé vers le babyfoot qu'elle avait vu que Rose était de nouveau seule, penchée au-dessus de son dessin. Elle s'était approchée avec un verre identique à ce qu'elle avait commandé en arrivant et l'avait déposé devant elle. "Tiens, cadeau de la maison." avait-elle déclaré avec un sourire. "Parce que je dois avouer que j'étais en admiration totale de la façon dont t'as interagit avec la petite fille de tout à l'heure. Elle est venue commander son jus, m'a dit que je ressemblais à sa maîtresse et j'ai juste dit 'cool' en souriant comme une imbécile heureuse, espérant qu'elle s'en aille vite." Ajoute-t-elle en secouant la tête. "Du coup ce verre c'est moi qui m'incline devant toi." Précise-t-elle en souriant.
Les choses les plus simples sont parfois les plus complexes. Tu le vérifies en ce moment même. Cette commande est si anodine qu’elle est en déroutante. Habituée à avoir des détails en pagaille pour guider ta fibre créative, dont tu oublies la plupart en cours de route, cette cliente t’a laissée le champ libre ou presque. Elle ne t’a imposée que deux choses : la longueur de la robe qui doit descendre jusqu’à ses chevilles et la teinte dominante du vêtement, le orange, sa couleur préférée. Voilà une semaine que tu travailles dessus. Tu en as griffonné des feuilles, tu en as transformé en boulette, tu en as jeté par terre. Malgré tes diverses tentatives, tu n’as pas trouvé l’inspiration. Tu as bien essayé de la stimuler. Comme à ton accoutumée, tu as passé des heures au parc et sur la plage, assise sur un banc, à observer les passantes. Si certaines ont agité ta main dessinatrice, aucune ne t’a rendu satisfaite. Il faut te ressaisir. Tu ne peux rester sans rien faire. Tu as encore le temps avant l’échéance. Il sera tout de même préférable que tu te bouges. En dehors de concevoir le croquis, tu vas devoir confectionner l’habit par la suite. Et ceci te prendra des jours. Tu n’as pas le droit d’être un retard bien que tu juges qu’un artiste ne l’est jamais. Ta cliente n’aura cure de tes pensées. Elle paye pour un service. Elle n’a pas à se soucier de tes difficultés.
Après une nouvelle journée à gribouiller, tu as besoin de repos. L’esprit fatigué par tant de réflexion, tu entres dans ton bar favori en quête de réconfort. Après avoir commandé un jus de pomme au comptoir, tu files d’assoir à une table proche d’une fenêtre, exposée au soleil. Observant la serveuse, elle te rappelle les traits de ta cliente. Une lueur agite tes neurones. Tu sors bloc-notes et crayon de ton sac à main. Enfin crayon, une fois retrouvé dans le bazar interne de tes cabas. Tes prunelles alternent entre ton carnet et la silhouette élancée de la blonde. Tes doigts s’activent. La page blanche se noircit progressivement. De néant, elle devient support éventuel de création future. Occupée avec ce couple, Itziar ne remarque pas ton manège. Tant mieux d’un côté. Il y aurait de quoi la troubler. Elle pourrait croire que tu la dessines sans son autorisation. Et tu n’aimerais pas la fâcher. Même si vous avez rarement l’occasion de discuter, tu apprécies vos rares échanges. Souvent, ils se limitent à des sourires. Ils te conviennent parfaitement. A tes yeux, ils sont plus parlants que des mots. Plongée dans ta bulle, tu avances ton esquisse quand une ombre fait son apparition dessus. Tu lèves ta tête et en découvre la source. Cette fillette te reluque de ses iris brillants. Là où la plupart des personnes l’auraient ignorée, toi, tu stoppes ce que tu fais pour lui porter de l’attention. Commissures remontées jusqu’aux oreilles, tu ne peux retenir un gloussement affectif à son « Bonjour Madame la fée. »
La spontanéité des enfants t’émerveillera toujours. L’innocence qu’ils dégagent est si belle. Trop d’adultes perdent leur âme d’enfant en grandissant. Tu reconnais la boisson dans son verre. Tu saisis le tien et trinque avec elle. « Le nectar des fées. », lui lances-tu accompagné d’un clin d’œil. Ses parents lui demandent de ne pas t’importuner. Tu leur fais signe de ne pas s’inquiéter pour ça. Elle est la bienvenue dans ton environnement. Elle s’empresse de boire son breuvage sucré avant de filer en rechercher un autre. A son retour, tu recules ta chaise. Tu la saisis par les hanches et l’assois sur tes genoux. Curieuse, elle te pose des questions sur ton croquis. Tu lui expliques simplement ton métier en lui disant créer des vêtements. Styliste ne lui aurait rien dit. A son âge, il est inutile d’employer des termes techniques. Tu lui montres les divers clichés de ton cahier. Elle n’hésite pas à y aller de son commentaire à chaque fois. Tu prends soin de l’écouter attentivement. Malgré son avis enfantin, il compte pour toi. Arrivé à la fin, tu lui proposes de s’essayer à l’exercice. Tu lui prêtes ton crayon de papier. Tu lui indiques faire ce qu’elle veut. Il n’y a nulle contrainte ici. Forcément, ses traits partent dans tous les sens. Pourtant ils t’amusent. Elle n’a pas le temps de finir que sa mère vient la chercher. Elle te remercie de ta patience. Prête à lui offrir son début d’œuvre, le trio est déjà parti. Trop pressé sans doute.
Tu termines ton verre. Tu replaces la feuille de ta dernière inspiration sur le devant quand une nouvelle ombre fait son apparition. Plus grande, plus adulte, tu découvres la demoiselle à la toison dorée. Ses paroles te font sourire. Tu estimes n’avoir rien fait de spéciale hormis considérer la fillette comme un être humain à part entière. « Dans ce cas, elle a une très jolie maîtresse. » Tu n’es pas en train de la draguer. Tu affirmes seulement la vérité. Cette femme est belle. Tu aurais aimé avoir une maîtresse avec ce physique lors de ta scolarité. Tu as eu un monsieur. Gentil mais moins intéressant. Enfin, à l’époque, cela n’avait aucune importance. Tu ignorais encore ton orientation sexuelle. « Il ne faut pas. Tu sais, un enfant, ça ne souhaite qu’être écouté. Tout le monde est capable de ça. » Leur parole est trop souvent décriée sous prétexte d’âge et immaturité. Comme si un chiffre désignait le degré de maturité d’une personne. A vingt-huit ans, tu es loin de l’être. « Par contre, comment tu gères les clients qui t’abordent lors des soirées ou comment tu désamorces les débuts de conflits, ça c’est un don. Et je m’incline face à toi. » Joignant le geste à la parole, tu effectues une révérence maladroite de ton siège. Tu ris de ton ânerie. Tu serais incapable de faire ce qu’elle fait. Toi, tu lancerais des paillettes pour calmer les situations délicates. Pas sûr que cela fonctionnerait. Au contraire, cela risquerait de les faire dégénérer. « En tant que femme également inclinée, me ferais-tu l’honneur de trinquer avec moi ? Tu peux bien prendre cinq minutes de pause. » Elle va réellement finir par penser que tu la dragues. Surtout si tu continues de lui sourire aussi franchement. Alors que tu es juste naturelle. Solaire et empathique.
Itziar se disait que c'était ça aussi, l'avantage de travailler quand le bar était des plus calmes. Elle avait plus de temps pour discuter. Elle n'était pas là à essayer un bout de conversation d'un côté et de l'autre du bar, sans vraiment pouvoir s'attarder, déjà de nouveau sollicitée ailleurs. Le soir, à moins que ce ne soit en fin de service, ou un jour anormalement calme, elle passait son temps à faire des allers-retours derrière le bar et dans la salle pour servir les différentes tables et débarrasser à mesure que les verres se vidaient. C'était bien plus la course et donc, elle avait bien moins de temps libre, si on pouvait appeler ça comme ça. Alors, elle en profitait, parce qu'elle pouvait se le permettre. Ses clients étaient servis, les tables vides étaient propres et elle préférait donc discuter plutôt que de s'asseoir sur un tabouret derrière le bar et river ses yeux sur son téléphone portable en attendant que le temps passe ou que quelqu'un vienne perturber le calme. Alors, c'est avec un verre de jus de pomme à la main qu'elle se dirige vers la table de Rose. Vient déposer le breuvage devant elle avant de lui déclarer à quel point elle admirait la façon dont elle s'était occupée de la fillette qui s'était invitée à sa table un peu plus tôt. "Elle a une jolie maîtresse, elle aborde une belle nana dans un bar, je sais pas ce que sera la suite pour cette gamine, mais je crois que je l'envie finalement." Répond-elle en souriant. Elle, elle avait principalement le droit aux gros lourds, ayant déjà bu au moins trois verres de trop qui ont l'impression d'être sculptés comme des Dieux grecs, se sentant soudainement irrésistibles. Ca finalement, c'était plutôt un des désavantages des shifts du soir. Les gens venaient pour boire et une majorité d'entre eux, en particulier le weekend, venait pour boire à outrance. Elle ne pouvait pas juger cela dit, elle avait tendance à faire pareil, mais elle ne pouvait que remarquer ce détail. A cette heure-ci, les gens commandaient une bière, peut-être deux et rentraient chez eux, elle n'avait pas à rembarrer ceux qui se sentaient pousser des ailes. C'était plaisant, elle n'avait pas de mal à le reconnaître. Cependant, elle était visiblement plus douée pour s'occuper de types bourrés que de fillettes hautes comme trois pommes. "Mon problème c'est pas tant d'écouter, mais plutôt de répondre. Je sais même pas comment expliquer, mais comment tu fais pour trouver quoi dire ?" Demande-t-elle en riant. Elle pouvait écouter, ça il n'y avait pas de problème, elle pouvait même faire semblant d'être intéressée, mais ça s'arrêtait là, elle semblait perdre absolument toute répartie quand il s'agissait de discuter avec quelqu'un de si jeune. "En revanche, je t'assure que s'occuper des clients un peu trop avenants et empêcher, voire séparer les bagarres, c'est pas si compliqué que ça." Répond-elle.
C'était même plutôt naturel pour elle. Ça relevait plus de l'instinct que du don selon elle et ça ne valait sûrement pas une révérence. "Il y a même pas de secret. En toute honnêteté, ça vient d'un manque de patience de ma part et d'une sainte horreur des types qui se transforment en gros lourds une fois bourrés. Pour les bagarres, c'est encore plus simple : prévenir une fois, deux fois ... puis faire un signe à Kyle, les gros bras du bar qui se chargera de séparer n'importe quelle embrouille en dix secondes chrono'." Finit-elle en souriant. Non vraiment, ce n'était pas sorcier. Il lui avait fallu un temps d'adaptation au début, parce qu'elle ne savait pas trop quoi dire, ou plutôt, elle ne savait pas trop ce qu'elle avait le droit de dire. Le client était roi, c'était ce qu'on entendait partout et tout le temps, mais elle avait rapidement appris que ce n'était pas vrai dans toutes les situations. Que si elle avait l'impression que quelqu'un allait trop loin, elle était parfaitement en droit de le faire savoir et de remettre cette personne à sa place. Finalement, une fois cette réalisation faite, son travail lui avait semblé bien plus simple et elle ne s'était plus gênée pour remettre à leur place les éléments indésirables. Maintenant, un peu plus de trois ans plus tard, c'était devenu un automatisme, au même titre que servir une bière correctement. Alors, non, vraiment, elle ne pensait vraiment pas qu'elle avait quelque chose de plus qu'une autre à ce niveau-là. Elle s'était simplement habituée à son environnement. La jeune espagnole croit bien que c'est la première fois qu'elle a l'occasion d'échanger autant avec la jeune femme et de ce fait, quand cette dernière lui propose de trinquer avec elle, la réponse est évidente. "Avec plaisir ! Pour toi je peux bien en prendre dix même !" qu'elle déclare avec un clin d'oeil avant d'ajouter "J'aurai même dit pour toi je peux bien me faire virer, mais c'est quand même un peu tôt, faut pas aller trop vite en besogne." Elle rit, Itziar, s'éloigne rapidement de la table pour aller chercher à boire au bar avant de revenir et de tirer l'une des chaises pour s'asseoir en face de Rose, un verre de coca cola à la main. "Tu veux trinquer à quoi ?" Lui demande-t-elle en levant son verre. "A nos deux talents, qui n'ont rien en commun, mais sont bien utile ?" plaisante-t-elle, un lien d'oeil en direction de son interlocutrice.
Les enfants sont un mystère pour de nombreuses personnes. Beaucoup ne savent pas comment interagir avec eux. Ceci explique probablement pourquoi les gens éprouvent des difficultés à t’aborder. Si tu as l’apparence d’une adulte, ton esprit est bel et bien enfantin. Tu n’as pas toujours affiché cet état d’esprit. Tu as grandi très vite, forcée par ton départ du cocon familial et ton arrivée à Melbourne. Sans ta mère à tes côtés à seize ans, tu n’as pas eu le choix de mûrir. Cette croissance rapide t’as faite souffrir. Tu n’as pas pu profiter de ton adolescence. Alors tu la vis maintenant, en retard. Tu n’as pas connu les sorties, les prises de bec avec tes parents, la rébellion, l’alcool. En soi, ce n’est pas plus mal. Tu ne regrettes pas les soirées arrosées. Tu n’as jamais eu de goût pour l’ivresse de toute façon. Tu tournes au jus de pomme depuis longtemps. Et tu ne comptes pas changer tes habitudes. Tu ne tiens pas à imiter les personnes éméchées aperçues dans le bar. Même si tu ignores comment tu serais, tu ne te risqueras pas à tester l’ébriété. Tu n’es pas intéressée. Tu préfères conserver le contrôle de ton être. En plus, cela t’as déjà permis de sympathiques rencontres. Tu as déjà proposé à une cliente titubante de la ramener chez elle à la fermeture de l’établissement. Si souvent tu l’as fait par pur altruisme, tu ne cacheras que parfois, tu l’as fait avec une idée lubrique derrière la tête. Tu restes une enfant avec des désirs d’adulte. Peut-être est-ce la raison pour laquelle tu réponds de la sorte à Itziar. Tu ne nieras pas apprécier ses courbes. « Tu l’envies parce qu’elle a pu s’asseoir sur mes genoux ? » Tu glousses bêtement. Tu es d’humeur joueuse. C’est à s'interroger sur ce que contient réellement ta boisson.
Retrouvant ton calme, tu hausses les épaules. Tu n’estimes pas avoir de formule magique. Tu te contentes d’être toi-même. Tu ne cherches jamais à endosser un rôle, peu importe ton interlocuteur.rice. « Je me mets à leur place. » Et ce n’est pas très compliqué étant donné que ton âme enfantine est encore très présente en toi. En fin de compte, tu ne fais rien de spécial. Tu souris et laisse tes mots sortir naturellement. Par contre, tu es incapable de le faire chez un adulte. Il y a trop de paramètres à prendre en compte. Si les enfants sont spontanés, les adultes sont plus cachottiers. Tu n’es pas douée pour lire entre les lignes. Ceci est problématique par moment. Tu ne remarques pas toujours quand on te drague. Tu as sûrement raté des opportunités par ton manque de compréhension. Tu écoutes la blonde. Énoncé comme elle le fait, ça parait simple en effet. Pourtant, ça ne l’est pas. Tu te souviens avoir prévenu tes frères lors de leurs bagarres. Tu leur as demandés d’arrêter les menaçant d’aller chercher ta mère. Tu n’as gagné que des railleries et de te faire virer de leur chambre. Tu n’avais malheureusement pas la carrure de Kyle à l’époque pour les séparer. Aujourd’hui non plus d’ailleurs. Tu as plutôt la silhouette d’une crevette inoffensive. Ou d’une guimauve sur pattes selon le point de vue. Dans tous les cas, tu n’es pas taillée pour désamorcer les conflits par la force. Ni même par les mots. Tu manques cruellement d'autorité. Même en haussant le ton, ta voix reste fluette. « Vrai que c’est pratique d’avoir une telle paire de muscles sous le coude. J’espère que tu n’en fais pas appel souvent quand même. » Tu détestes la violence. A tes yeux, elle ne résout jamais rien. Elle ne fait qu’empirer les situations. Alors qu’un sourire peut tout arranger. Cependant, tu admets qu’il est inadapté par moment. Tu te rappelles d’un samedi soir. Un client avait osé l’impolitesse de mettre une main aux fesses d’Itziar. Après avoir récolté une gifle méritée, il a été mis dehors illico presto par Kyle.
Jamais tu ne permettrais un tel irrespect. Tu es plus subtile dans la drague. Itziar un peu moins. Sous réserve qu’elle ta drague. Ses remarques sont aussi tendancieuses qu’elles te font rire. Elle aussi est solaire. Tu comprends pourquoi ce bar fonctionne si bien. La bonne humeur de son employée y est forcément pour quelque chose. Sans cette ambiance, tu ne serais pas une fidèle des lieux. « Je suis gâtée. » Tu lui rends son clin d’œil complice. « Non pas trop vite, surtout que je n’ai pas d’emploi de secours à te proposer. Mais si tu ne peux plus payer ton loyer, je peux t’héberger. J’ai un canapé confortable. » Tu lui offres un rictus malicieux. Tu as été proche de lui dire que tu avais un lit deux places. Tu as préféré taire cette information. Il y a des limites aux plaisanteries. Tu patientes son retour. Elle revient avec un verre de Coca. Sa question te prend de court. Tu n’y as pas réfléchi. Faut-il une occasion pour trinquer ? Tu penses que l’envie est suffisante. « C’est pas mal comme prétexte. » Tu ris. Ton rire cristallin résonne dans la salle. « Sinon, que dirais-tu de trinquer à la vie ? Pour la remercier de ce moment de détente qu’elle nous offre ? » Tu es un brin philosophe. Tu as appris à savourer chaque instant. Le bonheur est éphémère. Un matin il peut être devant ta porte et le soir t’avoir abandonnée sans préavis. Tu n’es pas pessimiste pour autant. Tu es plutôt optimiste et une amoureuse de la vie. Tu entrechoques ton verre contre le sien. Trop fortement que ton liquide a jailli de ton verre. Il a atterri sur ton carnet. Il est en train de brouiller ton début de croquis en absorbant les traits de crayon. « Peux-tu me prêter une lavette s’il te plait ? » Ta demande est douce. Un sourire orne toujours tes lèvres. Tu ne crains pas le décès de ton esquisse. Tu la referas. Surtout que tu as de quoi l’améliorer désormais. Tu as davantage de détails sur ta source d’inspiration qui n’est qu’à quelques centimètres de toi.
Elle prend un air outré, Itziar, avant de se mettre à sourire quand elle entend ce que Rose vient de lui dire. Elle ne s'attendait pas à une réponse comme celle-ci et il lui faut quelques bonnes secondes pour trouver quoi répondre. Surtout que la jeune femme se met à glousser légèrement et ça la laisse sans voix. C'est presque une première pour elle et il n'y en a pas beaucoup qui pourraient se vanter de lui avoir fait oublier tout ce qu'elle voulait dire. Elle ne perd pas la face cela dit et c'est un sourire presque narquois qui est vissé sur son visage. "Comment t'as deviné ? Ça se voit tant que ça ? Moi qui croyais être discrète." répond-elle avec tout le sérieux du monde à Rose, son sourire ne quittant pas ses lèvres. "Tu proposes quoi du coup ?" Ajoute-t-elle, avec toujours autant de sérieux, levant un sourcil interrogateur en direction de la jeune femme aux cheveux roses. C'était bien beau de l'exposer ainsi, mais une fois la surprise passée, Itziar est plutôt du genre à vite retomber sur ses pattes. Parce que, ça l'amuse tout cela et que passée la surprise initiale, elle ne pouvait qu'apprécier le fait que Rose réagisse ainsi. Elle reprend son sérieux cela dit, parce qu'elle était tout de même venue aborder Rose sans aucune arrière pensée, ou tout du moins, son intention était des plus pures. Elle avait été impressionnée par son attitude avec la fillette, se demandant réellement quel était son secret. Ça paraissait tout simple. C'était ce qu'elle en déduisait de l'explication de la jeune australienne. Dans les fait. C'était sans doute plus facile à dire qu'à faire, en particulier de son point de vue. "Si seulement je savais me mettre à leur place." répond-elle en riant. Peut-être que si je m'asseyais sur tes genoux ce serait plus simple, était-elle prête à ajouter, jugeant cependant que ça, ça allait sans aucun doute bien trop loin comme commentaire. Elle n'avait pas beaucoup de limites et en général n'avait pas vraiment de filtres, mais il lui arrivait parfois de réfléchir une demi-seconde avant de parler, ce qui l'avait sauvée de l'embarras plus d'une fois. Comme si, sa conscience passait 99% de son temps, bien endormie, mais se réveillait toujours in extremis quand elle allait réellement dépasser les bornes. Elle ne s'en plaignait pas cependant et ça lui permet aussi d'expliquer sérieusement comment elle faisait pour remettre les clients à leur place et éviter que les bagarres ne dégénèrent. Elle ne pouvait pas dire avec conviction que cela se passait de la sorte dans tous les autres bars de la ville, mais c'était comme cela qu'eux procédaient. "C'est la meilleure mise en garde je crois. Personne veut se faire sortir par Kyle." Surtout que lui, il n'y allait pas doucement et il ne cherchait pas à régler les choses en douceur. Son seul et unique but était de faire régner l'ordre quand les mises en garde n'avaient pas fonctionné. "Cela dit, je te rassure, c'est plutôt rare qu'on ait besoin de lui, c'est toujours relativement calme et la plupart des clients savent se tenir. Enfin, t'as dû le remarquer depuis que tu viens ici." Ajoute-t-elle. L'ambiance était plutôt familiale et à part quelques éléments perturbateurs, une fois de temps en temps, il n'y avait pas grand-chose à déplorer. La plupart des clients ne causaient aucun problème et étaient en général très agréables.
A commencer par Rose qui était comme un rayon de soleil dans le bar en cette fin d'après-midi. Non pas qu'elle faisait quoi que ce soit de particulier, mais pour Itziar, elle dégageait quelque chose, elle n'aurait pas su dire quoi, son look y était peut-être pour quelque chose, sa personnalité aussi. Elle ne savait pas trop, mais elle était intriguée c'était certain et Itziar était bien contente d'avoir enfin du temps ainsi qu'une excuse pour discuter un peu plus longuement avec elle. Puis, comme c'est Itziar, elle ne peut pas non plus s'empêcher de flirter de la manière la moins subtile possible, parce que sinon ça ne serait vraiment pas drôle. "Le client est roi, non ?" répond-elle à l'australienne se dit gâtée. Elle n'en fait pas tant pour tout le monde, mais en même temps tout le monde n'a pas la prestance de la jeune femme. "Je vais rester sur les dix minutes de pause alors, pour cette fois-ci. Mais dès que t'as un job de rechange, fais moi signe et je plaque tout en un clin d'œil." Répond-elle en plaisantant, avant de faire la moue. "T'es sûre que t'as pas plus confortable que ton canapé à proposer ?" demande-t-elle, l'air de rien avant de s'éclipser le temps d'aller se chercher à boire. Elle s'assoit en face de la jeune femme presque aussi vite qu'elle avait disparue, prête à trinquer. Elle n'a pas vraiment d'idée sur ce à quoi elles pourraient trinquer, mais comme il ne faut pas vraiment de réel prétexte, elle propose quelque chose de bidon, laissant à Rose tout le loisir de choisir quelque chose de mieux. Elle, elle est plus inspirée, peut-être plus philosophique qu'Itziar aussi. Trinquer à la vie, c'était poétique, mais en même temps ça semblait parfait. "Bonne idée ! A ce moment de détente qui est plus que bienvenu." Déclare-t-elle ensuite venant cogner son verre contre celui de Rose. La jeune espagnole ne sait pas si c'est elle qui a approché son verre un peu trop vite ou si c'est Rose, mais du jus de pomme s'échappe du verre pour finir sa course sur le dessin juste en dessous. "Oh non ! J'suis désolée." S'excuse-t-elle tout de même avant de se lever rapidement quand l'australienne lui demande une lavette. Elle va en chercher une derrière le bar, s'apprête à éponger pour elle avant de finalement lui tendre le bout de tissus. "Je l'aurai bien fait, mais je veux pas gâcher ton dessin, tu sais surement mieux que moi comment faire pour limiter la casse." Le dessin avait l'air plutôt bien entamé et elle ne voulait pas risquer de le gâcher complètement en effaçant quelque chose avec son chiffon. Elle avait remarqué d'ailleurs que Rose était tout le temps en train de dessiner. Elle ne pouvait pas se rappeler d'une seule fois où la jeune femme n'était pas venue avec tout son matériel. "Je te vois toujours dessiner quand t'es là, tu dessines quoi exactement ?" demande-t-elle, question qui lui trottait dans la tête depuis un moment, laquelle elle n'avait pas eu l'occasion de poser.
Tu t’intrigues de la tête d’Itziar. Jamais tu ne l’as vu autant attristée. Sur le coup, tu regrettes ta blague. Tu t’en veux d’avoir effacé son adorable sourire de son visage. Heureusement, il revient rapidement prendre place sur sa bouille rayonnante. Tu lui souris en retour, ravie de son expression et de sa réplique. Elle n’est pas restée abasourdie bien longtemps. Mieux, elle rentre dans ton jeu pour ton plus grand plaisir. Car il est bien connu que c’est mieux à deux. « Comme le nez au milieu de la figure. » Tu tapotes le bout de ton nez de ton index avant de glousser de plus belle. En fait, tu ignores ses intentions. Tu n’es pas télépathe. Et le plus souvent, tu as les yeux rivés sur ton carnet. De cette façon, il t’est impossible de scruter les faits et gestes de la serveuse. Maintenant, si elle le souhaite, tu l’accueilleras volontiers sur tes genoux. Il y a une part de vérité dans chaque plaisanterie. Ton annonce a trahi un désir inconscient. Elle a formulé une invitation déguisée. Non par intérêt lubrique. Juste par envie de satisfaire sa curiosité. Et probablement aussi la tienne, tu l’avoues. Bien que plus massive que la fillette, tu ne crains pas te faire écraser sous son poids. La blonde est élancée et sportive. Elle te rappelle un peu tes collègues mannequins. Puis malgré tes allures de bonbon, tu n’es pas en sucre. « Tu as été une enfant toi aussi. Il suffit de t’en souvenir. Le jour où tu y arriveras, tu les comprendras. Et ce jour-là, tu auras le droit de t’asseoir sur mes genoux. » Tu lui offres un large sourire. Tu au sérieuse. Tu sais qu’une motivation peut aider à atteindre un objectif. Tu aurais pu choisir une autre récompense. Celle-ci t’a semblée la plus appropriée. Elle t’est venue spontanément, sans la moindre hésitation. Et elle possède l’avantage de te récompenser toi aussi. C’est que tu es maligne. Tu n’es pas si innocente que tes airs laissent paraître. Surtout en ce qui concerne une jolie demoiselle.
En charmante compagnie, tu es plus adulte qu’enfant. Pas toujours non plus. Il est impossible de chasser son naturel. Tu ne cherches pas à le faire non plus. Tu es quelqu’un d’authentique. Ce qui signifie que l’on t’aime ou te déteste pour ce que tu es. Dans ce monde d’hypocrites, tu es fière de pouvoir t’en vanter. « Oh ça c’est sûr ! Il en serait probablement différemment si tu étais la videuse en cas de problème. » Un rictus malicieux orne tes lèvres. Si elle se chargeait de mettre dehors les client.e.s semant le trouble, tu es certaine qu’une partie le ferait volontairement par pur souhait d’avoir affaire à cette femme. Toi-même, tu envisagerais peut-être de faire exprès une bêtise afin qu’elle t’aborde. Tu es bien vicieuse pour une enfant, Rose. Tu l’assumes complétement. Il faut savoir mettre de côté la candeur de temps en temps. Tout n’est pas à jeter dans la vie adulte. Tu dois le reconnaître. « En effet, je ne viendrai pas aussi souvent si c’était un nid à bagarres. » Si tu es régulièrement perdue dans le monde des rêves, tu as besoin d’un environnement relativement calme pour y aller. Et ce bar est idéal pour cela. Le silence absolu t’angoisse et t’empêche de décoller dans l’univers onirique. Sauf dans le cas d’un endormissement. D’ailleurs, il t’est déjà arrivé de t’assoupir sur ta table malgré le bruit ambiant. Tu n’as cure du brouhaha des conversations, des rires, des chocs des verres, du ballet des employé.e.s et de leurs pas qui martèlent le sol, et de chaque son qui émane d’entre ses murs. Le tout forme une mélodie apparentée à une berceuse pour tes oreilles. Mais le plus beau son est de loin les notes pailletées de la voix d’Itziar. « La cliente est reine s’il te plait. », la rectifies-tu en riant.
Le jeu se poursuit. Tu te demandes où il va vous mener. Tu as tendance à ne pas savoir t’arrêter. Tu ne te stoppes que quand tu es lassée. Tel un enfant en fin de compte. Pour le moment, tu ne l’es pas du tout. Tu es plutôt en pleine forme, prête à jouer des heures. « Tu auras aussi droit à mes genoux chez moi. » Tu lui lances un clin d’œil. Elle jugera par elle-même s’ils sont plus confortables que ton canapé. Jusqu’à aujourd’hui, personne ne s’en est jamais plaint. Surtout pas toi. Tu adores ressentir une présence humaine assise sur tes cuisses. Et pas uniquement une présence enfantine. A force d’insister, tu te prépares à ce qu’elle te prenne aux mots. De retour avec vos boissons, tu es presque déçue de la voir s’installer sur une chaise. Peut-être qu’elle est timide ? Ou n’ose pas en étant en service ? Ou simplement qu’elle considère ceci comme une blague à part entière ? Vous trinquez et le miracle se produit dans la seconde. Voilà pourquoi tu bannis tout verre à moins d’un mètre de ton bloc-notes. Tu as conscience de ta maladresse. Tu en as massacré des œuvres esquissées terminées d’un mouvement de bras malencontreux. Après trois plusieurs morts par noyade, tu t’es décidée à poser ton verre par terre quand tu dessines dans ton appartement. Si tes feuilles sont désormais au sec, ton carrelage se retrouve périodiquement mouillé. Il ne t’est pas rare de donner un coup de pied dans ton verre rempli en balançant tes jambes sous ton siège. Parfois il se brise. Tu devrais penser à acheter des gobelets en plastique. Sinon, à ce rythme, tu vas être obligée de boire à la bouteille sous peu. Tu le noteras sur ta future liste de course. Si tu n’as pas oublié cette résolution avant de rentrer à ton domicile. Et encore faudra-t-il par la suite que tu n’oublies pas ladite liste au moment des courses. En fait, il faut un alignement des planètes pour que tu réussisses.
Tu saisis sa lavette. Tu éponges doucement le papier humide. Il est trop tard pour sauver ton croquis. Il a rejoint le cimetière des créations inachevées. Paix à son âme. Comme s’il avait une âme. Tu en es persuadée. Toute chose possède une âme. Malgré ton assassinat, tu n’es pas triste pour autant. Tu es même souriante. Non, tu n’es pas une psychopathe. Tu ne vas pas pleurer pour un dessin. Tu es certes sensible mais quand même. Surtout qu’il ne te satisfaisait pas. Itziar proche de toi, tu as remarqué les nombreuses erreurs commises dans tes coups de crayons. Ton cahier essuyé, tu t’occupes de la table. Tu prends soin de la débarrasser de la moindre goutte du liquide sucré. En soi, cela fait partie du travail de la serveuse. Tu aurais pu lui laisser cette tâche. Tu ne raisonnes pas de la sorte. Tu répares tes bêtises toi-même dans la mesure du possible. La place redevenue nette, la blondinette s’interroge sur ton activité. Il est vrai que vous n’avez jamais pris le temps d’échanger à ce sujet. « Des vêtements pour femme. Je suis styliste. » Ton large sourire transpire le bonheur. Tu es ravie de faire ce travail. Tu es extrêmement épanouie. Tu n’en changerais pour rien au monde. Tu as de la chance de pouvoir cumuler passion et métier. Tu espères que c’est également le cas pour Itziar. Tu en doutes un peu. Serveuse n’est pas réputée pour être un emploi facile. Entre les horaires, les client.e.s, les kilomètres parcourus, les journées sont épuisantes. Tu serais incapable de l’exercer. « Je crois que j’ai trouvé ton job de rechange ! », lances-tu en sautillant sur ta chaise et en tapant dans tes mains. Tu as des fulgurances par instants. Tu te ferais limite peur toute seule. « Tu pourrais être mon assistante. » Quelle merveilleuse idée n’est-ce pas ?
Effectivement, elle aussi elle avait été enfant. Même si elle avait du mal à s'identifier à eux, elle avait été enfant. C'était il y avait déjà plusieurs années, certes, mais ce n'était pas non plus si loin que ça pour autant. Pourtant, elle avait l'impression qu'elle avait tout oublié de cette période. Pas les souvenirs, il lui en restait encore beaucoup de quand elle était enfant. Elle se rappelait même encore des moments très précis de son enfance, pour la plupart heureux, d'ailleurs. Cependant, elle avait l'impression d'avoir oublié ce que c'était que d'être plus jeune. Elle ne saurait pas dire si c'était parce que ses préoccupations avaient changées, ou si c'était parce qu'elle n'avait plus les mêmes centres d'intérêt, mais elle n'arrivait plus à s'identifier aux enfants, en particulier les plus jeunes qui lui semblaient être à des kilomètres d'elle. "T'es dure en affaires ! J'ai l'impression que tu me demandes de décrocher la lune." Répond-elle à Rose avant de faire la moue, comme si elle était sur le point de bouder, face à cet objectif qui lui paraît impossible, mettant la récompense au rang du rêve. Ne se rendant même pas compte que finalement, comme ça, elle n'avait pas grand-chose de différent avec la petite Itziar de sept ans, qui faisait la tête trois fois par jour à la moindre contrariété. Elle avait pour habitude de s'asseoir dans un coin, bras croisés sur sa poitrine et mine renfrognée parce qu'on avait refusé de se plier à sa énième demande. Alors, même si elle ne boudait plus, s'étant faite à l'idée qu'elle ne pouvait pas avoir tout ce qu'elle voulait en un simple claquement de doigt, elle avait cette tendance à faire la moue, sans même s'en rendre compte quand elle se trouvait contrariée. "Ou alors tu veux pas que je m'assoie sur tes genoux et t'as trouvé la solution parfaite pour pas avoir à me le dire ! Bon ... C'est pas grave ... Je m'en remettrai." Ajoute-t-elle en haussant les épaules, un sourire s'affichant tout de même sur son visage. Parce que de toute façon, elle ne se serait pas assise sur les genoux de Rose, là, dans le bar, alors qu'elle était en plein service. Ça n'était même pas inclus dans les choses à ne pas faire du bar, mais ça allait sans dire que ça ne se faisait pas. Être amical avec les clients, flirter un peu, oui, dépasser les limites durant son service, non. Le patron avait beau être cool et conciliant, il était avant tout un chef d'entreprise et savait se montrer ferme quand les règles n'étaient pas respectées.
Cependant, il n'avait jamais vu d'un mauvais oeil que ses employés prennent le temps de discuter un peu et d'échanger avec les clients du moment que le bar était calme ou que personne n'attendait pour être servi. Ça arrangeait bien Itziar qui appréciait tout particulièrement cette facette de son métier. Ce n'était en rien une passion, mais elle y trouvait pas mal d'avantages, à commencer par le contact avec les clients, qu'ils soient des habitués ou pas. Le bar était un lieu de rencontres et Itziar aimait pouvoir en profiter. Elle rit à la remarque de Rose parce qu'elle pouvait imaginer plusieurs raisons qui feraient que les choses seraient bien différentes ici si elle était videuse, plutôt que serveuse. "Les gens feraient exprès de se battre, c'est ça ?" demande-t-elle en plaisantant. Ca ne paraissait même pas si improbable que cela puisqu'elle avait eu quelques expériences avec certains clients qui cherchaient les prétextes les plus idiots pour pouvoir l'aborder. Alors, déclencher des bagarres pour avoir affaire à elle, finalement ce n'était pas si impossible que cela quand on y pensait. Certains avaient de drôles d'idées. "J'crois que si j'étais videuse, tu devrais arrêter de venir, puisque je vois des bagarres à répétition, que je serai incapable d'arrêter." Elle rit, mais elle était bien à sa place. Elle ne savait pas comment Kyle faisait pour se faire respecter aussi facilement. Certes, il avait des gros bras et ça jouait sans doute un peu, mais il n'était pas le seul dans ce cas-là. Il se trouvait parfois confronté à des clients plus baraqués que lui et pourtant, il finissait toujours par avoir le dernier mot. Il était donc probablement question d'attitude, de prestance ou de quelque chose comme cela. Elle, elle aurait clairement peur de se faire casser le nez, qu'elle n'oserait pas tenir tête aux clients un peu trop récalcitrant comme le faisait le videur. Elle ne ferait donc pas long feu à sa place. En revanche, elle était très bien à la sienne. "Ah oui, excuse moi ! La cliente est reine et bien sûr, par cliente, je veux dire toi. Comment ai-je pu me tromper !" Déclare-t-elle en riant, ponctuant sa phrase d'un clin d'œil joueur.
Elle joue Itziar, parce qu'elle ne sait rien faire d'autre, parce que c'est une seconde nature pour elle. Elle ne joue pas avec tout le monde, mais au moins avec tous ceux qui plaisent à ses yeux. C'est le cas de Rose, la jeune femme est belle, Itziar l'a remarqué dès la première fois où elle l'avait vu au bar. Elle ne savait pas ce qu'elle faisait dans la vie, mais elle avait sans aucun doute une chance dans le mannequinat. Elle avait un visage qui se prêtait à cette profession et elle avait l'air dotée d'une grâce naturelle. Alors, Itziar, elle jouait. Parce qu'elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle se disait prête à quitter son job en un battement de cils, il n'y avait qu'une part de vrai là-dedans, parce qu'elle avait passé l'âge de tout plaquer pour quelqu'un qu'elle ne connaissait pas. Elle en avait besoin de ce job aussi, il fallait payer les factures, payer son dernier semestre à l'université et puis survivre dans ce pays d'une manière générale. Alors, même si Rose se propose de l'héberger en attendant, ce qui résout au moins un souci, la jeune espagnole n'est pas totalement convaincue par la proposition. Elle ne se contente pas du canapé, même si elle pourrait. Non, elle, elle en demande plus. Toujours plus. "Ahh là tu rends la proposition plus intéressante, mais tes genoux, sur le canapé ? Ou ailleurs ?" demande-t-elle avant d'ajouter "Est-ce que ça veut dire que j'ai plus besoin de retomber en enfance pour obtenir ma récompense ?" Car ça c'était important aussi. Est-ce qu'elle lui mettait sa récompense sous le nez une fois de plus pour la retirer finalement ? Est-ce que Rose ne se jouerait pas un petit peu d'elle aussi ? Elle ne saurait le dire complètement. Elles trinquent finalement, pour le plus grand malheur du dessin en cours de la jeune australienne aux cheveux roses qui se retrouve arrosée de jus de pommes, complètement ruiné malgré la lavette qu'Itziar s'est empressée d'aller chercher pour laisser Rose tenter de limiter les dégâts.
Le dessin est irrécupérable, le liquide et le papier ne faisant pas bon ménage. La jeune femme n'a pas l'air plus embêtée que cela et finalement, ça rassure Itziar qui se serait sentie mal d'avoir apporté l'arme du crime jusqu'ici. Elle prend même soin d'essuyer la table, chose qu'elle n'avait absolument pas à faire puisque la jeune espagnole était là et aurait très bien pu le faire à sa place. Après tout, ça faisait partie des tâches pour lesquelles elle était payée. Itziar, elle, après avoir jeté un oeil au dessin, mort un peu trop tôt, ne peut s'empêcher de questionner Rose. "Ohh c'est vrai ?" bien sûr que c'était vrai. Elle n'avait aucune raison de mentir. "J'ai presque honte de ma tenue du coup, j'ai l'impression que tu dois me juger depuis tout à l'heure." Ajoute-t-elle en plaisantant. Sa tenue du jour étant des plus banales, composer d'un débardeur blanc moulant, d'un jean slim troué aux genoux et d'une paire de Yeezy, le combo parfait de la tenue décontractée qui lui permettait de se sentir à l'aise pour courir partout, mais n'avait rien de spécialement fashion. Elle n'a pas l'air de lui en tenir rigueur, ou tout du moins, pas pour le job qu'elle annonce lui avoir trouvé. "Ton assistante ? Pourquoi pas !" lance-t-elle avant de réfléchir quelques secondes et d'ajouter "Tu veux pas que je sois ton modèle plutôt ? Je crois que je serais bien plus douée qu'en tant qu'assistante. J'ai même été modèle nus pour un cours de peinture à la fac' une fois." comme si c'était banal. C'était faux, mais en même temps c'était le genre de mensonge qui aurait pu être vrai. Elle n'avait pas de complexe, était à l'aise avec son corps et n'était pas pudique pour un sous, alors en soi, c'était un mensonge qui pourrait finir par être une réalité dans un futur plus ou moins proche. "Du coup, si je comprends bien, on va habiter ensemble, on va travailler ensemble, c'est ça ? C'est quoi la suite ?" demande-t-elle avant de répondre elle-même. "Tu me laisseras dormir dans ton lit, puisque là j'ai le droit qu'au canapé, puis après on se marie ?" Finit elle, large sourire sur les lèvres, comme si elle venait de faire le plan de sa vie pour les prochains mois à venir. "Attention à ce que tu vas dire hein. C'est pas forcément une bonne idée de me briser le cœur tout de suite. J' dis ça, j'is rien." La met-elle en garde avant de boire une gorgée de son coca cola comme si de rien n'était.
Tu te délectes de la moue d’Itziar. Elle te rappelle la tienne. En tant qu’unique fille de la fratrie et capricieuse, tu as vite appris à manipuler ta mère pour obtenir ce que tu voulais. Tu n’as pas choisi de crier et d’esquinter tes cordes vocales et les oreilles de tes parents pour parvenir à tes fins. Tu as laissé cela à tes frères. Toi, tu as préféré le silence et la bouderie. Ta capacité à jouer la carpe est extraordinaire. Il est difficile d’y croire tant tu es devenue un moulin à paroles. Tes instants de mutisme n’ont jamais duré longtemps. Ta mère n’a jamais pu te voir dans cet état plus de dix minutes. Sa princesse se devait de sourire. Et il est moche de l’avouer mais tu en as bien profité. Tu n’as pas connu le refus pendant ton enfance. A ton arrivée à Melbourne, le contraste a été brutal. Tu as découvert les concessions et la frustration. Aujourd’hui, tu as compris que tout ne t’étais pas dû. Cela ne t’empêche pas de refaire une crise de temps en temps. Volontaire et par jeu aussi. « Pas du tout. Je tiens juste à vérifier que tu es en digne. Je ne laisse pas n’importe qui s’assoir sur mes genoux de fée. Seuls les enfants ont droit à ce privilège. Je serais toi, je ferai l’effort. Ça en vaut la peine. » Tu lui offres un sourire malicieux. Elle raterait quelque chose si elle abandonnait. En dehors du confort de tes cuisses, elle louperait ton souffle caressant sa nuque. Elle manquerait également le ressenti de tes doigts passant dans sa crinière de blé. Tu aimes tant caresser les cheveux. Et si elle le souhaite, tu pourrais même lui faire des tresses pendant que les secondes défilent. De quoi l’aider à retomber plus profondément en enfance. Sous réserve qu’elle en ait eue dans sa jeunesse. Tu présumes que c’est le cas. Toutes tes camarades d’écoles sont au moins venues un jour avec des nattes sur le crâne. Souvent réalisées par leur maman. Tu n’y as pas dérogé. Tu te souviens parfaitement des moments assise sur les genoux de ta mère pendant qu’elle te coiffait. Peut-être que tu tiens cette habitude d’elle ? S’il est possible d’hériter d’une telle chose. Toi et la génétique font facilement huit.
Ceci explique sans doute pourquoi tu ne portes pas le gène de la bagarre dans ton ADN. Il est pourtant présent dans ta famille. Tes frères se souvent régulièrement battus. Surtout l’ainé qui a pris son rôle de protecteur très à cœur. Il n’a jamais hésité à vous défendre contre les caïds des bacs à sable. Il a fait la morale à plusieurs parents. Parfois, il est en venu aux mains. Peu costaud, il a fini blessé à quelques reprises. Couverts de bleus au mieux et de saignements voire d’une fracture au pire, tu essayais de le soigner de ton mieux. Munie de coton et du rouge magique, tu as souvent fait office d’infirmière. Il riait de ta naïveté. Cependant il te laissait faire malgré tout. Il te disait aller mieux après tes interventions. Aujourd’hui, tu sais qu’il te mentait. Il ne voulait pas briser tes rêves. C’est à se demander comment a disparu cette complicité ? La distance sans doute. Loin des yeux, loin du cœur comme on dit. Itziar est proche de toi, elle. Elle n’a pas encore forgé une place dans ton cœur. Sur la main, tu le maintiens tout de même verrouillé. Si tu aimes jouer, tu ne désires pas qu’il soit le jouet d’une personne malveillante. Il a déjà été brisé. Tu ne veux revivre cette souffrance. Tu ne l’ouvriras que pour celle que tu estimeras être ta princesse. La blonde n’en est pas là. En tous cas, tu ne peux nier qu’elle a un sourire de princesse. Il est lumineux à en faire jalouser le soleil. « Tu te sous-estimes. Si tu n’as pas les gros bras de Kyle, tu as un autre argument tout aussi ravageur pour désamorcer les conflits : ton sourire. » Tu écartes tes lèvres à leur maximum. Tu es certaine qu’elle calmerait les tensions avec cette arme. La douceur est la solution à tout problème. Tu en reviens à l’enfance et sa délicate innocence. Le monde se porterait mieux si les gens ne grandissaient pas. « C’est ma faute, j’ai oublié de mettre ma couronne. La prochaine fois que je viens, promis je la mets. » Ton rire se joint au sien. En plus, tu en possèdes réellement une. Elle fait partie d’un déguisement de Reine des Neiges. Tu l’as acheté uniquement pour le bijou. Tu as refaite une tenue de tes propres mains. Le rose a éradiqué le bleu original. « On verra… », te contentes-tu de lui répondre afin de laisser planer un suspense.
Après, à en écouter la tournure de votre conversation, il se pourrait que la serveuse découvre ta couronne avant ton prochain passage dans l’établissement. En effet, si elle se rend chez toi, elle aura tout le loisir de te voir porter cet attribut. Si elle se montre sage, tu pourrais même enfiler la robe qui va avec. Cela lui ferait une occasion de s’apercevoir de tes talents de styliste. D’un côté, elle peut en avoir un aperçu en regardant ta tenue du jour. Tu ne t’habilles quasiment que de tes créations. Quand tu t’achètes des vêtements en boutiques, ce n’est que pour utiliser un morceau de tissu. Il te revient cher. Ma foi, tu ne regardes pas à la dépense. Au grand dam de ta banquière. « Tu n’as pas à avoir honte. Tu es très bien comme ça. » Son look te plait. Il lui donne un air rebelle contrastant avec ta docilité. Puis avec son job, elle doit avant tout penser à la praticité. Si tu admets qu’elle serait plus jolie en robe et talons, tu as conscience qu’il lui serait compliqué de travailler dans de bonnes conditions. Sans compter qu’elle affolerait probablement les client.e.s. Ce qui n’est pas mal pour les affaires. Un.e cleint.e ravi.e est un.e client.e qui consomme. Néanmoins, cela pourrait multiplier ses déboires avec les drageur.euse.s agaçant.e.s. Autant ne pas les tenter. La blondinette est déjà assez belle pour susciter leur intérêt. Par contre, si elle devient ton assistance, l’histoire sera différente. Sans rien lui imposer, tu lui proposeras de refaire sa garde-robe. Évidemment si ses goûts primeront, tu feras ton possible pour glisser les tiens. Quitte à la voir en permanence, autant qu’elle satisfasse tes prunelles bien que ça soit déjà le cas. Tu arques un sourcil à sa contre-proposition, surprise. « Han. Et ça s’est bien passé ? Les étudiants n’ont pas été trop troublés ? A leur place, j’aurai sans doute perdu mes moyens. » L’espace d’un instant, tu te projettes dans une salle de classe. Tu te retrouves derrière un chevalet, palette et pinceaux entre les doigts, les yeux rivés sur la modèle. Et tu ne vois pas capable de dessiner quoi que ce soit sur la toile vierge. Tu aurais passé toute la durée de la séance à la reluquer. « Les œuvres réalisées ont dû être sublimes. Il y a moyen de les voir ? », lui demandes-tu d’un ton rempli de malice.
Tu n’as jamais songé à avoir une modèle. Créant du sur mesure, tu n’en as pas le besoin. Cependant, le simple fait de la faire venir à ton domicile te fait réfléchir. Tu hoches la tête positivement pour appuyer ses propos. Jusqu’ici, tout te convient. La suite est plus déstabilisante. Itziar va loin dans le jeu. Très loin. Trop loin ? L’avenir vous le dira. « C’est pas une bonne idée de dormir avec moi dans mon lit. J’ai parfois un sommeil agité. Je peux beaucoup remuer et cogner celle avec qui je le partage. A tes risques et périls. » Tu as déjà frappé par mégarde des conquêtes. Tu n’as pas toujours pensé à les prévenir. Tu en as réveillé plusieurs avec un coup de coude dans les côtes ou encore une gifle cinglante sur la joue. Tout ceci involontairement bien sûr. Et tu n’as pas envie de frapper Itziar. Après, tu ne combats pas toutes les nuits. La plupart du temps, tu es dans le pays onirique et la sérénité règne en maître dans ton corps. Tu rêves de toboggans en arc-en-ciel au-dessus des nuages, de balançoires en guimauve ou tourniquets cupcakes. « Pour le mariage, ça dépend. Il faut voir si on est compatible d’abord. » Sourire aux lèvres, tu attrapes ton bloc-notes. Tu tournes les pages jusqu’à tomber sur une page sèche et blanche. « Commençons le test de compatibilité. Lève tôt ou lève tard ? Casanière ou fêtarde ? Robe ou pantalon ? Petit déjeuner au lit ou dans la cuisine ? Sais-tu cuisiner ? Est-ce que vivre avec une grande enfant te pose un problème ? Veux-tu des enfants ? Si oui, combien ? » Tu as été succincte, te limitant à l'essentiel. Sinon, tu vas en avoir pour des heures et tu risques de la saouler. Tu notes tes questions sur ta feuille. Une fois terminée, tu quittes le papier pour retrouver les iris de ton interlocutrice. La tête légèrement penchée, tu as prête à entendre ses réponses. S’il a toujours du jeu dans ton attitude, tu admets tout de même qu’il y a une pointe de sérieux.
(c) DΛNDELION
Dernière édition par Rose Grant le Mar 29 Déc 2020 - 13:13, édité 1 fois
Elle écoute Rose réitérer ses propos, lui assurer que ça vaudrait vraiment la peine et que c'était un effort qui ne serait pas fait en vain. Il n'en fallait guère plus pour Itziar, à ce moment précis. "Pense bien que c'est pas tombé dans l'oreille d'une sourde. Je te le dis direct, je finirai par m'asseoir sur tes genoux un jour." Qu'elle répond, soudain très sûre d'elle. Même si la condition lui semble difficile à remplir, elle se connaît. Elle sait comment elle fonctionne et qu'avec de la motivation, elle est capable de beaucoup de choses. Elle n'aime pas faire marche arrière, parce qu'elle est un peu trop têtue, peut-être. Parce que pour elle, ça voudrait dire qu'elle s'est plantée et ça, ce n'est pas envisageable. Elle n'abandonne pas. Pas quand elle se met quelque chose en tête. Alors, oui, à l'heure actuelle, retomber en enfance lui semble un peu insurmontable comme épreuve, mais elle y arrivera. Même si elle doit se sociabiliser de force avec tous les gamins qui croiseront sa route avant de finalement réussir à les comprendre et à se mettre à leur niveau. Il y avait du travail, mais elle pouvait le faire. Peu importe combien de temps ça prendrait. "Du coup, n'oublie pas. On est d'accord qu'il y a pas de date d'expiration pour ma récompense hein ?" Ajoute-t-elle en plaisantant. Ca avait une importance, certes minime, mais il était utile de savoir si elle devait se dépêcher où si elle pouvait débarquer dans plusieurs mois, clamant qu'elle avait atteint l'objectif et qu'elle venait donc chercher sa récompense. Autant le défi en lui-même était motivant, la récompense l'était encore plus et sans cela, elle ne savait pas trop si elle voulait se donner tant de mal. Ca avait donc une certaine importance pour qu'elle puisse savoir comment s'y prendre.
Puis Rose parle de l'avantage de Itziar pour désamorcer les conflits et ça la fait sourire. "Mon sourire ? Je pensais que t'allais dire ma poitrine, mais j'imagine que le sourire ça marche aussi." Déclare-t-elle, l'air de rien avant d'ajouter "D'ailleurs, quand je suis arrivée, il m'a bien servi. Je parlais vraiment très très mal anglais, je captais un mot sur trois, alors dans le bar, avec le bruit, je te laisse imaginer, c'était infernal ... Du coup, Josh, c'est le barman qui est tout le temps là normalement, m'avait dit que quand je comprenais pas un truc, j'avais qu'à dire oui et sourire, puis aller le chercher." Elle rit. Se rappelant le nombre de fois où elle avait dû faire ça au début. Elle était sans doute passée pour une pimbêche sans cervelle, le stéréotype même de la blonde plus d'une fois, alors que le réel problème était simplement la barrière de la langue. Elle avait arrêté de compter le nombre de fois où elle avait eu recours à cette technique, s'éclipsant rapidement pour aller chercher Josh à la rescousse qui prenait le relais, prenant toujours soin ensuite de lui expliquer ce que le client voulait et qu'elle n'avait pas compris. Il avait toujours été d'un soutien infaillible et son meilleur allié au bar, malgré le fait qu'il passait le plus clair de son temps à se moquer d'elle ou à la taquiner. Ce qu'elle lui rendait au centuple, pas vraiment du genre à se laisser faire. D'ailleurs, s'il était là aujourd'hui, il serait probablement en train de regarder la scène, bien installé derrière le bar, attendant qu'Itziar revienne pour la chambrer comme il se doit. Même quand la situation ne s'y prêtait pas, il avait le don pour trouver une raison. Pour le coup, il remettrait sa technique de drague, sans doute à juste titre. Il n'était pas là, cela dit et donc il ne saurait absolument rien de tout ça. "Je vais penser à en amener une que je garderai derrière le comptoir, comme ça, au cas où tu oublies, tu pourras venir la chercher, où je viendrai te la mettre sur la tête. Au choix. Dans tous les cas, il faudra trouver une histoire à raconter aux clients curieux. Elle n'a pas à être la même à chaque fois, ça n'en est que plus drôle." Pour l'un, elle pouvait être une vraie reine, tout droit sortie d'un compte. Pour l'autre, elle pouvait être reine de beauté, venant de remporter sa couronne. Puis à un autre moment de la soirée, elle pourrait simplement être la reine du bar, estimant ne pas avoir à se justifier plus que ça sur la manière dont elle avait acquis son titre, qui était bien évidemment, complètement légitime. Elle serait ainsi la personnification de cet adage connu de tous, rappelant donc qu'en théorie, rien ne pouvait leur être refusé. Puis en reine qui se respecte, Rose laisse planer le suspens "On verra ? Quelle est la condition ?" demande-t-elle, faisant mine d'être des plus attentives. Parce que, si elle pouvait obtenir sa récompense, sans avoir à faire d'effort, elle était toute ouïe.
Finalement, il s'avère que cette jolie dessinatrice qui ne manque pas de style n'est autre que styliste dans la vie. Ce qui semble presque une évidence, une fois dit. Les cheveux roses, la tenue parfaitement accordée, aussi chic que mode, elle aurait pu s'en douter. Elle n'est pas du genre à se soucier de ce que les autres pensent d'elle, mais elle a soudainement l'impression que sa tenue n'est pas à la hauteur, qu'elle aurait pu, voire même qu'elle aurait dû faire mieux. Le bar n'était pas un podium, mais tout de même, elle est plutôt fière d'entendre que ça tenue convient à la jeune femme. L'inverse n'aurait rien changé, mais tout de même. "C'est vrai ? Ça te plait ?" demande-t-elle, sourire aux lèvres quand Rose lui dit qu'elle n'a pas à avoir honte de sa tenue. Elle avait toujours été coquette Itziar, avait toujours fait attention à la manière dont elle était habillée, coiffée et même maquillée. Elle aimait se faire belle, elle aimait plaire et elle n'était pas vraiment du genre à se lever, attraper les premiers vêtements qui lui tombaient sous la main pour sortir de chez elle aussi vite que possible. Non, elle faisait attention à son apparence, peut-être un peu trop, diraient certains, mais c'était comme ça. C'était important pour elle et ce n'était pas parce qu'elle devait travailler qu'elle enfilait n'importe quoi. Elle aimait mettre ses atouts en valeurs, pour toutes les occasions, mais elle savait aussi que certaines situations ne se prêtaient pas à une robe moulante et des talons aiguilles. Pour le travail, c'était donc le compromis, elle optait pour des vêtements confortables avant tout parce qu'il était hors de question qu'elle piétine pendant des heures sans être complètement libre de ses mouvements, mais aussi des vêtements mettant en avant ses formes avantageuses. Parce que malgré tout, elle aimait qu'on lui prête attention et elle savait parfaitement que ça rendait certains, bien plus enclins à lâcher de plus gros pourboires. Elle était donc contente que sa tenue fasse mouche et soit approuvée par la styliste, qui, même si elle avait un style bien différent du sien, avait bien plus de connaissances qu'elle en la matière. Son avis était donc des plus légitimes. Elle, en revanche, elle était tout sauf légitime, encore plus quand elle s'invente une pseudo-expérience en tant que modèle de nu, qui semble attiser la curiosité de son interlocutrice. A ce stade, elle n'avait plus beaucoup d'options : soit elle continuait dans son mensonge, soit, elle avouait. C'était Itziar et Itziar ne prenait pas vraiment le temps de réfléchir, ni même de peser le pour et le contre. Elle était plutôt du genre à foncer tête baisser et se soucier des conséquences plus tard. Le choix était donc vite fait. "Si ! Justement, ils ont été tellement troublés que leurs peintures ne ressemblaient à rien. Je sais pas à quoi ressemblent les filles qu'ils ont l'habitude d'avoir pour modèle, mais c'est à se demander s'ils avaient déjà vu une paire de seins et pourtant, la pause que je devais prendre, cachait tout de manière super gracieuse." Elle choisissait de s'enfoncer un peu plus dans son histoire, ne cherchant pas spécialement à la rendre crédible. Le but étant plutôt de vite passer à autre chose. Cependant, c'était plus facile à dire qu'à faire et en plus de cette tendance qu'elle avait à parler sans réfléchir, elle avait aussi cette manie de trop parler. "Malheureusement, j'ai rien à te montrer, si tu veux voir le résultat, n'importe quelle expo' d'art abstrait correspondrait. En revanche, si tu veux voir le modèle ..." déclare-t-elle, laissant planer la fin de sa phrase avant d'ajouter "enfin, je veux pas trop en dire alors que je bosse, ça m'attirerai des ennuis j'crois. Mais j'suis sûre que t'as pas besoin d'un dessin." Elle restait tout de même sur son lieu de travail et même s'il s'agissait d'un bar populaire plus que branché, elle se devait de faire preuve d'un minimum de professionnalisme.
Quoi que, elle pourrait peut-être laisser son professionnalisme au vestiaire un de ces quatre, si une autre opportunité de carrière s'offrait à elle. A commencer par un nouveau logement, en discussion cela dit, parce qu'elle n'était pas prête à quitter le confort du loft pour dormir sur un canapé quand des options plus alléchantes pouvaient s'offrir à elle. Parce qu'elle ne se contentait pas du minimum non plus. Qu'on lui donnait la main et elle voulait le bras. "A ce point-là ? Vraiment ?" demande-t-elle avant d'ajouter "J'ai des super solutions pour ce genre de problèmes, ça me fait pas peur ! J'suis sûr qu'en quelques nuits je peux faire en sorte que tu sois pas une guerrière dans ton sommeil. Si j'y arrive pas, au pire, je mettrai un casque ou un truc du genre, ça ajoute un peu de piquant non ?" Elle n'avait pas de remède scientifiquement prouvé, mais elle avait aussi du mal à croire que c'était si grave que cela. Peut-être n'avait-elle pas rencontré qui que ce soit avec un sommeil si agité que cela et qu'elle avait donc du mal à se rendre compte de ce que cela pouvait représenter ou alors, elle sous-estimait les dires de Rose, pour son plus grand malheur. Quand elle propose le mariage, elle ne s'attend pas à ce que la jeune femme sorte son calepin et commence à vérifier leur compatibilité. "Hein ? Mais c'est pas comme ça que ça marche non ? On peut pas juste dire qu'on est compatibles et passer à l'étape suivante directement ?" tente-t-elle, pas sûre de la sauce à laquelle Rose avait décidé de la manger. Elle se rend vite compte qu'elle ne va pas y couper aux questions et qu'elle doit y répondre du mieux possible. "Bon, si c'est comme ça, alors hm, lève tôt, 99% du temps et lève tard quand faut vraiment recharger les batteries. T'as pas proposé, mais jupes, sauf pour bosser. Là, c'est pantalon direct pour raisons évidentes. Petit-déjeuner au lit ou à la cuisine, aucune importance pour moi, tant que petit-déjeuner il y a. Je ne sais pas trop cuisiner, pour être honnête j'avais touché à un ustensile de cuisine avant mes vingt-trois ans, mais ce sera une histoire pour plus tard." Elle prend quelques secondes pour réfléchir, puis aussi pour laisser à Rose le loisir de noter ce qui lui semblait important pour ses calculs. "J'ai vécu avec un mec de trente-neuf ans qui regardait Tchoupi en mangeant ses céréales le matin et on n'était même pas ensemble, du coup je pense que ça répond à ta question. Pour ce qui est des enfants, là je sens que je vais perdre des points. J'en veux, je crois, mais pas tout de suite, genre dans cinq ans au moins et je crois que deux ce serait suffisant, un garçon et une fille." Finit elle, laissant Rose à ses calculs, avant de reprendre la parole. "Alors ? Quel est notre score ? Tu vas me briser le cœur c'est ça ? Je peux te poser mes propres questions pour faire mon propre test ?" Elle demande, presque comme si elle jouait sa vie, sur ces simples petites questions.
Ce jeu innocent dévie lentement mais sûrement vers un jeu de séduction. Tu ne saurais dire laquelle de vous deux joue le plus. Vous possédez chacune un excellent niveau. Tu as trouvé une adversaire à ta taille, capable de rivaliser avec toi. Cela ne t’était pas arrivé depuis un moment. La dernière concurrente qui a rivalisé avec tes capacités ludiques n’est qu’autre que ton ex. Elle n’a malheureusement pas tenu la distance. Elle a rompu le jeu et a tenté de t’attirer dans le monde adulte. Refusant sa proposition, elle t’a quittée. « Je l’espère. » Tu lui offres un sourire mutin. Tu souhaites réellement qu’elle s’assoit sur tes genoux. Tu pries qu’elle ne soit pas adepte des paroles en l’air. Tu détestes les promesses éphémères. Tu lui rappelleras ses engagements de temps en temps. Tu te tiendras au courant de l’avancée de son défi. Tu l’aideras même pour sa réussite. Tu viendras revêtue d’une robe courte, laissant tes genoux à l’air libre, à la vue de ses mirettes. Tu y ajouteras un collant fin, mettant en valeur tes longs compas. En y réfléchissant un peu, cette technique est discutable. Elle n’aura probablement pas envie de retomber en enfance en te voyant habillée de la sorte. Il est possible qu’elle veuille plutôt rester adulte et jouer à un autre jeu plus charnel. Ma foi, est-ce si dérangeant ? La blonde est une jolie femme. Son sourire illumine le bar et ton cœur. Tu ne lui as pas lancé ce défi par hasard. « Aucune date. Mais ne tarde pas trop non plus. Si tu as besoin d’une démonstration, je peux m’asseoir sur tes genoux. » Tu glousses de nouveau. L’idée n’est pas du tout lâchée naïvement. Elle trahit ton envie sans la formuler ouvertement. Tu sais être subtile dans le flirt. Tu es loin de pratiquer les approches frontales directes. Tu préfères y aller en douceur. Tu es tel un bonbon acidulé que l’on garde dans la bouche pendant de longues minutes, qu’il faut savourer lentement pour l’apprécier, et non un chewing-gum que l’on jette après soixante secondes faute de goût.
Tes yeux ne peuvent s’empêcher de regarder la courbure de ses seins à son annonce. Un rictus se dessine sur ton visage. Vrai qu’elle ne manque pas d’argument de ce côté-là. Dame Nature l’a plutôt gâtée. « Le sourire à l’avantage de marcher avec tout le monde. Ce n’est pas le cas des poitrines même si la tienne est très jolie. » Tout le monde n’est pas friand de la gente féminine. Aussi mignonnes sont les formes de ses attributs pectoraux, ils peuvent déplaire ou, du moins, ne pas intéresser. Un gay, une hétéro, ne seront pas forcément charmés par cet atout. Toi-même, tu ne le serais pas. Tu n’en serais pas indifférente non plus. Tu ne peux nier que la vision est agréable. Cependant, tu préfères un regard envoûtant à une poitrine généreuse. La serveuse possédant les deux, elle suscite ton intérêt. Tu écoutes son anecdote avec attention. Tu n’avais jamais fait attention à son accent. De délicates notes ensoleillées teintent ses syllabes et caressent tes tympans lorsqu’elle parle. Cela lui ajoute une pointe de charme. Bien qu’elle n’en ait nullement besoin. « Tu es originaire d’où ? Ah et il faut aussi hocher la tête de haut en bas. » Tu effectues le geste dans la seconde sans oublier de sourire. Tu éclates de rire par la suite, fière de ta bêtise. Jamais tu n’agis de la sorte. Quand tu ne comprends pas quelque chose, tu poses des questions. Tant pis si tu parais idiote. Tu préfères ceci à rester dans le doute. Puis tu y es habituée. Avec tes accoutrements et tes cheveux roses, tu es souvent prise pour une écervelée. Tu t’en moques éperdument. Tu ne cherches pas à plaire aux gens. Tu connais tes capacités. Et tu es capable d’une chose que peu savent faire : rêver. Trop ont perdu cette aptitude en grandissant. Toi, tu rêves encore de princesse et de couronne. Et visiblement, tu n’es pas la seule. Décidemment, cette femme est surprenante. « Elles ne le seront jamais, j’ai une imagination débordante. » De toute façon, tu ne sais pas retenir un récit par cœur. Tu te focalises sur l’idée principale que tu retranscris à ta sauce. Il n’est pas rare que tu l’enjolives à coup de phrases pailletées et colorées de rose. « Mais il t’en faut une aussi pour toi. Toute reine a sa princesse. » Si elle accepte, elle fera un énorme pas vers sa quête. Elle démontra qu’elle est apte à retomber en enfance. Il faut espérer qu’elle n’a pas peur du ridicule. Nul doute que son patron, ses collègues, des client.e.s s’amuseront de son statut imaginaire. Il faut avoir une force mentale et se détacher des jugements. Elle doit vivre sans se préoccuper des autres. Ce n’est pas facile. Tu as mis longtemps à t’en rendre compte toi-même. Ta vie a longtemps été dirigée par les envies de ta mère. Aujourd’hui, tu affirmes les tiennes. Et tant pis si elles déplaisent à la société.
Évoquer une alternative pour gagner le privilège de tes genoux la stimule. Tu lui souris. Tu restes silencieuse. Tu ne tiens pas à lui dévoiler la solution. Ton regard de biche en dit déjà beaucoup. Les enfants ne sont pas les seuls à avoir le droit à cet avantage. Tes conquêtes l’ont également. Elle l’ignore. A elle de le deviner, de le lire dans tes non-dits, dans tes sourires, dans tes regards, dans ce qu’il se cache dans ce jeu en résumé. Vous bifurquez sur ton activité. Tu lui donnes ton avis sur ses vêtements. Tu t’aperçois qu’un pantalon est capable de magnifier une femme. Tu préfères tout de même les robes. Tu aimes trop te sentir féminine. La vérité réside dans le fait que tu adores tourner sur toi-même et faire virevolter le pan de ta tenue. Tu as l’impression de voler de la sorte. « Oui, tu me plais. » Ta main rejoint ta bouche illico. Tu pouffes entre tes doigts face à ce lapsus. Tu avais en tête « Ça me plait. » Est-il révélateur ? Tes propos respirent tout de même la vérité. D’un côté, toutes les femmes te plaisent. Véritable cœur d’artichaut, un sourire et tu es prête à fondre dans les bras de la moindre inconnue. Et tu exagères à peine. Après, chaque femme croisée est potentiellement ta princesse. Tu ne voudras pas la rater depuis le temps que tu la cherches. Tu es encore jeune mais les années défilent. Tu ne souhaites pas finir vieille fille. Tu t’inquiéteras de cela plus tard. Si tu es toujours célibataire à trente ans, tu envisageras de te prendre un chat ou deux au cas où. En attendant, tu te délectes de son histoire entre elle et des étudiant.e.s en art. « Moi, j’ai déjà vu une paire de seins. » Tu ne parles pas de tes propres seins aperçu dans le reflet de ton miroir. Tu fais référence à ceux de ta colocataire pendant tes années de mannequinat ou encore à ceux des mannequins que tu as côtoyé lors des séances d’essaye ou encore à ceux de celle avec qui tu as froissé les draps. « Tu souriais ce jour-là ? Si oui, voilà ce qui les a troublés. » Tu en reviens à son sourire ravageur. Tu as espéré avoir une réponse en image. Tu as cru qu’elle allait sortir son téléphone et te monter une photo d’une œuvre. Il n’en est rien. Tu n’es pas triste pour autant. Tu as parfaitement entendu ses paroles. Elles ne sont pas tombées dans l’oreille d’une sourde. « Ah oui. Ne te fais pas virer avant qu’on finalise notre accord sur ton futur job. Tu m’en diras plus à la fin de ton service. » Tu lui indiques de cette manière que tu vas l’attendre. Tu n’avais pas prévu de passer ta soirée ici. Tu n’avais rien prévu tout court. Hormis de visionner Neighborhood en dévorant les cookies au chocolat que tu as fait ce matin. Et tu risques de dessiner tout en enchainant les jus de pomme. Comme quoi planifier est inutile. La vie a toujours le don de perturber tes plans de ses surprises, la vilaine.
Vous peaufinez votre accord. Elle ne semble pas rebutée par ton agitation pendant ton sommeil. Mieux, elle te propose de t’aider à t’apaiser. « Et comment comptes-tu t’y prendre ? » Un rictus malicieux orne ton visage. Tu as bien des idées mais tu n’oses les formuler. La tendresse est un bon moyen de détendre tes démons nocturnes internes. Une main chaude posée sur ton ventre à tendance à les endormir profondément. Dans ces moments-là, tu pars pour le pays des rêves. Néanmoins, il est différent de celui peuplé de toboggans, balançoires et tourniquets et pâtisseries. Il est davantage lubrique. « On essaiera avec ta couronne de princesse ! Ou je te confectionnerai un bonnet de nuit ! » Ton rire résonne dans l’atmosphère. Au point que les clients jettent des regards à ta table. Tes joues s’empourprent. Tu t’excuses de la gêne occasionnée d’un signe de tête. Tu l’as déjà oubliée et te recentre sur la suite. « Non. », lui réponds-tu sèchement. Tu ne rigoles pas avec la compatibilité. Détestant les conflits, tu tiens à vérifier qu’ils seront minimes si vous partagez ton appartement. Il y a aura forcément des disputes de temps en temps mais tu ne souhaites pas faire face à une tornade. Tu notes ses réponses. Tes doigts griffonnent le papier rapidement. Ton écriture en pattes de mouche grisonne ta feuille. Tu as écris si vite que tu n’arrives pas à te relire à la fin de sa tirade. L’important est ailleurs. Tu te fiches de ses réponses. Tu remarques qu’elle a joué le jeu. L’essentiel est là. « C’est pas mal. Mais il me manque des informations pour me prononcer. Dans le doute, ne commande pas les alliances tout de suite. » Tu ris encore. Le test ultime se déroule dans l’intimité. Tu n’es pas adepte de « mariées au premier regard ». L’enfant que tu es a des besoins d’adulte. Bien que rêveuse et régulièrement perdues dans les cieux, ta princesse se devra de te faire visiter le septième. « Bien sûr. J’ai du temps à perdre jusqu’à la fin de ton service. Tiens. » Tu fais glisser ton crayon et ton bloc-notes vers elle. Au passage, tu effleures involontairement ses doigts. Tu constates que sa peau est douce. Tu croises tes jambes sous la table. Tu poses tes coudes sur le bois et ton menton dans le socle formé de tes paumes. Tes iris bruns scrutent ton interlocutrice. Tu détailles son visage en battant des cils en attendant le début de son test.
C'était une récompense qui n'avait pas de date de péremption. C'était ce que lui assurait Rose. Exprimant tout de même le fait qu'il ne fallait pas trop tarder pour autant. Elle était même prête à donner de sa personne, ce qui fit sourire Itziar. "Ah ? Si tu proposes si gentiment, oui, je veux bien que tu me montres, que je me fasse une petite idée." Une petite idée de ce à quoi sa propre récompense pourrait ressembler. Un moyen d'en profiter avant l'heure aussi. Il ne fallait pas se mentir, elle n'avait pas que des images innocentes en tête. Comme elle remarque le regard de Rose s'arrêter sur sa poitrine quand elle la mentionne. Elle marque un point cela dit. Cet atout laissait au moins la moitié de la population de marbre et n'était un objet de séduction que pour celles et ceux qui y étaient sensibles. Un sourire en revanche, avait le mérite de parler à tout le monde. Les intéressés y verront un atout charme, les autres se diront qu'elle est sympathique et accessible. Elle y gagnait donc plus à sourire, ce qui était comme une seconde nature chez elle. Elle avait une personnalité solaire, toujours optimiste et avenante. Le sourire lui venait naturellement. Sans forcer. "Et encore, t'as rien vu, mais merci du compliment, c'est 100% naturel." Déclare-t-elle avec un clin d'œil. Elle n'avait pas de mérite. Elle pouvait remercier la génétique, ou peut-être même, mère nature. Elle, elle se contentait simplement de mettre en valeur ce qu'elle avait déjà. Son accent aussi, finalement, jouait sur ce qu'elle était, c'était son atout exotique, si on pouvait appeler ça comme ça. C'était un moyen facile d'aborder la conversation puisque ça avait tendance à éveiller la curiosité de ses interlocuteurs déjà intéressés. Il s'était un peu effacé depuis trois ans. A mesure qu'elle avait adopté quelques habitudes linguistiques des australiens, mais il était toujours là et c'était loin de la déranger. "D'Espagne. Madrid précisément. " Elle éclate de rire avec Rose ensuite quand cette dernière met en pratique les conseils qu'elle vient de lui donner. "Ah oui effectivement, ça fait toute la différence. Merci pour ce précieux conseil." Lance-t-elle, le mettant en application et se mettant à rire de plus belle. Pas de doute qu'elle le tenterait pour de vrai celui-là si l'occasion se présentait. Elle savait que ça arriverait tôt ou tard, comme elle avait le pressentiment que Rose tiendrait parole et viendrait affublé d'une couronne, se prétendant reine de la fête, reine du rose ou reine du jour. Elle pouvait voir que la jeune femme était sérieuse et ne manquait vraiment pas d'imagination. "Si jamais tu manques d'idées, viens me voir, même si mon petit doigt me dit que t'en auras pas besoin." déclare-t-elle avant d'ajouter. "Pour moi c'est une couronne de la Reine des neiges ou rien par contre ! Tu m'en trouves une et je suis ta princesse en un battement de cils." Elle hausse les épaules comme si c'était la chose la plus banale qui soit. Elle n'aurait aucun problème et aucune honte à porter une couronne pendant son service, bien au contraire. Ce serait une excuse pour elle pour faire faire à Josh tout ce qu'elle voulait, comme si la couronne lui donnait les pleins pouvoirs.
Elle ne sait pas trop si c'est le lapsus ou la réaction de Rose qui la fait sourire le plus, ou peut-être même un mélange des deux. Elle n'avait pas posé la question pour la piéger, mais elle était bien entendu flattée par la révélation. "Toi aussi ! Mais tu vas finir par me faire rougir ! C'est pas fair play ... Moi qui pensais avoir le dessus." Répond-elle. Elle ne connaissait pas vraiment Rose. C'était d'ailleurs la première fois qu'elle avait l'occasion d'échanger autant avec elle, mais ce qu'elle voyait lui plaisait. Tout comme la discussion qu'elle avait avec la jeune femme. Elle donnait le change et c'était un atout majeur, ça la rendait d'autant plus attirante que ça représentait un challenge. Elle ne savait pas où ça allait la mener, ni même si ça allait mener à quelque chose tout court, mais ça n'avait pas réellement d'importance sur le moment. Elle était dans le jeu et dans le mensonge aussi. Bien que gentillet. Elle ne cachait rien de bien méchant, s'inventait seulement une petite anecdote sortant un peu de l'ordinaire, parce qu'elle s'y était embourbée de toute façon et qu'elle préférait s'enfoncer un peu plus plutôt que de révéler la supercherie. "T'aurais pas eu de problème à peindre alors. A moins que le combo, poitrine plus sourire soit vraiment irrésistible." Dit-elle avant d'ajouter "J'crois effectivement que je souriais, mais j'ai pas du sourire tout du long pour autant, alors, j'sais pas trop. Si ça se trouve, ils étaient juste pas bons et ce cours était un peu une blague." Tout comme son histoire était une blague. Elle ne savait pas comment ce genre de cours fonctionnait, mais elle était persuadée que les modèles autant que les artistes en herbes savaient rester professionnels et voir le corps comme une œuvre d'art plutôt que comme un objet de désir qui les laissaient bouche-bée. Son histoire étant fausse, elle n'avait pas besoin d'être totalement juste. En revanche, sa proposition, elle, n'avait rien de faux. Même si elle était faite sans trop en dire, elle était légitime et Rose semblait avoir capté le message, lui faisant indirectement savoir qu'elle serait toujours là à la fin de son service pour en savoir un peu plus. "J'espère que t'es prête à attendre un peu par contre. J'fais pas la fermeture, mais j'en ai encore pour quelques heures. J'pourrai te ravitailler en jus de pomme cela dit, ou autre chose si tu veux changer." Déclare-t-elle avant d'ajouter " J'aurai droit à une autre pause aussi et j'en profiterai surement pour prendre un peu l'air, si jamais ..." Elle laisse en suspens. Si jamais la jeune femme voulait la trouver, c'est là qu'elle serait si elle disparait.
Pour l'heure, elle était là. Il fallait donc finaliser leur accord et s'occuper de quelques formalités. Comment comptait-elle s'y prendre pour empêcher que Rose ne bouge trop pendant la nuit et ne risque de lui mettre quelques coups, de manière totalement involontaire ? "C'est très simple !" Répond-elle, grand sourire, comme s'il n'y avait rien de plus logique. Comme si ça allait de soi. "Je vais me servir de mes deux bras, et pourquoi pas de mes deux jambes aussi, si besoin. Tout en douceur. Après je pourrais te faire une démonstration plus tard, mais je veux pas te dévoiler tous mes secrets aussi facilement. Faut laisser un peu de mystère." Ajoute-t-elle. Elle dormait très bien toute seule, en revanche quand elle ne l'était pas, elle avait tendance à devenir collante, cherchant inconsciemment la présence de l'autre, comme un besoin vital qu'elle ne pouvait expliquer. Elle avait donc plus d'un tour dans son sac pour que le sommeil de Rose ne soit pas trop agité, ne serait-ce que la tenir dans ses bras, comme sa bouée de sauvetage personnelle, à la différence qu'en réalité, c'était à elle que cela servirait le plus. C'était l'assurance de ne pas se réveiller avec une bosse ou un bleu, sorti presque de nulle part. "La couronne je crois que ce serait la protection ultime. Tu deviens pas invincible avec une couronne sur la tête normalement ?" Demande-t-elle en souriant, mais le plus sérieusement du monde. Comme si c'était un fait avéré, comme si elle ne venait pas d'inventer ça, trois secondes plus tôt. Elle n'était pas fan du bonnet de nuit, pas à Brisbane du moins, où il faisait bien trop chaud pour s'encombrer de bouts de tissus superflus. Son sourire est remplacé par une moue boudeuse quand la jeune femme aux cheveux roses ne démord pas sur son test de compatibilité. Elle n'y coupera pas et donc, elle se résout. Ça ne la dérange pas tant que ça. Au contraire, les questions l'amusent plus qu'autre chose et elle se prend réellement au jeu, répondant honnêtement à chacune d'elle. Après tout, mentir n'avait aucun sens puisqu'elle ne connaissait pas la jeune femme et ne savait donc pas ce qu'elle voulait entendre. C'était donc quitte ou double, mais elle aimait ce challenge. Le résultat est sans appel. Pas mal. Seulement pas mal. La jeune femme indiquant un manque d'éléments pour pouvoir se prononcer, ce qui fait rechigner Itziar. "Oh nan, c'est pas juste ça." commence-t-elle, boudeuse. "c'était censé être facile normalement. Il te faut quoi d'autres comme infos ? Je suis un livre ouvert, tu peux y aller et me soumettre à n'importe quel test s'il le faut." Ce n'était pas comme si elle avait déjà commandé les alliances et payé pour celles-ci, mais presque. Elle se console cela dit, parce qu'elle a le droit de poser ses propres questions, de faire son propre test de compatibilité et ça, ça l'amuse beaucoup. Quand Rose lui tend le carnet, elle effleure ses doigts au passage, par accident ou sciemment, Itziar ne saurait dire, mais elle le remarque et plonge son regard dans celui de Rose, l'espace d'un instant, avant de porter toute son attention sur le carnet. Elle y écrit leur deux prénoms et commence à gribouiller, à entourer des lettres, à tirer des traits pour les rapprocher les unes des autres avant d'en barrer certaines pour finir par écrire 80% en gros en dessous, prenant soin de souligner le résultat d'un trait bien épais. "Bon déjà niveau prénoms c'est pas mal. Maintenant pour le vrai test. T'es prête ?" demande-t-elle avant de réfléchir quelques secondes. "Sushis ou pizza ? Est-ce que tu chantes sous la douche ? Quel serait pour toi le rencard parfait ? Ton dessin animé préféré ? Donner ou recevoir ?" propose-t-elle comme questions à Rose, avant qu'un sourire malicieux se dessine sur ses lèvres. "Et dernière question, mais pas des moindres, est-il acceptable de coucher le premier soir ?" lance-t-elle avant de plonger son regard dans les yeux bruns de la jeune femme, attendant patiemment les réponses à ses questions pour ce test de compatibilité inventé en dix secondes chrono.
Tu es une fille altruiste. Les autres passent souvent avant toi. Ta mère a souvent trôné au sommet de ces autres. Tu as vécu ta vie suivant ses envies au détriment des tiennes. Si aujourd’hui, tu l’as reprise en main, tu as conversé ta générosité. Voilà pourquoi tu as proposé d’aider Itziar. Tactile, tu as conscience qu’une démonstration est plus parlante que des mots. Il n’y a nul égoïsme dans ton offre. Ou peut-être juste un peu. Tu ne peux nier être curieuse de découvrir le moelleux de ses genoux. Si elle croyait que tu plaisantais, elle s’est lourdement trompée. Et il est trop tard pour faire marche arrière. Tu ne lui fais pas répéter au risque de la voir se rétracter. Tant pis pour elle si elle a commis une erreur. Bien que tu comprennes l’humour, tu sais également prendre les choses au premier degré quand elles t’arrangent. Large sourire suspendu à tes lèvres, tu recules ta chaise. Tu te lèves et t’approches d’elle. Debout à ses côtés, tu la domines de ta grandeur. Il faut dire que du haut de ton 1m78, tu es sacrément perchée pour une femme. Et encore, tu ne portes pas de talons aujourd’hui. Ton regard plonge furtivement dans son décolleté. Un léger rictus mutin prend forme sur ton visage. Une main sur son épaule, tu la fais doucement pivoter de son siège. Tu libères ainsi l’accès à ses genoux précédemment rangés sous la table. Tu lisses le pan de ta robe de tes doigts. Une fois effectué, tu viens te caler entre ses deux segments avant de poser délicatement ton fessier sur ses genoux. Tes mirettes se plantent dans ses iris. Tu remues légèrement, cherchant la position la plus agréable. Trouvée, tu deviens immobile. « Tu es plutôt confortable et pas mal comme fauteuil. Il fallait justement que je remplace celui de mon salon qui se fait vieux. Tu ne serais pas disponible à tout hasard ? » Ton rire cristallin s’échappe de ta bouche. C’est faux. Enfin, pas la partie sur la confortabilité de ses cuisses. Tu pourrais rester assise de la sorte durant des heures sans te lasser. La réciproque n’est pas forcément vraie. Malgré tes allures de fée et ton attitude enfantine, tu n’en as pas le poids. Elle ne supportera probablement pas autant de temps tes soixante-huit kilos. Tu lui accorderas des pauses. Pauses pendant lesquelles vous pourriez inverser les rôles.
Avant que la situation ne devienne trop gênante, tu la quittes et retournes à ta place. Tu as failli te piéger toute seule via ta proposition. Tu as été très proche de passer ta main dans ses cheveux. Tu as également fui la vue un peu trop charmante sur sa poitrine. Tu continues de l’observer malgré tout. Tout en écoutant ses paroles en parallèle. C’est l’avantage d’être une femme, tu es capable de faire deux choses à la fois. Tu apprends d’où sont originaires les notes latines de sa voix. L’Espagne. Quel joli pays. Enfin de ce que tu as entendu à son sujet. Tu n’y as jamais mis les pieds. Tu n’as jamais foulé autre sol que le sol australien. Tu tiens trop à tes racines et à tes repères. « Oh c’est loin ! Tu n’es pas trop dépaysée ? Pourquoi tu es venue à Brisbane ? » Quand tu repenses à tes années passées à Melbourne et ton chagrin vis-à-vis de ton éloignement de ta mère, tu n’oses imaginer le sien. Plus que des milliers de kilomètres, elle a carrément changé de continent. Elle a eu bien du courage. Elle a certainement dû laisser une partie de son âme à Madrid. Tu as un peu de peine pour elle. Tu n’en as pas longtemps. Son rire a le don de balayer toutes pensées moroses. Son accent n’est pas le seul à transposer le soleil de sa naissance. Tu ignores le niveau d’humour espagnol. Tu remarques que celui de la blonde est développé. Elle continue de rentrer dans ton jeu. La pauvre ne sait pas dans quoi elle vient de s’engager. Tes yeux s’arrondissent à ses paroles. Vous êtes sur la même longueur d’onde princière. Étrange hasard ou simple coïncidence ? « J’en ai une chez moi ! » Tu sautilles sur ta chaise. Tu es telle une puce faisant la fête dans les poils d’un chien. « Tu vas pouvoir être ma princesse ! Si tu veux, je pourrai te confectionner la robe qui va avec. Il me faudra juste tes mensurations. » Généreuse, tu es prête à consacrer du temps, du tissu et de l’argent pour lui réaliser une tenue. Tu la visualises déjà. Elle ne sera pas à l’identique de celle du dessin animé. Tu anticipes la praticité. Elle ne doit pas la déranger dans son travail. Tu la vois courte, s’arrêtant au-dessus de ses genoux, laissant ses jambes déambuler facilement dans le bar. Tu la vois sans manche, dévoilant ses épaules, laissant ses bras bouger avec un plateau dans les mains. Tu la vois sans décolleté même si tu apprécies la vue sur sa poitrine, tu ne tiens pas à ce qu’elle trouble les client.e.s. Pas plus que d’habitude en tous cas. Et rose, pour couronner le tout, évidemment.
Perdue dans tes projections, le lapsus s’invite. Tes pommettes s’empourprent dans la seconde. Autant pour ta gêne que sa réplique même si tu l’avais deviné. Après tout, les dix minutes de pause sont écoulées. Et elle est encore là, à discuter avec toi. « C’est plutôt toi qui es irrésistible. » Tu ris à pleins poumons. Cette fois-ci, tes mots sont volontaires. Et bien que tu rigoles, il y a de la véracité dedans. « Ah ton sourire te quitte donc parfois ? Je te conseille de le conserver. La vie est plus belle quand on la prend avec le sourire. » Telle est ta philosophie. Malgré les hauts, les bas, les joies, les peines, tu souris en permanence. Il t’arrive bien sûr d’être triste voire de pleurer. Mais jamais en public. Ces moments, tu les vis en solitaire, dans ton appartement. Ou dans les bras de ta mère qui t’offre son oreille attentive. Pour illustrer tes dires, tu élargis l’écartement de tes lèvres. Presque à hauteur de tes oreilles, tu ne peux en afficher un plus grand. Tu ne le sors pas souvent celui-ci. Tu le réserves aux demoiselles qui te plaisent. Franc et charmeur, il est ton arme de séduction principale. Tu as régulièrement capté l’attention grâce à lui. Itziar n’y semble pas insensible. Peut-être souhaite-t-elle en découvrir davantage ? Ce n’est pas improbable tant elle n’a pas repoussé ta proposition de l’attendre. Tu as même l’impression de déceler une pointe de contentement sur le coin de ses lèvres. Tu te fais peut-être des idées. « Jus de pomme c’est très bien. Allez, comme je suis un peu folle, je me permettrai un écart en te prenant un jus d’ananas ! » Tu pouffes de plus belle. Quelle est drôle ta folie. Un nectar sucré pour un autre. Tu ne bois pas d’alcool. Du moins très rarement. Il te monte trop vite à la tête. Et si le teint rosé de tes joues te rend mignonne, tes vomissements cassent cette mignonitude. « Pense à mettre un gilet si tu vas dehors. Les nuits sont fraîches en ce moment. Je ne veux pas que tu tombes malade. Je ne suis pas infirmière. » Tu glousses. Si tu es bienveillante, la fin de ta phrase est tendancieuse. Tu ne serais pas contre prendre soin d’elle même sans compétence médicale réelle. Tu connais des remèdes naturels aux petits maux de la vie. Comme déposer de tendres baisers dans le cou.
Visiblement, tu n’es pas la seule à connaître des remèdes alternatifs à ceux proposés par la médecine. Tu valides ses propos d’un hochement de tête et d’un sourire. Le mystère est important. Tu vas tout de même tenter de le soulever dans tes futurs rêves. Ta curiosité t’y oblige. Puis cela te permettra de faire des songes intéressants. Tu pivotes négativement ton hochement de tête par la suite. Tu aurais aimé qu’elle dise vrai. Tu y as cru toi aussi. Jusqu’à ce que la vie te rappelle la cruelle vérité. « Malheureusement non. Je me suis cognée le petit orteil dans mon lit avec une couronne sur la tête un jour. Bilan de cette étourderie : doigt de pied cassé et trois semaines de plâtre. » Tu t’en souviens comme si c’était hier. Alors que cette anecdote remonte à ton retour à Brisbane, il y a cinq ans. Tu venais d’emménager dans ton nouvel appartement. Tu faisais la princesse dans ta chambre à danser pour fêter ton acquisition quand l’incident est arrivé. Aujourd’hui, tu es d’une extrême prudence lorsque tu es à proximité de ton couchage. Tu ne désires pas revivre ce moment douloureux. Sauf si la blonde souhaite être ton infirmière la durée de ta convalescence. A défaut d’être ta conjointe. Il faut bien un début. Tu effectues ton test par principe. Sa moue est délicieuse. On dirait toi à huit ans, quand ta mère te refusait quelque chose. Tu regardes la salle. Les clients y sont toujours présents. Bien qu’occupés à siroter leur verre, à discuter et à jouer au baby-foot, ils restent des oreilles indiscrètes éventuelles. Tu n’oses pas lui en demander plus. « Il me manque les infos pratiques. » Tu as appuyé les dernières syllabes. Tu espères qu’elle comprendra. Pour t’en assurer, tu les as ponctuées d’un clin d’œil complice. Elle ne devrait pas avoir besoin d’un dessin. Surtout qu’elle est une adulte. Toi, tu aurais une excuse pour ne pas comprendre le message implicite. Le risque est minime. Pour ce genre de chose, tu sais parfaitement te glisser dans ton rôle de jeune femme de vingt-huit ans.
Preuve en est de ta façon de lui transmettre ton carnet et ton crayon. Tu observes son numéro sur la feuille. Elle te fait rire avec ses symboles qui partent dans tous les sens. On dirait un enfant de quatre ans qui dessine. Tant mieux, elle est donc sur la bonne voie sur la quête de tes genoux. Ta tête légèrement penchée, tu clignes des yeux en guise de top départ. Voilà qu’elle se lance dans ses questions. Tu fais ton maximum pour les retenir. L’exercice est compliqué. Surtout que tu fixes ses lèvres et leur danse le temps de sa prise de parole. Par chance, elle ne te bombarde pas de trop d’interrogations. Et la dernière te fait glousser. Ce jeu dévie décidemment de plus en plus. Pressée d’y répondre, tu n’en occultes pas ses autres demandes. Ce test de compatibilité est on ne plus sérieux. On ne rigole pas avec le mariage. « Sushis mais pizzas me va aussi sauf si tu mets des olives dessus. » Tu détestes ça. Tu les fais retirer à chaque fois. « Évidemment ! Par contre je chante mal, je m’excuse d’avance pour tes oreilles si elles doivent supporter ça. » C’est un fait. Ta voix attendrissante se mue en casserole dès que tu te mets à chanter. Ce n’est pas pour autant que tu te prives de ce plaisir. « Hmm, je dirai un restaurant en tête-à-tête, sur une terrasse, au bord de la plage, pendant un coucher de soleil. » Ton âme de romantique s’exprime dans toute sa splendeur. « La Belle au bois dormant. » La raison est simplissime : Aurore porte une robe rose. « Donner. » Tu en reviens à ton altruisme et aux sourires que tu offres en permanence. Il te reste à répondre à sa question subsidiaire. Tu retires ton menton de tes paumes. Tu décroises tes jambes et les recroises à l’opposé. Un rictus malicieux rejoint tes lèvres. Rien que sa présence lui répond. « S’il y a feeling et consentement, je ne vois pas en quoi c’est dérangeant. La vie est courte, il faut profiter de chaque instant. » Tu ne vois pas l’intérêt de t’imposer des règles sur le compte des bonnes mœurs. Puis tu es un enfant. Et un enfant se moque des règles établis. Il vit selon les siennes.
Itziar ne savait pas trop comment elles en étaient arrivées là. A frôler avec la limite du raisonnable. Elle avait abordé Rose sans aucune arrière pensée. Si ce n'était qu'elle avait déjà eu l'occasion de remarquer la jeune femme par le passé. Avec son style bien à elle et ses cheveux roses. Elle l'avait vu dessiner aussi, sans jamais vraiment voir ce dont il s'agissait réellement. Ca l'avait intriguée, mais elle n'avait jamais eu l'occasion, le temps ni même le prétexte pour aller l'aborder. Elle aurait pu tout simplement lui demander franchement, la questionner sur ses dessins sans y aller par quatre chemins. La jeune espagnole n'était pas timide, ça n'aurait donc pas été improbable, mais elle n'aurait pas aimé la déranger. Cette fillette, finalement, c'était son excuse, parce qu'elle, elle n'était vraiment pas à l'aise avec les enfants, ce n'était pas un mensonge et même si elle en faisait sans doute un peu trop à ce sujet, parce que c'était son style, c'était bien vrai. Rose semblait être faite pour interagir avec eux. C'était l'excuse parfaite et le bar étant quasiment vide à cette heure-ci, le moment était tout trouvé. C'était censé être anodin. Rien de plus. Elle joue, comme elle a l'habitude de le faire, comme elle ne peut pas s'empêcher de faire et c'est quand Rose se lève qu'elle se dit qu'elle joue peut-être avec le feu, mais qu'il est trop tard pour faire demi-tour. Elle n'en a pas envie pour autant. Elle suit la jeune femme du regard, ne peut s'empêcher de remarquer sa silhouette et surtout ses jambes qui n'en finissent pas. Elle sait que le but de la manœuvre est en théorie de la faire retomber en enfance pour qu'elle accède à sa récompense, en revanche, les pensées qui lui traversent l'esprit durant ce court laps de temps n'ont rien d'innocentes. Elle n'a même pas le temps de les repousser que la main de la jeune femme est sur son épaule pour la faire pivoter légèrement. Elle devrait probablement l'arrêter là, parce que ce serait la chose à faire si elle voulait rester professionnelle, mais elle ne le fait pas. Elle laisse Rose prendre place sur ses genoux. Itziar ne sait pas si la jeune femme fait exprès de gesticuler comme ça, ou si elle cherche réellement à trouver la plus confortable des positions, mais ses mains viennent instinctivement se poser sur les cuisses de l'australienne pour l'empêcher de bouger. Ca ne dure pas longtemps. L'espace de quelques secondes avant qu'elle ne réalise ce qu'elle est en train de faire et les retire aussi vite. C'est le rouge qui lui monte aux joues ensuite, à la remarque de Rose. C'est son regard qui se pose furtivement sur les lèvres de son interlocutrice, juste le temps de se demander quel goût elles pourraient avoir. "J'suis toujours disponible." Qu'elle répond quand même. Ca ne dure pas plus longtemps que ça.
Elle est à la fois soulagée et déçue quand Rose se lève pour retourner s'asseoir à sa place. Soulagée parce que ça lui permet de retrouver sa contenance et de reprendre le dessus sur elle-même. Déçue, parce que, qu'on se le dise, ça ne la dérangeait pas vraiment, bien au contraire. Elle était cependant sur son lieu de travail et elle ne pouvait pas non plus faire n'importe quoi. Pas de doute, en revanche qu'elle avait bien pris note de la démonstration, qui la motivait d'autant plus à atteindre l'objectif que Rose lui avait fixé. Elle parle d'elle, de son pays qu'elle a quitté il y a plus de trois ans de cela. Ca lui remet les idées en place, chasse momentanément les pensées lubriques qui s'étaient installées dans son esprit avec la proximité de Rose, assise sur ses genoux. "Je le suis plus maintenant, mais les débuts ont été plutôt compliqués. Pour ce qui est de ma présence, c'est une sacrée histoire, pas très glorieuse, je te la raconterai si t'es sage. J'avais besoin de partir." Pour faire court. Un bref résumé. Parce qu'elle n'a pas l'habitude de parler de ça à tout le monde, surtout pas au bar. Elle n'avait pas de quoi se vanter. Un père en prison, sa famille passant de l'élite à la risée de la société mondaine de Madrid, ruinée en plus de ça et une rupture s'ajoutant sur le tas comme la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase. Elle ne parlait pas trop de tout ça, autre que comme une page qu'elle avait tournée. Parler de couronnes était bien plus léger, le genre de choses bien plus appropriées à mentionner dans un tel contexte. Elle ne s'était pas rêvée en Reine des Neiges avant maintenant, mais elle voyait plutôt bien la chose maintenant que l'australienne lui annonçait posséder une telle couronne chez elle. "C'est pas vrai ?! tu l'amènes la prochaine fois hein ?" Qu'elle demande, large sourire sur les lèvres, se voyant déjà princesse du bar prête à pouvoir jouir de son nouveau statut fraîchement acquis. Ca ne lui fera probablement pas obtenir d'augmentation, mais pourra peut-être apporter un peu plus de pourboires. "Tu peux prendre mes mensurations quand tu veux, mais t'as pas besoin de me faire une robe, t'auras déjà suffisamment de travail avec moi comme princesse." Parce qu'elle était prête à prendre son rôle très à cœur, elle ne plaisantait pas. Quand elle se lançait dans quelque chose, elle le faisait très sérieusement.
Le rouge lui monte aux joues une fois de plus quand Rose lui dit qu'elle est irrésistible et elle ne peut s'empêcher de boire une nouvelle gorgée de son verre, comme si ça allait pouvoir le camoufler. "Je vais finir par croire que ça t'amuse de me voir rougir. C'est un talent que peu peuvent se vanter d'avoir." Décide-t-elle de répondre, parce qu'il fallait voir les choses en face, une gorgée de coca cola n'allait pas faire grand-chose alors, autant le reconnaître. Elle rit légèrement. C'est plutôt elle, normalement, qui est du genre à déstabiliser son interlocuteur, pas l'inverse. "T'inquiètes pas, je le perds pas souvent, seulement quand j'ai besoin de reposer mes zygomatiques." Qu'elle répond avec un sourire franc, de ceux qui montent jusqu'aux oreilles et laissent apparaître les dents. Mimiquant celui de Rose. Il ne la quitte pas souvent celui-là. A part peut-être quand elle est concentrée et qu'à la place, sa mine devient un peu plus sérieuse, sa langue s'échappant d'entre ses lèvres sans même qu'elle ne s'en rende compte. Bien entendu, il y a aussi les fois où ça ne va pas trop, où la météo n'est pas au beau fixe et qu'elle a un peu de mal à relativiser, ça n'arrive pas souvent, mais elle est humaine et a donc des hauts et des bas comme tout le monde. Comme tout le monde aussi, elle n'est pas insensible aux charmes d'une belle créature. La perspective que cette dernière l'attende jusqu'à la fin de son service l'enchante donc particulièrement. Elle n'en espérait pas tant, mais c'est loin, très loin de lui déplaire. Elle lui fait savoir qu'elle sera là pour lui servir à boire, tout au long de la soirée, la garder hydratée pour faire passer le temps et s'assurer qu'elle ne finisse pas par s'ennuyer et s'en aller. "Wow jus d'ananas ? T'es sûre ? C'est vraiment fou comme choix. Si jamais tu te sens encore plus aventureuse, fais le moi savoir, j'pourrai te surprendre avec un cocktail de ma création, sans alcool, bien sûr." Parce qu'elle avait remarqué ça, que Rose ne commandait jamais rien d'alcoolisé. Ca ne voulait pas dire qu'elle ne buvait jamais, mais ça lui donnait suffisamment d'informations sur ce qui était susceptible de lui plaire. Itziar sourit à la recommandation de Rose, un sourire innocent d'abord, puis qui le devient un peu moins au moment où elle prend la parole. "T'as pas besoin d'être infirmière, tu peux prétendre. J'suis très forte à ce jeu-là." Déclare-t-elle, presque l'air de rien, un bref clin d'oeil en direction de la jeune femme avant de hausser les épaules.
Il semblerait d'ailleurs que la jeune australienne aurait eu besoin des services de la pseudo-infirmière Itziar puisque celle-ci lui raconte l'une de ses mésaventures impliquant le pied de son lit et l'un de ses orteils ayant fini cassé. Ça la fait grimacer. Il n'y avait pas pire que la douleur que pouvait procurer un mauvais coup sur les orteils, pour que l'un d'eux finisse cassé, ça avait dû être pire. Elle hoche finalement la tête vigoureusement de gauche à droite. "On oublie la couronne, à moins d'être déjà en sécurité dans le lit. J'suis sûr que mes bras feront l'affaire pour parer à tes combats de karaté nocturnes." plaisante-t-elle. Ça ne pouvait pas être si terrible que ça et si ça l'était, elle était prête à prendre le risque malgré tout. Elle était motivée à ce point-là. Elle est prête à donner de sa personne et si ce n'était pas assez clair, elle réitère cela après le test rapide que vient de lui faire passer Rose. "Il faut se présenter où ? Pour le test pratique ? Ça m'intéresse." demande-t-elle, un sourire presque coquin, vissé sur ses lèvres. Elle n'avait pas besoin de plus de détails ou de plus d'explications, ayant parfaitement compris ce que son interlocutrice voulait dire. Cependant, chaque chose en son temps, elle savait que ce n'était pas le moment pour ça et elle se consola en faisant passer son propre test de compatibilité. Après quelques gribouillages et un résultat satisfaisant, mais complètement inventé, il était l'heure des questions. Choisies sur le tas, à mesure qu'elles lui venaient en tête. Elle en avait bien plus à poser, pas du genre à manquer d'imagination ou de curiosité, mais elle ne voulait pas assaillir la styliste, pas trop, tout du moins. Ses questions posées, elle la regarde satisfaite attendant les réponses, prête à se remettre à gribouiller sur le carnet empruntée à la principale intéressée. Elle sourit en écoutant les réponses, hoche la tête en prenant quelques notes avant d'annoncer son verdict. "Hmm tu amasses beaucoup de points avec la dernière question. Pas mal du tout. Du moins pour la théorie. Pour le reste ..." laisse-t-elle trainer, tournant la page du carnet pour aller écrire sur celle d'après avant de découper un rectangle aussi droit que possible avec les moyens du bord "C'est utilisable à n'importe quel moment, sans aucune date d'expiration, l'idéal est un préavis de quelques heures avant utilisation, mais ce n'est pas obligatoire." déclare-t-elle en tendant le rectangle de papier à Rose, rectangle sur lequel elle avait inscrit 'Bon pour un test de compatibilité (pratique) ;)' Elle rit et referme ensuite le carnet pour le tendre à Rose avant de jeter un rapide coup d'oeil à l'heure inscrite sur son téléphone et ne pouvant que remarquer avec désarroi qu'elle avait déjà dépassé les dix minutes qu'elle s'était accordée depuis un moment. "J'ai encore plein de questions, mais je manque de temps, faut que je me remette au travail avant de me faire taper sur les doigts." Elle fait la moue. "Tu veux un autre jus ?" demande-t-elle en se levant, non sans regret. "J'prends la prochaine dans deux heures environ. Tu sauras où me trouver." Déclare-t-elle avec un clin d'oeil avant d'aller reprendre son poste. Sa collègue du soir n'allant pas tarder à arriver, vue l'heure.
Les chosent dévient de plus en plus. Jamais tu n’aurais cru que le passage d’une petite fille dans le bar t’aurait mené à cela. Tu n’évoques ni le verre offert ni la discussion banale qui en a découlé, tu fais référence à vos regards, à vos sourires, à vos mots, remplis de sous-entendus. Tu n’as jamais considéré cette serveuse plus que cela. Tu as toujours agi avec respect et bienveillance à son égard comme le demande l’éducation. Après ta démonstration, des idées lubriques s’immiscent doucement dans ta tête. Plus tu l’observes et moins tu vois un fauteuil en sa personne. Tu commences à voir en elle ton éventuelle princesse en devenir. Ton cœur s’emballe à cette pensée. L’idée semble lui plaire tant il accélère. Il pulse dans ta cage thoracique. On dirait qu’il cherche à s’en échapper pour aller rejoindre son confrère. Il aimerait câliner celui d’Itziar, le serrer de la force de ses ventricules, l’embrasser tendrement sur les oreillettes, se caler sur sa vitesse, et battre ensemble, en harmonie. Il se pince et ralentit à son annonce. Tu comprends que sa vie n’a pas été rose non plus. Curieuse, tu tais l’approfondissement de ce mystère. Tu ne tiens pas à la braquer et a effacé son sourire. « Je suis toujours sage. », préfères-tu répondre en riant. Elle te confiera son histoire le moment venu. Le temps des confidences peut attendre. Surtout que des oreilles indiscrètes se trouvent dans la salle. Ce moment doit se faire en réel tête-à-tête. S’il se fait un jour. Il n’est pas certains qu’elle te dévoile son passé. Comme tu n’es pas certaine de lui révéler le tien non plus. Tu parles rarement de ton passage à Melbourne. Du moins, quand tu le fais, tu te limites à tes années d’études. Parfois, tu racontes ta période de mannequinat pour justifier ton amour de la mode. Et si le blanc entre les deux est abordé, tu as tendance à fuir et changer de sujet. Non pas que tu en as honte. Tu as juste trop mal à chaque fois. Tu revis à chaque fois la mort de ton ancienne toi. Ce qui a le don de balayer ton sourire et d’ouvrir tes glandes lacrymales.
L’heure est bien plus joyeuse. Ton écartement de lèvres est à son maximum. Tu n’as aucun souci à lui prêtre ta couronne. Tu hoches ta quête en guise de validation. Tu le notes mentalement dans un coin de ton esprit. Et bien que tu sois étourdie et possède une mémoire défectueuse, tu n’oublieras pas ce post-it spirituel. Dans le doute, te connaissant bien, tu le griffonneras quand même sur ton carnet. On n’est jamais trop prudent. Tu pourrais même être capable de lui offrir. Un peu comme un cadeau de fiançailles. Voilà que tu t’emballes. A l’image de ton palpitant qui repend ses pulsions cadencées. « Tu m’amuses tout court. Tu es plus enfant que tu ne le crois. S’ils sont fatigués, je peux te les masser. Il parait que je suis une bonne masseuse. » D’après tes conquêtes, tu as des doigts de fée. Tu n’es pas uniquement douée en couture avec. Désireuse de lui montrer, tu approches lentement ta main de sa joue. Ton pouce entre en contact de sa peau. Tu effectues un léger cercle dessus. La douceur de sa pommette t’électrise. Elle diffuse son rouge à ta propre joue. Tu ôtes ton doigt, toutes dents dehors. « Je t’en ferai un plus complet si t’es sage. » Tu as repris volontairement sa formule. Le jeu n’est pas terminé. Tu espères lui avoir donné envie de l’être. Tu as envie de la récompenser de sa sagesse. Tu as surtout envie de pouvoir retoucher son derme lisse de bébé. Tu es malicieuse derrière tes airs enfantins. Itziar l’a probablement remarqué. Elle n’est pas en reste. Tu ne lui as pas proposé de l’attendre pour simplement reprendre votre échange. La fin de sa journée de travail n’est pas le meilleur instant pour bavarder. Fatiguée, elle aurait sans doute apprécié rentrer chez elle, prendre une bonne douche et se coucher. Mais elle n’a pas réfuté ta proposition. La nuit sera peut-être longue. Tu prendras des forces pour patienter. Le sucre chargera tes batteries. Au cas où tu aies besoin d’énergie. « Va pour un cocktail ! J’essaierai de deviner ce que tu as mis dedans. Et si je trouve tous les ingrédients, je veux un bisou sur la joue ! » Tu pouffes de ton annonce. Tu as improvisé ce défi sur le tas. Tu ne sais même pas si elle va accepter. Tu n’as pas précisé ton gage en cas d’échec. Nul doute que la blonde inventera une contrepartie si tu te loupes. Il le vaudrait mieux. Ton palais n’est pas très affuté. Tes chances de réussites sont proches de zéro.
Tu vas devoir en ingurgiter des boissons. L’indigestion te guette à défaut de l’ivresse. Il se pourrait que tu fasses appel à ses services infirmiers plus tôt que prévu. Tu l’envisages sérieusement à ses propos. Si cela te permet de tester le confort de ses bras, tu es prête à te rendre malade. « Rien ne vaut une camisole humaine pour m’apaiser. » Enlacée, tu es douce comme un agneau. Tu te transformes même de temps en temps en chaton, ronronnant ton plaisir face à cette étreinte. Tu es quelqu’un qui a besoin d’affection. Très tactile, tu es toujours demandeuse de contacts. Par contre, tu détestes que l’on vienne coller ses pieds glacés contre toi. Ce geste réveiller ton Diable intérieur et tu ripostes via des coups de pieds puissants. Tu t’aperçois ne pas lui avoir posé la question lors de ton test. Tu n’as pas pensé aux petites manies agaçantes. La blonde ne peut pas l’être de toute manière. Pas avec une telle bouille angélique. « Et il faut se présenter au 288 Orchid Street à Redcliffe. » Tu affiches un rictus mutin sur le coin de tes lèvres en lui donnant ton adresse. Tu te demandes si elle osera te rendre visite. Ce jeu a la possibilité de prendre fin. Tu ne le souhaites pas mais tu ignores les intentions de ton interlocutrice. Pour ta part, tu joues de moins en moins. Tu exprimes un réel désir. Le sien reste énigmatique. Quoi que son petit mot noté sur un morceau de ton carnet brise le mystère. Tu bats des cils en rythme. Récupérant ton carnet ton stylo, tu l’admires se lever. Ta tête penchée sur le côté, tu dévisages la serveuse. Tu attrapes son poignet, vérifiant ainsi qu’elle n’est pas un rêve avant de lui glisser ton stylo entre ses doigts. « J’ai besoin de ton numéro pour le préavis. » Le temps qu’elle le note marque la fin de sa pause. « Je veux bien un de tes fameux cocktails s’il te plait. Et oui je sais. Et toi aussi, je ne bouge pas. »
Tu prends plusieurs minutes à retrouver tes esprits. Tu sors ton téléphone de ton sac à main. Discrètement, tu prends en photo la blondinette. Tu l’ajoutes à ton répertoire au rang de « Princesse en devenir ». Ton méfait accompli, tu ranges soigneusement son bon et ton portable dans ton cabas. Tu te recentres sur ses notes. Tu décryptes son écriture. Elle te semble minutieuse, graphique, élégante, à son image en somme. Tu adoucis les contours du huit inscrit. Tu le mues progressivement en zéro. Tu apposes un bâton, signe d’un un, devant la double bulle. Tu souris de lire 100%. Une voix t’extrait de ton bloc-notes. Une jeune femme brune, sourire de circonstance accroché à ses lèvres, plateau en main, te demandes ce que tu veux boire. Tu lui indiques que l’on s’occupe déjà de toi et elle repart, direction une autre table. Tu retournes à ton occupation. Tu réaffiches la page de ton croquis. Fixant ton dessin, tu imagines la blondinette se glisser dedans. Tu n’as plus aucune pensée pour ta cliente. Il n’y plus qu’elle et elle seule en l’instant. Tu feuillettes ton cahier jusqu’à tomber sur une page blanche. En deux heures, tu as le temps de confectionner sa robe de princesse. Tes doigts glissent sur le papier. Il prend vie au fur et à mesure de tes coups de crayon. Quand Itziar passe proche de ta position, tu places ta paume dessus, l’empêchant de t’espionner. Les ouvertures de portes s’accumulent. Au brouhaha ambiant, tu captes que l’établissement s’est rempli. Les écoutant d’une oreille, tu ne distingues aucun timbre enfantin. Tu ne distingues pas non plus les moqueries lancées vis-à-vis de ton accoutrement. En fait, tu ne distingues rien hormis le timbre harmonieux latin d’Itziar. Non, tu ne l’entends pas directement. Tu repasses ses phrases en boucle dans ta tête. Les minutes défilent. Tu ne serais dire combien. Les cent-vingt ne doivent pas être de s’être écoulées. Tu le sens à ta capacité de concentration. Elle commence à faiblir. C’est toujours le cas après deux heures. Tu stoppes ton art. Tu t’étires sur sa ta chaise. Tu cherches le regard d’Itziar. Une fois le contact oculaire établi, tu lui offres un large sourire. Elle parait s‘être embellie depuis votre conversation.
Elle n'avait pas eu autant envie de porter une couronne que ce soir, si ce n'était quand elle était plus jeune et se rêvait princesse Disney à chaque fois qu'elle regardait ses dessins animés favoris. A l'époque, elle en avait tout l'accoutrement, de la couronne à la robe en passant par les chaussures et gare à celui qui voulait lui faire enfiler quoi que ce soit d'autre. Elle avait non seulement l'attirail, mais le caractère d'une vraie petite princesse. En grandissant, elle s'était éloignée de ça, dans un sens, les robes et chaussures de designers étaient devenus ses costumes princiers, la couronne avait disparue de sa garde robe et elle avait fini par réaliser qu'elle pourrait être réveillée par un baiser d'amour venant aussi bien d'un prince que d'une princesse. Elle se veut princesse souriante, après tout, n'est-ce pas le propre d'une princesse que de se présenter devant ses sujets, son plus beau sourire dessiné sur les lèvres ? Elle le perd, oui, de temps en temps, il faut bien l'admettre. Elle explique à Rose qu'il lui faut parfois reposer ses muscles, ses joues pouvant la faire souffrir de trop sourire. Ça semble amuser Rose. Elle lui dit d'ailleurs, avant d'annoncer qu'elle est plus enfant qu'elle ne le pense. Elle s'apprête à protester, s'arrête net, sur le point de faire la moue quand les doigts de Rose viennent se poser sur sa joue, massant en douceur, ce qui a le don de la faire sourire un peu plus. Un contact agréable qui s'arrête bien trop vite à son goût. Elle en aurait voulu plus. Elle en veut toujours plus de toute façon. Elle se console avec les paroles de Rose, elle n'a pas grand-chose à faire pour en profiter un peu plus. Ça ne l'empêche pas de faire la moue pour autant, son arme favorite dont elle use et abuse pour faire culpabiliser son entourage. Si elle était en passe de devenir la princesse du bar grâce à Rose, elle était déjà reine des yeux de chien battu. "Je suis toujours sage" répond-elle en mimiquant les paroles de Rose un peu plus tôt. Elle n'avait pas l'impression de mentir en disant cela. Après tout, qu'est-ce que ça voulait dire d'être sage ? Pour un enfant, bien souvent cela signifie obéir à ses parents, se plier aux règles et faire ce que l'on attend de nous. Pour un adulte, obéir aux règles mises en place par la société, principalement, ne pas faire du mal à ceux qui nous entourent et respecter son prochain, peut-être ? Elle n'était pas un ange, elle avait ses vices et ses défauts, mais elle avait tout de même de bien convenir à la définition d'être sage, même si c'était sans doute un peu subjectif. Elle a cependant le temps de faire ses preuves. Pour l'heure, Rose semble lui proposer un nouveau jeu qui pique tout de suite son intérêt. Même si être serveuse n'est clairement pas une vocation pour elle, elle a appris à apprécier ce qu'elle faisait et prenait un certain plaisir à élaborer des boissons en tout genre. Elle avait une préférence pour les shots, parce que c'était ce qu'elle consommait le plus quand elle sortait, mais elle aimait expérimenter avec les cocktails aussi, ce qui lui donna une idée pour pimenter un peu le jeu. "Comme tu vas probablement pas en boire qu'un, j'ai une meilleure idée. Dans toutes les boissons que je te servirai, il n'y aura pas deux fois le même ingrédient, sauf un, qui sera dans chacun des cocktails. Si tu trouves lequel c'est, t'auras le droit à un bisou sur la joue. Si tu ne trouves pas, tu me feras deux bisous." Elle surenchérit, parce qu'un, ce n'est clairement pas assez et en plus, c'est un chiffre impair.
Après s'être vue en princesse avec sa couronne, c'est en camisole de force qu'elle se voit. Un rôle qu'elle n'aurait jamais imaginé, un rôle qui, il y a encore une dizaine de minutes, lui aurait paru totalement absurde. A cet instant, en revanche, quand Rose le mentionne, elle s'y voit très bien. Elle se placerait derrière elle, pousserait ses cheveux roses sur le côté, dégageant son cou avant de passer ses bras autour de son corps. Une main venant se poser sur son ventre, alors qu'elle la serrerait tout contre elle, déposant de temps autres des baisers le long de son cou ou sur son épaule. Elle secoue la tête. Comme pour chasser ces pensées qui n'avaient pas leur place ici. "Je pense que je ferai des merveilles dans ce rôle." Répond-elle. Ça pourrait même faire partie de ce test pratique que Rose devait lui faire passer. Un bon moyen de vérifier leur compatibilité. Voir si elles étaient en symbiose, si elles se complétaient ou si vraiment, ça ne collait pas. La pratique était importante, il était question de mariage après tout et pour Itziar il était impossible de s'enfermer dans une relation qui ne fonctionnerait pas sur le plan physique. Elle était un être de désirs et d'envies qui ne pouvait se contenter d'une relation platonique. "288 Orchid Street à Redcliffe." Répète-t-elle, comme pour se faire une note mentale. Il n'y avait pas de doute qu'une fois retournée derrière le bar, elle noterait l'adresse dans son téléphone pour ne pas l'oublier et pouvoir se rendre à son test qu'elle comptait bien honorer. "C'est ouvert sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre ou il y a des horaires particuliers ?" demande-t-elle ensuite comme s'il s'agissait d'un réel centre d'examen et non pas de l'adresse de la jeune australienne. Elle se prête au jeu, va même jusqu'à créer un bon pour son propre test à elle, qu'elle tend à Rose avant de lui rendre ses affaires et se lever avec un manque de motivation qu'elle ne croyait même pas possible. Elle s'apprête à tourner les talons, ayant ramassé son verre sur la table quand Rose l'attrape par le poignet. Son numéro de téléphone. Elle n'y avait pas pensé. Quand Rose lui glisse son stylo entre les doigts, Itziar en profite pour effleurer les siens, un peu plus longtemps que si c'était un hasard avant de noter le numéro de téléphone sur le bout de papier. "Voilà pour le numéro. Pense à mettre un emoji couronne à côté de mon nom ou alors, la petite nana blonde avec la couronne sur la tête." Déclare-t-elle avec un clin d'œil. "Pour le cocktail, ça arrive tout de suite, ma reine." Lance-t-elle en riant avant de s'éloigner.
Elle se remet au travail sans trop attendre, commençant par le cocktail de Rose, le premier de la soirée, qu'elle va lui servir juste avant que Jenna fasse son apparition. Elle est d'humeur massacrante, ce qui est monnaie courante avec elle, abonnée aux disputes avec son mec qu'elle menace de quitter tous les quatre matins, demandant des conseils qu'elle ne suit jamais. Le sourire, elle ne l'arbore qu'en se forçant et Itziar sait tout de suite que la soirée va être longue. Heureusement, pour prendre son mal en patience, elle a la perspective de retrouver Rose un peu plus tard et ça rend les choses bien plus agréables. Elle navigue entre les tables, son plateau à la main, pour servir et débarrasser. Quand elle passe à côté de Rose, elle ne peut s'empêcher de jeter un regard dans sa direction. La jeune femme dessine, mais ne lui laisse pas l'occasion de ne serait-ce voir qu'un trait de ce qui se cache sur sa feuille blanche. Tant pis. Quand il y a une accalmie, elle se pose derrière le bar avec Jenna, l'australienne l'assommant avec ses histoires, elle s'évade, dans sa propre tête. Repense à son interaction avec Rose, se laisse un peu emporter aussi. Quand elle est ramenée à la réalité par un client au bar, elle boit un verre d'eau glacée, comme pour calmer ses ardeurs. Quand vient l'heure tant attendue de sa pause, c'est presque la délivrance. "Je peux prendre ma pause en premier ?" demande-t-elle tout de même à Jenna qui acquiesce d'un signe de tête. Il ne lui en faut pas plus pour chercher Rose du regard, espérant capter son attention. Ca semble réciproque puisqu'il ne lui faut pas longtemps pour croiser le regard de l'australienne qui lui offre un large sourire qu'Itziar lui offre en retour, y ajoutant un signe de tête, lui indiquant qu'elle sortait à l'extérieur. Elle l'attendait. Ca allait de soi. Elle avait attrapé sa cigarette électronique dans son sac, l'un de ces vices dont elle avait un peu de mal à se détacher. Arrêter de fumer avait été sa résolution de 2020, qu'elle n'avait accompli qu'à moitié, sans pour autant jeter l'éponge. Elle avait fait le plus dur. Elle est appuyée contre le mur, tirant sur sa cigarette quand elle voit Rose apparaitre. "Alors ces cocktails ? T'as trouvé quel était l'ingrédient présent dans tous ?" Qu'elle demande, sourire aux lèvres, se demandant si Rose avait réussi à trouver "Attention, tu as le droit à une seule et unique réponse. Si t'es pas sûre, tu peux prendre le joker et je te donnerai un indice, mais il y a un prix à payer." Ajoute-t-elle fière d'elle. Ça se lisait sur son visage qu'elle s'amusait. Encore plus qu'une enfant. Elle avait bien pris soin de ne pas lui servir les mêmes jus, ne pas mettre deux fois le même sirop ou la même boisson gazeuse. L'ingrédient qui revenait toujours, le dénominateur commun n'était autre que le gingembre. Qu'elle lui avait servi sous plusieurs formes, en petite quantité, parfois à peine détectable pour que ce ne soit pas trop facile. Le choix du gingembre n'était pas anodin, elle lui avait servi ses propres filtres d'amour, discrètement, se demandant si elle l'avait remarqué. Une part d'elle espérait qu'elle trouve la réponse tout de suite. L'autre espérait qu'elle doute, histoire de pouvoir faire durer ce petit jeu un peu plus longtemps. "Alors ? Ta réponse ou le joker ?" Lui demande-t-elle, venant aspirer une bouffée de sa cigarette électronique.