14 janvier.

On ne s’est pas vu depuis qu’elle a quitté mon appartement. Les vêtements égarés récupérés, un mal de tête en plus et un cœur un peu plus brisé. C’est comme ça qu’elle est repartie et moi je n’en suis sorti qu’un peu plus seul. J’essaie de me dire que c’était la bonne chose à faire. On ne fonctionne pas et on n’a jamais fonctionné. La nuit qu’on a passé ensemble début janvier n’était qu’un moment d’égarement, un écho du passé dans une nuit bien trop alcoolisée pour elle. Elle voulait prétendre que tout allait bien et j’ai marché dans ses pas. On aura joué un rôle le temps d’une nuit, de ceux qui peuvent encore s’aimer, de ce couple qui aurait pu être mais qui ne doit plus être. Je ne lui ai pas renvoyé de message depuis. On n’a pas parlé, j’ai fait de mon mieux pour garder mes distances pourtant aujourd’hui elle m’a donné rendez-vous le long du South Bank Parklands. C’est le début de soirée, il fait un peu moins chaud ce soir, le soleil ayant enfin terminé sa course.

Peut-être que j’aurais dû dire que j’étais occupé. Peut-être qu’on ne devrait pas se voir. Parfois je me dis que ça serait plus facile de couper les ponts, de ne plus se parler et de ne plus se voir,  de n’exister qu’au passé. Mais on a promis d’essayer d’être amis. Alors je lui ai dit que j’étais d’accord pour la voir.  C’est son anniversaire demain et je n’aurais sans doute pas d’autres occasions de la voir. Ses amis me détestent à juste titre, ce n’est pas moi qu’elle inviterait à une petite fête d’anniversaire, pas cette année du moins. Je n’ai rien dit cependant, me disant que peut être qu’elle va penser que j’ai oublié. Je marche le long de la rive jusqu’au point de rendez-vous non loin de l’entrée de la fête foraine. Je sais déjà que je vais lui proposer d’aller faire un tour. Je la vois assise sur le banc on où ne s’est donné rendez-vous. « Coucou. » Je lui souris, d’un sourire un peu gêné malgré moi, ne sachant pas trop sur quel pied danser. C’est une nouvelle année et un nouveau départ. Je m’assois à côté d’elle. « Tu vas bien ? » J’ai l’impression qu’on doit de nouveau repartir de zéro et tenter de se réapprivoiser.

Je m’en veux, depuis des jours. Jamais je n’aurais dû boire, et jamais je n’aurais dû envoyer ces messages à Pete. J’ai tout gâché, et c’est devenu encore plus compliqué que ça ne l’était avant. Parce que, oui, c’est possible. Mon coeur s’est brisé une nouvelle fois, parce qu’il était d’accord pour qu’on arrête définitivement d’essayer d’être un couple. On ne peut plus faire ça, mais le fait qu’il soit d’accord pour ne plus jamais espérer m’a rendu bien plus triste que je n’aurais pu l’imaginer.

Demain, c’est mon anniversaire, et ça n’a aucune importance à mes yeux. Je n’ai pas la tête à faire la fête, je veux seulement aller mieux et je ne sais même pas comment m’y prendre. Seule Hannah est au courant de tout ce qui se passe dans ma vie, et elle n’était pas ravie à l’idée que je sois encore au bout du rouleau à cause de mes histoires avec Pete. Mais cette fois, lui n’a rien fait. Tout est entièrement de ma faute et je me déteste pour ça.

J’ai besoin de parler à Pete, j’ai besoin de lui expliquer, et de repartir sur de bonnes bases pour devenir son amie. Je suis prête à passer à autre chose, tout ça n’était qu’une erreur, un instant de nostalgie, et il faut que je fasse ma vie de mon côté, sans prendre en compte sa possible tristesse. « Coucou. » Je suis sur le banc, je lui ai donné rendez-vous et je suis heureuse qu’il ait répondu par la positive. “Merci d’être venu.” Je souris timidement, comment on est censés s’y prendre ? « Tu vas bien ? » Il connait la réponse, je tourne la tête vers lui. “Aucun de nous deux ne va bien.” Je soupire, parce que c’est la stricte vérité, même si on veut tous les deux l’éviter au maximum. On va mal, et je ne sais pas lequel des deux voudra en parler en premier.

Je ne sais pas si c’était une bonne idée qu’on se voit.  J’ai l’impression qu’à chaque fois qu’on se voit, tout finit toujours mal. Peut-être qu’on aurait dû rester éloigner. Peut-être qu’on n’est même pas capable d’être amis. Ce mois-ci pourtant j’ai besoin d’elle, je me sens petit à petit couler et elle me donne l’impression d’être à la seule personne à qui je peux me raccrocher, la seule lumière qui brille encore.

« Merci d’être venu. » J’hôche la tête. « Il y a pas de quoi, c’est normal. » Ma voix est trop mécanique, mal à l’aise je ne sais plus comment agir avec elle. Je lui demande si elle va bien. Question banale. Je ne savais pas quoi dire, je ne sais pas comment on peut reprendre des relations normales après tout ça. « Aucun de nous deux ne va bien. » Mes yeux bleus rencontrent les siens, y restent un long moment, parce que parfois j’ai l’impression qu’elle est la seule à le voir réellement, à quel point je ne vais pas bien. La seule qui arrive à discerner derrière les sourires qui sonnent faux. Mais même elle au fond, ne réalise sans doute pas à quel point. Je ne dis rien pour la contredire quand avec beaucoup d’autres j’aurais sans doute prétendu le contraire. On a dit plus de mensonge et je n’ai pas le cœur de prétendre.  Je me force un sourire à étirer le coin de mes lèvres. Il apparait un instant, trop faible. « Et est ce-que ça va mieux ? »  Est-ce que ça va mieux depuis la dernière fois ? Comment ça pourrait aller mieux quand j’ai l’impression que ce mois-ci on aura fait un pas en avant pour trois en arrière ?  « Bah quoi c’est pas exactement la même question non ? » Je tente l’humour parce que je suis gêné, parce que mes mains sont incapables de rester en place, parce qu’elles se tordent l’une dans l’autre. « Désolé. » Je grimace. « Je sais pas comment on est censé agir l’un avec l’autre. » Je murmure, mon regard se posant sur la rive plutôt que sur elle.

Oh que cette rencontre est différente, et vraiment gênante. Je ne sais pas comment on est censés se comporter l’un avec l’autre. J’ai terriblement envie de le prendre dans mes bras pour me rassurer et aller un peu mieux. Mais on ne peut pas faire ça, on ne peut plus. Alors je regarde dans le vide quelques minutes, jusqu’à ce qu’il s’assoit à côté de moi. « Il y a pas de quoi, c’est normal. » Je hausse les épaules, tout ça paraît très cérémonieux. Mon sourire n’apparaît pas cette fois, je soupire et je me tourne légèrement vers lui quand il me demande si je vais bien. Je suis honnête, rien ne va, et je sais que lui aussi il se sent mal. Il n’a pas voulu m’en parler et je n’en ai pas parlé non plus. C’est trop compliqué, parce que je sais que c’est en partie toute cette relation qui nous met dans cet état.

« Et est ce-que ça va mieux ? » La question est posée d’une autre manière et il m’arrache un sourire. « Bah quoi c’est pas exactement la même question non ? » Je lève les yeux au ciel à mon tour. « Désolé. » Je le regarde alors que ses yeux à lui tournent vers l’eau. “C’est toi qui commence à t’excuser sans aucune raison.” Je souris, je vais lui répondre, je le sais. J’ai juste besoin de quelques minutes pour moi. « Je sais pas comment on est censé agir l’un avec l’autre. » “On a le temps d’apprendre. Ca presse pas. Ca risque d’être difficile mais on finira par y arriver.” Je suis optimiste, comme toujours, et surtout, je ne veux pas le perdre. Je ne veux pas qu’il disparaisse de ma vie alors je serai prête à faire tous les efforts possibles. “J’ai l’impression que rien tourne rond. A part le boulot tout part n’importe comment.”

J’ai l’impression d’être dans une mauvaise cérémonie. Le genre où tout le monde est un peu trop mal à l’aise et ne sait pas comment se comporter ou comment être habillé ou comment parler.  Alors que c’est Molly et moi, ça ne devrait jamais être comme ça, on avait passé bien trop de moments ensemble pour cela. On est assis l’un à côté de l’autre et pourtant j’ai l’impression qu’on est deux inconnus aujourd’hui qui ne savent plus vraiment comment se parler.  Je tente l’humour à défaut d’autres solutions, j’aimerais réussir à la faire sourire et ça marche un peu, bien qu’elle lève les yeux au ciel. On prend ce qu’on peut.    “C’est toi qui commence à t’excuser sans aucune raison.” Un rire silencieux secoue mes épaules, elle n’a pas tord.  Je ne la regarde pas pourtant, observant la rive en face de moi tentant d’expliquer que je ne sais finalement plus trop comment agir. ““On a le temps d’apprendre. Ca presse pas. Ca risque d’être difficile mais on finira par y arriver.” J’hôche la tête, elle est optimiste n’abandonnant jamais comme toujours et lui souris le temps d 'un instant., mon regard croisant le sien.

“J’ai l’impression que rien tourne rond. A part le boulot tout part n’importe comment.” Elle semble enfin prête à parler de tout ce qui ne va pas. J’aurais aimé que ma main se glisse dans la sienne. Au lieu de ça je me tourne un peu plus vers elle, le regard doux. “Comment ça ?” je l’incite à parler, elle en a besoin. Peut être que j’en ai besoin aussi au fond. J’ai besoin de m’ouvrir mais je n’ai jamais su comment faire même avec elle, les mots restant toujours coincés dans ma gorge. Mais je veux être là pour elle, à partir de maintenant. Je veux qu’elle parle de pourquoi tout va si mal, mettre des mots sur la douleur qu’elle ressent et je doute peu finalement d’être la cause principale de son cœur brisé.

Il ne parle pas beaucoup et ça m’angoisse. Je ne sais pas quoi faire, mais je déteste les silences qui sont bien trop pesants à mon goût. Ca n’a jamais été comme ça entre nous, et ça me serre le coeur dans un premier temps. Je pince les lèvres, et ma positivité revient doucement. On peut y arriver, on va y arriver. On va devenir amis et passer à autre chose, je sais qu’on en est capable. Je ne veux pas l’abandonner et il ne veut pas le faire non plus. Et je suis capable de faire tous les efforts possibles pour que tout se passe bien entre nous, pour qu’on ne soit pas obligés de disparaître pour que l’autre soit plus heureux. Ce n’est pas de ça dont j’ai envie. J’ai besoin de sa présence, j’ai besoin de le garder près de moi, et, tout à coup, j’ai l’impression d’être égoïste. Est ce qu’il serait mieux pour lui qu’on s’éloigne pour de bon et qu’on ne se donne pas de nouvelles avant des mois, voir des années.

Je me demande si lui aussi y croit vraiment. Je suis capable d’y croire pour deux s’il a encore besoin de temps. “Comment ça ?” Je lui explique que rien ne va pour moi, que tout est trop compliqué et que ma vie s’effondre. “Allie est partie, j’ai plus de nouvelles de Jack depuis des semaines, j’ai pas rappelé mes parents depuis des mois, ma mère est une toxico qui ne veut même pas entendre parler de moi, j’ai divorcé… Et cette fois, j’ai du mal à trouver le positif dans tout ce qu’il m’arrive.” Je baisse les yeux sur mes doigts avec lesquels je joue un peu. Je me sens mal, et je déteste ça. Je ne suis pas celle qui se plaint en temps normal. Je suis celle qui sourit, et qui remonte le moral. Qui rappelle que la vie est belle et que tout est trop beau et trop important pour déprimer. J’ai voulu tout enterrer sous le tapis depuis l’annonce de mon adoption, j’ai voulu faire croire que tout allait bien et que je gérais, alors qu’en vérité, je ne gère rien du tout.

Le silence est pesant. Inhabituel pour nous. On n’arrive pas à vraiment à en sortir. Je ne sais pas quoi faire pour le briser. J’ai l’impression qu’on n’arrivera jamais à être amis, à dépasser ce stade où tout me semble étrange, où on se retient d’avoir des gestes tactiles l’un envers l’autre et où on ne sait plus vraiment de quoi parler. Il faut qu’on apprenne à être honnête l’un envers l’autre et c’est elle qui commence, me disant à quel point rien ne tourne rond dans sa vie actuellement et mon cœur se serre parce que j’ai l’impression d’être dans le même cas. Cela fait des semaines qu’elle ne va pas bien et des semaines qu’elle ne m’en parle pas malgré mes tentatives pour lui demander comment elle se sent. Je pensais que j’avais plus le droit d’avoir ce côté-là de sa vie. Finalement cette fois elle semble prête. “Allie est partie, j’ai plus de nouvelles de Jack depuis des semaines, j’ai pas rappelé mes parents depuis des mois, ma mère est une toxico qui ne veut même pas entendre parler de moi, j’ai divorcé… Et cette fois, j’ai du mal à trouver le positif dans tout ce qu’il m’arrive.”

Elle ne se plaint jamais, elle a toujours le sourire et sur ce point parfois je me dis qu’on est si similaires, à ne pas vouloir parler de tout ce qui ne va pas pour ne pas embêter les autres avec nos problèmes. J’hésite, ma main approchant la sienne, je ne sais plus si j’ai vraiment le droit mais décide finalement que tant pis on en a besoin tous les deux. Mais doigts s’entrelacent aux siens. « Je savais pas..qu’il se passait tout ça. » Tout ça en plus de moi qui ait brisé son cœur en morceaux, qui ait joué avec ses sentiments encore. « Tu sais Molly, parfois il y a pas besoin de trouver le positif…Parfois rien ne va. Tu as le droit d’être triste et tu as le droit de ne pas aller bien. » Je lui dis doucement, mon regard se plongeant dans le sien. Je devrais suivre mes propres conseils alors pour elle je me force pour la première fois à être un peu plus honnête. « Tu sais je passe ma vie à prétendre que tout va bien…et..je suis pas sûr que ça aide qui que ce soit… » Ca ne m’aide pas moi, ça n’aide pas mes amis qui pourraient peut-être m’aider, ça n’aide pas ma famille. Non tout le monde est aveugle parce que je leur ai offert les œillères pour qu’ils ne voient rien.

Je parle enfin à coeur ouvert. Je ne sais pas si tout ça me fait du bien ou si ça empire la situation. La seule chose que je sais, c’est qu’il m’écoute vraiment, et qu’il ne me jugera en rien le jeune homme. Je regarde dans le vide et je ne sais pas quoi faire tant j’ai l’impression que je ne peux pas trouver de lumière dans tout ce qui m’arrive. « Je savais pas..qu’il se passait tout ça. » Je sais, je ne lui en ai pas parlé. Seule Hannah est un peu au courant de tout ce qui se passe dans ma vie. Sa main se glisse dans la mienne et c’est rassurant. Ca me montre pendant quelques secondes qu’il est là et qu’il ne me laisse pas. Les amis peuvent se tenir la main pas vrai ? Je resserre un peu l’étreinte et je respire mieux. Cette fois, je n’ai pas envie de relativiser.

« Tu sais Molly, parfois il y a pas besoin de trouver le positif…Parfois rien ne va. Tu as le droit d’être triste et tu as le droit de ne pas aller bien. » Je souris un peu. “J’aime pas ça.” J’aime pas être celle qui boit pour oublier, celle qui pleure dès qu’elle se sent seule. Je ne suis pas comme ça, et, depuis quelques mois, j’ai l’impression de ne plus me retrouver. « Tu sais je passe ma vie à prétendre que tout va bien…et..je suis pas sûr que ça aide qui que ce soit… » “T’as pas besoin de prétendre quoi que ce soit avec moi.” Et il est peut-être là le premier renouveau. On parle, vraiment. On ne ment pas et on se dit tout. “T’as besoin de parler ?” Parce que, s’il est là pour moi, je suis là pour lui. Je garde sa main dans la mienne, et je le regarde à mon tour, je veux que lui aussi tente d’aller mieux.

On essaye de se parler enfin, d’arrêter de prétendre que tout va bien quand tout va mal. On essaye de devenir ce qu’on aurait dû être dès le départ, des amis avant d’être quoique ce soit d’autre. Molly ne va pas bien mais pas seulement à cause de moi. Tout va mal dans sa vie et depuis des semaines et elle essaye tant bien que mal de tout assumer toute seule.

« J’aime pas ça. » Je souris tristement. Évidement qu’elle n’aime pas ça, elle qui est habituée à ce qu’on la voit toujours heureuse et souriante, elle qui préfère s’inquiéter pour les autres plutôt qu’on s’inquiètes pour elle. « Je sais mais parfois…parfois c’est le seul moyen que ça finisse par aller mieux. » Je lui dis d’une voix tendre en serrant ses doigts entre les miens. Je ne sais pas si je suis le mieux placé pour parler quand je n’ai jamais su dire tout ce qui n’allait pas. Je lui fais pourtant par de mon expérience avec ça, admettant bien malgré moi que je n’étais pas sûr que ça m’ait aidé ou que ça ait aidé quelqu’un de mes proches. “T’as pas besoin de prétendre quoi que ce soit avec moi.” J’hoche la tête. « Je sais.. » Mais pourtant je n’ai jamais su lui parler, comme je n’ai jamais su parler à qui que ce soit. “T’as besoin de parler ?” J’hausse les épaules sans la regarder, serrant ses doigts dans les miens. J’ai envie de lui dire oui, mais que je ne sais pas comment. « Je sais pas… » Je ne sais pas comment surtout. Je ne sais pas si j’ai le courage d’ouvrir mon cœur. « J’ai l’impression que je n’arriverai jamais à être vraiment heureux. » J’avoue sans la regarder. Peut-être que je devrais lui dire que si je bois autant c’est que j’ai envie de tout effacer. « Mais ça ira mieux. » Je l’espère sincèrement. « On ira mieux. » Je rectifie, parce que j’ai envie qu’elle retrouve son sourire. « Je sais que tu n’aimes pas ça, mais Molly tu n’as pas à porter tout toute seule, tu as le droit d’être malheureuse, tu n’auras jamais à t’excuser pour tout ce que tu ressens. »

Je le regarde, et je ne sais pas comment je me sens. Pour la première fois, j’ai l’impression qu’on est sur la bonne voie, et qu’on pourrait réellement être de bons amis. C’est ce qu’il nous faut, et, plus les jours passent, plus j’ai l’impression de réussir à passer à autre chose. Je pense à de nouveaux horizons pour notre relation, et pendant une seconde je ne pense plus à tout ce qui ne va pas. « Je sais mais parfois…parfois c’est le seul moyen que ça finisse par aller mieux. » Il essaie de m’aider, et je ne regrette pas de lui avoir parlé de tout ça. Même si je trouve ça étrange, je n’ai pas envie de faire comme si tout allait pour le mieux ce soir. “T’as peut-être raison.” Je regarde le sol pendant un moment avant de me concentrer à nouveau sur Pete.

Il va mal lui aussi, et j’aimerais qu’il s’ouvre comme je l’ai fait. « Je sais.. » Il n’a pas à se cacher avec moi, pas à mentir. On a promis qu’il n’y aurait plus aucun mensonge entre nous et c’est nécessaire. Il y en a bien trop eu pendant des années, et ça n’a été bon pour personne. Si on veut repartir sur de bonne base, il faut qu’on fasse les efforts nécessaires pour changer et évoluer. On est sur le bon chemin. « Je sais pas… » Je tiens sa main, prête à l’écouter parler s’il se sent prêt. « J’ai l’impression que je n’arriverai jamais à être vraiment heureux. » “Dis pas ça.” Il faut que je sois optimiste pour lui, parce qu’il mérite d’être heureux autant que n’importe qui de bon sur cette planète. « On ira mieux. » Je souris à peine. “Il faut y croire.” J’aime beaucoup cette idée, qu’on aille mieux ensemble, et qu’on s’entraide. « Je sais que tu n’aimes pas ça, mais Molly tu n’as pas à porter tout toute seule, tu as le droit d’être malheureuse, tu n’auras jamais à t’excuser pour tout ce que tu ressens. » “J’ai jamais vraiment eu l’habitude d’être malheureuse, en temps normal, je vois toujours le bon côté quelque part, je me reconnais pas ces derniers temps.”

“T’as peut-être raison.” J’aimerais être capable de suivre mes propres conseils, parler avec plus de facilité. Je réalise que je me suis rarement ouvert à Molly, préférant fuir toujours. C’est la première fois que j’essaye réellement d’exprimer ce qui ne va pas.


« Dis pas ça. » Je tente de lui sourire, de la manière aussi sincère que je peux. Si bien que le sourire est un peu faible, à peine visible,  un écho plus qu’autre chose.  J’aimerais avoir son optimisme, mais je suis plutôt du genre à mettre la tête sous terre et à prétendre que mes problèmes ne sont pas là. La tête sous terre se transforme vite en tête dans mon verre.  On ira mieux et si je le répète assez de fois sans doute cela deviendra vrai. « Il faut y croire. » Au fond moi aussi j’ai envie d’y croire, qu’on aille mieux ensemble plutôt que de se pousser vers le bas, ou plutôt que je la pousse vers le bas.  J’ai envie qu’elle s’autorise à ne pas aller bien, elle qui fait toujours bonne figure pour les autres, qui souhaite toujours être heureuse. “J’ai jamais vraiment eu l’habitude d’être malheureuse, en temps normal, je vois toujours le bon côté quelque part, je me reconnais pas ces derniers temps.” « C’est pour ça que tu as bu la dernière fois ? » Ce n’était pas habituel pour elle, je savais qu’à cette soirée, pour être dans cet état c’est que ça n’allait vraiment pas.

On entend la musique au loin de la fête foraine et je jette un coup d’œil vers les attractions avant de me tourner vers elle. « Peut-être que tu as besoin de te changer un peu plus les idées, de ne pas trop y penser ? Ca te dirait qu’on aille faire un tour à la fête foraine après ? » Je lui demande un peu hésitant. « Je t’offrirai une barbe à papa. » Je lui fais un clin d’œil, essayant de la soudoyer avec du sucre comme toujours.

Je parle, et on reste tous les deux assis sur ce banc, main dans la main. Il fait toujours aussi bon, même si on ne voit plus le soleil depuis quelque temps. Mon regard fait des allers-retour entre l’eau et le visage de Pete. « C’est pour ça que tu as bu la dernière fois ? » “Je crois bien que oui. C’était pas une bonne idée de boire.” Parce que c’est à cause d’elle que tout est redevenu aussi compliqué. Et c’est en grande partie parce qu’elle avait bu.

Elle essaie de lui parler, et de le faire parler de ce qui ne va pas. Mais il ne semble pas prêt, même si on a l’air d’être sur la bonne voie. Je lui laisse tout le temps dont il a besoin, je sais que c’est aussi important pour lui que pour moi. Je me sens mieux de lui en avoir parlé. « Peut-être que tu as besoin de te changer un peu plus les idées, de ne pas trop y penser ? Ca te dirait qu’on aille faire un tour à la fête foraine après ? » Je regarde autour de nous, bien sûr que j’avais vu la fête foraine, mais je n’avais pas osé déjà lui proposer l’idée. “Je pense que se changer les idées ça vaut pour nous deux.” Je souris, je n’ai toujours pas lâché sa main. J’ai envie de m’amuser d’une manière différente de ce dont on a l’habitude. Et quoi de mieux que la fête foraine pour ça ? « Je t’offrirai une barbe à papa. » A ça je souris encore un peu plus. “Tu sais que je peux pas dire non à une barbe à papa !” Je hoche les épaules et me lève. “Allez viens on y va.” J’adore ce genre d’ambiance, c’est festif, c’est joyeux, c’est amusant, et c’est tout ce dont on a besoin ce soir.

“Je crois bien que oui. C’était pas une bonne idée de boire.” Elle avait bu et on avait fini dans le même lit encore une fois. Elle avait de nouveau craqué et j’aurais du dire non, j’aurais dû comprendre que cela n’allait en rien arranger les choses. Mais je m’étais senti seul et incapable de supporter la tristesse dans ses yeux, elle me manquait bien tôt pour que je sois capable de dire non.  Mais je savais que j’aurais dû être le plus raisonnable des deux. "C'est pas grave...Te culpabilise pas avec ça."

J’aimerais être capable de m’ouvrir en cet instant et de lui parler de tout ce qui ne va pas, essayer de mettre des mots sur pourquoi je bois autant, sur les raisons de mon comportement. Mais je n’y arrive pas vraiment, arrivant seulement à admettre que je ne suis pas heureux sans être capable de vraiment l’expliquer.  Je lui propose ensuite de venir à la fête foraine. “Je pense que se changer les idées ça vaut pour nous deux.” Je ris doucement. Elle n’a pas tort et je lui promets une barbe à papa. « Tu sais que je peux pas dire non à une barbe à papa ! Allez viens on y va. » Mon sourire s’élargit et on se lève du banc. Nos mains se séparent, parce qu’elles ne pourront plus vraiment se joindre comme avant. Plus comme ça. Cela manque un moment de gêne où je n’ose pas trop croiser son regard, mais finalement je me force à sourire. « Allez !! » On prend la direction de la fête foraine où se mêlent couples et familles et où tout semble normal. « Tu veux faire quoi en premier ? On fait un manège d’abord ? Oh on pourrait faire le manège qui va dans l’eau là je l’ai pas essayé encore ! Celui qui fait splaaash ! » Ca y est, mon sourire se fait de plus en plus large et mes yeux pétillent. « On mange la barbe à papa avant ou après ? »  Je veux simplement qu’on passe un bon moment ce soir, qu’on oublie tous ces problèmes et qu’on essaye le temps d’une soirée de profiter de l’été australien. Je veux qu’elle le sourire pour son anniversaire qui commencera dans quelques heures et je me promets de lui offrir une belle soirée ce soir.

Ce moment était étrange, et triste. Je ne pense pas que Pete m’ait déjà vu dans cet état. Je n’ai jamais été triste lorsque j’étais avec lui, j’étais soit énervée, soit heureuse et amoureuse. C’est donc ça qu’il faut qu’on change tous les deux. On est tous les deux sur la bonne voie, je le sens. Ce soir, je ne réfléchis pas à ce que j’ai le droit de faire avec lui ou non. Parce que je le traite comme je traiterais n’importe quel ami. "C'est pas grave...Te culpabilise pas avec ça." Je ne renchéris pas. On ne va pas aborder ce genre de sujet, pas ce soir, parce qu’il sait que je ne regrette pas ce qu’il s’est passé, je regrette l’état dans lequel j’étais ce soir là, parce que ce n’était la bonne solution.

Il propose la fête foraine et j’accepte. J’ai envie de sourire, et j’ai envie de le voir aller bien le temps d’une soirée au moins. « Allez !! » On se lève, et on se lâche la main. Je pince les lèvres mais j’accepte. Nous sommes différents, et il a besoin de distance. Je vais lui laisser tout l’espace dont il a besoin. « Tu veux faire quoi en premier ? On fait un manège d’abord ? Oh on pourrait faire le manège qui va dans l’eau là je l’ai pas essayé encore ! Celui qui fait splaaash ! » Il a l’air heureux, il retrouve son sourire d’enfant et j’en suis au même point. Tout va bien se passer ce soir, c’est le début de la nouveauté. “Je veux faire TOUS les manèges à sensation tu le sais !” Je trépigne d’impatience, j’adore ce genre d’endroit. “Va pour le splash en premier !” On va être trempé, et ça m’importe peu. Tout ce qui m’importe, c’est qu’on s’amuse. « On mange la barbe à papa avant ou après ? » “On mange la barbapapa avant, et on mange des churros après.”

Cela me parait étrange de lâcher sa main, comme si c’était l’avoir dans la mienne qui était le plus naturel. La sensation de vide est désagréable, la gêne qui s’installe aussi. Mais ce n’est plus nous. Il faut qu’on arrête avec ces comportements qui nous rapprochent bien trop du semblant de couple qu’on a été et qu’on ne sera plus. Cependant un sourire réapparaît vite sur mon visage alors qu’on prend la direction de l’entrée de la fête foraine, lui proposant une première attraction. “Je veux faire TOUS les manèges à sensation tu le sais !” je ris parce qu’elle trépigne d’impatience et que je ne suis pas beaucoup mieux. J’ai envie qu’on profite de cette soirée, qu’on ne pense plus à toutes ces choses qui vont mal et qu’on retrouve peut-être un peu le sourire ensemble. “Va pour le splash en premier !” On va pas probablement se retrouver un peu mouillé, voir trempé, mais ça n’a pas de réelle importance. Il fait encore bien chaud ce soir et ça ne peut nous faire que du bien. Le dilemme pourtant est présent. Manger en premier ou l’attraction en premier. “On mange la barbapapa avant, et on mange des churros après.”

A ça je me marre, un vrai rire sincère qui sort de ma gorge. « Pourquoi ça ne m’étonne pas ? » On prend la direction du stand de barbapapa, je refuse qu’elle paie quoique ce soit. « Noon c’est moi qui te l’offre on a dit ! » J’en prends une énorme qu’on puisse partager et je lui tends avant d’arracher un fil rose plein de sucre pour le mettre dans ma bouche. « Hmmm c’est bon ! Si tu devais choisir et ne manger qu’une seule chose pour le reste de ta vie ça serait quoi entre la barbapapa et les churros ? » Je lui demande le regard malicieux. « Ca se passe bien avec ton colocataire ? » Je demande doucement, sans connotation aucune dans ma voix. Je veux faire un effort, m’intéresser à sa vie, même si ça implique d’en savoir plus sur Kieran.