Il ne savait pas tellement où il allait, encore moins pourquoi il se perdait dans les rues sombres de cette douce ville que semblait être Brisbane. Tim, lui, savait que cette vision n'était qu'une illusion: il n'y avait rien de beau ni de doux dans la ville qui l'avait vu grandir. Elle le détruisait à petit feu, lui brisait le coeur encore et encore, avec toujours un peu plus d'acharnement. Le brun savait qu'il était fautif parce qu'il y avait cru, lui, à l'intensité de cette première aventure hors de son cimetière, à toutes les promesses que cette femme lui avait faites. Pour rien. Le néant. Sa vie à l'envers. Il devait remonter vers la surface pourtant car rien n'était terminé, son entourage comptait encore sur lui et sur sa résilience pour retrouver sa superbe d'antan. En avait-il déjà eu une d'ailleurs? Le pauvre Decastel n'aurait su le dire, il se sentait juste perdu et les quelques verres de vodka qu'il avait consommés avant d'entrer dans ce club ne l'aidaient pas tellement à y voir clair. Que faisait-il là exactement? Ah oui, il répondait au défi d'un ami parce qu'on lui avait demandé de sortir de sa zone de confort, de faire quelque chose dont il ne se serait jamais cru capable jusque-là. Un strip-club, on pouvait dire que c'était à cocher dans sa liste, définitivement. Timothy observait autour de lui, sans réellement tout comprendre de ce qu'il voyait: quelques femmes dénudées qui tourbillonnaient autour d'une barre, des remarques plus ou moins salaces de la part du troupeau d'hommes qui observaient le show et d'autres individus esseulés qui attendaient certainement qu'on vienne lui tendre la main. Dans quelle catégorie allait-il se poser? Tim ne se sentait pas tellement à l'aise à l'idée d'observer une femme comme un bout de viande, ce n'était pas tellement dans ses valeurs personnelles alors, à la place, il se dirigea vers le bar, se commanda un nouveau verre, quelque peu angoissé des regards qui se posaient sur lui. Timothy avait clairement l'impression de jurer dans le décor parce que ce n'était pas lui, cela, d'aller chercher du réconfort auprès d'étrangères qui lui montreraient qu'il n'était pas le pire homme du monde. Pourtant, il avait cette sensation qui lui collait à la peau depuis cette nuit où il s'était offert à autrui et qu'on lui avait gentiment fait comprendre qu'il ne valait rien. Etait-il si nul que cela en la matière? Pauvre Tim, toujours à se remettre en question et jamais de la bonne façon. Il entendait des bruits partout autour de lui mais une grande part de son âme avait juste envie d'être au calme, de sentir quelqu'un qui le prendrait dans ses bras et lui dire que tout irait bien. Allait-il vraiment pouvoir trouver une âme de la sorte entre ces murs? Decastel ne pouvait que l'espérer car il ne savait plus tellement quoi faire pour se sentir vivant à l'heure actuelle.
Les lumières sont tamisées, l’ambiance est bruyante, sensuelle et électrique. Comme chaque soir, il y a des barbes, des moustaches, des rasés qui lèvent leur mâchoire pour regarder des filles danser, se dénuder, s’offrir à leurs yeux ouverts et gourmands. Elles sont là pour cela, les jolies poupées aux apparences folles. Chacune différente, chacune avec leur propre fragilité, attrait. Il y a celles qui font sauvages, celles qui font timide, celles qui se contentent de jouer le mystère et d’autres cartes en main pour que chacune puisse combler chacun. Un monde de luxure sans pour autant s’y adonner. On ne touche pas, on regarde. On n’apprivoise pas, on se laisse faire. Les règles de la maison ne sont pas faites pour être respectées de toute façon. Il y a forcément des dos pour se courber et des mains pour se tendre afin de réclamer un dû plus important, avide, souhaité, quémandé. Primrose n’a jamais été connue pour enfreindre les règles mais elle est de celles qui sont désespérées. Elle a une dette à rembourser, elle a été foutu à la rue de chez elle et il n’y a que l’effroi et la volonté de sortir la tête hors de l’eau, ou au moins le bout du nez, qui la pousse à aller plus loin. Toujours plus loin, toujours plus longtemps, encore plus épuisant. Elle tue ses mollets à danser avec des talons aussi grands. Elle décime ses bras à tenir son corps pourtant chétif contre les pôles. Son nez respire plus la poudre que de l’air et elle se voit perdre - perdre la raison, perdre un contrôle qu’elle n’a jamais eu, perdre absolument tout ce qu’elle possède. Elle ne vit pas la grande vie comme elle l’étale sur les réseaux sociaux, mais il faut continuer à donner le change. La petite rose ne vit que pour les apparences, elle ne compte qu’en nombre de likes et d’abonnés et c’est triste, c’est si triste de voir une telle jeune femme se pavaner et se vendre comme la première des salopes pour pouvoir garder des amis virtuels qui ne le sont même pas en premier lieu. Une double vie, une double identité à mener, à vivre, à assumer mais la voilà de nouveau prise à la gorge. Elle dira qu’elle ne l’avait pas vu venir mais le regard réprobateur de Caleb lui fait comprendre à chaque fois que si, elle aurait pu et elle aurait dû. Primrose sait très bien ce que ce train de vie lui coûte - en plus de ses finances, il en va de même pour sa santé. Mais elle préfère fermer les yeux et continuer à perdre la tête en oubliant avec sa poudre, s’endettant sûrement encore plus, pitoyablement. La petite rose n’a pas assez d’estime d’elle-même, jugeant que de toute façon, elle peut faire ce qu’elle veut, elle aura toujours quelque chose pour la pousser aux vices et aux mauvais choix.
Alors ce soir ne fait pas exception à la règle. Primrose se dandine des heures et des heures sur son estrade, faisant languir ces messieurs en s’appliquant à s'effeuiller et à bouger comme elle le fait si bien depuis des années. Elle est douée dans ce qu’elle connaît, elle sait quoi faire pour attiser leur appétit et, surtout, leur faire cracher leurs liasses à son encontre. Elle est une véritable petite poupée avec son visage angulaire et ses traits fins. On pourrait croire qu’elle peut être brisée facilement - et ce n’est pas qu’une sensation. Cependant, alors qu’elle coince son talon sur l’épaule d’un client qui se rapprochait un peu trop et à qui elle sourit tout en tendant la main, il y a une voix un peu plus forte qui lui bourdonne l’oreille. “Hey, toi là, qu’est-ce tu fous là ? T’as pas l’air dans ton élément, avec ta tête de chien battu.” Primrose récupère le billet qu’on lui tend, se redressant vers la voix qui s’en prend visiblement à un jeune homme près du bar. “J’te parle, tu pourrais répondre, espèce de mauviette!” La petite brune passe sa main contre ses narines en reniflant, sa dernière prise remontant à quelques minutes à peine, et lui faisant vaciller le sang dans ses veines. Elle s’excuse auprès de son public, qui crie de désespoir avant qu’une autre fille ne la remplace. “Tu les regardes même pas, t’es une tapette ou quoi?” Primrose s’approche, ses talons claquant au sol d’un pas assuré - vraiment, la cocaïne fait des merveilles - et elle glisse son bras par-dessous celui du jeune homme qui se fait visiblement alpaguer et traiter sans aucune raison. “Il m’attend pour une séance privée le temps que je finisse.” La petite rose devrait envoyer l’autre type chier mais il est un client et comme partout ailleurs, les clients sont rois. Alors elle exhibe son plus adorable des sourires tout en papillonnant des paupières tout en dépliant son bras libre vers la salle. “Je suis sûre qu’une de mes collègues se fera un plaisir de se charger de vous.” Le gars grommelle alors que Primrose entraîne l’inconnu avec elle. “Jouez le jeu sinon, il va vraiment se douter de quelque chose.”
Tim était clairement loin de sa zone de confort en entrant dans ce strip-club, non, il n'était pas à sa place. Il avait beau le savoir, le français avait tout de même envie de tester de nouvelles expériences, de ne pas s'enfermer dans les instants familiers qui ne l'aidaient pas à se défaire de ses angoisses. C'était bien cela le fond du problème: Tim se refusait à la nouveauté car il avait peur de ne pas la supporter mais en agissant ainsi, il refermait peu à peu son cocon... Jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien. Il avait au moins conscience que ce mode de vie n'était pas viable sur le long terme, il le constatait d'autant plus depuis son passage à Kapooka où tout avait été enfer et chaos, autant dans sa tête que dans son corps. Il essayait de reprendre sa respiration depuis ces quelques semaines de formation loin de toute forme de vie pacifique mais Tim devait s'avouer vaincu face à toute la violence que recelait ce monde. Bien entendu, il ne pensait nullement être à l'abri de tout cela en passant les portes de cet endroit: Decastel n'était pas si naïf, il avait pris en compte l'aspect majeur de l'attraction, le vice sous toutes ses formes. Il voyait effectivement des poignées de main qui présageaient des échanges loin d'être légaux, des femmes qui se trémoussaient devant des hommes qui bavaient comme des animaux face à un bout de viande. Tout cela était quelque peu malaisant pour un homme aussi pur et empli de vertus que Tim et pourtant, il ne pouvait pas s'empêcher de se dire qu'il était comme eux tous, que lui aussi avait envie de se libérer du poids de son existence pour pouvoir profiter de moments aussi simples que cela. Qu'une danse avec une parfaite inconnue, que l'exaltation des corps dans un contexte inédit. Il n'était pas meilleur qui quiconque dans cette salle et cela lui fendait un peu plus le coeur, comme si cet organe n'était déjà pas assez abîmé par la violence exacerbée de son existence depuis sa naissance. Il fallait que l'univers tout entier en rajoute, il fallait qu'on le frappe encore et encore et qu'on l'enterre. C'était en tout cas la première pensée que Timothy eut au moment de se faire apostropher par un client qui avait sûrement dû tirer un peu trop sur la bouteille. Les insultes fusèrent, du moins si on considérait qu'elles pouvaient en être puisqu'elles avaient attrait à une orientation sexuelle. Tim n'aimait pas cela et il se retrouvait sans voix, à attendre que l'inconnu vienne le gifler parce qu'il restait là sans rien répondre, quel idiot il était. Seulement, les mots ne sortaient pas de sa caboche et il sentait une boule d'angoisse se faire une place de choix au fond de ses entrailles, Tim se trouvant tétanisé jusqu'au moment où une voix féminine le tira de sa torpeur momentané. Elle passa même son bras sous le sien pour le relever de cette chaise de bar et l'attirait hors du champ d'attaque du grand bonhomme prêt à le matraquer à la moindre opportunité. "Mer... Merci. Je suppose que je vous suis, madame pour... Enfin, la séance privée." Prendre de l'assurance, Tim, voilà ce qu'il fallait faire à cet instant précis vu que l'homme les regardait avec insistance, histoire de voir si ce qu'avait dit la danseuse était la vérité ou juste une vaine tentative pour ne pas avoir à faire des choses avec sa petite personne. Tim préférait ne pas y penser, essayant de suivre les pas de Primrose pour qu'il n'y ait plus aucune oreille qui puisse les entendre. "Pourquoi ne pas l'avoir laissé faire? Et la séance privée, c'est... Quoi?" En soi, ce grand gaillard avait raison, il ne consommait pas ce qu'on lui mettait sous les yeux, non pas par manque d'envie mais parce qu'il était trop timide pour sortir de sa bulle habituelle. Elle allait forcément le prendre pour un idiot, cette jolie petite brune aux grands yeux bleus mais n'était-ce pas devenu la coutume avec Decastel?
Il faut toujours qu’il y ait des cas qui viennent pourrir l’ambiance d’une soirée. Il en suffit parfois d’un seul pour que tout soit foutu par terre, même pendant quelques minutes qui restent de trop longues minutes aux yeux du patron. Normalement, la sécurité est là mais quand cela concerne les clients, ils jugent qu’ils peuvent se débrouiller entre eux. Jusqu’à ce qu’un coup soit porté. Primrose s’est sentie pousser des ailes parce qu’elle n’aime pas la violence. Elle n’aime pas entendre des voix s’élever. Elle a horreur des mots qui ont été prononcés. Si elle avait eu la corpulence, l’audace, le courage de le faire, elle aurait remis l’autre type à sa place. Mais elle n’a pas non plus le privilège d’avoir la main forte. Elle n’est que l’objet, que la chose d’un club, qu’on prend et qu’on déplace. Il est le client. Même s’il est insultant, outrageant, grossier, il reste le client. Mais le jeune homme au bar aussi est un client. Visiblement peu à sa place et encore moins habitué, Primrose se fait office d’ange pour celui qui a l’air dépassé par le lieu, les événements, ces attaques. "Mer... Merci. Je suppose que je vous suis, madame pour... Enfin, la séance privée." Effleurant à peine son visage de ses yeux, Primrose se concentre sur le type qu’ils sont en train de quitter. Il parle en bredouillant, il n’est vraiment assuré et encore moins rassuré, la petite fleur accentuant l’emprise de son bras autour du sien alors qu’elle l’entraine avec elle, loin du bar, loin du type, loin de ses yeux scrutateurs, loin de tout. "Pourquoi ne pas l'avoir laissé faire? Et la séance privée, c'est... Quoi?" Ses talons claquant dans le long couloir des salles, Primrose s’évertue de vérifier si une est disponible pour eux, sans savoir vraiment ce qu’il se passera ensuite. “Une sécurité.” En premier lieu. Parce qu’il a l’air d’en avoir besoin, le jeune homme. Il a l’air doux, d’un autre monde. Les prunelles bleutées de Primrose finissent par s’accrocher à celles du jeune homme et un petit sourire naît sur ses lèvres tout en ouvrant une porte. “Je n’aime pas la violence.” dit-elle simplement avant de le guider à l’intérieur. La lumière est tamisée, les couleurs sont un mélange de bleu et de rouge et de rose, une musique langoureuse sonnant doucement à travers les baffes discrètement installées dans la pièce. Ses doigts s’emmêlent avec ceux de l’inconnu, penchant la tête pour mieux le regarder tout en le guidant vers le canapé. “Tu n’as pas l’air dans ton élément.” Le type avait raison sur ce point. Elle les assoit sur le divan, sa main toujours dans la sienne. “Qu’est-ce que tu fais ici ?” Primrose ne cherche pas à lui soutirer quoique ce soit. Elle sent une fragilité commune ressortir de celui qu’elle vient de sauver, et elle veut véritablement comprendre. Primrose ignore tout de lui et pourtant, il y a quelque chose qui émane de cet individu qui la rend curieuse. Savoir pourquoi il a franchi le seuil d’un club de strip tease alors que ce n’est visiblement pas du tout son lieu de prédilection est une des premières curiosités. S’il cherche la nouveauté, l’adrénaline, dépasser ses peurs, s’affranchir de ses habitudes, autant dire qu’il est tombé au bon endroit.
Tout pouvait arriver à Timothy dans ce genre d'endroits puisqu'il était très loin d'y être à sa place. Les autres clients le savaient fort bien dès qu'ils posaient leur regard sur lui et Decastel essayait de ne pas tenir le leur, ne souhaitant attirer les foudres de personne. Il s'avérait que sa mission était un échec monumental puisqu'un grand bonhomme avait bien failli lui mettre une dérouillée, juste avant qu'une stripteaseuse ne vienne le sauver d'un profond désespoir, et surtout de quelques bleus peu mérités. Cette âme charitable l'entraîna loin du troupeau, d'abord vers un couloir étroit et pauvre en lumière, ce qui permit au jeune français de retrouver une respiration décente. Il avait clairement eu peur, même s'il n'était pas censé l'avouer, surtout pas devant une telle femme, lui qui était le géant des deux, qui revenait de deux mois de formation militaire mais il était un pacifiste né. Apparemment, sa vie se résumait à la violence pourtant, toujours tous ces gens qui venaient lui sauter à la gorge pour l'assassiner. Tim n'en pouvait plus, il ne demandait que quelques minutes de bonheur, des instants où personne ne viendrait le blesser ou lui briser le coeur en plus des côtes. Clairement, le pauvre Decastel était mal en point et il avait ce petit air de chien battu alors que la jeune brune le tenait fermement par le bras, ce qui lui permettait de conserver un contact certain avec la réalité. Il allait mieux, il n'allait pas faire la moindre crise et hochait timidement la tête quand sa comparse lui indiqua qu'elle n'aimait pas la violence, qu'elle cherchait uniquement à le mettre en sécurité en premier lieu. Que pouvait-il faire d'autre que la suivre donc? Tim ne broncha pas le moins du monde alors que le duo passait devant diverses portes où des gens semblaient s'amuser juste derrière, jusqu'à ce que Primrose l'attire dans une salle vide, refermant délicatement la porte derrière eux. Elle le tenait par la main et sans comprendre pourquoi, cela rassurait le grand brun. Un simple contact pouvait tout changer et il s'assit tout doucement sur le sofa à côté de la brune, sans savoir comment il était censé engager la conversation avec une femme comme elle. Enfin, avec une femme tout court, finalement. "C'est ma première fois... Dans un strip-club." Il avait failli s'arrêter au milieu de la phrase et il n'avait pas envie que la jeune femme en arrive à des conclusions précipitées, même si Timothy n'en était clairement pas loin, au final. "J'avais envie de boire un coup et un ami m'a lancé un défi... De faire quelque chose de nouveau, de chercher le contact avec des gens, de ne pas être comme d'habitude et je suis passé devant le bâtiment alors... Je suis juste rentré." Il ne savait pas tellement pourquoi, il se sentait juste seul, Tim relevant un regard timide vers Primrose, les joues rougies par les circonstances. "Je m'appelle Tim et toi, c'est comment?" Les présentations étaient importantes pour lui alors qu'il ne lâchait pas les doigts dans les siens, ce besoin de réconfort restait tenace malgré tout.
Deux êtres qui n’ont rien à faire par ici. Deux étrangers qui se retrouvent coincés dans un lieu insolite, improbable, qui ne coïncide pas avec leurs physiques qui donnent plus l’impression d’être des pantins que l’on amène vers la salle d’abattement. L’une maîtrise cependant l’art et la manière de marcher comme si elle possède les lieux - avec les années qu’elle a au compteur, cela ne serait pas entièrement faux - tandis que son partenaire qu’elle tient par le bras, paraît complètement perdu et dépassé. Il n’a rien à faire, lui susurre sa conscience à la petite brune, qui a virevolté à son secours parce qu’il est différent. Il n’a pas bronché, il avait l’air abattu, apeuré, terrifié. Incompréhensible face à tous ces types qui se disent virils et qui veulent le prouver en jouant aux plus généreux avec les filles. Grand bien leur face. Les esprits qui doivent se recomposer entre les lignes qu’elle a pu prendre tantôt, obscurant une vision plus idyllique qu’elle ne l’est réellement. "C'est ma première fois... Dans un strip-club." Ceci explique cela. Primrose, dans toute son euphorie superficielle, a les lippes qui s’étirent dans un petit sourire amusé. “Je l’aurai pas deviné.” A force de travailler dans un endroit pareil, les yeux finissent par développer un certain talent pour lire les gens sans pour autant leur parler. Ce qu’il commande comme boisson. Comment il s’assoit. Les traits de leur visage. Si le poing est serré ou non. Si la bague est visible ou cachée. Si l’attention est sur les corps qui se trémoussent ou au fond du verre. Des détails, aussi anodins que banals, mais qui révèlent beaucoup. Primrose s’en sert souvent pour savoir vers quel client se diriger. Un instinct de protection, elle jauge et juge de son pôle, de son estrade, en naviguant entre les tables. Le jeune homme à côté d’elle est joli garçon mais il donnerait l’impression de se décomposer sur place si jamais on vient lui hurler dans les oreilles une nouvelle fois. Est-ce qu’il a peur de se faire éjecter ? Primrose ne laisserait jamais une telle chose se produire. Il est son client, à présent, il est en sécurité.
"J'avais envie de boire un coup et un ami m'a lancé un défi... De faire quelque chose de nouveau, de chercher le contact avec des gens, de ne pas être comme d'habitude et je suis passé devant le bâtiment alors... Je suis juste rentré." Il lève ses jolies prunelles claires vers elle, dont elle décèle leur couleur malgré la lumière tamisée et colorée chaudement pour l’ambiance. Il n’est pas rare que des amis forcent leur pairs à venir dans le club. Cependant, elle ne peut que remarquer un détail. “Et il est où, ledit ami ? En général, les amis accompagnent.” Parce que c’est plus drôle de se moquer de la première fois d’untel à plusieurs. Primrose a déjà eu affaire avec des bandes de garçons - ce qui n’est pas si terrible que cela parce qu’en général, ils ne sont là que pour l’ambiance, ils sont ivres et majoritairement assez stupides. De vrais groupes de mecs qui réagissent en gamins ensemble. Alors que l’adorable en face d’elle soit tout seul alors que c’est un pari est quelque chose d’assez inédit jusqu’à présent. "Je m'appelle Tim et toi, c'est comment?" “Poppy.” Il n’y a pas une once d’hésitation. Un alias qui est une seconde nature chez elle quand elle franchit le seuil. Ses prunelles céruléennes le scrutent un peu plus et ses phalanges se libèrent de l’emprise du dénommé Tim pour passer un doigt sur le front de ce dernier. “Alors Tim, qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? Une danse, un jeu de rôle, un striptease ?” La sensation qu’il risque de rester coi devant de telles propositions, Primrose sent son visage s’illuminer alors qu’elle rajoute “Ou parler. C’est aussi faisable.”
Serait-il à l'aise au sein de ce monde un jour? Tim se posait la question alors que tant de choses avaient changé au coeur de sa vie. Il était parti à l'armée durant plusieurs semaines et en un sens, il s'était endurci mais était-ce suffisant pour apaiser sa sensibilité? Apparemment, non, il avait encore beaucoup de travail à effectuer s'il voulait apparaître comme un homme sûr de lui et de ses atouts. Pourtant, le français avait déjà entendu dire de certains individus qu'il était plutôt un beau garçon avec ses yeux bleus si doux mais Tim avait toujours eu du mal à croire ce genre de choses. Se retrouver dans un strip club n'allait probablement pas l'aider à régler ce genre de soucis de confiance en lui qu'il pouvait avoir ou peut être qu'il pourrait au moins se libérer d'un poids qu'il portait sur ses épaules. Après tout, il avait bu plusieurs verres, Timothy, et il ne savait clairement pas ce dont il était capable dans ce genre de circonstances parce qu'il n'avait jamais osé faire ce genre de choses avant, même pas dans un bar du coin. Il avait relevé le défi d'un ami idiot, en se disant qu'aucune conséquence n'aurait à ressortir de ce genre de choix mais sûrement qu'il avait tort, Tim se sentait idiot désormais, face à cette stripteaseuse qui, elle, se sentait a priori parfaitement à l'aise dans cet environnement. Il était chez elle et Tim devait à tout prix faire croire à cette jolie jeune femme qu'il était capable d'autre chose que de rougir dès qu'on lui adressait la parole. Certes, pour l'instant, ce n'était pas tout à fait gagné puisque Poppy savait pertinemment que c'était sa première fois dans un tel décor mais Timothy reprit une grande inspiration et il calmait les frissons qui se promenaient tout le long de son échine. Il allait faire mieux, il ne pouvait que faire mieux après tout. "Enchanté Poppy, moi c'est Tim." Est-ce qu'on était censé donner son identité à une stripteaseuse? Le pauvre Decastel n'en avait pas la moindre idée mais ce n'était pas comme s'il avait véritablement quelque chose à perdre dans sa vie, contrairement à d'autres hommes qui devaient avoir femme et enfants mais se rendaient tout de même dans ce genre d'endroits pour évacuer une solitude qui n'avait pas lieu d'être. Tim, lui, était parfaitement seul donc il avait le droit de faire absolument tout ce qu'il voulait, même questionner la jolie brune sur les prestations qu'on offrait dans ce genre de salles privées avec une lumière aussi tamisée. Bien sûr, il y avait encore un stress palpable à l'intérieur du corps de Timothy mais il était censé vaincre ses démons ce soir-là, faire en sorte d'être capable de ne plus avoir peur des autres, de faire des choses folles sans fuir avant la fin. "Je crois qu'il me pensait pas capable de faire ça alors il a pas daigné venir." En un sens, le français comprenait sa décision: qui aurait pu penser qu'il serait rentré dans un club comme celui-là? Le Tim de deux mois auparavant aurait été choqué même à cette idée mais le Tim de deux mois auparavant ne se sentait pas aussi seul ni aussi mal d'avoir été floué par la première femme qui avait osé s'intéresser à lui d'un peu plus près. "Un jeu de rôle? Les deux autres, je vois ce que c'est mais ça, ça m'est totalement inconnu, tu m'expliques? J'aimerais comprendre un peu tout ça... Enfin, tout ce que tu fais." Pourquoi? Aucune idée mais il ne désirait pas qu'elle reste une parfaite étrangère, ça, Tim ne savait pas faire, ne pas s'attacher aux gens, même si tout le monde lui dirait qu'elle était juste une femme-objet et qu'il ne devait pas considérer autrement, c'était juste impossible pour lui. "Tu parles à certains clients? Et de quoi? Parce que personnellement j'ai pas de choses joyeuses à dire et on est censé se détendre ici, non? Sois toi-même, je dirais, c'est ça que je veux, Poppy." Il ne devait pas être comme tous les clients qu'elle rencontrait, son regard bleuté se tournant vers elle avec une affection déjà existante, ce qui n'aurait pas dû exister non plus face à une femme comme elle mais Tim tenait à cela, à cette proximité. "Je veux juste pas être seul ce soir." Ni les suivantes mais pour cela, ce serait plus difficile. S'oublier un instant, c'était déjà suffisant.
"Enchanté Poppy, moi c'est Tim." “Tu l’as déjà dit.” Et cela l’amuse, Primrose, parce qu’il n’est vraiment pas à sa place. Il a les joues qui rosissent doucement, les yeux bleus possédant une lueur en alerte avant qu’il continue sur sa lancée en inspirant profondément. Elle ne va pas le brusquer, elle n’a jamais été de celles-là de toute façon. Elle patiente, elle attend, sagement, docilement. Il reste le client, après tout, elle n’est là que pour lui servir ce qu’il voudra. Petite poupée qui a toujours ce petit sourire amusé, scrutant les traits de ce visage si doux, si attrayant, profondément différent de ses clients habituels. Ce n’est pas pour lui déplaire. Elle apprécie la nouveauté, surtout si la fond est aussi enchanteur que la forme. "Je crois qu'il me pensait pas capable de faire ça alors il a pas daigné venir." Voilà un ami qui manque totalement de confiance envers Tim. “Il faudra qu’on prenne une photo, alors. Pour prouver que t’as osé.” Primrose sera sa complice, elle l’aidera à prouver à cet ami qu’il a tort de douter de lui. “Ou peut-être que lui n’a pas osé venir dans un endroit comme ça.” Même si ça peut être vu comme tout et son contraire. Souvent négatif prononcé de la sorte. Elle pourrait s’en vexer. Mais ses nerfs sont détendus par la coke et surtout, Primrose maîtrise l’art de ne pas se vexer pour si peu. Elle a l’habitude de n’être considérée comme honteuse, une personne que l’on se garde bien de dire que l’on fréquente quand on connait son métier.
"Un jeu de rôle? Les deux autres, je vois ce que c'est mais ça, ça m'est totalement inconnu, tu m'expliques? J'aimerais comprendre un peu tout ça... Enfin, tout ce que tu fais." Ce n’est pas quelque chose de nouveau. Ceux qui viennent ici mais qui n’ont aucune idée de ce qui les attend. Ce qui est nouveau, c’est que Tim assume qu’il n’y comprend rien. Que ce lieu suave n’a rien d’anodin, qu’il faut qu’il soit préparé, qu’il y a plusieurs options possibles, qu’il n’a juste à demander et elle exécute. “La danse est la base. C’est juste moi qui danse et toi qui profite du spectacle. Le striptease est comme la danse, mais je me déshabille. Totalement ou non, c’est toi qui décide. Et le jeu de rôles… Tu as déjà joué à des jeux vidéos ? C’est le même principe. On interprète des personnes autre que nous-mêmes. Il y en a qui restent basiques avec l’infirmière et son patient ou la lycéenne avec son professeur mais d’autres sont plus fantaisistes, comme quand on m’a demandé d’être Daenerys de Game of Thrones l’autre jour.” Et encore, cela n’est pas le rôle le plus bizarre qu’on lui ait demandé, il est même parfaitement normal et assez populaire pour que les filles aient un costume minimaliste et sexy qui rappelle la reine des dragons. Cependant, elle doute que Tim soit de ces geeks refoulés et elle a presque la certitude d’être plus sereine de ce côté-là avec lui. Vu sa façon de ne pas savoir à quoi s’attendre, à ses gestes qui se veulent détendus mais qui restent un peu crispés malgré tout (il essaie, il essaie, c’est un bon point), il est clair que ce n’est pas lui qui demandera à la jolie brune de lui taper dans les boules avant ses talons juste pour le plaisir (oui, ça lui est déjà arrivé d’avoir cette requête). "Tu parles à certains clients? Et de quoi? Parce que personnellement j'ai pas de choses joyeuses à dire et on est censé se détendre ici, non? Sois toi-même, je dirais, c'est ça que je veux, Poppy." Il cache sa nervosité derrière des paroles qui n’en finissent pas avant de poser son regard bleuté sur elle, semblant le stopper net sans pour autant le détendre plus que cela. "Je veux juste pas être seul ce soir." Aw. “Tu seras pas seul ce soir, alors.” qu’elle glisse entre ses lèvres tout en glissant ses phalanges près des siennes, les frôlant sans les toucher. Il lui gonfle le cœur, il lui rappelle vainement pourquoi elle fait ça : le réconfort d’autrui, une porte de secours pour quelques heures, un bout d’irréel pour mieux pouvoir respirer. Même s’il lui demande d’être elle-même, Primrose sait que cela ne sera pas possible. Pas pour l’instant, pas tout de suite, ses barrières la protégeant naturellement face à ces clients qui veulent toujours croire qu’ils connaîtront ces filles de charme mieux que personne. Tim n'a pas de mauvaises intentions, ça se sent, mais la jolie brune ne peut se permettre de le laisser filer vers elle, vers les profondeurs de son âme, vers ses craquelures. Elle est là pour faire son job, pas pour sympathiser. Oui, mais- Non, Primrose, il n’y a pas de oui mais. Ne te laisse pas attendrir par la politesse de sa voix, ni par sa fragilité certaine qui te rappelle toi. La ligne est là et il y a une raison à cela ; ne pas la franchir au risque de se perdre. “On est au service des clients, ce sont eux qui parlent et moi j’écoute. Tu n’as vraiment rien de joyeux à dire ? Une si jolie frimousse comme la tienne ne peut pas cacher que des histoires moches.” Primrose sourit, comme pour l’encourager autant que le rassurer. Si elle prend sa drogue, c’est bien pour éviter d’être comme lui ; inquiète, incertaine, incomprise. Ses doigts passent par-dessus les siens, redressant son buste. “Je veux que tu te détendes. Je n’ai pas envie de te mettre mal à l’aise alors c’est à toi de me dire.” Si tu veux prouver que tu n’es pas de ce que tous les autres pensent de toi, c’est l’occasion, Tim.
Il ne se rendait même pas compte, Tim, qu'il s'était répété, à croire que de se retrouver dans ces toutes nouvelles circonstances le rendaient amnésique. En réalité, il était en proie à un stress relativement élevé, fait qu'il essayait d'éviter habituellement parce qu'il avait toujours peur de faire une crise, ne gérant pas toujours merveilleusement bien les contextes inédits. Cette fois, le français désirait faire un réel effort sur lui-même, alors que ce n'était sûrement pas la mer à boire pour qui que ce fut d'entrer dans un strip club pour observer une danseuse pour une heure ou deux. Bien sûr, pour Decastel, tout était radicalement différent: il avait tellement peur des gens de manière générale, des douleurs que l'un d'eux pouvaient lui faire subir que son appréhension était plus forte que la mienne. Même à côté de cette petite brune si avenante et agréable, Timothy avait donc bien du mal à collecter ses pensées et à trouver l'apaisement qui lui était dû. Pourtant, il le fallait, sinon il prenait le risque de partir en courant pour s'écrouler quelques mètres plus loin, certainement au plus proche de l'homme qui l'avait agressé quelques minutes plus tôt. Faire le vide, voilà ce que Noé lui répétait souvent, retrouver sa respiration et se concentrer sur l'instant présent, sur le merveilleux qu'il avait en lui et qui ne demandait qu'à sortir car tout était une question d'assurance et Tim avait toujours cru son frère sur parole. Alors, il réussit à relever les yeux vers celle qui se surnommait Poppy, le rouge de ses joues disparaissant au fil du temps, ce petit sourire angélique prenant le pas sur la gêne qui était là de prime abord. "Va pour une photo plus tard. Même si j'ai rien à lui prouver finalement, il a qu'à me faire confiance." Pourtant, Timothy savait bien que les gens qui l'entouraient pouvaient parier beaucoup d'argent sur les défis qu'il n'arriverait pas à relever. Quelques fois, néanmoins, il arrivait à les surprendre, comme ce soir-là, alors que ses doigts pianotaient contre ceux de la belle stripteaseuse, lui ne sachant pas trop quelles étaient les règles de son métier. Il l'écouta, attentivement, se disant qu'elle devait se retrouver parfois dans des décors très étranges et il avait mal au coeur pour elle, Tim ne pouvait jamais s'en empêcher de toute façon, de se mettre à la place des autres, d'être empathique. "Promis, je te demanderai pas de faire des choses bizarres. Même j'ai envie de te dire... Fais juste ce qui te vient en tête, ce sera ma requête de client." Bien évidemment, ce n'était pas commun avec Tim mais il attendait que l'assurance naisse petit à petit, pour sûr qu'elle l'attraperait au cours de la soirée, lui se sentant de plus en plus vaillant en narrant à la petite brune qu'il n'avait pas grand chose à dire de très joyeux sur son existence. Que pouvait-il vraiment à ajouter à cette réalité de faits? "J'ai pas envie de te rendre triste avec mon histoire, Poppy. On m'a rendu très malheureux et très seul et là, j'essaie de faire en sorte de changer ça. De me libérer de mon passé pour prendre un peu plus confiance en moi et me montrer réellement face aux autres. Je sais pas exactement comment m'y prendre mais être à l'aise avec toi, c'est déjà une première étape, non?" Il démarrait doucement, Tim, toujours apeuré qu'il était de brusquer les gens avec un flot de paroles bizarre alors qu'il était loin d'être le garçon le moins attendrissant du lot... Sinon, comment expliquer que la danseuse était venue le sauver? "Tu aimes danser le plus sur quelle musique?" Il cherchait à la connaître bien malgré elle, passant par des questions détournées en venant enlacer ses doigts aux siens, un petit sourire tendre naissant de nouveau sur ses lippes.
"Va pour une photo plus tard. Même si j'ai rien à lui prouver finalement, il a qu'à me faire confiance." Primrose sourit un peu plus, laissant son nouveau et impromptu client décider de la démarche à suivre. Comme d’habitude, elle se tait, elle écoute, elle ne bronche pas. Même si Tim n’est pas d’apparence de ceux qui peuvent se montrer violent, dictateur ou/et arrogant, elle reste à sa place malgré tout, Poppy. Elle est habituée à le faire et elle respecte docilement les règles, sa petite ligne blanche lui ayant suffit précédemment pour garder son sourire béat pendant encore les prochaines soixante minutes. Pourtant, elle a la sensation qu’avec Tim, cela sera plus facile. Qu’elle n’aura pas eu besoin de ce genre de choses dans ses veines pour mener à bien ce que son job lui impose - mais les surplus restent toujours une étape monstrueuse dans sa construction, qui finit toujours par la faire flancher un moment ou un autre. "Promis, je te demanderai pas de faire des choses bizarres. Même j'ai envie de te dire... Fais juste ce qui te vient en tête, ce sera ma requête de client." Poppy regarde Tim avec une lueur intriguée - qui est-il, pourquoi il est comme ça, comment il fait pour être comme ça alors qu’elle est littéralement à sa merci ? Tous les autres se comportent de façon bien moins honorable alors elle est prise un peu au dépourvu. Qu’est-ce qu’il peut te passer à travers la tête, Primrose ? Elle n’en sait rien parce qu’on ne lui a jamais laissé ce libre arbitre, pas ici en tout cas. Même à l’extérieur, on peut dire qu’elle reste une prisonnière condamnée à perpétuité avec un esprit qui ne peut la laisser tranquille, des pensées qui ne peuvent se détacher d’elle parce qu’ils s’y sont fait une place avec le temps et qu’elle n’y arrive pas, à les repousser, à les contrôler, à ne pas s’en laisser submerger. Qu’est-ce que tu veux ? Une vague question aux réponses multiples dont elle n’a jamais vraiment songé ; jamais on ne lui a proposé d’être “elle-même” ni de “faire ce qui lui passe en tête”. "J'ai pas envie de te rendre triste avec mon histoire, Poppy. On m'a rendu très malheureux et très seul et là, j'essaie de faire en sorte de changer ça. De me libérer de mon passé pour prendre un peu plus confiance en moi et me montrer réellement face aux autres. Je sais pas exactement comment m'y prendre mais être à l'aise avec toi, c'est déjà une première étape, non?" Le doigt sur la fragilité de son interlocuteur, voilà ce que Poppy remarque à travers les mots. Elle n’insistera pas parce qu’il n’est pas là pour cela et qu’il veut juste oublier, ou au moins apaiser pendant un moment. Qui est Primrose pour lui refuser, elle qui ne peut que comprendre quand on veut éteindre le bouton pour mettre en veilleuse le reste du monde ? “C’est une première étape très importante.” les yeux perdus dans les siens, Tim a l’air de récupérer de la confiance alors que Poppy en perd quelque peu, perturbée par les propos, la tournure et aussi parce que ça lui va bien, au jeune homme, de prendre des galons. "Tu aimes danser le plus sur quelle musique?" Elle ne choisit pas vraiment cela aussi, se contentant de celles que proposent le club. Les doigts qui s’emmêlent sous l’impulsion de son interlocuteur qui se retrouve souffler d’une aisance suffisante et Primrose - Poppy - plient les jonctions, par simple réflexe, retenant les siennes alors qu’elle a la sensation que la roue est en train de tourner et - et quoi ? “J’aim-” La voix enrouée qu’elle racle en redressant quelque peu le buste, reprends un peu de prestance, jeune fille, tu ne vas quand même pas laisser son joli minois te perturber - non, ce n’est pas les traits fins, la douceur qui en émane mélangée à une fragilité qui la rendrait presque curieuse, mais ce n’est pas que ça. “Autant que je te fasse écouter.” Cela sera plus parlant. Poppy a toujours préféré les musiques sensuelles, douces, langoureuses. Prendre son temps, étirer le temps le plus possible, parce que ça rapporte toujours plus quand le client reste. Là, à cet instant, elle a envie de rester avec Tim mais sans compter les billets qui pourraient tomber. Elle se désole de devoir lâcher ses phalanges mais elle n’a pas le choix avant de se lever pour aller chercher la télécommande qui laisse émaner les chansons en question. Une tonalité suave et par habitude, Primrose se dirige déjà vers la barre qu’elle attrape d’une main avant de faire un tour autour, un léger sourire à Tim. “Tu veux voir ?” A défaut de ne pas avoir de formes affolantes, Primrose a décrété que la pole dance pouvait être un domaine dans lequel elle se sentirait à sa place. Elle ôte ses talons vertigineux avant de se lancer dans une danse ponctuée de clins d’oeil envers Tim, dont elle n’attend pas l’aval pour lui montrer malgré tout, de figures où elle se retrouve la tête en bas avec les jambes qui la tiennent autour de la barre, de ses bras qui la tournent de nouveau avant de finir au sol. C’est à quatre pattes et dans une avancée séductrice que Prim se dirige vers Tim, posant son menton sur ses cuisses, les yeux levés vers lui. “Avoue que t’es conquis.” Par elle, par l’ambiance, par la prestation parce qu’elle s’est entraînée et qu’elle en a eu des bleus pour atteindre ce résultat. Et il n’y a que l’approbation des clients qui peut lui prouver que oui, Prim, tu t’en sors pas trop mal. A défaut de ne pas réussir à t’enlever de cet endroit, d’abandonner tes vices et tes addictions, tu peux au moins être fière de cela.
Obtenir la confiance de Tim n'était pas une mission simple, il avait déjà bien du mal à adresser les paroles à autrui sans bégayer, comment imaginer qu'il puisse se confier dans ce genre de circonstances? Il ne s'était jamais senti à l'aise nulle part, voguant entre désespoir et une timidité maladive, ce qui l'avait empêché de construire des relations saines jusque là. Pourtant, le français aurait adore être comme tout le monde, pouvoir se targuer qu'il sortirait le soir-même et s'amuserait à outrance en buvant plus qu'il ne fallait mais il n'en avait jamais été capable. Le pauvre était entré dans un club une fois avant son court parcours à l'armée et il n'avait tenu que cinq minutes avant de devoir s'échapper pour vomir sur le trottoir. Decastel avait toujours eu l'impression que le monde de la nuit était totalement hors de sa portée et peut être que ce soir-là, justement, il voulait enfin se prouver l'inverse, renverser la tendance et regarder vers l'avenir. Oh, bien sûr, ce n'était pas si facile et il se montrait encore quelque peu détendu au fond de ce divan pourtant bien confortable, à rougir tous les deux mots que Poppy prononçait. La jeune femme savait bien qu'il n'était pas un habitué de ce genre d'événements et qu'il ne connaissait pas du tout la marche à suivre. Habituellement, la stripteaseuse devait avoir des commandes claires sur ce qu'elle devait exécuter pour inviter le plaisir dans le corps de son client mais avec Tim, il y avait toute une stratégie à revoir. Il ne savait pas ce qu'il désirait pour la simple et bonne raison qu'on ne lui avait jamais demandé jusque-là et qu'il n'avait, ainsi, jamais pu essayer quoique ce fût. Il avait juste envie de se sentir à l'aise et pour cela, il avait besoin que Poppy demeure elle-même, qu'elle ne se cache pas derrière ce masque de stripteaseuse mais se montre plutôt sincère. C'était ce que Timothy aimait voir chez les gens, des parts d'eux qu'ils ne dévoilaient pas forcément au premier regard mais qu'il pouvait piocher ça et là au rythme de quelques échanges ou de quelques gestes simples. Là, Tim comprenait qu'il désarçonnait la petite brune en lui demandant plutôt ce qu'elle aimerait. Il avait envie de lui faire plaisir, que sa soirée ne soit pas comme toutes les précédentes où elle devait se donner en spectacle pour des hommes qui ne voulaient sûrement pas qu'elle se montre sous un quelconque jour sauf celui de leurs fantasmes les plus vils. Timothy était loin de ce genre de considérations, encore trop innocent pour faire autre chose que lui tenir la main en soutenant enfin son regard alors que Poppy lui indiquait qu'il franchissait cette étape de confiance peu à peu. C'était vrai que depuis quelques secondes maintenant, il avait moins peur de mal agir ou de dire de mauvaises phrases, il posait juste ses yeux bleutés sur Anderson et caressait délicatement la paume de sa main. Il n'avait aucune idée si un client avait le droit d'agir de la sorte avec les danseuses et c'aurait été un point de trouble pour Decastel dans un contexte moins feutré et intime. Il ne pensait à rien à ce moment-là, juste à hocher la tête alors que Poppy lui indiquait qu'elle pouvait lui faire écouter ce qu'elle aimait. Il en souriait d'avance parce qu'il allait pouvoir en apprendre un peu plus sur elle alors que la musique commençait à résonner, Timothy fermant les yeux une demie seconde pour s'imprimer de l'ambiance. Il ne put pas vraiment faire plus puisque la belle brune semblait encline à danser et forcément, ses joues rougirent dès qu'elle posa sa main sur la barre. Tim arrêta de respirer quelques secondes, se forçant à retrouver une expiration correcte par la suite, même s'il sentait que tout ceci était un signe qu'il était un homme normal, que ce genre de situations pouvaient lui procurer tout un tas de sensations qui lui étaient encore parfaitement inconnues. "Montre-moi." Sa voix résonnait avec une certaine détermination, ses yeux bleutés brillants alors que la jeune femme commençait à voltiger autour de sa barre, enchaînant des figures d'une rare sensualité qui laissa Tim absolument bouche bée. Il n'avait jamais vu cela de sa vie et peut être s'était-il dit qu'il ne le verrait jamais vu comment il était gauche avec les filles jusque là. Enfin, tout ceci avait tendance à changer, son coeur battant la chamade au moment où la musique donnait sa dernière note, Poppy relâchant la barre pour avancer à quatre pattes vers lui, son menton se posant sur une des cuisses de Timothy. Il était forcément tendu, le grand brun refermant la bouche en espérant ne pas avoir trop bavé devant le spectacle, et la voir ainsi devant lui ne l'aidait pas tellement à recouvrer ses esprit mais il respira un grand coup pour paraître plus assuré qu'il ne l'était en réalité. "Sur tous les plans. La musique est parfaite, tu sais vraiment tenir une barre et subjuguer tes spectateurs... En fait, t'es très belle, Poppy." Il avait rougi, encore, en annonçant les derniers mots, s'étonnant de ne pas bégayer ce faisant, la main qui était attachée à celle de la jeune femme tantôt se posant contre sa joue pour souligner avec délicatesse ses traits si fins. "Je suis content d'avoir entendu une musique que tu aimes. J'ai envie de te connaître, tu sais. Te comprendre mieux. Je sais pas si tu en as envie aussi..." Tim pouvait envisager toute sortes de choses pour l'heure à venir mais il ne désirait pas que cette jolie brune demeure une totale inconnue à ses yeux, pas alors qu'elle était en mesure d'éveiller toutes ces nouvelles envies au fond de lui, son doigt caressant délicatement sa pommette alors qu'il souriait, ce qui n'était plus si fréquent ces derniers temps.
"Montre-moi." Est-ce qu’elle aurait attendu qu’il lui donne le feu vert pour commencer ? Pour la forme, certainement que oui. Parce que Tim est le client, que même s’il lui a offert de faire ce qu’elle voulait - mauvaise idée parce qu’elle n’aimerait ne plus être là, tout simplement, plonger dans ses fissures et disparaître ailleurs, loin d’ici, dans un monde qu’elle connaît mais où elle ne s’est jamais reconnue - Primrose veut maintenir la ligne, la règle du client avec sa couronne bancale sur la tête. Si les rois peuvent ressembler à Tim, s’ils peuvent avoir son aura délicate et douce, certainement qu’il serait bien plus agréable de venir travailler dans ces lieux. Malheureusement, le joli brun n’est qu’une exception à la règle et il est tant que tu fasses attention à la place que tu occupes, Primrose. Alors elle commence à voyager à quelques mètres du sol, en équilibre sur la barre, les séances de sport servant à maintenir le galbe de ses jambes et de ses bras pour se retenir dans des positions aussi sportives qu’impressionnantes. C’est sa petite fierté dans ce club - est-ce qu’il y a vraiment de quoi être fière de savoir faire ce qu’elle est en train d’exécuter ? Le monde peut être cruel et le monde passe son temps à cracher dessus. Pourtant, la petite brune profite, elle se soulève, elle retombe, elle virevolte, elle tourne, elle plie, elle courbe. Une véritable représentation juste pour Tim, comme si son aval est aussi important que de l’impressionner. Pauvre petite rose qui cherche la reconnaissance partout tout le temps pour n’importe quoi alors que jamais tu ne réussis à l’obtenir. C’est d’une tristesse terrible, une mélancolie que tu oublies et que tu laisses au placard quand Primrose devient Poppy et c’est Poppy qui sourit à Tim en s’avançant, féline, vers lui, la prunelle de ses yeux reflétant aussi bien le visage du jeune homme penché vers elle que les couleurs tamisées de la pièce. "Sur tous les plans. La musique est parfaite, tu sais vraiment tenir une barre et subjuguer tes spectateurs... En fait, t'es très belle, Poppy." Oh ces mots qu’elle a déjà entendu si souvent avant que la suite ne soit que des demandes, des exigences aussi pourries que dégueulasses. Primrose s’attendrait presque à entendre la suite du sifflet, que le couperet tombe mais Tim a l’air presque gêné, il n’est pas encore totalement détendu et non, il ne doit vraiment pas être de ce genre-là, n’est-ce pas, Tim? "Je suis content d'avoir entendu une musique que tu aimes. J'ai envie de te connaître, tu sais. Te comprendre mieux. Je sais pas si tu en as envie aussi..." Poppy a la poitrine qui gonfle parce qu’il est clair qu’il la décontenance à chaque fois qu’il parle. Elle ne s’attend à aucun mot qu’il peut prononcer, elle n’a jamais de Tim avant lui, il ne ressemble pas aux clients habituels et, ô pourquoi il faut que ça la perturbe à ce point.
Primrose se lève, la voûte plantaire caressant le sol mousseux de la pièce, prenant la main caressant sa joue dans la sienne pour y embrasser les phalanges, doucement. “Tu es vraiment unique, Tim.” Elle lâche sa main pour aller derrière lui, safe zone normalement. Face à son dos, elle peut se laisser moins perturber par ses yeux percutants qui en disent longs mais ça ne suffira pas pour empêcher les mots de couler jusqu’à ses oreilles. Elle se mord la lèvre avant de poser ses mains sur ses épaules. “Pourquoi tu cherches à savoir tout ça ?” Abrutie, idiote qui s’approche de son lobe pour y murmurer presque sournoisement “tu ne connais même pas mon vrai prénom.” Comme si son prénom est une récompense - elle l’est, dans un sens. La ligne entre les deux mondes est distincte et il est interdit de la franchir. Alors pourquoi tu laisses ton museau dans le creux de son cou, Primrose ?
Il était toujours aussi vulnérable, Tim, mais peut être qu'il pouvait en faire une force plutôt qu'une faiblesse. Jusqu'ici, sa sensibilité et son manque d'assurance avaient toujours été des freins gigantesques à son développement personnel et affectif mais tout cela n'était pas censé être uniquement négatif. Il avait ses bons côtés: être sensible, c'était voir le meilleur chez les autres, leur offrir ce qu'ils méritaient, leur apporter ce qui les rendrait plus heureux et Decastel était clairement un professionnel dans ce domaine. De la même manière, manquer d'assurance, c'était prendre conscience qu'on n'avait pas besoin d'être parfait en tous points pour accaparer l'attention d'autrui et c'était probablement ce qu'il désirait ce soir-là. Constater dans le regard de Poppy qu'il pouvait être autre chose qu'un homme au coeur brisé, un homme qui n'avait jamais pu s'exprimer sans se retrouver en pleine souffrance. Timothy avait besoin de ce moment, de ces regards posés sur lui qui lui feraient comprendre que tout n'était pas perdu. Que rien ne l'était, même. Ce n'était pas parce qu'une femme avait tué le peu de confiance qu'il pouvait avoir en ses congénères que tout devait toujours être si noir. Il devait conserver son optimisme, ne pas voir le mal partout et rester fidèle à lui-même. En tout cas, le français était dans cette optique en observant la danse de Primrose avec une attention accrue. Il enregistrait dans sa tête chaque mouvement suave autour de la barre, chaque regard qu'elle pouvait lui lancer et il sentait qu'elle était aussi sensible que lui, qu'elle avait beaucoup plus à dire ou à montrer que ce qu'on lui demandait dans sa position de stripteaseuse. Decastel en était ému, il avait envie d'en savoir plus, d'être potentiellement une exception dans tous les liens étranges qu'elle avait pu nouer avec sa clientèle parce que le français avait au moins conscience de cela, qu'il ne ressemblait à aucun autre qui passait les portes des salles privées. Timothy ne cherchait pas la luxure, il ne désirait pas faire de Primrose son objet ou un instant de distraction simple et efficace. Il voulait lui permettre de se dévoiler dans ce qu'elle avait de meilleur enfoui au fond d'elle, même si elle pensait ne rien posséder qui valait vraiment la peine. L'ancien soldat voyait dans ses prunelles céruléennes qu'elle avait encore tant de talents à exprimer, tant de jolis mots à partager, tant d'instants merveilleux à échanger avec des gens qui lui offriraient plus de joie que ce qu'elle pouvait connaître jusque là. Son instinct protecteur naissait peut être en la voyant ainsi, son menton sur sa cuisse, sa main venant caresser sa joue, son sourire happant le sien, des yeux bleutés lui narrant de mille manières qu'elle n'était pas une âme en peine, bien au contraire, elle était celle qui pouvait peiner les autres. Elle avait tous les pouvoirs dans cette salle et ce devait être la même chose dans sa vie civile, elle n'avait qu'à y croire. Son coeur se gonflait en ayant ce genre de pensées, Primrose quittant ce doux contact pour venir se caler derrière lui, Timothy la laissant poser ses deux mains sur ses épaules, son corps frissonnant d'un toucher qui n'était pourtant que superficiel. Elle devait vouloir éviter son regard parce que Tim, dans son âme la plus pure, devait la toucher sans qu'elle ne puisse rien y faire et son discours lui offrit cette réponse sur un plateau d'argent. "On l'est tous. Toi aussi, tu l'es." Elle l'était même sûrement plus que lui car elle faisait ce métier qu'elle avait l'air de ne pas apprécier tant que cela mais elle avait dû se conforter dans l'idée que c'était son seul talent. Tim en avait mal au coeur mais il comprenait, lui qui était resté gardien de cimetière durant ce qui semblait être des siècles parce que c'était confortable, simple, une valeur sûre. "Parce que t'es une belle personne, Poppy, j'en suis convaincu. Et je peux pas m'en empêcher, je veux toujours en savoir plus sur ce type d'individus... Mais tu le veux peut être pas. Tu as peut être peur parce que je suis qu'un client pour toi." Il était unique en son genre pourtant, il ne lui avait pas sauté dessus et ne lui avait pas demandé l'impossible dans un vice immonde. Non, Timothy se contenta de tourner légèrement la tête pour capter le regard de Primrose, elle qui lui avouait au creux de l'oreille qu'il ne connaissait même pas son vrai patronyme, ce qui ne blessait pas Decastel, il comprenait à nouveau. "Est-ce que tu voudrais me le dire? Ca restera notre petit secret, bien entendu." Il lui fit un doux sourire, son visage restant proche du sien alors que sa main venait rejoindre la sienne sur son épaule, caressant délicatement la peau posée là. C'était étrange comme rencontre mais c'était aussi vivifiant pour un homme qui se sentait comme mort depuis des lustres, désormais, peut être que le tout allait changer maintenant.
"On l'est tous. Toi aussi, tu l'es." Oh, le sourire mélancolique qui arrive, qui surplombe le joli minois d’une Primrose qui se dit qu’elle aurait dû aligner plus de lignes. Ou peut-être qu’elle aurait pu s’en passer si elle avait su qu’un client tel que lui aurait franchi les seuils de l’établissement. Dans le fond, elle n’a jamais été aussi ravie d’avoir entendu la voix qui monte, même si y a un doute quelque part dans son intérieur qui lui murmure qu’il y a un goût différent. Contrairement aux autres, elle lui fait confiance. Pas totalement, pas complètement, pas assez mais dans le cadre où ils se trouvent, cela est suffisant pour que sa voix s’élève et turbine contre les parois pour aligner les avertissements qui n’en finissent pas d’être recouverts par le regard profond du jeune homme sur elle. Sa voix est adorable, son timbre est maîtrisé et cela dénote totalement avec le reste du personnage. Tim fait des efforts, Primrose reconnaît la timidité en étant elle-même assez gauchère avec ses pairs, malgré ce que l’on pourrait croire dans un tel cadre. Est-ce pour cela qu’elle a ce sentiment de différence avec les autres clients ? La sensation de voir des brides d’elle-même, ce manque d’assurance certain que l’on camoufle derrière un mur où on se veut clairement plus affirmer. Est-ce que cela va se transformer en une bataille silencieuse, de briser les failles de l’autre en premier ? Primrose ne sait rien de Tim, hormis que son histoire est malheureuse, qu’il est exceptionnellement délicat et que ses yeux sont des perles brillantes dans la pièce qui tentent de ne pas la quitter de son champ de vision. La jolie rose ne se sent pas unique, elle baisse la tête malgré elle, à cause de lui, alors qu’elle n’attendait pas au compliment en retour. Elle a l’habitude de flatter l’égo de ces messieurs. De leur dire ce qu’ils veulent entendre. Mais Tim lui fait un retour, un miroir qu’il balance sur elle et c’est étrange tellement que c’est inhabituel.
"Parce que t'es une belle personne, Poppy, j'en suis convaincu. Et je peux pas m'en empêcher, je veux toujours en savoir plus sur ce type d'individus... Mais tu le veux peut être pas. Tu as peut être peur parce que je suis qu'un client pour toi." Les phalanges des pouces qui appuient doucement au centre, les autres doigts qui s’occupent de naviguer et faire pression sur le reste de l’épaule, Primrose essaie de se distraire mais les paroles de Tim surgissent en même temps qu’il finit par se tourner vers elle pour lui infliger une paire d’yeux qui n’ont pas l’air d’avoir appris le mensonge et encore moins la retenue. "Est-ce que tu voudrais me le dire? Ca restera notre petit secret, bien entendu." On dévie vers les lèvres dangereusement proches qui se tirent dans un sourire. On ressent la main qui vient se poser sur la sienne pour y caresser la peau qui s’hérisse gentiment. On n’oublie pas le souffle qui se retrouve plus coupé maintenant qu’après toutes les cabrioles qu’elle a pu effectuer. “Je n’ai pas peur, menteuse, j’ai pas l’habitude.” De tout ça. De la connexion, de l’air qui n’est pas tendu, que rien n’a l’air forcé. Que l’on s’intéresse à elle, à ses envies, à ses désirs. “Il faudra que tu reviennes pour connaitre mon prénom.” dans un murmure secret qu’eux seuls peuvent entendre. Primrose, ce n’est pas la réponse qu’il faut dire. Il faut parler de la limite avec le client, être détachée, rester dans ton rôle. T’es en train de tout foutre en l’air pour un joli minois, c’est vraiment pathétique. Cela signifie malgré elle qu’elle veut le revoir. Qu’elle ne serait pas contre l’idée. Même si c’est une mauvaise idée. “Tu comptes aller jusqu’où en venant ici, Tim ?” car elle n’a pas bougé, ni reculer, ni avancer, comme paralyser sur place. Lui le client, lui qui mène la danse malgré tout. La petite voix qui est craintive, plaignante, qui la maudit et qui jure de tout son soûl. Primrose n’a pas l’air d’être encline à l’écouter alors que ses prunelles céruléennes croisent ses pairs, aussi pénétrantes que les siennes. La fragilité de l’un qui rencontre celle de l’autre, est-ce que c’est censé se soustraire ou s’additionner ?
Elle semblait si douce, Poppy et Tim avait de plus en plus de mal à l'imaginer dans ce rôle de femme objet, c'en était presque révulsant pour un homme comme lui qui mettait la femme sur le piédestal même de la liberté. Elle aurait dû avoir tous les droits et surtout, celui de décider ce qu'elle voulait vraiment faire de son corps et de son âme, ce qui n'était clairement pas le cas dans un tel contexte. En un sens, ils avaient ce point commun prépondérant, celui d'être coincé dans un rôle qui n'aurait pas dû être le leur: Primrose devait jouer ce rôle de la femme fatale idéale quand Timothy avait dû jouer le rôle de la petite fille essentielle à la vie de sa génitrice. S'il y avait un faux pas, que ce fut chez l'un ou chez l'autre, la punition pouvait être terrible et surtout, ô combien douloureuse. Alors, ils étaient chacun restés dans leur jeu d'acteur, finissant certainement par se convaincre que c'était ce qu'ils devaient devenir, qu'ils étaient ces gens-là. L'illusion était parfaite et Tim voyait bien dans le regard de la brune qu'elle y croyait dur comme fer, au fait que son destin était intimement lié à ce strip club, qu'elle y trouvait son bonheur. Pourtant, il y avait cette mélancolie évidente dans ses jolies prunelles, cette sensation désagréable d'être en train de rater le fond même de l'existence, le sens même de la vie et Decastel partageait très nettement ce point de vue également puisqu'à trente ans passés, il n'avait toujours pas accompli la moindre chose qui le rendait heureux et surtout, bien dans ses baskets. Ce soir-là, il tenait à se prouver qu'il en était capable, qu'il pouvait juste être spontané et ne pas paniquer face à la première nouveauté venue mais cependant, le grand brun savait pertinemment qu'une fois l'instant passé, ses vieux travers viendraient l'étreindre et il souffrirait le martyr. En attendant, le jeune français tenait à profiter du sentiment qui le tenait définitivement en vie, cette adrénaline douce et chaleureuse qui le poussait toujours un peu plus vers Poppy. Celle-ci jouait de ses doigts sur ses épaules et Tim aurait sûrement été tenté de clore ses paupières pour profiter un maximum de la chaleur qui s'insinuait dans chaque parcelle de son être. Il ne le faisait pas parce qu'il avait décidé de poser ses yeux azur dans ceux de la jeune femme, elle qui restait proche de lui alors qu'elle ne devait pas en avoir l'autorisation expresse de sa direction. Decastel avait apparemment oublié l'endroit dans lequel ils se trouvaient, de la même façon qu'il zappait qu'elle était stripteaseuse et qu'elle était présente pour répondre à ses moindres désirs. Était-elle aussi bonne actrice à ce point-là? C'était une possibilité que Tim ne pouvait pas concevoir en lisant à nouveau son regard pris entre diverses émotions. Non, elle ne pouvait pas jouer avec lui aussi bien que cela, au contraire, la brune devait certainement lutter sur la douceur que l'ancien soldat mettait en avant. Quelque part, il la bouleversait, il lui proposait une nouvelle facette et ce n'était probablement pas aussi aisé à gérer qu'un client lambda qui lui ferait les requêtes habituelles. Avec Tim, rien ne pouvait l'être car il ne connaissait pas les codes sociaux de base, encore moins ceux qui faisaient loi dans un tel décor. Il ne pouvait qu'être lui-même et le présenter comme tel à la jeune femme qui partageait son cadre pour l'heure à venir, au moins. "T'as pas l'habitude qu'on s'intéresse à toi pour ce que tu es? C'est vraiment une triste nouvelle, Poppy. Faut changer ça." Il était sincère, c'était un trait gigantesque de la personnalité de Tim: il cherchait le bon chez n'importe qui et cherchait à faire taire les appréhensions d'autrui au lieu de calmer les siennes. Il pressentait la détresse de Primrose dans cette proximité qui laissait présager quelque chose de trop intense pour deux âmes brisées comme les leurs. "Tu veux me revoir alors? Tu crois que je vais tenir dans un tel suspense? Connaître le vrai toi sans ton prénom... C'est difficile, dis moi autre chose alors. Quelque chose de vrai." Quelque chose d'unique, quelque chose qui la rendait elle, dans ce regard qu'il trouvait beau. Elle était unique, cette brune-là et si elle souffrait, Tim ne voulait pas qu'elle demeure seule dans un cercle de chagrin qu'il ne connaissait que trop. Il avait envie qu'elle aille bien, qu'elle se sente à l'aise... Non, qu'elle se dévoile sous son vrai jour, qu'elle devienne elle en son compagnie. "Je voulais pas me fixer de limite pour une fois. Je pensais pas être à l'aise dans un décor comme ça... Mais avec toi, je le suis. Alors, qui sait? Quelles limites on a?" Où allait-il s'arrêter? Il n'en savait trop rien alors que sa main libre parcourut la distance qui les séparait pour venir se poser contre la joue de la danseuse, caressant du pouce cette épiderme si douce. Il avait clairement envie de voir tout ce qu'elle avait à lui proposer mais il ne savait pas quelles étaient les règles et il ne voulait pas la blesser. Non, il voulait la voir heureuse. Et libre.