"T'as pas l'habitude qu'on s'intéresse à toi pour ce que tu es? C'est vraiment une triste nouvelle, Poppy. Faut changer ça." Tim aurait presque la sournoiserie dans ses traits en disant ces mots, Primrose ne pouvant s’empêcher de scruter à deux fois son visage et tous ses composants pour vérifier qu’il est honnête. Ce n’est pas habituel, tellement pas qu’elle finit par douter, la petite rose, doucement mais sûrement. D’absolument tout et surtout sur Tim ; est-ce qu’il serait capable de jouer d’elle ? Qu’est-ce qu’il attend d’elle exactement ? Primrose se donne beaucoup, souvent, quotidiennement pour satisfaire les autres. Se plier aux volontés d’autrui est une seconde nature, malheureusement. Elle cède, elle joue, elle fait plusieurs rôles parce que c’est ce qu’on lui demande, ce que l’on attend d’elle. Surtout dans les limites du club, où elle évolue comme une personne détachée de qui elle est vraiment. Le fait que Tim veuille toucher à cet endroit précis, qu’il souhaite enlever Poppy pour voir Primrose, c’est inédit et perturbant. Elle ignore ce qu’elle est censée faire, les brides de coke prises juste avant commençant à se faire absent et sans aide. Voyez comme la Anderson est facilement perturbable. Cela est presque saugrenu qu’elle réussisse encore à travailler dans ces lieux mais il est clair que Tim réussit à la désarmer suffisamment pour qu’elle ne trouve rien à dire. "Tu veux me revoir alors? Tu crois que je vais tenir dans un tel suspense? Connaître le vrai toi sans ton prénom... C'est difficile, dis moi autre chose alors. Quelque chose de vrai." Oui, reviens, s’il te plait. Ses doigts brûlent les siens et, oh Prim, réveille-toi un peu. Ta cage est en train d’étouffer, il essaie de la briser avec ses mains d’une exquise délicatesse et tu ne reste que planter face à lui, complètement coi face à des paroles qui sont aussi déstabilisantes que grossières quand on voit l’endroit où ils se trouvent. Tim va finir par obtenir ce qu’il veut, à ce stade, et c’est bien tout le problème. Est-ce qu’il ne va pas mettre tout en péril ? Son intégrité, son professionnalisme, sa place ici ? Est-ce que cela serait si mal ? Non mais oui. Elle ne sait faire que cela, la brindille brune. Mais elle ignore comment gérer les Tim désarmants. Personne ne l’avait prévenu qu’un cas comme lui pouvait pointer son nez comme la nouvelle merveille qu’il peut être. "Je voulais pas me fixer de limite pour une fois. Je pensais pas être à l'aise dans un décor comme ça... Mais avec toi, je le suis. Alors, qui sait? Quelles limites on a?" Il fait virevolter ses phalanges sur sa joue et Primrose retrouve un souffle en respirant le sien, la poitrine gonflée.

“Tu-” Il lui demande de se mettre à nue mais pas de la façon normale. Il veut qu’elle expose son âme à lui, son être entier sur un plateau d’argent, ou bien sur le canapé molletonné pour commencer. Il brise les chaînes du milieu pour passer directement à la fin et Primrose n’est que spectatrice ainsi que victime de son ressenti intérieur qui fait rage et tempête. Il est à l’aise, avec elle, est-ce que c’est la réalité, Tim ? Est-ce que tu ne ments pas pour obtenir une quelconque faveur ? Laquelle ? Pourquoi ? Est-ce que tu es vraiment ce que tu prétends être ? Les doubles facettes sont tellement courantes dans le coin, la petite brune s’étant déjà prise des déceptions plus d’une fois. Est-ce qu’il veut lui aussi jouer avec elle ? Est-ce que Tim est foutrement assez doué pour avoir cet écran de fumée sur son visage délicat, délicieusement attirant, qui pourrait lui faire oublier tous ses principes de base ? Primrose caresse doucement l’idée de la texture de ses lèvres sur les siennes et là, on se révolte à l’intérieur ; il y a ceux qui approuvent, qui veulent qu’elle se laisse aller parce qu’elle l’a mérité et au diable si ce n’est pas réel. Si ça ne dure qu’un temps. S’il embrasse Poppy plutôt que Primrose. Mais l’autre moitié n’est pas d’accord, le clan des sceptiques, des prévenants, des peureux aussi. Ne pas prendre de risque inutile, même pour Tim, même pour tout ce qu’il veut donner et qu’il souhaite qu’elle lui offre en retour.

Tim a confirmé qu’il souhaitait aller aussi loin que possible et, grand dieu, ses mains deviennent moites, c’est absolument ridicule. “C’est ta première fois ici alors c’est offert par la maison. Les limites seront les tiennes.” Une politique qu’elle vient tout juste de créer, les mots brûlants qu’elle murmure avec émotion. Ne pas foutre une barrière de l’argent l’expose encore plus. Ce qu’elle fera ne sera pas sous couvert de gains amassés et c’est dangereux, autant que le jeune homme face à elle.

Alors comme une prise de conscience soudaine, Primrose recule le buste et enlève ses mains. Elle brise cette bulle, ce joli cocon dans lequel elle se sentait un peu trop bien, bien trop réconfortante et rassurée pour elle, qui tirait sur une corde bien particulière qui n’a pas lieu d’être ici. Elle glisse sur le côté du canapé, creusant ainsi une distance entre eux, nécessaire pour qu’elle puisse retrouver un battement de cœur régulier et sa composition - ah ah, autant partir de la pièce tout de suite pour ça. “Je peux t’offrir mon corps, Tim. Le reste n’a pas d’importance ici.” Surtout que cela pourrait daire prendre de l'importance à ce qu'il se passe. Aussi bien ses envies, qui elle est, ce qui se cache derrière ces deux prunelles bleutées mélancoliques. Primrose ne veut pas s’ouvrir, pas dans ces conditions, pas comme ça. Jouer de ses atouts féminins est une chose, exposer sa vulnérabilité en est une autre. Surtout si Tim réussit à l’atteindre en plein fouet ; il est dangereux. Il va voir qu'elle est terrifiée. De lui, de ce qu'il peut lui donner à ressentir, à éprouver. Toutes ces choses qu'elle s'est interdite, qu'on lui a dit de se méfier, qu'on lui a prohibé. Alors la jolie brune essaie de réunir les dernières bribes de conscience qui lui restent pour se recomposer un minimum. Ne sois pas naïve, gamine. Tu as déjà les jambes qui fléchissent dès qu’il te regarde. C’est sûrement une peine perdue, à ce stade-là.

Elle luttait, il le voyait et Tim ne pouvait clairement pas lui en vouloir. Comment pouvait-il rivaliser avec ce monde qu'elle devait fréquenter depuis un long moment maintenant? Poppy avait dû en voir beaucoup trop et son innocence avait disparu des lustres auparavant, comme celle de Timothy mais dans des circonstances radicalement différentes. Le jeune brun aurait probablement aimé qu'il en fut autrement, pour elle comme pour lui, qu'ils ne demeurent pas deux âmes meurtries mais puissent réellement être eux-mêmes sans se fixer la moindre barrière. A l'heure actuelle, la danseuse tâchait d'en conserver une grande entre eux car elle était censée rester professionnelle, ne pas s'attacher au moindre client, ne rien offrir même à l'un d'entre eux. Pourtant, le français avait cette sensation qu'elle ne pourrait pas toujours tenir sa résolution parce qu'il ne jouait à aucun jeu de son côté: il n'essayait pas de la désarçonner pour obtenir quelque chose d'elle, non, Tim n'était pas assez vicieux pour cela. Il était juste naturellement intéressé par ce qu'elle avait en tête, ce qu'elle portait également au fond de son coeur, c'était l'homme qu'il était depuis son entrée dans l'âge adulte. Il n'avait pas de plan pour détruire un univers bien rôdé pour Primrose: il se montrait juste curieux parce qu'il n'arrivait pas à s'éviter l'attachement vis-à-vis d'autrui et la petite brune avait ce petit quelque chose qui l'interpellait. Elle était douce, il le sentait, mais elle luttait contre cette nature profonde, se perdant dans les abysses des vices qu'on lui avait inculqués parce que c'était plus aisé de se cacher que de s'assumer. Tim le comprenait mieux que quiconque, lui qui avait toujours fait en sorte de terrer ce qu'il était, ne voulant effrayer personne avec toutes les angoisses qu'il portait sur ses épaules et toutes les peines qu'il conservait au creux de son âme. Poppy aussi devait avoir des chagrins à énumérer mais elle ne le ferait pas tant qu'elle resterait sur la défensive, véritable forme de détachement qu'elle essayait de mettre entre leurs deux âmes, mais pas entre leurs deux corps. Elle connaissait le côté charnel, elle vivait pour cela sûrement depuis des années quand Timothy n'avait même pas effleuré l'idée jusqu'ici, il n'était qu'un petit bonhomme naïf jusqu'à quelques mois auparavant. On avait usé de lui, on avait retiré sa part d'innocence restante et puis, on l'avait jeté parce que c'était ainsi que la nature humaine le voulait: on prenait ce qu'on voulait chez l'autre et lorsqu'il n'avait plus la moindre utilité, on laissait cet alter ego sur le bas-côté. Decastel en avait souffert et il ne voulait plus que ce fut le cas alors, il voulait se rendre invincible, se faire croire qu'il était capable de se concentrer uniquement sur le côté facile de toute relation. Un corps n'était qu'un corps, ce ne devait être rien de plus qu'une enveloppe corporelle qui ne laissait pas dégager la moindre émotion... L'illusion était belle car corps et âme étaient intimement liés, il aurait dû le savoir. Pour le moment, il tâchait d'éteindre le brasier de ses émotions pour se concentrer uniquement sur la danseuse qui bafouillait pour ne finalement narrer aucun aveu, juste une proximité débordante qui présageait tant de moments à venir. Tim attendait, ses lèvres proches des siennes, sans jamais abattre la moindre frontière car il ne connaissait pas les règles. Il ne savait rien du tout, lui. "Poppy, je... Je suis pas comme d'autres hommes que tu as dû voir. J'ai pas des milliers d'expériences en la matière, il fallait que tu le saches. Juste une." Il lui souriait mais ses joues venaient de rougir, c'était un aveu de faiblesse à son tour, un qu'il aurait préféré ne pas avoir à faire. Il avait conscience qu'il était une exception dans un tel lieu, si ce n'était un unique exemple de ce que Poppy avait l'habitude de voir et de fréquenter mais il devait être sincère, c'était toujours le mode opératoire qu'il choisissait. Elle s'éloignait néanmoins, ses mains se détachant de ses épaules, son regard quittant le sien et ses lèvres si tentatrices prenant leur envol pour un ailleurs sûrement moins accrocheur. Tim, néanmoins se tourna vers la brune, elle qui s'était assise plus sereinement dans le divan, elle qui montrait ce qu'elle valait dans ce rôle qu'elle avait mis des années à perfectionner assurément. "Ici... Tout a de l'importance, Poppy. Je veux pas te prendre quelque chose que tu ne veux pas donner. Je veux que tu aies envie de sourire et que tu te sentes bien, même heureuse le temps qu'on a devant nous. Je veux pas être les autres clients. Comment je suis censé faire ça, dis moi?" C'était clairement un voeu pour Decastel. Il l'observait avec ses yeux si doux et la jeune femme devait y lire à quel point il ne jouait pas, à quel point la sincérité était une part essentielle de sa personnalité, sa main venant attraper celle de la danseuse pour la porter vers son propre visage, qu'elle sente sa chaleur, qu'elle imagine à quel point son coeur pouvait battre à l'intérieur de sa poitrine, à quel point c'était important pour lui qu'elle ne devienne pas un objet, mais qu'elle soit femme. Celle qu'elle était au plus profond de son être.

"Poppy, je... Je suis pas comme d'autres hommes que tu as dû voir. J'ai pas des milliers d'expériences en la matière, il fallait que tu le saches. Juste une." Pourquoi dire ça ? Pourquoi souligner une chose aussi importante ? Pourquoi balancer cette information ? Cela ne l’apaise pas, Tim. Bien au contraire. Primrose ressent comme une vague de panique, se mélangeant au désarroi. Pourquoi il vient ici alors ? Pourquoi il vient détruire quelque chose de si précieux dans un lieu aussi sordide ? Un pari n’en vaut jamais la peine. D’habitude, les paris prennent forme avec des hommes qui ont pleinement conscience de leurs attributs. Qui savent s’y faire. Qui conduisent la danse, qui dirigent les événements. Tim lui en laisse trop dans les mains. Il lui donne trop de libre arbitre et là voilà démunie, ironiquement. Incapable de savoir quoi faire à son tour. Il la désarme, il la perturbe, sa différence provoque un déréglage total dans ses habitudes. La douce gamine qui essaie de reprendre le dessus, celle qui rougit bien trop, celle qui préfère s’intéresser à ses mains, celle qui est maladroite et qui bafouille. Celle que Poppy se doit d’écraser à coup de talons de vingt centimètres quand elle rentre au club. Que Poppy efface en alignant la poudre blanche, perfidement, sournoisement, se détruisant un peu plus dans l’équation. Tim n’a pas conscience des règles qu’il y a dans ces lieux contrairement à Primrose. Il ne comprend pas qu’il lui demande bien plus qu’elle ne peut lui offrir - se cacher derrière des conditions est tellement plus facile que d’assumer qu’elle est effrayée. Comment une seule personne peut s’autoriser à venir et tout éclater de la sorte ? "Ici... Tout a de l'importance, Poppy. Je veux pas te prendre quelque chose que tu ne veux pas donner. Je veux que tu aies envie de sourire et que tu te sentes bien, même heureuse le temps qu'on a devant nous. Je veux pas être les autres clients. Comment je suis censé faire ça, dis moi?" Oh Tim. Ne joue pas des yeux de la sorte. Arrête d’être aussi doucereux. Tu ne peux pas créer un personnage, toi aussi ? La sincérité n’a jamais été jolie, elle cache toujours quelque chose, elle ne peut pas être réelle. Ce n’est que du carton mâché qui finira bien par s’écrouler pour montrer les véritables desseins qui s’y dissimulent, n’est ce pas ?

L’intérieur qui se débat toujours. L’optimisme qui se fait doute, les nuages qui forcent leur arrivée, alors que tout ce joli monde observe les prunelles délicates de Tim qui se maintiennent sur elle, sans flancher, sans ciller. Il a l’air persistant, déterminé à obtenir quelque chose - mais quoi ? Elle, toi, Primrose, pas Poppy. Ouvre les yeux, gamine. Il y a un client qui pense à toi. Qui veut te faire passer en priorité. Qui souhaite farfouiller dans tes envies. Dans les méandres de ton âme. Mais c’est une mauvaise idée. Elle le sait. Autant que Tim qui porte sa main vers sa joue. Parce qu’elle en vient à bouger son pouce délicatement dessus, une légère micro caresse innocente, furtive mais qui ouvre bien trop de portes. C’est un client. Un client qui lui donne l’impression de le connaître depuis plus longtemps que la réalité. Un client qui ébranle tous les principes et toutes les barrières. Juste un client. Pourquoi tu veux lui donner plus que ce qu’un client est supposé recevoir, alors ? “T’es déjà différent des autres.” Il le lui confirme un peu plus à chaque fois et, à en juger par le tourbillon dans sa poitrine, tout le monde est d’accord sur ce point. Ses perles bleutées se dirigent vers sa propre main accrochée à son visage avant qu’irrémédiablement, le corps entier glisse vers lui de nouveau. Il n’y a plus que ses phalanges qui peuvent sentir sa chaleur mais absolument tout alors qu’elle est juste à un souffle away. “Si tu ne mens pas, si tu ne joues pas… Sois toi-même.” L’assurance ne le sera jamais, pas dans ces lieux en tout cas là. Il y aura toujours un doute perfide qui persistera. Mais cela brise le dernier maillon. Ses lippes qui vont s’échouer sur l’autre joue, qui trainent en longueur, dans un geste délicat, doux, le temps d’une ou trois respirations à la fois. “Juste une règle : pas de baisers.” Parce que les baisers sur les lèvres font vriller, donnent une dimension encore plus intime que n’importe quel acte et Primrose n’est définitivement pas encore prête à briser ce principe-là. Surtout qu’elle a déjà son propre être qui irradie alors qu’elle caresse la courbe de sa mâchoire de ses lèvres. La petite brune n’a plus qu’à espérer qu’elle s’en sorte indemne.

Il ne savait pas comment lui parler, il n'avait jamais vraiment su comment s'adresser aux filles de manière générale. Encore quelques mois auparavant, il était ce garçon un peu gauche qui rougissait dès qu'on lui adressait la parole alors, comment espérer que Tim soit en pleine possession de ses moyens à ce moment-là? Pourtant, il en avait les capacités, le beau brun, parce qu'il avait un capital séduction qui n'espérait que s'ouvrir au fur et à mesure, lui qui avait attendu beaucoup trop d'années avant de s'exprimer réellement. Timothy voulait, en tout cas, découvrir ce pan de sa personnalité, se sentir plus homme que gamin et Primrose lui offrait peut être cette possibilité. Cela ne voulait pas dire qu'il saurait tout gérer dans la minute suivante et qu'il ne fauterait pas ici ou là: après tout, sa seule expérience avait été une catastrophe intersidérale, Tim s'étant offert sans condition à une femme qui avait seulement désiré profiter de sa vulnérabilité et il en avait payé le prix en se retrouvant seul juste après et ce, jusqu'ici. Il avait encore mal au coeur de tout ce que cette aventure avait impliqué mais le grand brun avait décidé de mettre cette période derrière lui, de ne plus être cet homme qui allait s'engager dans l'armée pour se bousiller autant physiquement que moralement pour une relation amoureuse morte dans l'oeuf. Pour le moment, de toute façon, Timothy désirait seulement se concentrer sur Poppy, sur sa silhouette si fine assise à côté de lui, ses grands yeux ronds qui respiraient l'innocence... Elle n'était probablement pas à sa place entre ces murs, en tout cas, pas cette version d'elle qu'il voyait à l'heure actuelle. Tim se doutait qu'elle devait jouer un rôle la majorité du temps et il ne pouvait même pas être certain sur le moment que la brune ne jouait pas avec lui pour répondre à ses attentes mais il avait envie de croire qu'elle était sincère autant qu'elle était belle. Oui, c'était un fait: outre sa grâce et son naturel désoeuvrant, Poppy avait ce regard qui accrochait, ces manières qui donnaient envie de la serrer dans ses bras et la couvrir de baisers pour apaiser ses troubles. Tim aurait probablement aimé avoir ce rôle, c'était ce qu'il sous entendait peut être en attrapant la main de la jeune femme pour la faire glisser contre sa joue, sentant qu'elle ne refusait pas ce contact au moment d'ouvrir la bouche et de le faire sourire. "Soyons différents ensemble, Poppy. J'ai jamais été comme ça avec qui que ce soit... Moi-même, en ayant peur mais je veux essayer, avec toi." Bien sûr qu'il voulait faire taire toutes ses appréhensions, la dévorer du regard alors qu'elle s'approchait encore un peu plus, sa bouche se posant contre sa joue orpheline, Tim sentant le rouge naître sous ses doigts et sous ses lippes, signe qu'il n'avait pas franchement l'habitude d'obtenir de l'affection sous cette forme. Elle baisait sa peau mais lui indiquait pourtant qu'elle ne désirait pas ses lèvres contre les siennes, un crève-coeur que Tim ne dissimula pas à travers son regard. Il vint poser ses deux mains contre les hanches de la jeune Anderson pour la soulever et venir la porter sur ses genoux, son regard se bloquant dans le sien après quelques contacts qu'elle eut déposés contre sa mâchoire parfaitement dessinée. Ce fut à son tour, à lui, de venir caresser sa joue doucement et faire glisser son pouce contre ses lèves charnues. Il lui montrait ainsi qu'il respectait son choix mais qu'il le désirait malgré tout, sceller leur contrat par un baiser, espérant sincèrement qu'elle changerait d'avis au cours de la soirée, sa main libre remontant sur son corps tout doucement, par dessus la robe de Primrose car il n'osait pas dépasser la moindre barrière pour le moment, qu'il se glissait dans la douceur de l'instant, son coeur battant la chamade décidant qu'il lui dirait tout cela. Rien qu'avec des yeux bleus posés sur elle. Rien que sur elle.

Des morceaux éparpillés qui ne cherchent qu’à trouver leur place dans un monde bien trop grand, bien trop étouffant, terriblement triste et complètement malheureux. Ils ne veulent que trouver une lumière douce pour s’y incruster, pour y savourer un cocon rassurant et espérer que leurs vies ne pourront pas être plus misérables qu’elles peuvent l’être à ce moment-là. Primrose ne sait rien que Tim, ce dernier lui ayant juste avoué que son histoire n’est pas joyeuse, signifiant qu’il porte sur ses épaules un état contagieux d’une douleur pourtant perceptible. Est-ce parce qu’il ne le cache pas ? Est-ce parce qu’elle se reconnaît ? Les vapes de l’innocence sont parties si loin, elles ne sont plus que des poussières d’un passé qu’ils préfèrent au final oublier. Sans se concerter, ils s’alignent sur le même schéma. Sans se connaître, ils se rejoignent dans les mêmes craintes. De ne jamais être à la hauteur. De n’être qu’une déception permanente. De se laisser écraser, anéantir par cet univers qui les détruit autant qu’ils se détruisent eux-mêmes par leurs propres blessures. Ils n’ont rien demandé à personne. Mais l’esprit a un pouvoir fort, il a un impact destructeur et ils ne sont que des victimes de leurs propres maux. "Soyons différents ensemble, Poppy. J'ai jamais été comme ça avec qui que ce soit... Moi-même, en ayant peur mais je veux essayer, avec toi." Ils se reconnaissent bientôt l'un dans l'autre. Sa chaleur est sienne, sa timidité se transperce chez l'autre, l'envie de la délicatesse se fait miroir alors que Tim lorgne ses lèvres. Il est déçu de sa condition, de cette barrière que Primrose lui impose malgré tout. Elle ne cède pas totalement, elle ne brise pas ses principes. Elle a l'habitude, elle a de la volonté. Cela ne l'empêche pas d'embrasser délicatement le pouce que Tim utilise pour sa caresse, si proche, son souffle se mêlant au sien. Le reste est permis. Les limites du corps ne sont que chimères dans un lieu pareil. Mais celui du cœur, de l’esprit, de l’âme, tout ce qu’il y a à l’intérieur, c’est un conte différent. Il se fait office d’une pommade, d’un sparadrap alors qu’il ne sait rien d’elle. Même si le rapprochement de leurs corps, les regards brûlants camouflant la crainte, les phalanges qui tentent sans oser peut laisser croire qu’ils se connaissent. Tim a cette rougeur aux joues qui fait son attrait, sa main qui remonte sur elle en provoquant sa peau déjà bien trop dénudée sur son trajet. Primrose ne veut pas se laisser bercer d’illusions, elle ne souhaite pas se perdre dans la profondeur de ses yeux bleutés au risque d’oublier le reste. Le contexte, le lieu. Il est là pour un pari. Elle se le martèle en tête. Constamment, en boucle, en répétition. Elle en vient à regretter que les circonstances ne soient pas différentes. Elle se désole que ce soit Poppy qui ait ses cuisses autour des jambes de Tim. Que ce soit Poppy qui caresse sa joue avec un peu plus de faveur. Que ce soit Poppy qui domine et qui asphyxie Primrose dans la réalité, au lieu de la laisser voguer vers ce rêve offert par le jeune homme.

"Montre moi." qu’elle murmure contre sa joue chaude. Toi, tout, ton intérieur, ta profondeur, tes entrailles, ta réalité, ton honnêteté. Montre que ce n'est pas qu'un jeu, ni une pièce de théâtre. Dévoile toi parce que tu restes une curiosité aux yeux de la belle entre tes mains, qu'elle veut se faire sauvage et détachée mais qu'elle est touchée, qu'elle est séduite mais ça ne se fait pas normalement. Pas dans un tel lieu. Poppy charme mais ne tombe pas. Tu ne connais pas ton prénom, Tim, mais tu possèdes déjà plus que n'importe quel autre client lambda. L'avenir restera à portée de main pour savoir où le chemin guidera, vers la désolation, le néant ou une éclaircie. "N'aie pas peur. Je te fais confiance. Je te guiderai s'il le faut." Voilà. Devenir une sorte de mentor, cela devrait aider à ne pas s'impliquer, n'est-ce pas ? La brune glisse sa main libre le long de son flanc pour aller sous son haut, caresser doucement cette peau - avec détachement. A force de le rappeler, elle se plaira à y croire. Ses lèvres abandonnent sa joue, sa mâchoire pour se diriger vers son cou, vers la courbe de son épaule, y déposant de doux baisers brûlants. Pour le rassurer, pour le détendre, pour lui faire comprendre qu’elle est sienne. Au moins ce soir.

Se retrouver ici avait absolument tout d'exceptionnel pour Timothy, cet homme aussi peu sûr de lui qui avait appris à éviter toutes les situations qu'il ne pouvait pas contrôler. Pourtant, il était là et il ne maîtrisait pas le moins du monde ce qui lui arrivait en compagnie de Poppy. Certes, le français était venu jusqu'au club pour se prouver qu'il était capable d'être surprenant, de combattre ses démons et surtout vaincre ses peurs. Il en avait encore, alors qu'il observait le visage fin de la jeune Anderson. Elle paraissait si douce, si loin de tout cet univers sombre et Timothy avait envie de lui faire oublier ce pour quoi elle était ici à la base. Il n'était qu'un client pourtant et elle devait en croiser des dizaines par nuit, oubliant nécessairement leur prénom après l'instant passé. En quoi pourrait-il être différent? Après tout, Decastel était parfaitement oubliable, lui et son immense timidité, lui et ses joues qui rosissaient au moindre compliment. Néanmoins, il se montrait un peu plus confiant au fil des minutes, assurément aidé par la patience de Primrose, elle qui avait rejoint ses genoux et qui embrassait délicatement le pouce qui caressait ses lèvres. Il donnerait tant, Tim, pour l'embrasser, laisser ses lèvres emporter les siennes dans une danse suave, plus suave encore que la danse qu'elle lui avait offerte tantôt. Cela dit, il respectait ses directives, elle essayait de rester détachée de lui parce qu'il n'était qu'un homme comme elle en aurait d'autres en face d'elle une fois qu'il serait parti. Le coeur de Timothy en souffrait par avance, de la savoir perdue dans ce monde, sans avoir l'occasion d'obtenir la moindre dose de douceur, se faisant plus violenter qu'autre chose en répondant aux requêtes toutes plus farfelues les unes que les autres de sa clientèle. Le français, lui, voulait lui donner ce qu'il était et c'était tout cela, ce regard bleuté doux et chaleureux, ce frisson qui lui parcourait l'échine en sentant ses lèvres contre son pouce alors qu'elle murmurait encore définitivement proche de lui qu'elle s'attendait à ce qu'il se montre tel qu'il était. Avec ses peurs, avec ses doutes, avec sa naïveté mais aussi son charme indéniable. Timothy n'avait plus qu'à oublier où il était, toutes les épreuves qu'il avait parcourues au cours des mois qui venaient de s'écouler pour se concentrer uniquement sur la belle brune sur ses genoux. Il hocha donc la tête aux mots rassurants de la jeune Anderson, elle qui lui prouvait à nouveau qu'elle ne jugerait pas le peu d'expérience qu'il avait, acceptant même de le guider s'il en avait besoin. Pourtant, Tim avait un instinct des plus efficaces, il avait déjà eu l'occasion de le montrer, lui qui savait pertinemment comment lire les désirs de l'autre, lui qui prenait toujours le temps d'apprivoiser l'autre. Il aimait s'oublier, Timothy, et quelle occasion en or il avait ce soir-là de se concentrer idéalement sur les désirs de Primrose, sur tout ce qu'elle ne pouvait pas obtenir avec un autre parce qu'il n'était pas eux, le français, il était celui qui s'intéressait, celui qui voulait qu'elle se dévoile à lui autant qu'il se dévoile à elle. Donnant donnant. Il sentit la main de Primrose atteindre sa peau et il frémit à ce contact alors qu'il fit voyager sa main dans le dos dénudé de la brune pour l'approcher un peu plus de lui, ses lèvres venant voguer à leur tour contre son cou, échange de bons procédés qui faisait du bien. Il baisa sa gorge, son cou, osa faire passer ses doigts à son tour sur sa peau si douce alors que ses yeux essayaient de capter les siens. Il la voulait, elle, Primrose, plutôt que Poppy, mais il savait que le tout lui était interdit à l'heure actuelle. Serait-ce toujours le cas? Il n'en savait trop rien alors qu'il faisait remonter quelques doigts sur la poitrine encore vêtue de la danseuse, y allant doucement, de peur de mal faire, de peur d'être complètement à côté, sa seconde main caressant son flanc pour qu'elle se mouve légèrement contre lui, pour que ce contact les fasse frissonner tous les deux. Le rythme était doux, lent, et Tim aimait cela, une découverte plus réfléchie de ce qu'était le désir, le bleu de ses yeux venant chercher ceux de Primrose alors qu'il cherchait son aval pour la dénuder, se contenter de le faire avec ce regard si déroutant, ses lèvres venant se poser sur ses joues, sur son menton, attendant peut être une autorisation divine pour venir les poser sur celles de sa vis-à-vis et vivre ce moment de grâce dans un réel partage. Avec Primrose, pas avec Poppy.

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