Gabriel avait ce qu’on appelle aujourd’hui une grosse journée. Depuis maintenant plus d’un an sa réputation dans Brisbane c’était étendu et il commençait à vraiment travailler pour des personnes très importantes. Un riche monsieur de la ville, c’est comme ça qu’il les appelait tous, des riches monsieurs et des riches madames, lui avait demandé conseil pour un grand vernissage qu’il donnerait au profit d’une association. Le jeune homme avait bien sur accepté, c’était le genre de proposition qu’on ne pouvait guère refuser à moins d’être complètement fou. Pour le remercier le riche monsieur qui s’appelait en réalité Mr. Van de Kamp, lui proposa d’exposé trois de ses toiles personnelles. Gabriel était planté depuis maintenant une heure et seize minutes devant son mur avec ses œuvres personnelles. Il avait du mal à choisir lesquelles emmener et lesquels surtout pourraient bien plaire au public présent. Il opta finalement pour une toile représentant l’Amérique comme il avait pu la voir il y a des années, ça plaisait toujours ce genre de tableau. Il prit également une peinture représentant un couple de dos main dans la main face à l’immensité du monde et quelque chose d’un peu plus sombre qui représentait un cauchemar profond. Quelque chose qu’il avait ressentit quand il s’était retrouvé dans le coma, il y a bien dix ans maintenant.
Tout était prêt et comme il ne devait pas être en retard, il alla enfiler le smoking noir et blanc que son ôte lui avait formellement conseillé de porter pour ce soir. Il s’était même raser et avait coiffé ses cheveux, chose qui lui arrivait au gré de ses humeurs, à croire qu’il était d’humeur mondaine. En sortant de chez lui, il ferma avec soin sa galerie même en sachant que son frère y rentrerait à son tour dans quelques heures. Une fois en voiture et sur le chemin, il croisa quelques jeunes traversant sans regarder devant eux et cela lui rappela étrangement une époque dont il n’avait pas que des bons souvenirs. Pour rien au monde il ne retournerait au lycée lui qui avait cependant adoré son école d’art. Le lycée n’était décidément pas pour les gens comme lui, les adolescents un peu paumés qui cherchaient désespérément leur place. Non, il n’y avait décidément que de la place pour les gens un peu populaire comme la bande qui venait de traverser devant sa voiture à cinq cent mètres d’un vrai passage piéton.
En arrivant sur place, il salua Mr Van de Kamp et confia ses toiles à quelqu’un qui était chargé de les mettre en place. Le monsieur riche lui expliqua son rôle ce soir. Gabriel était là pour décrypter les toiles aux futurs acheteurs bien qu’il devait tout faire pour en vendre un maximum. Interdiction de boire mais il pouvait rappeler aux invités où se trouvaient les cocktails, apparemment l’alcool avait un effet positif sur le portefeuille que Gabriel avait ignoré jusqu’à présent. En début de soirée, les portes s’ouvrirent enfin pour un vernissage remplie de personnes toutes mieux habillaient les unes que les autres. Gabriel était passionné par tout ce qui se passait ce soir, passant au travers des toiles, il en expliquait le contenu, l’artiste et surtout il savait que Mr. Van de Kamp avait un œil sur lui. S’il voulait pouvoir revenir plus tard, il fallait assurer un maximum ce soir.
J'ai pas franchement rêvé de te revoir et pourtant ..
Les soirées mondaines, les vernissage, les bals, ce genre de soirée j'y étais abonnée et j'adorais ça. Je suis bien née quand on regarde bien, sous la plus belle des étoiles, j'ai su monter les échelons et la célébrités bien facilement, mais c'est parfaitement normal. Et pourtant je suis toujours aussi indépendante et personne ne me fait chier. Tout le monde me respecte, a peut-être peur de moi, mais je suis invitée partout où l'argent coule à flot. Il m'arrive de dépenser à droite à gauche pour de belles œuvres, pour de bons cocktails, pour de pauvres associations quand je suis d'excellente humeur, mais je n'ai pas de réels trous dans la main. Je préfère claquer un max d'argent dans mes belles robes de soirées. Comme celle-ci que j'avais acheté et fais ajusté la veille pour qu'elle me moule parfaitement les courbes de mon corps, pour que toutes les femmes présentes ce soir en meurent de jalousie et pour que tous les hommes présents ce soir me désirent comme des fous. Oui cela a toujours été mon but, que ce soit dans ce genre de soirée ou simplement dans la rue. J'aime autant être jalousée que désirée. Et puis sait-on jamais, peut-être qu'un charmant milliardaire me proposera un tour dans sa superbe limousine et qu'on finira par une partie de jambe en l'air. Oui je ne pense qu'à ça puisque avec tous les derniers événements de la semaine, j'ai l'impression de n'avoir eu aucune proie depuis une éternité. Mais qu'importe, ce n'est pas le moment d'y penser. J'arrivais en taxi devant la galerie d'art et m'y rendais perchée sur mes hauts talons assortis à ma robe en étant la plus classe et sexy possible. Forcément, beaucoup d'oeil de posèrent sur moi dès mon entrée. C'était la moindre des choses. Je passais et repassais entre plusieurs personnes, seules ou en groupe, sans apercevoir notre cher hôte du soir, mais pour tomber sur des tableaux un peu étrange et sans rapport avec les autres. Je fronçais légèrement les sourcils, perplexes jusqu'à ce que mes yeux se posèrent sur un visage familier. Je souriais instinctivement. Mais ne soyez pas dupes, ce sourire était tout sauf amical et jovial. Non, il était mesquin et sadique. J'allais pouvoir m'amuser ce soir, et d'un façon à laquelle je ne m'étais pas attendue. Tiens tiens tiens, mais qui voilà ? Un pauvre petit rat qui s'est perdu dans l'immensité du luxe ? Au lieu de flâner tu ferais mieux de nous servir des breuvages que tu es sensé nous apporter. Lui répliquais-je froidement et méchamment. Ca faisait longtemps que je ne l'avais pas vu, mais ce type m'avait toujours inspiré la médiocrité.
Sans avoir bouger alors qu’il parlait à deux personnes qui semblaient intéressé par un tableau, il entendit une voix mais ce n’était pas n’importe quelle voix, puisque celle-ci lui faisait dressé les poils sur les bras. Il s’excusa auprès des personnes sachant très bien qu’elle ne le laisserait pas tranquille avant un certain temps, surtout si elle n’avait pas changé. Rebecca s’adressa à lui et il roula des yeux avant de se tourner pour être vraiment face à elle, un large sourire hypocrite sur les lèvres. Elle ne s’était jamais intéressé à lui, à ce qu’il pouvait aimer ou ce qu’il aurait pu devenir mais bon ce n’est pas comme si lui était intéressé par la petite fille à papa. Hors de question que Gabriel perde la face, ce soir devant elle. Elle n’était plus le tiran du lycée et lui n’était plus le garçon paumé de l’époque. La preuve, les riches messieurs recommandaient sa présence à beaucoup de vernissages et expositions.
- Rebecca ! Si j’avais pensé te voir dans une soirée comme celle-ci… Après tout, certains d’entres nous n’ont pas besoin de leur cerveau pour acheter une toile. Il marqua une brève pause avant de reprendre la parole prenant une expression sur le visage entre la confusion et l’étonnement. Je manque vraiment à tous mes devoirs…
Gabriel se dirigea donc vers l’endroit où le champagne était servi, il prit une coupe pour Rebecca. Au passage, il glissa au barmen de prévenir Mr. Van de Kamp pour lui dire que qu'il était sur une grosse affaire et que s’il faisait des tours au bar ce n’était pas pour boire lui-même, bien que là tout de suite, il en aurait bien eu besoin. Retournant rapidement auprès de la jeune femme, il lui tendit la coupe.
- Ce sera tout ou tu comptes encore jeter un peu de ton venin ?
La regardant dans les yeux, il lui sourit. Jamais il n’avait baissé la tête face à ses remarques et sûrement pour cela qu’elle adorait s’en prendre à lui durant toutes ses années. Il avait espéré même si c’était la première fois qu’il y repensait depuis des années qu’elle aurait pu changer avec le temps mais bon les filles riches à papa le reste toutes leurs vies donc c’était un peu demander un miracle là où il ne pourrait jamais y en avoir. Qu’elle le prenne donc pour un serveur ne l’étonnait guère d’ailleurs. Mais il n’attendait qu’une chose, qu’une seule personne dans cette pièce gigantesque prenne le temps de regarder l’une de ses œuvres et veuilles l’acheter. Le propriétaire des lieux viendrait immédiatement le féliciter et elle se retrouverait vraiment… Aussi bête qu’elle en avait déjà l’air en fait. Ou plus ?
J'ai pas franchement rêvé de te revoir et pourtant ..
C'était toujours étrange de recroiser un ancien camarade de lycée dans ce genre d'endroit. Soit je ne les reconnais pas, soit ils sont devenus intéressants, soit on s'évite. Ici, je n'avais pas pu m'empêcher de venir faire chier ce petit brun dont j'avais forcément oublié le prénom, mais qui semblait faire parti des invités. Ca se voyait qu'il n'était pas serveur, vu qu'il n'avait pas de plateau et qu'il discutait avec des invités avant que je ne débarque et ne interrompe. J'avais juste envie de l'emmerder, comme au bon vieux temps, et c'était revenu assez vite. C'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas, surtout ceux que j'ai vraiment pris plaisir à faire chier presque toute la période du lycée. Toujours est-il qu'il se rebellait bien plus et bien mieux que dans mes souvenir. Alors j'eus un léger rire moqueur et lui répondais Ouuuh quelle belle réplique, tu t'es amélioré dis donc ! Par contre tu comprendras certainement pourquoi je n'ai pas du tout retenu ton prénom n'est-ce pas ! Ce n'était pas une question, juste une affirmation pour continuer sur ma lignée. Mais mon regard était tout de même un peu attiré par les tableaux qui se trouvaient derrière lui et je commençais un peu à devenir curieuse. Mais bizarrement, il accepta d'aller me chercher une coupe de champagne. Etrange … Peu importe. Je regardais les toiles vraiment différentes en face de moi, et surtout bien différentes de l'expo. Bizarre. Je n'eus pas le temps de me poser davantage de question qu'il revint avec ma coupe et la lui pris des mains en lui disant un faible et froid Merci. Je le regardais, et me demandais comment j'avais pu le reconnaître aussi rapidement, il avait quand même bien changé, bien vieilli, mais bizarrement, il était bien mieux ainsi qu'au lycée. Peut-être avait-il pris plus confiance en lui, oui ça doit être cela. Je souriais à mon tour, amusée par sa question et reportais de nouveau mon attention vers les toiles. Il est évident que tu n'es pas serveur, alors je me demande bien qui tu travailles pour avoir été si gentiment invité. J'espère pour toi que t'es payé … Lui disais-je mesquinement, même si j'étais bien plus intriguée par la vraie raison de sa présence ici ce soir. Je pouvais balancer des tonnes d'hypothèses, mais je sentais que quelque chose clochait et que j'étais loin de la vérité et qu'elle m'échappait.
Gabriel échappa un léger rire sec en haussant les sourcils. Il était faussement surpris de la réplique que venait lui lancer Rebecca. Il n’avait jamais vraiment compris pourquoi il avait été l’un de ses souffres douleurs durant le lycée. Il ne fallait pas se leurrer, il n’y avait pas que lui mais elle était souvent sur son dos. Peut-être parce qu’il n’était pas riche, que ses parents n’avaient pas de quoi lui payer de super vêtements à la mode ou alors parce qu’il n’était pas footballeur ? Un mélange des trois, c’était certain. C’est vrai qu’aujourd’hui il avait plus de répondant sûrement parce qu’il avait maintenant un destin bien tracé dans ce monde et que la vie lui avait apprit ce que c’était de vivre à son réveil à l’hôpital après un coma de plusieurs jours. Il eut un léger sourire en coin en regardant Rebecca dans les yeux.
- Quelque chose me dit cas la fin de cette soirée, tu n’oublieras plus jamais mon prénom et encore moins mon nom.
Quand il lui rapporta cette fameuse coupe de champagne, il sentit la froideur qu’elle mettait dans un seul mot et cela le laisser perplexe. Qu’est ce qui pouvait rendre une femme comme elle aussi froide ? Peut-être qu’un de ses nombreux amants, oui Gabriel la voyait comme une de ces femmes qui aimaient beaucoup les hommes, n’avait pas réussit à la faire assez crier la nuit dernière. Cette pensée lui donna un nouveau sourire en coin à peine visible. Il fit un léger signe de la tête tout en observant un couple devant l’une de ses toiles, celle avec le couple de dos devant l’immensité du monde, peut-être que ce couple là se voyait au travers de son tableau. Son attention se reporta sur la jeune femme quand elle se remit à parler.
- J’aimerai bien entendre quelques unes de tes hypothèses…
Elle commença à parler et donc d’évoquer toutes théories qui lui passaient par la tête. Ce n’était pas très flatteur de voir l’estime qu’elle pouvait avoir de lui mais il n’était pas blessé dans la mesure où il ne s’intéressait pas beaucoup plus le pourquoi elle se trouvait ici. Monsieur Van de Kamp arriva s’excusant de déranger les deux jeunes gens et il prit serra la main de Gabriel.
« L’un de vos tableaux est parti pour cent quatre vingt dollars ! Bravo Jenkins ! »
Le remerciant à son tour, l’ôte repartit rapidement bien trop excitait par cette vente. Il continuait de se pavaner parmi les invités comme tout homme riche savait si bien le faire. Il avait plutôt hâte de rencontrer ce couple qui avait acheté son tableau. Le propriétaire des lieux, lui avait promis qu’il pourrait lui-même transmettre le tableau une fois la vente faite. Peu d’artistes le demander mais c’était essentiel pour Gabriel. Son regard se reposa sur Rebecca. La jeune femme avait une expression sur le visage difficile à d’écrire. Il reprit la parole.
- Je suis peintre. Plutôt reconnu depuis quelques années. Dommage pour tes hypothèses. Tu auras au moins apprit mon nom ce soir.
J'ai pas franchement rêvé de te revoir et pourtant ..
Par le simple fait qu'il semblait si sûr de lui que je retienne son nom d'ici la fin de la soirée m'intriguait. Jamais personne n'était aussi confiant face à moi, face à mes paroles, encore moins lui à l'époque du lycée. Mais il est évident que cette époque est bien loin derrière lui. Dommage, j'aurais pu m'amuser plus longtemps avec lui. J'essaie donc d'être un peu plus sérieuse, même si les piques, je ne peux pas m'empêcher d'en faire, encore moins avec un homme comme ce type si médiocre et qui n'avait sûrement pas si bien réussi dans la vie … Enfin, je voulais croire à ça, parce que même avec mes hypothèses, je commençais à en douter. Ce sentiment qui fait que je me sens vraiment sur le mauvais chemin. Quand l'hôte de la soirée s'avança vers moi, je ne pus m'empêcher de faire un large sourire et plutôt aguicheur, celui dont on ne résiste pas. Seulement je tombais bien bas quand il m'ignora totalement et s'avança directement vers ce lycée boutonneux que j'avais connu. Non mais je rêve ? Et je l'entendais dire des choses totalement absurdes et grotesques. L'un de ses tableaux ? A lui ? Non, je rêve ! J'avais bien remarqué ces quelques tableaux bien différents de ceux là pas dégueulasses du tout, mais au point que ce soit les siens ? Non, il doit y avoir une explication. Aucune. Il appuya le fait qu'il était peintre et reconnu. J'écarquillais les yeux, totalement choquée par la nouvelle. Ton nom ? Je me suis arrêté à « peintre » désolée … Toi ? Un peintre ? Ca m'étonnerait … Je sais reconnaître les peintres et toi, tu ressembles davantage à … à un type du bâtiment. Pas à un artiste reconnu. Après tout, il était dans son coin, certes avec un smoking qui lui allait horriblement à ravir, mais il ne connaissait personne et il ne se fondait clairement pas dans la masse, sinon je l'aurais remarqué. Ok, je l'ai remarqué, mais seulement parce qu'il se démarque avec son audace dans la venue de ce monde qui n'est clairement pas fait pour lui. Je finissais par boire ma coupe de champagne en entière. J'en avais bien besoin pour digérer tout ça.
A la différence de Rebecca, Gabriel ne prenait de grand air avec personne. Pour lui il n’y avait pas de personnes supérieures ou inférieures pour la bonne raison qu’il ne se considérait pas comme ça. Le fait qu’elle était bien habillée, très certainement riche et avec une attitude qu’il n’aurait jamais ne faisait pas d’elle quelqu’un de supérieur. Alors pourquoi aurait-il différent avec elle ? De plus, il était certain qu’elle ne prendrait même pas la peine de poser un regard sur ses peintures, à moins qu’elle ait aussi une réflexion sanglante à leurs propos. Quelque part, le travail de Gabriel ne pouvait pas être aimé de tout le monde, il en était conscient. Il observa Rebecca près à riposté quand celle-ci afficha un sourire bien particulier. Il roula des yeux manquant de sortir « T’es sérieuse ? Ce genre de sourire ça attire les hommes ? » mais l’hôte de la soirée arriva pour lui parler et il en fut ravi ! Après lui avoir parlé de la vente, il reparti ventant les mérites de Gabriel à travers la pièce. Il fronça son visage en regardant Rebecca après qu’elle lui ait répondu ?
- Ah oui ? Les peintres ont un genre de marque que tu reconnais ? Je gagne beaucoup d’argent grâce à la galerie que j’ai dans Pine Rivers et crois le ou non mais je suis loin d’être dans le bâtiment.
A cet instant même, elle était tellement énervante. Il serra sa mâchoire tout en la regardant. Il rêvait de l’emmener là où les peintures vendus étaient stockés pour lui montrer de quoi il était capable en tant qu’artiste et lui faire fermer sa jolie bouche une bonne fois pour toute. Il la vit boire sa coupe de champagne d’une seule traite, elle avait une bonne descente la petite fille à papa. Quand elle eut fini, il s’approcha d’elle tout en la regardant dans les yeux, posant sa main autours du verre, celle-ci toucha légèrement la sienne.
- Une autre coupe ? A moins que tu préfères que je te débarrasse de ma présence ?...
Gabriel eut un léger petit sourire, un poil provocateur. La situation commençait à l’amusait se rendant compte qu’elle était un peu déstabiliser face à la situation. La reine du lycée qui prenait conscience que l vilain petit canard avait réussit dans la vie. Quelle horrible révélation.
J'ai pas franchement rêvé de te revoir et pourtant ..
J'aurais tellement aimé avoir raison, qu'il soit ici simplement pour nous servir, qu'il aurait été tellement incapable en peinture qu'il a fini par se rabattre sur le service dans les galeries d'art. Et je me sentais conne de l'avoir mal jugé, de voir qu'il avait réussi. Encore heureux que moi aussi j'avais réussi et pas seulement à cause d'un homme. De toute façon, ça n'aurait pas été possible, je suis bien trop féministe pour ça. Et indépendante aussi. Le brun que j'aimais tant martyriser me scotcha encore plus avec sa galerie d'art à Pine Rivers. C'est pas vrai. Je préférais donc boire face à toutes ces nouvelles qui faisaient que je m'intéressais de plus en plus à ce type qui m'avait toujours révulsé. Aujourd'hui je me sentais bizarre, un peu comme honteuse et attirée par ce type qui avait finalement réussi. C'est débile, je ne m'abaisserais pas à ça. Après tout, je vois toujours ce pauvre gamin du lycée. Il finit par me proposer une autre coupe de champagne alors que j'étais perdue dans mes pensées, me demandant ce que je pouvais bien faire à présent pour rattraper le coup. Je n'avais plus rien de valable pour l'emmerder et là c'est moi que ça emmerdait. Surtout qu'il était loin d'être comme à l'époque du lycée, rien qu'à sa façon de me répondre avec des répliques que même moi je n'aurais pas forcément aussi bien trouvées. C'est alors qu'il posa sa main autour de mon verre et presque au dessus de ma main par conséquent. Ma main se resserra davantage autour du verre, tellement que j'ai cru que je l'avais brisé. Je haussais les sourcils face le fixant sûrement un peu trop et lui répondais Je préfère d'abord avoir une autre coupe. Je relâchais alors enfin le verre, le lui laissant aller m'en chercher un autre. Je n'aurais pas du, j'aurais mieux fait d'aller la chercher moi même. A la place je me retournais et la première chose que je vis, c'est ces trois toiles qui étaient bien différentes des autres de l'expo et en même temps très différentes les unes des autres. Elles m'intriguaient et ce n'était pas bon, il allait croire que je m'intéresse à son travail après ! Allez, trouve une réplique sanglante ma fille avant qu'il ne revienne !
Gabriel récupéra donc la coupe vide entre ses doigts et se dirigea vers le bar qui en remplissait au fur et à mesure que les autres se vidaient. Lui aussi en aurait bien prit une mais il avait encore pleins de choses à faire ce soir. Quand tout le monde partirait, il faudrait sûrement qu’il échange un long dialogue avec le grand monsieur de la soirée. Mais il était plutôt heureux d’avoir vendu une toile encore plus sous les yeux ahuris de Rebecca. Quand il se retourna avec sa couple pleine dans les mains, son regard se posa sur elle et elle était justement entrains de regarder ses toiles. Il savait qu’il avait un art bien particulier qui ne collait pas avec tout et surtout qui ne plaisait pas à tout le monde. C’était comme ça qu’il voyait les choses, le reste lui importait peu surtout qu’il arrivait tout de même à se faire un nom parmi les jeunes artistes qui sortait du lot. Il n’aurait peut-être pas la carrière de Van Gogh à moins de trouver un truc encore plus trash que se couper une oreille… Il se dirigea de nouveau vers Rebecca lui tendant sa nouvelle coupe.
- L’une de mes peintures te plait ?
Il leva la tête un bref instant pour regarder ses toiles. Il les connaissait par cœur. Chaque trait, chaque couleur et chaque nuance. Il savait très bien aussi qu’elle allait répondre non mais peu lui importer. Des refus il en avait eu plusieurs durant sa vie et le sien ne ferait pas grand différence. Rebecca était devenu intrigante presque intéressante et il fut lui-même surpris de ce qui allait sortir de sa bouche à cet instant même.
- Qu’est ce que tu fais dans la vie ? Pour te retrouver au milieu de tous ces gens riches.
Il ne mentionna pas le fait qu'elle pouvait être mariée à un homme riche puisqu'elle n'avait pas d'alliance. D'ailleurs cela l'étonner un peu, il pensait franchement qu'elle se serait casé auprès d'un homme ayant un gros héritage financier et qui pourrait lui payer autant de chaussures qu'elle le désirait. Le fait qu’ils puissent presque avoir une conversation qui devenait normale était perturbant. L’un ou l’autre mettrait sûrement rapidement fin à tout ça bien qu’une légère part de Gabriel envisageait plus. Bien sur même sous la torture il ne l’aurait jamais avoué. Une deuxième toile portant le nom de Gabriel Jenkins parti quelques minutes plus tard sous les applaudissements des quelques personnages qui se trouvaient autours d’eux à ce moment là. Il était plutôt fier de lui, c’était une bonne soirée qui lui ouvrirait sûrement d’autres opportunités futures.
J'ai pas franchement rêvé de te revoir et pourtant ..
Mon regard s'arrêta devant ce tableau qui m'intriguait. Il était bien plus sombre et plus déprimant que les deux autres, mais il me captivait d'une façon bien trop étrange. Il me rendait triste mais il me faisait du bien aussi. Une émotion qui ne m'était jamais arrivé avec toutes les toiles de tous les vernissages auxquels j'avais pu assisté. Quand mon cher bouc émissaire revint avec ma coupe de champagne, il me sortit de mes pensées, chose qui me fit un peu sursauté. Enfin, il m'avait un peu surprise, mais rien de bien flagrant, je l'espère tout du moins. Est-ce que l'une de ses peintures me plaisaient ? Question piège ? J'avais le droit de m'enfuir là tout de suite ? Non mais parce que je n'avais plus ce genre de réplique que j'aimais tant lui balancer, je me retrouvais à apprécier son travail. J'aurais pu être malade rien qu'en pensant à cela. A la place j'essayais d'éviter un peu la question Je n'en achèterais pas si c'est ce que tu demandes. Ok, c'est mal placé, et pour bien l'avouer ce n'était pas vrai. Mais je ne savais plus comment faire pour reprendre ma place, celle que j'aimais avec lui. Seulement ça devenait de plus en plus un effort et au final il se voulait sympathique et ça me touchait. Alors oui c'est certainement parce qu'il a réussi à vendre l'une de ses toiles qu'il commençait certainement à m'intéresser, mais ça me dérangeait tout de même assez. Est-ce que j'allais répondre à sa curiosité ? Après tout, c'est pour parler de moi, alors qu'est-ce que je perdais en refusant de parler de moi, pas grand chose. Je pris une gorgée de la nouvelle coupe de champagne qu'il m'avait rapporté et lui répondais Je suis conceptrice de jeux vidéos chez Witch Beam. A force j'ai rencontré du monde, autant par mon travail que par le voisinage. Lui répondais-je simplement avant de boire encore une gorgée et de lui poser la question qui m'intriguait C'est parce que tu es sensé représenter tes toiles que tu te prives de champagne ? Lui demandais-je parce que c'est toujours plus fun ce genre de soirée avec de l'alcool en plus. Je me radoucissais, c'est un fait, mais pour combien de temps encore ? Un petit plus certainement, le temps que je trouve de nouveau quelques répliques tranchantes à lui envoyer.
Un petit sourire en coin se dessina sur la bouche de Gabriel, il n’en attendait pas moins de la part de Rebecca. Dommage pour elle, il avait bien remarqué le regard qu’elle avait lancé sur l’une de ses toiles et cela lui suffisait. Il n’était pas venu ici nécessairement pour vendre mais pour se faire connaitre et pouvoir rencontrer d’autres artistes mais aussi le genre de personnes qui venaient à ce genre de soirée. Pour le moment, il n’avait pas était déçu même si voir Rebecca lui avait un peu fait l’effet d’une bombe le renvoyant directement à l’époque du lycée. Heureusement pour lui, elle était belle et bien finie.
- Dommage…
Gabriel n’ajouta rien écoutant Rebecca lui répondre à son tour. Bien évidemment, c’était juste par curiosité qu’il avait posé ces questions, enfin c’est ce qu’il s’efforçait de penser car s’intéresser à elle était lui donner raison, chose qu’il ne pouvait pas laisser faire, lui qui commençait à avoir un peu d’emprise sur leur conversation. Il acquiesça ensuite ces dires, elle s’en était pas mal sorti, il fallait l’avouer, pas de mari riche pour lui payer le luxe qu’elle avait besoin. Visiblement, elle se débrouillait très bien seule.
- Exactement. Si l’artiste est ivre, tu imagines le scandale ?
Pourtant cette coupe de champagne, il en avait envie. Peut-être qu’une fois que tout le monde serait parti, il pourrait en avoir une en remerciement pour ses toiles vendues. Son regard se posa sur la bouche de Rebecca qui elle, c’était posé sur la coupe de champagne et une drôle de sensation envahit le corps de Gabriel qui le fit perdre un peu pied l’espace de quelques secondes. Une idée lui vint en tête. C’était un peu risqué, idiot et surement dangereux mais cette soirée se dérouler décidément d’une étrange façon. Il mit les mains dans ses poches de pantalon se retournant de trois quart pour observer où se trouver le maître de maison. Assez loin visiblement. Il se pencha à l’oreille de Rebecca pour pouvoir lui parler sans que personne d’autres autours d’eux ne puisse l’entendre.
- Tu aimerais voir la pièce où sont toutes les œuvres sont entreposés une fois les ventes conclues ?
Honnêtement, il s’attendait à un refus. Un haussement de sourcil peut-être et un regard qui le tuerait sur place mais après tout pourquoi pas ? Il ne lui proposait pas de se jeter d’un pont. Gabriel se redressa attendant une réponse de sa part.
J'ai pas franchement rêvé de te revoir et pourtant ..
Pourquoi me disait-il dommage, après tout il en avait déjà vendu deux sur trois et la soirée était loin d'être terminée. Il n'avait clairement pas besoin de moi pour le sauver de sa misère, et loin de moi l'envie de lui donner de l'argent pour une simple décoration qui s'accroche au mur et ne sert à rien. Ok, j'y vais un peu fort, mais j'ai deux tableaux chez moi, seulement, donc je les choisis avec très grande attention, et même si la nouvelle richesse de Gabriel m'intéresse, je ne vais non plus l'aider à s'enrichir, et puis quoi encore ! Si cela n'avait pas été lui, j'aurais peut-être craqué. Enfin, pas sûr. Je dois bien avouer que je m'y attardais parce que mon ancien camarade m'intriguait assez. C'était bien la première fois. Je trouvais ça dommage en attendant qu'il ne puisse pas profiter de l'alcool à flot comme tous les autres invités, même si je devrais surtout m'en foutre. J'esquissais un sourire refoulé quand il parla de scandale s'il se mettait à boire, parce que je l'imaginais ce scandale et oui ça me donnait le sourire. Ca animerait la soirée au moins. Répondais-je d'un ton bien plus taquin que méchant cette fois-ci. Je reprenais donc mon breuvage en bouche et je sentis d'un coup son regard sur moi. Parfait, qu'il continue, qu'il admire la véritable beauté en ce lieu ! Mais il se pencha vers moi pour me faire une proposition des plus étranges, douteuses et audacieuse, légèrement déplacé. Je manquais de m'étouffer, et retirer la coupe de mes lèvres pour le regarder à mon tour, d'un air faussement outrée et lui répondais Me retrouver seule avec toi dans une pièce ? Ne te fais pas de fausses idées surtout, tu n'es pas du tout mon genre. Ok, j'en rajoute clairement, et il était déjà devenu un peu plus mon genre après avoir vendu ses toiles, mais je voulais le mettre mal à l'aise, je voulais l'emmerder. Je détournais mon regard de lui pour boire de nouveau une gorgée de mon champagne. Mais je te ferais l'honneur de ma présence, après tout, ton œuvre en vaut un peu la peine. Rajoutais-je en paraissant légèrement blasée et in-intéressée, alors que j'étais plutôt curieuse à l'idée de découvrir cette pièce et de braver les interdits surtout.
Animer la soirée n’était pas vraiment son rôle même s’il était presque sûr qu’elle disait cela juste pour le mettre en mauvaise position. Elle serait sûrement bidonné de le voir échouer et se faire virer par les gardes du corps de cette soirée qui paraissait si mondaine. Mais ce soir, il était sûr de lui et il savait exactement quoi faire pour se faire apprécier de son hôte et ce n’était pas pour se venter mais c’était presque dans la poche et la soirée n’était pas encore finie.
- Je ne suis pas là pour animer mais seulement pour montrer mon art...
Un bref sourire qu’elle ne pu remarquer ou qu’apercevoir prit place sur sa bouche quand elle manqua de s’étouffer avec sa gorgée de champagne. Il ne pouvait pas nié que c’était le genre de réaction qu’il voulait provoquer chez elle. Bon sa réponse disait tout autre chose. Si au départ, il aurait supplié pour la voir disparaitre au moment où elle lui avait adressé la parole, il commençait désormais à bien s’amuser. Il n’était pas son genre et elle n’était pas le sien, alors ils ne risquaient pas grand-chose à se retrouver dans une pièce tous les deux non ?
- Très bien, je ne risque rien alors.
Son regard suivi Rebecca qui détourna le sien pour boire une autre gorgée de son champagne. Gabriel lui fit un petit signe de la tête en souriant pour l’inviter à le suivre. Traversant la grande pièce de l’exposition il poussa ensuite une autre petite porte qui menait dans un couloir. De là, il ouvrit une porte vérifiant qu’il n’y avait personne dedans, il l’invita ensuite à entrer. C’était une pièce très clair malgré le fait qu’il fasse nuit. Beaucoup d’œuvres étaient entreposés ici. En plus des trois qu’ils avaient ramenés pour l’exposition il y en avait d’autres à lui, juste au cas où. Si le propriétaire changeait d’avis en décidant d’en vendre plus ou qu’il fallait en remplacer une par une autre. Il pointa deux toiles de son index posait sur un présentoir.
- C’est deux là sont à moi.
Gabriel se mordilla la lèvre tout en observant du coin de l’œil les réactions de Rebecca. Ce qui se passait dans sa tête n’était pas vraiment très clair et pourtant il n’avait pas bu. Le fait était qu’elle était une très jolie femme et elle le savait sûrement. Elle appuyait sur ça et c’était difficile de rester calme en sa présence bien qu’il ne devait pas oublier qu’il était bien en dessous de l’échelle sociale pour madame.
J'ai pas franchement rêvé de te revoir et pourtant ..
Dans quoi je m'embarquais sérieusement ?! J'avais l'impression de m'affaiblir, de devenir sympathique avec ce pauvre garçon du lycée qui n'avait jamais eu grand intérêt pour moi à part de continuellement me moquer de sa personne. Certes, aujourd'hui je suis bien plus mature et j'admire un peu son avancée dans le monde artistique, mais il n'est toujours pas à ma hauteur, alors pourquoi lui donner autant d'importance ? Je me ramolli c'est évident. J'aurais bien plus apprécier me diversifier par sa personne en me moquant de lui de nouveau, mais il semblait bien plus intelligent que dans mes souvenirs, vu qu'il ne comptait pas mélanger boisson et boulot. Et je crois bien que c'est ça qui m'a déstabiliser, en plus du fait que ses tableaux me rendaient un peu étrange. Peut-être m'intriguaient-ils, mais ce serait de nouveau une faiblesse de ma part de le lui avouer. Seulement il semblerait que je m'ennuie vraiment encore vu que j'accepte même de voir ses autres œuvres. C'est juste que me rendre dans un lieu interdit au public m'attire davantage. Je ne pus m'empêcher d'avoir un petit rire moqueur quand il me fit savoir qu'il ne risquait rien vu qu'il n'était pas mon type. Il croyait vraiment que je voulais le violer ? Laissez moi rire. Mais bon faut bien avouer qu'à l'époque, jamais je n'aurais accepté me retrouver seule dans une pièce avec lui ou avec un type de son genre. Il me montra alors deux de ses toiles et je dois bien avouer que j'y ai déposé mon regard un peu trop longtemps, comme captivée. C'est alors que je m'en suis enfin rendue compte et que je me suis agacée contre lui, mais c'était plutôt contre moi Qu'est-ce que tu as mis dans ces toiles ? Dis-le moi ! Une sorte de drogue qui fait que nos yeux n'arrivent pas à en décrocher, c'est ça ? C'était terriblement con ce que je disais mais j'étais bien trop agacée par l'effet que me faisait ces toiles et surtout l'intérêt que je lui donnais. Je le fixais donc intensément, perplexe, attendant vainement qu'il me donne une réponse, même si je me sentais de plus en plus débile.
Un silence s’installa dans la pièce. Il ne fut pas très long mais c’est avec surprise que Gabriel constata que Rebecca malgré elle sûrement portait tout de même un intérêt très prononcé pour ses toiles. Que se soit elle ou quelqu’un d’autre, il était toujours très heureux de pouvoir faire cet effet avec ses toiles. Difficile à expliquer, quelques personnes s’arrêtaient presque figés devant son travail comme lui pouvait l’être devant le travail d’un autre artiste et cela lui prouvait qu’il ne faisait pas tout ça pour rien, qu’il vivait d’une chose extraordinaire qui était sa passion. Elle rompit le silence et un large sourire se dessina sur les lèvres de Gabriel se rapprochant par la même occasion un peu plus près d’elle.
- Nos yeux ou seulement les tiens ?
Gabriel se rapprocha encore d’elle, la regardant toujours dans les yeux. Pour lui ses années de lycée étaient bien loin derrière lui et n’avaient que très peu d’intérêt dans sa vie d’aujourd’hui. Il avait complètement mit fin à sa vie d’adolescent le jour où cet homme lui avait cassé la mâchoire et l’avait envoyé tout droit à l’hôpital pour environ les huit mois qui ont suivi. Il n’avait pas oublié ce qu’elle lui avait fait subir mais ça avait peu d’importance aujourd’hui, surtout maintenant qu’il était quelqu’un plutôt reconnu. Se stoppant à quelques centimètres de son corps, il se pencha, sa bouche tout près de son oreille se mettant à parler à voix basse comme si quelqu’un d’autre pouvait l’entendre s’il parlait plus fort.
- C’est si dur d’admettre que tu aimes ce que je fais ?
Le peintre se mordit légèrement la lèvre inférieure en souriant, sachant très bien qu’elle ne pouvait pas le voir. Puis Gabriel reprit son sérieux, même en affichant un petit regard de chien battu tout en redressant son visage pour faire de nouveau face à Rebecca. C’était un peu le jeu du chat et de la souris sauf qu’il était visiblement la souris.
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