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 (Amelyn #61) ► FROM A WHISPER TO A SCREAM

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Message(#)(Amelyn #61) ► FROM A WHISPER TO A SCREAM - Page 3 EmptyJeu 20 Jan 2022, 13:56





FROM A WHISPER TO A SCREAM
Un non-dit, c’est une plaie que l’on sous-estime. Convaincu qu’il est sans gravité, on ne la désinfecte pas. Puis, la douleur s’installe et on se réveille. On essaie de s’expliquer avant que le membre endommagé ne gangrène, mais il peut être trop tard si nous ne manquons pas simplement d’éloquence. Ce matin, j’ai tenté d’exprimer mes inquiétudes. Sauf que j’ai sans doute été trop sibyllin à moins que mes réflexes n'aient noyé le poisson de mes bonnes intentions dans le bocal de l’obscure et de l’abstrait. Résultat, ce sont eux qui m’ont contrôlé. C’est par leur faute qu’il me convient de marcher à tâtons sur le sentier de cette mise au point post-horreur et post-fugue. Je suis responsable des deux et, si ce sont les hormones ou l’amour qui transforment Raelyn en puits de compassion, j’en suis fort aise. Je la remercie, elle ainsi que toute chose à l’origine de ce mystère. N’en est-ce pas un lorsque j’aurais mérité une rouste sifflante ? N’en est-ce pas un quand il aurait été logique qu’elle s’en aille à son tour, ce matin, pour respirer un peu d’air frais quand l’appartement empeste les relents d’une anicroche et moi, l’alcool malgré une longue douche ? Je me suis même brossé les dents, soigneusement, mais le whisky transpire par tous les portes de ma peau. J’ai sauvé les meubles, pas effacé les traces et, bien que très attentif aux arguments de ma complice, je lui souris, mal à l’aise, quand elle pointe du doigt que je sème derrière moi tant d’indices qu’un bleu de la police m’aurait démasqué. En revanche, je ne réplique rien. Que dire ? Que je suis désolé ? Ce serait une fois de trop. Un “pardon” perd de la valeur si l’on en use à toutes occasions. C’est comme un “je t’aime”. Une fois ramené au rang de l’habitude, il ne veut plus rien dire. Alors, je hausse simplement les épaules. Je songe à nouveau que j’aimerais, moi aussi, être enfermé dans un bateau en pleine mer. «Et ce qui l’est pour moi, c’est que c’est en ventre libre. Je n’ai pas de coup de fil à passer à une connaissance…» Ou, dans le cas de Raelyn, à l’un de ses sbires. «Pour me procurer ce que je veux. La chaîne est plus courte.» Beaucoup trop courte pour moi qui suis mort de trouille à l’idée d’un changement radical dans mon comportement. J’ai peur que les démons que j’ai noyés dans l’alcool ne ressuscite par miracle et qu’ils me poursuivent à nouveau. J’ai peur d’être incapable de semer la colère, la culpabilité, l’impression d’être un raté, un échec sur pattes, un gars sans ambition,si tant est que je l’aie éte. J’ai de plus en plus régulièrement le sentiment que ces propos tenus par ma mère, sous prétexte que mes rêves ne répondaient pas aux siens, étaient le fruit de sa frustration. Ils ont agi sur moi comme un effet Pygmalion. J’ai été conditionné et je crains mon reformatage. «Mais, je veux rester vivant et en bonne santé.» Pour toutes les causes évoquées par ma future épouse. Je l’affirme avec la conviction d’un homme politique à la différence que je suis sincère. Dès lors, dès demain, je ferai un saut au AA, histoire d’observer s’ils ont quoi que ce soit à m’apporter. En attendant, je m’applique à analyser les différentes options dont Raelyn et moi profiteront ou, au contraire, subiront les conséquences. «Je comprends que tu aies besoin d’être certaine que je ne pars pas pour elle, mais surtout pour nous. Tu as besoin d’être certaine qu’elle ne sera pas Sofia…» Le seul lien, érodé, qui m’a gardé marié à une femme que je n’aimais plus, sans le réaliser, si bien que je me suis battu de toute mon âme durant des années pour des chimères. «C’est bien ça, non ? » Rae a hoché la tête et mes lèvres se sont rehaussés d’un sourire. Il dit : “je ne fais pas semblant de me remettre en question ou d’être honnête.” Il déclare également que la suite n’est pas un coup de tête, qu’elle est plutôt l’expression d’un besoin plus qu’un retour à la normale. Elle est ce que j’ai toujours voulu pour nous deux. Afin de dissiper le moindre doute, j’approche. Je caresse les doigts de mon soutien, mon moteur, ma motivation. J’avance ma main le long de ses bras tandis que je les évoque et qu’elle y répond. «J’aurais surtout dû ne pas me braquer, hier. Ou ne pas nous braquer tous les deux peut-être ?» C’est une hypothèse, pas une accusation : elle a admis s’être positionné sur la ligne de la défense pour peu de chose. «Ce qu’elle a fait de moi ou son impact de mes réactions ne veut pas dire que je pense que tu es comme elle, pas plus que comme ma mère parce qu’elles se sont longtemps données la main, tu sais. C’est juste un apprentissage pour moi. On parle d’une mauvaise manie qui vient de loin, c’est comme si je devais désapprendre à me ronger les ongles. C’est pas facile, mais ça n’a rien à voir avec toi.» Pas plus que je ne suis pas monté pour l’éviter. «Et, j’étais convaincu que je ne te trouverais pas dans notre chambre si j’avais eu la force de monter. Je me suis juste écroulé là où j’étais, tu sais.» J’ai ri, mais au fond, je sais que j’étais pathétique ce matin. «Ce qui explique le manque de discrétion. Je suis sûr, j’ai un hématome sur le mollet et peut-être même sur le coude.» Je secoue la tête mi-embarrassé mi-désinvolte. Je feins l’un et souffre de l’autre, c’est certain. «Je sais, mais même si j’ai confiance en toi, c’est difficile d’avouer qu’on se sent faible et lâche, tu sais.» ai-je ajouté tandis qu’elle bouscule ma tête depuis ma tempe de son index. Je suis plus à l’aise avec le baiser qui s’ensuit, preuve que j’ai le droit de la serrer dans mes bras. «Tu manques de sommeil. Je le vois bien. On devrait aller défaire le lit.» Et rattraper ces heures perdues à faire n’importe quoi pour l’un et à se tracasser et ruminer pour elle.

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