Il fait bon dormir aux Seychelles, je sais pas si c’est l’effet de l’alcool, de la douche chaude, du vin local, du décalage horaire, mais tout semble être un bon cocktail à me faire tomber comme une mouche et avoir du mal à me réveiller le lendemain. C’est quelque chose, plutôt quelqu’un qui me sort de mes rêves et mes mains viennent aussitôt se loger sur les cuisses d’Elise qui se met à califourchon sur moi. J’ouvre doucement les yeux quand son murmure parvient à mon oreille. Je la regarde, bien qu’en ayant l’impression d’ouvrir les yeux pleinement, je ne la vois que partiellement. C’est comme flou. J’dois pas être très bien réveillé. « T'as quoi au visage ? » quoi ? sa voix est moins douce tout d’un coup. Je fronce les sourcils enfin, j’essai, mais je sens bien une résistance ou plutôt… je sens plus rien. « T'as mangé un truc qui fallait pas ? » « ze bois p… » c’que c’est difficile de parler. J’ai l’impression d’avoir une énorme patate dans la bouche et que mes lèvres peines à s’ouvrir pour répondre. Je me redresse, impulsant sur mes coudes pour me jeter en arrière et coller mon dos à la tête de lit. C’est un peu moins flou à voir Elise en face de moi, mais toujours aussi partiel. Il se passe quoi ? « Z’ai qwfoi ? » bon, faut que j’me lève là. Je me retire du lit, me lève pour aller voir de quoi elle parle dans un miroir. Je sens comme mon visage qui tombe, attiré par l’attraction terrestre, plutôt du côté droite que du côté gauche d’ailleurs. « Bordel ze pas Bozzible. » heureusement que mes mains répondent entièrement à leurs commandes. Je réfléchis sans la moindre idée de ce que j’aurai pu manger ou boire qui pourrait me mettre dans cette état. « il ze pazze qufoi ? » je me retourne, presque paniqué face à Elise, elle peut pas me voir dans un tel état, pas ici, pas en vacances, pas le deuxième jour. C’est quoi l’idée ? De lui ruiner son séjour ? « Fé peut êt’ le bin ? » le vin ! bordel ! Je rassemble rapidement des fringues pour m’habiller au plus vite. « z’vais aller aux hurganche. » y a un hopital dans le coin non ? « ch’vai en taxchi. » qu’elle reste ici, qu’elle profite de sa journée, j’vais bien trouver un médecin qui puisse gérer ça, j’dois pas être le premier idiot à faire une réaction à leur produits locaux. Une chose est sure, que ce soit ce vin ou pas, j’y toucherai plus jusqu’à la fin de mon passage aux Seychelles.

« ze bois p… » Déjà de lui voir la tête, c'était un peu inquiétant. De voir qu'il a du mal à aligner un mot en arrière de l'autre, ce l'est encore plus. Il se redresse sur ses coudes pour s'asseoir dans le lit, t'obligeant un peu à te retirer de sur lui pour t'asseoir à ton tour. « Z’ai qwfoi ? » Hum, par où commencer ? C'est pas le choix qui manque. « T'as comme, euh… » que tu débutes en faisant des gestes incompréhensibles tout en pointant ton visage pour lui faire l'effet miroir. C'est pas très clair, mais c'est pas non plus très clair ce qu'il a son visage. Il vaut mieux qu'il aille constater les dégâts par lui-même. Voilà, c'est justement ce qu'il fait. Il se dégage du lit pour aller s'observer dans le premier miroir qu'il trouve. « Bordel ze pas Bozzible. » Bon, il te regarde pas. C'est sûrement la fraction de seconde où t'as le droit de laisser un petit sourire apparaître. Bon, oui, c'est inquiétant. C'est pas normale, mais c'est quand même un peu drôle, non ? Ça va, on peut se moquer un peu. Il n'est pas à l'article de la mort non plus. « il ze pazze qufoi ? » Il se passe qu'il a l'air d'un mec qui a bouffé un truc qui ne fallait pas. Faut toujours se méfier des fruits exotiques. « Fé peut êt’ le bin ? » Le bain ? En quoi le bain peut lui paralysé la moitié du visage ? « Le bain de minuit ? » Parce que c'est le seul presque bain qu'il a pu prendre ici. De toute façon, c'est ridicule et ça ne fait aucun sens. « J'comprend rien à ce que tu racontes. » Ouais, c'est sûrement pas du bain qu'il parle. Ça sert à rien de répéter de toute manière. Ce sera pas plus déchiffrable. « On devrait peut-être… » que tu débutes, mais Dinis t'interrompt entre temps. « z’vais aller aux hurganche. » Oui voilà, c'est ce que t'allais dire. Aller aux urgences ou aux hurganches c'est selon. Il commence à rassembler ses fringues pour les remettre. Bon, c'est pas exactement le genre de journée qu'on a envie de passer quand on est sur une île paradisiaque, mais ouais, y'a pas trop le choix. Il ne faudrait quand même pas que ça s'aggrave non plus. « ch’vai en taxchi. » En taxi, oui, d'accord. C'est qu'il faut analyser chacune de ses paroles. C'est pas hyper clair ce qu'il dit. Heureusement que ça fait déjà longtemps que t'es debout et que t'es déjà prête à partir. « D'accord, je m'occupe d'en appeler un. » que tu lui dis en allant chercher ton téléphone. Bon en vrai, tu appelles la réception qui eux s'occuperont d'appeler un taxi. Peu importe, le résultat est le même « T'es prêt ? »

« Le bain de minuit ? »Je regarde à travers le miroir pour chercher son reflet, sans comprendre ce que le bain de minuit pourrait y faire. Les produits qu’ils utilisent ? Ce serait mon corps tout entier qui aurait réagit non ? Et pas seulement mon putain de visage. Peu importe, si on va à l’hôpital, ils finiront bien par me dire ce qu’il se passe. En espérant que je me mette pas à gonfler davantage sous ses yeux. « J'comprend rien à ce que tu racontes. » quelle connasse. Elle ferait mieux de se bouger à être utile plutôt que de me regarder avec son air faussement sérieux, j’vois bien qu’elle a qu’une envie, c’est de se marrer. A sa place, j’aurai surement fait la même chose, sans même me priver de rire réellement. Sauf que là, bien sûre, c’est moi qui ressemble à elephantman, elle qui se fou bien d’ma gueule. Obligé de lui dire d’appeler un taxi pour qu’elle se décide enfin à prendre le téléphone, chose qu’elle fera sans doute mieux que moi pour se faire comprendre. Ma chance d’avoir une interprète sur place. « T'es prêt ? » pas sûre d’être prêt à sortir non. « tout lmond ba chtoutch de ma beule. » je lève les yeux au ciel, attrapant une casquette qui trainait par là, ca ressemble à un truc de golf. « on y ba. » je hoche la tête, baissant la visière au maximum avant de mettre aussi des lunettes de soleil sur la gueule. On limitait les dégats. Aussitôt sorti dehors… aussitôt… « DINIIIIIS ! » bordel. « Eliiiise, ma chérie ! » putain, c’est Rebecca. Elle était pas occupée à faire les seins nus à côté d’son mec la queue qui pend sur le sable ? « abanche. » que je somme à Elise, espérant qu’elle ne se retourne pas. « Eh ! » j’entends ses pas de talons qui s’approchent de plus en plus vite de nous derrière alors qu’à mon tour, j’accelère encore le pas. « Votre taxi vous attend. » qu’il nous lance, le réceptionniste, ce à quoi je ne réponds absolument rien, le premier taxi devant, il sera pour nous. « Alooors ! » et là, je sens une main se poser enfin sur mon épaule. « vous êtes partis vite hier ! » elle a l’air bien moins alcoolisée elle, hors de question qu’elle me voit comme ça. « On est preché. » bordel, je me tais, Elise, dégage là… pitié. Je tire un peu plus sur cette visière ce qui n’a aucune utilité… « Hein? »

« tout lmond ba chtoutch de ma beule. » Oui sûrement. Enfin non, ils ont sûrement l'habitude des étrangers qui croient pouvoir se nourrir de la même chose que les Seychellois. Disons que vous n'êtes pas habitué à la même chose qu'eux. Et ton absence de réponse est une réponse. Dinis attrape une casquette qu'il se cale sur la tête sans oublier les lunettes fumées. Ouais, ça limite presque les dégâts. Presque. « on y ba. » Allons-y alors. Vous avancez tous deux dans les couloirs de l'hôtel en direction de l'entrée principale lorsqu'un cris strident surgit de nul part. « DINIIIIIS ! Eliiiise, ma chérie ! » Tu te retournes vers l'arrière comme si tu avais besoin d'un contacte visuel pour confirmer l'identité de Rebecca. Mais non, juste le son de sa voix suffisait largement. « abanche. » Et Dinis n'a absolument pas envie qu'elle le voit avec cette tête là. Il l'ignore complètement, te force à presser le pas vers la sortie. « Votre taxi vous attend. » qu'annonce la réceptionniste lorsque vous arrivez dans le hall d'entrée. Ça semble être la course à la montre pour entrer dans ce fichu taxi. Mais Dinis gagne pas. C'est Rebecca qui gagne lorsqu'elle l'attrape par l'épaule pour le couper dans sa fuite. « Alooors ! vous êtes partis vite hier ! » Est-ce qu'elle s'en est vraiment rendu compte ? Non sûrement pas. Elle ne doit pas se souvenir de la moitié de sa soirée d'hier. « On est preché. » Dinis tente de baisser encore plus sa visière pour cacher les dégâts, mais franchement, il a l'air encore plus louche à vouloir se cacher le visage à tout prix. « Hein? » Qu'est-ce que tu disais tout à l'heure ? Personne ne pige rien à ce qu'il raconte. « Dinis a fait une réaction allergique. On doit aller à l'hôpital. » Et il sera très ravi que Rebecca soit également dans les confidences de cette petite péripétie. Parfois, y'a rien de mieux que la vérité pour pouvoir poursuivre notre chemin. « Oh je vois. T'as bu trop de Kalou hm ? » qu'elle demande en lui retirant sa casquette en toute impolitesse. « James aussi ça l'fait gonfler à chaque fois. Deux antihistaminiques et le tour est joué. Pas besoin d'aller à l'hôpital pour ça. » Okay, qui est-ce qui est assez prévisible pour amener des antihistaminiques en voyage ? Assurément James qui a déjà gonfler. Et assurément Dinis maintenant pour les prochains à venir. Et devant la tête que tu fais, Rebecca comprend assez facilement que t'en a pas. « Venez, j'vais m'occuper de tout ça. » Encore quelque chose qui va réjouir Dinis. « Ça va être moins long. » que tu lui dis tout bas prévenant déjà son opposition à suivre Rebecca ou que ce soit. Ça va, quand elle est sobre, elle est moins intense. Ce ne sera pas si pénible. En quelques pas, vous rejoignez la chambre de Rebecca et James qui est assez semblable à la tienne il faut dire. Les suites luxueuses sont sûrement toutes pareilles ici. Assise sur le canapé avec Dinis, Rebecca revient quelques minutes plus tard avec les cachets pour Dinis et deux mimosas qu'elle met entre vos mains. Pas certaine que la bouche de Dinis soit assez coopérative pour avaler quoique ce soit. « Oh, hem, on va pas rester. On veut pas déranger votre… programme. » La réserve nudiste tout ça. Tu prends quand même la coupe qu'elle te tend entre tes mains. « James a la gueule de bois. On n'y va plus. » Ah bon ? Elle lève les yeux comme s'il était le dernier des imbéciles à gâcher son activité.

« Dinis a fait une réaction allergique. On doit aller à l'hôpital. » je lève les yeux au ciel sous ma casquette, elle se doutait sans doute que j’avais pas envie que tout le monde l’apprenne, surtout pas Rebecca. Autant faire une annonce générale à tout l’hôtel et j’étais bon pour être stigmatisé par tout les résidents jusqu’à notre départ. « Oh je vois. T'as bu trop de Kalou hm ? » quoi, c’est son truc à elle aussi ? De gonfler quand elle boit ça ? Ca a l’air normal et personne met d’étiquette avec une tête de mort sur la bouteille ? Très bien. « James aussi ça l'fait gonfler à chaque fois. Deux antihistaminiques et le tour est joué. Pas besoin d'aller à l'hôpital pour ça. » on doit vraiment la croire sur parole ? Mon regard croise celui d’Elise qui a pas l’air d’être inquiète plus que ça. Pourtant, à chaque fois que je vois mon reflet dans une vitre, j’ai envie de pousser un cri. « Venez, j'vais m'occuper de tout ça. » « Ça va être moins long. » bah voyons… je souffle à nouveau, pour ce que j’arrive à souffler à travers mes narines gonflées aussi. L’air passe mieux par la bouche d’ailleurs. Je finis par faire demi-tour, sans ajouter un seul mot de plus.
Nous voilà dans la chambre de Rebecca et James, les mimosas prêts pour le petit dej, mais autant dire que j’étais pas prêt à avaler à nouveau quoi que ce soit. Pas pour le moment. « Oh, hem, on va pas rester. On veut pas déranger votre… programme. » oui, qu’elle se dépêche de me donner ses cachets, j’avale ça et on s’en va. Je me penche d’ailleurs sur le petit plateau en argent où elle les avait posé. Je fourre ça rapidement dans ma bouche et ça passera bien avec ma seule salive. « James a la gueule de bois. On n'y va plus. » qu’il fasse ce qu’il veule de la journée. « tout fachon on ba pas rechter ichi. » en combien de temps ça allait agir, ses conneries ? J’me relève aussitôt, remerciant Rebecca pour ses cachets. « Ch’retourne à la chambe. » pas question d’être de me donner en spectacle plus longtemps. « Ch’t’attend. » elle peut rester encore si elle veut, Elise. A profiter de ses amis avant leur départ, de toutes façons, à part attendre de dégonfler, je serai pas bien intéressant. Foutu Kalou.