30 DAYS WHITHOUT AN ACCIDENT
@Raelyn Blackwell  & Amos Taylor  - Univers alternatif - 2007, 29 ans

J’aimerais être de nature optimiste et lui rétorquer qu’elle se trompe, que tant que nous respirons, l’espoir n’est pas mort. Sauf que je lui mentirais et je suis dénanti de ce travers. Rien ne justifie un boniment, moins encore lorsque la nouvelle d’une grossesse vient de nous assommer. Moi, elle m’a fait l’effet d’un uppercut alors que je ne le porte pas, qu’il n’y a pas un embryon qui s’épanouit dans mon ventre, que je n’ai pas à risquer ma vie rien qu’en envisageant m’en débarrasser. Quel genre de type serais-je si je tirais sur le levier qui anime la peur ? Qui réduit en peau de chagrin le peu de quiétude que nous parvenons à préserver - elle est maigre - parce que nous sommes une équipe basée sur la confiance ? J’ignore ce qu’il serait advenu de ma relation avec Raelyn si nous n’avions pas foncer tout droit dans un zombie alors que le monde tel que nous l’avons connu existait encore. En revanche, je sais la place qu’elle occupe dans mon existence aujourd’hui et que, sans elle, je serais mort, transformé ou en proie à une telle dépression que l’envie de me battre m’aurait échappé. Qu’importe, je m’égare. Considérant avec trop de sérieux sa remarque, je me perds dans les limbes de mes pensées. Elles sont effrayantes et je les chasse comme je l’ai moi-même proposé. Je les rencarde sur le banc des réservistes et je saisis à pleine paume son trait d’esprit. «Tu n’as pas idée. On a pas souvent l’occasion d’en prendre une. Si en plus, on ne peut pas le faire à deux de temps en temps pour faire semblant que tout est normal, à quoi sert un tel endroit ? » Je ne le pense qu’en partie. Je savourerai ma chance chaque matin pour le luxe d’une douche, l’eau doit elle encore être froide. Je goûterai sans scrupule au plaisir de me remplir l’estomac chaque matin si, ici, nous ne sommes pas menacés par les occupants presqu’autant que par les rôdeurs à l’extérieur. J’ai à coeur de vérifier et, la main de Raelyn naturellement prise dans la mienne, je nous guide dans les dédales de cette base militaire réaffectée à la survie de l’être humain. Tandis que je réfléchis à ses questions - son sens de l’orientation m’impressionne - j’avance sans précipitation, sondant chaque recoin et détaillant  chaque personne qui y vit avec discrétion. Prétendre que Raelyn est d’accord avec moi - il convient que nous restions sur le qui-vive - m’a à peine rassuré. L’atmosphère des lieux à quelque chose de dérangeant, mais je présume que c’est faute à cet exode forcé et de l’isolement de ces dernières années. Je n’étais pas bien bavard d’antan. Je ne brillais par mon aménité. Les circonstances ne m’ont pas bonifié. On nous approche et je salue par politesse, sans enthousiasme, brillant par mon silence. Je scrute, j’analyse, mais je me tais. Je laisse le soin à Raelyn de poser ses questions éventuelles. Elles seront de toute façon pertinente, plus que les miennes étant donné que je suis obsédé par deux réalités : nous n’avons plus que nos pieds et nos poings pour nous défendre et je ne suis pas convaincu que la vie en communauté est faite pour moi. Les interrogations autour du bébé, je les reporte à plus tard au risque de perdre en santé mentale et ce n’est pas le moment. «Nous serions ravis de vous compter parmi nous. Il y a du travail pour tout le monde en fonction des compétences, que faisiez-vous dans la vie ? » La curiosité bienvenue de notre guide m’arrache un rictus amusé. Je nous imagine mal, Rae et moi, en train de révéler qu’elle était une baronne de la drogue et que j’étais en quête de vengeance. Au mieux, je peux affirmer que j’ai été militaire : peut-être m’assignera-t-on à la sécurité, ce qui nous vaudra un accès privilégié à l’arsenal. Alors, je crache le morceau avant de demander : « Nos affaires, où sont-elles ?» L’homme au train buriné par les rides est mal à l’aise. Il alimente aussitôt ma méfiance. «Avec le reste de nos affaires… vos affaires… c’est le principe de la communauté.» Ma tête se tourne vers Raelyn : je déteste ce qu’il annonce et je me demande si elle pense comme moi : fuir au plus vite. « Et si on ne voulait pas rester ? » Notre interlocuteur a ri à gorges déployées, sans répondre, reprenant sa course et nous invitant d’un signe de la tête à lui emboîter le pas. « Si j'en crois tes indications, on est a la RAAF » Nous en avons avalé des kilomètres depuis Brisbane pour nous enfoncer dans les terres. «On est à quoi ? 4 heures de marche de la prison de Borallone... donc pas très loin d'une ville d'une grande ville.Mais, on peut pas se lancer à l'aveugle et sans avoir récupéré nos affaires. Et pas comme ça non plus.» J’entends : en improvisant et sous le joug de l’inquiétude. Peut-être suis-je trop attaché à ma liberté mais que l’endroit mérite que l’on lui laisse le bénéfice du doute. A voir. Je ne suis de toute façon pas seul à décider.

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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor - deux ans après le début de l’épidémie

« Tu n’as pas idée. On a pas souvent l’occasion d’en prendre une. Si en plus, on ne peut pas le faire à deux de temps en temps pour faire semblant que tout est normal, à quoi sert un tel endroit ? » Je jette un coup d’œil aux draps frais, au matelas moelleux et aux murs solides de la chambre que nous occupons avant d’esquisser un sourire. « J’ai une ou deux idées. » Assise sur le matelas à ses côtés, je me penche vers lui pour murmurer à son oreiller. « Tu te souviens de la dernière fois où on a été tous les deux dans une chambre comme ça, sans avoir à se demander si on était en sécurité ou si on allait se faire attaquer dans l’heure ? » Avant l’épidémie, la peur de se faire surprendre avait un côté excitant. Maintenant qu’il s’agit d’une question où de vie ou de mort, c’est au contraire le genre de chose qui a des effets néfastes sur la libido.

C’est étrange, de suivre un "guide" chargé de nous faire découvrir le complexe. Cela donne une impression de normalité qui n’est pas désagréable, je dois bien l’avouer. Je suis loin d’avoir confiance en ce gens, mais serait-ce si terrible que de rester le temps de reprendre du poil de la bête ? De reprendre des forces, de reconstituer des réserves ? J’écoute le vieil homme avec attention, tentant de les cerner, lui et cet endroit. « Nous serions ravis de vous compter parmi nous. Il y a du travail pour tout le monde en fonction des compétences, que faisiez-vous dans la vie ? » Amos répond qu’il était militaire, et je réfléchis un instant avant de répondre à mon tour. « Barmaid. J’étais barmaid. Amos et moi nous sommes rencontrés pendant l’une de ses permissions. » Personne ne se méfie d’une jeune barmaid. Tout le monde sous-estime la barmaid, et cela m’arrange bien, dans le cas présent. « Mais on survit dehors depuis deux ans, tous les deux. Je suis pas sûre que ça ait encore de l’importance, ce qu’on faisait avant. » Ou en tout cas, concernant la jeune "barmaid". Je ne doute pas que les antécédents d’Amos pourront les intéresser. Concernant le Club et nos réelles identités, c’est un secret que nous gardons pour nous sans avoir eu à nous concerter. « Nos affaires, où sont-elles ? » Je hoche la tête, partageant la même interrogation. « Avec le reste de nos affaires… vos affaires… c’est le principe de la communauté. » - « C’est le principe de la communauté. Sauf que nous n’avons pas encore choisi d’en faire partie. » Je plante mon regard du vieil homme avant de poursuivre. « Si nous partons, est-ce qu’on nous les rendra ? » Il semble réfléchir un instant, avant de hausser les épaules. « Je suppose. Mais pourquoi qui voudrait partir ? » Je lui adresse un sourire, avant de répondre sur le même ton. « J’ai pas dit que c’était le cas. J’ai dit qu’on voulait avoir le choix. » Il semble être convaincu par mon air innocent et continue la visite, un pas devant.

Moi, j’échange un regard avec Amos, qui s’adresse à moi à voix basse. « Si j'en crois tes indications, on est a la RAAF. » Amos a comme moi reconnu les mur d’une base militaire. Mon instinct n’est pas encore tout à fait à jeter. « On est à quoi ? 4 heures de marche de la prison de Borallone... donc pas très loin d'une ville d'une grande ville.Mais, on peut pas se lancer à l'aveugle et sans avoir récupéré nos affaires. Et pas comme ça non plus. » - « Quatre heures sans armes, c’est un pari. » Quant à nos affaires. « Le pick-up et ça, c’est le plus important. On a laissé le reste des vivres à la ferme. » Mais on ne peut pas partir. J’ai envie de croire qu’on peut être en sécurité un temps. Et puis, je n’oublie pas ma "condition". « On a besoin d’eux. J’ai besoin d’eux, à moins que tu sois gynécologue et que je l’ignore. » J’esquisse un sourire qui transpire l’angoisse, mais qui donne au moins le chance à  quiconque nous observant.

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Invité à m’asseoir sur le matelas, je considère sa question avec concentration et le constat est désolant : la réponse se résume en une phrase “il y a trop longtemps, si longtemps que je n’arrive pas à prétendre que je m’en rappelle comme si ça s’était déroulé la veille”. Quelle tristesse. C’est à mon tour de sonder la pièce et, autant j’étais prêt à acter qu’il faudrait partir, autant je me demande si je ne devais pas garder l’esprit ouvert, sans devenir bête et imprudent pour autant. «Par les temps qui courent, le prix du confort, c’est la liberté. C’est ce que tu crois ? » Je ne la blâmerais pas. Nous n’avons pas le même parcours de vie et, par conséquent, notre rapport à cette notion de liberté n’est pas identique. Toutefois, je serais prêt à réévaluer la mienne au profit de son bonheur. A l’heure actuelle, le mien dépend du sien. C’est ce à quoi je songe tandis que j’observe l’infrastructure et toute personne que nous croisons durant notre visite guidée. Il nous offre tous un signe discret de la tête et une part de moi apprécie ces manifestations de politesse : elle existe encore. Bien sûr, j’écoute avec attention notre guide.  J’offre la parole à Raelyn parce qu’elle est plus douée que moi pour le relationnel. Je n’ai pris la parole que pour m’offrir un accès à l’arsenal, ce qui ne sera pas négligeable si, dans l’aventure, nous choisissons de fuir. Elle se présente comme barmaid et je réprime un sourire. Je l’invite à suggérer que la nostalgie vient de me frapper : celle de nos jours heureux. Je ris faute à ce secret que nous persistons à garder pour nous. Jalousement. Il l’est presque autant que la réponse à nos questions principales : où sont nos affaires et est-il convenu de nous les rendre si nous décidons de partir. Tout est sibyllin dans la bouche du vieillard, mais j’en déduis tout de même que tout est négociable puisque leur communauté semble avoir défalqué la notion de mensonges de leur règle. C’est pas mal : il faut l’admettre. Je suis peu convaincu de l’efficacité, mais au moins ont-ils essayé. A nouveau seul, loin d’être exalté par l’éventualité de nous enfermer dans cet ancien complexe militaire, j’use des informations de Rae pour retracer un itinéraire hypothétique que mes instincts jurent “proches” de notre réalité géographique. Elle entend, mais aussitôt, la réalité la secoue. «Ok. On va rester, jusqu’à ce que ta situation soit réglée.» J’évite le mot problème : aujourd'hui plus qu’hier, la mise au monde d’un enfant pourrait être une bénédiction pour quiconque serait pieux ou optimiste quant à l’avenir de l’humanité. Nous ne sommes pas de ceux-là, mais qui sait si les murs n’ont pas des oreilles. «On en parlera demain avec l’infirmière… qui n’est pas gynécologue. On verra ce qu’elle propose. On devrait aller se reposer un peu, on a du sommeil à rattraper, tu ne crois pas ? » Et, demain, nous serons présentés aux équipes avec lesquelles nous serons amenés à évoluer après une sorte d’entretien d’embauche lié à nos compétences.

LES DES:

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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor - deux ans après le début de l’épidémie

« Par les temps qui courent, le prix du confort, c’est la liberté. C’est ce que tu crois ? » - « Non, ce n’est pas ce que je crois. » La liberté n’a aucun prix à mes yeux, et il le sait. « Je te parle pas de confort. Je te parle de sécurité. » Et même ce concept là ne vaut pas le coup - à mon sens - d’accepter de se faire couper les ailes. Sauf que j’en ai marre d’avoir faim, j’en ai marre d’avoir soif et de toujours penser à surveiller nos rations et nos munitions. J’en ai marre de vivre chaque jour sans penser à demain pour la simple et bonne raison que nous ignorons si nous serons toujours en vie. N’est-ce pas restrictif à sa façon ? Vivre le genre de vie que nous menons dehors, est-ce ça la liberté ? Nous pouvons voyager à notre guise, mais sommes contraints par nos besoins biologiques de toujours penser aux ressources. Ici et si ces gens sont ce qu’il prétendent être, nous pouvons au moins nous concentrer sur autre chose que la survie. « Tu n’en as pas marre de ne faire que survivre ? » Je l’observe avec le regard vague, silencieuse jusqu’à ce que nous décidions de quitter la chambre.


Le tour est bouclé en moins d’une heure. Moi, je tente de graver chaque détail dans ma mémoire et, quand vient le moment où nous sommes enfin à nouveau laissés seuls, je n’y vais pas par quatre chemins. Amos et moi abordons déjà des sujets cruciaux, le premier étant : où sommes-nous ? Pouvons-nous partir ? Je voudrais pouvoir affirmer que oui, mais d’ici quelques mois si nous ne faisons rien, je serais enceinte jusqu’aux yeux et il sera plus compliqué de faire marche arrière. « Ok. On va rester, jusqu’à ce que ta situation soit réglée. » Je hoche la tête. Comme lui, j’ai du mal à faire confiance. Mais contrairement à lui, j’ai un couteau sous la gorge et ne suis pas certaine d’avoir réellement le choix. « On en parlera demain avec l’infirmière… qui n’est pas gynécologue. On verra ce qu’elle propose. On devrait aller se reposer un peu, on a du sommeil à rattraper, tu ne crois pas ? » J'acquiesce sans hésitation et pour cause : à l'extérieur, on ne dort jamais sur ses deux oreilles. Ici, je parviens au moins à dormir sans me réveiller toutes les deux heures avec la crainte d’avoir été attaquée et, lorsque j’ouvre les yeux le lendemain, j’ai le sentiment d’être plus reposée que je ne l’ai été depuis longtemps.

Le rendez-vous avec la sage femme nous fait l’effet d’une douche froide et, cette fois, j’ai insisté pour qu’Amos soit autorisé dans la pièce. Personne ne m’aidera à mettre fin à cette grossesse ici. Leur discours semble prémâché et je soupçonne que ce soit le résultat d’une doctrine de type sectaire. Repeupler la planète est une chance inouïe. Ramassis de conneries. « On ne peut pas vous forcer à avoir cet enfant. Mais personne ne vous aidera à vous en débarrasser ici. Et si vous n’acceptez pas les règles, vous devrez partir. » Mon regard se durcit et j’échange un coup d'œil avec Amos. « Dites nous au moins si vous savez où on peut obtenir de l’aide. » Je suis désespérée. Je n’ai pas envie de donner la vie dans ce monde. Je n’ai pas envie de mourir d’un accouchement artisanal, de me transformer en l’une de ces choses et dévorer Amos et cet enfant. Je n’ai pas envie non plus de devenir un handicap pour mon complice d’aventure. « Je suis désolée. Je ne peux rien faire de plus pour vous. »

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@Raelyn Blackwell  & Amos Taylor  - Univers alternatif - 2007, 29 ans

Doit-on vivre comme des prisonniers pour dormir en sécurité ? Est-ce juste d’être privé de libre arbitre pour manger à sa faim et ne plus craindre de devenir le repas de créatures nauséabondes ? Je ne sais pas. Je n’oserais affirmer une opinion ferme puisqu’elles sont biaisées par la difficulté du monde dans lequel nous vivons. Et, pour cause, moi aussi j’en ai marre de survivre au lieu de vivre. J’en ai ma claque de sentir la sueur jusqu’à ce que la providence nous offre un lieu où l’eau n’a pas été coupée. Je suis fatiguée d’oublier le plaisir des choses simples comme nous l’avons vécue en arrivant dans ces lieux étranges : une douche chaude, des vêtements propres et une chambre comprenant un matelas et des coussins. Dès lors, que répondre si ce n’est un : «Si, j’en ai marre, mais… je n’ai pas envie qu’on me dise comment vivre. Je n’ai jamais été fait pour la vie en communauté.» Ou, pour être plus précis, au milieu d’une communauté dont je ne sais rien. «La famille, c’est une chose, mais ces gens-là ? Je ne sais rien d’eux.» Il semble, en revanche, en connaître davantage sur nous que l’inverse puisque nous étions à peine arrivés qu’il envoyait déjà Raelyn chez un médecin, un médecin qui aura confirmé leur hypothèse : elle est enceinte. Comment ont-il fait pour le pressentir quand je n’ai rien vu ? La visite du centre ne m’a pas davantage rassuré, d’autant que cet enfant dont nous ne souhaitons pas a l’air de prendre les allures de la providence pour notre guide, représentant de cette foule d’inconnus qui ont appris à se côtoyer, peut-être même à s’apprécier, à compter les uns sur les autres. Moi, je n’ai confiance qu’en celle qui partage  ma vie depuis cet apocalypse. C’est d’elle dont j’ai besoin. C’est à son contact, alors que nous profitons d’un repos bien mérité, que je réfléchis le mieux. Je ne jurerais pas m’être reposé sereinement : je me suis retourné à maintes reprises et j’ai sursauté dans son lit, non pas à cause de bruits suspects, mais étonnamment, par la faute du silence. Rae, par contre, repose du sommeil du juste et j’ai respecté son sommeil. J’ai aussi respecté sa volonté que je l’accompagne, dès le lendemain matin, dans le bureau de la sage-femme. Sur mes gardes, taiseux comme d’antan, j’ai entendu, écouté, assimilé avec l’angoisse au ventre. «Si nous décidons de partir, nous pourrons récupérer nos affaires ?» L’infirmière a grimacé. «Oui. Sauf ce qui aura semblé utile à la communauté en compensation du gîte et du couvert.» Je l’ai remerciée pour sa franchise et, l’entretien terminé, j’ai saisi la main de Raelyn. Je l’ai serrée très fort parce que je la devine, sa peur. Elle fait écho à la mienne, elles se répondent l’une l’autre, elles chantent une certitude : nous sommes piégés. «Mettre un enfant au monde, c’est prendre le risque que tu meurs. Te faire avorter à l’ancienne, c’est prendre le même risque. Statistiquement, quelles sont tes chances de survie pour l’une et l’autre des options ? Parce que je pourrai pas m’en tirer sans toi.» A quoi bon le cacher ? C’est écrit dans la contraction de mes traits et de mes muscles.  

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« Si, j’en ai marre, mais… je n’ai pas envie qu’on me dise comment vivre. Je n’ai jamais été fait pour la vie en communauté. » Moi non plus. Je suis encore moins faite pour qu’on me dise quoi faire et comment le faire, mais l’époque que nous traversons ne mérite-t-elle pas des concessions au nom de la survie ? Mieux, pouvons nous espérer un jour recommencer à vivre et planifier notre avenir plutôt que de s’inquiéter de trouver un endroit sûr pour la nuit où de quoi se remplir la panse au moins un jour sur deux ? Je suis fatiguée de survivre. Je suis une battante, mais je préfèrerais ne pas avoir à le prouver. « La famille, c’est une chose, mais ces gens-là ? Je ne sais rien d’eux. » - « Je sais. Je ne leur fais pas confiance non plus. » Mais je n’ai pas envie de décider tout de suite sans laisser de chance à cette alternative. Je ne crois pas au destin. Ce n’est pas lui qui a mis ces gens sur notre route. Je ne me pose pas de question sur le pourquoi, je pense déjà à ce que nous pourrions en tirer.

Je déchante de toute façon rapidement. Notre guide nous explique qu’ici, personne ne nous aidera à régler notre problème Dans mon esprit, je cherche d’autres solution. Plus aucune façon de savoir à combien de grossesse j’en suis actuellement, mais cela doit être relativement tôt puisque mes dernières règles remontent à à peine plus d’un mois et demi. L’embryon a-t-il fait un solide nid ou bien peut-être en être délogé avec des méthodes plus ancestrales. J’envisage des solutions qui feraient pâlir Amos, puisqu’elles nécessiteraient qu’il lève la main sur moi. Je ne les lui partagerai qu’en dernier recours. « Si nous décidons de partir, nous pourrons récupérer nos affaires ? » Nous partirons, je n’ai plus aucun doute à ce sujet maintenant que les cartes ont été redonnées. Nous ne pouvons pas rester si nous voulons nous débarrasser de cet enfant qui n’en est pas encore un. « Oui. Sauf ce qui aura semblé utile à la communauté en compensation du gîte et du couvert. » J’échange un coup d’œil avec Amos : à son air renfrogné, il a compris la même chose que moi. Nous serons dépouillés de la plupart de nos armes et ressources utiles, sans l’ombre d’un doute. Et la voiture ? Est-elle restée là-bas ? Nous pouvons toujours y retourner : dans notre malheur, nous avons eu la chance de ne pas avoir toutes nos ressources sur nous, loin de là. Je hoche la tête et remercie froidement notre guide, qui se retire et nous laisse tous les deux. Bien sûr, Amos ne reprend la parole que lorsqu’elle est hors de portée de voix. « Mettre un enfant au monde, c’est prendre le risque que tu meurs. Te faire avorter à l’ancienne, c’est prendre le même risque. Statistiquement, quelles sont tes chances de survie pour l’une et l’autre des options ? Parce que je pourrai pas m’en tirer sans toi. » - « On va pas faire de calcul. Je mettrai pas cet enfant au monde. » Et je ne l’envisagerai pas comme une possibilité. « Parce qu’au-delà du fait que je n’en ai pas la moindre envie, et si – je dis bien si – je survivais à un accouchement sans médecin, il nous ferait tuer tous les deux un jour ou l’autre. » Des hurlements de bébé, ça attirera tous les rodeurs des alentours. Je suis ferme, mais peut-on me le reprocher ? Mon corps m’appartient, cela serait vrai même si les circonstances étaient plus favorables à une grossesse. « On va partir, donc. Quand ? Rester quelques jours pour reprendre des forces serait entendable, mais plus on reste plus on prend le risque que la ferme ou la voiture soient pillées. » Je lui parle à voix basse, de peur que des oreilles ne trainent.

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@Raelyn Blackwell  & Amos Taylor  - Univers alternatif - 2007, 29 ans

Bien sûr, les lieux sont tentants. Dans ce genre d’endroit, on est supposés manquer de rien. Le confort nous donnerait l’illusion que rien n’a changé et la solitude ne serait normalement plus qu’un mauvais souvenir. Sauf que lorsque l’on erre depuis des années et que l’on apprend à se débrouiller à deux, que l’on a la sensation impérieuse que nous n’avons pas besoin d’être plus, appartenir à une communauté devient compliqué. C’est aussi difficile que d’envisager de mettre au monde un enfant. Malheureusement, j’ai l’impression que nous sommes tombés dans un piège. Nos affaires, celles que nous avions lorsque nous sommes arrivés, elles nous seront confisquées. Je doute même que nous pourrons les retrouver. En outre, ils sont plus clair par rapport à leur intention maintenant qu’ils savent Raelyn enceinte. L’enfant qu’elle porte a déjà l’air d’un étendard. J’ai comme l'impression qu’ils sont prêts à le brandir comme un fanion pour donner l’espoir. C’est le symbole qu’il représenterait : celui d’un avenir plus heureux que celui qui est nôtre depuis le début de cette apocalypse. Notre avis ? Ils ont bien l’intention de s’en passer. Alors, partir me semble être la seule solution. La question, c’est quand… quand et, surtout, allons-nous abandonner ce qui nous appartient derrière nous. «Je pense en effet qu’on a pas le choix.» me suis-je désolé pour elle : elle paraissait avoir envie de rester. «Et je pense qu’il faut qu’on soit pas trop matérialiste pour le coup… et surtout, très discret.» J’ai jeté un regard circulaire autour de moi. Personne ne semble nous écouter. Je ne le jurerais pas cependant et je chuchote, sans m’avancer dans sa direction. Je ne voudrais pas attirer l’attention sur les conspirateurs que nous sommes. «Et qu’on ne doit pas l’annoncer. Ne rien dire. Personne ne te laissera partir et, je veux pas avoir l’air alarmiste, mais du coup, je donne plus très cher de ma peau. Tu vois où je veux en venir ? » Aucun doute, elle est loin d’être bête. « Le mieux serait encore de faire ça dans la nuit ou dans la matinée d’après demain, pendant la ronde des sentinelles. Tu crois qu’on pourrait attendre jusque là sans risque pour la ferme ? »  

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« Je pense en effet qu’on a pas le choix. » Non, et certainement pas si nous voulons trouver une pharmacie, un hôpital où un endroit où nous pourrions trouver des médicaments, de quoi mettre fin à cette grossesse. Dire que je ne suis pas terrifiée, ce serait mentir. J’ai peur que nous soyons au final forcés d’opter pour l’alternative, celle où le risque que je finisse par me vider de mon sang est très élevé. « Non. Et on doit regagner l’est, pour trouver un hôpital. » Nous n’en trouverons pas autant enfoncés dans les terres. Le trouver, c’est une chose. Le vider de tous les morts vivants qui y seront coincés sera une autre paire de manche, rien ne garantit que nous nous en sortirons vivants. Pour l’instant, nous avons d’autres préoccupations cependant.

« Et je pense qu’il faut qu’on soit pas trop matérialiste pour le coup… et surtout, très discret. » - « Des armes, on en a d’autres à la ferme. » Certes, pas autant. Ce qui m’inquiète, c’est que nous ne connaissons pas l’état des routes qui nous conduiront à notre véhicule, ni le temps que le trajet nous prendra. Nous avions les yeux bandés et, si grâce à son passé de militaire, Amos a deviné où nous nous trouvions, rien ne nous dit que le chemin ne sera pas semé d’embûches. « Mais si on sort dehors et si on doit marcher pendant des heures, il faut au moins qu’on arrive à mettre la main sur des battes ou des couteaux. » N’importe quelle arme contendante fera l’affaire. Par contre, j’ai peur de notre sort si d’aventure nous nous aventurions dehors les mains vides. « Et qu’on ne doit pas l’annoncer. Ne rien dire. Personne ne te laissera partir et, je veux pas avoir l’air alarmiste, mais du coup, je donne plus très cher de ma peau. Tu vois où je veux en venir ? » Je suis effaré de comprendre là où il veut en venir. Pense-t-il qu’en tant que père de cet embryon – je refuse de l’envisager comme un enfant – les gens d’ici voudront se débarrasser de lui ? Parce qu’il est gênant, encombrant ? « Tu crois que ? » Je déglutis difficilement, avant de trancher. « Ca n’a pas d’importance, parce qu’on s’en va. » A partir de là, le sort qu’ils voulaient lui réserver ne m’importe guère : nous ne serons plus là pour nous en rendre compte. « Le mieux serait encore de faire ça dans la nuit ou dans la matinée d’après-demain, pendant la ronde des sentinelles. Tu crois qu’on pourrait attendre jusque-là sans risque pour la ferme ? » - « On n’a pas le choix. Il faut qu’on mette la main sur de quoi nous défendre. » Je réfléchis à ses propos, avant de conclure. « Dans la nuit, quelques heures avant l’aube, je pense que c’est le mieux. » Ainsi, nous quitterons l’endroit pendant qu’il fera encore nuit noire, mais n’aurons pas trop longtemps à marcher dans l’obscurité. « Pas cette nuit, mais la suivante. Et on a pas de choix que de retourner à la voiture, même si c’est risqué. » Peut-être se douteront-ils que nous nous y dirigeons. « La ferme est trop loin à pied, et on a aucune réserve. » De nourriture, pas d’armes non plus, et nous avons roulé pendant des heures avant de tomber sur la petite pharmacie où le groupe nous a cueillis.  

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Trouver un hôpital. Provoquer la perte du bébé. Nul doute qu’il s’agit de nos inquiétudes prochaines. Pour l’heure, ce n’est pas la plus urgente alors je m’efforce de chasser ce qui m’effraie au profit de ce qui est capital à mon équilibre. Il est simple : Rae et moi dans un semblant de vie normal. Pas de bébé. Pas d’autres responsabilités que celle de survivre et c’est donc d’une possible “fuite” dont nous parlons à présent. Nous partirons comme des voleurs puisque aucun des gens de cette communauté ne nous aura inspiré confiance. Du médecin au guide, tous nous ont semblé intéressé. Je jurerais qu’il nous empêcherait de recouvrer notre liberté si nous les avertissions de notre désir d’être à nouveau seule. Par discrétion, nous décidons de laisser nos effets derrière nous dans leur intégralité. Rae a raison : nous avons encore de quoi nous défendre à la ferme. En outre, nous sommes devenus habiles aux couteaux. Plus silencieux, les coups assénés ne rameute pas les rôdeurs. ça fait longtemps que nous avons renoncé aux revolvers et aux fusils à pompe. nous les réservons pour les cas d’extrême urgence, contre les humains, lorsque nous sommes loin de notre lieu de vie. La ferme. Est-elle toujours entière ? A-t-elle déjà été pillée ? Je balise rien que d’y penser. « Tu as raison. On ne peut pas sortir sans avoir de quoi nous défendre. ça veut dire qu’il va falloir ruser pour avoir accès à la pièce où se trouve nos affaires.» Peu importe la façon. Je doute qu’il soit sensible aux dialogues. Par contre, je suis convaincu que nous pourrions créer une diversion et mettre en place un stratagème efficace si nous nous accordons le temps de le faire. « J’ai aussi une idée d’où se trouve la voiture. » Par chance, nous la vidons régulièrement. Devrions-nous en utiliser une autre que nous n’en serions pas alarmés : elle nous conduira chez nous de toute façon. «Et, j’aimerais dire que je ne suis pas presque sûr mais je me suis pas senti très impliqué alors que je suis supposé l’être.» Bien entendu, je ne fais pas allusion à ma complice, mais bien aux médecins et infirmiers qu’elle a rencontrés. «J’ai pas envie de prendre le risque de trop traîné, mais je veux pas non plus nous jeter dans la gueule du loup, pas après tout ce qu’on a traversé. On va crever tôt ou tard, mais pas comme ça. On fera notre maximum. Allez, viens, mettons à profit cette soirée pour trouver comment récupérer au moins nos armes. Et, ayons l’air normal.» J’ai saisi sa main et nous avons fait mine de nous promener au gré du bâtiment, nous fiant à notre sens de l’orientation quand, soudain, j’ai déclaré à voix basse : «Je crois que c’est là.» Ou, en tout cas, c’est un lien important si non, pourquoi y avoir posté trois gardes ? «Allons voir. »   

30 Days Without an Accident
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor - deux ans après le début de l’épidémie

« Tu as raison. On ne peut pas sortir sans avoir de quoi nous défendre. ça veut dire qu’il va falloir ruser pour avoir accès à la pièce où se trouve nos affaires. » - « Pas forcément nos affaires, pas si c’est trop dangereux. » Tenter de voler des armes à feu pourrait mal se terminer. Nul doute que l’armurerie du complexe doit être gardée par des individus lourdement armés eux aussi, c’est ce que nécessite un endroit comme celui-là s’ils veulent garder les habitants en sécurité. « Faisons un peu de repérage, et on avisera. » Si c’est trop dangereux, nous pourrons nous rabattre sur une autre solution. Les armes sont gardées en permanence, c’est certain, mais qu’en est-il de la cuisine ? Là-bas, nous pourrions trouver des couteaux de boucher ou autre armes blanche. « J’ai aussi une idée d’où se trouve la voiture. » - « Tu penses qu’ils l’ont ramenée ici ? Pas laissée là-bas ? » Là où ils nous ont surpris avant de nous ramener avec eux ? Quoi qu’il estime, je lui ferai confiance. Ces gens sont organisés comme des militaires, je ne serais pas surprise que certains d’entre eux soient réellement d’ancien membres des forces armées. Et ça, il s’agit du domaine de compétence d’Amos, pas du mien. « J’ai pas envie de prendre le risque de trop traîner, mais je veux pas non plus nous jeter dans la gueule du loup, pas après tout ce qu’on a traversé. On va crever tôt ou tard, mais pas comme ça. On fera notre maximum. Allez, viens, mettons à profit cette soirée pour trouver comment récupérer au moins nos armes. Et, ayons l’air normal. » Je hoche la tête doucement. Pendant la journée puis la soirée, nous acceptons toute visite qui nous est proposée. Nous prétendons nous intéresser aux différentes activités et façon de se rendre utile puisque nous devons prétendre que nous sommes là pour rester. Au moins, les dirigeants n’ont pas répandu la nouvelle de ma grossesse et personne ne m’interroge à ce sujet, dieu soit loué.

Plus tard, nous passons devant une salle qui semble surveillée, comme je m’y attendais. « Je crois que c’est là. Allons voir. » Je retiens Amos par la manche. « Non, on va attirer l’attention des gardes, si on traine devant l’armurerie à peine arrivés. » Mine de rien, je l’attire à l’écart et, plus tard, une fois de retour dans notre chambre, nous révisons ensemble nos options alors que nous sommes allongés dans le lit et qu’il me tient dans ses bras. Je rêve d’être de retour à la ferme, de n’être jamais sorties et de ne pas avoir croisé ce groupe. Mais sans eux, aurais-je eu la confirmation de ce que je redoutais – une grossesse – à temps ? « Je ne suis pas sûre qu’on puisse réussir à accéder à l’armurerie, si c’est bien ça, sans prendre des risques importants. » Je crains que la seule solution, ce soit de tirer un trait sur nos armes à feu. Nous en avons d’autres à la ferme. « Mais les cuisines, elles ne doivent pas être gardées à toute heure de la nuit, non ? On pourrait trouver de quoi se débrouiller jusqu’à parvenir à rentrer. »

30 DAYS WHITHOUT AN ACCIDENT
@Raelyn Blackwell  & Amos Taylor  - Univers alternatif - 2007, 29 ans

Depuis le début de cette aventure, nous réglons toutes les questions en lien avec notre survie ensemble. Nous ne nous imposons rien, nous réfléchissons à deux à ce qu’il y a de mieux. Faire du repérage ? Aider les habitants de la communauté ? Discuter avec et les autres pour récupérer d’éventuelles informations utiles ? Tout ça a été négocié au préalable. Nous oeuvrons ensemble et pour nous deux. Conclusion, elle ne s’offusque pas que je ne réponde pas de suite à sa question au sujet de la voiture. Plus tard sera le mieux, lorsque nous ne serons plus que nous deux. Je ne rechigne pas non plus quand elle m’empêche d’approcher de ce que je suppose être l’armurerie. Je me laisse tirer à l’écart parce qu’elle a raison. Nous n’avons pas forcément besoin de nos affaires. Evidemment, j’aurais aimé retrouver le couteau de chasse de mon père, dernier souvenir de sa personne après sa fin tragique. Parfois, je me rappelle le décès de mes parents et j’en ai froid dans le dos malgré les années s’écoulant. Ceci étant, je sais encore déterminer ce qui vaut ou non d’allumer la chandelle du risque. J’obéis donc et, une fois de retour dans notre chambre, avant de m’être allongé à ses côtés, non seulement pour partager un peu de tendresse et nous rassurer que pour rendre compte de nos découvertes tantôt mutuelles tantôt respectives, j’ai vérifié qu’il n’y avait pas des micros cachés ça et là. J’ai succombé à une vieille paranoïa probablement à cause du contexte en général : les lieux et les impressions que m’ont laissées ses personnes étranges et bizarres. «Je pense qu’ils nous ont suivi avec la voiture. Je suis presque sur d’avoir reconnu le moteur derrière la voiture qui nous a conduits jusqu’ici. Je vais renoncer à nos couteaux même si je tenais au mien..» ai-je confessé en caressant le bras de ma dulcinée. « Dans ce genre d’infrastructure, les garages sont toujours aux mêmes endroits. Demain matin, j’irai vérifier ma théorie pendant que tu revois le médecin. C’est à quelle heure ? Ils t’ont dit ?» Nous avons encore une journée, une soirée et une nuit pour nous préparer. En attendant, nous sommes forcés de faire semblant de rien. «Et la cuisine, c’est le bon plan. Tu devrais aller y faire un tour dans la nuit : tu es enceinte, ça ne surprendra personne que tu fouilles les placards si tu croisais quelqu’un d’important.» Et bien entendu, je ne serais pas loin, mais je ne le précise pas : elle le sait. «Désolé pour ma fouille en arrivant. Je suis méfiant du coup. » Et qui pour m’en vouloir au vu de ce que nous avons déjà croisé comme homme devenu bête depuis cette nouvelle ère.  

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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor - deux ans après le début de l’épidémie

« Je pense qu’ils nous ont suivi avec la voiture. Je suis presque sûr d’avoir reconnu le moteur derrière la voiture qui nous a conduits jusqu’ici. Je vais renoncer à nos couteaux même si je tenais au mien... » - « Je sais. » Je ne suis pas idiote : je l’ai vu jouer machinalement avec ce couteau pendant plus de deux ans et ce depuis le jour où nous avons quitté la ferme de ses parents. Je sais qu’il avait une valeur sentimentale, et il n’a jamais eu besoin de me le dire pour que je devine laquelle. « Je fais confiance à ton jugement, pour la voiture. » Alanguie contre lui, je caresse doucement son avant-bras. Quel sentiment étrange d’être à l’intérieur, dans un endroit possédant l’électricité – certainement grâce à un groupe électrogène qui marcherait à l’essence et, par conséquent, l’eau chaude. Je n’ai pas souvenir de la dernière fois où j’ai été aussi propre et allongée dans des draps propres. Si seulement je n’étais pas enceinte… Rien ne sert d’y penser plus longtemps : après notre fuite, il n’y aura pas de retour en arrière possible. « Et je sais. » Pour le couteau. « Mais il ne vaut pas la peine que nous perdions tous les deux la vie. » Notre priorité doit être de sortir de là en morceau, nous le savons tous les deux.

« Dans ce genre d’infrastructure, les garages sont toujours aux mêmes endroits. Demain matin, j’irai vérifier ma théorie pendant que tu revois le médecin. C’est à quelle heure ? Ils t’ont dit ? » - « Je ne sais pas. Ils viendront certainement me chercher après le petit-déjeuner, comme ce matin.  » Et qu’il traîne autour des garages ne sera pas suspect. Il pourra prétendre avoir été mécanicien dans une autre vie, peut-être même dire l’avoir été pour l’armée pour gagner leur confiance. « Et la cuisine, c’est le bon plan. Tu devrais aller y faire un tour dans la nuit : tu es enceinte, ça ne surprendra personne que tu fouilles les placards si tu croisais quelqu’un d’important. » Je hoche la tête doucement. L’idée est bonne : je pourrais être encore affamée après le dîner et pour cause : je mange pour deux. Lorsqu’ils se rendront compte que des couteaux ou autre armes blanches manquent, nous serons déjà loin. « Désolé pour ma fouille en arrivant. Je suis méfiant du coup. » - « Ne t’excuse pas, tu as raison de l’être. » Depuis la chute de notre monde, nous avons croisé notre lot d’escroc et de malades. « Et c’est une bonne idée. Je dirais que j’ai encore faim et, puisque j’ai l’air d’être un miracle à leurs yeux, il m’en tiendront pas rigueur. » Et avec un peu de chance, personne ne me surprendra.

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@Raelyn Blackwell  & Amos Taylor  - Univers alternatif - 2007, 29 ans

La question du couteau est balayée et, bien que je sois soulagée de m’être confié, je ne désire plus y revenir à présent. Je ne le récupérerai pas. Après tout, n’est-ce pas de ma faute ? Au vu de sa valeur, n’aurais-je pas dû le laisser à la ferme ? C’est notre point de chute. Elle est barricadée et nous y sommes en sécurité. Il nous manque encore de quoi nous offrir du confort, mais nous approchons de notre but. Rome ne s’est pas fait en un jour. Notre fuite, par contre, elle devra survenir rapidement. Nous ne pourrons pas non plus nous permettre de tâtonner quand le moment sera venu de récupérer la voiture et de prendre le large. La voiture. Je suis persuadé qu’elle est effectivement à l’intérieur de ce bâtiment militaire et qu’elle aura été fouillée de la boîte à gant jusqu’au dernier recoin du coffre. «Je profiterai que tu seras là-bas pour aller faire un tour par le garage. Si la voiture y est, je me débrouillerai pour essayer de savoir où ils rangent les clés. Elle, nous en avons besoin. Pour elle, je pourrais prendre des risques sauf si tu penses le contraire.» Parce que son avis compte. Je le répète, mais nous avons toujours fonctionné en équipe. ça a commencé dès les premiers jours de cette apocalypse et, pour cause, nous avions peur de réagir dans l'émotion. Le cas échéant, nous sommes capables de la maîtriser, mais elle demeure là ,en particulier parce qu’une menace pèse au-dessus des épaules de Raelyn. Nous ne sommes pas encore arrivés à l’heure où nous devons la régler… si tant est que ça soit possible. «On devrait se reposer un peu. Surtout toi. Les jours qui vont arriver seront difficiles et puis, si ta nuit doit être coupée…» lui ai-je proposé, embrassant son front, mes lèvres y demeurant longuement. J’ai fermé les yeux et je me suis laissé envahir par des rêves d’une autre vie. «Tu en aurais eu envie si tout ça avait été différent ?» Je parle de cet enfant, évidemment. «Si on ne vivait pas dans un monde où je dois regarder s’il n’y a pas des micros parce que les Hommes sont des menaces et où plus de la moitié d’entre eux rêvent de nous bouffer.»  

30 Days Without an Accident
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor - deux ans après le début de l’épidémie

« Je profiterai que tu seras là-bas pour aller faire un tour par le garage. Si la voiture y est, je me débrouillerai pour essayer de savoir où ils rangent les clés. Elle, nous en avons besoin. Pour elle, je pourrais prendre des risques sauf si tu penses le contraire. » Je réfléchis un instant et, force est de constater qu’il a raison : à pieds, nous serons incapable d’aller bien loin. Ils nous rattraperont avant l’aurore, et je ne donne pas cher de notre peau. Moi, je serais préservée tant que je porte la vie. Mais je n’ose imaginer ce qu’ils feraient à Amos. Ces gens, sont-ils des tueurs ? De créatures, nous le sommes tous, mais sont-ils du genre à assassiner froidement nos semblables ? Je crois que je n’ai pas envie de le savoir, tout ce que je veux, c’est partir le plus loin d’ici et le plus vite possible. « Non, tu as raison. Je n’aime pas ça mais, à pied, on a toutes les chances d’y rester. » Je pose ma main sur le côté de sa nuque, et je l’embrasser avec tendresse. « Ne te fais pas prendre. » Je ne peux pas survivre dans cet univers impitoyable sans lui.

« On devrait se reposer un peu. Surtout toi. Les jours qui vont arriver seront difficiles et puis, si ta nuit doit être coupée… » Je hoche la tête et, si je me mets sous les draps et m’installe plus confortablement, je ne me décolle pas du corps chaud d’Amos. Allongée, je ferme les yeux et je me laisse bercer par le rythme de sa respiration. « Tu en aurais eu envie si tout ça avait été différent ? » - « Hum ? » Je rouvre les yeux et penche légèrement la tête en arrière pour pouvoir les plonger dans les siens et contempler son visage tandis qu’il s’adresse à moi. « Si on ne vivait pas dans un monde où je dois regarder s’il n’y a pas des micros parce que les Hommes sont des menaces et où plus de la moitié d’entre eux rêvent de nous bouffer. » Il parle des enfants, et je grimace. « J’ai l’impression que c’était il y a cent ans, avant. » Que la souffrance, les morts, la misère, c’est tout ce que j’ai connu. « Mais tu te souviens de la femme que j’étais. » Impitoyable et rudement ambitieuse. « Non, je ne voulais pas d’enfant. » Lui, je sais qu’il en a eu. Est-ce plus facile finalement, de l’avoir perdue avant que tout ça ne commence ? De savoir que sa fille n’aura jamais vécu avec la peur au ventre comme nous actuellement ? Je l’ignore, et même après deux ans à former une équipe soudée et exclusive, je n’ose pas l’interroger à ce sujet.