Un milk-shake et une balade. Rien ne peut mal se passer avec un tel programme, pas vrai ? Juste un milk-shake, juste une balade, et elle la ramène chez elle avant le début de son shift, le tout pour mieux retrouver Eddie et profiter de passer la soirée avec lui, sans se prendre le bec au sujet de sa petite-amie et des projets auxquels ils pensent tous deux. En attendant, c’est à Jo qu’elle pense, Jo qu’elle passe prendre chez elle, Jo qu’elle veut conduire jusqu’à la plage pour qu’elles puissent profiter d’un peu d’air frais - et de tous les restaurants côtiers qui soient, pour trouver le meilleur milk-shake. Jo qui a été bien trop avenante et gentille dans ses messages pour qu’elle ait pleinement confiance en cette journée à venir et qu’elle ne craigne pas qu’elle lui rende la monnaie de sa pièce, sans jamais lui ouvrir la porte de sa maison et lui tenir compagnie à son tour. Après tout, officiellement, Charlie lui a déjà posé un lapin et même si elle s’est gardée de donner ses raisons (plus que louables puisqu’il en allait de la santé de sa fille), elle espère pouvoir garder les choses ainsi, ne voulant pas utiliser sa progéniture pour se défendre. Elle est mère, désormais, et cela va avec autant de points positifs que d’autres négatifs, ce qu’elle apprend à accepter.

Cependant, cela ne l’empêche pas de vivre, bien au contraire. Elle est heureuse d’envisager cette journée et d’enfin avoir la possibilité d’apaiser les choses entre elles, ou tout du moins de tisser un lien qui aurait dû être présent dès le début. Charlie voit en Jo une amie, à défaut d’envisager quoi que ce soit de plus prenant, de plus intime aussi. Enfin ; elle y a effectivement pensé au début, mais aujourd’hui elle s’est raisonnée, elle est retournée à des aspirations bien plus saines en ce qui les concerne. Jo est une jeune femme qu’elle adore découvrir à chaque jour et elle ne veut pas que cela s’arrête uniquement parce qu’elle en demande trop, trop fort, trop vite. Devant la porte de chez elle, c’est donc un simple message qu’elle lui envoie, attendant sagement dans sa voiture pour ne pas la brusquer, pour ne pas non plus risquer de croiser sa grand-mère et, par conséquent, la perturber. Une chose à la fois, elles doivent d’abord tenter de soigner les plaies du passé avant d’envisager le reste, et une possible suite. Qui sait. “J’aime bien plus ta tenue du dimanche que celle du soir.” La blonde avance donc dans un sourire, commentant la tenue de son ami, laquelle jure avec les paillettes et le maquillage imposant qu’elle portait la dernière fois qu’elle l’a vu. Elle ne parle pas du dimanche auquel on pourrait penser, elle-même incapable de dire où se trouver l’église la plus proche, et c’est justement là la raison pour laquelle elle se montre aussi naïvement amusée par ces quelques mots. Aussi parce que cela lui permet de dire à Jo qu’elle est belle sans déjà se faire reprocher de vouloir la mettre dans son lit, la réduire à un simple physique, ou Dieu sait quoi encore - elle a un très large éventail de reproches possibles, Jo, c’est un fait. “Un de mes restaurants préférés sert des milk-shake, sur la plage. Ça te va comme plan ?” Elle a mis son téléphone sous silencieux, déjà trop consciente que bon nombre de ses amis voudront appeler au lieu de lui envoyer un simple message d’anniversaire. Si elle n’a jamais aimé fêter cela, elle en aime encore moins l’idée aujourd’hui, souhaitant simplement profiter de l’instant. “Tu sais surfer ? Ils louent aussi le matériel à la demie-heure, là bas.” D’accord, d’accord. Elle avait dit vouloir manger et marcher, mais Charlie ne sait pas faire sans proposer plus et surenchérir, pouvant cependant accepter le refus sans mal, la voiture déjà en route vers la plage pourtant.

C’était le fait qu’elle avait accepté pour Ava l’invitation de ses copines de St-Luke pour la journée qui l’avait poussée, elle, à ne pas se soucier d’essuyer un refus quand elle avait proposé à Charlie de se voir. Elle avait sa journée pour elle, elle aurait pu en profiter pour souffler, se poser un peu devant son synthétiseur, faire des masques et des soins pour ensuite prétendre que si sa peau était si belle, c’était parce qu’elle avait été faite ainsi, et pourquoi pas remettre en perspective ses erreurs de ces dernières semaines — sûrement pas, si elle aimait être seule, approuvant sa propre compagnie pour éviter d’avoir à supporter les conneries des autres, il y avait des introspections qu’elle n’était pas prête à faire, et Charlie, malgré tout, avait toujours été un bon moyen de penser à autre chose. Elle n’irait pas jusqu’à dire qu’elle avait hâte de la voir, mais elle s’était préparée relativement rapidement quand elles avaient statué sur le plan de leur journée. Jo ne savait pas exactement si elle devrait se comporter différemment avec elle maintenant qu’elle avait une vue d’ensemble de la vie qu’elle menait, et c’est ce qui la rendit un peu nerveuse le temps qu’elle enfile sa robe sans abuser sur le tissu comme d’habitude, mais cultivant plus de discrétion qu’à l’accoutumée parce qu’elle n’allait pas au spectacle, elle allait juste prendre un milshake et se balader.
Elle laissa les talons au placard, elle y laissa aussi sa propension à croire que tout le monde la traitait d’une autre façon quand il savait ce qu’elle endurait quotidiennement en tant que gardienne officielle de la santé de sa grand-mère, et elle sortit de chez elle quand Charlie s’annonça par texto. Sa veste en denim brun pendant au creux de ses coudes lorsqu’elle descendit les quelques marches du perron de chez elle, elle enfila ses lunettes de soleil à monture blanche, suivant avec sa robe de la même couleur, courte et moulante, piquetée de petits pois noirs, et se dirigea vers la voiture de la blonde sans plus d’hésitation, retenant discrètement sa respiration quand elle s’installa, et qu’elle croisa son regard quand elle tourna la tête pour accueillir… un compliment ? Elle ménagea son sourire, mais elle répondit de bonne humeur "Crois-le ou pas, j’ai pas que des paillettes dans mon placard." Si elle n’avait pas eu une petite boule au ventre, elle aurait ajouté que c’était elle la paillette, mais elle gardait ce genre de sortie pour plus tard, bouclant sa ceinture en opinant du chef à la demande de Charlie de se rendre dans son restaurant préféré, situé sur la plage "C’est toi qui conduis, c’est toi qui choisis." Elle surprendrait Charlie à être aussi conciliante, mais Jo manquait un peu d’énergie depuis quelques temps, et peut-être que c’était à cause des disputes récentes qu’elle avait eues avec Megan et avec Nicholas. Le sujet n’était pas là, elle n’avait pas envie de faire pleurer dans les chaumières plus que ça n’avait été le cas la dernière fois qu’elles s’étaient retrouvées toutes les deux.

Elle se redressa dans son siège, remontant la bretelle de sa robe, ainsi que sa veste, pour se donner bonne contenance quand elle ne sut retenir son sarcasme à la demande suivante de Charlie "Est-ce que j’ai l’air de savoir surfer ?" qu’elle lui demanda avec un sourcil haussé, son visage se tournant pour observer son profil, et plisser les yeux pour lui renvoyer la question "Tu sais surfer ?" C’était dans ce genre de moment qu’elle se rendait compte qu’elles ne se connaissaient pas finalement. Elles auraient peut-être dû commencer par là avant de se sauter dessus, mais ce qui était fait était fait, et ce n’était pas un souvenir assez désagréable pour que Jo considère que c’était une erreur. Dans la foulée, elle détourna la tête pour poser son regard au travers du pare-brise, et reprit après un très court silence "J’ai donné la première partie du plan, tu peux imposer la deuxième… si t’as envie de surfer, je veux bien essayer, mais" Mais ? Elle se mordit très brièvement la lèvre par habitude, fripant juste le haut de son nez quand elle ajouta "Tu promets que tu te moqueras pas si je me vautre dans les vagues ?" Elle aurait de quoi lui faire payer, elle le savait.

@Charlie Villanelle

"Crois-le ou pas, j’ai pas que des paillettes dans mon placard." C’est bien dommage, parce qu’elle est tout aussi belle avec des paillettes sur le visage, surtout lorsqu’elles n’ont pas coulé à cause de ses larmes. Simplement, Charlie n’a jamais été du genre à aimer les ajouts artificiels, tant en termes de vêtements que de maquillage. Cela est d’autant plus vrai avec Jo, bien que son avis n’ait sûrement aucune importance dans toute cette histoire. "C’est toi qui conduis, c’est toi qui choisis." - “Je vais conduire plus souvent.” Elle esquisse un sourire, ses yeux cachés derrière ses lunettes teintées et son regard déjà reporté sur la route. Elle devrait dire ça à Eddie, tiens, peut-être qu’il arrêterait de lui prendre la tête pour tout et pour rien s’il avait connaissance de cette merveilleuse règle ; même si elle doit avouer qu’elle ne pense pas vraiment à son ami en cet instant. Ce soir sera son heure, pour le moment c’est avec Jo qu’elle est, Jo dont le parfum emplit déjà l’habitacle du véhicule, même alors que les vitres sont gardées baissées. “C’est dommage, j’aurais pas hésité à t’en piquer si tu m’avais dit que t’avais un stock infini.” Ce n’est pas dommage de rien du tout, elle n’aurait aucun mal à le deviner à en juger par le ton de sa voix, ou l’objet même de sa réponse. Tout ce qu’elle veut, c’est pouvoir parler avec elle sans éternellement avoir à marcher sur des œufs et penser au moindre de ses mots, de peur que n’importe lequel d’entre eux se veuille être mal interprété pour un oui ou pour un non.

"Est-ce que j’ai l’air de savoir surfer ?"
“T’es pas vraiment australienne ? T’es une alien ?”

Elle reprend dans un sourire étiré, surjouant la chose autant que sa surprise à l’idée qu’une australienne ne sache pas surfer, là où sa question était purement rhétorique. Elle s’attendait à une réponse positive, bien sûr, mais le contraire est aussi l’opportunité pour elle d’enfin en apprendre plus sur Jo, bien que le fil rouge ne soit pas le plus simple à suivre. Jamais Charlie n’avait fait autant d’efforts pour se rapprocher de quelqu’un, surtout alors qu’elle n’a factuellement rien à y gagner. Dans n’importe quel autre contexte, elle aurait eu tôt fait de tourner les talons et de l’oublier. "Tu sais surfer ?" Ses cheveux arrêtent de voler près de la vitre ouverte lorsqu’elle ralentit à l’approche d’un feu rouge, ce qui lui laisse le temps de détourner son regard en sa direction. “J’ai appris à surfer avant de marcher.” C’est au moins une chose que ses parents ont bien fait dans son éducation, voilà ce qu’elle en dit, même si elle est loin d’intégrer le moindre pathos dans cette discussion, en témoigne son sourire. Déjà, elle anticipe de quoi sera agrémenté leur simple sortie, ce qui suffit à la rendre heureuse. "J’ai donné la première partie du plan, tu peux imposer la deuxième… si t’as envie de surfer, je veux bien essayer, mais tu promets que tu te moqueras pas si je me vautre dans les vagues ?" Bien plus attendrie qu’elle ne le voudrait par cette simple remarque, la blonde se donne le temps de la réflexion pour trouver les mots justes. “Je suis pas si terrible, c’est promis.” Elle ne se moquera pas, parce qu’elle tient trop à ce qu’elles sont en train de doucement et difficilement reconstruire pour prendre le moindre risque. Qui plus est, la maternité l’a rendue plus pédagogue que jamais, et une part d’elle veut croire que Jo s’en sortira tellement bien que jamais elle ne tombera. “Y’a un restau juste en face du club de surf. On pourra se moquer des autres, au moins.” Comprenant sur le tard le possible sous-entendu de sa phrase, la jeune femme se reprend rapidement. “Pendant qu’on mange nos milk-shake, je veux dire.” Elle n’est pas déjà en train de lui proposer plus, toujours plus, jamais repu, toujours trop ambitieuse. Un milk-shake et une balade, voilà tout. Et un cours de surf, aussi, mais ça ne compte pas vraiment. Merde.

La voiture miraculeusement garée sans avoir à tourner pendant des heures, elles prennent donc toutes deux la direction dudit endroit, Charlie gardant ses mains enfoncées dans ses poches, à l’image d’un jeune enfant ne sachant quoi en faire. “Tu t’es toujours fait appeler Jo ? Ou y’a un moment dans ta vie où tu l’as juste décidé, comme ça ?” Elle ne la connaît pas. Elle ne sait rien d’elle, ni ce qui importe vraiment, ni les anecdotes qu’on retient sans trop savoir pourquoi. Il est grand temps de remédier à la chose, une bonne fois pour toutes et pour un bon millier de raisons différentes qui ne regardent qu’elles.

"Bah, ça peut être notre prochain date. Tu viens fouiller dans mon placard, je te dis ce qui te va ou pas, et tu remportes la tenue à la fin." Ça lui venait tout aussi naturellement que ses sarcasmes, ce genre de choses, à croire qu’elle avait été une vraie gamine à un moment de sa vie, et pas le jouet d’un père qui l’avait mise au milieu de ses fils pour faire le divertissement, et empocher le pactole à la fin. Elle passa sur l’idée de date qu’elle avait laissé filer, se disant que c’était un terme qui était assez neutre aujourd’hui pour que Charlie ne croit pas qu’elle attendait quelque chose d’elle, et reporta son attention sur la route en retenant toujours son sourire, trop avare en la matière pour enchaîner les risettes à tout-va.
Ce qui la fit sourire en revanche, c’est la réaction de la jeune femme à sa propre réponse au sujet de son incapacité à surfer. Elle haussa les épaules dans la foulée "Ma mère est mexicaine, je dois pas être assez australienne pour trouver ça fun." Et Isaiah et Michelle Carter n’avaient pas jugé bon d’insuffler autre chose que le sens du spectacle à leurs enfants, reléguant une partie des apprentissages de bases au rang de détails qui la plaçait aujourd’hui dans le classement de ceux qui avaient des lacunes sur tellement de choses, qu’elle le cachait derrière de la mauvaise foi, de l’ironie et de la vulgarité. Elle n’avait pas été maltraitée, Josephine, encore que certains de ses souvenirs criaient le contraire, mais si l’époque de son enfance avait été celle d’aujourd’hui, sans doute que les Carter auraient reçus des blâmes. Ce n’était pas le sujet, ça n’en avait jamais été vraiment un en réalité "J’ai appris à jouer du piano avant de savoir parler, chacun ses priorités." Et ce n’était pas de l’amertume qu’on décelait dans son ton, juste un constat qu’elle fit en tournant son visage vers Charlie pour la regarder, et imaginer le genre d’enfance qu’elle avait dû avoir pour être permise de faire ce genre de choses sans que ce ne soit une honte pour elle de l’avouer aujourd’hui ; avec exagération ou pas, aussi le fait que sa réponse soit aussi rapide, aussi concise, ça prouvait qu’elle devait aimer assez ça pour en faire une constante dans sa façon d’être, et elle ne l’aurait jamais devinée. Parce que quand elle la regardait, elle ne voyait pas une surfeuse née. Elle voyait une créature à la peau assez pâle pour l’aveugler, un mirage qu’elle avait laissé filer plusieurs fois d’affilé parce qu’elle craignait de ne pas être assez armée pour la retenir de toute façon, alors à quoi ça servirait.

"Moi si, je suis aussi terrible que ça. Je me moquerais de toi si tu te vautrais." Evidemment, elle ne pouvait pas taire sa soi disant mesquinerie le temps du trajet, il fallait qu’elle fasse éclater son besoin de provoquer pour se donner des airs et garder la main. Ses paupières se plissèrent sous ses lunettes, sa main se leva à hauteur du cadre de la vitre pour y faire onduler ses doigts, allongés par ses ongles lilas, un jeu qu’elle faisait quand ils partaient sur les routes avec sa famille, les weekends de mariages "C’est un bon compromis. Et tu vois que t’es aussi terrible que ça, c’est toi qui propose qu’on se moque des autres. Dans l’échelle du pire, c’est quelque part entre 0 et 1000." Au moins, elles se valaient, qu’elle se dit en détournant la tête le temps de quelques secondes pour regarder défiler le paysage en même temps que les vagues avec sa main prenaient de l’élan, un léger sourire filant enfin ; qu’elle perdit quand elles arrivèrent sur le parking de la marina, et que Charlie relança la conversation "Ouais, je crois. Josephine, c’est trop long… ça doit être mon père qui a commencé à me présenter comme ça à l’époque, et c’est resté." Pourquoi parlait-elle autant de ses parents aujourd’hui ? Elle ne chercha pas à comprendre, néanmoins elle trouva que c’était une bonne continuité pour demander à la jeune femme à côté de laquelle elle marcha, sa veste toujours mal mise sur ses épaules, une manche au creux de son coude, l’autre à quelques centimètres de la bretelle droite de sa robe qu’elle portait aussi nonchalamment qu’un jogging, à la différence que c’était moins confort — elle n’en avait pas l’air sur elle, c’était comme une seconde peau "Ils sont pas souvent avec toi tes enfants, t’en as pas la garde exclusive ?" On pourrait l’accuser de mettre les pieds dans le plat, au moins elle faisait les choses sans se sentir obligée de tourner autour du pot. Et puis, elle réalisait que si c’était un fait avéré que Charlie était maman, elles n’en avaient jamais discuté ; est-ce que ça avait vraiment besoin d’être discuté, elle ne le savait pas, seulement Charlie faisait en sorte de s’intéresser à sa vie, ce n’était que normal qu’elle fasse de même, même si elle ne savait pas trop comment s’y prendre.

@Charlie Villanelle

"Bah, ça peut être notre prochain date. Tu viens fouiller dans mon placard, je te dis ce qui te va ou pas, et tu remportes la tenue à la fin." C’est un date, là, alors ? Elle phase à la première écoute, Charlie, et la seconde n’arrange rien lorsqu’elle comprend que les choses ne sont pas si terribles au point où Jo veuille déjà s’enfuir. Pire, même, elle propose déjà autre chose, une perspective d’avenir qui plaît de façon évidente à la blonde. “Vendu.” Elle ne prend pas le risque de poser la question qui lui brûle les lèvres, c’est à dire: c’est un date, alors ? tant les mots semblent avoir été naturels de sa part, comme évidents. La perspective de revoir Ava la rend tout aussi heureuse, par ailleurs.

"Ma mère est mexicaine, je dois pas être assez australienne pour trouver ça fun." - “T’as grandi en Australie ou pas ?” Le fond de sa réponse n’était pas vraiment sérieux, mais la question de Charlie l’est. Elle se moque de savoir d’où viennent ses parents (sauf si ça signifie qu’elle peut cuisiner autre chose que tout au barbecue - et encore, c’est faux, parce qu’elle note précieusement l’information de sa mère mexicaine dans un coin de son cerveau), elle souhaite simplement savoir si elles ont été bercé dans le même monde. Cela ne changera pas sa vision d’elle, cela ne changera même absolument rien, mais ce sont des petites choses qu’elle note et qu’elle retient. Pas grand chose, mais toujours mieux que rien ; ce à quoi elle avait été habitué jusque-là. "J’ai appris à jouer du piano avant de savoir parler, chacun ses priorités." Les artistes sont à part, c’est une évidence qui arrache à Charlie un sourire qui n’a pas de véritable source. “Tu es ce genre de personne qui joue du piano dès qu’elle en voit un dans une gare ?” Elle a du mal à l’imaginer sagement assise derrière un clavier, à suivre un rythme prédéfini et à garder le dos droit. Pourtant, c’est une image qui lui plaît.

La discussion avance comme si elles étaient deux enfants, sans que cela ne fasse parfois de sens tant elles vont et viennent, en avant et en arrière. Peu importe de ce dont elles parlent, Charlie est simplement heureuse qu’elles le fassent. "Moi si, je suis aussi terrible que ça. Je me moquerais de toi si tu te vautrais." Jo reste peut-être de marbre, mais Charlie rigole toujours de bon cœur, jouant l’ange bien plus que le diable, de façon assez évidente. Elle est terrible, oui, c’est une évidence qui fait sûrement son charme, en réalité. En tout cas, il n’y a toujours rien qui puisse effrayer l’éternelle curieuse que représente Villanelle ; là aussi de façon évidente. "Ouais, je crois. Josephine, c’est trop long… ça doit être mon père qui a commencé à me présenter comme ça à l’époque, et c’est resté." - “Tu t’entends bien avec lui ?” Une question en amène une autre, comme toujours. Charlie ne sait pas ranger sa curiosité, tout comme elle se montre incapable de garder ses questions pour elle en dehors du cadre professionnel. En cet instant, il est évident que personne ne s’apprête à l’appeler par son nom de famille pour lui donner un nouveau travail, comme si elle en manquait. Jo, c’est joli. Elle aime bien Jo, tout comme elle aime bien Josephine aussi ; et c’est auprès d’elle qu’elle aime avancer près de la plage, comme s’il n’y avait rien de plus normal entre elles qu’une sortie en après-midi. "Ils sont pas souvent avec toi tes enfants, t’en as pas la garde exclusive ?" C’est sans doute le revers de la médaille. A poser autant de questions à la minute, il est normal qu’elle en reçoive en retour, certaines plus aisées que d’autres à aborder. Elle lui doit bien une réponse et, de toute façon, ce n’est pas comme si cela avait quoi que ce soit d’un secret. “Je l’ai demandée.” Mais. “C’est leur père qui l’a eue. Disons que j’ai pas vraiment été très douée dans mon rôle de femme enceinte.” Pas dans celui de mère ; elle n’a jamais failli à son rôle de mère, mais ce n’est pas sur ça qu’elle a été jugée et elle n’a aucun mal à le comprendre. Trent méritait d’avoir leur garde bien plus que cela n’a jamais été son cas. Aujourd’hui, il est pourtant évident qu’elle regrette de ne pas pouvoir les voir plus souvent, même si cela lui permet paradoxalement de profiter de sa vie de jeune adulte. “J’avais pas prévu de tomber enceinte. Le gars, c’était juste l’histoire de quelques fois, à la base.” Cela ne fait pas partie des questions de Jo mais, une fois de plus, elle estime qu’elle lui doit bien ça et qu’elle en a besoin pour comprendre le puzzle de sa vie. “Tu voudras les rencontrer ou tu remplis ton quota de politesse pour la journée, là ?” Il n’y a pas de mauvais réponse, elle souhaite simplement savoir sur quel pied danser.

"Ouais, toute ma vie. Pas ici, ailleurs… et j’ai jamais foutu les pieds au Mexique, si c’est ça le vrai sens de ta question." Ce n’était pas comme si sa mère avait fait de ses origines un point culminant de l’éducation de ses six enfants — six, putain. Jo baragouinait un peu d’espagnol, Leroy était bien meilleur à ce jeu-là, quant aux autres, elle prenait soin de les gommer de ses souvenirs vu qu’ils étaient tous des putains d’enfoirés à qui elle n’avait pas envie de donner de l’intérêt en leur faisant traverses ses pensées. Jo devait passer pour une latina sur bien des aspects, mais elle n’en avait jamais fait son identité, et ce n’était pas un drame. Il y avait des fois où ce n’était pas utile d’explorer ces choses-là, c’était juste un fait comme un autre, une anecdote qu’elle pouvait sortir quand elle ne savait pas quoi dire. Jamais elle n’aurait de remords, jamais elle ne chercherait à éclaircir les trous laissés dans son arbre généalogique. Si elle avait été proche de sa famille durant toute une partie de sa vie, elle ne comptait que sur Ava aujourd’hui, et elle était Australienne, sa pauvre mamie, même si elle avait passé une grosse portion de son existence aux Etats-Unis "J’aime l’attention, j’y peux rien." qu’elle lui répondit en haussant les épaules, et en battant des cils sous ses lunettes, répondant indirectement à sa question à propos des pianos dans les gares. A dire vrai, c’était le chant qui la faisait plus vibrer qu’autre chose, néanmoins le piano avait posé les bases de son talent, et ça, au contraire de ses origines ethniques, ça faisait entièrement partie de son identité. Sauf que Charlie ne pouvait pas se figurer à quel point en vérité, puisqu’elle réalisait qu’elle ne lui en avait jamais vraiment parlé, que ça avait peut-être été un fait énoncé par Megan, et ce à l’époque où elle cherchait à faire chier son mec du moment en lui foutant une nana dans les pattes — elle se dirait qu’elle avait eu de la chance plus tard, que Barbie pense à elle à ce moment-là. Toujours est-il que ce n’était pas dans ses habitudes de garder son talent pour elle, c’était pourtant une preuve que, depuis qu’elle avait tout arrêté, c’était un peu trop douloureux d’en parler ; comme d’une rupture, là encore… à croire qu’elle ne vivait que ça sur tous les plans, ces derniers temps.

Charlie était curieuse. Charlie était volubile. Mais Charlie était concise ; peut-être un peu trop, alors quand elle lui demanda pour son prénom, qu’elle mentionna son père, et qu’elle rebondit sur cette mention, Jo refusa de lui donner une réponse. Pas de façon frontale toutefois, elle fit simplement mine de ne pas l’avoir entendue, tournant la tête d’un côté et d’un autre pour se rendre compte du monde qu’il y avait autour. Elle n’avait pas envie de parler de son père plus en détails, comme elle n’avait pas envie de lui dire que non, elle ne s’entendait pas avec lui, qu’il avait refusé de la reprendre à la maison après The X Factor simplement parce qu’il lui en voulait d’avoir voulu s’émanciper de lui et de la carrière qu’il comptait gagner grâce à elle. Alors elle embraya sur autre chose, ne tenant pas à laisser le silence s’installer pour ne pas se sentir trop mal à l’aise. Et enfin, elle remonta sa veste sur ses épaules "T’as fait quoi, t’as bu et t’as fumé quand t’étais enceinte, ou pire que ça ?" Elle aussi, elle était concise. Elle s’en foutait de ce que Charlie avait fait, elle était la moins bien placée pour apporter un quelconque jugement aux décisions prises par les autres. Encore que, elle ne se gênait pas d’habitude, mais en ce qui concernait la vie parentale des autres, qu’avait-elle à dire si ce n’était pas grand-chose ? "Ça arrive. C’est pas forcément malin, mais t’es pas la première, et tu seras pas la dernière. Ça se passe bien avec lui, ou c’est un connard ?" Comme tous les pères, qu’elle faillit ajouter.
Mais ça donnait un peu trop d’infos sur ce qu’elle ressentait pour le sien, du coup elle se la boucla pour une fois, tournant la tête dans sa direction pour affronter son regard dissimulé sous des lunettes de soleil, tout comme le sien. Elle eut un rictus, cependant "Je suis fatiguée. Je suis sympa quand je suis fatiguée." D’un doigt, elle chassa la mèche de cheveux de sa queue de cheval qui s’était glissée entre ses lèvres, brillantes de gloss, détournant la tête pour regarder sa route "Mais je croyais que c’était ce que tu voulais, que je sois polie et docile. Tu te rends compte que je suis plus fun quand je me comporte comme la reine des salopes, hmm ?" Alors aussitôt dit, aussitôt fait ; elle reprit comme si elle n’avait rien dit, s’arrêtant sur les derniers mots de Charlie "Nan, j’ai pas envie de les rencontrer. C’est pas contre toi, j’aime juste pas les gosses." Mais ça, c’était pour se donner bonne contenance, car s’il y avait bien des individus avec qui elle était sympa, à part les petits vieux, c’était les petits tout court. De coin, elle laissa un sourire filer "C’est quoi leurs noms ?"

@Charlie Villanelle

"Ouais, toute ma vie. Pas ici, ailleurs… et j’ai jamais foutu les pieds au Mexique, si c’est ça le vrai sens de ta question." Ce n’était pas le vrai sens de sa question, ou peut-être bien que si. La vérité, c’est que Charlie elle-même n’en sait trop rien, à des kilomètres de tous préjugés ou idées préconçues. Tout ce qu’elle souhaitait savoir, c’est si surfer avec Jo pouvait être une idée réalisable et cela le sera effectivement, d’une manière à peine différente de ce qu’elle avait initialement pensé. Elle apprendra à Jo à surfer, ce qui n’a rien de savant et tout de très amusant, surtout aux yeux d’une petite blonde qui trouve beaucoup de choses très amusantes, même observer Jo tomber - bien sûr que ça arrivera, bien sûr qu’elle a menti en disant qu’elle n’en rigolerait pas. “T’en as envie ou c’est que le nom d’un pays comme un autre pour toi ?” Cette question, pour une fois, elle est à peu près certaine qu’elle ne touche aucune corde sensible. Ce n’est que de la pure curiosité d’une jeune femme qui rêve tantôt de découvrir le monde et tantôt d’inventer une machine à café qui s’actionnerait par la pensée, pour lui éviter de faire les dix pas la séparant de sa cuisine. Deux poids deux mesures.

"J’aime l’attention, j’y peux rien."
“Je l’aime même sans savoir jouer du piano.”

La blonde reprend de bon cœur, ne voulant pas que Jo puisse penser qu’elle lui en tenait reproche. De toute évidence, ce n’est pas le cas, même si l’amour de l’attention de Charlie se montre d’une façon bien différente que celui de Jo. Encore une fois, peu importe, cela n’a rien d’un reproche. Si elle n’aimait pas Jo pour la personne qu’elle est, il y a bien longtemps qu’elle aurait tout abandonné, après une dispute ou une autre. Sans doute que tout aurait été bien plus facile ainsi, en témoigne le silence pesant suivant la question sur son père, lequel la jeune femme chasse avec une certaine maîtrise en feignant de s’intéresser au paysage défilant sous leurs yeux. Si Charlie ne rétorque rien, elle ne se fait pourtant pas prendre au jeu aussi facilement. Simplement, elle comprend qu’il y a des questions qui lui restent interdites et accepte son sort sans le moindre mal, consciente des limites. Ce n’est finalement qu’un juste retour de bâton si les questions difficiles se reportent ensuite sur sa personne, alors. "T’as fait quoi, t’as bu et t’as fumé quand t’étais enceinte, ou pire que ça ?" Elle esquisse un sourire, lequel ne devrait pas exister. "Ça arrive. C’est pas forcément malin, mais t’es pas la première, et tu seras pas la dernière. Ça se passe bien avec lui, ou c’est un connard ?" Jo est dans sa lancée, à ça de défendre la veuve et l’orphelin uniquement pour marquer son point et en tenir des reproches au monde entier, et ce sans même connaître ne serait-ce une partie de l’histoire. C’est un super-pouvoir, sans doute, de pouvoir imaginer autant à partir de si peu. “J’ai bu, j’ai fumé, et j’ai consommé des trucs qui me feraient virer si on retrouvait dans mon test d’urine au commissariat.” Elle ne cite pas les noms parce qu’elle a peur des gros mots, simplement parce qu’elle n’est plus certaine de savoir ce à quoi elle tournait exactement. Peu importe maintenant, non ? C’est fait et, surtout, c’est derrière elle: en témoignent tous ses tests passés haut la main. “Ça se passe aussi bien que possible, j’imagine.” Sauf quand, deux fois à l’année, il pense de nouveau pouvoir être le petit-ami idéal et rêve qu’ils forment à nouveau le couple qu’ils n’ont jamais été. Autrement, oui, ça se passe bien. “C’est pas un connard. C’est un mélange de tous les gentils et parfaits princes de Disney, tu vois le genre ? Je suis même pas capable de te citer un seul défaut chez lui.” Elle n’est pas ce genre d’ex qui ne tarit pas d’éloge sur son ex-compagnon uniquement parce qu’elle l’aime toujours, ne l’a jamais oublié, rêve encore d’une vie à ses côtés et bla bla bla. Ce n’est pas le cas de Charlie mais cela ne l’empêche pas de se montrer objective: Trent est l’homme parfait dont n’importe qui pourrait rêver, lui qui prenait soin d’elle, lui qui aujourd’hui s’occupe avec brio des jumeaux. Et c’est justement pour ça qu’il n’était pas fait pour elle ; elle a besoin de quelqu’un en qui se retrouver un tant soit peu. “On était juste pas compatibles et maintenant on est les parents dont tous les sms se résument à des infos concernant les enfants.” ‘Siobhan était malade, je lui ai donné 500mg de doliprane’, ‘Aaron a essayé de prononcer le mot “fatigué” aujourd’hui mais il bute sur le son T’, ‘Aaron a refusé de faire la sieste, essaye de le coucher tôt sinon il va s’énerver’. Et ainsi de suite, la vie de deux jeunes enfants étant semblable à un puits sans fond d’informations impossibles.

"Je suis fatiguée. Je suis sympa quand je suis fatiguée." Elle note, Charlie. Sans savoir pourquoi, elle prend note, même si une part d’elle tente de faire comprendre à tout le reste de son esprit qu’elle n’aura jamais à se servir de cette information un jour. "Mais je croyais que c’était ce que tu voulais, que je sois polie et docile. Tu te rends compte que je suis plus fun quand je me comporte comme la reine des salopes, hmm ?" - “C’est plus fun uniquement quand la reine des salopes n’est pas tournée contre moi.” Elle rentre dans le lard sans prévenir, sans le moindre charme, aussi peu que l’expression en elle-même en a. Son regard se relève dans celui d’un Jo bataillant contre ses cheveux, face à une blonde un peu plus impassible qu’à son habitude, incapable de lui pardonner certains mots ayant été les siens - alors que l’inverse est sans doute tout aussi vrai. "Nan, j’ai pas envie de les rencontrer. C’est pas contre toi, j’aime juste pas les gosses." Des mots que Charlie aurait pu prononcer il y a trois ans encore. Aujourd’hui, ça ferait sans doute bien mauvais genre. "C’est quoi leurs noms ?" - “Aaron et Siobhan. C’est irlandais. Le teint pâle, c’est pas un cancer en stade terminal.” Elle donne des précisions sur le prénom de sa fille, choisi selon ses origines lointaines et ce pays qu’elle n’a même jamais visité. Pour le moment, puisqu’Eddie s’est donné comme objectif d’y remédier et qu’elle est heureuse de faire ce voyage à ses côtés, certaine qu’ils reprendront l’avion retour ensemble et ce peu importe à quel point le ton montera entre deux bières et trois moutons observés sur le bord de la route. “T’as des frères et sœurs ? T’agis comme une grande soeur ou la petite dernière, j’arrive pas à savoir.” La grande sœur qui a le pouvoir ou la petite dernière qui a dû le gagner par la force. L’un comme l’autre, elle a l’impression de retrouver Josephine, et c’est une idée plutôt déroutante.

Les quelques pas les séparant du restaurant ainsi avalés, c’est avec une certaine hâte que Charlie commande son parfait milk-shake à la vanille, laisse Jo annoncer le sien, et ajoute finalement une portion de frites au tout. Son regard trouve de nouveau le sien, ses épaules de haussent alors qu’elle mime la parfaite innocence. “On a parlé du milk-shake au chocolat, pas des gens qui trempent leurs frites dedans.” Et elle en fait partie, oui, terrible secret aujourd’hui dévoilé.

"J’en ai pas envie." Et c’était tout, elle n’allait pas déployer d’efforts supplémentaires pour parler avec Charlie de son hérédité. La seule qui avait jamais vraiment compté chez les Carter, c’était celle que leur père avait voulu qu’ils suivent, tous, et qui partait d’un rêve qu’il avait fait quand il était jeune et plein d’espoir. Parce qu’elle se plaçait en martyre de la cause de son père, Jo, mais elle avait tendance à oublier que, dans le lot, elle n’avait pas été la seule, et surtout pas la première, à devoir supporter les lubies artistiques de son paternel. Ses frères, ils s’en étaient mangés pas mal aussi, des coups dans la gueule, souvent à cause d’elle d’ailleurs : quand ils ne pouvaient pas suivre son rythme, quand ils étaient faux, quand ils étaient évidents qu’elle était trop douée pour eux, qu’elle prenait toute la lumière. C’était ça, les vraies choses à apprendre de Josephine Ophelia, pas ses pseudos accointances avec un pays qui, en effet, n’était rien qu’un autre pays à ses yeux.
La curiosité de Charlie n’était pas mal placée, même si elle dirait le contraire pour donner le change. Elle l’était encore moins que, dans le fond, elles devaient partager des points communs qui auraient dû les pousser à s’apprécier autrement que parce qu’elles se servaient l’une de l’autre ; en témoignait leur besoin d’attention que Jo souleva, que Charlie souligna. Qui n’avait pas besoin d’attention en ce bas-monde ? Ceux qui prétendaient le contraire ne tenaient qu’à se donner le beau rôle, elles avaient au moins le mérite de ne pas vouloir se cacher derrière de bonnes intentions, quand tout ce qui les intéressait, c’était de tirer la couverture sur elles. Encore une fois, elles se valaient, c’était une maigre consolation quand on connaissait toutes les saloperies qu’elles s’étaient déjà dites.

Sa veste remontée sur ses épaules, elle questionna Charlie à son tour. Si ce qu’elle venait d’apprendre ne la surprit pas tellement, elle lui demanda pourtant "T’as tout arrêté du jour au lendemain, t’as été en cure ?" En d’autres termes, t’es vraiment clean, ou tu demandes à ta voisine de pisser pour toi dans un gobelet ? Certainement qu’elle ne voulait pas vraiment savoir la réponse, Jo, alors elle ne lui posa pas cette dernière question directement, gardant son regard dirigé vers elle tout en marchant lentement, s’attendant à ce qu’elle enchaîne le père de ses gamins parce que ce n’était pas comme ça que ça devait être normalement ? "Je vois le genre. C’est les pires, ceux-là." Et peut-être qu’elle pensait à Roman, et peut-être qu’elle pensait à Nicholas aussi, dans une certaine mesure… elle n’aurait jamais l’occasion de le savoir réellement puisqu’elle ferma ses pensées aussitôt, se concentrant sur ce que lui dit Charlie et sur quoi elle rebondit sans finesse aucune "Tu regrettes ?" Est-ce qu’elle avait besoin d’être plus précise, de lui demander si elle regrettait d’avoir gardé ses enfants, si elle regrettait d’avoir été assez conne pour ne pas se protéger assez bien et se retrouver en cloque ? On pouvait compter sur Josephine pour ce genre de choses ; les introspections à l’arrache. Elle était assez franche pour ne pas faire offense à ceux qu’elle avait en face en les traitant comme des petites choses fragiles, en ménageant leur sensibilité. Elle aurait dû, être plus douce, être plus certaine aussi que ça ne la faisait pas passer pour quelqu’un de mauvais quand elle disait, ou demandait ce genre de choses. Mais elle s’en foutait, elle n’avait pas grand-chose à perdre. Et ça, ça faisait vite oublier l’action de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de l’ouvrir.
Pour ne pas se comporter comme la reine des salopes, elle repasserait donc "T’es pas spéciale tu sais. Je me comporte comme ça avec tout le monde. Je sais pas faire autrement." Ce qui la rendait spéciale en revanche, Charlie, c’était qu’elle essayait d’être sympa. Ce n’était pas une image de dire que ça ne lui venait pas naturellement — le croyait-elle, Nicholas avait démenti l’idée il y avait quelques semaines de ça en lui faisant la liste des choses qui la rendaient digne de son intérêt à ses yeux. Mais Nicholas était un putain de masochiste aussi, alors peut-être que ce qu’il disait ne valait pas grand-chose dans le fond. Alors qu’elle lui avait jeté un regard sous le verre opaque de ses lunettes de soleil, Jo le posa de nouveau sur la route qu’elles foulaient en rythme "Alors tu viens de là-bas, toi ?" D’Irlande ? Qu’est-ce qu’elle foutait en Australie ? Ils n’étaient pas sensés fondre au soleil ces gens-là ? "T’as pas l’air malade, arrête." qu’elle laissa glisser avec un léger sourire cependant, gardant pour elle ce qu’elle pensait vraiment, ce qui lui ferait lui dire qu’elle était peut-être pâle, mais que c’était ça qui la rendait belle "J’ai pas de sœur." C’est comme ça qu’elle commença à lui répondre, et puis parce qu’elle sentait que Charlie attendait des précisions, elle s’efforça de lui en donner, mais sans plus ; parce que ça l’avancerait à quoi de connaître leurs noms, leurs âges, leurs putains de numéros de sécu "J’ai cinq frères. Je suis la seule fille et la dernière." De quoi lever le voile sur tout un tas de choses évidentes rien qu’en l’écoutant donner sa place au milieu de tout ce beau monde : elle se comportait comme une petite dernière, elle se comportait aussi comme la seule fille d’une fratrie… il n'y avait pas vraiment de surprise finalement, et peut-être que ça la gêna assez pour quelle veuille savoir de ce qu’il en était pour Charlie "Et toi, t’as grandi seule ?"
Elle aurait sa réponse plus tard. En attendant, elles passèrent leur commande, Jo se résignant à ce qu’elle avait annoncé à Charlie par texto, à savoir un milkshake à la fraise. Sa tête se secoua quand elle l’entendit ajouter des frites à sa commande, et elle leva la main devant elle pour arrêter son discours, ses yeux libérés de l’opacité de ses lunettes, remontées sur le haut de son crâne désormais "J’ai même pas envie de connaître ton avis sur l’ananas sur la pizza." Elle devait avoir un petit côté italien pour s’offusquer de ça, allez savoir ; en attendant, elle empoigna son milkshake à la seconde où il fût posé sur le comptoir, et dans sa grand bonté du jour, assez exceptionnelle pour que Charlie le remarque sans en faire tout un plat — pitié —, elle daigna payer le tout en glissant quelques dollars sur le comptoir, puis en disant à la jeune femme "T’as un endroit préféré pour te poser, ou je peux choisir ?"

@Charlie Villanelle

"J’en ai pas envie." Et elle agit avec Jo comme elle agirait avec un enfant capricieux: Charlie concède sans même tenter de négocier ou trouver une autre solution. Si elle ne veut pas, alors c’est d’accord, et la blonde se contente de passer à autre chose pour tenter de faire croire que le refus n’est pas aussi violent qu’il n’y paraît. Avec Jo, elle se raccroche à la douce amère réalité qui dit qu’elles ont vu pire, de toute façon, et que cette simple réponse n’est rien du tout en comparaison. "T’as tout arrêté du jour au lendemain, t’as été en cure ?" Charlie a un rire nerveux, ne se retrouvant dans aucune des deux seules propositions qui lui sont offertes. “Je suis pas une camée. Simplement du genre à m’amuser en soirée.” Elle n’a jamais été accro et ne ressent pas le besoin urgent de recommencer à prendre de la drogue, quelle qu’elle soit, ce qui explique aussi qu’elle n’ait pas eu besoin d’aller en cure. Elle n’en était pas à ce stade là et heureusement, parce que jusqu’à preuve du contraire sa prise de drogues n’a eu aucune conséquence sur ses enfants, surtout pas une addiction qu’elle aurait pu leur transmettre. Ils vont bien et, maintenant, elle aussi. “J’ai arrêté quand je suis entrée dans la police.” Pour des raisons évidentes de dépistages réguliers, possiblement surprises aussi, et la durée plus ou moins fiable de détection des différentes drogues dans l’organisme. Oh, et parce qu’elle a promis de se ranger, aussi, bien sûr.

"Je vois le genre. C’est les pires, ceux-là." Charlie hausse les épaules, ne voulant pas entrer dans le débat, même si elles sont pour une fois du même avis, à quelques nuances près. Trent n’est pas un homme à qui elle peut tout reprocher uniquement parce que ça serait plus simple ainsi. "Tu regrettes ?" - “Etttt c’était chouette cette interrogatoire, merci beaucoup, suivant.” Elle fait basculer derrière son épaule l’éternelle même mèche rebelle, le tout pour mieux avancer un peu plus vite, sa tête relevée vers le restaurant non loin. Ce n’est pas avec Josephine qu’elle parlera de Trent ou de ses possibles remords, ce serait déplacé et surtout bien trop tôt. Elles en sont encore à tenter de passer quelques heures sans vouloir la peau l’une de l’autre. "T’es pas spéciale tu sais. Je me comporte comme ça avec tout le monde. Je sais pas faire autrement." La chance. Charlie se passe de tout commentaire et ne prend même pas la peine de hocher la tête pour la forme. Elle l’avait plutôt bien compris, ça, que Jo était du genre rebelle et certainement pas à rentrer dans le moule préconçu de la société. Chose que Charlie, au contraire, aime, à raison de quelques heures par jour au moins. “T’as toujours les bons mots, y’a pas à dire.” Sort finalement de sa bouche, avec un mince sourire au passage.

"Alors tu viens de là-bas, toi ?"
“Ma mère est Irlandaise. J’y ai jamais foutu les pieds.”

Comme Jo et le Mexique finalement ; les voilà avec un nouveau point commun, elles ne peuvent donc qu’être meilleures amies pour la vie à partir de ce constat là, n’est-ce pas ? "J’ai pas de sœur. J’ai cinq frères. Je suis la seule fille et la dernière." - “A quel point t’as détesté ?” Parce que personne ne voudrait avoir une aussi grande fratrie, pas vrai ? Encore moins en étant la seule femme entourée d’hommes voulant faire tout sauf ce qu’on aime et on veut, pas vrai ? Peut-être que Charlie aurait aimé avoir un frère, oui. Mais un seul. Surtout pas cinq. Une famille immense, ce n’est une bonne idée que sur le papier, parce qu’en réalité cela ne sont jamais autant de personnes sur lesquelles on pourra toujours compter. Ce sont autant de poids. "Et toi, t’as grandi seule ?" Il y a bien Solveig, mais une demie soeur aînée qu’elle n’a vu que quelques fois dans sa vie, cela ne vaut sûrement pas la peine d’être notifié, raison pour laquelle Charlie se contente de lui répondre par un simple ‘ouais’, notion qui n’a aucune nécessité d’être approfondie. Elle est fille unique, fille gâtée, et aujourd’hui elle ne parle plus à ses parents. Ce n’est pas une histoire à pleurer dans les chaumières pour autant, loin de là.


Leurs commandes passées, des frites ajoutées au tout, le commentaire de Jo à ce sujet ne tarde pas avant de se faire entendre, sous le regard amusé de la blonde, qui a bien sûr fait exprès pour susciter son attention. "J’ai même pas envie de connaître ton avis sur l’ananas sur la pizza." Elle adore ça, sans grande surprise, raison pour laquelle son sourire grandit encore terriblement, tel un enfant fier de sa bêtise. "T’as un endroit préféré pour te poser, ou je peux choisir ?" Elle la laisse payer, sachant déjà qu’elle paiera pour leur prochaine activité ou Dieu sait quoi ; elle ne s’en fait pas. Les deux femmes ne se hurlent pas déjà dessus, cela veut dire que la journée peut continuer sans trop de mal. “Vas-y.” Elle peut aisément lui faire confiance sur ça, sans même avoir à y réfléchir à deux fois. “Tu travailles à temps plein ? Au club ?” Elle tente de choisir les mots pour ne pas avoir à dire “dans ton club là”, ce qui semblait évidemment assez péjoratif, là où Charlie n’en pense pas grand chose en réalité. Au fond, elle veut simplement savoir comment Jo occupe tout son temps. “Tu parles toujours à ta famille ?” En d’autres termes: pourquoi est-ce qu’elle est la seule à s’occuper d’Ava ?

Si elle s’était attendue à un jeu de question-réponse, peut-être qu’elle aurait préparé les siennes un peu à l’avance pour ne pas avoir l’impression d’être prise au piège. Ça allait dans l’ensemble cependant, parce qu’elles n’étaient pas du genre à s’arrêter sur les détails inutiles, et à faire dans l’extrapolation pour expliquer des trucs qui ne méritaient pas qu’on en fasse tout un plat. Elle était plus revêche que Charlie, Jo, et elle ne ménageait pas vraiment sa propension à mettre les deux pieds dans le plat, mais ça passait plutôt bien, et elle se surprit à espérer que ça continue comme ça. Il faudrait qu’elle fasse des efforts, plus que Charlie ne devrait en faire, c’était une certitude assez effrayante pour la faire taire le temps de quelques secondes seulement, se repassant en boucle les réponses de Charlie pour se voir revenir sur Terre à l’instant où elle lui demanda combien elle avait détesté être la seule fille au milieu de cinq garçons.
Elle hésita, étrangement, juste parce qu’elle pouvait se permettre de le faire, ne s’arrêtant cependant pas très longtemps sur les souvenirs qu’elle tachait de refouler depuis des années. Ses lèvres suivirent le chemin inverse d’un sourire, quand haussant les épaules, elle lui dit avec une nonchalance qu’elle maîtrisait tellement bien que ça faisait maintenant partie de sa manière de s’exprimer "Assez pour que je me barre de chez moi à 16 ans contre l’avis de mes parents, sinon c’est pas marrant." C’était peut-être la seule fois où elle avait manqué d’un peu d’honnêteté, Jo. Quand elle avait préparé son sac en douce, qu’elle l’avait planqué sous son lit, et que sa mère était tombée dessus en lui demandant pourquoi elle avait besoin d’autant de choses pour le lycée. Ça avait fini en coup de tonnerre, quand elle lui avait demandé d’attendre que son père rentre pour finalement leur annoncer qu’elle partait pour Sydney, et que ce n’était pas une soumis à la discussion. Elle avait depuis occulté la gifle qu’elle s’était prise dans la gueule au moment de passer la porte, sous le regard médusé de ses frères qui ne l’avaient pas défendus, pas même quand leur père lui avait dit qu’elle ferait sans doute obliger de   faire la pute pour payer ses factures, puisqu’il refusait de débourser ne serait-ce qu’un centime pour qu’elle réussisse à s’en sortir ; cette gifle n’avait de toute façon pas réussi à lui remettre les idées en place, et elle était partie en se disant que ce serait plus facile seule, même si elle avait  eu besoin que sa grand-mère l’aide au début, vivant du surplus d’argent qu’elle lui envoyait pour combler les trous laissés par les petits salaires qu’elle se faisait, à droite et à gauche. Elle s’était trompée, sur le côté mieux vaut être seule que mal accompagnée, mais elle ne regrettait pas grand-chose, si ce n’était peut-être la fois où elle était tombée sur ce casting call qui l’avait fait trop saliver pour qu’elle ne s’y rende pas avec la certitude de convaincre, de plaire et de gagner.

D’un côté, la vie qu’elle avait décidé de mener, ça l’avait fait devenir orpheline, alors c’était peut-être un point commun — celui de la fille unique du moins — à recenser avec Charlie qui ne daigna pas apposer de réponse concrète à la question qu’elle lui posa, lui faisant comprendre comme une grande qu’elle jouissait d’un statut différent du sien sur la forme, mais pas tellement sur le fond.
Leurs snacks en mains, Jo choisit un endroit en amont du restaurant qu’elle venait de quitter pour s’installer ; vue donnant sur la baie, assez ombragé pour éviter de cramer et lui faire regretter le choix du milkshake quand un chocolat chaud l’aurait peut-être incitée à retirer sa veste qu’elle resserra sur le devant quand elle s’assit, jambes serrées. Sa paille entre les dents, elle rechaussa ses lunettes de soleil et tourna la tête vers Charlie pour accueillir sa question avec un léger sourire, puis une aspiration du liquide glacé qui lui coula dans la gorge, la faisait discrètement frissonner "Je fais que servir tu sais, je danse pas là-bas." Elle ne savait pas très bien pourquoi elle le lui précisait, et ça lui fit baisser la tête pour replacer sa paille dans le bon trou "Mais ouais, c’est pas si mal… ce sera sans doute temporaire, je réussis pas vraiment à garder un boulot sur le long terme. J’ai pas un caractère facile." Ça, elle n’avait pas besoin de lui dire non plus, mais ça la fit sourire de se l’entendre dire comme si c’était une découverte essentielle à mener, quand il paraissait évident qu’elle avait été moulé dans de la mauvaise foi et de l’agressivité — pas vraiment à dire vrai, mais la solitude, ça rendait souvent comme ça "Peut-être que je vais chercher un truc en journée, j’en sais trop rien encore." Mais ce serait bien pour tout un tas de raisons qu’elle ne se sentit pas à l’aise d’exprimer. Elle détourna la tête pour poser son regard au loin, prenant un peu de temps avant de reprendre la parole suite à la nouvelle question de Charlie "Pourquoi tu veux savoir ?" Elle n’avait pas envie de parler de ça, elle n’avait pas envie d’admettre que ce n’était qu’elle et Ava, même s’il lui semblait que ça avait été soulevé la dernière fois au commissariat "Il devient quoi, ton mec là ? Celui que tu voulais faire chier avec tes photos ?" finit-elle par lui demander, parce qu’elle savait y faire pour noyer le poisson, et qu’à défaut de vouloir se confier sur les travers de sa famille, elle pouvait au moins essayer de garder un semblant de conversation quand elle lui avait pourtant dit que, tout ce qu’elle voulait faire quand elles se verraient, c’était prendre un milkshake et se balader.

@Charlie Villanelle

"Assez pour que je me barre de chez moi à 16 ans contre l’avis de mes parents, sinon c’est pas marrant."
“Si j’avais dû parier, t’aurais effectivement été la rebelle de la famille.”

Charlie feint l’indifférence, comme si cette nouvelle n’en était pas vraiment une, mais elle se promet de rester une oreille attentive pour Jo si jamais elle en ressent un jour le besoin - ce qui ne sera pas le cas avant bien, bien longtemps, elle le sait déjà. C’est du passé et cela n’a plus aucune importance, sans doute. C’est ce qu’on dit pour faire passer la pilule. Dans un silence attentif - pour ne pas se prendre les pieds dans Dieu sait quoi -, Charlie la suit donc avec une confiance absolue dans un coin reculé mais parfait, semble-t-il. "Je fais que servir tu sais, je danse pas là-bas." L’étonnement de Charlie aurait pu se lire dans ses yeux grands ouverts, si elle ne les avait pas cachés derrière des immenses lunettes de soleil passées de mode. Elle sait sans doute bien danser, Jo, voilà ce qu’elle pensait naïvement. Elle a du cran, elle aurait pu et su faire face à des clients peu recommandables. "Mais ouais, c’est pas si mal… ce sera sans doute temporaire, je réussis pas vraiment à garder un boulot sur le long terme. J’ai pas un caractère facile." - “Oh, vraiment ?” Cette fois-ci, elle ne fait même pas semblant de cacher ce qu’elle en pense vraiment, son sourire croquant dans la frite préalablement trempée dans le milk-shake. Le caractère bien trempé de Jo, elle en a effectivement déjà eu un aperçu, et pas qu’un peu.

"Pourquoi tu veux savoir ?"
“Curiosité.”

Elle pourrait élaborer, expliquer davantage, traduire un peu plus le fond de sa pensée mais la vérité c’est qu’il n’y a rien de plus à dire. Elle est curieuse mais n’a aucune arrière pensée, alors un seul mot suffit à résumer la raison de sa question, celle-là même à laquelle Jo a répondu par le plus grand des hasards et par la plus grande chance aussi. "Il devient quoi, ton mec là ? Celui que tu voulais faire chier avec tes photos ?" Face à cette question, pourtant, Charlie prend le temps de souffler longuement et de se laisser tomber en arrière dans le sable, sa casquette en guise de protection pour éviter d’en avoir perdu dans les cheveux. “Pas revu depuis que j’ai balancé ses affaires par la fenêtre.” C’était quand, ça ? Six mois ? Plus. Cela fait déjà bien plus longtemps que Léo ne fait plus partie de sa vie et qu’elle ne s’en porte pas plus mal, finalement, bercée au gré des visites médicales d’urgence de Siobhan. “Me dis pas que c’était un connard et que je suis bien mieux sans lui, je vais m’en passer.” Parce que cela n’a rien de véritable, qui plus est, et que c’est d’autant moins de la part de Jo qu’elle a envie de l’entendre: elle ne le connaissait pas. “J’ai pas le temps de penser à lui ou à qui que ce soit d’autre, de toute façon.” Elle ne veut pas d’une nouvelle relation et elle serait prête à jurer sur la vie du premier venu qu’elle n’en voudra plus jamais. Tout ce qu’elle souhaite, enfin, c’est profiter de sa jeunesse et des personnes qu’elle chérit, sans que cela finisse inévitablement dans les cris et les larmes. “Tu sais ce que je me dis ? T’as pas l’air d’avoir un jour accepté d’abaisser tes barrières pour sortir avec qui que ce soit.” Et de la bouche de Charlie, à défaut d’être un reproche, cela ressemble plutôt à un compliment sans pareil.

La rebelle de la famille, c’était réducteur, mais c’était sans doute la meilleure étiquette à lui coller sur les fesses pour se donner la satisfaction de savoir de quoi elle était faite ; de paradoxes, si elle devait être tout à fait honnête, seulement quelque chose lui disait que ça n’intéressait pas tellement Charlie de découvrir toutes ses contradictions et ses subtilités, parce que oui, elle en avait malgré ses gros sabots. La blonde, elle paraissait davantage vouloir faire amende honorable, et c’était tout à son honneur justement. Elle n’avait jamais été douce avec elle, Jo. Pas même quand elles s’embrassaient, et ce n’était pas faute d’y avoir trouvé son compte. C’était juste qu’elle ne savait pas être douce, ou à de très rares occasion, quand elle avait la sensation que ça valait le coup. Elle ne s’était pas questionné à ce propos avec Charlie puisqu’elles n’étaient pas vraiment vouées à se revoir, que ça avait été l’histoire d’une vengeance rapide, faites sans qu’elle ne puisse ne pas rien y redire, elle qui avait toujours un avis sur tout. Et peut-être qu’elle aurait dû la fermer d’ailleurs, peut-être qu’elle aurait dû accepter d’être utilisée sans trouver ça injuste d’être placée au milieu d’un psycho-drame dont elle ne connaissait pas grand-chose en vérité, et dont elle se foutait avec encore plus de conviction. Ça ne servait à rien de revenir dessus. Et pourtant, c’est ce qu’elle fit juste par curiosité, comme Charlie avec ses questions sur sa famille.

Elle suivit son mouvement, évitant de grimacer quand elle la vit tremper ses frites dans son milshake, et s’appuya sur ses coudes tendus en arrière en étant attentive à sa réponse. Elle eut un sourire en biais "Tu veux connaître mon principe de base ?" qu’elle lui demanda, sans vraiment attendre qu’elle lui dise que oui, déclamant avec sa paille dans la bouche "Je pars de l’idée qu’ils sont tous des connards, comme ça, quand je me rends compte qu’ils le sont vraiment, je suis pas déçue." Dans le genre cynique, on ne faisait pas mieux. En plus, elle mentait là encore, étant donné qu’il y avait eu des moments où elle s’était laissée avoir pour se rendre compte, après coup, qu’elle aurait dû être plus prudente, qu’elle aurait dû moins se laisser envoûter, qu’elle aurait dû moins compter sur une alchimie parfaite en se disant que ça ne trompait jamais, que c’était fait pour perdurer, pas pour l’obliger à se terrer. Elle prit une légère inspiration, mettant de côté tout ça pour ne pas donner l’impression qu’elle réfléchissait de trop "Je te dirais pas que t’es mieux sans lui si tu l’aimais. Y a des moments, on peut rien faire contre ça, même quand c’est pas le meilleur truc sur lequel on peut compter." Le manque d’objectivité induit par les sentiments, il n’y avait rien de pire. Elle eut un léger mouvement, sa tête se tournant vers elle pour arquer un sourcil sous ses lunettes de soleil "A personne, même pas à moi ?" Ça, c’était de la taquinerie. Elle avait tendance à croire qu’elle hantait les pensées de nombre d’individus qu’elle prenait dans ses filets rien qu’en leur passant sous le nez, mais en l’occurence ici, ce n’était que pour faire de l’humour — que Charlie saurait apprécier ou pas, elle s’en cognait pas mal, il fallait dire ce qu’il en était.
Une nouvelle aspiration de son milkshake, qu’elle avala lentement, trop lentement pour que ce ne soit pas une tactique pour gagner du temps, et elle se détourna du visage de Charlie en se redressant, laissant une complainte lui échapper comme elle sentait ses muscles s’engourdir "Je sais pas si ça m’intéresse tout ça." Sortir avec des gens, c’était tellement puéril comme expression qu’elle aurait été capable de se défoncer la tête contre un mur pour ne plus jamais devoir l’utiliser. Un silence se posa brièvement, et elle décida d’avouer, sa paille forant le fond de son gobelet en plastique dur "J’ai eu des petits-amis, mais c’était pas pour les bonnes raisons… j’ai abaissé mes barrières comme tu dis, à un moment, avec quelqu’un, mais on est pas sortis ensemble, c’était pas vraiment ce genre de relation." Pas vraiment, c’était mieux que d’admettre qu’elle ne savait pas du tout quel genre de relation ça avait été, si ce n’était un tsunami de tout un tas de choses qui la rendaient encore tributaire d’une influence dont elle voulait échapper en évitant d’ouvrir la radio, de regarder la télé, ou d’accepter qu’il se pointe sur son lieu de travail après cinq ans de silence "Peut-être que je finirais vieille-fille. Mais ça me gêne pas, j’aime bien ma compagnie." qu’elle ajouta dans un ton neutre. Haussant les épaules en lui lançant un nouveau regard, Jo vint pêcher une frite dans sa barquette, et la mâchouilla un instant sans la tremper dans son milkshake.

@Charlie Villanelle

Elle ne l’aime pas, le principe de base de Jo. Il est trop pessimiste, un brin misandre sur les bords aussi à ses yeux. Elle n’apprend rien du caractère de la jeune femme face à elle, simplement elle ne peut que constater une fois de plus à quel point elles peuvent parfois être différentes, sans que cela soit un problème pour autant. Alors, Charlie se contente d’accueillir ses mots dans un sourire amusé, non sans se demander ce qui a poussé Jo à avoir un avis aussi tranché sur le sujet: elle ne veut pas croire que ce n’est que son caractère qui parle, là. Même elle se rend compte qu’il est sûrement bien trop tôt pour des questions du genre, raison pour laquelle elle fait de son mieux pour rester muette. "Je te dirais pas que t’es mieux sans lui si tu l’aimais. Y a des moments, on peut rien faire contre ça, même quand c’est pas le meilleur truc sur lequel on peut compter." Est-ce qu’elle a déjà été amoureuse, Jo ? Elle a des mots qui disent que oui, toute une histoire qui semble faire penser que non. Encore une fois, pourtant, Charlie n’en sait rien, à commencer par le fait qu’elle ne la connaisse pas le moins du monde. Elle est la dernière de qui elle s’attendait à avoir des conseils au sujet de Trent, cependant, et peut-être que ses mots font effectivement du bien à entendre, de se dire qu’elle n’a pas pris la mauvaise décision qui soit, et peut-être même qu’elle n’était pas aussi pire que ce que tout le monde lui laisse penser - sauf Trent lui même. "A personne, même pas à moi ?" La répartie l’amuse. Si elle savait Jo franche, bien entendu, elle ne pensait pas qu’elle oserait s’avancer aussi frontalement sur ce terrain là. Une fois de plus, pour des raisons bien différentes cette fois, Charlie se contente à son tour d’improviser un sourire. Personne, même pas à elle. Tout comme Jo préfère partir du postulat que tous les hommes sont des connards, Charlie préfère maintenant se dire que tout le monde n’est qu’un ami, et certainement rien de plus. On ne pense pas tout le temps à ses amis. Aucun ami ne contrôle votre vie. Ainsi, tout est plus simple.

Sur ce sujet, pourtant, elle n’a aucun mal à renvoyer la pareille à Jo pour quémander son avis et sa vision des choses, même si cela se fait au travers d’une simple affirmation: Jo ne se pose pas avec qui que ce soit. Jo vit sa vie, et parfois elle rencontre des gens, pour mieux les relâcher au bout d’un moment, qu’il soit court ou long. "Je sais pas si ça m’intéresse tout ça." Et ça fait du bien, aussi égoïste cela soit-il, d’entendre ces mots. Parce que cela signifie qu’il existe au moins une autre personne en ce monde qui pense la même chose qu’elle et qui se dit que peut-être ce n’est pas intéressant, pas nécessaire, pas utile. Charlie l’observe un instant, sa main dans le vide alors qu’elle n’a pas encore décidé du sort de sa frite et de sa rencontre, ou non, avec le milk-shake. "J’ai eu des petits-amis, mais c’était pas pour les bonnes raisons… j’ai abaissé mes barrières comme tu dis, à un moment, avec quelqu’un, mais on est pas sortis ensemble, c’était pas vraiment ce genre de relation." - “Je vois.” Et c’est vrai, elle voit. Pas les détails, pas tout le tableau dans son entièreté, mais elle comprend. Elle comprend pourquoi elle a un jour cru bon d’abaisser ses barrières pour quelqu’un, tout comme elle comprend comment on peut ne pas vraiment être avec une personne. Simplement, elle n’imaginait pas ça de Joséphine la manichéenne, celle qui voit le monde tout en noir ou tout en blanc (mais surtout tout en noir). "Peut-être que je finirais vieille-fille. Mais ça me gêne pas, j’aime bien ma compagnie." - “Ça a l’air d’être un sort horrible au début et après je crois qu’on se fait bien à l’idée. Peut-être que j’ai envie de rester seule, moi aussi. Du genre, pas me poser avec personne, tu vois, pas seule seule.” Elle est trop philanthrope pour épouser l’idée d’une vie solitaire, il faut bien l’avouer, mais elle n’est pas capable d’assez de concessions pour autrui pour vouloir d’une vie de couple ou, pire encore, d’un mariage. Quoi, partir tous les ans au même endroit ? Le dîner dominical avec les parents ? Le jeudi pizza, le restaurant mensuel, la planification du budget annuel ? Trop peu pour elle. Trop peu pour Jo aussi, apparemment. “On abaisse ses barrières qu’une seule fois, de toute façon. Après, on apprend de son erreur.” C’est sa façon à elle de tenter de rassurer Jo, un maigre sourire en coin. Tout ira bien. "Et après ça, je crois qu'on se dit tous qu'on va se concentrer sur notre carrière, que là au moins ça devrait être moins risqué." Elle esquisse un sourire mal assuré, consciente qu'elle est bien trop en bas de l'échelle pour que la moindre évolution puisse être noté comme remarquable. "T'as pas rêvé à autre chose, après X Factor ?" Elles n'en ont jamais parlé, mais Charlie sait qu'elle y a participé, bien sûr.

"On n’est jamais vraiment seul de toute façon. Je veux dire, t’as pas besoin d’être amoureux pour aimer quelqu’un." Elle eut un très bref temps de réflexion, et ses sourcils se froncèrent en même temps que sa tête se secoua pour en chasser l’idée que ça n’avait pas de sens "Je sais pas si ça fait du sens pour toi, mais je vois ce que je veux dire." Si elle s’était attendue à traiter ce genre de sujet, Jo. Ça la fit rire d’un coup, le genre de rire qu’elle ne laissait pas souvent filer parce qu’elle n’avait pas beaucoup l’occasion de rire à dire vrai. Mais si elle s’arrêtait sur ce qu’elle venait de dire à Charlie, elle savait qu’elle n’avait pas tout à fait tort, que même si c’était un peu tordu sur la forme, sur le fond, c’était une argumentation qui se valait, et à laquelle elle se tiendrait parce que merde, c’était ce qu’elle ressentait. On pouvait avoir l’occasion d’être aimé différemment que sous le prisme d’une relation amoureuse, il y avait d’autres formes d’amour qui apportaient plus encore que le simple fait de se donner corps et âme à quelqu’un. Elle savait qu’aujourd’hui, c’était difficile pour certain de se dire que c’était viable sur le long terme, de ne pas être en couple, mais elle disait vrai quand elle partageait son état d’esprit avec Charlie : sauf pour écrire des chansons, elle ne voyait pas l’intérêt de se pencher sur cet aspect de sa vie.
Quelque part, elle avait assez d’amour pour ne pas en vouloir davantage, au risque d’être blessée au passage. Elle avait eu envie d’être aimée à un moment donné, son besoin constant d’attention restant une preuve irréfutable de ce fait, mais c’était plus profond que tout ce qu’elle aurait été capable de partager avec la blonde vers qui elle tourna la tête pour la regarder, s’arrêtant d’abord sur ses yeux qu’elle ne pouvait que s’imaginer, cachés par ses lunettes de soleil, puis sur le bas de son visage "On pourra être vieilles filles ensemble. Je t’apprendrais à tricoter." Et encore une fois, cette image la fit rire sans qu’elle n’y voit quelque chose de triste dans le fond. Ça ne l’était pas, c’était même faire peser l’ombre d’un avenir entre elles qui lui paraissaient un peu plus sain que ce qu’elle s’était imaginée depuis qu’elles s’étaient rencontrées "Et t’as appris beaucoup de tes erreurs, ou le père de tes gosses, c’est le seul qui t’a donné envie d’avancer en solo ?" Le père de ses gosses, et l’autre auquel elle avait voulu faire du mal par son intermédiaire. Elle lui posait la question comme ça s’infiltrait bien dans leur conversation, pas pour savoir si elle avait collectionné les conquêtes, ce qu’elle de son côté, n’avait jamais fait malgré l’idée qu’on se faisait d’elle. Edge se moquerait d’elle, mais Edge était devenu le genre de canard qui appelle sa meuf habibti, alors.

Quand le mot carrière fût apposé au raisonnement de Charlie, Jo baissa la tête sur sa paille, avalant la frite qu’elle lui avait chipé comme justification bancale de son silence soudain. La question qu’elle lui posa ensuite, elle la mit mal à l’aise plus que toutes celles qu’elle lui avait posé jusque-là, et sa gorge se serra juste assez pour qu’elle veuille reprendre une gorgée de son milkshake qu’elle se mit finalement à secouer en le décalant de ses lèvres, ses joues gonflées par l’amas de liquide épais qu’elle avait dans la bouche et qu’elle avala doucement, très doucement… jusqu’à ce qu’elle sente qu’elle n’avait plus le choix, et qu’elle réponde à la jeune femme.
"J’ai sorti un EP après l’émission. Un truc un peu jazzy, comme j’avais envie de le faire depuis longtemps, mais ça a pas vraiment passionné les foules." Pas assez pour que sa maison de disque veuille honorer leur contrat, en tout cas. C’était dur, ça lui faisait du mal. Elle haussa les épaules en jetant un regard perdu loin devant elle "Et j’ai jamais vraiment plu au public. On m’a rendue sympathique parce que ça fonctionnait bien avec le type avec lequel j’étais en compétition. Autrement, je savais que je faisais pas vraiment l’unanimité, même si la prod m’a foutue des queues de cheval et des jupes courtes en pensant que ça plairait aux ados de voir une Ariana Grande australienne sur leur écran de télé." De nouveau ses épaules se secouèrent "J’ai pas joué le jeu après, j’ai voulu faire ce que j’avais envie de faire… puis ma grand-mère a été diagnostiquée, j’ai trouvé que c’était le bon moment pour prendre le temps de… réfléchir à ma carrière." D’enterrer ses rêves, de ne plus jamais y songer tout en continuant à prétendre qu’elle avait le monde à ses pieds. Elle se tut quelques instants avant de reprendre la position qu’elle avait prise quelques instants plus tôt, laissant son gobelet à ses côtés pour s’allonger aux côtés de Charlie, le haut du corps relevé par les coudes "Ça peut pas fonctionner à chaque fois, ça veut pas dire que je suis mauvaise." Elle n’avait pas perdu sa confiance, elle n’avait que ça à quoi se raccrocher en vérité, et c’était suffisant pour l’aider à se lever tous les jours sans trop s’arrêter sur l’idée qu’elle avait gâché sa vie, qu’elle avait fait exactement ce que son père avait prédit.
Doucement, sa langue passa sur ses lèvres pour en chasser le gout de la fraise, et même si elle prit un peu de temps avant de réussir à parler sans que sa voix ne la trahisse, perdue dans sa tête, elle finit par demander à Charlie, un sourire sur le visage "Je t’aurais jamais imaginé flic. T’aimes bien faire ça ?" Il y avait encore une part d’elle qui avait du mal à accepter qu’on puisse bosser pour le plaisir, elle qui avait perdu sa carrière de rêve, alors forcément.

@Charlie Villanelle

"On pourra être vieilles filles ensemble. Je t’apprendrais à tricoter." Le rire de Charlie est soudain mais sincère. De toutes les propositions qu’auraient pu lui faire Jo, jamais elle n’aurait su anticiper celle-ci, d’une façon ou d’une autre. Au moins, elle se dit qu’elle est unique ; peu de ses connaissances ont eu l’occasion de se voir offrir une telle proposition, à n’en pas douter. "Et t’as appris beaucoup de tes erreurs, ou le père de tes gosses, c’est le seul qui t’a donné envie d’avancer en solo ?" - “Je suis du genre à faire les mêmes erreurs dix ou onze fois, pour être sûre.” Et si elle n’a pas eu tant de petit(e)s ami(e)s, n’en reste pas moins que cela soulève une certaine vérité: elle se fait avoir à chaque fois, Charlie, à croire que le prochaine ne sera pas comme tous ceux avant lui et qu’il est, enfin, le bon. Éternelles conneries, elle aurait dû se mettre au tricot il y a bien longtemps.

Lorsque le malaise de Jo devient évident, la blonde regrette aussitôt sa question, bien qu’il soit maintenant trop tard pour se contenter de reprendre ses mots et demander à passer à autre chose. Alors, puisque ses paroles semblent difficiles à formuler, Charlie prend au moins le temps et le soin de l’écouter dans les moindre détails, sans laisser ses pensées vagabonder ailleurs. Elle suit ses aventures avec un temps de retard, son EP qui n’a pas vraiment marché, le public qui n’a pas su s’attacher à elle, l’émission qui lui a donné un rôle autre, l’éternelle attitude rebelle de Jo. Le diagnostic de sa grand-mère. Son retrait (définitif ?) du monde du spectacle ; Charlie se pose la question, bien sûr, mais elle ne veut pas prendre le risque de la lui poser et amener avec elle de nouveaux souvenirs difficiles. "Ça peut pas fonctionner à chaque fois, ça veut pas dire que je suis mauvaise." La blonde sourit, empathique, éternelle étonnée aussi sans doute de la force de caractère qu’ont certains. “Je reste persuadée que tout le monde ne cherche pas des chanteurs en mini-jupe et parfaits sous tous rapports.” Le style de Jo pourrait plaire, si seulement on lui laissait justement l’occasion d’exister - en plus de sa voix, oui, bien sûr, mais il y a longtemps qu’elle en suffit plus dans le métier. Charlie hausse les épaules, ne voulant pas jouer à nouveau le rôle de l’amie trop bonne trop conne, qui a trop d’espoirs. Après tout, elle n’y connait rien, au monde de la musique - et ce petit-ami qu’elle a eu pendant quelques mois et qui l’a traîné à tous les festivals qui soient ne compte évidemment pas. De toute façon, il semble plutôt évident que Jo n’a pas envie d’approfondir le sujet ; cela devient son cas aussi, par extension.

"Je t’aurais jamais imaginé flic. T’aimes bien faire ça ?" Elle n’est pas la première à le penser, pas la dernière non plus. "Ça me donne un but et des limites à la fois. J’aime bien. Maintenant, je sais même pas ce que j’aurais fait d’autre, sinon.” Parce qu’elle a toujours rêvé de tout et de rien sans qu’aucun de ses rêves ne soit accessible ; voilà que son métier actuel répond à tous ses problèmes. “Tu veux continuer l’interrogatoire ou on avance sur la plage ?” Nul doute que Jo a encore beaucoup de questions, tout comme elle en a elle aussi beaucoup en réserves, mais elle a bon espoir que ce n’est pas la dernière fois qu’elles se parlent, alors elles peuvent sûrement se permettre de ralentir le rythme, surtout si cela rime avec enfin essayer cette fameuse séance de surf dont elles parlaient. “Tu sais que paradoxalement, je t’aurais bien imaginée flic. Le bad cop, ça serait toi.” Et Charlie le good cop, sans trop de surprise et de façon plutôt évidente.