A million little things ft @Rose Grant

ever be so polite, you forget your power ; never wield such power, you forget to be polite ∆ Taylor Swift, Marjorie

Bizarrement, ça ne l'étonnait pas que Rose soit du genre à avoir un rythme lent. Ça allait avec son caractère calme et posé, et sa façon toujours positive de voir la vie. Mabel était tout le contraire, incapable de se poser deux minutes, parce qu'elle avait toujours quelque chose à faire. Et puis s'arrêter signifiait avoir du temps pour réfléchir, quelque chose qu'elle évitait le plus possible. Quoi que la maternité, les nuits passées à essayer de retrouver le sommeil après avoir nourri Rosie, les moments de jeux calme après le déjeuner ou le soir lui laissaient plus de temps qu'avant pour analyser les choses, et se faire des réflexions sur sa vision de la parentalité, sur ce qu'elle avait vécu enfant et ne voulait pas reproduire avec son bébé.

Alors elle se forçait à prendre du temps. Elle ne confiait pas sa fille à une nourrice, comme ses parents lui avaient dit de faire. Il y avait bien quelqu'un pour la garder quand elle travaillait chez Weatherton ou était sur un plateau de tournage, mais le reste du temps, Rosalie était avec un de ses parents. Mabel arrêtait son rythme effréné pour jouer, lire et tenter de ranger la maison - et Rosie essayait de l'aidait, même si elle mettait généralement encore plus de bazar.

« Elle a les jolis yeux de son père » souffla-t-elle.

Et même si elle n'était plus avec son mari et que les relations étaient compliquées entre eux, elle appréciait que Rosie ait hérité de ce trait physique. Mabel était sensible aux regards des gens, et elle aimait celui de sa fille, si décidé et curieux, d'un bleu encore aussi clair que le ciel, même s'il risquait de foncer d'ici quelques mois.

Si déterminé, alors qu'elle mobilisait tous ses petits muscles pour attraper la balle colorée. Mabel devait se retenir pour ne pas l'attraper et la lui remettre directement dans les mains, sachant que sa fille avait besoin de faire par elle-même pour continuer de bien se mobiliser. C'était ce qui l'aidait à tenir assise quelques minutes, et peut-être acquérir le quatre pattes d'ici quelques semaines !

« Merci pour la balle ! Elle a pile la bonne taille pour les mains de Rosie et le sac à langer, c'est parfait ! »

Rosalie était justement en train de serrer la balle dans ses petits doigts, testant la texture anti-stress qui la rendait très différentes de ses ballons habituels. Elle était intriguée, ses petits sourcils froncés, ignorant soudainement tout ce qui pouvait se passer autour d'elle pour se concentrer sur la sensation de cette matière inconnue.

« Tu es peut-être une enfant, mais tu as des réflexions intéressantes et tu sais faire des phrases ! C'est tout ce qu'il me faut » avoua-t-elle en souriant. « Je sais que c'est important de parler à Rosalie, d'utiliser du vocabulaire pour développer le sien et tout... Mais quand j'ai juste des areuh en réponse, j'ai parfois un peu l'impression de parler dans le vide ! »

Elle avait beau savoir que les premiers mots ne viendraient pas avant au moins six mois, elle trouvait un peu frustrant de n'avoir que des onomatopées en réponse. Rosie aimait pourtant que sa mère lui parle, toujours intéressée d'entendre les phrases construites, même si elle ne comprenait pas grand chose. Du coup, Mabel lui racontait ses journées pour combler le silence de leur grande maison.

« Une enfant qui ne va plus à l'école et fait le métier de ses rêves...Tu es une chanceuse ! »

Peut-être que Rose avait aimé l'école, et être entourée d'enfants, ceci dit. Mabel n'avait jamais aimé, pas assez scolaire pour rester huit heures assises à écouter un professeur parler. Elle n'avait jamais eu que des résultats très moyen et avait été soulagée de finir le lycée pour partir vivre du mannequinat.

Elle se demandait parfois ce que la personne qu'elle avait été à dix-sept ou dix-huit, rebelle et en souffrance, penserait de l'adulte qu'elle était devenue... Elle ne comprendrait sans doute pas le divorce et le bébé, elle qui détestait être mise en contact avec des enfants, les trouvant trop bruyant et brouillon. Elle avait changé, au fil des années, et avait accumulé à la fois les souvenirs heureux et les regrets. Elle se demandait si Rose, avec son âme d'enfant, n'était pas plus heureuse de sa vie actuelle.

Sa balle en main, Rosie devenait plus chouineuse, sans doute fatiguée après toute l'énergie dépenser à jouer. La balade au parc lui avait été bénéfique, lui permettant de se défouler et de voir autre chose que les murs du salon. Mabel attrapa rapidement la couverture qui gisait sur la poussette, avant d'attraper Rosalie pour l'envelopper dedans. Elle la serra ensuite contre elle, observant sa fille tenter de garder les yeux ouverts, luttant contre le sommeil.

« Hey, laisse-toi aller bébé, profite d'avoir un âge où tu peux encore faire des siestes » glissa-t-elle en souriant, avant de commencer à la bercer doucement.

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« Et j'adore les robes que tu fais » promit-elle en souriant.

Parce que c'était grâce à une des robes de Rose que Mabel et elle s'étaient rencontrées, après tout. Elle était encore enceinte de Rosalie, se déplacer devenait difficile, mais elle avait voulu des tenues qu'elle pouvait quand même porter. Elle avait détesté son corps pendant la grossesse, trouvant difficile de le voir changer si vite, mais elle était aussi heureuse d'avoir des images l'immortalisant enceinte, de jolies photos et quelques vidéos qu'elle pourrait un jour montrer à sa fille.

« Quand j'étais petite, je voulais être actrice. Surtout dans des films d'époque, genre les Sissi, impératrice. J'adorais les tenues de cette période, et je trouvais ça génial de pouvoir ces robes et de jouer avec ! »

Et peut-être que son premier crush avait été Romy Schneider. Elle se souvenait encore des jolis yeux de l'actrice, de ses robes tournoyant à chacun de ses pas, alors qu'elle oubliait sa tasse de chocolat chaud et les popcorns faits par la nourrice. Depuis, elle avait regardé ce film des centaines de fois, avec toujours la même magie dans les yeux.

« Mais ma sœur a eu plus de succès que moi dans cette carrière. Et j'ai eu l'occasion de porter beaucoup de jolies robes. Et sans doute plu pratiques que celles que portait vraiment l'impératrice Sissi. »

Au fond d'elle, Mabel regrettait quand même de ne pas avoir pu être actrice - et jalousait le fait que Maddy ait pu, elle. Surtout parce que malgré ses sourires, sa carrière de mannequin n'avait pas été que joie et insouciance. Elle avait des troubles alimentaires qui lui gâchaient encore la vie, et perturbait même sa relation à Rosie, puisqu'elle voulait en protéger sa fille mais ne savait pas toujours comment l'aider à avoir une relation saine avec la nourriture.

Mais ce n'était pas un sujet qu'elle était vraiment prête à partager avec Rose. C'était encore trop douloureux, trop présent dans sa vie, ravivé par le divorce et les bouleversements qu'il entraînait. Elle n'avait personne avec qui parler de tout ça, et pour le moment, elle n'avait pas envie d'en parler. C'était encore trop brouillon dans sa tête pour qu'elle n'essaye de le mettre en mots.

Heureusement que tenir Rosie dans ses bras, sentir son odeur de bébé, permettait d'éloigner les fantômes. Tout semblait plus facile quand sa fille était détendue contre elle, lui faisant entièrement confiance. C'était agréable, et c'était pourtant dans ses moments-là qu'elle sentait tout le poids de la responsabilité qui venait avec le fait de devenir mère. Elle avait un tout petit humain qui était entièrement dépendant d'elle pour devenir un adulte fonctionnel, et elle ne devait pas rater ça.

« Des fois, quand elle dort, elle bouge comme si elle revivait les choses qu'elle a essayé de faire et rater. Comme si son corps essayait de s'entraîner à refaire ces gestes pour l'aider à les réaliser » partagea-t-elle, en souriant tendrement. « Et des fois, elle a juste les sourcils froncés et l'air grognon, et il suffit de la câliner un peu pour qu'elle retrouve le sourire, comme si on lui manquait. »

Elle avait lu assez de livres sur le développement des bébés pour savoir que jusqu'à neuf mois, ils pensaient ne faire qu'un avec leur mère - un point un peu perturbé pour Rosie, qui passait régulièrement quelques heures juste avec son père. Mais pour le moment, sa petite fille n'avait pas vraiment conscience d'être un humain à part entière.

« Du coup, je pense qu'elle rêve à ses journées. Aux choses qu'elle veut faire, et aux gens qu'elle veut voir. Et ça me va, tant que je peux la voir sourire quand elle dort ! »

Mabel était plus abonnée aux cauchemars et aux nuits d'insomnies. Surtout à ces dernières, entre la grossesse puis les nombreux réveils la nuit pour nourrir la petite demoiselle désormais endormie contre elle. Mais ça voulait aussi dire de nombreux moments pour regarder Rosie dormir, ses petits mouvements involontaires et ses nombreux sourires.

« J'aimerais que les bébés sachent parler plus tôt, pour savoir ce qu'elle pense ou à quoi elle rêve. Pour vraiment découvrir le monde avec ses yeux, et pas juste imaginer ce qu'elle doit imaginer ! »

D'ici quelques mois, un an et demi au plus tard, Rosalie commencerait à parler. A poser des questions, et à répéter ce qu'elle entendait. Elle serait aussi assez indépendante pour marcher vers ce qui l'intéressait, plutôt que d'essayer de ramper vers ce qui avait attiré son attention. Mabel voulait à la vois profiter de son petit bébé qui se lovait encore facilement dans ses bras, mais elle avait hâte de découvrir une petite fille curieuse et posant plein de questions.

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Mabel était étonnée d'apprendre que Rose avait été mannequin. Elles étaient du même âge, elles avaient donc potentiellement dû se croiser sur des podiums, même si Mabel était peu revenue en Australie au début, restant quasi exclusivement en Europe. Elle avait eu besoin de se créer son propre nom, loin des siens.

« Tu avais déjà les cheveux roses à l'époque ? »

La couleur était suffisamment inhabituelle pour lui avoir marqué l'esprit, et pourtant, Mabel ne se souvenait pas avoir déjà croisé Rose. Mais maintenant, elle se demandait depuis quand son amie arborait cette couleur impressionnante, et même quelle était sa véritable couleur de cheveux. Elle la voyait bien en blonde, mais elle pouvait très bien être une brune se décolorant énormément les cheveux.

Elle avait bien envie de demandé à Rose ce qui l'avait poussée à arrêter le mannequinat, mais elle se retint. La raison pouvait être une simple préférence pour le stylisme, comme un problème de santé provoqué par ce métier. Quoi qu'elle-même n'avait pas cessé pour ses troubles alimentaires, ce qu'elle regrettait parfois...

Mais elle avait tenu, parce qu'il fallait qu'elle fasse mieux que Maddy, et sa longue pause de l'époque. Quelque part, même si les deux sœurs étaient dans des voies totalement différentes, leurs parents avaient continué de les comparer l'une à l'autre, de comparer leurs réussites. Alors Mabel avait serré les dents et continuer d'arpenter les podiums, tout en mangeant de moins en moins.

C'était la raison pour laquelle elle avait tant refusé de devenir mère. Elle avait eu peur de gâcher la vie de ses parents comme les siens avaient gâché la sienne. Et maintenant qu'elle avait Rosalie, elle refusait l'idée d'un deuxième enfant. Elle avait peur de créer une compétition entre Rosie et son éventuelle fratrie, peur que sa fille ne s'oblige à la perfection de Maddy ou à sa propre rébellion juste pour marquer les esprits et ne plus souffrir d'une comparaison incessante.

« Des fois, son cerveau doit penser à toutes les bêtises qu'elle a à faire. La dernière fois, elle avait fini sa sieste et je l'ai mis dans son coin de jeux, et elle est tout de suite allée renverser la caisse de jeux avant de sourire, toute fière d'elle. »

Elle n'avait pas pu s'empêcher de sourire elle aussi, et de prendre Rosie en photo au milieu de son tas de jouets, avant de la rejoindre sur le tapis, pour essayer de ranger un peu tout en essayant de comprendre ce que sa fille voulait - elle avait fini par empiler les cubes dans une tour pas très droites, pour laisser Rosalie taper dedans et la faire tomber, riant à gorge déployée malgré le vacarme du plastique tapant contre le parquet.

« Je pense que son premier mot sera "non". Celui-là, elle l'entend beaucoup trop ! »

Elle était curieuse, et elle aimait mettre son nez partout. Même s'il pour cela, elle se retrouvait à tirer sur les fils des appareils électroniques, ou essayer de mettre ses doigts sous l'aspirateur robot. A croire que tout ce qu'elle voyait dans la maison était les manières de se faire mal, même quand Mabel était persuadée d'avoir tout protégé.

« Rosie est déjà très bavarde. En version onomotapées et je deviens pleine de colère quand personne ne me comprend ! »

Du coup, Mabel avait hâte que sa fille parle enfin, histoire de comprendre les ses bruits frustrés et ses mouvements d'humeur, qui n'avaient pas forcément de raison logique dans son esprit d'adulte. Surtout qu'elle n'avait jamais été très à l'aise avec les bébés, préférant quand ils étaient capables de communiquer et d'être un peu indépendants. C'était agréable d'avoir ce petit bébé lové contre elle, et toujours en demande, mais parfois, elle avait juste besoin d'un peu de temps pour elle, sans cris, sans devoir s'occuper de tout.

« Je sais pas trop comment j'étais quand j'étais bébé, mais je pense que de nous deux, elle est celle de nous qui discute le plus. Même si sa partie de la conversation consiste surtout en des ah et des bah prononcés sur différents tons. Mais c'est rigolo de l'entendre parler, avec de longues phrases qui ne veulent pas dire grand chose ! »

Mabel était surtout impatiente que sa nièce ne naisse et ne grandisse, parce qu'avec leurs sept mois d'écart, les cousines allaient vite pouvoir jouer et parler ensemble. Imaginer les deux bambins se courir après et avoir de longues discussions qu'aucun adulte ne comprendrait la faisait déjà fondre d'amour !

« Tu as beaucoup de bébés autour de toi ? » demanda Mabel.

Rose avait parlé de sa fratrie, mais pas d'éventuels neveux ou nièces. Ça ne voulait pas dire pour autant qu'elle n'en avait aucun. Ou qu'elle était proche d'eux. Maddy ou elle aurait leurs enfants plus tôt, Mabel n'était pas sûre qu'elles auraient été proches comme elles l'étaient aujourd'hui. Elles ne vivaient pas sur le même continent, et elles auraient juste envoyé quelques photos sur la conversation familiale, sans vraiment chercher à parler à l'autre.

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Mabel hocha la tête, rassurée de se dire qu'elle n'avait pas ratée une mannequin aux cheveux si colorés - Rose avait sa couleur naturelle à l'époque, et était donc certainement moins reconnaissable qu'elle ne l'était maintenant. Il aurait fallu qu'elle soit aveugle, étant donné la longueur de la chevelure de son amie. Impossible de rater une telle couleur sur les podiums !

« Rose est vraiment ton prénom ? » demanda-t-elle, amusée. « Tes parents ont réussi à trouver le prénom parfait pour toi du premier coup ? »

C'était une de ses angoisses de future mère : trouver le prénom parfait, celui qui éviterait les moqueries, et que son enfant aimerait. Un prénom assez original pour qu'elle ne le partage pas avec toutes les petites filles de sa classe, sans l'être trop au point d'en être bizarre. (C'était une totale coïncidence qu'elle compte désormais dans ses amies une Rose et une Rosalie !) Choisir le bon était compliqué, et elle espérait encore que sa fille aime celui qu'elle lui avait attribué - et qui allait parfaitement à ses petites joues roses et ses cheveux qui bouclaient légèrement promettant de faire de jolies anglaises quand elle serait plus grande.

Un prénom, surtout, qui faisait petite fille sage, bien éloigné des bêtises de bébé de sa Rosie. Mais aucun enfant n'était parfaitement sage - ce serait même inquiétant qu'un bébé de quelques mois reste sans bouger, à attendre que le temps passe !

« Elle aide encore à ranger. Elle est à un âge où tout sortir est aussi intéressant que tout remettre. Surtout dans le coffre à jouet. On laisse tout tomber dedans, ça fait du bruit, et ça lui suffit à apprécier ! »

Mabel voulait apprendre à sa fille à ranger derrière elle, parce qu'elle-même n'aimait pas trop les objets traînant partout et les piles de choses à ranger. Et Rose commençait à arriver à l'âge où elle voulait imiter tout ce que faisait sa mère, même si c'était juste prendre les jouets et les ramener aux bonnes places pour dégager le sol de la chambre ou du salon.

Surtout que comme toutes leurs activités, elles le faisaient en discutant. Quoi que Rosie en soit encore aux onomatopées, n'ayant pas encore prononcé de vrais mots. Elle était encore trop petite pour ça, même si elle saisissait le fait qu'elle pouvait varier les tons et les expressions, essayant parfois de s'accorder à ceux de sa mère, et parfois juste de s'amuser à babiller plus ou moins rapidement, captivée par les sons qu'elle sortait.

« Je me souviens de mes huit ans, et de détester le monde entier quand on essayait de me traiter comme un bébé » révéla-t-elle en apprenant l'âge de la nièce de Rose. « Tu dois être une tata gaga ! »

Vu comme Rose réagissait face à Rosalie, Mabel l'imaginait aisément face à sa nièce, prête à céder à tous les caprices juste pour amuser l'enfant. Et c'était normal, c'était le rôle d'une tante d'être la personne amusante et qui ne respectait pas toujours les règles. Surtout que Rose n'avait pas d'enfant elle-même. Alors que la nièce de Mabel n'aurait que quelques mois de moins que Rosalie, rendant impossible de trop gâter le bébé de Maddy. Ou alors, il faudrait que les sœurs organisent des journées où elles s'échangeraient leurs enfants, pour profiter un peu de leur statut de tante.

« Tu dois t'amuser avec tous ces enfants autour de toi. Tu fais quoi avec ceux de l'association ? Des jeux ? Des activités en rapport avec la couture ? »

Il lui semblait que l'association Beauregard était pour les malades du cancer, et à l'idée d'enfants atteints de cette maladie, Mabel sentait son cœur se serrer. Elle serra un peu plus sa fille contre elle, avec ce soulagement instinctif de la savoir en sécurité et en bonne santé... Elle aurait été incapable de s'occuper d'enfants malades, et encore moins maintenant qu'elle était mère.

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Mabel sourit doucement en entendant Rose raconter d'où venait son prénom. La mère de la jeune styliste avait manifestement eu du flair en trouvant ce joli prénom, qui correspondait si bien à sa couleur préférée, celle qu'elle portait dans ses cheveux et dans la plupart de ses tenues.

« C'est un joli choix » approuva-t-elle. « Des noms de fleurs pour des petites filles, c'est une jolie manière d'avoir une sorte de complémentarité dans les prénoms sans qu'ils ne se ressemblent trop ! »

Mabel aurait aimé que ses parents aient la même idée. Mais Mark et Matilda Griffiths avaient décidé de léguer le "ma" débutant leurs prénoms à leurs filles. La mannequin ne comptait pas le nombre de fois où les langues fourchaient pour lui attribuer le prénom de sa sœur aînée, ou moins souvent celui de sa cousine Marceline. Enfant, elle avait détesté ça, ayant l'impression de perdre son individualité. Déjà qu'elles se ressemblaient beaucoup trop toutes les trois, blondes aux yeux clairs et à la peau pâle...

Elle avait choisi une autre initiale pour sa fille, un R qui dénotait, pour un choix que ses parents avaient critiqué. Mais elle aimait Rosalie, sa petite Rosie, si à part dans la famille - sauf si Maddy choisissait elle aussi un prénom à part pour sa fille, comme elle le laissait penser ces derniers temps. Quoi que tant que son bébé n'était pas née, elle pouvait encore changer d'avis. Mabel elle-même n'avait pas été entièrement décidée avant d'avoir son bébé aux joues roses dans les bras.

« C'est cool que tu passes autant de temps avec ta nièce et que tu puisses la voir grandir ! Tu es proche de tes frères ? »

Sans doute, pour passer autant de temps avec la fille de l'un d'entre eux. C'était plus simple de ne pas entrer en compétition avec une fratrie de l'autre genre - même si de ce que laissait entendre Rose à demi-mots, elle était la plus jeune et la seule fille, et avait donc été la petite princesse de leurs parents. Mais Maddy et Mabel, que leurs parents avaient mis en compétition dès l'enfance, n'étaient sans doute pas prêtes à laisser l'autre trop longtemps avec leur propre enfant. Trop de non-dits entre elles, trop de disputes et de trahisons pour garder l'attention de leurs parents... Il leur avait fallu dépasser les trente ans pour s'écarter de la relation imposée par leurs parents et essayer de se rapprocher l'une de l'autre.

« Oh, ça doit être chouette d'imaginer une tenue avec une enfant de cet âge ! Ils débordent encore de créativité, sans être étouffé par le réalisme des adultes ! Elle veut quoi comme costume ? »

Mabel avait observé ça dans l'association lgbt où elle était donatrice et bénévole. C'était rare qu'ils aient des enfants si jeunes dans leurs murs, mais ils débordaient toujours d'énergie, partant du principe que tout était possible. Ils n'avaient pas encore l’abattement un peu frustré des adolescents et des adultes, et avait une manière adorable de remotiver les troupes. (En soit, Rose avait peut-être la chance d'avoir huit ans pour toute la vie, avec sa capacité à voir la vie comme un immense terrain de jeux !)

« Je t'accompagnerai à un de tes cours avec joie ! Ce serait l'occasion d'apprendre un truc ou deux, parce que vraiment, je sais juste recoudre des boutons. Et encore, c'est pas vraiment joli, juste fonctionnel ! »

Et c'était une couturière de Dior qui lui avait appris, après un défilé, en la voyant râler sur son chemisier. Les Griffiths avaient des domestiques gérant toute la logistique de la maison, des courses au ménage en passant par tous ces petits détails. Vivre seule avait appris énormément de choses à Mabel, même si les premiers mois avaient été incroyablement difficiles. Devoir penser à prévoir ses repas, ou juste apprendre à récurer les toilettes... C'était des leçons qu'elle aurait dû apprendre bien avant de partir de chez elle, et elle prévoyait de les apprendre à Rosie avant que cette dernière ne prenne son indépendance - c'était bien parti puisque pour le moment, sa fille la suivait partout, en rampant ou dans l'écharpe de portage, quand elle bougeait autour de la maison.

« Comment tu en es venue à intervenir auprès des enfants de l'association ? Ils recrutaient quelqu'un pour faire des ateliers, ou tu étais bénévole et tu as organisé ça de toi-même ? »

L'un comme l'autre devait être compliqué. Monter un atelier pour des enfants paraissait difficile pour Mabel, plus habituée à fréquenter des adolescents, qui avaient un temps de concentration plus long. Il fallait juste réussir à trouver ce qui les intéressaient, puisqu'ils étaient moins bavards que des enfants !

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« T'as combien de frères ? » demanda Mabel, curieuse.

Leurs relations avaient l'air plus apaisées et moins dans la compétition, peut-être parce que Rose était la petite dernière et la seule fille. Elle avait une place un peu à part par rapport au reste de la fratrie, ce que Mabel jalousait un peu. Les Griffiths avaient tout fait pour voir leurs filles se déchirer, et aujourd'hui qu'elles étaient adultes et indépendantes, il y avait toujours cette fracture difficile à refermer entre elles.

Mais elles essayaient, pour leurs filles, et Mabel espérait un jour avoir la même complicité avec sa future nièce que celle que Rose décrivait avec sa propre nièce. Les choses seraient sans doute différentes, parce qu'elle aurait Rosalie avec elle, et qu'elle ne pourrait pas trop gâter sa nièce, devant garder une certaine autorité devant sa fille. Mais juste pouvoir la prendre un après-midi ou un week-end serait génial.

« Oh, c'est dommage qu'elle ne veuille pas coudre avec toi ! C'est tellement important de savoir faire le minimum ! J'ai appris deux ou trois trucs avec les couturières pendant les essayages, mais vraiment pas de quoi survivre seule. »

Elle ne savait pas non plus faire à manger ou gérer son budget, totalement habituée aux domestiques qu'il y avait jour et nuit chez ses parents. Les premiers mois avaient été compliqués pour elle, et elle avait tenu par fierté plus qu'autre chose, refusant de perdre et de rentrer au bercail bredouille.

« Tes petits protégés vont jamais finir leurs costumes à temps » s'amusa-t-elle, souriant en imaginant la folie que devait constituer un cours de couture pour enfants !

Pour les voir régulièrement au parc, elle n'avait pas l'impression que les enfants de huit-dix ans soient si calmes. Le cours devait être un sacré capharnaüm, parce que même s'ils n'étaient plus des bébés, ils se battaient pour l'attention des adultes et pouvaient crier pour se faire entendre par dessus leurs camarades.

« Le bénévolat auprès des ados, je gère, mais les enfants plus jeunes... C'est vraiment pas mon truc ! »

Rosalie était le seul bébé qu'elle tolérait après tout, et elle devait reconnaître que ce n'était pas toujours évident de supporter les pleurs et les petits désagréments venant avec un bébé. Elle avait hâte de voir Rosalie grandir et pouvoir avoir de vraies conversations avec elle, ou faire des vraies activités durant plus de quelques minutes.

« Je préfère les jeux de société dans mon asso. Je gère assez pour pouvoir gagner de temps en temps, et au moins je sais à peu près de quoi leur parler ! »

Elle avait dû découvrir quelques nouveaux artistes, et avait un milliard de recommandations tik tok alors qu'elle préférait instagram, mais dans l'ensemble, elle trouvait qu'elle s'en sortait plutôt. Elle attendrait peut-être que Rosie ait cet âge-là pour vraiment découvrir cette tranche d'âge, mais pour le moment, ils lui paraissaient juste bruyants et beaucoup trop actifs !

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Trois frères... Une grosse fratrie aux yeux de Mabel, qui trouvait qu'une grande sœur, c'était déjà bien assez. Peut-être parce que leurs parents avaient forcé sur la compétition, ou peut-être parce qu'elles étaient toutes les deux des filles. Les Grant avaient sans doute fait différemment avec leurs fils puis leur seule fille. Rose était en tout cas assez proches de ses frères pour passer du temps avec sa nièce. Mabel ne se voyait pas vraiment faire la même chose pour sa propre nièce, Maddy et elle ayant encore du mal à se voir régulièrement et à communiquer honnêtement avec l'autre.

« C'est cool que tu aies de bons souvenirs avec eux ! Même si j'ai du mal à te voir grimper aux arbres petite. Je suis sûre qu'à l'époque tu mettais des robes roses à paillettes, et ça c'est pas très pratique ! »

Ou comme sa nièce, elle grimpait partout, et avait appris la couture pour réparer toutes ses jolies tenues. C'était une jolie manière d'approcher pour la première fois une machine à coudre, aux yeux de Mabel.

« Je pense que les gens auront beau savoir, ils préféreront toujours que quelqu'un fasse à leur place. Surtout tout ce qui est délicat ou prend du temps ! »

La preuve en était que Mabel aurait pu apprendre à cuisinier, mais profitait généralement des restaurants livrant autour de chez elle. Elle en avait les moyens, et elle trouvait que ça facilitait énormément sa vie. Même si un jour, il faudrait qu'elle s'y mette, pour montrer à Rosalie comment faire... Il y avait tant de choses qu'elle déléguait pour ne pas s'en encombrer, mais qui allait manquer à sa fille. Elle ne voulait pas que Rosie devienne une petite fille gâtée comme elle avait pu l'être elle-même enfant.

Peut-être qu'il lui faudrait l'emmener dans des associations comme celle où Rose officiait. Pour la mêler à des enfants d'autres horizons, et pour apprendre des choses qui lui seraient utiles toute sa vie.

« Comment on peut ne pas aimer les jeux de société ? J'adore les voir débattre autour des règles, parce qu'ils en ont toutes des différentes chez eux, ou essayer de faire des stratégies. En tant qu'adulte, j'arrive à les voir venir de loin, mais les autres ados se font toujours avoir ! »

Mabel adorait voir les interactions entre adolescents, la façon dont ils tentaient de prendre des décisions et de jouer les grands, alors qu'ils avaient encore tous des bouilles d'enfants. Elle savait que la période de transition entre l'enfant et l'adulte était compliquée, et elle-même n'en avait pas assez profité à l'époque, sa famille voulant la faire grandir plus vite pour étouffer sa rébellion. Elle la revivait donc un peu avec son groupe d'adolescents de l'association lgbt.

« J'ai zéro créativité et aucun talent manuel, Rose. Je me contente juste de prendre les jeux tout faits dans leur boîte ! Je peux faire de la musique, et c'est tout. »

L'idée de créer des plateaux de jeux lui faisaient plus peur qu'autre chose. Elle risquait plus de se blesser gravement, en se coupant avec le cutter, voire carrément avec le côté du carton, vu ses talents... Rose avait sans aucun doute plein d'idées en tête, mais ce n'était vraiment pas le cas de Mabel, plus utilisatrice des choses déjà toutes prêtes.