Le message avait été envoyé et il ne pouvait pas être plus clair. La poussière d’étoile est retombée et une pluie torrentielle écrase la scène pour en effacer les souvenirs et les mémoires, laissant place à un lit défait dénué d’histoire. Carmine est esseulé. Il peut bien se rouler sous les couvertures autant qu’il le souhaite, Archie n’a pas l’intention de tourner l’œil vers lui maintenant qu’il admire la vue de la mer du haut de son balcon. La fumée n’existe que pour l’enfumer, ainsi que ses poumons et ainsi que son cerveau dans lequel les derniers vestiges de l’orgasme terminent de l’engourdir. Il inspire lourdement. Sa salive avalée lui déchire la gorge. Sa main est tremblante, et il le réalise seulement lorsqu’il porte sa clope à ses lèvres pour la cinquième fois.

Les regrets. Il ne les laisse l’habiter que très rarement. Archie a toujours vécu une vie frôlant les extrêmes mais se composant en luxure. Il savait quand s’arrêter avant qu’il ne tombe du précipice ou ne mette son pied en territoires hostiles. Ce soir, et il ne sait pas comment ça a pu se produire, il a perdu le contrôle de lui-même. La honte, aussi. Elle l’habite depuis qu’il est assez vieux pour comprendre qu’il ne sera jamais le garçon parfait dont rêves ses parents. Il tire une autre latte pour se rendre malade et pour en crever avant qu’il ne doive faire face aux conséquences de ses actes. Derrière lui, une silhouette se meut mais il n’en perçoit que le tracé fin et fantomatique de son ombre. Il ne regarde toujours pas Carmine, qui se trouve pourtant bien là, en chair et en os, sous le rideau de lumière chaude qui inonde la chambre. Ses poings se serrent. Doit-il faire mal à l’objet de son péché ou à lui-même, pour y avoir cédé ? À personne. Il ne mérite peut-être pas de souffrir. Ni lui, ni Carmine, qui a osé savoir comment l’apprivoiser, lui et les dizaines de couche d’or massif qui constituent son armure. Ce n’est pas sa faute. Et pourtant, Archie cherche un coupable dans ce récit qu’il n’a pas l’impression d’avoir écrit lui-même. Il a dû perdre la tête. C’est l’alcool. Ce sont les circonstances. C’est la fascination qu’il nourrit à l’égard du pouvoir que possède Carmine sur le monde entier, ses millions d’abonnés qui suivent chacun de ses trajets sur la planète, et toutes les marques qui se l’arracheraient au gré d’un combat à l’arme blanche. Ça ne se reproduira plus.

Le silence suit. Le calme après la tempête. Les lapins ressortent la tête de leur terrier pour s’assurer que le mal est passé et que les prédateurs ont décampé. Archie termine de fumer sa cigarette et il l’éteint contre la rampe en métal. La pluie nettoiera les dégâts. À pas feutrés, il traverse la chambre comme s’il s’agissait de no man’s land. Il espère encore qu’il ne s’agissait que d’un rêve. Mais, à la bordure du miroir, gravés en lettres sirupeuses et translucides, quelques mots forment une citation qu’il a entendue quelque part au détour d’une conversation ou d’une page. Ses dents grincent. Il l’efface d’un mouvement impatient de la main et grimace lorsque le miroir s’en retrouve tout à fait souillé. Plutôt faire semblant de ne pas l’avoir lue. La tentation n’existe pas dans le but d’y céder. Elle est là pour endommager les fondations de son image autrement parfaitement solide et immuable.

Et il n’y a pas meilleur commencement que celui amorcé à partir de ruines.