Autant dire que le fameux sms reçu trois jours plus tôt par Leela avait mis l’indienne dans une joie indescriptible. Le shopping avait toujours été son dada et en ce moment, c’est fou combien elle en avait besoin. Acheter signifiait se changer les idées et puis, la brunette ne cracherait certes pas sur quelques ensembles tendances, de nouveaux tailleurs chics et, pourquoi pas, des robes de cocktails pour les éventuelles soirées qu’elle faisait entre avocats du barreau. Graham l’encourageait toujours dans ce sens car elle manquait un brin de matière sur ce terrain là : Leela avait tendance à plus investir dans les tailleurs que dans les robes. Question de goût, sans nul doute. Quoi qu’il en soit, hors de question d’annuler à la dernière minute : elle se pointa pile à l’heure à l’endroit prévue, apercevant au loin une Eireen confortablement installée dans un fauteuil orange, son portable à la main. C’est avec un grand sourire que l’indienne s’approcha, empêchant ses talons de faire « clac clac » sur le sol en ne marchant que sur la pointe des pieds. « Surpriiiiiiiiiiiiiise !! » s’exclama-t-elle en se pointant devant elle, posant façon top model sur le retour avant d’éclater de rire. « J’espère que je ne suis pas en retard ? Ça bouchonnait pas mal en ville mais heureusement, j’étais partie en avance... je ne voulais rater ça pour rien au monde, j’ai bien besoin de me changer les idées ET de refaire un brin ma garde robe ! » reprit-elle d’un ton des plus enjoués, dont elle avait bien entendu le secret. « Quoi de neuf ma belle ? » s’intéressa-t-elle en lui tendant la main pour l’aider à se relever, avant de lui plaquer deux bises, une sur chaque joue. « Je suis tellement contente de te voir !! »

« L’art et la manière, ça me connaît voyons ! » fanfaronna-t-elle faussement avant d’éclater de rire de bon cœur. Leela n’était pas du genre à avoir les chevilles qui enflent, ce n’était donc que de l’humour et rien d’autre. Ravie cependant de ne pas être en retard, elle lui offrit son plus beau sourire avant de s’asseoir à côté d’elle sur l’un des fauteuils, effectivement d’un confort inégalables. « Effectivement ils sont super conforts ! Je comprends pourquoi tu t’es mise là… j’aurais fait pareil à ta place » avoua-t-elle, avant d’être somme toute tiraillée par la curiosité au sujet des potins qu’Eireen voulait lui annoncer. Dans sa tête, elle tenta de deviner ce dont il pouvait bien s’agir mais aucune idée probante ne lui venait à dire vrai. « Ne me fais pas marineeeer je veux savoir !! » La curiosité reste peut-être un vilain défaut mais lorsqu’il s’agissait de partager une grande nouvelle avec une amie, elle peut alors devenir une qualité. L’indienne sautillait légèrement sur sa chaise, impatiente comme le serait un gamin un matin de Noël, tout prêt à ouvrir ses cadeaux… puis la nouvelle tomba, étonnante, lumineuse, à l’image de son amie experte en shopping. « C’est pas vrai !!!! FÉLICITATIONS !! » s’exclama-t-elle avant de se rapprocher légèrement pour la serrer dans ses bras. « Ralala j’ai une nouvelle avocate en face de moi pour un peu je suis toute mumue !! Notre moment shopping tombe à pic pour le coup… après je t’invite au restau pour fêter ça dignement !! »

« Ne t’en fais pas, je ne risque pas d’avoir les chevilles qui enflent, je ne rentrerais plus dans mes superbes chaussures ! » Dans chaque femme se cache un côté un peu superficiel, et Leela aimait bien en jouer pour casser son imagine d’avocate sérieuse et pleine de gouaille. Voilà pourquoi elle aimait autant faire les boutiques et regarnir son dressing, même si parfois, la place venait à lui manquer. « En effet on n’est pas pressées mais je suis ravie que tu m’aies attendue… ça aurait été dommage que tu ne me montres pas les potentielles perles rares que tu vas trouver pour toi et inversement pour moi ! » haussa-t-elle les épaules avant que la grande nouvelle ne tombe et que l’indienne ne vienne carrément serrer Eireen dans ses bras. Quoi de plus normal ? Obtenir son diplôme n’était pas une mince affaire et il était donc logique que Leela soit triplement fière d’elle. Ceci étant… un léger froncement de sourcils vint noircir légèrement son regard, car elle était surprise d’entendre son acolyte de shopping lui dire qu’elle avait cru ne jamais y arriver. « Quelqu’un d’aussi brillant que toi ? Franchement, moi je n’ai jamais douté de ta réussite, bien au contraire ! Tu as trouvé un boulot au fait ? » s’enquit-elle aussitôt, prête à lui proposer de rencontrer son associé en cas de besoin. L’indienne restait très fidèle en amitié et toujours prête à rendre service, plus encore à quelqu’un qu’elle pouvait désormais appeler collègue… ça encore, ça n’était pas rien ! « Tu me donneras la date de la cérémonie de remise de diplômes ? J’ai envie d’être là pour t’applaudir ! » Oh elle ne doutait pas qu’Eireen aurait du monde à cette fameuse cérémonie mais on n’est jamais trop nombreux pour cela. De son côté, Leela n’avait pas pu avoir sa famille et ce manque lui faisait encore ressentir des regrets, plusieurs années après. « On commence par le magasin que tu veux, je te laisse choisir ! Tout comme tu choisiras le restaurant… on va dire que c’est TA journée, tu es donc à l’honneur ! »

Leela éclata bien évidemment de rire face à la réplique d’Eireen. « Tu plaisantes ? Et laisser mes magnifiques chaussures, plutôt mourir ! » fit-elle très théâtralement. Il fallait préciser que l’indienne adorait les chaussures à talons chic, toujours coordonnées à sa tenue, ce qui faisait qu’elle en possédait de très nombreuses paires. « A mort peut-être pas… mais je t’aurais appelée pour savoir ou tu étais, ou alors j’aurais lancé des recherches ! » s’amusa-t-elle à répondre, bien que la brunette ne soit pas fâchée que son acolyte ès shopping l’ait attendue. Acheter toute seule, c’est beaucoup moins fun qu’à deux puisque l’on ne peut pas avoir l’avis de l’autre… et de son côté, Leela adorait avoir l’avis d’Eireen au sujet des tenues, chaussures et autres accessoires qu’elles pouvaient bien choisir toutes deux lors de leurs longues séances shopping. Ceci étant, entendre dire l’avocate fraîchement diplômée qu’elle préférait se répéter qu’elle allait foirer ne surprit pas excessivement son amie. Non, de son côté, Leela avait été la première à se répéter la même chose pour éviter toute déception. Une manie vieille comme le monde… « J’étais pareille avant mon diplôme. Et quand je m’en suis enfin sortie diplômée, j’ai fait une fiesta à tout casser tu peux me croire ! Écoute. Si jamais tu es à court de pistes au sujet de ta future embauche… passe au cabinet. Je te présenterai mon associé » lui proposa-t-elle en donnant la carte de Graham, son associé, à qui elle avait déjà parlé d’Eireen. C’était évident : Leela était fière d’avoir une amie avocate… et plus que fière de pouvoir assister à sa remise de diplôme, puisque l’ancienne étudiante venait de lui promettre de la tenir au courant d’un message. « J’ai vraiment hâte ! » s’exclama-t-elle par la suite, évitant de sautiller comme une gamine en plein centre commercial pour ne pas se faire trop remarquer, mais le cœur y était et ses yeux pétillaient pour deux. Ce fut sans doute pourquoi elle la suivit aveuglément dans le premier magasin dont elles foulaient le sol du pied ensemble, et qui semblait rengorger de trésors inestimables. « Je sens que je vais être fan de leurs articles ! Regarde ce pantalon jean… une tuerie ! Oh et pour te répondre, moi je suis de plus en plus occupée… à croire que le pénal aura toujours besoin de ces avocats dévoués ! Sinon pas grand-chose… ah si, je cherche un nouvel appartement » admit-elle d’un air plus vague, sans avouer que c’est parce que son compagnon la battait. Toute vérité n’est pas bonne à dire… « Et toi, à part ton diplôme enfin en poche ? Pas de boyfriend en vue ?? » demanda-t-elle en lui donnant un petit coup de coude suivit d’un clin d’œil.ressentir des regrets, plusieurs années après.

Leela éclata de rire. « Tu plaisantes ? Bon okay il m’arrive de marcher pieds nus mais juste chez moi… déjà que je suis rase-motte, tu ne veux pas en plus que je le crie sur tous les toits ! » fit-elle d’un air faussement superficielle, chose qu’elle n’était pas du tout en vérité. « Mais j’ai trois paires fétiches, je te rassure » maintint-elle bien que lesdites paires ne soient pas à ses pieds aujourd’hui. Il fallait dire qu’avec la pluie annoncée, l’indienne avait davantage opté pour du cuir traité plutôt que pour ses belles chaussures en daim préférées. « Tu me connais, je peux être excessive et puis rien n’est trop beau pour toi ! » Leela papillonnait des yeux, jonglant entre l’humour et le sérieux comme elle jonglait avec ses dossiers, à savoir comme une sorte de virtuose. Un métier qu’elle apprenait tous les jours, à dire vrai, et qui n’avait pas grand-chose d’inné contrairement aux idées reçues. Par ailleurs, elle hocha vivement la tête à l’annonce de sa potentielle fiesta, que l’indienne trouvait logique : il fallait marquer le coup quand le travail payait, ce qui était véritablement le cas pour Eireen aujourd’hui. Pour un peu, le regard de la brunette serait débordant de fierté rien qu’à y penser. « Tu peux passer n’importe quel lundi matin jusqu’à midi. Nous sommes tous les deux au cabinet à traiter des affaires diverses ensemble, et nous ne recevons pas de clients donc tu ne nous dérangeras pas du tout ! Et puis je suis sûre que Graham, mon associé, sera ravi de faire ta connaissance » avoua-t-elle dans un grand sourire on ne peut plus encourageant. Ce sourire se transforma bientôt en sorte d’expression émue car oui, la proposition de son amie lui faisait extrêmement plaisir. Dans un tel moment et alors qu’elle souhaitait quitter définitivement son compagnon - même si peu de gens étaient au courant - Leela avait bien besoin de se sentir soutenue. « Tu es adorable ! Si jamais je suis coincée je n’hésiterai pas alors… puis on a jamais fait de soirées filles en plus ! Par contre… comment ça tu n’es pas la priorité de ton copain ? Il a de la merde dans les yeux ou quoi ? T’es quelqu’un de génial ! »

« Ce qui est petit est mignon je te le concède sans problème. Et puis quand je suis chez moi je suis en ballerines, pas en talons hauts… ce qui fait que mon dos ne souffre pas cent pour cent du temps » réfléchit-elle vite et bien à voix haute. Ceci étant, Leela voulait bien admettre également qu’à force de passer du temps entre le bureau et les audiences, elle portait plus souvent des talons hauts que des chaussures plates mais ça, l’avocate ne risquait pas de s’en vanter auprès d’Eireen, elle n’était pas masochiste non plus. « Je suis certaine que tu vas l’apprécier. Ce n’est pas le genre d’avocat revêche et insupportable qui donne une très mauvaise image de la profession… il est très ouvert d’esprit. » Puis à force de le côtoyer, l’indienne était celle le connaissant probablement le mieux et inversement. Au point qu’ils aient eu une grande discussion à propos des deux nuits que Leela avait passée dans son bureau, à dormir sur sa chaise. Cela ne signifiait pas qu’elle avait fini un dossier si tard qu’elle s’était endormie dessus, non… mais plutôt que son compagnon violent lui fichait une telle trouille qu’elle avait pris ses clics et ses clacs pour se réfugier au seul endroit sécurisé pour elle : le cabinet où elle travaillait en association avec Graham justement… « Encore faut-il que j’ai le temps de chercher un appartement ! J’ai un agenda bien rempli il faut dire et les agences immobilières ont hélas des horaires normaux de bureau. On ne peut hélas pas avoir le beurre et l’argent du beurre… mais je note pour les soirées entre filles, tu peux me faire confiance ! J’ai même hâte ! » s’exclama-t-elle, bien loin de se plaindre de son sort. Leela demeurait très bien payée et cela compensait bien des désagréments du quotidien… même celui de dormir au bureau. « Tu es intéressée et donc tu aimerais quand même que cela aille plus loin, je me trompe ? Même s’il a sa vie et toi la tienne… » s’intéressa-t-elle tout en plaçant contre elle une magnifique petite robe en soie.

Leela esquissa une petite moue. « Je pourrais marcher pieds nus mais comme mon carrelage est un peu glacé même en été… je préfère me mettre quelque chose aux pieds, c’est plus prudent ! Et ça évite d’attraper la crève » fit-elle avec légèrement plus de sérieux, qui se poursuivit alors qu’Eireen lui posait une question tout à fait légitime. Il est vrai que lorsqu’on entendait l’indienne parler de Graham, avec des sortes de pétales de rose dans les yeux, on pourrait se dire : elle n’est pas seulement proche de son partenaire de travail, elle en est amoureuse. Mais aucun des deux ne souhaitait mélanger travail et plaisir, par conséquent ils avaient trouvé un terrain d’entente : une amitié des plus solides. Ils se conseillaient, travaillaient main dans la main, s’appelaient pour se raconter leurs vies ou vivaient de grandes soirées ensemble… en bref, le néozélandais demeurait ce meilleur ami masculin que Leela n’avait jamais eu la chance d’avoir avant de faire sa connaissance. « Il est formidable c’est tout à fait le mot ! Si tu savais comme je me sens chanceuse de cet avocat super expérimenté m’ait prise moi, tout juste sortie de l’école et on ne peut plus inexpérimentée… puis on a bien sympathisé, on est souvent sur la même longueur d’ondes. La preuve, pour les affaires complexes, nous sommes tous les deux sur le banc de la défense, on ne se laisse jamais tomber. Je te souhaite vraiment de tout cœur d’avoir un partenaire aussi top… et je suis sûre que tu le trouveras si malheureusement tu ne bosses pas avec nous ! Nous formerions un trio de choc si c’était le cas quand même ! » s’amusa-t-elle à énoncer d’une voix à la fois rêveuse et enjouée à la fin de sa tirade. Néanmoins son sérieux vint à nouveau sur le devant de la scène avec la vitesse d’un super athlète en sprint : parler agence immobilière, cela signifiait parler de sa vie privée. Mais la réplique suivante ne pouvait qu’être preuve de grande confiance envers Eireen : « je me sépare de mon compagnon en fait. C’est pour ça que je veux déménager rapidement. Mais comme je compense un peu mon manque affectif par trois fois plus de boulot, faut que je corrige ce travers ! » Leela ne comptait pas pleurer dans les chaumières, ce n’était pas le genre de la maison. Mais elle voulait tout de même expliquer à son amie le but de sa démarche, toute persuadée qu’elle était qu’Eireen comprendrait illico presto. « Et vous vous voyez souvent ? » partit-elle sur quelque chose de beaucoup plus intéressant et, surtout, de nettement plus positif, avant de choisir la première jupe. « Pour toi, la première est la jupe parfaite ! Et pour moi ? Jupe cuir avec chemise banale blanche ou plutôt robe légère ? »