Face à la réplique d’Eireen, le sourire de Leela s’agrandit. C’était étrange mais elle avait l’impression de se revoir, quelques années en arrière, dans cette période de doute qui suivit l’obtention de son diplôme. De quoi la pousser à se remettre en question sur absolument tout : son caractère, son choix de carrière, sa capacité à s’adapter dans le milieu… puis Graham l’avait mise à l’aise, posant une main contre son épaule. Une façon de dire qu’il ne fallait pas qu’elle s’inquiète, et que tout irait au mieux dans le meilleur des mondes possibles ! « Attachiante en d’autres termes ? Mais n’aie crainte, c’est une grande qualité ! La preuve, j’ai la même… mais n’aie crainte, il faut autant de qualités que de défauts dans ce métier pour ne pas se faire bouffer » la rassura-t-elle quant à son caractère, absolument dans les tons aux yeux de l’indienne. Il ne fallait surtout pas qu’elle se mette à douter maintenant, ce serait bien trop dommage, surtout qu’Eireen avait absolument tout en main pour réussir sans aucune peine dans le métier. « Tu veux rire ? Il pleure légèrement et je lui fais des tonnes de câlins ! Je ne peux pas résister à ce chien et il en joue, il a tout compris à la vie… » Leela éclata joyeusement de rire car oui, elle demeurait faible face au côté manipulateur de son chien. Darius était son petit bijou, le seul ne l’ayant jamais déçue ni abandonnée jusqu’ici en dehors de son associé Graham bien entendu et des quelques amis très proches qu’elle possédait en ville. « Je te suis ! » s’exclama l’avocate avant de prendre effectivement la cabine indiquée par Eireen, histoire d’essayer en premier lieu le chemisier et la jupe sélectionnés en premier. Autant dire que le résultat lui plut follement, au point qu’elle en attendit son acolyte de shopping devant sa cabine d’essayage. « Je sais pas toi, mais moi le premier ensemble me botte ! »

Une nouvelle fois, Leela esquissa un petit éclat de rire, fière de sa trouvaille : la contraction d’attachante et de chiante allait bien à l’une comme à l’autre, non ? Surtout qu’il fallait prendre cela comme un compliment, car on peut vite trouver quelqu’un de chiant ultra relou et le fuir avec pertes et fracas, mais quelqu’un d’attachiant… cela s’avère nettement plus complexe, à n’en point douter. « Nous sommes attachiantes, n’aie crainte je te suis sur ce coup là ! » s’amusa-t-elle à répliquer, limite hilare pour la bonne cause. Si cela rassurait Eireen sur le fait que son caractère soit pile ce que pouvaient rechercher les cabinets d’avocats et autres chasseurs de têtes, alors elle aurait gagné sa journée. « Garde-le, n’hésite surtout pas. » L’indienne hocha vivement et positivement la tête, car oui, elle devait se faire confiance et ne rien lâcher. Au même titre qu’elle n’avait rien lâché pour son diplôme et qu’elle l’avait eu finalement, contre toute attente… « Darius est malin, mais c’est clair, je le bisoute sans arrêt ! Et je l’emmène au cabinet, je crois que si mon associé n’aimait pas mon chien je serais emmerdée. Je n’ai pas envie de le faire garder par quelqu’un d’autre ! Mais c’est bien possible qu’il ait été acteur à oscars dans une autre vie parce que franchement, il est fichtrement doué le bougre ! » Ne dit-on pas tels maîtres tels animaux ? Cela était parfaitement vrai pour Leela et son husky. Elle avait une gouaille terrible, et son chien pouvait faire les pires conneries pour mieux se faire pardonner trente secondes après. Tout un métier ! De même que c’est tout un métier d’assembler comme il faut une tenue avec goût… « Une veste ce serait vraiment pas mal… je vais aller prendre celle que tu m’avais conseillée, bouge pas ! » fit-elle avant de s’exécuter et de revenir avec ledit gilet sur le dos. « Alors ? » Autant dire que les essayages allèrent bon train après ce premier coup d’essai. De quoi les amener, doucement mais sûrement, vers le dernier assemblage d’avant paiement. « Et ce tailleur me donne une silhouette de fou… je suis ravie ! »

Leela l’avouait elle-même : sûrement n’était-elle pas assez autoritaire avec son chien mais d’un autre côté, il était un peu son bébé. La seule personne au monde qui connaissait tous ses secrets même les plus inavouables, et à qui elle se confiait quotidiennement sur son boulot, ses sentiments, bref tout ce qui faisait sa vie. Darius la connaissait sûrement mieux que ses propres parents, son propre frère, même si son défaut demeurait capital : il n’avait pas la parole. Dommage que les chiens ne sachent pas parler ! « Oh je sais très bien qu’il en profite ! Pourtant, le pire, c’est qu’il est très obéissant. Je vais faire du jogging avec lui tous les matins sans avoir besoin de lui mettre la laisse, et dès qu’il est avec moi au bureau, il est juste sage comme une image ! Sûrement parce qu’il aime y être avec moi et que Graham l’adore. Je pense que ça aide ! Mais je t’avoue que je suis très chanceuse… mon associé doit être le seul à posséder un cabinet ET à accepter un chien dans ce dernier ! » De quoi lui décerner une palme rien que pour cela, à n’en point douter. Mais ça, Leela en avait conscience en premier lieu, et remerciait d’ailleurs chaque jour Graham de sa bonté envers Darius, puisqu’il le promenait régulièrement lors de ses pauses, et qu’ils achetaient à tour de rôle des croquettes. A croire que le husky ait deux maîtres au lieu d’un. « Tu sais je suis indienne, la réincarnation, j’y crois c’est dans mon éducation ! » admit-elle sans honte aucune, car après tout, il n’y avait rien de stupide à croire en cela. Sans doute Darius avait-il eu une vie trépidante avant de se réincarner en husky adorable et adoré de pas moins de deux avocats… « Je te présenterai mon chien si tu veux » proposa-t-elle en esquissant un petit clin d’œil, avant que justement le passage des essayages ne vienne sur le devant de la scène. Tour à tour, Eireen comme Leela assemblèrent leurs choix vestimentaires, se présentant mutuellement les tenues pour avoir l’avis de l’autre. « Pour ma part j’ai tout essayé ! Tu veux voir autre chose, essayer autre chose où on passe à la caisse ? »