Ambrose lui mange dans la main. Plus que jamais, Ruben fait carton plein et atteint son objectif - bien sûr qu’il avait un objectif, le jeune homme s’est aventuré dans ce non-date en sachant très bien où il mettait les pieds. Il n’a aucune confiance en les capacités de l’apprenti chirurgien, il le lui a dit et il le pense toujours, mais cela ne l’empêche pas de rire pour un rien et de sourire à tout va, et ce depuis le début de leur conversation. Sa répartie parfois acerbe reste toujours la même, quand bien même il a beaucoup moins bu ce soir que lors de leur première rencontre. Ambrose n’a pas compté ses verres, il n’a pas non plus réfléchi au degré d’alcool de chacun d’eux, mais il s’en est tout de même rendu compte, parce qu’il y a porté un certain intérêt malgré tout. Il ne veut pas se rapprocher de quelqu’un ayant un problème d’alcool ; ce serait se tirer une balle dans le pied. “Tu chantes que chez toi ? Monsieur rock classique piano-voix.” La conversation continue et perdure, la curiosité d’Ambrose est sincère. Il s’intéresse bien plus à Ruben plutôt qu’au groupe qui continue de se produire sur scène, il doit bien l’avouer. L’excuse était parfaitement trouvée, il faut bien le dire, et il n’a pas été difficile à convaincre et loin de là. Il ne peut pas se permettre de promettre quoi que ce soit à Ruben, et il ne veut pas non plus le faire, mais il doit bien avouer qu’il s’est naturellement pris au jeu de passer du temps à ses côtés alors qu’il le connaît depuis quelques jours à peine. “Parce que je t’ai toujours pas entendu.” Et parce qu’il est curieux à l’idée de réparer la chose, bien sûr.

“T’es du genre petit génie, pas vrai ? T’as pas vraiment hésité avant de te lancer dans des études de médecine ?” Ambrose pourrait le laisser croire qu’il ne fait que le complimenter, lui et ses aptitudes sans doute au dessus de la moyenne, mais en réalité c’est autant un compliment qu’un reproche. Il ne lui en veut pas d’être doué dans tout ce qu’il entreprend, loin de là, mais il le tient pleinement responsable de ses yeux brillants allant de pair avec un sourire éternellement narquois et un air imbus. Bien sûr que c’est un petit génie, Ruben, c’est évident, et Ambrose souhaite simplement entendre la confirmation de sa voix. “Et tu penses que tu sais tout mieux que tout le monde.” Et à son tour, c’est Ambrose qui sourit un peu plus. Il ne le lui reproche pas vraiment, pas alors qu’il sait avoir ce même genre de caractère, lui qui prend de haut n’importe qui dans son domaine, du haut de ses seize ans alors que c’est parfois le nombre d’années d’expériences des personnes face à lui. Il en faudrait plus pour qu’il se démonte, et il en est sûrement de même pour le chanteur. “J’aime bien.” Il commente et souffle donc, ses yeux résolument posés dans ceux de Ruben.

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Bien sur qu’il avait le sourire aux lèvres, Ruben: tout autour de lui était fait pour qu’il puisse avoir le sourire aux lèvres. Le bar qu’il avait choisi pour la soirée avait été une bonne pioche, le groupe se produisant sur scène n’étant vraiment pas mauvais; il n’avait pas eu à travailler toute la journée comme un fou, le nez dans les bouquins, si bien qu’il pouvait apprécier de boire un verre ou plusieurs sans avoir la tête qui tourne au bout de moins d’une heure. Et cerise sur le gâteau, surtout: il était en bonne compagnie. Tournant son visage, le sourire qu’il adressait de façon générale fut désormais uniquement tiré pour le jeune homme à ses côtés.

Il savait parfaitement que c’était là un non-date auquel ils participaient. Bien qu’il ait eu quelques coups dans le nez lorsqu’ils s’étaient rencontrés quelques jours plus tôt, Ruben avait parfaitement compris qu’il ne pouvait se permettre d’insister de la sorte alors qu’Ambrose lui avait clairement dit qu’il n’était pas intéressé. L’égo du futur chirurgien en avait pris un coup, il n’avait pas l’habitude de ne pas être un choix - le premier choix même -, mais il pourrait s’en remettre. Il se sentait capable de s’en remettre, en tous cas, mais c’était plutôt compliqué d’y croire lorsque le brun le regardait avec un tel sourire aux lèvres aussi de son côté. « Tu chantes que chez toi ? Monsieur rock classique piano-voix. » Un petit rire s’échappa d’entre les lèvres de Ben alors qu’il portait son verre à ses lèvres. « Parce que je t’ai toujours pas entendu. » - « Oh, tu veux que j’aille prendre leur place peut-être ? » Avec un sourire en coin amusé, il désigna de la tête le groupe de musique qui continuait de faire leur performance sur scène. « Ca plairait pas à tout le monde, si je m’imposais à leur place. Tu peux imaginer. » Parce-qu’il n’avait pas été invité pour ça ici, parce-qu’il n’était pas invité du tout d’ailleurs et qu’il n’était qu’un simple client dans un bar.

« T’es du genre petit génie, pas vrai ? T’as pas vraiment hésité avant de te lancer dans des études de médecine ? » Oh qu’il n’aurait jamais dû lui poser une question comme ça. Rose ne pouvait pas savoir à quel point ce type de question pouvait plaire à Ruben. Ce dernier aimait qu’on le flatte - surtout si c’était fait sur ses capacités intellectuelles et professionnelles. « Et tu penses que tu sais tout mieux que tout le monde. » - « Tout de suite… » Il leva les yeux au ciel, perdit une partie de son sourire. Il aimait être flatté mais il n’appréciait pas spécialement qu’on le rabaisse derrière en revanche. « J’aime bien. » Les yeux du jeune homme qui s’accrochaient aux siens pourraient voir en cet instant l’éclat de surprise dans le clair des yeux de Ben. D’ordinaire, ce n’était pas tout à fait le trait de caractère que les personnes appréciaient le plus chez lui. « T’aimes bien ? L’idée que je sois monsieur-je-sais-tout ? » Il fronça les sourcils - il ne niait pas, l’occasion présente, d’être celui qu’Ambrose décrivait. Il était un petit génie, et à dire vrai penser que cela puisse se lire sur son visage n’était pas dérangeant. « C’est louche. T’as bu combien de verre ? J’ai oublié de compter. » Plissant les yeux, un coin de bouche relevé en une moue amusée, il attrapa des mains du jeune homme son verre pour attirer le contenant de son côté de la table. « Les gens trouvent ça ennuyeux, d’habitude. Et toi tu trouves ça sympa ? » Il était différent, Ambrose; il n’aurait su mettre le doigt sur le pourquoi exact, mais il le savait différent de toutes les personnes qu’il avait pu côtoyer jusque maintenant. « Je suis un petit génie, c’est vrai. » Qu’il précisa tout de même - booster son propre égo de temps en temps n’avait jamais fait de mal à personne, non ?

Il pose des questions, il s’intéresse. Il se souvient parfois que tout ceci est un non date, quand il n’est pas trop occupé à l’oublier. « Oh, tu veux que j’aille prendre leur place peut-être ? » Il n’a pas besoin de son signe de tête pour comprendre de qui il est question, mais ça l’amuse qu’il fasse l’effort de souligner sa pensée et d’y ajouter des détails. En réalité, Ambrose n’est pas contre l’idée et bien au contraire, il mentirait s’il disait ne pas la trouver terriblement intéressante. Ce ne serait qu’échanger les rôles. « Ça plairait pas à tout le monde, si je m’imposais à leur place. Tu peux imaginer. » Rose pince les lèvres et s’enfonce un peu plus dans le fond de sa chaise. “Non mais à moi ça me plairait.” Et le reste des clients du bar, il s’en moque pas mal de ce qu’ils peuvent penser.

Si ce n’est pas à propos de la musique, c’est déjà sur un autre thème qu’il l’interroge, toujours aussi insatiable. « Tout de suite… » Ruben prend la mouche, sans que ce ne soit une réaction qu’Ambrose ait imaginé. Pour autant, l’adolescent se reprend rapidement, et surtout il fait comprendre à l’homme face à lui quel est le fond de sa pensée: il aime bien. Aussi simplement que cela, il aime bien cette façon de penser, parce qu’il ne prend pas le temps de remettre en doute ses rêves au moindre obstacles sur son chemin. « T’aimes bien ? L’idée que je sois monsieur-je-sais-tout ? » - “Je te le dirai une fois, pas deux. N’abuse pas.” Il rétorque rapidement avec un sourire d’occasion. Oui, il l’aime bien. Il le lui a dit, et ce n’était pas une erreur dans l’agencement de ses mots. Il le pense bel et bien. « C’est louche. T’as bu combien de verre ? J’ai oublié de compter. » Ruben lui confisque son verre comme on le ferrait à un enfant incapable, et Ambrose ne se bat pas pour autant pour le garder. “C’est le deuxième, tu n’as pas à craindre que je sorte d’ici en titubant.” Ambrose lui répond avec tout le sérieux du monde, son regard plongé dans le sien alors qu’il n’attend pas davantage avant de reprendre son verre, ses doigts s’immiscant sous ceux de Ruben pour ce faire. « Les gens trouvent ça ennuyeux, d’habitude. Et toi tu trouves ça sympa ? » - “J’ai toujours détesté le petit génie de ma classe, ça oui. Comme tout le monde, j’imagine.” Il ne dit pas apprécier tous les petits génies dont il croire le chemin, et bien au contraire: quand il s’agit d’autres personnes à qui il fait face, ou qui ont les mêmes desseins que lui, il n’aime absolument pas l’idée. « Je suis un petit génie, c’est vrai. » - “Et tu es différent.” Assez pour qu’Ambrose l’apprécie, malgré son aptitude à mettre les deux pieds dans le plat. Mais ce n’est pas le sujet. Tout du moins, ce n’est pas le sujet sur lequel Ambrose veut prendre le risque de s’attarder trop longuement, ne lui fasse mentir le sourire dont il ne se départit pas.

“T’en as pour combien de temps à tirer dans tes études, encore ? Tu veux faire quelle spécialité ?” A quel point est-il orgueilleux, Ruben ? A quel point est-ce qu’il pense pouvoir faire tout mieux que tout le monde ? Sans le juger pour autant, c’est une question qui intrigue réellement le garçon, dont les ambitions politiques ne sont rien d’autres que d’arriver au sommet de la pyramide. Au fond, il comprend parfaitement Ruben.

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« Non mais à moi ça me plairait. » Aux mots du jeune homme, Ruben pinça également ses lèvres - réaction miroir, surement; surtout pour ne pas laisser les mots qui lui venaient à l’esprit lui échapper. Il l’avait déjà prévenu qu’il ne pouvait se permettre de tendre des perches de cette sorte s’il ne désirait pas le voir les saisir, et pourtant il continuait sans vergogne. Soit il se fichait de lui ouvertement, soit il était d’une innocence à faire peur autant qu’à faire fondre les coeurs. Heureusement que le brun n’était pas du genre à pencher pour l’un ou l’autre côté de ces deux possibilités, et voyait un peu plus clair qu’Ambrose lui-même dans son propre jeu - mais qu’il aurait préféré pouvoir de façon naturelle rétorquer que l’idée de lui plaire était agréable à envisager. « Peut-être que je ferai l’effort avant de partir alors. » Il restait sage et donnait des réponses adaptées; comme quoi, il savait aussi faire des efforts, Ben.

Son visage perdit toute trace d’amusement et de dits-efforts cependant lorsque le jeune homme lui associa le surnom de monsieur-je-sais-tout. C’était là la vérité, attention il était tout à fait apte à le reconnaitre, simplement son égo n’appréciait pas particulièrement que ce soit souligné de cette façon là. Et puis, il n’était pas venu pour se présenter sous ce jour là face à Ambrose, mais ce dernier se montrait bien plus curieux qu’il n’aurait pu imaginer initialement. Apparemment, cependant, ce n’était pas initié par un mauvais présentement comme Ben avait pu l’envisager. « Je te le dirai une fois, pas deux. N’abuse pas. » Alors, peut-être que ce type de réaction qu’il n’aurait su anticiper le fit sourire, finalement. D’ordinaire, les personnes qui le voyait comme un lèche-bottes de service et qui le soulignait ne le faisait pas pour le complimenter. Ambrose était… intriguant, étonnant; il l’avait plus ou moins compris dès l’instant où ils s’étaient croisés mais n’aurait pas pensé garder cette impression là sur plusieurs rendez-vous - ce n’en était pas vraiment un, tout comme il s’agissait là que de la seconde fois qu’ils se voyaient, mais l’idée était la même dans tous les cas. Plissant les yeux, décidant de ne pas prendre la mouche de façon franche et définitive, Ben préféra miser sur le fait qu’il n’avait pas pu suivre la réelle consommation d’alcool du jeune homme pour qu’il en vienne à de telles paroles. « C’est le deuxième, tu n’as pas à craindre que je sorte d’ici en titubant. » - « Laisse moi être le seul juge de ça… dans quelques heures et quelques verres en plus, hm ? » Il avait retrouvé une esquisse de sourire bien plus amusée qu’il n’avait porté durant la poignée de minutes écoulées précédemment. Surtout en grande partie parce-que le contact des doigts d’Ambrose sous les siens était agréable, alors que ce dernier cherchait simplement à reprendre son verre que Ben lui avait subtilisé un instant - pas pour le boire, juste pour le taquin là et un instant de plus. S’il avait cherché à attraper cette nouvelle perche tendue, il aurait fait en sorte de prolonger le contact, il aurait attrapé les doigts du jeune homme des siens, ne les aurait pas lâché de suite. Il n’en fit rien, ne bougea pas le moindre muscle pour autant; il ne prenait pas les rênes de la situation et laissait toutes les portes de sortie et d’entrée aux mains de celui qui ne savait lâcher son regard malgré tout.

« J’ai toujours détesté le petit génie de ma classe, ça oui. Comme tout le monde, j’imagine. » Il avait décidé de ne pas voiler le moins du monde qui il était réellement, ou pas vraiment, alors il se permit de lever les yeux au ciel. « Les petits génies comme moi sont souvent plus jalousés qu’autre chose. » Par des personnes, aux yeux de Ruben, qui manquaient de talent et d’ambition. « Et tu es différent. » Cette fois-ci, il haussa les épaules. « Je pense que j’ai surtout plus d’audace que la moyenne. » Et un égo qui prenait un peu plus de place, aussi, il ne fallait pas négliger cette partie là de la réalité. « T’en as pour combien de temps à tirer dans tes études, encore ? Tu veux faire quelle spécialité ? » Alors, son intérêt n’était pas feinté. Oh, il aurait pu l’être encore jusque maintenant - mais ce n’était pas le genre de conversation que l’on poursuivait juste pour s’amuser: c’était trop ennuyant. La curiosité d’Ambrose était, une fois de plus, pleine et entière. « Je suis à mi-chemin: six années effectuées, six restantes. » Dit de la sorte, cela semblait être l’autre bout du monde - et parfois, tout de même, cela provoquait un ressenti de ce type pour de vrai. Ruben ne s’y attardait jamais, mais il existait. « Ca me permettra de devenir neurochirurgien. » Qu’il ajouta finalement, après s’être perdu un instant supplémentaire dans les différentes ombres qu’offraient les couleurs des iris de Rose. Finalement, levant l’une de ses mains lentement, il posa son index avec douceur et précision sur l’une des temps du jeune homme. « Ca me permettra de connaitre avec précision ce qui se passe là-dedans. » Il tapota l’endroit, avec finesse, avant de laisser son doigt glisser le long de la peau du brun, jusque sa mâchoire, et de retirer sa main pour la reposer sur la table. « Les sacrifices valent le prix remporté à la fin. » Si jamais la question lui passait à l’esprit.

« Et toi alors ? De grands rêves en vue ? » Ce ne fut qu’à ce moment là que leur contact au niveau du verre d’Ambrose se rompit, alors que Ruben se laissait retomber contre le dossier de sa chaise, croisant ses bras sur son torse. Il plissa quelque peu ses yeux, essayant d’imaginer le jeune homme dans quelconque domaine. « Avec un visage comme ça, tu ferais carrière en une seconde dans la musique. Une carrière je veux dire. » Il haussa lentement un sourcil. « En solo, surement. » Parce-que c’était souvent ce qui pouvait pécher dans les carrières; si le visage du groupe était à tomber mais que le reste faisait tâche en arrière plan, il était plus compliqué que percer. Ambrose avait largement de quoi faire pour réussir seul, avec un petit peu d’ambition bien placée.

« Peut-être que je ferai l’effort avant de partir alors. » Et Ambrose de sourire, comme s’il venait de gagner une bataille. Face à lui, pourtant, il est évident que Ruben n’a pas tenté un seul instant de lutter. Tant mieux, il aurait toute sa place sur le devant de la scène. La situation amuse d’autant plus le jeune politicien lorsque l’homme face à lui mise sur l’idée qu’il pourrait avoir trop bu et se la joue finalement chevalier servant à vouloir tenir le verre éloigné de lui. « Laisse moi être le seul juge de ça… dans quelques heures et quelques verres en plus, hm ? » Il voudrait rétorquer qu’il n’y aura rien de différent d’ici quelques heures, mise à part les quelques verres de plus, mais sans doute que son cœur lui dicte un peu trop fort le contraire pour qu’il puisse arriver à se montrer crédible à son tour. Pour le moment encore, et à l’image de l’enfant qu’il était il n’y a pas beaucoup de temps auparavant, Ambrose se contente de jouer du simple toucher avec lui, laissant inutilement ses doigts glisser contre les siens lorsqu’il reprend son bien. S’il mime de ne pas le faire exprès, son regard uniquement posé dans celui de l’homme face à lui, il manque cruellement de délicatesse pour que quiconque puisse le penser à son tour.

D’un sujet à l’autre, Ambrose se montre curieux. Il ne sait pas quand est-ce qu’il pourra revoir Ruben, alors il tente d’en apprendre le plus possible à son égard dès maintenant. Il est aussi horripilant que passionnant, et ce n’est pas peu dire. « Les petits génies comme moi sont souvent plus jalousés qu’autre chose. Je pense que j’ai surtout plus d’audace que la moyenne. » Il a plus d’audace de la moyenne, c’est certain, mais beaucoup n’auraient même pas osé qualifier son attitude de la sorte. Ils l’auraient traité d’insouciant, et peut-être que cela revête un semblant de vérité. Ambrose, de son côté, ne cherche pas à lui coller de véritables étiquettes dessus - outre celle de petit génie, disons. “Ca, j’en doute pas un seul instant.” Il l’a abordé de nulle part, sans même réfléchir à deux fois quant à l’idée d’une attirance homosexuelle, et rien que pour ça Ambrose le trouve terriblement audacieux. A ses yeux, c’est autant une qualité qu’un défaut. Il s’agit simplement d’une question de dosage et de contexte, sans doute, et c’est par souci de ne pas creuser sa propre tombe qu’il rebondit déjà sur une autre question, sans pour autant s’intéresser à autre chose qu’à Ruben. « Je suis à mi-chemin: six années effectuées, six restantes. » En ayant déjà oublié son verre une fois de plus, Ambrose hoche la tête, toujours aussi étonné du dévouement nécessaire pour avoir des études aussi longues et prenantes. « Ça me permettra de devenir neurochirurgien. Ça me permettra de connaître avec précision ce qui se passe là-dedans. » Son index trouve refuge contre la tempe de Constantine, dont les yeux s’ancrent plus que jamais dans les siens à l’instant même où il initie ce contact. Il se retient de sourire, il se retient de serrer les dents, et il se retient d’avoir n’importe quelle sorte de réaction, même lorsque Ruben fait glisser son doigt jusqu’à sa mâchoire. Ce n’est qu’au moment où il comprend qu’il va quitter sa peau qu’Ambrose enroule sa main autour de son seul index. Officiellement, si on lui demande, ce n’est là qu’un geste voué à faire rester Ben à sa place - et l’excuse pourrait être valable, s’il avait ensuite retiré sa main de la sienne. “J’espère que tu ne m’en veux pas si je te dis que j’ai pas vraiment envie de passer sous ton scalpel un jour.” Non pas qu’il doute de ses capacités, loin de là, mais bien parce qu’il espère ne jamais connaître de tels problèmes. “Mais je trouve ça passionnant, comme métier.” Tout comme il aurait trouvé passionnant n’importe quelle finalité que Ruben aurait pu lui présenter, de toute évidence. « Les sacrifices valent le prix remporté à la fin. » Sur ce sujet-là, il ne le questionne pas davantage, n’ayant aucun mal à imaginer les sacrifices dont il est question. Il est persuadé qu’atteindre ses objectifs vaut tous les sacrifices du monde, il ne sera pas celui qui tentera de le convaincre du contraire.

« Et toi alors ? De grands rêves en vue ? » Ruben retombe contre le dossier de sa chaise, poussant leurs mains à se séparer une bonne fois pour toutes. Déjà, Ambrose passe à autre chose et se concentre plutôt sur sa question, un immense sourire au coin des lèvres. Bien sûr qu’il nourrit de grands rêves, lui aussi. « Avec un visage comme ça, tu ferais carrière en une seconde dans la musique. Une carrière je veux dire. » Il recommence. Il fait du Ruben, il flatte, il le fait sourire et Ambrose ne sait pas s’il adore ou s’il déteste, se sentant toujours un peu plus naïf lorsque la scène se répète. Mais les mots de Ruben semblent sincères. Il veut croire qu’ils le sont. « En solo, surement. » Il connaît son talent, il sait qu’il a aussi de l’ambition ; mais il sait, surtout, que la musique n’est pas là où se situe son ambition. “Ce n’est qu’un hobby.” Un hobby qu’il jure aimer de tout son coeur, mais ce n’est pas le genre de métier qu’il veut associer à sa personne. Rockstar, ce n’est pas ce qui aurait rendu ses parents fiers. “Je serai Premier Ministre, un jour.” Rien que ça. Pas moins. “J’aurais aimé te dire que j’ai fait six ans et qu’il m’en reste six encore, mais je crois qu’il faut plutôt tabler sur vingt ans.” Il reprend dans un sourire, conscient qu’ils ne passeront pas les prochaines années de leur vie de la même façon, à en juger par leurs objectifs bien différents. “J’ai aussi plus d’audace que la moyenne, j’imagine.” Un point commun de plus entre eux, alors. C’est important de le souligner. Ça l'est pour Ambrose, dont la mâchoire se serre déjà à l’idée de vouloir changer de sujet, pour quelque chose de plus personnel.

“Tu dois rentrer tôt ? Si tu fais tes études. Ou un internat, je sais pas quand ce genre de chose commence.” La gorge quelque peu nouée, il préfère lui demander le plus tôt possible, pour avoir la main mise sur la temporalité de la soirée et surtout pour ne pas risquer d’être pris de court si Ruben lui dit soudainement qu’il doit partir. Il veut savoir combien de temps il a, il veut savoir à quoi va ressembler la suite de la soirée. Plutôt que de se triturer entre eux, ses doigts attrapent plutôt son verre, qu’il termine rapidement. Il devra y en avoir d’autres, de toute évidence, et d’un regard couplé à un geste de la main, il demande à l’homme face à lui s’il veut à son tour un autre verre, avant qu’Ambrose ne se dirige vers le comptoir.

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Bien sur que du côté de Ruben, ses doigts restant posés contre ceux d’Ambrose, c’était fait exprès; bien sur que l’inverse était le pure fruit du hasard - il n’y avait qu’à voir le sourire qui s’étirait sur les lèvres du brun face à lui pour comprendre que tout ceci n’était qu’une façade. Mais là où il aurait pu être embêtant d’ordinaire, Hartfield se tut en le laissant agir comme bon lui semblait. Après tout, qu’importait la façon dont les choses se passaient, puisqu’elles avaient dans tous les cas le goût d’une soirée prometteuse.

Et si le jeune homme préférait dévier la conversation vers des questions plus personnelles à l’intention de Ben, ce n’était pas ce dernier qui allait s’en plaindre; surtout quand on complimentait son cerveau et lui accordait le droit d’être le petit génie. « Ca, j’en doute pas un seul instant. » Il eut un petit rire. « Tant mieux. » Au moins, avec ces cartes là en mains, il y aurait surement moins de surprise par la suite. Ruben était audacieux, et il aimait l’aventure et les défis. Il était de ceux qui pensaient qu’en y mettant un peu du sien, tout devenait possible et réalisable sans réelles limites. S’il désirait de son côté devenir neurochirurgien, et qu’il plaçait correctement ses pions le long du chemin, alors il n’y avait aucune raison qu’il n’y arrive pas à un moment donné. Bientôt, il ferait partie de ceux qui connaissait autant de ce qu’il y avait sur le crâne qu’à l’intérieur - ce qu’il indiquait en cet instant en déposant son index contre la tempe d’Ambrose. En temps normal, il ne serait pas venu imaginer de la sorte ses paroles; il jouait avec le feu, cherchait connaître les réactions instinctives du jeune homme face à une proximité possible entre eux. A aucun moment, le jeune brun chercha à retirer la main de Ruben de où elle se tenait - au contraire, un instant et peut-être un second, sa main attrapa l’index du jeune futur chirurgien. Ben ne bougea pas d’un iota, le laissa mener la danse, agir selon ce que ses envies lui disaient. « J’espère que tu ne m’en veux pas si je te dis que j’ai pas vraiment envie de passer sous ton scalpel un jour. » Il souffla un petit rire par le nez. « C’est peut-être la seule fois où tu pourrais dire ça et où je serais pas vexé. » En réalité, il ne souhaitait à personne de les rencontrer de nouveau sur sa table d’opération, lui qui n’avait pas encore qu’un accès très limité au bloc opératoire mais qui s’imaginait déjà se faire un nom parmi les grands. « Mais je trouve ça passionnant, comme métier. » Ben plissa le bout du nez. « Tu trouves ça passionnant parce-que je donne l’impression que ça l’est. Pour ceux qui s’y intéressent pas vraiment, c’est barbant en réalité. » Il l’avait compris, avec le temps, que lorsqu’un sujet était bordé de façon plus que poussée, cela ne pouvait intéresser que les initiés et ceux aspirant à s’y connaître mieux que la moyenne un jour. Si Ambrose trouvait le moindre intérêt à sa spécialité, ce n’était là qu’une façon de lui faire plaisir; ou tout simplement une façon dont il n’avait même pas conscience de lui souligner qu’il buvait se paroles sans se rendre compte qu’il n’en avait en réalité rien à faire. Cette idée là fit sourire Hartfield.

Finalement, le contact initié par Ruben fut rompu par cette même personne, alors qu’il s’adossait de nouveau à sa chaise et retournait la question des projets de vie à Ambrose. Il aurait pu réellement parler de sa spécialité pendant des heures et des heures, mais il était curieux d’en apprendre plus sur celui qui n’était pas intéressé par lui mais n’arrêtait pas de poser des questions personnelles et avait accepté de le retrouver dans un bar à la nuit tombée. Lorsque leurs chemins s’étaient croisés, une poignée de soirs plus tôt, Ambrose avait suggéré que Ruben faisait de la musique son métier; il retournait donc la supposition, ne se retenant pas ici d’ajouter un compliment qui lui servait également d’argument. Ce dernier fit mouche à en témoigner par le sourire qui s’étira sur les lèvres du brun face à lui. « Ce n’est qu’un hobby.» Il fit une petite moue, haussa les épaules. « Dommage, j’aurais pu me vanter de t’avoir connu lors de tes débuts si t’avais poursuivi sur cette voie. » Et il aurait acheté de suite tous les modèles de ses démos si cela avait pu lui donner un coup de pouce dans cette direction. Mais apparemment, le domaine auquel il prétendait était on ne pouvait plus éloigné de la scène. « Je serai Premier Ministre, un jour. » Un sourcil franchement étonné se haussa un instant sur le visage de Ben. « J’aurais aimé te dire que j’ai fait six ans et qu’il m’en reste six encore, mais je crois qu’il faut plutôt tabler sur vingt ans. J’ai aussi plus d’audace que la moyenne, j’imagine. » Un sourire suivit donc rapidement en guise d’expression aux mots ajoutés par Ambrose. Ruben secoua quelque peu la tête, ne cachant pas son amusement de la répartie dont il faisait preuve; il appréciait particulièrement les personnes qui avaient de l’audace et l’ambition comme ça. « La politique, alors ? » Il plissa quelque peu les yeux. « Il faut en savoir une sacrée paire pour oser se lancer dans ce type de carrière. » Parce-que c’était là un monde sans pitié, et sans répit; si la médecin était difficile et compliquée, c’était là de part les connaissances qu’elle nécessitait; la politique l’était à cause des personnes qui peuplaient ce monde. « Je suis admiratif. » Et il en fallait beaucoup, pour que ce soit effectivement le cas. Et c’était important de préciser qu’en cet instant, Ruben ne soulignait pas ce ressenti simplement pour faire plaisir et complimenter Ambrose mais bien parce-qu’il le pensait. Et recevoir ce type de remarque, d’autant plus sincère de sa part était rare. « Qu’est-ce qui t’as fait tomber dedans ? Je veux dire, souvent c’est pour suivre l’exemple d’une autre personne. C’est ton cas aussi, ou tu fais simplement preuve d'une très grande audace ? » Parce-que s’il se montrait curieux, Ben se donnait le droit de l’être aussi. Avec sérieux, et amusement, et intérêt, et malice par moment aussi; selon les reflets que la lumière pouvait donner à son regard dans cette semi-pénombre.

« Tu dois rentrer tôt ? Si tu fais tes études. Ou un internat, je sais pas quand ce genre de chose commence. » Le changement de ton et la question quelque peu précipitée perturba un instant Ruben, qui n’eut pas le temps de répondre avant qu’Ambrose ne soit finalement déjà debout, terminant son verre d’une traite. Il était vrai qu’il avait évoqué que la soirée se terminerait surement sur un karaoké de sa part dans quelques verres, mais ce n’était en réalité pas la peine de les terminer d’une traite de la sorte. « Internat, effectivement. » Il hésita un instant, tentant d’analyser la situation - mais Rose semblait plus que pressé de se soustraire à leur table le temps d’un instant; il ne perdit alors pas un instant de plus pour reprendre la parole. « Mais j’ai tout mon temps: je suis de repos demain et personne ne m’attend en rentrant plus tard. » Il savait parfaitement que la question initiale ne comportait aucune mention d’une personne laissée seule chez lui, chez eux, chez quelqu’un. Mais il se dit que le préciser en cet instant ne tomberait peut-être pas l’oreille d’un sourd - qui, d’un geste de la main, lui demandait s’il désirait un autre verre. Ruben acquiesça, non sans laisser son regard accroché à la silhouette du jeune homme alors que ce dernier emportait les deux verres vides pour les retourner par la suite plein. Il y avait bien des choses à relever, dans ce maigre échange; Ben était du genre à remarquer les détails et à les analyser en permanence. Lorsque l’on lui faisait remarquer, il répondait que c’était du à une déformation professionnelle. Etant donné que personne ne leur déroberait leur table s’il s’en absentait un instant aussi, Hartfield se leva à son tour pour se glisser jusqu’au bar. Lorsqu’il repéra Ambrose, il avança jusqu’à se placer derrière lui, son visage à hauteur de son oreille. Bien sur qu’il appuyait sur l’effet de surprise d’une façon un brin trop insistante pour que cela soit de l’innocence. « Si tu veux rentrer tôt, t’as juste à me le dire. Pas besoin d’enchainer rapidement les verres pour te débarrasser de la soirée plus rapidement. » Ruben finit par se glisser à côté de lui, pour poser son coude sur le bar et sa tête dans sa main. Avec un air malicieux accroché à son sourire, il logea son regard dans celui du jeune brun. « T’es attendu de ton côté ? » Par le boulot, par quelqu’un, peu importait.

« C’est peut-être la seule fois où tu pourrais dire ça et où je serais pas vexé. » Étrangement, Ambrose le croit aisément, autant sur sa capacité à se vexer rapidement qu’à propos de l’idée que ce n’est pas la tangente qu’il est en train de prendre en cet instant. Après tout, si les médecins sont ordonnés de ne pas traiter leurs proches, c’est bien pour une raison - non qu’Ambrose soit un de ses proches, ce n’est pas ce qu’il dit non plus. « Tu trouves ça passionnant parce-que je donne l’impression que ça l’est. Pour ceux qui s’y intéressent pas vraiment, c’est barbant en réalité. » - “Je trouve ça passionnant tant que tu ne me recraches pas tes cours.” Il trouve ça passionnant parce qu’il est un homme passionné, le genre qui s’intéresse à un rien et qui pose beaucoup de questions. Il trouve ça passionnant parce que sauver des vies est ce que les médecins ont tenté de faire avec chacun de ses parents, à des moments bien précis de leur vie ; quand bien même ils n’y sont pas parvenus pour sa mère, et simplement à moitié pour son père.

Lorsqu’ils parlent musique, Ambrose souligne son point de vue sur la situation: quand bien même il aime chanter derrière les micros, ce n’est à ses yeux rien de plus qu’un simple hobby, et cela n’a certainement pas vocation à évoluer. Il aime ça, mais il veut être ce genre d’adulte avec un métier qui a du sens et surtout qui a un impact sur la société. Ses compositions n’en auront jamais, il ne veut pas se leurrer. « Dommage, j’aurais pu me vanter de t’avoir connu lors de tes débuts si t’avais poursuivi sur cette voie. » Il sourit, comme bien souvent après les remarques de Ruben. “Tu peux toujours te vanter de m’avoir connu.” Même s’il ne deviendra pas un grand musicien, ou artiste au sens large du terme, il aspire tout de même à ce que son nom soit connu et reconnu. Et quand bien même il n’y arriverait pas (ce qui n’est pas une option), la phrase reste tout de même toujours valable: Ruben pourra toujours se vanter de l’avoir connu. « La politique, alors ? Il faut en savoir une sacrée paire pour oser se lancer dans ce type de carrière. » Il faut, oui. Ambrose ne le cache pas, il ne s’en vante pas non plus pour autant. Il faut être fou pour vouloir se lancer dans un tel monde où les lauriers sont rares et les reproches nombreux, mais c’est ce dont il a envie. “Et ça fait moins rêver que de sauver des vies, je sais.” Et pourtant, c’est le rêve qu’il nourrit depuis plusieurs années déjà, loin de l’idée de vouloir sauver des vies à défaut d’avoir pu en faire de même avec celle de ses parents. Non, il veut se contenter de changer la face du monde, et surtout celle de l’Australie. Rien que ça. « Je suis admiratif. » Bien sûr que ça touche Ambrose. Bien sûr qu’il sent son visage chauffer légèrement. Personne n’est admiratif de son ambition, beaucoup se contenter de le considérer comme fou. Il est d’autant plus touché maintenant qu’il commence à le connaître, lui et ce qu’il devine être une certaine difficulté à ressentir une telle chose à l’égard d’autrui. Il est admiratif de lui-même, de ses capacités, de sa carrière, et c’est justement parce qu’il a déjà beaucoup accompli qu’il peine à estimer autrui. Ambrose semble pourtant passer entre les mailles du filet, pour son plus grand plaisir.

Il essuie ses mains moites contre son jean, Rose, et le voilà déjà reparti pour une nouvelle salve de questions. « Internat, effectivement. Mais j’ai tout mon temps: je suis de repos demain et personne ne m’attend en rentrant plus tard. » Ce n’est pas ce que lui avait demandé le garçon, du moins pas jusqu’à préciser s’il était attendu ou non, et son regard se loge un instant dans le sien alors que Ruben croit bon de le préciser. Il n’a personne ; voilà ce qu’il lui dit, surtout, bien avant tout le reste, bien avant le simple fait que la soirée n’a pas à déjà s’arrêter. Ambrose n’en dit rien de plus, il ne commente pas la situation, il mime de ne pas relever la précision et se contente finalement d’aller leur chercher un verre supplémentaire à chacun, uniquement pour temporiser la situation. Pour autant, Ruben ne semble pas l’entendre de cette oreille, et le brun s’en rend compte au moment où il sent son souffle contre sa nuque, lequel va de pair avec des murmures. « Si tu veux rentrer tôt, t’as juste à me le dire. Pas besoin d’enchaîner rapidement les verres pour te débarrasser de la soirée plus rapidement. » Sans savoir s’il se moque de lui ou s’il pense réellement qu’Ambrose est en train de choisir cette stratégie, ce dernier décide de rétablir la vérité derrière son geste. “Si je voulais rentrer tôt, j’aurais fui par la porte au lieu d’attendre sagement que les verres se remplissent.” Tout ce dont il avait besoin, c’est de quelques secondes pour souffler, et Ruben a décidé de ne pas lui en laisser une de plus, comme en démontre sa nouvelle présence près du bar et leur table abandonnée. « T’es attendu de ton côté ? » C’est une question importante. Réfléchis, réfléchis. Il doit faire le tri entre le cœur et la raison, et il doit bien avouer qu’il a du mal à faire le bon choix, ou même à justement savoir lequel est le bon. “Pas pour ce soir, non.” Demain, il n’a pas de jour de repos comme lui, mais ce n’est pas ce qui importe. Ce n’est qu’un détail insignifiant.

Il serre les dents un instant, se retient ; et déjà, il ne se retient plus. “T’habites loin d’ici ?” Il demande le loin avant de demander le près, il pose une question large plutôt que de se focaliser sur ce qui l’intéresse réellement - et ce qui intéresse sans doute tout autant Ruben. Ambrose remercie à peine le barman qu’il est déjà en train de boire à nouveau de grandes gorgées de sa bière, pour excuser son silence soudain. Brièvement, c’est le bout de sa langue qui se retrouve même pressé entre ses canines. “Je peux t’embrasser ?” Il ose enfin, ses mots prononcés avec une certaine précipitation comme si cela allait pouvoir en changer leur signification ou leur impact. Son regard soucieux se pose sur Ruben, incapable de pleinement anticiper sa réaction, tout comme il reste incapable de savoir ce qu’il est lui-même en train d’initier.

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« Je trouve ça passionnant tant que tu ne me recraches pas tes cours. » - « J’aurais presque envie de tenter le coup maintenant. » Parce-qu’il y avait une partie de lui persuadée qu’il pourrait raconter à peu près n’importe quoi à Ambrose que ce dernier le regarderait de la même façon, avec cette curiosité presque indécente dans le regard lorsqu’il s’adressait à lui. Depuis que leurs chemins s’étaient croisés, même si c’était Ruben en réalité qui avait provoqué cette rencontre sans s’en cacher, Rose s’était résigné à poser le plus de questions possible au jeune chirurgien; en savoir plus sur son occupation ne serait donc qu'une partie de réponse qu’il pourrait lui donner, même s’il était persuadé d’avance de trouver ça barbant. Cependant, il ne pousserait pas le bouchon si loin et préféra retourner les interrogations; ce n’était que monnaie rendue et puis sa curiosité était réelle, en rien feintée. « Tu peux toujours te vanter de m’avoir connu. » ll eut un petit rire. « J’espère être invité à déjeuner à la capitale alors. » Parce-qu’il pouvait se vanter d’être ambitieux, apparemment il n’était pas le seul dans cette pièce à l’être. Tout dans l’attitude du jeune homme montrait qu’il avait les capacité pour aller loin, et que la petite blague de la capitale pourrait ne pas en être une d’ici à quelques temps. Ce n’était pas un choix de carrière vers lequel Ruben se serait un jour tourné, bien sur, mais il fallait avouer que ce n’était pas rien et qu’il fallait être doté d’un certain courage pour oser se lancer de la sorte. « Et ça fait moins rêver que de sauver des vies, je sais. » - « Sauver des vies ça fait rêver. Sauver un pays, ça impressionne. » Parce-que c’était dans les grandes lignes ce à quoi Ambrose allait s’adonner avec ses choix de carrière, à quelques détails près.

De fil en aiguille, la conversation continua lentement pour finalement se retrouver écourtée lorsqu’Ambrose se leva de la table pour aller remplir leurs verres. Sans préavis, sans donner le moindre signe avant-coureur, il échappait à la situation et ce n’était pas sans déplaire à Ruben. Oh, bien sur qu’une partie de son égo n’appréciait que peu la façon dont les choses pouvaient tourner, mais ce n’était pas tant cette partie là qui le poussait à agir en cet instant. Non, il y avait autre chose qui turlupinait le brun et il n’arrivait que trop peu à mettre la main dessus - ou plutôt à le faire sans certitude aucune et c’était ça qui le dérangeait. Il était pourtant bon, Ben, à lire entre les lignes mais celles sous ses yeux étaient soit de trop grand caractère, soit trop resserrées pour qu’il puisse être sûr de lui. Alors, il ne laissa qu’une minute tout au plus entre le départ de la table d’Ambrose et le sien, se glissant derrière le jeune homme alors qu’il attendait leurs verres au bar. « Si je voulais rentrer tôt, j’aurais fui par la porte au lieu d’attendre sagement que les verres se remplissent. » - « Hmhm. » Ce n’était pas parce-que l’envie pressante de rentrer chez lui plus rapidement se faisait qu’il se désirait pas profiter de la soirée dans son entièreté, mais en version accélérée. En tous cas, il y avait anguille sous roche et peut-être se montrait-il un brin insistant, mais Ruben comptait comprendre ce qu’elle était avant de rendre les armes. Il avait son petit doute, bien sur, mais préférait que la réponse ne vienne pas de son esprit mais de la bouche d’un autre. Alors, il retourna la question que ce dernier lui avait adressé quelques minutes auparavant. « Pas pour ce soir, non. » - « Pas pour ce soir, c’est noté. » Demain était un autre jour et peut-être qu’il y avait bien plus à comprendre que le sens premier de cette phrase; c’était pendant ça qui intéressait Hartfield pour ce soir et il préféra ne pas relever que la réponse n’était pas bien claire. Il avait répondu à cette question plus tôt lui-même et avait tâché d’être parfaitement clair et transparent avec Ambrose, les chances n’étaient pas équitables mais il n’avait pas les mêmes options devant lui non plus.

Car toutes les cartes se trouvaient dans les mains de Rose, en cet instant - en cette soirée. « T’habites loin d’ici ? » Bien sur que l’air malicieux accroché sur son visage ne s’en défit pas face une telle question. « Il faut prendre un taxi pour rentrer, mais c’est plutôt rapide. » Tout comme il savait que la réponse n’était pas l’élément le plus important de la conversation en cet instant. Elle avait surement une finalité bien à elle, mais cette dernière ne pouvait être autant évidente. Ce fut pour cette raison que Ben ne s’attarda pas à débattre seul de son côté; et puis, voir le jeune homme enfiler la moitié de sa bière en quelques gorgées sans aucune raison avait plutôt le don de distraire quelque peu. Parce-qu’il lui avait confirmé qu’il ne comptait pas écourter la soirée, mais ses actions donnaient l’impression qu’il cherchait une nouvelle issue de secours à chaque parole prononcée. Souhaitait-il être saoul rapidement pour rentrer chez lui, ou plutôt avait-il du mal à aborder un aspect de ce qu’il se passait ce soir et cherchait du courage comme il le pouvait ? Le petit doigt de Ruben, celui qui ne se cachait pas et apparaissait comme un sourire malicieux sur son visage, lui disait que c’était la seconde option qui était à prendre en compte pour l’instant présent; ce qui fut assez rapidement confirmer par Ambrose lui-même, finalement. « Je peux t’embrasser ? » Un instant, le sourire de Hartfield s’élargit - se retenant presque de lui sortir un je te l’avais dit parce-que ce ne serait aidé personne d’agir ainsi. Il avait entendu, l’hésitation, l’appréhension même peut-être, dans la voix du jeune homme. Il avait remarqué la façon dont les mots s’étaient presque entrechoqués pour sortir le plus rapidement de sa bouche, là où son élocution avait été maitrisée une bonne partie du temps jusque maintenant. C’était de la gêne qu’il ressentait, qu’il éprouvait, il y mettrait sa main à couper - et pourtant ces derniers étaient précieuses. Lentement alors, Ben remonta son regard pour croiser les yeux d’Ambrose; il avait sous la main deux façons de réponse à cette question, et une de celles là n’était pas adaptée pour la suite des événements il le savait. De toutes façons, ça n’aurait pas été lui que d’utiliser la première variante - il se rabattit rapidement sur la deuxième, plissant un brin les yeux, se défaisant de son sourire amusé pour en garder un bien plus bienveillant. « Est-ce que tu en as envie ? » La question était peut-être idiote à première vue, mais il voulait surtout que le brun ne regrette pas son geste. A la façon dont il osait à peine prononcer ces mots, il pouvait douter qu’il y ait davantage de curiosité que d’envie dans les idées de Rose; mais ce n’était pas quelque-chose qui le dérangeait. Il aurait préféré bien sur que ce soit de la pure envie, sans rien d’autre, de son côté mais il ne serait pas de ceux qui pontaient du doigt si c’était là simplement la première qui servait de facture à la fin. « Si tu en as envie, t’as pas besoin de te retenir. » De sa main désormais dégagée de son visage, il glissa son doigt sur le bois du bar afin que ce dernier n’arrive jusque la main du brun, continuant de glisser le long de sa peau désormais. Doucement, d’une pression à peine exercée. « C’est pas moi qui vais m’en plaindre, si tu le fais. » Ses yeux n’avaient pas lâché ceux de Constantine, couverts d’un voile autant de sérieux que d’envie - il ne s’en était pas un instant caché, ses intentions ayant été statuées et claires depuis le premier instant où leurs chemins s’étaient croisés. « Mais fais le parce-ce t’en as envie. Ou parce-que t’es assez curieux pour imaginer en avoir envie. » Plus il parlait, plus sa voix se faisait basse et son visage proche de celui d’Ambrose. Désormais, seule une poignée de centimètres les séparaient. La main de Ruben était posée entièrement sur celle de Rose, aussi. « Tu peux m’embrasser ici, tu peux le faire plus loin sur la piste de danse, même dehors si ça te chante. On peut partir d’ici, chez moi est pas si loin oui. C’est comme tu veux. »

Ruben a toujours un sourire dégoulinant de malice accroché au visage et si généralement Ambrose n’est pas en reste, en cet instant il se montre infiniment plus en retrait. Il pose ses questions avec stratégie, quand bien même il en est arrivé à un point où les réponses ne peuvent plus le faire changer d’avis. « Il faut prendre un taxi pour rentrer, mais c’est plutôt rapide. » Il n’habite pas loin pour ceux qui ont les moyens de se payer un taxi à la moindre occasion, donc. C’est le genre de détail qui aurait tiré un sourire jaune du garçon en temps normal mais qui, ce soir, le contente de laisser hocher la tête. Il avait déjà dit à Norman qu’il risquait de passer la nuit chez son ami si les révisions s’éternisaient. Il ne veut pas dire qu’il avait prévu les choses mais la vérité, c’est que c’est exactement ce qu’il a fait. Pour poser la seconde question, il a besoin d’un peu plus de temps autant que de boire plusieurs gorgées de sa bière, ce qui ne l’aide que psychologiquement à trouver un peu de courage. Après quelques secondes, néanmoins, il trouve la force de poser des mots sur un sentiment qui se fait de plus en plus présent à chaque instant: celui de l’embrasser.

“Oh non va te faire foutre, t’as pas le droit de sourire comme ça.” Il se plaint faussement à la seconde où le sourire du futur médecin s’étire, parce qu’il voudrait lui interdire de retenir de cette situation qu’il avait simplement raison depuis le début. La voix d’Ambrose trahit pourtant l’idée qu’il n’est pas réellement en colère. En réalité, il comble surtout les vides et les silences à sa façon, trop peu habitué à ce genre de contexte. « Est-ce que tu en as envie ? » A ton avis, Ruben ? Le regard du plus jeune reste ancré dans le bleu de son aîné, et quand bien même il ne lui répond rien, ses sentiments face à cette question semblent évidents. Il est du genre à réfléchir stratégiquement bien avant de penser aux sentiments (les siens, ou ceux d’autrui), mais ce soir il n’y a absolument rien de stratégique à l’idée de l’embrasser, ou même de simplement le vouloir. Au contraire, il est en train de se tirer une véritable balle dans le pied. « Si tu en as envie, t’as pas besoin de te retenir. » Ce n’était pas la question. Ambrose ne cherchait pas à se retenir, il cherchait surtout à savoir si c’est ce que Ruben voulait aussi. Il existe un fossé entre la drague de comptoir et tout le reste, et il voulait s’assurer de ne pas s’être trompé à son sujet. A leur sujet, aussi pathétique cela puisse-t-elle être de parler d’un pluriel qui n’existe qu’autour de bières offertes dans des bars. « C’est pas moi qui vais m’en plaindre, si tu le fais. » Il garde désormais son regard posé sur la main de Ruben et le chemin de cette dernière, d’abord contre le comptoir et puis contre sa propre peau. Son sourire n’est pas immense mais il a au moins le mérite d’exister, parce que ce sont le genre de paroles qu’il a besoin d’entendre. Il ne le dira pas, alors, mais il en a envie, lui aussi. Et c’est important. « Mais fais le parce-ce t’en as envie. Ou parce-que t’es assez curieux pour imaginer en avoir envie. » Sa main a désormais trouvé refuge sur la sienne, rendant parfaitement immobiles les doigts d’un Ambrose qui a perdu le fil de la marche à suivre. Déjà, les brouhahas alentour au bar ne se font plus entendre, filtrés par son esprit qui se concentre sur ce qui importe réellement.

Il est le seul à parler, et pourtant il reprend tout de même, sans que cela ne pose le moindre problème à Ambrose, tantôt trop occupé à réfléchir, tantôt occupé à simplement l’écouter. « Tu peux m’embrasser ici, tu peux le faire plus loin sur la piste de danse, même dehors si ça te chante. On peut partir d’ici, chez moi est pas si loin oui. C’est comme tu veux. » Il est attendrissant, Ruben, quand il ne joue pas à celui qui a le plus gros cerveau - ou autre - dans la pièce. Il est terriblement attendrissant, et il le sait depuis la première seconde, malgré tout ce qu’il a tenté de lui faire croire, et de se faire croire aussi au passage. “J’ai droit qu’à ça en propositions ? Même pas au sommet de la tour Eiffel ? C’est un peu triste, quand même.” C’est comme si Ruben venait de lui proposer une liste d’idées pour la soirée et qu’il avait le droit d’en choisir une parmi la masse, celle de son choix, celle qui le rendrait possiblement le plus comblé. Et quand bien même il en rigole, en réalité il est terriblement soulagé que Ruben prenne la chose avec autant de patience et de recul, parce qu’Ambrose n’aurait pas été aussi difficile s’il avait été une femme. Le sourire d’Ambrose prouve bien qu’il n’accorde aucun sérieux à ses propres mots, et il se permet de repousser une bonne fois pour toutes n’importe quel doute pouvant naître dans l’esprit de Ruben lorsqu’il approche enfin assez son visage du sien pour l’embrasser. Tout en posant une main contre sa joue, c’est surtout sur la rencontre de leurs lèvres qu’il se concentre, sentant un immense poids tomber de ses épaules à la même seconde où leur échange peut enfin être caractérisé de baiser, comme convenu. “Je le fais parce que j’en ai envie. Pas parce que je suis curieux.” Il souffle déjà, après quelques secondes à peine, estimant sans doute qu’il serait mal placé de laisser leur baiser se prolonger outre mesure dans un tel endroit. Il n’a rien à cacher, il le jure, et pourtant il aimerait que personne ne le reconnaisse. Quand bien même, la précision lui semblait importante à apporter à cette conversation. “Est-ce que j’ai aussi le droit de t’embrasser chez toi, maintenant ?” Il a repris des couleurs et un peu de confiance avec, même s’il est encore loin d’être aussi flamboyant qu’à son habitude. Il essaye de comprendre la situation et de gérer ce que ça implique, entre un bon millier d’autres choses. Ce dont il a envie, maintenant, c’est l’intimité d’un appartement, ou tout du moins la sérénité que cela représente. Simplement Ruben et lui, voilà ce dont il a simplement envie, sans que cela n’implique quoi que ce soit d’autre.

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« Oh non va te faire foutre, t’as pas le droit de sourire comme ça. » Ce fut d’autant plus difficile pour Ruben de retenir ce dit-sourire, si Ambrose le remarquait et surtout le notifiait de la sorte à haute voix. Bien sur qu’il avait le droit de sourire comme ça; ce n’était pas lui qui allait l’en empêcher, alors qu’il ne savait se défaire de son propre sourire et de son petit air faussement vexé. Il sourirait comme ça si ça l’enchantait, qu’importe ce que Ambrose pouvait en penser car de toutes façons, à réagir de la sorte, il ne faisait rien d’autre que de lui donner davantage raison.

Sourire dont il se défit cependant assez rapidement, souhaitant s’attarder sur la conversation d’une autre façon - cette dernière n’étant pas besoin d’être accompagnée d’arrogance et d’un égo de la taille de celui de Ruben. Si Ambrose souhaitait l’embrasser, il n’allait pas l’en empêcher et serait d’ailleurs même le premier ravi. Après tout, devait-il rappeler qu’il avait été celui faisait le premier pas vers l’autre, lors de leur soirée déjà écoulée ? Et ce n’était pas simplement parce-que Rose avait une belle voix et que les chansons qu’il interprétait sur scène étaient intéressantes. Si le joli minois du brun dont il se rapprochait sans aucun subtilité l’avait attiré dès le premier regard, il avait su à partir de ce même instant que la réciproque était tout aussi vraie - bien avant le principal intéressé qui lui demandait presque comme si de rien n’était s’il pouvait lui voler un baiser, désormais. « J’ai droit qu’à ça en propositions ? Même pas au sommet de la tour Eiffel ? C’est un peu triste, quand même. » Un fin rire s’échappa d’entre ses lèvres. « Bienvenue dans le monde réel. C’est nul, mais ça vaut quand même le détour. » Inutile de préciser que ce n’était pas simplement du fait qu’il ne pouvait bien sur pas se permettre une tour Eiffel à l’autre bout du monde d’où elle se trouvait, hein. Cela avait plus rapport avec ce qu’Ambrose se permit enfin de faire par la suite, rapprochant son visage de celui du futur chirurgien - assez pour l’embrasser. Elles étaient douces, les lèvres de Rose; elles avaient presque un goût d’interdit qui plaisait à Ben. Il tentait de garder ses esprits à leur place, se rappelant qu’il n’était pas celui ayant la main-mise sur la situation et qu’il lui fallait suivre les directives silencieuses indiquées par le brun. Parce-que même si lorsque les rôles avaient été échangés, il n’avait pas été de ceux hésitant le moindre instant et se posant mille et une questions, ce n’était pas le cas pour tout le monde. Il garda sa main sur la sienne, contre le bois du bar tout du long, se refusant de rompre ce contact là pour le moment encore.

L’autre contact se rompit presque trop rapidement à son goût, mais pour le moment il se contenta d’étirer finement ses lèvres. Promis, ce n’était pas pour souligner silencieusement qu’il avait toujours raison, mais simplement parce-qu’il avait apprécié le moment. « Je le fais parce que j’en ai envie. Pas parce que je suis curieux. » Il plissa le bout du nez. « Tant mieux. » Qu’il en ait vraiment envie, même s’il l’exprimait après avoir agi. Même si une partie de Ruben était tout de même persuadée qu’il y avait une part de curiosité à satisfaire dans le geste du brun. « Est-ce que j’ai aussi le droit de t’embrasser chez toi, maintenant ? » Laissant un petit rire s’échapper, se mordant la lèvre inférieur des incisives, Ben secoua quelque peu sa tête. Peut-être qu’il s’était fourvoyé en pensant que Rose était ne serait-ce qu’un brin hésitant; ce n’étaient pas les paroles de quelqu’un ne sachant pas ce qu’il souhaitait faire. « Finis ton verre, je commande un Uber. » Retirant sa main de celle du brun, attrapant son verre servi à peine la minute précédente par le barman, Ben fit cul-sec de sa pinte - il le regretterait dans une trentaine de minutes environ, et le lendemain matin quand il aurait mal au crâne d’avoir bu trop vite. Mais si Ambrose voulait partir d’ici, alors il se pliait à l’exercice - vraiment, pas besoin de le supplier pour partir d’ici.

Ruben n’avait pas lâché un instant du regard le jeune homme à ses côtés dans la voiture qui les ramenait chez lui. Plus d’une fois, il avait eu envie d’envoyer balader l’idée de se tenir correctement pour anticiper un peu le t’embrasser chez toi et appliquer cette idée là le Uber, mais il tenait à se conduire selon la ligne qui avait été implicitement tracée dans son esprit: c’était Ambrose qui menait la danse, il n’était là que pour accompagner. Alors, tant qu’ils n’étaie pas chez lui, il ne ferait pas un geste plus osé que l’autre, se concentrant de poser sur les traits de son visage un regard qui en disait long sur ce qu’il avait envie de son côté. Sans grande surprise, l’appartement de Ben était rangé malgré le peu de temps qu’il avait à accorder à cette partie là de sa vie, passant bien plus de temps entre les murs de l’hôpital qu’entre les quatre qui composaient son appartement; lorsqu’il aurait les moyens en revanche, il se jurait de prendre une femme de ménage pour ne plus avoir à s’encombrer avec ce type de tâches. « Fais comme chez toi. » Une trentaine de mètres carrés où une grande partie des surfaces qui n’étaient pas dinatoires étaient recouvertes de livres de médecine et de sciences en tous genres. Il y avait de quoi perdre la tête, mais il était impossible de louper la passion première de Hartfield. Claquant la porte à leur suite et jetant les clefs sur la commode à côté de l’entrée, maintenant qu’ils étaient enfin chez lui, il laissa son instinct et ses envies prendre un peu plus de place, alors qu’il n’attendit pas un instant de plus pour se rapprocher d’Ambrose, glisser sa main dans sa nuque et lui donner un baiser digne de ce nom; c’était peut-être mignonnet dans le bar, mais ce n’était pas là Ruben qui agissait en pleine âme et conscience. Il se permit de ne pas lâcher ses lèvres pendant plus de quelques maigres secondes, avant de reculer son visage d’à peine quelques centimètres. « Est-ce que c’était quelque-chose plus comme ça qui te donnait envie, peut-être ? » Son regard accrochant le sien sans laisser de doute quant à la suite des idées qui se mettait en place côté Hartfield.

« Bienvenue dans le monde réel. C’est nul, mais ça vaut quand même le détour. » Pour lui, embrasser un autre homme n’a justement rien du monde réel qu’il connaît, et c’est justement pour cette raison que cette simple remarque le porte à sourire. Rien n’a jamais sonné aussi artificiel que cet instant, sans que cela signifie pour autant que les gestes soient forcés, tel que Ruben tente de faire l’admettre à Ambrose après coup. Il le jure, il l’embrasse par pur désir, et non par curiosité. Il n’aurait jamais été curieux au point de risquer de sortir des clous, parce que ce n’est pas ce qui pourra bien rendre sur cv de futur Premier Ministre. Il lui a fait part de ses ambitions, et Ruben sait à quoi s’en tenir. Ou tout du moins, il devrait. C’est ce que Rose continue tout de même d’espérer, malgré le baiser qu’il lui offre, malgré la demande de passer le reste de la soirée chez lui qu’il formule tout aussi rapidement. Il ne sait pas exactement ce qu’il veut, ni sous quelle forme, mais il sait qu’il apprécie le brun sans que cela n’ait à être un problème - James le premier le lui dirait, et tout ce que James dit est une véritable parole divine. Rose ne veut pas les cacher (et si tel avait été le cas, il n’aurait pas commencé en l’embrassant dans un lieu public, à la vue de tous), il souhait simplement un peu plus d’intimité et l’assurance de pouvoir lui parler à lui et seulement à lui, sans aucune oreille indiscrète. « Finis ton verre, je commande un Uber. » Sa main se retire de la sienne et laisse le froid s’y installer à la place, sans qu’Ambrose ne s’en plaigne pour autant. Il sait qu’il aura très bientôt à nouveau droit à toute l’attention de Ruben, ce qui est une raison suffisante pour qu’il se montre docile et termine son verre, ses yeux pourtant toujours rivés sur le futur médecin.

Dans le taxi, l’adolescent n’a de cesse de sourire. L’empressement de la soirée l’emporte aisément sur la crainte, quand bien même il ne sait pas réellement quoi en attendre. « Fais comme chez toi. » Et il s’éxécute, Constantine, soudainement bien plus intéressé par tous les livres de médecine plutôt que par le reste. Il les effleure du bout de l’index, comme s’ils étaient précieux, comme s’il allait arriver à en tirer toute la connaissance par simple toucher. Il note les détails qu’il peut, il s’imprègne des informations de l’appartement et ensuite, seulement ensuite, il reporte son attention sur le propriétaire des lieux. Ce dernier semble déjà lui aussi en avoir fait de même en direction d’Ambrose. Le moindre mot laisse place à un baiser bien plus fougueux et audacieux que celui qu’ils avaient échangé au bar, sans que ce soit pour le moins du monde dérangeant aux yeux du futur politicien. La main de Ruben se loge contre sa nuque, celles de Rose contre ses côtes, et il jure qu’en cet instant il n’oserait certainement pas apposer le terme de ‘artificiel’ où que ce soit. Au contraire, il ne s’est jamais senti aussi vivant et aussi lui-même. « Est-ce que c’était quelque-chose plus comme ça qui te donnait envie, peut-être ? » Par automatisme, son sourire répond au sien, mais son regard reste bien moins brillant. Il aime sa présence et son parfum, il aime aussi ses baisers, mais pour l’heure il estime avoir rempli le quota de nouveautés alloué à une seule soirée. “Peut-être.” Il rétorque, faussement pensif, déjà occupé à retrouver ses lèvres pour lui prouver qu’il n’est pas en train de réfléchir à quoi que ce soit, encore moins à ce qu’il désirait. Il le lui a dit: aller chez lui pour l’embrasser. Rien de moins. Mais surtout rien de plus. Pour le moment. “Une chose à la fois, ok ?” Ambrose ne veut pas jouer ce rôle-là, celui qui met de la distance et s’improvise raisonnable, mais il ne saurait faire autre chose ce soir. Ruben est plus vieux que lui, Ruben a sûrement déjà eu des histoires avec des hommes (et sûrement des femmes aussi), et ce sont autant de facteurs qui font d’eux des personnes bien différentes, sans que Rose ne veuille prendre le moindre risque de le lui avouer de cette façon. “Il va me falloir un peu plus que deux rendez-vous.” Pour ça, pour envisager autre chose, pour penser aller plus loin. Peu importe ce que Ruben interprète avec ces mots, en réalité, ils se suffisent à eux-mêmes: Ambrose veut plus de deux rendez-vous avec lui. Ambrose veut appeler leurs rencontres rendez-vous, et sûrement aurait-il dû commencer par là. “C’est nouveau pour moi, mais j’en ai envie.” Il laisse planer le doute quant au ça, espérant que Ruben se contente de penser qu’il parle d’une histoire avec un homme de façon générale là où, en réalité, Ambrose manque cruellement d’expérience avec les femmes aussi, et il n’avait pas jugé que ce serait un problème, jusqu’à ce que le brun s’impose à son existence. Comme pour prouver la véracité de ses mots, ses mains trouvent un passage sous le t-shirt de Ruben pour reprendre leur place de part et d’autre de ses côtes, ses doigts effectuant une maigre pression contre son dos pour le ramener près de lui, hanches contre hanches. “Je peux revenir, maintenant que je sais où tu habites.” Et il ne propose même pas de jour en particulier, certain qu’il pourrait libérer n’importe lequel d’entre eux uniquement pour les beaux yeux de Ruben, et à sa simple demande.

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Pendant une poignée de secondes, une dizaine surement même, Ruben avait observé Ambrose arpenter son appartement autant du corps que du regard. Il avait observé la façon dont il s’était déplacé, avait souligné la moindre ombre que son corps pouvait projeter dans la faible lumière diffusée à travers le salon; il ne s’était pas gêné pour soutenir du regard toute courbe que son corps pouvait présenter non plus. Bien sur qu’une partie de son cerveau n’avait pu s’empêcher de faire le rapprochement avec l’idée que ce n’était pas ce jeune homme là qui se tenait au même endroit, à peine deux semaines plus tôt; et qu’une partie de lui avait mal à se rappeler cette idée là. Il chassa ses pensées, chassa ses souvenirs; il ne désirait pas laisser son esprit être envahi par ces derniers, là où il pourrait passer de bons moments aux côtés d’Ambrose qui laissait enfin son regard et son attention revenir vers lui. D’accord, ses livres de médecine étaient impressionnants et surtout très nombreux, éparpillés ici et là dans l’appartement. Mais ses yeux étaient un endroit plus intéressant où se laisser porter, où se perdre éventuellement aussi.

« Peut-être. » Le sourire d’Ambrose était authentique, il pouvait le percevoir sans aucun mal. Celui de Ruben l’était tout autant alors qu’il s’agrandissait un petit peu plus, et qu’il se laissait embrasser par le brun une fois de plus. C’était plutôt bon signe alors, si c’était un baiser de ce type là également dont il avait eu envie dans le bar, et maintenant. « Une chose à la fois, ok ? » Ce fut dans un souffle qu’il s’échappa cependant l’instant d’après. La main de Ben toujours contre sa nuque, alors que son regard passaient de l’un à l’autre de ses yeux, il se mordit la lèvre des incisives alors qu’il se retenait de déjà lui voler un baiser et un autre. « Il va me falloir un peu plus que deux rendez-vous. » Et dans le soupire qu’il laissa échapper, dans la façon dont il ferma les yeux un instant, bien sur qu’il était facile d’y lire toute la frustration dont il faisait preuve en cet instant. Peut-être était-il allé trop vite en besogne et avait déjà imaginé bien plus d’une chose à la fois. « C’est nouveau pour moi, mais j’en ai envie. » Ses pupilles se logèrent dans celles de Rose de nouveau. « Une chose à la fois alors. » Même si lui aurait bien vu toutes les choses en même temps, il comprenait qu’une chose à la fois soit amplement suffisant pour le brun dont il ne savait lâcher la peau du bout des doigts en revanche. Parce-que quelque-chose d’autre d’intéressant avait été dit dans ses mots: plus de deux rendez-vous. Et il était intéressant, Ambrose, intriguant même dans le même temps. Ruben n’était pas de ceux qui raffolaient des rendez-vous aux chandelles ou quoi que ce soit, mais il ne dirait pas non à passer plus de deux soirées dans un bar avec le jeune homme.

Bien sur qu’un nouveau petit sourire, séduit et amusé, se glissa sur les lèvres du futur chirurgien lorsque les mains d’Ambrose le ramenèrent contre lui, presque délicatement, avec une maitrise qu’il comprenait ne pas être sienne pourtant. « Je peux revenir, maintenant que je sais où tu habites. » Et ce fut avec un petit rire qu’il compléta le tableau à ce moment là. « Je suis pris au piège alors, je peux plus t’échapper. » Comme si cette idée là le dérangeait ne serait-ce qu’une seule seconde. A l’instar des mains de Rose, la seconde de Ruben se glissa le long la taille du brun, se posant dans le creux de ses reins, pressant son corps contre l’autre comme s’il était possible de réduire encore davantage la distance entre eux. « Si c’est une chose à la fois, attends-toi à ce que j’en profite par contre. » Ses lèvres se posèrent à la commissure des siennes, contre l’arête de sa mâchoire à la suite. « Sauf si tu me dis d’arrêter. » Sauf si Ambrose lui indiquait qu’il avait dépassé la borne des limites, Ruben se rattacherait à ce qui lui serait donné. Il avait parlé de l’embrasser, il n’avait pas précisé si cela devait être réciproque à chaque baiser. Alors, il s’osa à la suite à en déposer un dans le creux de son cou, juste sous son oreille. Et si le souffle chaud en empli de désir de Ruben pouvait se ressentir contre l’épiderme du plus jeune en cet instant, il s’arrêta là, s’appliquant à effectuer le chemin inverse. Une chose à la fois, alors il respecterait ce qu’on lui donnerait.

« Et si tu es intéressé pour plus de deux rendez-vous, on peut déjà discuter du troisième. » Lorsqu’il prononça ses mots, le regard de Ruben était revenu se poser sur le visage d’Ambrose, avec autant de malice que de sérieux gravés sur ses traits en à-côté. « Est-ce que tu veux boire quelque-chose ? J’ai des bières au frigo. » Il avait du soda aussi, si cela l’intéressait. Ce n’était pas la boisson sur laquelle il comptait se rabattre de son côté, mais si le jeune homme pensait avoir assez ingéré d’alcool pour la soirée, il n’aurait qu’à lui dire et il lui proposerait autre chose. « Parce-que maintenant que tu connais mon adresse, tu peux revenir oui. Mais t’es pas obligé de partir rapidement maintenant, déjà, pour commencer. » Il l’avait embrassé chez lui, c’était peut-être une case de cochée certes mais ce n’était pas pour autant que cela voulait dire que la soirée devait se terminer là. Ruben n’était pas pressé, il lui avait dit; et même avant qu’Ambrose ne puisse le constater par lui-même, il n’y avait personne ici qui l’attendait. Bien sur qu’il aurait sa journée remplie de résidions le lendemain, mais cela pouvait attendre encore quelques heures alors la conclusion était aussi simple: rien ne pressait.

En réalité, Ambrose est le premier à être désolé de demander à ralentir les choses. Il a envie d’aller au bout des choses, il en a terriblement envie, mais la peur et l’appréhension l’emportent sur son désir. Pour ce soir encore. Pour demain (bien sûr qu’il y aura un demain), Constantine anticipe déjà que la donne aura changé du tout au tout, sans que ce ne soit le moins du monde pour le déranger. Face à la déception évidente que Ruben doit encaisser, le plus jeune d’excuse à sa façon, ses pouces glissant le long de sa mâchoire qu’il caresse comme s’il en avait véritablement le droit. Malgré sa frustration, Ruben accepte la sentence sans chercher à négocier, ce qui soulage grandement Ambrose. « Une chose à la fois alors. » Il accueille son regard dans le sien et hoche vivement la tête, sans faire de grands gestes pour autant. Contre ses tympans, il entend son cœur battre à vive allure, ce dernier n’étant décidément pas habitué à ce genre de contexte. Pour autant, soucieux de lui prouver qu’il ne le fait pas patienter pour rien (et simplement parce qu’il en a envie), Ambrose le ramène aussi près de lui que possible, sans que cela n’aide à calmer les battements de son cœur. « Je suis pris au piège alors, je peux plus t’échapper. » L’adolescent sourit à son tour. “T’en as l’air vraiment désolé.” Il nargue et s’en amuse, tout en constatant à son tour que Ruben en est très peu désolé, au point où il pose à son tour sa main contre le creux des reins d’Ambrose. A son tour, il n’est pas celui qui risque de s’en plaindre. « Si c’est une chose à la fois, attends-toi à ce que j’en profite par contre. » La curiosité se lit d’abord dans le brun des yeux de Constantine, qui peine à comprendre où il veut en venir. Lorsque la suite de leur discussion prend la forme d’un nouveau baiser contre ses lèvres et de bien d’autres contre sa peau, il abandonne pleinement toute forme de souci pour, au contraire, fermer les yeux et se laisser bercer par l’instant. « Sauf si tu me dis d’arrêter. » - “Non.” Il formule aussitôt sa demande, n’ayant pas envie que Ruben s’arrête un seul instant. Leurs baisers, peu importe leur forme, n’ont pas besoin de plus de deux rendez-vous pour exister. Il n’a pas besoin de plus de deux rendez-vous pour ça, comme en témoignent ses mains qu’il ramène contre ses côtes tout en les serrant doucement. Les lèvres de Ruben parcourent la nuque d’Ambrose, qui frémit chaque secondes un peu plus d’un désir nouveau, déjà prêt à oublier toute nécessité d’attendre un autre rendez-vous pour aller plus loin.

Fort heureusement pour lui, les baisers de l’étudiant ne vont pas plus loin et ne perdurent pas non plus, l’aidant à son tour à peu à peu faire redescendre la pression et calmer les soulèvements de son torse. « Et si tu es intéressé pour plus de deux rendez-vous, on peut déjà discuter du troisième. » Il reprend, avec tout le sérieux du monde, ce qui laisse Ambrose esquisser un sourire sans que ce ne soit en rien pour se moquer de lui. Oh non, bien au contraire. “Ma famille a une maison de vacances, près de la côte.” Norman a une maison de vacances près de la côte, mais peu importe. Il la lui laissera si Ambrose lui demande, parce qu’il l’a toujours traité comme son fils autant que parce qu’il lui fait confiance. La proposition ne prend même pas la forme d’une question, seulement de ses yeux parcourant les nuances de bleu des siens, et ses lèvres résistant tant bien que mal à déjà l’embrasser à nouveau. « Est-ce que tu veux boire quelque-chose ? J’ai des bières au frigo. » Sans doute qu’une part de lui est déçue de comprendre qu’ils ont terminé de jouer et que les choses n’iront pas plus loin ce soir. Sans doute aussi qu’il en est soulagé, parce que cela signifie au moins qu’il n’a pas à exposer à Ruben le simple fait qu’il n’a jamais fait ça - il est toujours celui qui sait tout mieux que tout le monde, et cette simple idée a tout pour le déstabiliser. “Une dernière.” Il accepte, non parce qu’il en a réellement envie mais bien pour suivre le mouvement.

« Parce-que maintenant que tu connais mon adresse, tu peux revenir oui. Mais t’es pas obligé de partir rapidement maintenant, déjà, pour commencer. »
“Ca tombe bien, j’avais aucune intention de partir.”

Et il est soulagé que Ruben lui propose à demi-mots de rester, parce que cela signifie au moins qu’ils sont sur la même longueur d’onde. Finalement, ses mains retrouvent leur appui contre son cou et sa mâchoire, une simple dernière fois pour lui donner l’amplitude d’un baiser supplémentaire porté contre ses lèvres. “A quel point tu jubiles d’avoir eu raison sur mon compte ?” Maintenant, il ose le demander dans un rire simple. Il a encore beaucoup de questions sur sa propre personne et chaque seconde supplémentaire ne fait qu’en rajouter d’autres à la liste, mais il sait qu’il n’est pas en train de faire quoi que ce soit de mal. Il le sait d’autant plus alors que la personne face à lui se trouve être Ruben. Ruben et ses grands yeux bleus qui donnent toute leur attention à Ambrose. “La prochaine fois, je prendrai au moins un pyjama.” Il avoue dans un sourire supplémentaire, sans doute pour expliquer que s’il s’apprête à dormir en sous-vêtement, il n’y a cependant pas le moindre sous-entendu à y trouver - et ça se doit d’être précisé, juste au cas où, parce que s’il serait sûrement le premier à oublier qu’il a posé des limites.

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Le sourire en miroir sur le minois d’Ambrose agrandit celui de Ruben. « T’en as l’air vraiment désolé. » - « Affreusement même. » Il était sincère, quand il s’accordait à accepter le une chose à la fois; cela voulait également dire qu’il était d’accord pour se résigner à être prisonnier d’un entre-deux qui n’était pas prévu au programme initial. Alors oui, il l’était sincèrement désolé d’être pris au piège - pas le moins du monde, voyons. Et cela pouvait se deviner à la façon dont il continuait ses gestes, lentement mais avec précision, alors qu’il se mit à déposer des baisers ici et là le long du chemin entre les lèvres et le cou de Rose. Bien sur, si ce n’était pas avec une intention de la sorte qu’il avait envie de voir les choses se continuer, il arrêterait de suite au moins ordre contraire de la part du brun. « Non. » La réponse d’Ambrose n’avait mis qu’une seconde, une seule à se faire entendre - et bien sur que cela tira un nouveau sourire à Ruben. « Bien. » Surtout qu’il pouvait sentir tout contre ses lèvres sa peau réagir au fur et à mesure qu’il s’attardait un peu plus ici et là dessus.

Ruben savait également qu’il ne pouvait se permettre de trop jouer avec le feu, de risquer de s’y brule et de lancer un incendie dans la foulée, alors après s’être amusé un instant et un autre il finit par reculer son visage de l’épiderme du jeune homme. Ce n’était pas dit qu’il lui vole plus tard de nouveaux baisers, mais pour le moment autant pour Ambrose que pour lui, retourner à une discussion semblait être le plus sage. Déjà, Ben revint sur l’idée de voir les rendez-vous se conjuguer à un véritable pluriel sans s’arrêter simplement sur le doubler. « Ma famille a une maison de vacances, près de la côte. » Déjà, un sourcil se vit être haussé sur le visage de Hartfield, intrigué par cette réponse. Il ne s’attendait pas à ça, mais ce n’était pas pour autant qu’il était déçu; au contraire. « Une maison près de la côte du genre on pourrait aller y faire un tour, en profiter en tête à tête et avoir une super vue sur l’océan en prime ? » Dans tous les cas, une virée sur la côte et loin de la ville surtout pourrait ne pas lui faire de mal, lui qui ne voyait la lumière du jour que lorsqu’il sortait courir ou à travers les fenêtres de l’hôpital. Souffler, et surtout le faire en bonne compagnie, paraissait être un plan plutôt idéal. « Une dernière. » Va pour une dernière bière alors.

« Ca tombe bien, j’avais aucune intention de partir. » - « Reste alors, si tu veux pas partir. » Même si ses paroles précédentes sous-entendaient déjà parfaitement ce qu’il affirmait là, il ne voulait pas de zone floue ici; il préférait se répéter mais être sûr qu’ils se trouvent sur la même longueur d’onde à propos du même sujet. Qu’importe si ce n’était que ça pour aujourd’hui, Ambrose pouvait rester sans soucis; ce n’était pas Ben qui allait s’en plaindre dans tous les cas. Au pire, il serait levé tôt le lendemain lorsqu’il se mettrait à plancher sur ses enseignements de la journée: ils s’en remettraient, l’un comme l’autre. Le futur politicien pouvait donc prendre tout le loisir de rester et la place qu’il désirait entre ces murs. Surtout s’il continuait à l’embrasser de sa propre initiative comme il le faisait là. « A quel point tu jubiles d’avoir eu raison sur mon compte ? » Si le rire d’Ambrose à la suite de sa question se faisait presque discret, Ruben ne retint pas le sien qui se répercuta un instant contre les murs autour d’eux. Il secoua quelque peu sa tête de gauche à droite, levant un instant les yeux au ciel bien sur simplement parce-qu’il semblait bien prendre l’idée et qu’il pouvait donc se permettre d’ajouter une couche dramatique ici en rien nécessaire en réalité. « Assez pour ne pas te faire l’affront de te le dire maintenant. » Il lui adressa un petit clin d’oeil, alors qu’après une longue hésitation et beaucoup d’efforts de sa part, il finit par se reculer en douceur de l’étreinte du brun et de celle qu’il avait également imposée de son côté. « Mais ça va me tenir plusieurs jours, si ça peut t’indiquer à peu près. » Il se dirigeait déjà à reculons vers le frigo, duquel en un tour de mains il en sortait deux bières - il les décapsula dans la foulée alors qu’il fit signe à Ambrose de le suivre pour s’installer dans le canapé.

Il dut dégager manuel et millions de feuilles étalés ici et là pour qu’ils aient un semblant d’espace. « La prochaine fois, je prendrai au moins un pyjama » Dans un rire spontané, Ruben se laissa tomber dans le canapé, bière à la main et sans pour autant lâcher le regard d’Ambrose. Une fois de plus, il comprit le sous-entendu qu’il lui glissait là et savait de toutes façons désormais parfaitement à quoi s’en tenir; il ne put s’empêcher de répliquer cependant, autant parce-que ce n’aurait pas été lui que de ne pas le faire que parce-qu’il n’allait pas se priver de le faire simplement parce-qu’ils s’arrêtaient à que ça ce soir. « Et risquer de pas t’en servir ? Si tu veux un pyjama, j’en ai plein dans mon placard. La moitié me servent pas en plus. » Il plissa les yeux, le regard toujours un brin moqueur. « Est-ce que je vais devoir porter un pyjama aussi ce soir ? » La question était adressée à Ambrose; il n’était pas forcément un habitué à l’idée de porter une tenue lorsqu’il ramenait quelqu’un chez lui, mais toutes les conditions étaient différentes des autres fois ce soir, alors il ajustait en demandant l’avis du brun.

Il brûle sans doute quelques étapes en proposant déjà la maison de vacances des Weatherton en guise de troisième rendez-vous, mais Ambrose le sait déjà. Rapidement, il a pesé le pour et le contre de cette idée ; le pour l’ayant emporté haut la main, sans doute aidé par le manque d’objectivité présent de Constantine. « Une maison près de la côte du genre on pourrait aller y faire un tour, en profiter en tête à tête et avoir une super vue sur l’océan en prime ? » Le sourire du plus jeune grandit peu à peu face au résumé que Ruben fait de la situation. “Dans ce genre, oui.” Et si de son côté la maison n’est pas une nouvelle, l’idée du tête à tête lui plaît cependant bien plus. Il ne cherche pas à les cacher loin de la ville, simplement à prouver que lui aussi a une force de proposition et que lui aussi il fait des efforts, peu importe ce que peuvent parfois dire ses mots ou son attitude. “Ce week-end ?” Qu’il se permet d’ajouter et de demander, ressentant le besoin de parler d’une date pour au moins savoir à quoi s’en tenir. Pour savoir quel jour attendre avec impatience aussi.

« Reste alors, si tu veux pas partir. » Ruben ne fait que répéter avec des mots différents l’intention qui était déjà celle d’Ambrose, ce qui a vocation à faire naître un nouveau sourire sur le visage du plus jeune. Avec ces mots, il lui prouve simplement qu’il tient lui aussi à sa présence, ce qui est bien sûr plaisant à entendre mais aussi rassurant. Son regard soutient celui de l’australien avec une certaine sérénité maintenant qu’il a l’impression de normalité, comme s’il avait toujours eu sa place dans cet appartement qu’il découvre encore. « Assez pour ne pas te faire l’affront de te le dire maintenant. » Ruben lui dédie un clin d’oeil, ce qui continue d’amuser Ambrose, lui qui avait déjà prouvé par son ton de voix qu’il ne risquait pas de mal prendre sa réponse. Après tout, il était sûr de lui il y a quelques très maigres semaines, quand il disait ne certainement pas être intéressé par la gente masculine. Ce soir, il se rend surtout compte qu’il n’a jamais autant désiré une personne que Ruben. « Mais ça va me tenir plusieurs jours, si ça peut t’indiquer à peu près. » Il se dégage de leur étreinte sans qu’Ambrose ne cherche à le retenir, même s’il aurait évidemment préféré qu’il reste près de lui. “Je peux l’accepter, pour cette fois.” Il commente lorsque Ruben est déjà de dos et occupé à décapsuler quelques bouteilles, la silhouette de l’adolescent le suivant finalement jusqu’au canapé. Il n’est pas du genre à aisément accepter ses erreurs, mais pour celle-ci tout est différent. Au contraire, il est heureux d’avoir eu tort, et il s’en rend d’autant plus compte lorsque son regard échoue une fois de plus près de celui du futur chirurgien.

Les remarques d’Ambrose sont aussi enfantines que réfléchies, lui qui jongle entre les deux avec une certaine habilité sans pour autant s’en donner l’air. « Et risquer de pas t’en servir ? Si tu veux un pyjama, j’en ai plein dans mon placard. La moitié me servent pas en plus. » Le sous-entendu semble clair, à son tour, et il admire sans doute l’éternelle franchise du brun qui ne semble jamais avoir froid aux yeux. “Je suis très frileux.” Il commente mine de rien. S’il n’est certainement pas du genre à insister pour avoir un pyjama, ce qui n’a aucune sorte d’importance à ses yeux, il ne serait pas contre l’idée de profiter d’une certaine chaleur corporelle - pour ça, il n’a pas besoin de troisième rendez-vous. « Est-ce que je vais devoir porter un pyjama aussi ce soir ? » La question lui tire un rire sincère alors qu’il ne saurait dire si Ruben est sérieux ou non. “Fais comme chez toi.” Qu’il lui répond cependant dans un sourire. De toute évidence, Ambrose ne tient absolument pas à ce qu’il se couvre outre mesure, et la raison pour laquelle il boit cette bière bien plus vite que toutes les autres, c’est sûrement parce que la fatigue le gagne autant que l’envie de simplement dormir auprès de Ruben, et sans doute peut-être de lui voler un dernier baiser dont personne ne tient sincèrement le compte.