Quand ta mère te dit qu’elle t’amène dans un endroit mais que c’est une surprise il faut se méfier. J’ai vu trop d’histoires de gamins qui pensaient aller dans un endroit super cool et qui ont fini chez le dentiste. J’aurais dû me méfier, insister davantage pour avoir des informations et ne pas être dans le flou complet. Je ne reconnais pas la route qu’on emprunte et les panneaux ne m’aident pas à y voir plus clair. Mais elle m’amène où ? Non parce que là on est en train de rouler sur un chemin de terre. On se gare finalement sur un parking au milieu de rien. L’endroit est complètement paumé, entre deux forêts. Paumé mais pas désert pour autant puisqu’il y a d’autres voitures garées. « Surprise ! ». Je regarde autour de nous avant de voir le panneau “Bear Grylls survival academy” “Oh non t’as pas fait ça quand même…” Elle a l’air vraiment très heureuse et de mon côté je suis mitigé. Je n’avais déjà pas spécialement envie de sortir aujourd’hui vu le boulot que j’ai avec mes commissions qui ont repris, alors sortir pour aller patauger dans de la boue vraiment c’est no way. « Sara m'a dit que vous vous étiez inscrits à un atelier... Je me suis dit que ce serait amusant qu'on en fasse un aussi ! » Note à moi-même : ne plus dire à ma mère quelles conneries on prévoit de faire avec Sara.  “Ah oui super, vraiment génial.” Amusant je suis pas sûr que ça soit le bon mot, j’ai vraiment pas envie d’être là. Surtout depuis qu’elle m’a foutu la honte de ma vie devant Emery l’autre jour. « Allez Cesarito... Tu vas quand même pas me laisser y aller toute seule... » Elle me regarde avec des petits yeux tristes pour me faire craquer. Je sens bien que si je dis non cette fois elle va me faire une scène et j’ai vraiment pas envie qu’on s’engueule encore. “D'habitude les parents qui font des surprises comme ça c’est pour allez chez Disneyland, pas pour un stage de survie hein.” Il n’y a pas d’agressivité dans ma voix mais plutôt un constat que la méthode qu’elle utilise pour qu’on passe du temps est…originale. Elle fronce les sourcils avant de croiser les bras, visiblement contrariée par la situation. « Tes frères et sœurs avaient raison... A part Alejandro, ils pensent tous que t'en es incapable. » Je me retourne vers elle en fronçant les sourcils. J’ai bien entendu ? Ils ont dit que j’étais pas capable ? “Ah ils ont dit ça ? On va voir si je suis pas capable.” J’ai un petit rire nerveux, s’ils ont vraiment dit quelque chose dans le genre, -ce que certains feraient à coup sûr-, alors on va jouer et leur faire fermer leur clapet.  “J’aimerais bien voir Sara ou Diego ici, comme si c’était de grands aventuriers.” Sorti de ses bouquins Diego est aussi adroit qu’une planche et Sara ne sait pas cuisiner sans déclencher l’alarme incendie. Le manuel de la famille c’est moi pour le coup. “On va faire du feu c’est ça ?” Ce serait l’occasion de m’entraîner avant de revenir avec Sara et lui mettre la pâtée pour gagner notre pari.

Le destin:

 « Pas vraiment non. » Là je commence à avoir peur, qu’est-ce qu’elle va me sortir ? Je pensais qu’on allait faire du feu comme avec Sara ou une connerie dans le genre. J’ai pas signé pour venir ici aujourd’hui, en témoignent mes vêtements pas super adaptés-.  « C'est ça notre épreuve du feu. » Je fronce les sourcils en voyant l’étendue d’eau, j’espère que c’est une blague. “Une rivière ?” Je n’ai jamais été un grand nageur et maman le sait. J’ai appris à nager très tard, vers mes 10 ans et j’étais un enfant particulièrement pénible dans l’eau. Le genre de gamin qui pique une crise dès qu’il a une goute dans l’oeil. Maman en a fait des trajets en me portant jusqu’à la serviette pour m’essuyer le visage. Aujourd’hui ça va mieux, je n’aime toujours pas avoir de l’eau dans les yeux je sais nager. Je flotte, j’avance et c’est un peu tout, aussi à l’aise qu’un balai dans l’eau pour résumer. « D'abord Robinson, faut qu'on construise le radeau. » Et là c’est mal barré, j’ai jamais fait ça de ma vie. J’ai un mauvais pressentiment, je sens que je vais finir complètement trempé alors que je voulais juste passer la journée tranquille à la maison.  “On va éviter de faire un titanic.” J’espère qu’elle sait ce qu’elle fait parce que là c’est panique à bord sinon. Hors de question que je grimpe sur un truc pas solide dans tous les cas. « Je pense qu'il nous faut des morceaux de bois assez longs, mais pas trop lourds non plus. » Si elle le dit ça doit être vrai non?  “Euh oui peut-être, j’en sais rien.” Je ne suis pas super utile mais en même temps si j’avais été informé plus tôt d’où elle m’amenait et ce qu’on allait faire je me serais préparé en conséquence. Pour l’atelier feu avec Sara j’ai passé des heures à regarder des tutos youtube à 3h du matin pour lui mettre la pâtée. Là je suis vraiment un aventurier du dimanche. « Je crois qu'on a besoin de ça, mais y en a qu'un... ». C’est quand elle dit “je crois” que je sens qu’on est dans la merde, en fait elle en sait rien non plus. Oui son rondin a l’air pas mal mais c’est loin d’être suffisant et là où on est il n’y a rien. Il va falloir marcher, super. “On va pas aller bien loin avec ça.”  J’essaie de prendre les choses en main et qu’on avance un peu. Dans quelle galère je me suis embarqué encore ? “Je vais aller voir par là.”

Spoiler:

Le destin:

Cette histoire ne peut pas bien se terminer. De l’eau, maman et moi c’est un très mauvais mélange. Déjà on arrive même pas à ramasser assez de bois pour construire ce fichu radeau. J’aimerais dire qu’on est en train de ramer…mais même pas du coup. « Je crois qu'on a besoin de ça, mais y en a qu'un... » Je hoche la tête, là y a que dans les dessins animés où ils descendent une rivière sur un rondin. Ou dans un film Bollywood mais bon on est pas dans ce registre là, ça finirait plus en fin du titanic à essayer de rester à la surface sur ce fichu rondin où il n’y a sûrement la place que pour un. Je pars dans une autre où nous trouvons enfin des matériaux pour construire le radeaux. Je ne peux pas rater cette occasion pour crâner un peu. « Bravo mi hijo, je savais que tu allais gérer la situation. »C’est puéril, je dois ressembler à un gamin qui dit “maman maman t’as vu ce que j’ai fait”, mais c’est pas grave. Il faut bien souligner que mes andouilles de frères et sœurs avaient tort : j’en ai sous la semelle. “Merci.” J’aide maman à porter les lianes et les rondins sur un endroit plat et dégagé pour que l’on puisse commencer l’assemblage. « Maintenant il faut qu'on assemble le tout » Je n’ai aucune idée de comment faire. Mais où est le mode d’emploi Ikea ? “Je sens qu’on va galérer.” D’habitude j’ai une bonne intelligence pratique mais là j’avoue que je ne sais pas trop par où commencer, j’ai jamais été formé à la construction de radeau. Maman se lance et essaie de faire quelque chose, je joue l’assistant. Quand elle bouge un peu la structure du radeau celui-ci résiste plus ou moins, c’est pas gagné. « Puta... Faut trouver une autre solution. » Je soupire, je sens qu’au coucher du soleil on sera toujours là à galérer. Y a pas des instructeurs pour nous aider quelque part ? “Attends j’essaie un truc.” Je lui dis en lui prenant des lianes des mains.

Win : Cesar passe plusieurs instants à regarder les rondins, à les bouger pour essayer de faire un plan dans sa tête, ça ne doit pas être si compliqué quand même. Après un peu de réflexion il replace les rondins qui avaient roulé, les attache d’une manière différente, en serrant davantage et en doublant les liens. Une technique qui paye puisque les rondins restent en place. Le radeau est loin d’être parfait mais au moins il ne se casse pas la gueule. “Je crois qu’on tient un truc.”

So close : Cesar passe plusieurs instants à regarder les rondins, à les bouger pour essayer de faire un plan dans sa tête, ça ne doit pas être si compliqué quand même. Après un peu de réflexion il replace les rondins qui avaient roulé, les attache d’une manière différente, en serrant davantage et en doublant les liens. Une technique qui paye puisque les rondins restent en place. Enfin ils restent en place quelques instants avant de se dérober à nouveau quand les lianes cèdent : les liens ont été serrés trop forts. “Fait chier.”

Fail : Cesar passe plusieurs instants à regarder les rondins, à les bouger pour essayer de faire un plan dans sa tête, ça ne doit pas être si compliqué quand même. Après un peu de réflexion, il replace les rondins qui avaient roulé, les attache d’une manière différente, en serrant davantage et en doublant les liens. Une technique qui paye puisque les rondins restent en place. Enfin ils restent en place quelques instants avant de se dérober à nouveau quand les lianes cèdent : les liens ont été serrés trop forts. Les rondins roulent en direction de la rivière et tombent les uns après les autres. “OH NON.” Dit-il en essayant d’en sauver quelques uns.

Le destin:

Construire un radeau : en théorie ça avait l’air simple dans ma tête, dans la réalité c’est plus un enchaînement de déceptions et de galères. « Je pense que tu as eu la bonne technique. Il faudra juste un peu moins serrer les liens. Ne bouge pas, je reviens. » En l’attendant je soupire, j’ai peut-être eu une bonne intuition mais ça n’a servi à rien, le radeau n’est pas plus avancé et on ne risque pas de naviguer de si tôt. J’attends qu’elle revienne en essayant de réfléchir à une meilleure technique et sur la manière dont je compte m’y prendre. Il faut bien plus de patience que je n’en ai pour des conneries comme ça. Pourtant la patience ça me connait avec la peinture, mais au moins en peignant j’ai l’impression de savoir ce que je fais et de maîtriser, c’est pas le cas ici j’ai jamais fait un truc pareil. « Remets les rondins en place, je vais faire les nœuds. » “Ok” Je me contente de répondre avant de recommencer en étant plus précautionneux cette fois. Une fois les liens resserrés j’ai l’impression que la structure est plus solide. Je jette un regard à maman pour voir ce qu’elle en pense. « Bon... On le soulève ? » Après tout il n’y a qu’un seul moyen de savoir si ça a marché ou pas. “Allez go” Une fois posé sur l’eau le radeau ne bouge pas. Enfin il flotte sans s’écrouler et ça c’est un véritable soulagement. Je pense que j’aurais jeté l’éponge si j’avais vu les rondins partir dans la flotte. « Bravo ! T'as été super efficace ! » J’ai un petit sourire, c’est toujours flatteur et valorisant d’être complimenté par sa mère. “Tu m’as bien aidé.” Ce qui est vrai, tout seul je pense que j’aurais tourné en rond, l’union fait la force pour une fois. “Bon maintenant si on veut éviter de trop partir à la dérive il nous faudrait des rames.” Je m’imagine mal grimper sur ce truc -en espérant qu’il ne coule pas- et attendre que le courant nous amène quelque part. ll faut qu’on puisse contrôler le radeau et ça passe par construire des rames. Youpi, encore un moment de fun absolu qui s’annonce. Je me relève pour aller chercher un bout de bois qui conviendrait. “Cette branche serait pas mal je pense.” Je reviens avec la branche près de notre atelier de fortune et armé de la petite hache, je commence à façonner une pagaie. Enfin j’essaie, parce que bon j’ai un peu de mal à visualiser l’objet dans ma tête. C’est donc une rame à l’instinct que j’intitulerais “à peu près ça va le faire” que je finis de façonner. “Bon je pense que là on est pas trop mal, voyons voir.” Je la prends et j’essaie de pagayer dans l’eau pour voir si elle est suffisamment résistante.

Spoiler:

Le destin: