“C’est pas ce qu’on te demande, merde.” Ah bon ? Pourtant, c'est bien ce qu'il vient de faire en me reprochant de ne pas assurer les arrières de mon meilleur pote. C'est pas ce qu'on me demande, mais c'est tout ce qu'on attend de moi. Angus, le mec à la carrure assez large et aux épaules solides. Ma taille a toujours été un trompe-l'œil, une tare. Par définition, les gens grands ne peuvent pas être faibles. Le rôle de protecteur ne m'a pas été assigné à la naissance, on me l'a imposé au fil des années. D'abord en ne me proposant rien d'autre que le poste de flanker dans l'équipe de rugby et puis en faisant de ma passion, une excuse pour veiller sur le coach. Mon grand-père, qui avait de plus en plus tendance à perdre la tête. Quand on est largement plus grands que la moyenne, on devient automatiquement plus mature que ses camarades de classe.  Alors, puisqu'on est plus mûr que son âge, on est en droit de garder son petit frère de dix mois pour alléger un peu la charge de ses parents. Et puis, parce que les grands garçon ne pleurent pas; jamais. On doit regarder son père quitter le domicile familial sans ciller. Et, parce qu'on est l'ainé, on se retrouve propulser au rang d'homme de famille sans avoir rien demandé. J'ai été formaté pour veiller sur les autres, mais plus je vieillis et moins j'arrive à tenir la cadence. “Mêle toi de tes affaires.” - "C'est ce que je fais." Je compte pas laisser sa nonchalance détruire l'avenir du groupe et par conséquent, le rêve de Cameron. Ça me regarde à partir du moment où ça touche mon meilleur ami. Il en a déjà assez bavé. Il a perdu une jambe dans l'accident, je ne laisserai rien, ni personne lui arracher quoique ce soit d'autre.

“Ça aussi ça va être un problème maintenant ?” J'hausse les épaules. Je m'en branle qu'il soit marié, j'ai juste de la peine pour l'heureuse élue, c'est tout. C'est qu'elle a dû être bercée trop près du mur pour accepter de passer le restant de ses jours avec la version masculine de Miley Stewart.  "T'as fait comment ? Tu lui as promis the best of both worlds ? " Je dis dégainant mon bout de bois pour m'en servir de micro. "La pauvre, j'imagine qu'everybody makes mistakes, everybody has those days, hein ?" J'ajoute en chantant le couplet en boucle tout en me rapprochant de l'expert pour partager mon micro avec lui. Le grand gaillard n'a pas l'air de connaître la chanson, en même temps il est pas de notre génération. Y'a un dicton qui dit que s'il y a de l'espoir pour Ambrose, alors c'est que y'en a pour tout le monde, Barry y compris. “Vous deux, tu veux dire.” Vous voyez, c'est ça le problème. On pourrait arrêter de se prendre le bec, mais au lieu de déclarer forfait, il préfère jouer les prolongations. Je lui montre mon majeur puis le range quand Barry me fusille du regard. "Ah merde, mauvais doigt, pardon." Je rétorque en souriant. L'alliance se porte à l'auriculaire gauche, je sais. Le seul mariage auquel j'ai assisté dans ma vie se trouve être celui de mon ex. Sa femme, comme toutes les jeunes mariées, s'en est donnée à cœur joie quand elle a dû montrer sa bague aux invités. "J'ai passé une année à me creuser les méninges pour vendre du rêve aux futurs mariés. Comment te dire que : 1. ça m'a vacciné 2. y'a des tas de mensonges qui se cachent derrière un slogan. 3. Tu sais pourquoi l'amour dure trois ans ? Parce que c'est précisément le temps qu'il faut aux mariés pour se remplumer avant d'avoir de quoi pouvoir divorcer." En d'autres termes : Son mariage n'est pas fait pour durer une éternité et peut-être même qu'il commence à battre de l'aile, qui sait.


“Je vais te laisser te débrouiller sur cette épreuve et je rigole même pas.” - "Ah ouais, j'vois. Ça refuse de partager les bons plans." Pourquoi ça m'étonne ? Tant pis. Je suis condamné à passer le restant de mes jours à épier la moindre tête brune pour être certain de pouvoir l'esquiver si jamais nos chemins venaient à se recroiser. Je vais aussi devoir trouver des excuses pour ne plus assister aux répétitions et me contenter du dernier rang lors des concerts. Du moins jusqu'à ce qui se lasse du groupe et finisse par s'en aller. Puisque je suis le seul cerveau de l'équipe et qu'Ambrose ne semble pas être entrain à vouloir se débarrasser de moi au plus vite, je décide de prendre les commandes en arrêtant de trainer des pieds et en me mettant au boulot. Pour ce faire, il faudrait déjà que je trouve un truc pour soulager ma migraine. Rien de tel qu'un bon remède de grand-mère pour repousser le singe qui a pris possession de mon crâne et qui s'amuse à jouer des cymbales. “Appuie.” Les yeux fermés, je tends une main vers l'avant et attrape ce qui m'a tout l'air d'être la forme de son visage. "Je peux pas perdre la vue. Pas quand la dernière image que j'ai du monde se trouve être toi. Tu comprends ?" Je grogne en ôtant ma main de son faciès pour la tendre dans le vide.  Mes doigts se referment sur un truc humide qui me fait grimacer, mais la douleur pulsatile est tellement désagréable que je ne réfléchis pas à deux fois avant de venir appuyer le tissu contre mes boursoufflures. “Le consentement, tout ça.” - "Très drôle." Je rétorque en poussant de l'air avec mon épaule.  “T’as jamais cuisiné de l’ortie ?” Bon sang, ce qu'il peut être pédant. C'est typiquement le mec à dire des trucs du genre : "Bah alors, on t'as pas appris à regarder des deux côtés de la route avant de traverser ?" à un piéton qui viendrait de se faire écraser. Ou bien : "Vous ne savez pas lire ? Les places sont réservées aux personnes handicapées." à toutes personnes qui ne présenteraient pas d'handicap moteur. Oui, parce qu'il faut forcément avoir une chaise roulante pour être handicapé, duh. Bref, tout ce que je déteste quoi. "T'as jamais soigné une épaule déboitée avec des plantes médicinales ?" Non parce que je suis censé être la victime. Il est censé mettre fin à mon agonie. J'aurais pu resté assis sous un arbre à l'attendre, mais j'ai fait l'effort -surhumain- de l'accompagner jusqu'ici. Et qu'est-ce que ça m'a rapporté ? Une gueule boursoufflée.  “J’ai d’autres mouchoirs. Ça va rien guérir mais ça va soulager.” Les yeux toujours fermés, je penche la tête en arrière pour faire tenir le tissu sur mon front et tends ma main pour quémander un autre de ses mouchoirs. “Ecoute on a qu’à dire qu’on a trouvé la plante pour ta douleur, on attend là, et bientôt on sera libérés de l’un l’autre.” Ouais, faisons ça. Je m'accroupis et tâte le terrain avec mes mains avant de poser mes fesses sur le sol.

Il ne parle plus et je profite de ce moment pour apprécier la douce mélodie du silence. Ce n'est que lorsque je commence à trouver le temps long que j'ouvre un œil pour être sûr qu'il ne se soit pas tiré en douce. "Bon, je suis pas aveugle. Ce qui est une bonne nouvelle, même si tu me fais toujours autant mal aux yeux." Il devrait inventer des lunettes anti-ambrose. Y'a bien des verres qui existent pour nous protéger contre les rayons ultraviolets ou la lumière bleues des écrans. "Tu boudes ?" Je lance en essayant de m'accommoder à la lumière du soleil. Je reconnais la position du cocon, c'est celle que prend Sam quand il me fait la gueule. "Ta femme te manque ?" Je pose la question car j'ai hâte de retrouver mon frangin et le confort de mon appartement. Ce stage m'aura au moins permis de relativiser : on ne vit pas dans un château, mais c'est toujours mieux que rien.

Spoiler:

Je décompense en improvisant une petite session karaoké en pleine forêt. L'acoustique n'est pas aussi bonne que celle de ma salle de bain, mais le résultat reste identique : je ne suis pas doué pour le chant. “On t’a fait quoi pour que tu détestes autant la vie, toi ?” Je me retiens de lui demander si 'la vie' est le premier ou le deuxième prénom que ses parents ont fait le choix de lui donner à la naissance. 'La vie Ambrose', ça ferait un bon exercice de prononciation. Je suis sûr que si on le répète plusieurs fois à haute voix, ça donne le titre d'une chanson française. À la différence, qu'elle est loin d'être rose depuis que je fais équipe avec lui. Elle est même hyper sombre parce que j'y vois quedal là. “Arrête de pleurnicher bon Dieu.” Ma main essaye de retrouver son visage pour pouvoir l'écraser tellement il m'exaspère, mais elle ne trouve rien d'autre qu'une poignée d'air. "J'aimerais bien t'y voir ! Et je ne pleurniche pas." Jamais en présence de témoins. Les larmes qui coulent ne sont que le fruit d'une réaction physiologique, ni plus, ni moins.

“Tu t’es déjà pris un coup de poing sur une plaie d’ortie ?” J'essaye vraiment de me montrer un minimum civilisé en sa présence, mais il va falloir qu'il m'aide un peu et qu'il arrête de me relancer parce qu'on risque d'y passer la journée. Je pivote sur moi-même et pousse un cri inaudible. "Jamais,  mais ça m'a tout l'air d'être une menace donc t'attends quoi pour la mettre à exécution ?" Je peste  en me retournant pour lui faire face. C'est du moins ce que je crois, mais j'ai perdu mon sens de l'orientation depuis que j'ai les yeux fermés. Je le mets au défi de me toucher tout en sachant qu'il y a 99% de chance de le voir se rétracter. "C'est facile d'ouvrir la bouche maintenant que je n'ai plus que quatre sens pour me défendre." C'est moche de profiter de la faiblesse des gens pour jouer les vaillants, mais je n'attendais pas moins d'un mec comme lui.

J'ai pas d'autre choix que de faire une trêve lorsque mon adversaire se met à bouder dans son coin comme un gosse de cinq ans. J'essore les mouchoirs et m'essuie une dernière fois les yeux avant de les poser sur lui.“J’ai vécu 20 ans avant de la rencontrer, je peux gérer.” S'il doit gérer le manque de son absence, c'est qu'il doit l'aimer un minimum. Un minimum, c'est toujours mieux que rien, j'imagine. "T'es d'un romantisme, c'en est presque gerbant. T'as quel âge ?" Au concert, je lui aurais donné pas loin de la trentaine, mais sa mine renfrognée et ses yeux démaquillés, laissent à penser qu'il est sans doute bien plus jeune que ce que je pouvais penser. “Qu’est-ce qui te manque, toi ?” Y'a quelques minutes de cela, j'aurais très certainement répondu quelque chose comme : la vue. "Le collectionneur de pin's." Mes yeux s'attardent un peu trop sur le porte en clé en forme de rose qui est accroché à la tirette de la fermeture éclair. Sam n'est pas le seul membre de la famille à me manquer, mais c'est le seul que je peux encore me vanter d'aller retrouver. "T'es pas trop jeune pour être marié ?" Je ne suis pas en train de le juger. Ça m'intrigue, c'est tout. "Qu'est-ce qui t'as donné envie de le faire ? Comment t'as su que c'était la bonne ?" À moins qu'il ne sache prédire l'avenir ou qu'il soit assez con pour croire en l'horoscope, je vois pas comment il peut en être sûr à 100%.


“De l’ortie.” Je lève les yeux au ciel lorsqu'il fait l'erreur de répondre à côté de la question. Il cherche vraiment à nous foutre dans la merde. L'ortie, vraiment ? J'ai le haut de la tête boursoufflé à cause de cette maudite plante et c'est tout ce qu'il trouve à sortir quand l'expert nous demande ce qu'on a utilisé pour soulager ma douleur.  Il faut pas avoir fait médecine pour comprendre que c'était tout sauf ce qu'il fallait dire. “Angus confond, c’est un citadin.” C'est qu'il sourit en plus. Il se lève tandis que je reste assis contre le tronc d'arbre. Mes yeux s'attardent sur ses tibias, il me suffirait d'un élan pour le plaquer au sol et lui faire mordre la poussière. Barry observe l'ortie puis hausse les épaules avant de repartir. La preuve que ce stage est une arnaque. “Tu me dois une faveur pour nous avoir sauvés les fesses.” Son sourire lui donne un air hautain qui me fait grincer des dents. "Oh, vraiment ?" Je réponds avec un sourire plus que forcé. “Donc je joue le prochain malade de ma terrible cheville tordue.” Il aurait dû choisir une autre blessure pour l'exercice, parce qu'il vient de m'offrir la parfaite excuse pour m'élancer vers ses tibias et lui faire perdre pied. "Ah ouais, c'est que t'arrives même plus à tenir sur tes jambes, mon pauvre." Je dis en me relevant pour attraper mon sac à dos.

Spoiler:

“Je suis proche de ma famille aussi.” J'attrape mon sac à dos que je dépose derrière moi avant de m'allonger dans l'herbe et de m'en servir comme oreiller."Elle ressemble à quoi la famille Constantine ?" Mes tempes me brûlent trop pour que je puisse taper un petit somme. Et quand bien même ce ne serait pas le cas, il faut toujours que je sois le dernier à m'endormir et le premier à me réveiller. Néanmoins, j'abaisse la visière de ma casquette pour protéger mes yeux du soleil et me concentre sur la conversation pour oublier à quel point mon front peut me démanger. “Je suis pas marié, je suis fiancé.” C'est du pareil au même, mais soit. Si Ambrose a fait sa demande, c'est qu'il compte bien l'épouser, non ? Sauf si, en plus de la musique, il adore jouer avec les sentiments des gens.“C’est juste… quand t’aimes vraiment quelqu’un, tu le sais. Tu te poses pas de questions.” Je soulève légèrement la visière de ma casquette et tourne ma tête pour le regarder. Je retire ce que j'ai pu dire sur le romantisme. Il l'est bien plus que ce que je pouvais imaginer. "Je vois." Ambrose doit avoir une haute estime de lui-même s'il pense que, sous prétexte qu'il l'aime vraiment, elle ne cessera jamais de l'aimer en retour. "Faut croire qu'on ne fonctionne pas tous de la même manière." ou qu'on ne possède pas tous son sex-appeal. Je sais même pas s'il est question de confiance en soi ou de confiance en l'autre, j'imagine ça marche ensemble surtout quand il s'agit d'amour. “Ça t’a jamais fait ça ?” Je mime une négation de la tête en tirant une nouvelle fois sur la visière de ma casquette fétiche. C'est même tout l'inverse, en fait. Ce qui ne veut pas pour autant dire que je n'éprouve rien pour Maisie. En dehors de mon petit frère, c'est elle, que je m'empresserais d'aller retrouver si une sirène se mettait à sonner pour nous informer que la fin du monde était sur le point d'arriver.  "C'est justement quand ça compte vraiment que je me mets à cogiter." Généralement, c'est lorsque j'arrête de me poser des questions qu'il faut s'inquiéter. Ça signifie que je suis tout ce qu'il y a de plus désintéressé ou que j'ai tout simplement fini par me lasser.

Mon poignet lié au sien, il profite de l'occasion pour actionner le mouvement de nos bras et me gifler l'arrière du crâne. Une pierre, deux coups. J'aurais pu avoir le réflexe de protéger ma nuque avec ma main de libre, mais je l'ai pas vu venir. En temps normal, les gens n'arrivent pas à y accéder sans se mettre sur la pointe des pieds.“T’es vraiment un gamin quand tu t’y mets.” J'aurais pu le mettre en garde, mais il n'a pas daigné me retourner la question quand je lui ai demandé son âge. L'avantage, c'est que je n'ai pas trop à creuser pour qu'il me révèle le fond de sa pensée. Un gamin pleurnichard et casse-couille, c'était pas exactement l'image que je voulais lui donner, mais ça fera l'affaire.“Et tu m’as vraiment fait mal.” Je le dévisage un instant sans savoir s'il dit vrai ou s'il veut juste me faire culpabiliser. Dans les deux cas, ça fonctionne plutôt bien puisque j'attrape son sac en plus du mien. “Fais profil bas une bonne fois pour toutes, Sutton.” J'ajoute cette nouvelle demande aux caractéristiques de mon personnage : - 2 points de charisme et + 2 points de dextérité.

“Faut que je m’appuie sur toi, je vais pas pouvoir aller loin sinon.” - "Je t'ai vraiment fait mal ?" Je demande m'arrêtant pour le regarder. C'est qu'il doit souffrir le martyr s'il en vient à me demander de l'aide pour marcher. Je pensais que j'étais encore en capacité de contrôler la force de mes plaquages, mais il faut croire que ce n'est plus le cas depuis que j'ai quitté le terrain de rugby.“On a qu’à trouver un point d’eau, pour… je sais pas, dire qu’on a nettoyé une autre plaie imaginaire.” Ou on peut tout aussi y mettre un terme. Il me semble qu'on a le droit à une erreur de parcours, c'est peut-être le moment de sortir notre carte joker. Je me penche pour regarder sa cheville puis grogne lorsque je me rends compte que je suis toujours attaché à lui. De ma main de libre, je sors le couteau de la poche de mon pantalon et coupe la corde pour nous libérer. "Assis." J'ordonne en déposant nos sacs au sol. "Et enlève ta chaussure, Cendrillon." Je suis loin d'avoir des doigts de fée, mais j'ai passé mon enfance à redonner une seconde vie à tout ce que je pouvais trouver dans les vide greniers. Quant aux blessures, j'en ai vu pas mal durant les matchs de rugby. J'ai pas l'âme d'un aventurier, mais y'a peut-être moyen que j'arrive à immobiliser sa cheville. Je préfère être un casse-couille qu'un casse-pied.

Spoiler:

TW: blessure, ossature bancale.

“Une sœur, trois frères. Moi j’en compte quatre parce qu’on a grandi avec mon cousin. Mais y’a que nous, sinon.” J'enlève ma casquette pour la poser sur mon torse sans pour autant tourner la tête pour le regarder. "Et tu te situes où dans tout ça ?" Je ne pose aucune question sur ses parents, parce que je n'ai pas envie de parler des miens même s'il n'est pas franchement doué pour relancer une conversation. Mais bon, on sait jamais, il pourrait se mettre à s'intéresser aux autres et un peu moins à lui. Tout ce que je sais, c'est qu'il a passé son enfance à l'hôpital pour rendre visite à son père. J'imagine que si celui ci ne figure plus sur le tableau familial, c'est qu'il devait être gravement malade. Quant à sa mère, ça reste un mystère puisque c'est le seule personne de sa famille qu'il a omis de mentionner. "À tout hasard, y'en a pas un qui serait âgé de dix ans  ?" Je l'ai jamais vu trainer devant l'école primaire de Samuel, mais bon, j'arrive presque jamais à l'heure et il fait souvent partie des derniers. Puis, je doute qu'il soit du genre à habiter dans une banlieue telle que Logan City. Si son cousin a accepté de s'occuper de quatre enfants, c'est qu'il avait sans doute les moyens de le faire.

“Tu crois que j’ai une passion Malade imaginaire ?” J'hausse les épaules sans rien répondre en retour. Non pas par manque de répartie, mais parce qu'il m'a demandé de faire profil bas alors c'est ce que je fais; je me tais. Il essaye de se dégager quand je sors le couteau pour nous libérer et je dois attendre qu'il arrête de bouger pour nous détacher sans prendre le risque de l'entailler. Je me suis jeté sur ses tibias, c'est un fait, mais si j'avais voulu le blesser, j'aurais visé la tête, pas les jambes et j'aurais fait bien plus que le plaquer au sol, c'en est un autre. "Je rêve ou pendant une fraction de seconde t'as cru que j'allais de planter ?" Je demande avec dégoût. Qu'il pense que je suis un gamin casse-couille et pleurnichard, passe encore, il est pas loin de la vérité. Par contre, qu'il me prenne pour un mec capable de planter le premier venu ou n'importe qui d'autre d'ailleurs, c'est non. Je ne jouerais jamais ce rôle, parce que j'en suis incapable. J'ai même pas été foutu de tuer un vers de terre pour m'en servir d'appât.

Je m'éloigne de lui avant même qu'il ne puisse répondre à ma question. La réponse, je la connais déjà, son langage corporel s'en est chargé pour lui. Je m'attends à voir Barry débouler lorsque je me trouve loin de mon coéquipier.  Ce n'est plus qu'une question de minutes avant qu'on se fasse éliminer. Je sais même pas s'ils proposent des stages de rattrapage, mais j'en ai rien à branler, car il est hors de question que je retente l'expérience. Je n'aurais qu'à scanner le certificat d'Asher et le photoshoper pour faire croire à Samuel que son grand frère est un vrai aventurier. Je ne suis plus à un mensonge près, quand bien même je n'ai pas envie de déclarer forfait.“C’est pas l’hôpital qui se fout de la charité là ?” - "Je voulais te faire perdre pied au sens figuré, c'est pas ma faute si tu prends tout au pied de la lettre. Bref, je suis désolé. C'est bon, t'es content ?" Je souffle tout en m'asseyant devant lui pour regarder sa cheville de plus près. “Dix.” Je ne vois aucun hématome, son pied ne forme pas un angle bizarre et il ne saigne pas. Par contre, je commence à me sentir mal. Tout à coup, je ne suis plus en présence d'Ambrose, mais sur le bitume avec Cameron. J'entends les passants crier à l'aide, le bruit des klaxons et je revois le visage livide de mon meilleur ami. “Nulle part, c’est bon, on peut repartir. C’est passé déjà.” Mes mains quittent rapidement la cheville d'Ambrose tandis que je recule de quelques centimètres pour remettre ma chaussure. "T'es sûr ?" Je n'ai pas le temps d'en dire plus qu'il est déjà debout. Je l'observe faire quelques pas en boitant légèrement pendant que je refais mes lacets et que je tente de reprendre mes esprits. "Attends." Je fais passer l'une des deux extrémité de la corde dans l'une des boucles de son pantalon et attache l'autre à ma ceintre. Il veut le certificat coûte que coûte et Barry a été plus que formel. J'attrape mon sac que je mets sur le dos puis le sien que je fais passer devant et me remets à marcher à la vitesse d'un escargot.

Je le laisse passer devant et me contente de gérer sa cadence en ralentissant le pas lorsque je trouve qu'il va trop vite. Tout prétexte est bon à prendre pour faire une pause : lacets défaits; déshydratation; mauvais cardio; pierre coincée dans la chaussure. Le tout, c'est qu'il arrive à mettre sa cheville au repos sans avoir à y laisser sa fierté. "Pardon, mais y'a un truc que je pige pas." Je dis entre deux gorgées. Tout comme mon frangin, il faut impérativement que je donne un sens à absolument tout ce que je fais au risque de devenir zinzin. "Loin de moi l'idée de te faire perdre ton temps ou le mien, mais tu peux m'expliquer pourquoi on doit à tout prix aller jusqu'au fleuve pour soigner une plaie imaginaire ?" Je demande en m'essuyant les lèvres d'un revers de la main. "C'est pas comme si j'avais une bouteille remplie d'eau ou que t'étais vraiment blessé." J'ajoute en faisant clignoter mon index vers sa patte boiteuse."Je dis ça, je dis rien." Après tout, c'est pas mon problème s'il refuse de se faire soigner. Il veut jouer les bonhommes, grand bien lui fasse, mais faudra pas me reprocher d'avoir refuser de l'aider.

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