Célia serra la main de l'inconnu qui ne l'était plus. A présent, elle connaissait son identité. Et c'était plus agréable dans le sens où elle posait un prénom sur son visage. Ils se serraient la main. « De même. » Répondait la jeune femme avant de récupérer son vélo qu'elle avait posé contre l'un des murs de sa boutique. Elle retira le cadenas et elle déposa son gilet dans le panier se trouvant devant le guidon. Elle retrouva ensuite Axel avant de se mettre en marche à ses côtés. Il faisait bon ce soir et sa robe blanche à fleurs était parfaite pour la saison et elle mettait en valeur son bronzage. Elle passait beaucoup de temps au refuge ces derniers jours. Elle sécurisait le jardin pour que ces petits pensionnaires puissent se dégourdir les pattes. Et forcément, elle profitait pleinement du soleil. Et il faut dire que ça lui faisait du bien. Elle s'était trop souvent isolée ces derniers temps. Elle avait besoin de changer la donne, surtout après ces discussions avec Jolène et Andrew. Cela l'avait fait réfléchir. Ils n'avaient pas tort. Elle s'enfermait dans sa solitude sans même s'en rendre compte. Il fallait que ce soit ces amis qui lui ouvrent les yeux pour qu'elle puisse s'en rendre compte. Et ils avaient raison. Alors elle avait prit des résolutions, dont celle de ne pas se refermer sur elle-même comme une huître. C'était un exercice qu'elle pratiquait tous les jours avec plus ou moins de réussite. Mais aujourd'hui était un bon jour. Parce qu'elle était en bonne compagnie. « Et c'est une bonne chose d'avoir l'impression de me connaître depuis toujours ? » Elle avait tourné son visage vers lui. Elle ne savait pas à qui elle lui faisait penser même si elle avait une petite intuition. Mais elle préférait que cette confession vienne de lui. Elle n'avait pas envie de lui rappeler de mauvais souvenir. Mais bon, niveau physique, elle ne pouvait pas changer. Elle faisait régulièrement du sport mais elle ne pensait pas que ça pourrait être ça qui puisse lui donner un autre aspect. Bien que plus jeune, elle espérait avoir moins de joue, un nez plus fin. Mais là, il fallait songer à la chirurgie esthétique pour changer ça. Et elle n'était pas adepte de tout ça. Elle avait appris à s'accepter comme elle l'était. Même si elle n'aimait toujours pas son nez, qu'elle trouvait ses joues trop rondes et ses jambes trop longues. Célia avait appris à s'accepter avec ses défauts afin qu'ils ne gâchent pas sa vie. La jeune femme se mit ensuite à sourire doucement aux paroles d'Axel. « Je ne vous prends pas pour un fou, rassurez-vous. Enfin, si je ne vous fais pas penser à des choses négatives. Je crois que c'est le principal. Il est inutile de se poser trop de questions. Un autre mystère de l'existence. » Elle haussa un peu les épaules, se donnant un petit air énigmatique avant d'avouer : « En fait, je n'en sais rien. C'est la première fois que quelqu'un a cette impression avec moi. » En effet, c'était une première pour elle, qu'on puisse presque la confondre avec une autre personne. Même avec sa sœur cela n'arrivait pas. Parce qu'elles étaient différentes physiquement, bien que jumelles. Puis à la question d'Axel, l'antiquaire acquiesça de la tête avec un sourire. « Oui, avec mon père. Cela fait plus presque quarante ans qu'ils sont mariés. Et j'ai aussi trois frères : deux aînés et un plus jeune et une sœur jumelle. » Puis, sentant la question arrivée, elle ajouta à la suite : « Mais on ne se ressemble pas. Enfin, à part chevelure de blé. » Une grande famille en fin de compte. Cinq enfants à la maison, cela faisait de l'animation quand ils étaient tous plus jeunes. C'était terrible parfois surtout quand elle avait ses aînés sur le dos. Mais elle pouvait compter sur Selina pour faire diversion. Elle était la plus folle des deux et elle faisait tourner en bourrique leurs frères. Finalement, quand elle y repensait, seul Jacob le plus jeune, était tranquille. Enfin, c'était peut-être pour ça qu'il n'arrivait toujours pas à se poser à plus de vingt-ans. Puis alors qu'ils marchaient encore, Célia se permis la même question. « Et vous ? Il n'y a que votre petite princesse ? » Elle avait cru comprendre qu'il n'était pas vraiment entouré par sa famille. Ce qu'elle trouvait dommage. Mais peut-être que cela lui plaisait ainsi. Elle ne savait pas. Seul l'intéressé pouvait répondre à cette question.
Etait-ce une bonne chose ? Difficile à dire. Il n’était cependant pas courant que sa légendaire méfiance exacerbée décide de se mettre en veille au profit d’un véritable intérêt et d’une confiance peu commune. Parallèlement à cela, il y avait certainement cette troublante ressemblance qui venait fausser la donne. Etait-ce Célia qu’il avait l’impression de connaître depuis toujours, ou bien le fantôme de Sarah planait-il autour d’eux ? La question méritait qu’on s’y attarde. Fort heureusement, Axel savait faire preuve de discernement et pouvait affirmer sans l’ombre d’un doute que cet étrange sentiment était véritablement lié à la douceur et au charme qui émanait de sa jeune interlocutrice. « Rassurez-vous, vous ne m’inspirez rien de négatif bien au contraire. Disons que je n’ai pas vraiment l’habitude de tout ça. Je suis plutôt du genre solitaire même si je suis certain que si j’accordais un peu moins de temps aux livres et davantage de place aux êtres humains, j’aurais beaucoup à y gagner. Et d’ailleurs, vous en êtes la preuve. » La plupart du temps, Axel avait la vive sensation que toutes ses fréquentations n’étaient basées que sur des faux-semblants, des apparences souvent trompeuses qui faisaient illusion le temps d’un instant. C’était peut-être le monde de la nuit et ses nombreuses mascarades qui voulaient ça. Toujours est-il qu’il se rendait parfaitement compte que Célia et lui ne faisaient clairement pas partie du même univers. Curieux d’en apprendre davantage sur elle, Axel n’hésita pas à lui poser davantage de questions, au risque de paraître un peu trop curieux ou intrusif, même si telle n’était pas son intention. « Oui, avec mon père. Cela fait plus presque quarante ans qu'ils sont mariés. Et j'ai aussi trois frères : deux aînés et un plus jeune et une sœur jumelle. Mais on ne se ressemble pas. Enfin, à part chevelure de blé. » Il se mit à sourire avec amusement comprenant qu’elle avait deviné à son expression la question qu’il se posait. En même temps, tout le monde devait la lui poser lorsqu’elle évoquait l’existence de sa sœur jumelle. « Vous m’avez tout l’air d’avoir une bien charmante famille. Et quarante ans de mariage, je suis impressionné ! Comme quoi, il existe encore des personnes pour qui l’amour fait sens… » Axel songeait alors à ses propres parents et au sérieux manque de communication qui existait entre eux. C’est à peine s’ils échangeaient quelques mots les rares fois où ils se croisaient encore. « Et vous ? Il n'y a que votre petite princesse ? » Hélas… Sa famille était loin d’être aussi parfaite que semblait l’être celle de la jeune femme. Oh Axel n’était pas malheureux, loin de là ! Disons juste qu’il n’avait pas le plaisir de pouvoir partager de nombreux souvenirs avec ses proches. Emily était pour ainsi dire le centre de son univers. Elle était de loin la plus incroyable et la plus admirable des enfants. « Malheureusement, oui. Je suis fils unique et le portrait que je pourrais vous dépeindre de mes parents est loin d’être aussi plaisant que le vôtre. Pourtant, j’ai toujours rêvé d’avoir une grande famille… des proches sur qui compter et avec qui partager de merveilleux souvenirs… Mais ma famille n’est pas très famille, voyez-vous. Alors en effet, Emily est au centre de tout. » Axel sortit de nouveau son portefeuille de sa poche et l’ouvrit afin de pouvoir montrer une photo d’Emily à Célia. La petite fille avait de longs, très longs cheveux châtains aux reflets blonds et de magnifiques yeux en amande. Elle ressemblait beaucoup à sa mère même si son sourire était de toute évidence, celui de son père. « Elle obtient de moi tout ce qu’elle désire, c’est affligeant. Pourtant, je ne pense pas être le père le plus influençable qu’il soit et certains de mes amis jugent mon éducation parfois un peu trop stricte… que voulez-vous, je suis anglais et très à cheval sur les bonnes manières.» plaisanta-t-il doucement avant de ranger son portefeuille. « Tout ça pour dire qu’elle a tout de même réussi à me faire changer d’avis quant à l’adoption d’un nouveau membre de la famille. Elle voulait un chien, je lui ai suggéré un lapin mais ce sera finalement un chat. Je suis donc en quête du chanceux matou qui partagera notre quotidien dans les semaines à venir. Autant dire que ce n’est pas une mince affaire.»
Célia continuait de marcher aux côtés d'Axel. Le temps étaient encore clément et le fait de ne rien avoir sur les bras ne la déranger pas. Il n'y avait pas de raison pour elle de mettre le gilet qu'elle avait déposé précédemment dans son panier. La jeune femme poussait son vélo tout en écoutant son interlocuteur qui semblait tiraillé par une vision du passé. Enfin, c'était ce que ressentait la jeune antiquaire. Mais elle était trop polie pour lui poser plus de questions. Après tout, tout ça appartenait au domaine de sa vie privée. Et elle n'allait faire preuve d'intrusion. Ce n'était pas du tout son genre. Elle préférait que les confessions viennent de lui, si toutefois elles devaient venir. Et pour l'instant cela fonctionnait bien, ils parlaient sans entrave. Et c'était plutôt une bonne chose. Peut-être qu'ils allaient avoir d'autres points communs que les livres et les chansons d'une autre époque. « Et bien pour être franche avec vous, j'avais tendance moi aussi à me renfermer sur moi-même ces derniers temps. Je préférais rester dans ma boutique ou m'occuper de mes animaux. » Elle esquissa un sourire. Combien de fois lui avait-on dit qu'elle passait plus de temps avec ses petits pensionnaires, qu'avec des personnes ? Des tonnes de fois. Elle ne pourrait même pas chiffrer le nombre. Mais elle avait décidé de changer, surtout après ces dernières discussions. « Je pourrais donc dire la même chose pour vous. » Elle sourit un peu plus en disant, d'un air interrogatif. « Ce qui veut dire qu'on fait en ce moment, ce qui ressemble le plus à une thérapie mutuelle ? » En tout cas, cela y ressemblait. Apparemment tous les deux étaient un peu fâchés avec les hommes en général. Encore un autre point commun alors ? C'était étrange tout ça. Puis aux propos suivants d'Axel, elle l'observa à nouveau en hochant doucement la tête. « Cela m'impressionne aussi. Ils ont réussi à se trouver et à faire perdurer un mariage. Mais je doute que cela arrive un jour. Les noces d’Émeraude, ce ne sera pas pour moi. » Plus ça avançait et moins elle y croyait. Il semblait qu'Axel et elle, étaient deux désabusés sur le sujet. Et vu les événements récents, cela n'allait pas changer pour l 'instant pour l'antiquaire. Célia écoutait à nouveau Axel qui lui parlait de sa propre famille. Elle comprenait à présent pourquoi Emily pouvait de temps en temps se permettre un caprice ou deux. C'était normal. Même si elle imaginait que les cadeaux et les attentions ne devaient pas lui faire oublier la présence d'une famille autour d'elle et d'une mère de surcroît. Mais là encore, c'était un sujet délicat qu'elle ne se permettrait pas d'aborder. Puis Axel s'arrêta pour sortir son portefeuille de sa poche. Elle fit donc de même et regarda ensuite la photographie que l'homme lui montrait. « Elle est adorable. » Elle l'était en effet. Elle avait hérité du sourire de son père, c'était indéniable. « Et c'est normal que vous la gâtez comme vous le faîtes. C'est votre fille, votre premier enfant. Qui ne ferait pas la même chose ? » Et puis les enfants savaient qu'ils pouvaient obtenir ce qu'ils voulaient avec un sourire. Combien de fois, Timothée l'avait fait flancher. Que ce soit pour des sorties dans le parc, des changements de médicaments pour éviter les prises de sang, les achats de jouets, les passages à la librairie pour dénicher la dernière bande dessinée. « On veut toujours les voir sourire alors forcément, on fait ce qu'il faut. Même si cela ne veut pas dire d'oublier les bases d'une bonne éducation. Ne vous sentez pas coupable. Vous aimez votre fille et personne ne peut vous juger pour ça. » Ajouta la jeune femme avec un doux sourire. Ils reprenaient ensuite leur chemin. Et Célia ne pouvait s'empêcher de sourire à nouveau aux paroles d'Axel. Surprise quand même elle s'arrêta à son tour. « C'est dingue, je suis bénévole dans un refuge et je suis entrain de construire une pension pour animaux avec une amie. Je pourrais vous aider à trouver le compagnon idéal pour votre fille. » La jeune femme était emballée par cette idée. Trouver une maison à l'un de ses pensionnaires était quelque chose qui la rendait toujours très heureuse. Elle ajouta : « Je connais tous les pensionnaires, que ce soit au refuge ou à la pension. Je pourrais vous conseiller, vous guider si vous souhaitez vraiment accueillir un chat chez vous. »
Une thérapie mutuelle ? Oui, cette idée lui plaisait bien. D’autant que la compagnie de Célia était à la fois agréable et apaisante. Comme il l’avait déjà stipulé, il avait l’impression de la connaître depuis toujours et ce sentiment était proprement déroutant. Discuter avec elle était comme faire un voyage hors du temps. Tout l’impressionnait chez elle. Y compris sa charmante famille qui de toute évidence, n’avait strictement rien à voir avec la sienne. « Cela m'impressionne aussi. Ils ont réussi à se trouver et à faire perdurer un mariage. Mais je doute que cela arrive un jour. Les noces d’Émeraude, ce ne sera pas pour moi. » Axel l’observa quelques secondes, sentant bien que le sujet était sensible et que sans le vouloir, il l’avait certainement emmenée sur un terrain glissant. « Je suis certain du contraire.» Elle ne pouvait décemment pas imaginer avec certitude que le schéma parental ne se reproduirait pas. Célia était charmante, ravissante, intelligente… bref, il n’y avait aucune raison pour qu’elle doute de son avenir amoureux. « Une intuition…» ajouta-t-il avec un haussement d’épaules totalement désinvolte. Axel lui offrit un sourire rassurant et réconfortant, signe qu’il était véritablement convaincu qu’un jour, quelqu’un s’engagerait à ne jamais la décevoir, chose que d’autres avaient dû faire par le passé. Axel avait toujours eu cette prestance rassurante qui avait tendance à mettre les gens en confiance. Il faut dire qu’avec lui, il ne fallait en aucun cas s’attendre à un mauvais coup fourré, un mensonge ou de l’hypocrisie. Il était authentique, sincère, entier. Lui, tout simplement. Certains mettaient ça sur le dos de son âme de littéraire qui l’avait doté d’un tempérament calme et posé, d’autres au contraire voyaient en son présent l’accumulation de toutes ses désillusions passées qui lui avaient forgé un caractère hors norme. Axel était une force tranquille. Du genre calme mais qu’il ne fallait jamais trop titiller au risque de le regretter sur le champ. Après ce qu’il avait vécu notamment dans l’armée, son expérience le conduisait à se montrer plus serein face à certains évènements de vie. Il connaissait la valeur de chaque instant, de chaque chose et de chaque personne. Et pour sa part, Emily était la personne qui comptait le plus dans sa vie. Il ne pu s’empêcher d’en parler davantage à Célia, se sentant par la même occasion extrêmement fière de l’entendre dire qu’elle était adorable. « Et c'est normal que vous la gâtez comme vous le faîtes. C'est votre fille, votre premier enfant. Qui ne ferait pas la même chose ? » Hum… ses propres parents par exemple ? Sarah ? … Mais Axel ne jugea pas bon de citer ceux-là en exemple, partant du principe qu’il n’était pas responsable de la folie furieuse qui semblait toucher l’ensemble de ses proches. Sans compter qu’il n’avait pas besoin d’eux pour être heureux. La conversation allant bon train, Axel en vint même à évoquer la future présence d’un chat dans leur quotidien. La réponse de Célia le laissa sans voix l’espace d’un instant. Elle était comme ces tableaux devant lesquels on s’extasie durant des heures en y découvrant sans cesse des détails nouveaux. Axel était réellement fasciné par cette jeune femme. Un sourire aux lèvres, il comprit qu’elle était également bénévole dans une association animale. Plus il la découvrait et plus il la trouvait incroyable. Tout en elle était si démesurément parfait que l’œil s’abîmait sans cesse dans un trouble fasciné. Une expression malicieuse s’installa sur son visage et tandis qu’il glissait ses mains dans ses poches avec nonchalance, toisa la jeune femme avec un amusement non dissimulé. « Quoi, vraiment ? Célia, y’a-t-il seulement un sujet que nous pourrions aborder sans que vous ne me surpreniez à nouveau ? Je vais finir par croire que vous êtes le fruit de mon imagination.» plaisanta-t-il d bon cœur. Certes, un peu d’aide afin de trouver le compagnon à poils idéal ne serait pas de refus. D’autant qu’il n’y connaissait rien en chat, en dehors de leur paraisse légendaire. « Oh croyez-moi, je n’ai pas intérêt à revenir sur cette décision au risque de la payer jusqu’à la fin de mes jours. Hum… vous pensez que ce serait possible cette semaine ? C’est bientôt l’anniversaire d’Emily et je pense que ce serait une merveilleuse surprise pour elle de faire sa connaissance à ce moment-là.»
Le mariage de ses parents l'avaient toujours un peu fait rêver. Non pas qu'elle rêvait de robe de mariée, d'une longue traîne etc. quand elle était petite. Mais les parents de ses amis étaient presque tous divorcés. Alors forcément, voir ses parents, s'embrasser comme au premier jour, se tenir la main, bah c'était quelque chose qui lui donnait le sourire. Comme quoi, il pouvait arriver que deux êtres soient destinés l'un à l'autre. Seulement, il fallait être sacrément chanceux pour trouver cette seconde moitié. Alors les paroles d'Axel la faisaient doucement sourire. Elle était persuadée de ne jamais trouver cette perle rare. Elle avait été bien trop déçue par le passé. Son cœur trop meurtri par les épreuves qu'elle avait subi ces dernières années, s'était refermé. Tout ça, ce n'était plus pour elle. Elle n'avait pas envie de se sentir à nouveau fragile et de laisser son bonheur et son équilibre dans les mains d'une autre personne. Non, ce n'était plus ce qu'elle souhaitait. Mais cela ne l'attristait pas pour autant. Elle avait accepté cette idée d'aller de fleur en fleur sans arriver à se poser. Elle n'avait pas envie de complication, pas envie de se prendre la tête. Sa vie lui convenait comme elle l'était. Elle n'attendait rien d'autre. Bien qu'elle appréciait Axel pour le peu qu'elle le connaissait pour l'instant, elle était persuadée qu'il se trompait à ce sujet. Il avait peut-être beaucoup d'intuition. Mais pas en ce qui concernait sa vie privée. Enfin, elle n'avait pas envie de s'attarder sur le sujet. Qui n'était pas très intéressant en fin de compte. Et puis celle d'Axel devait être tout aussi compliqué. Elle ressentait parfois sa solitude quand il parlait. Il était entouré, assurément. Mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'il ne se sentait pas seule. Elle même était entourée, de sa famille, de ses amies, de ses animaux. Mais elle se sentait très seule au final. Elle avait un manque qu'elle n'arrivait pas à combler depuis presque quatre ans. Cela devait être la même chose pour l'homme qui lui tenait compagnie. C'était peut-être pour ça qu'ils se comprenaient sur certains points. A la question de l'homme, elle haussa doucement les épaules. « Peut-être... » Elle esquissa un sourire amusé avant de dire. « Peut-être que vous vous êtes assoupi dans ma boutique et que votre imagination s'est perdue quand vous lisiez l'un de ces ouvrages du XIXe siècle. » Elle en héroïne ? Ce n'était pas du tout crédible. Même si comme elle l'avait dit à Axel, elle était née pour vivre dans une autre époque. Elle aurait aimé. Parce que parfois, elle se sentait en total décalage avec le siècle dans lequel elle vivait. Elle n'allait jamais sur internet ou très peu, juste pour correspondre avec des amis qui n'habitaient pas l'Australie, pour faire des commandes pour le refuge. Elle avait un téléphone portable qu'elle oubliait une fois sur deux chez elle. Elle n'avait pas de voiture. Elle regardait très peu la télévision. Mais elle adorait Ray Charles, Otis Redding, Marvin Gaye, The Temptation. Des chansons qui lui donnaient toujours des frissons quand elle les écoutait. Elle adorait passer son temps dans les boutiques de friperies. Elle s'habillait avec des robes inspirées des années cinquante. Célia était coincée dans une époque qui ne lui correspondait pas. La seule chose de bien qu'elle avait pu faire : c'étaient ses études de médecine. Le reste était chaotique. A la question d'Axel, Célia se mit rapidement à réfléchir. Demain, samedi, elle était libre. Enfin, elle avait un rendez-vous, mais elle pouvait toujours le repousser à la semaine suivante. « Je peux vous accueillir demain. Le samedi matin, c'est plutôt calme. Alors vous pourrez être tranquille pour voir ces petites boules de poils. Il faudra juste me dire qu'elle genre de compagnon vous recherchez pour Emily et je suis sûre que nous allons trouver. » Bon, elle n'aimait pas l'idée de l'animal en cadeau... Mais Axel semblait avoir assez de principes pour bien traiter cet animal et ne pas l'offrir à sa fille sans y avoir mûrement réfléchi. « J'ai adopté mon chien Finn, dans un refuge. Il était malade des poumons et pendant des jours, j'ai eu peur de le perdre. En partant le soir du refuge après mon bénévolat, je me demandais toujours s'il allait être là, le lendemain. Mais il s'en est sorti et je l'ai adopté. Maintenant c'est l'homme de la maison. » Elle se mit à sourire en repensant à toutes ces fois où il avait grogné sur les hommes qui étaient entrés chez elle. Bon en même temps, ils se comptaient sur les doigts d'une main. Mais à chaque fois ça l'avait fait sourire. « Et mon chat, je l'ai récupéré sur le bord d'une route. Il avait été percuté par une voiture qui ne s'était pas arrêté. Je lui ai fais les premiers soins avant de l'emmener à la clinique vétérinaire. Les médecins qui se sont occupés de lui ont du lui couper une patte. Mais il s'en est sorti. C'est un petit miraculé lui aussi. Il vit avec moi depuis qu'il est sorti de la clinique. Et il s'est très bien adapté à son handicap. » Elle ne savait pas vraiment pourquoi elle racontait tout ça, à Axel. Peut-être pour lui faire comprendre que malgré certains antécédents, médicaux, l'âge, ou l'histoire d'un animal, tous méritaient un peu d'attention. Car peu importait tout ça, les animaux avaient tous chacun à leur façon, quelque chose à nous apporter.
Axel se rendit compte qu’ils s’étaient lancés dans une conversation épineuse et incontestablement bien trop personnelle pour qu’ils puissent s’épancher là-dessus durant des heures. Toutefois, il y avait un véritable décalage entre ce que semblait penser Célia de sa personne et ce qu’il lui était possible d’observer. Mais tout ceci ne le regardait en rien alors il n’insista pas… Sa remarque le fit sourire de bon cœur et de nouveau, son imagination prit le dessus. Et si effectivement, il se trouvait toujours dans la boutique de Célia, où, installé quelque part après avoir soigneusement épousseté les traînées brunâtres des antiques reliures de cuir, il se serait assoupi ? Ou peut-être était-il toujours plongé dans ses pensées tandis qu’il observait la jeune antiquaire ranger sa boutique tout en faisant mine de tourner délicatement les pages de l’ouvrage ? « Hum, c’est possible oui. De toute évidence, mon imagination s’emballe extrêmement vite lorsque je suis entouré de livres. Cela dit, je dois bien avouer que vous en seriez une remarquable héroïne. » Car de toute évidence, qui mieux que Célia pour incarner le personnage principal d’un vieux roman anglais ? A cette pensée, il serra doucement dans sa main l’ouvrage qu’elle avait si soigneusement emballé quelques minutes auparavant. Le livre relié de cuir n’avait rien de remarquable. Pour beaucoup, il serait comme des centaines d’autres livres : usé et ancien. Mais pour Axel, c’était tout autre chose. Non seulement car il savait que ce livre allait le fasciner autant pour ses origines assez floues que par son contenu, mais avant tout car il marquerait symboliquement le souvenir de sa rencontre avec Célia. Et les rencontres sont comme le vent ; certaines vous effleurent juste la peau, d’autres vous renversent… Celle-ci était tout bonnement renversante. La perspective de la revoir le samedi matin était troublante, même si tout ceci n’avait rien de personnel. Adopter un chat était une décision longuement réfléchie et Axel adorerait la compagnie d’un animal, au même titre d’Emily qui se projetait déjà « vétérinaire pour grenouilles ». Etrange, oui. « Quel genre ? Et bien… Sachez juste que je n’ai pas l’intention de choisir un chat parce qu’il est mignon, jeune et en bonne santé. Il y a une animalerie à deux pas de chez moi, pour ça. Je veux tout simplement un animal qui a besoin d’un foyer et d’une famille aimante. J’imagine qu’ils sont tous dans ce cas de figure, aussi, laissez-moi vous dire que cela n’a aucune importance… Je pars du principe que c’est lui qui va nous adopter, non l’inverse. » Axel écouta attentivement l’histoire du chat et du chien de la jeune femme, nullement surpris que l’on puisse autant s’impliquer dans la cause animale. Lui-même les aimait beaucoup. « Vous savez, j’ai partagé le quotidien d’un border collie pendant près de dix sept ans. Mon inséparable compagnon avait été abandonné en raison d’un problème d’audition alors qu’il n’était qu’un tout jeune chiot. Homer était un membre de la famille à mes yeux… J’ai toujours été particulièrement touché par cet océan de tendresse qu’il avait à donner. Je vous laisse imaginer ses réactions exacerbées lorsque je rentrais de mission après plusieurs semaines d’absence. J’adorais ce chien. A tel point que je n’ai jamais voulu en avoir un autre, sans doute par peur de souffrir autant qu’après sa disparition. Mais est-ce significatif au regard de tout le bonheur qu’ils nous apportent ? Cela dit, je vais attendre d’être un peu plus disponible avant de me lancer à nouveau… Il serait égoïste de ma part d’adopter un chien pour ne pas m’en occuper convenablement. » Non, ce n’était pas concevable un seul instant. Axel songea au refuge et esquissa un léger sourire en s’imaginant devoir choisir parmi tous ces petits pensionnaires. Le choix ne serait pas évident et il risquait fort de se sentir coupable d’en choisir un, plutôt qu’un autre. « Cela vous ennuie si Emily m’accompagne, demain ? »
Les paroles d'Axel la faisaient sourire. Elle, une héroïne ? Elle avait du mal à concevoir cette idée. Enfin, en même temps, il y avait deux sortes d'héroïne : celle des histoires d'antan et celle qui accompli un exploit. Et elle n'avait rien accompli d'exceptionnel dans sa vie. « Je n'ai rien d'une héroïne. Ma vie n'a aucun intérêt. Et je lis les exploits plutôt que d'en faire. » Elle haussa un peu les épaules. La seule chose qu'elle avait voulu de toutes ces forces dans sa vie, c'était de sauver Timothée. Et elle avait été incapable de le faire. Alors non, d'une façon ou d'une autre, elle ne méritait aucun titre et encore moins celui d'héroïne. Et à vrai dire, elle ne se trouvait pas du tout remarquable. Elle ne savait pas pourquoi elle donnait cette impression à l'ancien militaire. C'était étrange. Mais cela piquait sa curiosité. « Pourquoi ferais-je une remarquable héroïne ? » Elle voulait savoir pourquoi il pensait ça. Peut-être que les autres arrivent-ils mieux à la cerner, qu'elle ne le fait elle-même. Célia avait tendance à se déprécier sans arrêt ces dernières années. Elle avait perdu l'envie de faire briller cette étincelle dans ses yeux. Et elle se contentait de lecture ici et là. Des histoires qui la faisaient encore aujourd'hui, voyager dans d'autres époques, d'autres univers où elle pouvait s'inventer une vie parfaite. Même si la perfection était bien subjective. Mais c'était un bel échappatoire pour la jeune femme qui avait besoin ces dernières semaines, de se couper un peu des autres et de tout ce qui l'entourait. Parfois elle avait l'impression de suffoquer. Et c'était une sensation bien désagréable. Mais pour lutter contre tout ça, elle avait la chance d'avoir sa boutique, ses petites merveilles, ses livres qu'elle lisait dès qu'elle avait une minute. Et parfois, elle faisait de belles rencontres comme avec Axel. Ce qui lui permettait le temps de quelques minutes, de quelques heures parfois, d'oublier un peu tout ce qui assombrissait son existence. Aux paroles d'Axel, un autre sourire s'afficha sur les lèvres de la blonde. « Vous venez de dire tout ce que je voulais entendre. » Son sourire devenait plus doux. Célia fonctionnait aux coups de cœur. Et ces bébés, elle les choyait peu importait leur situation. Elle leur donnait toujours tout ce qu'elle pouvait leur offrir. Et surtout beaucoup d'attention, afin que chacun d'entre-eux puisse se sentir aimer, unique. « Ces trésors ont tous besoin d'une famille vous avez raison. Ils n'attendent pourtant rien de nous, mais nous offrent tellement beaucoup. » Ils n'attendaient rien en retour. Ils n'attendaient rien des hommes. Les animaux aimaient sans condition. Et c'était ce qui était beau et remarquable. « Nous essayons de donner de l'attention à chacun de nos pensionnaires. Ils sont tous débordant d'amour et je suis certaine que vous allez trouver votre bonheur. » Elle pourra faire une première sélection des chats qui seraient susceptibles de plaire aux Westlake. Certains étaient un peu plus solitaires ou farouches que d'autres, mais d'autres étaient au contraire, plus enclin à rechercher la compagnie, à demander des câlins. Célia ne doutait pas qu'Axel allait trouver le compagnon qui leur correspondait, à sa fille et lui. La jeune antiquaire l'écouta ensuite parler de son chien Homer. Elle l'écouta avec attention. Elle aussi avait toujours eu des chiens à la maison. Elle avait grandi avec eux. Ils étaient une véritable source de richesse, des compagnons de jeu parfaits. « Vous avez raison. Un chien a besoin de disponibilité. Mais c'est surtout que ce choix doit venir de vous. Quand vous serez prêt à accueillir à nouveau un chien chez vous, vous le serez. » Elle en était convaincue. Et ce n'était pas vraiment une question de disponibilité. Elle même n'avait pas choisi de tomber sur Finn ou sur Octave. Ils étaient entrés dans sa vie comme ça, du jour au lendemain. Comme sa rencontre avec Axel. Ces choses ne se planifiaient pas vraiment. Poussant toujours son vélo sur le trottoir, elle sentait une brise caressait ses bras nus. Une brise un peu plus fraiche que les autres. Elle frissonna. Puis à la question de l'ancien militaire, elle l'observa, fronçant un peu les sourcils. « Je ne sais pas. Enfin cela ne m'ennuie pas le moins du monde. Je serais même ravie de faire sa connaissance par la même occasion. C'est juste que... » Ce n'était pas vraiment ça qui l'inquiétait en fait. Parce que oui, quelque chose la tracassait. « D'après ce que vous m'avez fait comprendre, je ressemble à quelqu'un qu'elle connaît. Cela ne risque pas de la perturber ou même de la blesser ? » Ce qu'elle ne voulait pas du tout. Voilà pourquoi elle avait posé cette question.
Pourquoi ferait-elle une remarquable héroïne ? Fixant le sol un court instant, Axel esquissa un sourire qui trahissait ses pensées les plus profondes. Indéniablement, cette charmante et incroyable demoiselle n’avait pas conscience de la douceur qui émanait d’elle. Comme sortie tout droit d’un vieux roman anglais des siècles passés, Célia se trouvait à la charnière du réel et de l’imaginaire. En ses moindres détails, Axel prenait plaisir à se laisser surprendre par cette rencontre qui de toute évidence, était un véritable enchantement. Quand il reposa son regard ténébreux sur la jeune femme, ses yeux pétillaient de malice. « Vous êtes remarquable, Célia. Vous êtes quelqu’un de passionnant, de gentil, et je dois bien avouer qu’à mes yeux, vous êtes semblable à l’une de ces énigmes que l’on se plairait à résoudre tout au long d’une vie. Il y a les autres… puis il y a Célia. Je prends sûrement le risque d’être ridicule en disant toutes ces choses mais ... c’est mon explication. » La situation était à la fois étrange et on ne peut plus logique. Il n’avait pas besoin de la connaître depuis longtemps pour savoir avec certitude qu’il disait vrai. Il ne s’agissait là que de quelques évidences qui lui sautaient aux yeux depuis le début de leur conversation. C’était une bien étrange sensation que celle-ci…Un peu comme si tout avait un sens et qu’ils ne s’étaient pas rencontrés par hasard. Axel avait certainement besoin de fréquenter quelqu’un comme elle pour croire de nouveau en la bonté humaine. Célia véhiculait à elle seule toutes les valeurs qu’il admirait. Chaque fois que son regard croisait celui de la jeune femme, le monde environnant n’avait plus aucune espèce d’importance. La terre aurait pu s’écrouler, il ne s’en serait certainement pas rendu compte. Réalisant qu’il risquait fort de passer pour un détraqué, Axel fixa de nouveau le chemin devant eux, toussant légèrement pour se redonner contenance tout en espérant qu’elle ne relèverait pas ce qu’il venait de dire. Discuter des animaux était plus prudent. Ainsi, il se laissa aller à la confidence, évoquant la présence tant appréciée d’Homer au sein de sa vie et son appréhension à l’idée d’adopter un nouvel animal. Il acquiesça doucement aux remarques pertinentes de Célia, se disant que de toute manière, Emily allait certainement avoir un véritable coup de cœur pour l’une de ces adorables boule de poils et serait en mesure de décider pour eux deux du compagnon idéal. Hum… Célia était-elle seulement d’accord pour qu’il emmène sa fille ? « Je ne sais pas. Enfin cela ne m'ennuie pas le moins du monde. Je serais même ravie de faire sa connaissance par la même occasion. C'est juste que... » C’est juste que quoi ? Fronçant légèrement les sourcils en signe de questionnement, Axel observa de nouveau la jeune femme qui semblait préoccupée. « D'après ce que vous m'avez fait comprendre, je ressemble à quelqu'un qu'elle connaît. Cela ne risque pas de la perturber ou même de la blesser ? » Ah… nous y voilà. Axel s’arrêta de marcher et observa la jeune femme avec sérieux. Il ne pouvait plus lui cacher la vérité désormais. Et maintenant qu’elle se trouvait face à lui, il était contraint d’admettre que la ressemblance entre les deux femmes était saisissante. « C’est à sa mère que vous ressemblez… » Et d’une certaine manière, Axel ne restait pas totalement de marbre par rapport à cette révélation. Il n’avait pas envie que Célia imagine que l’intérêt qu’il lui portait était lié à cette troublante ressemblance, car ce n’était absolument pas le cas. « Cela va faire près de trois ans qu’Emily ne l’a pas revue alors… je ne pense pas qu’elle sera autant troublée par ce détail que j’ai pu l’être en vous apercevant. Célia je … je ne voudrais pas que vous vous fassiez de fausses idées sur mes intentions. » Non. Il n’était pas en train de faire un quelconque transfert et différenciait parfaitement Sarah de Célia. Et cette dernière l’intriguait plus que de raison. Pour ce qu’elle était, pas pour ce à quoi elle lui faisait penser par moment. Son regard glissa machinalement sur ses bras nus et instinctivement, il retira sa veste pour la déposer sur les épaules de la jeune femme. Pour tout dire, il n’y avait pas réfléchi tant ses pensées étaient préoccupées par la quête des mots justes. « Nous ne nous connaissons absolument pas vous et moi mais voyez-vous… rien que ce moment que nous passons tout les deux me paraît surréaliste. Je me sens bien avec vous… Pour ce que vous êtes, vous. Alors je vous en prie, n’allez pas croire que je ne sois pas capable de différencier le passé, du présent. »
Célia n'était pas certaine de comprendre Axel en ce qui concernait la vision qu'il avait d'elle. Elle avait l'impression qu'il lui mettait un peu trop de qualités sur le compte. Alors que la demoiselle ne se voyait qu'avec des défauts ces derniers temps. Étrange donc cette façon qu'il avait de l'observer comme si elle sortait tout droit d'un conte d'autrefois. Même si cela la flattait et lui faisait plaisir. Peut-être qu'elle n'avait plus l'habitude d'entendre des compliments. Ou peut-être était-ce le fait qu'elle s'était mise en marge des rapports humains ces derniers temps. Et que forcément, elle n'avait plus l'habitude de ces interactions. Quoiqu'il en soit, il faisait d'elle un portrait flatteur. Mais s'il la connaissait davantage peut-être que cette impression qu'il avait d'elle, allait finir par s'estomper. Parce que l'antiquaire était loin d'être remarquable. Enfin, elle ne se voyait pas ainsi. Elle fuyait les gens. Elle mentait sur ce qui s'était passé à l'hôpital. Elle blâmait sa sœur parce qu'en fin de compte cette dernière avec une vie sociale plus remplie que la sienne. Elle la jalousait peut-être d'avoir ce courage de fermer les yeux et de se laisser porter par les événements. Ce dont Célia était incapable. Elle était horrifiée par l'inconnu. La souffrance également lui faisait peur. S'attacher, ne lui avait jamais rien amené de bien. Elle avait été blessée, encore dernièrement. Alors elle s'éloignait des autres sans même s'en rendre compte. Pourtant, depuis qu'elle parlait avec Axel, les mots venaient naturellement. Et c'était la première fois que cela lui arrivait depuis des mois, voir des années. Mais elle se sentait bien avec lui. Alors qu'elle le connaissait à peine. Et c'était peut-être avec lui que sa thérapie sociale allait débuter ? Elle n'en savait rien. Mais elle se plaisait à partager ces minutes avec lui. Et elle espérait que c'était réciproque. Cela lui semblait en tout cas. Et c'était bien agréable. Elle avait oublié à quel point c'était plaisant d'être sur la même longueur d'ondes d'une personne. Autrefois, elle l'était souvent avec sa jumelle. Maintenant c'était beaucoup plus compliqué. La vie et leurs choix personnels les séparaient un peu. Des incompréhensions venaient distraire le tout une nouvelle fois. Ce qui n'était pas facile à gérer au quotidien. Mais au point où les deux femmes étaient arrivées, Célia avait peur de faire plus de mal qu'autre chose. Les hormones de sa sœur jouaient la salsa et elle n'avait pas envie de se disputer une énième fois avec elle. Mieux valait pour elles, qu'elles ne se voient pas pendant un moment. Même s'il était indéniable que Selina manquait à sa sœur. Mais elle doutait que cette dernière avait envie de la voir ces derniers temps. Célia reporta son attention sur Axel qui l'observait suite à son interrogation. Elle n'avait rien contre le fait que sa princesse vienne au refuge, c'est juste qu'elle avait compris certaines choses. Et elle n'était pas certaine que ce soit une bonne chose. Enfin, elle n'en savait rien après tout, voilà pourquoi elle avait dit ces mots. Elle voyait ensuite Axel s’arrêter dans sa marche et la jeune femme fit pareil. A sa révélation, elle ne répondit rien. Célia avait compris que c'était elle, qu'elle ressemblait. Voilà pourquoi elle avait paru un instant hésitante à accepter la venue d'Emily. Elle n'avait pas envie de faire pleurer la petite fille qui devait sans doute être chagriné par l'absence de sa mère à ses côtés. L'antiquaire fronça ensuite les sourcils aux paroles d'Axel. Elle ne s'attendait pas à ça. Pas à ce que la mère d'Emily ne l'avait pas vu depuis trois ans. Elle était même un peu chamboulée par tout ça... comment pouvait-on rester en retrait de la vie de son enfant, si jeune, pendant si longtemps ? Elle ne comprenait pas. Vraiment pas. Timothée était mort depuis bientôt quatre ans et pas un jour, encore maintenant, ne passait sans qu'elle ne pense à lui. Quand elle voyait un gamin jouer dans la rue. Une personne qui portait son prénom. Un reportage sur le zèbre, son animal préféré... Quand elle mangeait une part de tarte aux pommes à la cannelle, sa tarte préférée. C'était terrible encore maintenant. Chaque jour était une véritable lutte, contre son passé, contre la tristesse, contre l'absence et la douleur. Elle aurait tout donné, même sa vie, pour le voir encore un instant, rire et faire le pitre. « D'accord... je comprends mieux. » Répondait-elle au bout d'un instant de silence. Puis un sourire s'afficha sur ses lèvres quand il posa sa veste sur ses épaules. Elle le remercia avant de reporter ses yeux sur Axel. « Et vous n'avez pas à vous justifier pour votre réaction. Elle est tout à fait normale. Et je vous crois quand vous me dîtes que vous faîtes la différence... » Elle sentait quand même ses joues rougir par les propos d'Axel. Elle se sentait toute idiote alors qu'il avait encore le regard rivé sur elle. Elle se mit à rire doucement. « Désolée... mais je n'ai pas l'habitude qu'on me dise ce genre de choses. »
Incontestablement, Axel ne pouvait que redouter la réaction de la jeune femme. N’importe qui aurait pu imaginer qu’il n’avait pas encore fait le deuil d’un amour passé et qu’il voyait en Célia le fantôme de celle qu’il avait autrefois tant aimé, mais ce n’était absolument pas le cas. Loin de là !! Comme il venait très justement de le souligner, Axel savait parfaitement différencier le passé, du présent. Autant qu’il puisse en juger, Célia était de loin la personne la plus fascinante qu’il ait pu rencontrer au cours des derniers mois… Depuis quand n’avait-il pas pris autant de plaisir à échanger avec quelqu’un d’autre ? Autant dire une éternité. La situation était à la fois étrange et on ne peut plus logique. Etrange car il la connaissait à peine. Logique car il ressentait le besoin de lui dire tout ça. C’est donc avec une immense anxiété qu’il attendit une réaction de sa part, espérant qu’elle ne ferait pas fausse route ou ne prendrait pas peur suite à ses propos. Avec la touchante maladresse qu’était la sienne, il avait tenté de s’ouvrir à elle et bien qu’il vienne de faire un formidable pas en avant, il se tenait prêt à en faire dix en arrière si elle ne souhaitait pas entendre tout ceci. Se confier sur son ressenti ne l’avait jamais mis à l’aise… Cela le rendait presque fragile et ça ne pouvait au final qu’être dangereux et effrayant pour lui. Oui, même pour lui qui n’avait jamais peur de rien. D’ailleurs, c’était bien la première fois de sa vie qu’Axel se livrait avec autant de facilité et de franchise, un peu comme s’il avait soudainement levé un voile épais entre lui-même et le monde. Il s’agissait d’une évolution déconcertante et incompréhensible. La réponse tant redoutée arriva enfin et bizarrement, Axel se laissa électriser par une douce et fugace sensation. Elle ne le prenait pas pour fou, c’était déjà une bonne chose. « Désolée... mais je n'ai pas l'habitude qu'on me dise ce genre de choses. » Une jolie couleur rosée vint teinter son visage digne d’une poupée de porcelaine, la rendant d’autant plus adorable. « Et je n’ai pas l’habitude de dire ce genre de choses. » répliqua-t-il, légèrement amusé et décontenancé par la situation. A vrai dire, l’instant était bien trop surréaliste pour qu’il n’ose ajouter quoi que ce soit d’autre, au risque de venir rompre le charme de cet instant. « En fait… » finit-il par ajouter… c’était un maigre début mais parler avec Célia, c’était comme faire un saut dans le vide de l’inconnu. L’ancien militaire avait toujours peur de faire un faux pas qui la pousserait à prendre la fuite dans l’instant. Et maintenant qu’il commençait à gagner sa confiance, il n’avait pas le droit à l’erreur. «… je n’ai pas envie que ce moment prenne fin. Alors, on pourrait tout aussi bien rester là, à parler de la vie, de la mort, de nos rêves et de nos illusions perdues et tenter de régler toutes les grandes questions de l’univers, mais non. Je pense que ce serait une bien mauvaise idée. » Elle allait véritablement finir par croire qu’il débloquait totalement sinon. Par ailleurs, il ne savait pas ce qui dans le fond, le troublait le plus. Etait-ce de se retrouver ainsi confronté à une jeune demoiselle qui mettait tous ses sens en émoi, le fait d’avoir osé le lui faire comprendre ou bien un ensemble de tout ça ? Axel rassembla ses pensées, tâchant de former un tout plus ou moins cohérent. La conclusion semblait évidente ; Axel n’estimait pas être le genre de personne à qui quelqu’un d’aussi merveilleux qu’elle devrait s’intéresser. Il n’avait pas la moindre envie de la quitter et pourtant, il savait que tôt ou tard, il devrait s’en aller. Abandonner cette bulle de bien être dans laquelle il se trouvait totalement immergé depuis qu’il avait franchi la porte de sa charmante petite boutique. « Où et à quelle heure devons-nous vous retrouver demain ? » demanda-t-il après ces quelques révélations sans doute un peu trop osées.
Situation étrange pour tous les deux. On dirait bien que ces deux-là avaient quelques problèmes de communication en temps normal. Mais ils arrivaient à se dire des choses qu'ils ne devaient même pas confier à leur entourage. Alors pourquoi est-ce si facile quand ils étaient ensemble ? Célia elle-même ne saurait le dire. Elle se sentait bien avec Axel et elle ne cherchait pas vraiment à comprendre. En fait, elle avait tendance à tout analyser, à être réfléchie et à ne pas agir à la légère. Tourner sept fois la langue dans la bouche avant de parler, cela pourrait l'illustrer à merveille. Mais elle combattait cette façon d'être en ce moment-même. Elle ne se posait pas de question avec l'homme qui l'accompagnait. La discussion se faisait naturellement. Et cela n'avait rien de désagréable. Alors c'était ça être spontanée ? Célia pourrait s'y faire. Assurément. Enfin, avec Axel cela fonctionnait plutôt bien, même très bien. Mais peut-être aussi parce qu'ils étaient sur la même longueur d'ondes. Et que cela n'arrivait pas souvent à la jeune femme. Elle n'était pas douée avec les autres. Pourtant là, elle lui parlait sans entrave, sans chercher ce qu'elle allait lui dire. Et ça fonctionnait. C'était drôle. Combien de fois Selina lui avait dit, de foncer, de ne pas se poser de question ? Des centaines et des centaines de fois et cela n'avait pas fonctionné jusqu'à aujourd'hui. La jeune femme avait laissé ses yeux verts sur Axel alors qu'il avait reprit la parole. Ses joues s'étaient empourprées aux paroles de l'ancien militaire. Le sourire de l'antiquaire était resté posé sur ses lèvres. Apparemment, ils étaient tous les deux dans la même situation, avec les mêmes appréhensions. Ce qui rendait peut-être les choses plus simples. Puis aux mots suivant d'Axel, elle garda son regard sur lui. Il semblait hésiter dans ses mots et la jeune femme ne savait pas trop à quoi s'attendre. Et quand il parla, elle resta un instant silencieuse. Elle ne savait pas comment traduire ce qu'il venait de lui dire... Mais le plus important, c'était qu'encore une fois, ils arrivaient tous les deux à la même conclusion. Aucun d'eux n'avait vraiment envie de quitter l'autre. Elle l'observait. En temps normal, elle aurait sûrement poursuivi son chemin. Pour diverses raisons qui lui avaient déjà traversé l'esprit. Mais ces derniers jours, elle avait beaucoup travaillé sur elle-même. C'était elle qui faisait fuir les gens et non l'inverse. Elle qui jouait les inaccessibles par peur une nouvelle fois d'être blessé... Mais Duncan avait raison. Elle n'allait rien gagner à vivre ainsi, à rester ancrer dans le passé. Passé de toute façon, qu'elle ne pouvait pas changer. Si elle continuait ainsi, elle allait finir seule. Et cela lui faisait peur. Et pourtant c'était ce qui se passait ces derniers temps. Elle se sentait très seule. Elle avait des amis, des personnes sur qui elle pouvait compter. Mais c'était une autre sorte de solitude. Et cela commençait à la ronger de l'intérieur. Ce n'était pas bon pour elle, elle le savait. C'était même peut-être ça que Selina voulait lui faire comprendre quand elle lui avait dit qu'elle avait changé. Sa sœur avait raison. Elle avait changé sans le vouloir. Mais elle ne voulait pas être cette femme qu'elle voyait dans le miroir. Non. Elle aimait la vie, elle aimait les gens. Elle aimait partager, échanger. Et c'était ce qu'elle faisait depuis quelques instants avec Axel, sans même s'en rendre compte. Sans même que cela lui coûte le moindre effort. Cela venait spontanément. Alors elle n'avait finalement pas envie de faire demi tour. Pas envie que les choses s'arrêtent ainsi. « Il n'y a rien de mal à vouloir refaire le monde . » Elle haussa un peu les épaules avec une petite moue interrogative. « Et puis certains de nos rêves ne sont peut-être pas tout à fait perdues... juste retardés. » En tout cas, elle l'espérait. Célia était une rêveuse avant de se faire happer il y a trois ans. Elle croyait à son étoile. Et peut-être qu'elle était encore là. Peut-être qu'elle devait simplement lire les signes qui pouvaient apparaître sur son chemin. Peut-être qu'Axel était l'un d'eux. A la question suivante de l'ex-miliaire, elle répondit : « Je serais à la pension dès huit heures, donc vous pouvez passer quand cela vous arrange. » Elle imaginait que la petite avait envie de dormir un samedi matin. Sauf si son père ne gardait pas la surprise sur sa venue au refuge. Puis, elle hésita un instant, restant face à lui. Le vent jouait avec les mèches de ses cheveux. La jeune femme remit une mèche derrière son oreille avant de se lancer. « Ça aussi, ce n'est pas dans mes habitudes mais... Est-ce que vous accepteriez de boire un verre chez moi ? Je n'habite plus très loin. Et je n'ai rien prévu ce soir. » Elle n'avait même pas prévu le moindre repas. Mais elle pourrait préparer quelque chose si Axel était son hôte. En tout cas, elle préférait cuisiner quand elle avait des invités. Elle aimait partager ça. Puis elle ajouta : « Mais j'avais oublié que votre fille devait sûrement vous attendre. » Axel lui avait fait comprendre qu'il l'élevait seul alors il devait lui consacrer la plupart de son temps, ce qu'elle comprenait parfaitement.
Refaire le monde ? Il n’y avait rien de plus facile, bien que la présence de Célia à ses côtés ne lui donne pas la moindre envie de changer quoi que ce soit à cet instant fabuleux qu’il était en train de vivre. Quand elle évoqua leurs rêves, c’est lui se sentit gêné. Ou touché. Enfin, il ne savait plus exactement ce qu’il était en train ou même en droit de ressentir à cette minute précise. C’était un tel foutoir dans ses émotions qu’il se demandait comment il avait pu en arriver là en si peu de temps… Non, ce n’était pas bon du tout. Impassible comme à son habitude, il l’écouta tandis qu’elle évoquait sa présence au refuge le lendemain. Le lendemain… soit une éternité avant de la revoir. « Parfait. » lança-t-il, tandis que ses pensées étaient manifestement ailleurs. Rester près d’elle était une mauvaise idée. Une très mauvaise idée. Célia lui inspirait des émotions qu’il n’était clairement pas en droit d’éprouver à cet instant précis et d’ailleurs, Axel faisait tout son possible pour mettre son cerveau en stand-by, ce qui était loin d’être facile au regard de la situation actuelle. « Ça aussi, ce n'est pas dans mes habitudes mais... Est-ce que vous accepteriez de boire un verre chez moi ? Je n'habite plus très loin. Et je n'ai rien prévu ce soir. » Axel l’observa attentivement, la dévisageant avec l’attention fascinée d’un artiste devant sa plus belle œuvre. Dieu sait qu’il avait envie d’accepter sa proposition ! Mais non, ce ne serait pas raisonnable. « Mais j'avais oublié que votre fille devait sûrement vous attendre. » Aussi, oui. Mais c’est surtout qu’il devait aller travailler. Après quelques secondes d’hésitation, Axel s’empara le plus délicatement du monde de la main de la jeune femme qu’il caressa doucement dans la sienne. Elle n’aurait eu qu’un seul mot à dire pour qu’il arrête dans la seconde, la mettre mal à l’aise ne faisait nullement partie de ses intentions. Il aurait aimé être capable de lire dans ses pensées et de découvrir ce qu’elle cachait au fond de son cœur. Il était certain que Célia était un océan de secrets. Le visage d’Axel se détendit et il plongea son regard dans celui de la jeune femme, vraisemblablement troublé par l’étrangeté de la situation. Et c’est à peine s’il osait respirer de peur de rompre cette sorte de magie les entourant. Ils étaient désormais seuls au monde et, pour la première fois depuis un lustre, sa gêne ne dura pas.« Célia… je ne sais pas pourquoi tout me paraît tellement plus simple quand vous vous tenez près de moi et je n’ai d’ailleurs pas la moindre envie de le comprendre. Parfois, il convient de ne pas chercher à donner un sens aux évènements. Croyez bien que j’adorerais rester avec vous et ne plus jamais vous quitter mais… ce ne serait pas raisonnable. » L’espace d’une fraction de seconde, son regard ténébreux se promena sur les lèvres rosées de la jeune femme. Non, ce ne serait vraiment pas raisonnable. Aussi louables que soient les intentions de la jeune femme, elle le troublait beaucoup trop. « Si je devais me montrer honnête avec vous, là, tout de suite, vous prendriez la fuite dans la seconde. » plaisanta-t-il légèrement, faisant allusion à cette idée presque obsessionnelle de découvrir quel goût pouvaient avoir ses jolies lèvres. MERDE AXEL !! Il relâcha doucement la main de la jeune femme, mettant un terme à ce simple contact entre eux. C’est clair, elle allait finir par penser qu’il était complètement frappé alors que c’était bien la première fois de sa vie qu’il agissait ainsi. « Cela dit, il me tarde déjà de vous revoir… bien plus que vous ne pouvez l’imaginer. » dicta-t-il plus doucement. De toute évidence, sa rencontre avec Célia allait faire office de douce rengaine tout au long de sa soirée. La seule chose qu’il craignait dans tout ça ? Se réveiller et découvrir qu’elle n’était que le fruit de son imagination. Après un temps, il sortit une carte de son portefeuille et la lui tendit. « Tenez, ce sont mes coordonnées. Si jamais vous souhaitez me joindre d’ici demain… Hum… en cas d’annulation je veux dire. » Ouiiii bien suuuuur !!! L’ironie de la chose ; il venait de lui tendre une carte sur laquelle figurait le nom de son club. Il ne réalisa qu’après coup… et merde. « Et c’est là que je commence à vous décevoir, j’imagine… Ma reconversion professionnelle est pour le moins déroutante, je sais. »
La jeune femme marchait en terrain inconnu. Et elle appréhendait un peu. Parce qu'elle n'avait pas l'habitude de ça. Sa sœur était plus douée qu'elle ne le sera jamais. Célia, avait besoin de temps pour faire certaines choses. Mais voilà, ces dernières conversations lui avaient appris qu'elle ne devait plus avoir peur d'avancer. Parce que sinon, elle allait finir par passer à côté de sa vie. Et ça, elle ne le voulait pas. La solitude n'était pas une compagne de tous les jours. L'antiquaire n'en voulait pas. Elle aimait avoir quelques moments pour elle. Mais elle ne voulait pas qu'elle prenne toute la place dans sa vie. Alors si elle ne voulait pas finir ses vieux jours seule, elle devait se bouger un peu et écouter son cœur. Même si cela la paniquait totalement. La jeune femme avait pris son courage à deux mains et avait proposé à Axel de boire un verre chez elle. Mais vraiment boire un verre. Elle ne cherchait pas autre chose pour l'instant. Elle avait juste envie d'en savoir un peu plus sur lui. De le connaître encore un peu mieux. A sa proposition, elle vit le visage de l'ancien militaire se fixer sur elle. Elle sentait alors son cœur battre la chamade. Elle n'était pas douée, mais vraiment pas. Et elle se demandait si elle avait dit quelque chose d'incorrect ou si elle avait mal formulé les choses. Elle aurait peut-être du lui proposer un diner, histoire de ne pas engager trop les choses. Parce que ce n'était pas le but au final. Et Célia se sentait rougir en se rendant compte qu'il pourrait croire qu'elle était entrain de lui faire des avances. Est-ce qu'elle était entrain de lui en faire ? Elle ne savait même plus. Bien sûr qu'il était charmant mais ça il devait le savoir. Il devait avoir du succès, elle n'en doutait pas. Célia appréciait son accent, ses bonnes manières, cette chemise près du corps qu'il portait à merveille. Où avait-elle mit les pieds ? Cela faisait trop longtemps qu'elle était célibataire. Elle avait oublié ce qu'il fallait faire. Elle reposa ses yeux verts sur Axel quand il s'empara de sa main. Elle ne fit rien contre ce geste parce qu'elle était trop occupée à l'écouter parler. Sa proposition n'était pas raisonnable d'après lui. Et sur le coup, elle fut un peu déçue par sa réponse. Elle comprenait de plus en plus où Axel voulait en venir. Et elle se sentait alors vraiment gênée. Elle se mordilla légèrement la lèvre. Elle gardait ses yeux dans les siens. Elle commençait à se détendre un peu. Ils étaient sur la même longueur d'ondes même si pour Célia, c'était plus compliqué à avouer. « Qui vous dit que j'aurais envie de prendre la fuite ? » Elle appuya sur le sous-entendu tout en gardant ses yeux verts dans ceux de l'ancien militaire. « Mais vous avez raison, c'est peut-être plus raisonnable. » Elle en était moins sure mais elle ne voulait pas précipiter les choses. Ce n'était pas son genre. Axel lâcha sa main alors qu'une nouvelle brise faisait voleter les cheveux de la jeune femme. Il avait déjà hâte de la revoir ? Alors pourquoi partait-il ? Elle comprit pourquoi quand il lui donna une carte de visite. Elle observa le nom calligraphié d'Axel au dessus d'un numéro de téléphone. Puis quand elle retourna la carte, elle découvrit un logo de club. Le sien donc... Célia ne savait pas qu'il était propriétaire d'un club. Cette révélation la surprenait sans toutefois la choquer. Elle releva son visage sur l'ancien militaire gardant toujours la carte entre ses doigts. Elle vit la gêne sur le visage d'Axel. Un fin sourire s'afficha sur les lèvres de Célia. « Pas tant que ça... » Elle rangea la carte dans son sac qu'elle portait en bandoulière. Puis elle ajouta en l'observant à nouveau. « Je n'ai pas toujours été antiquaire. Je le suis depuis trois ans seulement. » Elle haussa doucement les épaules. Il était bien la première personne à qui la jeune femme l'avouer. En général, elle ne parlait jamais de sa vie d'avant... Parce que cela faisait ressurgir ses démons d'antan. D'ailleurs son sourire était devenu plus triste quand elle songea à cette autre vie qui ne semblait même plus avoir été la sienne. Elle chassa ses pensées en reposant son attention sur Axel. « Encore un point commun. » Elle frissonna un peu et elle ferma un instant les yeux. Puis elle retira doucement la veste qu'Axel avait mis sur ses épaules. « Je ne voudrais pas vous accaparez encore plus que je ne le fais déjà. » Elle lui tendait la veste tout en ajoutant : « Merci. J'ai apprécié cette balade. »
Il n’y avait eu aucune mauvaise interprétation de la proposition de Célia, juste une certaine crainte de commettre un faux pas. Comme il venait de le lui faire comprendre, ce ne serait pas raisonnable. Cela faisait une éternité qu’Axel ne s’était pas retrouvé dans une pareille situation et autant dire qu’il n’était pas totalement certain de l’attitude à avoir. Décliner son invitation était probablement la meilleure chose à faire. Finalement, ils se ressemblaient bien plus qu’ils ne l’imaginaient et dans le fond, c’était sans doute cette proximité qui rendait la situation tellement confuse. Sans compter que certaines évidences sont parfois bien trop difficiles à admettre. « Qui vous dit que j'aurais envie de prendre la fuite ? » Un léger sourire se dessina sur ses lèvres masculines tandis qu’il était le premier à détourner le regard. Décevoir Célia n’était pas dans ses intentions et pourtant, c’est ce qu’il eut l’impression de faire à deux reprises : tout d’abord en lui faisant comprendre qu’il était plus prudent de mettre un terme à leur soirée et d’autre part, en lui dévoilant une partie de sa vie qu’il n’avait pas encore eu l’occasion d’évoquer. « Je n'ai pas toujours été antiquaire. Je le suis depuis trois ans seulement. » Son esprit semblait s’être soudainement dispersé et éloigné de la conversation pour se replonger dans des souvenirs lointains. Axel fronça les sourcils, curieux et intrigué par cette réaction. Célia était une jeune demoiselle décidément bien mystérieuse et il n’était pas difficile de comprendre que la vie n’avait pas été rose tous les jours pour elle et qu’elle avait certainement dû traverser des épreuves peu enviables. Lui offrant un sourire compréhensif en retour, il se contenta de hocher la tête, lui faisant comprendre que si un jour elle ressentait le besoin de lui expliquer tout ça, il serait là. « Nous avons tous notre histoire, notre passé et il n’est pas toujours facile de combattre nos vieux démons. Il faut apprendre à vivre avec… » déclara-t-il en connaissance de cause. Encore un point commun, en effet. Son sourire ne tarda pas à se faire plus doux et il reprit la parole avec une certaine tendresse dans la voix. « Peut-être que je vous expliquerai tout ça un jour ... » Et allez savoir pourquoi, il était certain que tôt ou tard elle deviendrait détentrice de ses moindres secrets ...« Je ne voudrais pas vous accaparez encore plus que je ne le fais déjà. Merci. J'ai apprécié cette balade. » Le sentiment était réciproque, même si cette promenade avait un véritable goût de trop peu. Axel s’empara de la veste qu’elle lui tendait sans la quitter du regard un seul instant. Qui était-elle exactement ? Pourquoi diable le mettait-elle dans un état pareil ? « Vous n’accaparez pas mon temps Célia, en réalité ce serait plutôt tout l’inverse. C’est à moi de vous remercier pour ce merveilleux moment. Croyez bien que j’adorerais refaire le monde à vos côtés mais ce n’est que partie remise…» Il esquissa un léger sourire, espérant de tout cœur que le lendemain arriverait à grande vitesse. De nouveau, il s’empara de la main de la jeune femme afin d’y déposer un léger baiser. « Bonne nuit Célia…»
Autant dire que la nuit fut particulièrement longue pour Axel. Allongé dans son lit, le militaire se tournait et se retournait tout en songeant à cette extraordinaire mais non moins surréaliste rencontre. Depuis qu’il avait quitté Célia, mille et une questions traversaient son esprit, l’empêchant de penser avec discernement. Par moment, il regrettait d’avoir refusé sa proposition puis la seconde suivante, il réalisait que c’était sans aucun doute la meilleure décision à prendre. Le temps semblait s’étirer en d’interminables secondes qui le séparaient de Célia. Car de toute évidence, il avait la ferme intention de se rentre au refuge le lendemain, non seulement pour satisfaire la demande d’Emily, mais avant tout pour revoir cette incroyable demoiselle qui occupait chacune de ses pensées.
LE LENDEMAIN, AU REFUGE.
« Whaou… » Axel baissa le regard vers son adorable fillette de cinq ans. De sa petite main, Emily serrait celle de son père tout en se dandinant sur elle-même tandis qu’elle observait Célia. La jolie petite poupée semblait totalement sous le charme de leur ôte, non seulement car c’est elle qui s’occupait de tout ces animaux, mais surtout car elle la trouvait incroyablement jolie. Un chien se tenait près de Célia, ce qui ne manqua pas de capter l’attention de la mini puce. «Est-ce que je peux le caresser ton chien ? Il est troop beau et il a l’air trooop gentil. En plus il est marrant. Il s’appelle comment ? Moi je m’appelle Emily. Tu sais que j’adore les animaux moi aussi ? Les chiens surtout !! Moi j’ai envie d’en avoir un mais papa il est pas trop trop d’accord. Il est à toi ? Moi je vais avoir un chat ; j’adore les chats aussi. Tu les soignes ? Moi j’ai envie d’être vétérinaire mais pour les grenouilles. J’aime bien les grenouilles. J’en ai tout plein en peluches, je te les montrera si tu veux. » Oui, elle parlait beaucoup. Vraiment beaucoup. Doucement, elle tendit la main en direction du chien, d’abord d’un geste mal assuré avant de s’apercevoir qu’elle n’avait rien à craindre. Elle se mit même à genoux devant l’animal afin de mieux profiter de ses câlins. Un adorable sourire ponctuait son visage enfantin et elle pencha légèrement la tête sur le côté avant de reprendre la parole. « Dis, est-ce que t’es une princesse ? Même que moi, j’suis sure que oui !! Et tu sais, moi j’m’y connais bien en princesses. Ah oui hein !! Tu peux demander à papa, je connais toutes leurs histoires. Et même que toi, bah tu leur ressembles. Pas vrai papa ? » Emily avait une petite voix douce et calme. Elle leva son regard en direction de son père, attendant certainement qu’il approuve tout ce qu’elle venait de dire. Comme il acquiesça, elle esquissa un sourire mutin et ajouta ensuite : « P’pa ?! Moi j’suis sure qu’en fait, bah c’est elle ta princesse. » Pris de court, Axel entrouvrit la bouche pour lui répondre mais jugea finalement qu’il était préférable de ne pas se lancer dans ce genre de conversation pour le moment. Emily était dans sa période princes et princesses. Et puisque son père était à ses yeux le plus beau, le plus gentil et le plus intelligent de tous les princes, il n’y avait pas de raison pour qu’il ne puisse trouver la princesse de ses rêves. « Emy, si tu commençais par aller dire bonjour à tous les gentils animaux qui vivent ici, hum ? Il y en a surement un qui serait heureux de rentrer à la maison avec nous… » La petite fille acquiesça et sans plus attendre, s’approcha des autres animaux, laissant Axel avec Célia. D’abord mal à l’aise, il esquissa un petit sourire puis se lança : « Je suis navré, Emily est vraiment bavarde. Si vous la laissez faire, elle est capable de vous faire la conversation durant des heures. » S’il pensait que la nuit avait apaisé ses émotions, Axel faisait totalement fausse route !! Voir Célia devant lui était en train de raviver tout ce qu’il avait ressenti la nuit précédente, au cours de leur promenade. « Je suis ravi de vous revoir…»
Ils semblaient se ressembler sur bien plus de points qu'ils ne le pensaient tous les deux. Et effectivement, c'était sûrement ça qui les mettait dans une situation délicate. Célia n'avait plus l'habitude de tout ça. Le dernier rencard qu'elle avait eu, remontait à quelques mois et c'était une vengeance de sa chère jumelle qui lui avait envoyé son meilleur ami... Mais finalement, elle avait passé une bonne soirée avec lui. Sauf que cela n'avait rien eu à voir avec un vrai rendez-vous. Enzo et elle, avaient été amis à une époque. Quand ce dernier venait chez elle pour se faire soigner après des interventions qui s'étaient mal passées. Elle avait été toujours là, sauf après ce qui s'était passé avec Timothée. Enzo ne l'avait pas compris et il avait coupé les ponts. Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Mais tout cela soulignait le fait qu'elle n'avait pas l'habitude de ce genre de duo. Et que cela la mettait mal à l'aise quant à la façon de se comporter. Ce qui était étrange pour Célia qui avait toujours fait preuve de beaucoup de sang froid avec son métier. Ici c'était totalement différent. Et elle avait l'impression de devoir tout réapprendre. Mais en fin de compte ce n'était pas si grave que ça. C'était bien de reprendre les choses à leur origine. De toute façon, elle n'avait pas vraiment le choix. Alors elle allait de l'avant. Axel était arrivé au bon moment. Enfin elle le croyait. Elle n'était plus sûre quand elle le voyait détourner son regard. Que tout ceci était compliqué en fin de compte. Elle le laissa partir, l'observant un instant redescendre l'avenue qu'ils venaient de monter tous les deux. Puis elle regagna sa villa. Finn était là pour l'accueillir. Cette nuit-là, elle repensa à sa rencontre avec Axel. Une autre femme aurait peut-être recherché des informations sur lui, via internet. Ce qu'elle n'avait pas fait. Non, elle avait passé une bonne partie de la nuit à sélectionner les petits minets qui pourraient faire craquer la petite. Célia ne s'endormit que tôt au matin, l'esprit toujours aussi chamboulé.
Le lendemain, elle se réveilla de bonne heure. Il était presque six heures quand elle quitta la villa. Elle se dirigea vers la plage, le berger australien à ses côtés. Pendant de longues minutes, elle fit un peu de surf. C'était son moment à elle. Profiter de la plage, de la mer, seule et faire un peu d'exercice. Puis elle s'était installée sur le sable pour faire un peu de yoga. Ce genre de début de matinée, elle les appréciait toujours autant. Puis elle regagna la pension. Elle retrouvait Stella qui s'occupait de l'endroit. La première employée du refuge. La femme d'une cinquantaine d'années, adorait les animaux. Mais habitant en appartement, elle ne pouvait pas recueillir tous les égarés qui croisaient son chemin. Ici, elle était au paradis, selon ses dires. Et puis Célia et elle s'entendaient bien. Que pouvait-elle demander de plus ? Elle s'occupait de nourrir les animaux avec Stella puis elle ouvrit les enclos des chiens pour qu'ils puissent se promener. Quant aux chats, ils avaient droit à un grand espace grillagé. Il était aménagé avec des petits coins de détente, comportant des paniers, des hamacs et un coin de jeux où ils pouvaient s'amuser avec des arbres à chats, des parcours etc. Tout n'était pas encore terminé. Parce que la pension n'était pas officiellement ouverte. Mais pour l'instant, les animaux ne manquaient de rien. Célia voulait faire encore quelques aménagements mais elle devait consulter son associé pour avoir ses idées et ses impressions. Bref, le temps passa vite, parce qu'elle se trouvait à l'infirmerie quand Stella vint lui dire que ses invités étaient là. Elle laissa la petite pensionnaire dont elle s'occupait à Stella et à Ron, un soigneur qui venait ici bénévolement quand elle en avait besoin. Elle se lava les mains puis elle jeta un œil à son reflet dans le miroir de la salle d'eau. Elle avait coiffé ses longs cheveux en une queue de cheval. Ses joues étaient rosés par l'air frais. Célia avait mis une salopette short, sous laquelle elle portait un débardeur bleu. Il faisait trop chaud pour s'habillait plus chaudement. Une fois ses mains propres, elle alla retrouver ses visiteurs du jour.
« Bien sûr. Il s'appelle Finn et il adore les câlins. » Célia ne quittait pas Emily des yeux. Elle ne pouvait s'empêcher de sourire en entendant le flot de paroles qui sortait de sa petite bouche. Elle était vraiment adorable. Finn bien sûr, se laissa câliner. Il en redemandait même en donnant la patte à la petite fille. Ce qui amusait également l'antiquaire. Emily était pleine de vie et c'était un plaisir de l'avoir à ses côtés. Elle avait une imagination débordante. Quant aux histoires de princesses, elle ne doutait pas que l'enfant puisse les connaître par cœur. Célia jeta d'ailleurs un coup d’œil à Axel qui semblait encore une fois mal à l'aise. Était-ce elle qui le mettait mal à l'aise ? Célia laissa la petite Westlake partir à la recherche du chat de ses rêves. Elle avait le choix ici, il y avait de tout. Des roux, des bicolore, des écailles de tortue, des noirs, des blancs. Comme l'avait si bien dit l'ancien militaire, c'était le chat de toute façon qui allait venir vers elle. En tout cas, Célia l'espérait. Elle espérait qu'elle découvre son nouveau pensionnaire aujourd'hui. Et qu'elle fasse par la même occasion le bonheur de l'un de ses protégés. Finn les quitta pour suivre la petite, ravi de s'être fait une nouvelle amie. Célia esquissa un sourire en les voyant tous les deux. Aux paroles d'Axel, elle posa ses yeux verts sur lui. « Ne vous excusez pas pour elle. Elle est en pleine forme et ça fait plaisir à voir. C'est une enfant très agréable. » Oh que oui et elle respirait la joie de vivre. Joie contagieuse quand on voyait le sourire de l'antiquaire. Puis Axel reprit la parole. « Vraiment ? » demanda la jeune femme. Un fin sourire s'afficha sur les lèvres de cette dernière alors qu'elle reposa son attention sur la petite qui caressait tous les chats qui passaient à portée de ses petites mains.
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