I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
J’avais été agréablement surpris de tomber sur la conversion de ce groupe d’adolescents s'échappant d'une porte ouverte au détour d'un couloir. Ils manquent de discrétion, pour le coup, mais l'intention est adorable. Des enfants qui veulent se montrer et donner de leur personne le font parce qu'ils se sentent bien, qu'ils veulent le montrer, mais aussi par reconnaissance vis à vis de ceux qui les entourent et les rendent heureux. C’est leur cadeau pour Joanne et tout le personnel je pense, mais aussi, au fond, un petit bout d’eux qu'ils offrent à tous ceux qui partagent leur quotidien tous les jours. La preuve que cette petit communauté vit ensemble en harmonie, malgré la mort de l'un des leurs. Je ne doute pas qu'une fois hors de l'encadrement de la fondation, certains resteront amis et garderont le contact à l'extérieur. Peut-être y aurait-il des amitiés pour la vie. Après tout, qui mieux qu'un pensionnaire pour comprendre un autre pensionnaire ? Quoi qu'il en soit, ils partagent et nourrissent ensemble l’esprit des fêtes, et cela est des plus beaux à voir. Je pense que nous récolterons quelques larmes des joues de Joanne. C’est un peu le fruit de son travail. “Je suppose que ça montre que les cours d'art seront bien accueillis par la suite.” j’ajoute. Il y a de la fibre artistique entre ces murs et des talents qui ne demandent certainement qu'à être encouragés. Des vocations à faire naître, oui. Comme le petit Charlie qui s'intéresse au piano malgré sa surdité. Il me rappelle que nous avons de la chance d'avoir un garçon en parfaite santé. Lui aussi aime pianoter et crayonner, il développe son caractère. Il met sa mère à rude épreuve, mais il comprendra qu'un parent ne va pas sans l'autre, séparés ou non, et qu'il doit respecter l'amour qui lui est donné. “Je sais qu'il ne m’en voudra pas vraiment. Sur le moment peut-être, et ça passera, mais ce n'est pas grave.” Ce n’est pas quelque chose qui m'atteint, cela fait partie du travail de parent, on ne plait pas toujours à son propre enfant. Sur le moment, gronder, punir, ce n'est pas facile. Mais une fois que l’on se dit que l’on a fait ce qu'il fallait faire pour le bien du petit, la culpabilité des pleurs et des cris passe. Heureusement, Joanne et moi sommes souvent sur la même longueur d'ondes en matière d'éducation, et ce n’est pas un terrain sur lequel nous nous prendrons souvent le bec, Daniel n’ayant donc pas à souffrir d'indications contraires à appliquer face à l'un ou l'autre. L’adolescence posera peut-être plus de problèmes mais nous n'y sommes pas encore. Peu après avoir attaqué nos assiettes, je fais part à la jeune femme de mon inquiétude à l'idée qu'elle décide de s'installer définitivement à Londres pour la fondation. Il me faudrait alors les suivre, elle et Daniel, pour ne pas être complètement hors de portée de celui-ci. Elle m'assure qu'il n’est pas question de rester, qu'elle ne m'ôtera pas notre garçon de cette manière. Je baisse un peu les yeux, avec un léger sourire ; je sais, c'était idiot d'en douter. Peut-être que la prochaine fois que Joanne souhaitera venir à Londres, il me sera permis de le garder avec moi. Ce qui pourrait me faire plaisir comme hypothèse si la petite blonde ne s'était qualifiée de parasite -en se permettant de poser une main sur ma joue. “Arrête, Joanne.Si c'est comme ça que tu parles de toi-même, ne t'étonne pas qu'il te rejette.” Pourquoi voudrait-il de quelque chose d'aussi négatif ? Qu'elle y réfléchisse. Et qu'elle retire cette main de mon visage, bon dieu. Pourquoi se permet-elle un pareil geste de tendresse ? Ais-je laissé croire qu'elle en avait le droit ? Mince, est-ce qu'il n’est pas possible d'avoir une conversation normale sans geste déplacé de la sorte ? La situation ne permet plus pareilles attentions. Je l'ignore en prenant une gorgée de vin, ce qui détourne mon regard du sien. Ce genre de regard ne devrait plus exister non plus. “C’est son premier Noël, je pense que c'était important que nous soyons là tous les deux.” dis-je avec un certain détachement, même si je pense mes paroles -elle doit au moins comprendre que son comportement m'éloigne au lieu de me rapprocher. À chaque pas en avant qu'elle fera vers moi, j’en effectuerai un en arrière. Jusqu'à ce que plus personne ne bouge. Enfin Joanne reprend son déjeuner, et moi le mien. J'efface ce bout de conversation de ma tête avant de répondre à sa question ; “Hm, non. Celle de Logan City s’est vendue en un rien de temps, mais l’autre est toujours sur le marché. Le problème c’est qu'elle a gagné de la valeur dans une région qui n'en a pas vraiment, et tous ceux qui pourraient avoir les moyens de se l'offrir ne cherchent pas forcément dans cette zone. Le truc c'est que je n'ai pas envie de la brader pour autant, alors il faudra être patient.” Je prends une gorgée de vin pour faire passer le plat avant d'entamer le dessert. “Et à vrai dire, ça ne me dérange pas vraiment d'attendre. C'est… bizarre, de vendre le lieu où nous aurions pu nous marier.” c'est comme se débarrasser de bibelots entassés avec les années : ils n'ont plus d'utilité, s'ils en ont eu un jour, néanmoins la valeur sentimentale rend difficile de s'en séparer. Il faut encore un peu de temps avant de tirer une croix dessus définitivement. C'est tout ce qu'il reste. Je suppose qu'une fois la maison vendue, c'est le cordon qui sera coupé. Le repas terminé, je m'occupe de tout débarrasser et mettre la vaisselle sur le chariot. “Couvre-toi, on va se balader. Ce n'est pas tous les jours que tu vois de la neige, autant en profiter.”
crackle bones
Dernière édition par Jamie Keynes le Mar 13 Déc 2016 - 15:50, édité 1 fois
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
"J'exagérais, c'était ironique." lui rétorqua-t-elle immédiatement. "Mais je me doute bien que tous les deux, vous adoreriez aussi avoir des moments juste entre vous, sans que j'ai à tournoyer autour parce que c'est ce que la justice veut." Elle se sentait de trop dans ces moments-là, car elle avait toujours voulu mettre en avant la relation entre père et fils, et ce n'était plus possible depuis de nombreuses semaines désormais. Elle avait tout autant hâte que lui qu'il obtienne la garde de Daniel, afin qu'ils puissent tous les deux renforcer ce lien unique qui les unissait. Une fois de plus, elle avait gaffé. Elle voyait bien que Jamie était quasiment offusqué de cette main qu'elle avait tout naturellement porté sur sa joue. Comme une sorte de réflexe incongru qui avait refait surface. Elle faisait la même chose à Hassan, mais il ne faisait pas des expressions aussi neutres qu'accusatrices pour lui demander d'arrêter ce qu'elle était en train de faire. Alors que son geste n'avait pas été très long, en soi. Alors il ne préférait plus la regarder, rester dans une totale indifférence pour finir tranquillement son repas. Joanne était effarée de la manière dont il parlait de l'importance de passer Noël en famille. Comme si c'était une phrase toute montée, sans qu'il y mette du sien. Cela laissait même croire qu'il n'en avait rien à faire, que ça ne le concernait pas, qu'il ne pensait absolument pas ce qu'il était en train de dire. Et il reprenait, comme si de rien n'était, la conversation là où elle s'était arrêtée. Sans surprise, celle de Logan City était déjà vendue, mais pas l'autre. Joanne ne devrait plus se sentir concernée, c'était lui qui avait tout payé à chaque fois. C'était lui qui devait se montrer patient, pas elle. La jeune femme était d'autant plus surprise qu'il ait un tel attachement à ce qui était leur maison de campagne parce qu'ils étaient sensé s'y marier le mois d'avant. Alors qu'il venait à peine d'ignorer le moindre petit geste d'affection de la jeune femme. Elle ne le comprenait décidément pas. Néanmoins, elle avait senti sa gorge se serrer lorsqu'il en parlait. C'était lui qui avait annulé le mariage, et le voilà pris d'un élan de nostalgie. Elle resta longuement silencieuse avant de reprendre la parole, tout bas. "Mais il n'y a pas eu de mariage." Ils en avaient rêvé, énormément, même. Ils en avaient été si proches. Joanne fut prise de court par ses émotions, se remémorant soudainement la souffrance et la peine qu'elle avait ressenti lorsqu'il avait retiré la bague devant ses yeux, et le jour où il voulait rompre avec elle. Toujours à fleur de peau, cette douleur la frappait de plein fouet sans qu'elle ne s'y attende. Elle prit une profonde inspiration. "Dis toi qu'il n'y aura plus rien pour te rappeler que nous aurions pu nous y marier une fois que tu l'auras vendu." répondit-elle la voix tremblante. C'était ce qu'il voulait, après tout, non ? Tirer un trait sur leur relation. Il le montrait depuis le début, qu'il n'en voulait plus, alors pourquoi se torturait-il l'esprit en ayant un quelconque attachement pour cette fichue maison ? Joanne, elle, préférait ne plus entendre parler, ni même la voir en photo, craignant trop que cela fasse resurgir cette profonde tristesse. Elle essuya rapidement le bord de ses yeux pour y essuyer des larmes qui menaçaient de couler le long de ses joues. Elle se maudissait de ne pas être capable de faire cicatriser cette plaie encore bien béante. Jamie lui dit alors qu'ils comptaient se balader, laissant encore sous-entendre qu'elle n'avait pas le choix. "Non, je n'en ai pas envie." répondit-elle. Ca faisait trois semaines qu'elle voyait de la neige et qu'elle en profiter en faisant des promenades avec Daniel ou en jouant avec les pensionnaires. "J'ai d'autres choses à faire." dit-elle en se levant. "Mais vas-y, les enfants adoreront jouer avec toi. A tout à l'heure." Elle lui adressa à peine un regard avant de quitter son propre bureau, n'ayant aucune envie de fondre une nouvelle fois en larmes devant lui. Joanne ne comptait pas s'acharner sur une quelconque tâche. Tout ce qu'elle voulait, c'était voir Daniel. Même si celui-ci dormait paisiblement dans une pièce à part. Elle croisa les assistantes maternelles qui faisaient un peu de rangement dans la pièce principale. La jeune maman entra discrètement dans la petite chambre. Elle le regarda longuement, lui chuchotant tout bas d'innombrables mots d'amour. Il y avait un fauteuil dans la pièce dans lequel elle s'installa, les yeux toujours rivés sur lui. Le calme et la sérénité dans cette pièce l'aidèrent à s'endormir sans soucis, s'octroyant ainsi une petite sieste également. Ce fut Daniel qui la réveilla quelques temps plus tard en l'appelant à sa propre façon tout en ayant sa tétine en bouche. Il avait les yeux bien humides lorsqu'elle se leva pour s'approcher de lui, et il lui tendit immédiatement les bras. A peine porté, il se colla immédiatement à elle -bien que ce soit un peu plus compliqué avec la turbulette-, et la câlina longuement. "Oh, mon chéri..." dit-elle tout bas en l'étreignant également, grandement soulagée, profitant de ce moment de tendresse avec son fils dans la pénombre. "Tu sais que je t'aime très fort, hein ? Peut-être que tu me reproches d'avoir été si longtemps si loin de papa, mais ce n'est pas une raison de me rendre si triste, si ?" dit-elle tout bas en lui caressant la base de son crâne. "Je crois que la punition de papa a été efficace." Il restait ventousé à elle pendant de longues minutes, ne voulant même pas la laisser retirer sa turbulette. Joanne le prit avec elle, pour le faire goûter et prolonger la séance câlin dans son bureau. Elle s'était installée dans son fauteuil, à lui chanter des chansons, à lui parler. Parfois, il lui répondait par quelques syllabes. Elle avait l'impression qu'il avalait chacun de ses mots. "Et je vais te mettre de beaux vêtements pour tout à l'heure, ça fera plaisir à papa de te voir beau comme tout." Enfin, Joanne put croiser ses yeux bleus, parce qu'il s'était un peu détaché d'elle pour la regarder. Mais il aimait bien reposer sa tête contre son torse. A ce moment-là, Jamie entrait dans le bureau - dieu sait ce qu'il voulait y faire. Daniel le regarda d'abord avec une certaine appréhension, mais il finit par lui sourire.
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Il faudra suffit d’un geste déplacé, d’un mot au sujet du mariage, et voilà que toute la légèreté qui s’était tant donné de mal afin de se faire une place dans l’atmosphère se trouve complètement balayée, remplacée par le pire des malaises. Non, il n’y a pas eu de mariage, nous le savons tous les deux, à quoi bon le dire tout haut, si ce n’est que pour se faire un peu plus de mal ? Je ne prends même pas la peine de répondre à la petite blonde qui, le regard bien bas et d’ne agaçante mélancolie, me fait remarquer qu’après la vente je n’aurai plus à y penser. Les choses ne marchent pas de cette manière. Je n’oublierai pas. Je soupire, et cela en dit déjà long. Les murmures défaitistes qu’elle a toujours été capable d’articuler, les pensées ne visant qu’à tourner le couteau dans la plaie, m’ont toujours fait perdre patience. Il est difficile d’être seul à faire tenir la tête de deux personnes hors de l’eau. Elle ne comprend pas que je n’ai pas pris les décisions que j’ai prises de gaieté de cœur. Cela ne me remplit pas de joie de me débarrasser d’une maison qui aurait dû nous accompagner toute notre vie. Mais qu’importe, je ne suis pas à une personne près me prenant pour le monstre ou la terreur que je ne suis pas. Joanne refuse de m’accompagner dehors, je lève les yeux au ciel. Fort bien. « Souviens-toi de ce que je t’ai dit Joanne. C’est noël, alors décroche. » je lui lance d’un ton las, la main sur la poignée, avant d’appuyer dessus et disparaître dans le couloir en refermant le bureau derrière moi. Ce que compte faire Joanne à partir de là ne me concerne plus. Pour ma part, je passe par mon propre bureau afin de me couvrir d’un épais manteau, d’une écharpe et de gants, comptant bien me rendre dans le grand terrain de la propriété afin de prendre l’air avec les pensionnaires qui s’y trouvent. Je supervise un concours de bonhomme de neige improvisé avec quelques petits. Les adolescents me donnent plus de mal. Je ne parviens pas à m’y intéresser aussi naturellement, à trouver quoi leur dire. Mon psy trouverait sûrement une montagne de bonnes raisons à ce blocage, toutes en rapport avec Oliver. Sûrement n’ai-je pas eu l’expérience d’une adolescence normale qui puisse me permettre de les aborder. Les enfants, eux, s’amusent d’un rien, s’intéressent à quasiment tout, il est moins compliqué de les divertir et de s’en rapprocher. Et puis, je suis tout juste père, et Daniel n’a pas encore un an, ma relative aisance avec les enfants est particulièrement récente. Mes capacités éducatives, elles, quasiment nulles. Après des heures dehors à jouer avec d’infatigables bambins, à leur courir après, à les pousser sur la balançoire, répondre à leurs projectiles de neige, tous rentrent au réfectoire pour l’heure du goûter. Du chocolat chaud les attend aujourd’hui, les tartinent leurs babines de crème fouettée. Ils profitent d’un temps calme, plus tard, pour lire ou faire une sieste afin de reprendre des forces avant ce soir. Ce qui me fait penser que Daniel, lui, doit avoir terminé la sienne. Mais lorsque je monte à la crèche pour le voir, les employées m’informent que Joanne est déjà passée le récupérer. Je rejoins donc son bureau, me doutant que je l’y trouverai. Le garçon sur ses genoux semble désormais comblé par l’étreinte de sa mère et doute même de me sourire. « Alors bonhomme, on est sage maintenant ? » La punition a donné des résultats visiblement, et Daniel n’a pas l’air d’être particulièrement fâché contre moi –sûrement ne l’ose-t-il pas de peur de retomber seul dans le parc de la crèche. « C’est pas mieux d’avoir des câlins de papa et de maman ? » dis-je avec un sourire en me mettant accroupi à côté du fauteuil de la jeune femme, le visage au niveau de celui de mon fils. Je lui prends une main et dépose de petits baisers dessus. Puis je me tourne vers Joanne. « Je venais m’assurer que tu n’avais pas le nez devant l’ordinateur. » Me relevant, j’embrasse Daniel sur le front. Il demeure calme et silencieux, blottit contre Joanne. « Je vais me préparer pour la soirée, on se retrouve en bas. » dis-je en rebroussant chemin. Je ne les dérange pas plus longtemps. A vrai dire, il n’est pas utile de fournir un grand effort vestimentaire pour l’occasion, mais un costume propre sans artifices fera l’affaire –j’ai emporté dans ma valise la veste noire aux fleurs sombres brodées que nous avions achetée lors de notre précédent voyage à Londres, un pantalon gris rehausse le tout. Afin d’occuper les plus impatients avant que la veillée ne commence officiellement, je me suis mis au piano pour accompagner leurs chants de noël.
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Il valait mieux qu'ils ne soient plus dans la même pièce. Chacun avait apporté sa dose de nostalgie et de mélancolie suffisante pour plomber l'ambiance, et Joanne préférait largement s'en échapper. Faire valser de nouvelles paroles ne les avancerait à rien, et elle était trop épuisée pour faire quoi que ce soit du genre. Elle avait préféré s'isoler dans la même pièce que son fils, où elle avait fini par s'endormir avec lui. Depuis que Daniel s'était réveillé, celui-ci semblait avoir bien compris sa punition et ne voulait même plus de se détacher de la jeune femme, qui l'avait emmené avec lui dans son bureau pour y être tranquille. Parfois, elle ne parlait plus, profitant tout simplement de ce moment de tendresse qui lui avait énormément manqué durant ces deux derniers jours. Elle aurait presque pu se rendormir avec la chaleur qu'il lui procurait en restant bien tout contre elle, mais Jamie finit par apparaître une nouvelle fois dans la pièce, sans se permettre de toquer. Il s'intéressa en premier lieu à leur fils, ayant bien constaté que la punition avait été très efficace. Accroupi, il lui parlait, lui faisant comprendre que c'était bien mieux d'avoir de l'affection de ses deux parents, et de ne pas en privilégier l'un pour l'autre. Joanne ne répondit même pas lorsqu'il expliquait la raison initiale de sa venue. Qu'est-ce que ça pouvait vraiment lui faire, qu'elle soit en train de travailler ? Il y en avait d'autres qui travaillaient le jour de Noël. Des infirmiers, des médecins, des agents de sécurité, des ouvriers parce que certaines usines ne dorment jamais. Allait-il dire la même chose à ces gens-là ? Elle faisait ce qu'elle voulait de son temps libre, à partir du moment que ça lui occupe l'esprit. Joanne ne prononça pas un mot laissant, les laissant se câliner l'un l'autre, mais Jamie ne s'attarda pas. "A tout à l'heure." répondit-elle simplement avant qu'il ne ferme la porte derrière lui. La petite blonde restait encore quelques instants avec son bébé dans les bras, avant de décider de le changer. Afin de ne pas être dérangée, elle avait fermé la porte de son bureau à clé. Elle vêtit Daniel d'une petite chemise avec un pull bleu par-dessus, et une paire de chaussures noirs, ça commençait à lui être utile. Elle avait toujours peur qu'il n'attrape froid. Quant à elle, elle s'était trouvée une robe Valentino chez Harrod's, enfila des collants de même couleur de sa peau et une paire d'escarpins dorée, pour rappeler les petites étoiles qu'il y avait sur sa tenue. A noter qu'elle avait mis la paire de boucles d'oreille que Jamie lui avait offert. Pendant qu'elle se changeait, le petit jouait tranquillement sur son tapis, avec son canard en peluche. "Je ne peux plus te faire de bisous maintenant mon chéri, sinon je vais te mettre du rouge partout." dit-elle en riant, en le prenant dans ses bras. "On enlèvera le pull tout à l'heure, si tu as trop chaud. Tu es beau comme tout. On y va ?" Il fit un petit signe de tête. "Par contre, laisse ton jouet ici, tu emmènes juste le canard avec toi. Je pense que le père Noël t'en apportera quelques un ce soir." Il sera certainement bien plus intéressé par le papier cadeau, mais ça faisait partie de la magie de Noël, à son âge. Elle sortit de son bureau avec le petit dans les bras. Tout le monde était déjà plus ou moins là, ou dans les environs, à jouer. Jamie jouait du piano. Elle savait que c'était lui. Dans la salle de réception, on y avait également mis un sapin de Noël magnifique décoré. "Ne restez pas trop près du sapin, les enfants." dit-elle en s'approchant d'eux en souriant. "Il ne faudra pas casser toute la décoration de Noël, le père Noël n'est même pas encore passé." Et ils s'en voudraient de vexer ce bon père imaginaire en abîmant ainsi la décoration. La nuit tombée, les éclairages allumés, tout était sublimé. Joanne en profitait pour aller voir le hall d'entrée. Tout le monde avait mis des paillettes sur les boules de Noël et toute reflétait la lumière qui s'y jetait dessus, rendant le hall féerique. "Tu as vu comme c'est beau, mon trésor ?" dit-elle à Daniel en montrant les murs et le plafond du doigt. "Je pense que nous accrocherons plus de choses ici, à l'avenir." dit l'une des animatrices, en riant. "Ce serait une bonne idée, de faire selon les saisons, les envies, les thèmes. C'est gratifiant pour les enfants de montrer ce qu'ils savent faire." "Je me suis dit que nous pourrions faire des flocons de neige, pour le reste de l'hiver." "Vous m'enverrez des photos ?" "Oui, bien sûr !" Joanne continuait un peu de discuter et les deux femmes rejoignirent la réception. Tout le monde s'était véritablement mis sur son trente-et-un, du plus petit au plus grand. Certains jouaient déjà sur la piste de danse, aussi. Il était prévu que le Père Noël fasse son apparition juste après le dessert, afin que les enfants n'aient plus à se soucier du repas une fois leurs jouets en main. Pas de couvre feu pour le soir-là, ils devaient tous en profiter. Jamie avait également fini par arriver, ayant mis une veste qu'il avait acheté lorsqu'ils avaient fait une virée shopping ensemble. Elle trouvait qu'il la portait merveilleusement bien. Comme tous les événements qu'ils avaient en commun, ils finissaient toujours par se rapprocher l'un de l'autre, même sans forcément le vouloir. "Elle te va vraiment bien, cette veste." lui dit-elle en souriant avec sincérité, oubliant étrangement tout ce qui avait pu se passer plus tôt dans la journée.
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L'on arrachera sûrement jamais aux anglais leurs pulls en laine estampillés de sapins, rennes, bonhommes de neige, flocons, tricotés avec soin par une aïeule, à la fois kitch, laids, et si attachants. Cela fait partie des traditions qui restent et qui s'exportent. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur n'importe quelle vitrine de n'importe quel pays pour y voir exposés ces habits qui ont été moqués si longtemps. C'est une mode aujourd'hui, et les enfants d'hier qui boudaient en recevant pareil cadeau pour noël sont les parents d'aujourd'hui qui surprennent leurs enfants à réclamer ces mêmes objets de leur malheur. Bon nombre de têtes blondes ce soir sont affublés d'un pull rouge, vert, blanc, bleu -ceux aux parents les plus traditionalistes je suppose. Les autres, notamment les jeunes filles, ce sont plues à passer une heure ou deux devant le miroir pour se pomponner, choisir la robe adéquate avec les chaussures assorties, se lisser ou se boucler les cheveux les unes les autres, très satisfaites, à la fin, d'avoir gagné cinq ans de plus que leur âge réel. Les garçons qui le pouvaient -et le voulaient- ont des vestes de costume sur le dos, certaines ont été trouvées dans l'armoire du père vu la taille bien trop grande. Il faut dire que nous n'aidons pas des jeunes et des familles avec les moyens pour la plupart, et chacun fait avec ce qu'il a. De même, si tous ces jeunes et les enfants sont agréables dans le fond, une grande partie demeurent des caractères difficiles, des tempéraments forts, ou au contraire, des personnalités faibles et en détresse. Néanmoins, l'effet fédérateur de Noël fait son œuvre, sous l'oeil constamment vigilant des éducateurs. Le travail ne s'arrête jamais vraiment dans un endroit pareil. Je pourrais jouer du piano pendant des heures, et les enfants chanteraient aussi longtemps. Ces petites bêtes sont infatigables. Ce soir plus que n'importe quel autre jour : ils savent qu'ils pourront rester éveillés au-delà de minuit, et cela les rend particulièrement enthousiastes. Je quitte pourtant le piano lorsque l'acteur supposé endosser le costume de Père Noël fait son apparition dans le hall ; je lui indique rapidement le chemin vers la salle du personnel où il pourra se changer après le dîner. De retour à l'entrée, je croise Joanne tenant Daniel dans les bras. Elle reconnaît évidement la veste sur mon dos qui me porte mieux que je ne la porte à mon avis. « Merci. Je trouve aussi, même pour du noir. » Ce n'est pas une couleur que j'affectionne, et je la revêt encore plus rarement. La preuve ; pas de pantalon noir pour s'accorder avec la veste, mais un gris clair qui m'évite une allure trop pompeuse et sobre. Pour ma part, j'ai bien peur que mon sourire et mon regard suffisent à complimenter l'allure de la jeune femme ; je peux même sentir le picotement de la petite étincelle dans mes prunelles lorsque je l'observe. Mon attention se porte ensuite sur Daniel -qui commençait à désespérer que je m'intéresse à lui. « Qu’est-ce que tu es beau mon bonhomme ! » je m'exclame en le transférant des bras de Joanne aux miens. Je couvre ses grosses joues de baisers qui le font pouffer de rire. Il a de l'allure, mon garçon, et ce regard hérité de sa mère transperce tout ce sur quoi il se pose. La clochette annonçant le dîner retentit. Les enfants se dirigent vers la salle de réception par petits groupes. Les tables sont regroupées par âge. Une demie-douzaine de petits filles traversent alors le hall pour rejoindre leur place et s'arrêtent près de nous, les yeux ronds d'admiration. « On dirait une princesse, miss Prescott. » D'ailleurs, rares sont les enfants dont le regard ne s'accroche pas à la silhouette de la jeune femme le temps de marcher à travers l'entrée, les iris brillants à cause des étoiles pailletées. « Quel succès. Tu vas devoir accorder une danse à plus d’un cavalier court sur pattes. » Je doute qu'elle soit réticente à l'idée de faire plaisir à deux ou trois petits garçons en dansant avec eux en fin de soirée. Le plus chanceux sera celui qui aura le slow. Une fois tout le monde dans la salle, Joanne et moi rejoignons les pensionnaires. Nous sommes à la table du personnel, autour de laquelle se trouve une chaise haut pour Daniel. “Tu as hâte de voir tes cadeaux mon trésor ? Et le père Noël ?” je demande en marchant puis en l'installant tandis qu'il reste sage comme une image. Miss Newton, qui sera à cette table, approche et se penche vers lui. “Oh, il est adorable ! Coucou Daniel !” Daniel, flatté par tant d'attention, ravi de voir une dame sourire face à lui, fait stratégiquement le timide en plaçant les mains devant sa bouche, la tête légèrement tournée, mais le regard rivé vers la psychologue avec un rictus charmeur comme pas deux. “En voilà un qui fera des ravages quand il sera plus grand.” dit-elle en glissant furtivement son attention sur moi, l'air d'indiquer de qui le petit tient. Et comme toujours, je souris nerveusement, pouffe un peu et détourne le regard, gêné, sans savoir quoi répondre.
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Jamie n'avait jamais véritablement aimé le noir. Mais les petits détails de couleur sur sa veste l'avaient incité à l'acheter, et elle trouvait qu'il la portait à merveille. Le pantalon, plus clair, aidait à contraster la tenue pour que ça ne paraisse pas trop triste. Les irrégularités dans leur relation étaient parfois perturbantes pour la petite blonde. Voilà que les yeux verts du bel homme brillait et il souriait lorsqu'il la regardait de haut en bas pour apprécier sa tenue. Joanne n'avait pas vraiment pour habitude de porter des robes aussi courtes, mais elle avait eu un véritable coup de coeur pour ce modèle, qui éveillait aussi un peu l'esprit des fêtes par les étoiles qui étaient cousues dans le tissu. C'était parfois rassurant, qu'il la trouvait encore belle, que ses yeux pétillaient ainsi lorsqu'il la découvrait dans une nouvelle tenue. Flattée par cette courte contemplation, Joanne sourit timidement, avant que son rictus ne soit plus franc. Elle transmit Daniel à son père. La jeune femme les regardait avec affection pendant leurs instants de tendresse. Joanne caressait doucement le dos de Daniel pendant qu'ils se regardaient et se souriaient. Il était temps de s'installer à table, mais beaucoup d'enfants en profitaient pour voir la directrice d'un peu plus près. Joanne riait lorsque certaines fillettes trouvaient qu'elle était une fillette. "Vous regarderez la robe plus tard, allez vous installer pour manger." dit-elle au bout d'un moment, dès que trop d'enfants s'étaient approchés d'elle. "Vous allez danser avec nous, hein, Miss Prescott ?" demandait l'un. "Oui, bien sûr." leur assura-t-elle, tout sourire. Jamie ne manqua pas de prédire le fait que certains petits garçons viendraient certainement lui demander d'être sa cavalière. "Je ne me permettrai pas de le leur refuser." répondit-elle avec un petit rire lorsqu'elle s'installa sur sa chaise. Daniel était on ne peut plus satisfait d'avoir ses parents réunis autour de lui. Cela le rendait particulièrement sage. Ses iris bleus ne manquaient pas de se faire remarquer par l'une des psychologues de la fondation. Satisfait que son charme opère, le petit continuait d'en abuser largement pour mettre à bout Miss Newton. Celle-ci lança un bref regard à Jamie, mais qui voulait en dire long vu la manière dont son ex réagissait. Il était toujours gêné en matière de compliment mais réagissait différemment selon qui parlait. Il riait nerveusement, détournait le regard. Joanne avait l'impression d'assister à une petite scène de drague. Elle arqua un sourcil, quoi que c'était bien étrange pour elle de voir Jamie se faire rentrer dedans sous ses yeux, sans aucune pudeur. Joanne baissa ensuite les yeux, tentant de reporter son attention sur autre chose. "Miss Prescott, Emma ne veut pas s'asseoir, elle dit qu'elle a peur." dit l'un des enfants en tirant timidement sur la manche de la directrice. "Je peux y aller, Miss Prescott." dit la psychologue. Mais Joanne était déjà presque debout. "Non, je vous en prie, restez installée." dit-elle avec un sourire un peu forcé avant qu'elle ne s'éclipse. La petite fille de sept ans avait été battue par ses parents. Les familles d'accueil manquaient alors les services sociaux s'étaient tournés vers la fondation. Elle était arrivée durant l'été. Elle était très réservée, peu causante, et le moindre geste brusque l'effrayait. Joanne s'accroupit près d'elle, maintenant une certaine distance. "Tu ne veux pas t'asseoir, Emma ?" Serrant son doudou fort contre elle, elle regardait les autres enfants de sa table d'un air bien peu rassuré. "On en avait parlé toutes les deux, quand on avait joué aux cartes ensemble, tu te rappelles ?" dit-elle doucement, sans jamais chasser le sourire de ses lèvres. "Mais, ils ne me parlent pas." dit la petite avec ses yeux bordés de larmes. "Tu voulais ta place à côté de Chloe, c'est ça ?" Elle acquiesça d'un signe de tête. "Alors viens, on va aller demander toutes les deux si Jill veut bien changer de place, d'accord ?" Emma prit la main de la jeune femme et restait bien collée contre elle le temps qu'elle règle ce petit incident. Les places échangées, Emma était à côté de son amie. Du moins, celle à qui elle acceptait de parler. Joanne en profita pour rappeler à la tablée de bien rester sage et de se respecter avant qu'elle ne rejoigne sa propre place. Les serveurs ne tardaient pas à venir poser les boissons sur les tables et à ramener l'entrée. Joanne n'avait pas demandé de plats particuliers pour Daniel. Elle comptait lui faire goûter un peu de son assiette à chaque fois. Il y avait bien peu de choses qu'il n'aimait pas, et il aimait bien piquer dans l'assiette de sa mère. Joanne devait se lever une nouvelle fois pour aller récupérer son biberon d'eau qu'elle avait oublié dans le bureau. A peine posé sur sa chaise haute, il le prit dans ses mains pour boire. "Daniel ? Tu te rappelles comment on fait ?" Joanne remplit rapidement son verre d'eau et l'approcha de Daniel. Très concentré pour qu'il n'y ait pas de catastrophe, il tapait tout de même sans grande délicatesse le verre de sa mère. "Santé!" Il la contemplait lorsqu'elle portait le verre à sa bouche. "C'est bon, tu peux boire maintenant." lui assura-t-elle en lui faisant un clin d'oeil complice. Et il s'éxecuta. Il faisait toujours le fier, de quoi faire craquer davantage la psychologue.
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Une fillette apparaît à notre table, une petite scène se déroule un peu plus loin. Plutôt que de laisser la psychologue s’en charger, Joanne se laisse embarquer afin de gérer la crise. Je la suis du regard jusqu’à ce qu’elle arrive auprès de ladite Emma, en retrait des autres enfants. Comment ne pas songer à la fille que nous aurions aimé avoir un jour en l’observant rassurer cette tête blonde avec tant d’aisance ? « Elle est proche des enfants. » fait remarquer Miss Newton, le regard également rivé vers la directrice. Elle s’en détourne pour prendre une gorgée d’eau. « Peut-être trop proche. » Elle note mon air interrogateur et hausse les épaules. « Votre père ne se mélangeait pas aux pensionnaires. Ni les petits, ni les jeunes, ni les adultes. Il tenait à ce que nous fêtions Noël, toutes les fêtes, même les anniversaires, mais il refusait de donner du budget pour ça. C’était un homme d’affaires, pas une nounou, comme il le disait. » Mais à sa manière d’en parler, on devine que ce n’est pas une politique avec laquelle elle se trouve en désaccord, au contraire. En résumé : chacun a sa place, et chacun doit s’y tenir. Elle aurait dû aller s’occuper de la fillette, faire son travail, et non Joanne. On devine que le déboutement de la directrice l’a vexée. « Je l’aimais bien, Edward. » ajoute-t-elle en pensant, à tort, que cela lui ferait gagner des points auprès de moi. Elle ne pourrait pas être plus éloignée de son but désormais. Pourtant, c’est très assurée qu’elle demande ; « Avez-vous réfléchi à ce que je vous ai dit ? » Je lui adresse un sourire un brin narquois pour seule réponse. J’ai réfléchi, ma position n’a pas changé, qu’importe si elle pense que je dois la réviser. Joanne réapparaît, et disparaît aussitôt. Daniel, déconcerté, couine et s’agite un peu ; est-ce qu’il ne verra sa mère qu’en courant d’air toute la soirée ? « Maman arrive, bonhomme, elle revient tout de suite. » je lui assure en caressant sa tête. Mes lèvres déposent un baiser sur son front pendant qu’il partage sa frustration à son canard dans son langage de bébé. « On voit que vous l’aimez vraiment beaucoup. » remarque la psychologue, pensant peut-être qu’engager une conversation innocente rattraperait le coup. C’est sans lui adresser un regard, comme si de rien n’était, que je rétorque ; « L’homme dont vous avez fait l’éloge nous l’a enlevé pendant quinze jours alors qu’il n’avait que trois mois. Il a envoyé un homme le kidnapper lorsque nous étions en courses un jour. Nous avons passé deux semaines sans signe de vie. Ce genre d’expérience marque à vie. » Un rictus satisfait passe furtivement au coin de ma bouche. Au silence, je devine l’embarras et l’effarement de la jeune femme. Je n’ai besoin que de tourner la tête pour voir ses yeux ronds comme des billes et sa bouche entrouverte faisant la carpe. « Oh, vous pensiez le connaître, n’est-ce pas ? Décidément. » Non, elle n’est pas fine psychologue. Enfin Joanne prend place sur sa chaise. Elle a appris à trinquer à Daniel, qui s’exécute avec enthousiasme, très fier de lui. Lorsque je lève mon verre pour l’imiter, il recommence avec plaisir. « Santé. »
Les plats se suivent, et avant le dessert, Ewan vient à mon oreille, l’air inquiet. « Lord Keynes ? Nous avons un… contretemps. Pouvez-vous me suivre ? » Malgré mes sourcils froncés, il n’en dira pas plus et insiste d’un signe de tête en indiquant la grande porte. Je m’excuse auprès de ma tablée et emboîte le pas de l’assistant de Joanne, priant pour ne pas trouver un autre cadavre le soir de Noël. Alors que nous quittons la salle, avant que les desserts ne soient servis, l’un des pensionnaires se lève et demande l’attention de l’assemblée. Il semblerait que je sois contraint de rater leur petit show. Ewan me conduit jusqu’à la salle du personnel : devant arriver à la fin du repas, notre acteur devait s’éclipser ici pour se changer un peu avant. Nous le trouvons ivre et somnolant dans un canapé. « Nous lui avions servi un verre de vin pour aller avec le dîner mais il semblerait qu’il ait trouvé le reste de la bouteille. » Celle-ci, vide, trône sur la table basse. Je passe une main sur mon visage, dépité. « Nous allons devoir faire sans. » murmure Ewan, résigné, et ne trouvant aucune solution à ce problème. Il est hors de question qu’un ivrogne se présente devant les enfants. « Si vous vous trouvez le courage de décevoir tous ces gosses en disant que le père noël a eu un empêchement, je vous en prie. » je rétorque sèchement, agacé, non seulement par cette vision pathétique qui se trouve sous mes yeux, mais aussi par la seule solution qui me traverse l’esprit pour nous épargner une soirée gâchée. Je trouve le sac de l’acteur avec le costume dedans, qui semble complet, puis je déboutonne ma veste et ma chemise. « Vous n’allez pas… ? » Enfiler le costume et jouer au Père Noël ? C’est pourtant l’idée. « Ne le dites pas à haute voix, ça pourrait me faire changer d’avis. »
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Daniel n'était pas habitué à voir sa mère s'occuper d'autres enfants, et, contre toute attente, ça ne semblait pas le gêner. Il s'en inquiétait, comme tout bébé ayant peur que sa mère ne se désintéresse à sa progéniture. Ce qui l'angoissait le plus, c'était de la voir partir quand elle ne lui expliquait pas où elle allait. Joanne faisait en sorte de toujours le lui dire, mais elle avait oublié, sur le moment, pensant qu'il était important qu'il ait son biberon avant le début du repas. Lorsqu'elle rejoignit sa place, elle vit la mine déconfite de la psychologue, qui regardait Jamie avec des yeux ronds. "Tout va bien ?" demanda Joanne. "Oui, oui... C'est juste que... Non, rien." bégaya la psychologue. La petite blonde fronça légèrement les sourcils, perplexe. Mais elle fut rapidement distraite par Jamie qui comptait également trinquer avec son fils, qui s'ésclaffa une nouvelle fois. Daniel put goûter un peu de tout durant le repas. Il avait bon appétit, et commençait à bien mâchouiller ses aliments avec ses quelques dents. Sa mère avait fini par lui retirer son petit pull bleu, voyant que ses joues commençaient à devenir rouges. Ewan se permit de glisser quelques mots à l'oreille de Jamie, l'air inquiet. Elle les regardait partir silencieusement, se demandant ce qui pouvait bien se passer. Joanne continuait de faire dîner Daniel. "Vous êtes sûre que tout va bien, Miss Newton ? Vous m'avez l'air bien silencieuse." reprit Joanne tout en essuyant la bouche de Daniel. La psychologue fixait longuement Daniel, ce qui inquiéta ce dernier. Elle le prit sur ses genoux, et il se serra contre elle pour faire un câlin. Son employée préférait rester concentrée sur son assiette, à ne pas lui répondre. Une fois les assiettes desservies, un garçon demanda de l'attention. Les discussions cessèrent et le petit expliqua qu'ils avaient préparer un petit spectacle. Il y avait plusieurs petits groupes de formé. L'un d'entre eux avait fait une petite pièce de théâtre, un autre avait fait de la danser. Les chants de Noël valsaient également. On voyait que chaque enfant y mettait du sien. Il y avait même eu quelques efforts sur certains costumes, sur du maquillage aussi. Chaque prestation avait été chaleureusement applaudie. A la fin de ce petit show, le petit présentateur en herbe appela Joanne à venir. Elle remit alors Daniel dans sa chaise haute, lui assurant qu'elle reviendrait vite. Les enfants avaient chacun investi dans un magnifique bouquet de fleurs que l'on offrit à la directrice. Joanne était véritablement touchée par cette attention, et embrassa quelques enfants présents sur la joue, en les remerciant chaleureusement. Elle ne pouvait pas leur promettre d'être présente à tous les Noël, mais elle tâcherait de venir autant que possible, même de choisir une autre date pour fêter Noël tous ensemble. Le dessert fut servi. "Ewan, où est Jamie ? Il va manquer la fin du repas." "Heu... Il arrive." dit-il d'un air on ne peut plus gêné. On sentait l'excitation monter dans la salle, la venue du père Noël approchait. "Tout le monde devrait monter à l'étage pour voir si on voit le père Noël arriver. J'étais dans la cuisine, et j'ai juré avoir entendu des grelots." Il fallait dire qu'être éducatrice demandait aussi de sacrés talents d'actrice. Les enfants se précipitèrent alors, sous le contrôle et la surveillance d'autres employés, à l'étage pour se coller au fenêtre et espérer voir le traîneau arriver. Pendant ce temps, le personnel encore présent dans la salle se hâta à placer tous les cadeaux au pied du sapin - et il y en avait énormément. Certains employés y avaient également glissé des cadeaux pour d'autres collègues, par exemple. L'on prit en photo l'immense sapin, et les dizaines et dizaines de cadeaux autour. On fit retentir une cloche, les enfants revinrent au rez-de-chaussée, et le père Noël fit son apparition. Joanne écarquilla les yeux lorsqu'elle le vit de près, et reconnut en un instant qui était derrière cette épaisse barbe blanche. Elle se pinça les lèvres pour se retenir de rire. "Ooh ! Le Père Noël est encore là !" "Regardez tous ces cadeaux !" "Père Noël ! Père Noël ! Il y a aussi un cadeau pour moi ?" "On se calme, les enfants !" dit Joanne. "Vous savez quoi ? On va proposer au Père Noël de rester un peu bien au chaud avec nous. Peut-être même qu'il aura envie de vous donner lui-même vos cadeaux ?" Quel immense privilège pour les enfants. L'un d'entre eux ne se fit pas prier pour lui apporter une chaise, pour qu'il puisse s'asseoir et reposer. Daniel, cependant, était un peu plus intrigué par ce bonhomme tout rouge - incapable de reconnaître son père-, et restait bien collé contre sa mère. Il n'était pas vraiment rassuré. Les enfants, sages comme tout, s'asseyèrent par terre, au pied du sapin, attendant avec impatience que le Père Noël distribue son premier cadeau.
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Dans quoi tu t’embarques, Keynes ? Je ne cesse de me le demander en enfilant les bretelles qui maintiennent le faux ventre rebondi en mousse sur mon torse, avec l’aide d’un Ewan qui ne sait plus où se mettre. Je lui demande rapidement de retourner dans la salle avec tout le monde, sa gêne et sa nervosité n’aidant vraiment pas à se sentir serein. Et les personnes qui nous insupportent en temps normal sont d’autant plus irritantes par leur simple respiration dans des moments pareils. Enfiler le reste du costume seul est un véritable cauchemar, et je jurerais entendre parfois le pochtron qui devrait être à ma place pouffer et faire immédiatement mine de dormir lorsque mon regard tombe sur lui. La mousse entrave tous mes mouvements, heureusement que les bouts de tissus tiennent entre eux grâce à des scratchs. Le plus compliqué reste d’enfiler l’immense pantalon, puis les bottes. Une fois habillé, je suis déjà en nage ; il fait une chaleur insupportable là-dedans. On devine une certaine expérience en matière de tirage de barbe dans la trousse de toilette de l’acteur : le postiche est maintenu sur le visage avec de la colle et non un simple élastique. Je souffre d’avance en songeant au moment où il me faudra retirer tout ceci. Au final, il ne reste que mes sourcils et mes yeux pour me trahir. J’entends une horde de petits éléphanteaux grimper les escaliers jusqu’à l’étage, signal sonore indiquant qu’il sera bientôt le moment de faire mon entrée. Qu’est-ce qu’il est absurde de se sentir aussi nerveux à l’idée d’être le Père Noël pour tous ces enfants. Ou est-ce la peur du ridicule qui titille mon orgueil ? La cloche sonne. Ce n’est pas faute d’avoir prié pour qu’elle ne retentisse jamais, mais me voilà forcé de me traîner jusqu’à la salle de réception et de jouer le jeu. A vrai dire, cela est moins difficile que je ne l’aurais pensé. Il suffit de voir que tous ces bambins croient dur comme fer que je suis le Père Noël pour être plongé dedans, avoir envie de bien faire pour ne pas les décevoir, faire vivre le rêve. Quitte à être le plus catastrophique et ridicule qui soit, au moins, j’y mets toute ma bonne volonté lorsque je prends cette vois de vieillard bon vivant caricaturale pour m’exclamer ; « Oh ! Doucement les enfants ! Il y a un cadeau pour chacun d’entre vous ! » C’est bien ce qui me fait peur en réalité, lorsque je vois la montagne de présents au pied du sapin et que je réalise que je demeurerai le Père Noël jusqu’à ce qu’il n’en reste plus un seul. Qu’on ait pitié de moi. L’un des enfants tire une chaise jusqu’à moi. Le vieil homme que je suis a en effet le dos en compote à force de traîner sa hotte et de se contorsionner dans les conduits de cheminée –je feins un dos douloureux et grogne d’aise en posant mes fesses. « Merci bien, mon petit. Faire le tour du monde en traîneau n’est pas de tout repos. » Je me jure de finir au moins aussi ivre mort que l’acteur qui nous a fait faux bond une fois que j’en aurai terminé afin d’oublier cet épisode de ma vie. Je jette un coup d’œil furtif à Joanne ; elle m’a reconnu au premier coup d’œil, il n’y a qu’à ses yeux que l’illusion ne prend pas bien sûr. Daniel, en revanche, s’inquiète de l’apparition de ce curieux bonhomme. « Eh bien, voyons-ça… » je murmure en sortant de la poche intérieure de ce foutu manteau terriblement lourd un petit rouleau de papier en parchemin noirci par des centaines de prénoms qui faisait partie du kit ; j’en tiens une extrémité et laisse l’autre bout se dérouler au sol dans un « oh ! » général. « Que d’enfants sages sur cette liste ! Commençons par le petit Théo. » Celui-ci se lève, à la fois fier et intimidé, et traîne ses baskets jusqu’à moi. Je lui fais signe de grimper sur mes genoux ; il s’exécute avec la même crainte. Ce sont les éducatrices qui viennent me porter les cadeaux pour chaque enfant –je ne sers finalement que d’intermédiaire pour leur mettre dans les mains et les aider à défaire le papier qui l’enveloppe. Mes genoux et mes cuisses commencent à souffrir des gigotements des bambins, mais le sourire demeure. La joie, les regards pétillants, permettent de se laisser prendre au jeu. Au départ un brin gêné par les baisers que voulaient me déposer les petits sur la joue, je finis par la tendre moi-même pour les réclamer. « Je peux toucher ta barbe ? » demande timidement une petite rouquine, la main déjà sur le poil avant même d’y avoir été invitée. « Bien sûr ! Elle est douce, n’est-ce pas ? Mes chers lutins la brossent tous les jours avec soin. » je réponds avec un enthousiasme qui me surprend moi-même, m’imaginant très bien bichonné par une armée de petits êtres aux oreilles pointues. « Plus tard, je veux être un lutin ! » déclare un garçon avec détermination. « Tu m’enverras ton CV quand tu seras plus grand alors. » dis-je machinalement. Je récolte de longues secondes de silence et un regard interrogateur. Peut-être est-il un peu jeune pour savoir ce que sont les ressources humaines. Je ris, comme si je venais de faire une très bonne blague visant à le déconcerter. « Bien sûr que tu seras un lutin, mon petit ! » Voilà une réponse qui lui plaît bien plus, et c’est très satisfait qu’il saute de mes genoux pour rejoindre sa bande d’amis, cadeau sous le bras, fier de sa vocation. Il me semble que des heures et des heures passent avant que ne soit donné le dernier cadeau. C’est le moment que choisit un groupe de jeunes filles pour m’aborder, téléphone en main ; « On peut faire un selfie ? » Comme quoi, le petit bonheur de voir le Père Noël ne s’arrête pas lorsque le mythe est brisé.
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L'effet était immédiat dans l'ensemble de la salle. Les yeux de chaque enfant pétillaient en voyant les camarades passer devant eux pour recevoir les cadeaux. Certains étaient particulièrement timides, d'autres semblaient avoir beaucoup de choses à dire au Père Noël. Encore bien sceptique, Daniel observait silencieusement la scène devant ses yeux. Joanne le berçait un petit peu. Il était assez tard pour lui, elle était étonnée qu'il ne soit pas encore endormi. "Tu n'as pas encore sommeil, mon trésor ?" lui dit-elle tout bas en embrassant sa tête. "Si tu attends encore un peu, on déballera tout cadeau plus au calme tout à l'heure, avec Papa. Je pense que ça lui ferait plaisir de te voir déballer tes premiers cadeaux de Noël, tu ne crois pas ?" Elle le berçait légèrement, par réflexe, et reporta son attention sur le défilé de cadeaux. Jamie s'en sortait merveilleusement bien, même si tout devenait particulièrement épuisant pour lui à la longue. Les pensionnaires étaient nombreux, il y en avait déjà un certain nombre qui avait commencé à jouer avec leur tout nouveau cadeau. Tout était réussi. Jamie rattrapait judicieusement ses quelques faux pas. Joanne laissait alors quelques photos se faire avant d'inviter les jeunes à le laisser tranquille. "Il faut le laisser partir maintenant. Il a encore énormément d'enfants à voir, vous savez ! Je vais le raccompagner et lui donner quelques provisions. Vous lui dites au revoir ?" Jamie eut un droit à un "au revoir" général de la part de tous les enfants, en choeur. Puis chacun revint à ses activités, à jouer ensemble, d'autres à danser dès qu'ils avaient entendu la musique se mettre en place. La jeune femme ferma à clé la porte du salon derrière elle afin d'être sûr que le mythe ne soit pas brisé par des petits bambins trop curieux. L'acteur, ivre, était toujours là. On sentait son haleine de loin. "Je vois." dit Joanne, d'un air grave. Elle entrouvrit la porte du salon et fit discrètement appel à un des surveillants afin qu'ils évacuent celui qui était supposé travailler. "Assurez-vous qu'on reporte son comportement. On s'était pourtant assuré qu'il n'y ait aucun antécédent de ce genre." "Il n'en avait pas, Miss Prescott. Je suppose qu'il voulait profiter des fêtes à sa propre manière." dit-il d'un air sincèrement désolé, alors qu'il passait un bras de l'acteur autour de son cou pour l'inviter à se lever. "Je vais lui appeler un taxi." Joanne acquiesça d'un signe de tête. "On lui enverra le reste de ses affaires, écrivez le lui quelque part, je n'en sais rien... Qu'il ne s'attende pas à recevoir un quelconque chèque." Joanne était un peu exaspérée par ce contre-temps que Jamie avait finalement géré. Une fois qu'ils n'étaient plus que tous les trois, Jamie, Daniel et elle, cette dernière dit avec beaucoup de reconnaissance. "Merci beaucoup, pour eux." La jeune femme s'approcha d'un pas de lui, ce qui ne semblait pas convenir à Daniel. Il ne reconnaissait toujours pas son père et il commençait à chouiner. Joanne s'approcha intentionnellement de Jamie. "Regarde, Daniel, c'est papa." lui dit-elle doucement, alors que Jamie retira bonnet, perruque et postiche. "Tu vois, c'est papa qui était déguisé, il ne faut pas avoir peur." Elle embrassa sa tempe doucement. Il ne se souviendra pas de ce moment. L'année suivante, il fallait véritablement jouer à ce jeu là avec lui aussi. "Et je crois qu'il mourrait de chaud sous cet accoutrement." constata-t-elle en voyant ses cheveux trempés. Daniel souriait enfin, oubliant rapidement les larmes qui étaient en train de border ses yeux. "Tu commences à fatiguer, hein..." Joanne le posa par terre, avec son doudou, lui assurant qu'elle était bien là, qu'elle allait juste aider Jamie à retirer son déguisement. Les mains désormais libérés, elle pouvait l'aider à déboutonner le haut. "Tu es trempé." dit-elle doucement, d'un air navré. "Je te paierai n'importe quelle bouteille de champagne, si tu veux." dit-elle en riant. "C'est amplement mérité." Une fois débarrassé du costume de Père Noël, Jamie se retrouvait en sous-vêtement. Joanne avait repris Daniel dans ses bras. Le revoir ainsi vêtu fit légèrement rosir ses pommettes, elle lui tourna alors le dos, le temps qu'il puisse remettre ses vêtements. Puis elle lui confia Daniel afin qu'il puisse s'enlacer. "Tu avais raison, pour le petit spectacle. Ils étaient vraiment adorables. Il y a quelques éducateurs qui ont filmé le tout, tu pourras regarder les vidéos à l'occasion." tint-elle à lui préciser. "Ils servent pas mal de bouteilles, dans l'hôtel où je suis." dit-elle timidement. "Il n'y a pas véritablement de réserves d'alcool ici pour éviter tout incident, avec les pensionnaires. Surtout les adolescents. Enfin si, c'est sous clé, mais il n'y a pas beaucoup de choix." C'était ce qu'il y avait de plus raisonnable à faire pour eux. "J'ai mis les cadeaux de Daniel de côté. Je me suis dit qu'il profitera d'autant plus du moment s'il a ses parents auprès de lui pour déballer ses premiers cadeaux de Noël. On serait au calme, et comme ça, je pourrai coucher Daniel une fois que ce sera fait. Je suis surprise qu'il ne se soit pas endormi." Joanne souriait en regardant les yeux encore bien ouverts de son garçon. "Si... si ça te dit, bien sûr." Tout ce qu'elle voulait, c'est de partager un moment aussi plus intime avec son fils, et elle savait que Jamie voudrait aussi un tel moment, alors autant le faire ensemble.
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Nul besoin de faire comprendre que jouer au Père Noël commence à grandement m'user, Joanne le devine bien. N'importe qui serait dans mon cas après s'être fait écraser les genoux une cinquantaine de fois, sans oublier toutes les réponses qu'il a fallu inventer avec une imagination fulgurante à propos de la Laponie, des lutins, des Rennes, et de la magie si permet de faire le tour du monde en une nuit. C’est épuisant, de s’improviser pareil rôle sans s’y attendre. Je jure que l’acteur qui gît toujours dans la salle du personnel paiera son comportement très cher. Je bénis intérieurement la jeune femme qui me permet de prendre congé de enfants. Tous mes font signe de la main et me disent au revoir avec un sourire comblé qui constitue malgré tout une belle récompense pour l’effort fourni. Mieux vaut cela plutôt que de leur annoncer qu’ils ne verront pas le Père Noël et devoir supporter autant de regards tristes et déçus. Au moins, cela en a valu la peine. “Bonne nuit les enfants ! À l'année prochaine !” je leur lance, puis j’emboîte le pas de Joanne. Je ne souffle qu’une fois la porte fermée derrière nous, l'acteur ivre évacué. Mes muscles sont malmenés des pieds jusqu’à la tête, mourant de chaud, je me noie dans ma sueur. “J’ai tellement mal au dos et aux jambes que j'ai l'impression que le personnage est trop entré en moi plutôt que l’inverse.” Je me plains, néanmoins, j'admets avoir apprécié ce moment avec eux, avoir été celui qui leur fait arborer pareil sourire. C'est un joli souvenir, toutes ces paires d'yeux ronds en découvrant le cadeau sous le papier, les étreintes, les rires. Tout cela forme des remerciements déjà amplement suffisants. “Je ne me voyais pas priver les enfants de Père Noël.” dis-je en haussant les épaules. Je suppose que j'aurais pu demander à quelqu'un d'autre de nous dépanner, un autre membre de l'équipe de la fondation, mais cela ne m'a pas traversé l'esprit sur le moment, et mon visage est celui qui leur est le moins familier, et donc le moins reconnaissable sous la fausse barbe. Ma peau s'étire et mon visage se crispe alors je m'arrache de mon épiderme les postiches bien fixés. La colle laisse ma peau rougie, irritée. Mais au moins, Daniel peut désormais me reconnaître et se rassurer ; sous le déguisement, ce n'était que moi. Je l'embrasse sur la joue alors qu'il ravale ses larmes de peur. Il se remet de ses émotions en compagnie de sa peluche pendant un petit moment seul dont il a certainement bien besoin après une soirée riche en bruit et en agitation. Joanne ne charge de m'aider à retirer tout le costume, une véritable libération. En voyant les couches de tissus et de mousse, elle comprend sûrement que le rôle n'est pas de tout repos et se propose de me récompenser. “C’est gentil. En tout cas, même pour une bouteille de champagne, je ne suis pas certain de vouloir retenter l'expérience l'année prochaine.” Pas que je n'ai pas aimé, mais ce n'est pas fait pour moi. Et j'aimerais profiter du spectacle de l'autre côté du costume. Joanne préfère se tourner le temps que je me rhabille. Une douche ne serait pas de refus, mais je ferai sans et supporterai bien pour quelques heures la sensation d'une chemise propre collante à ma peau à cause de la sueur séchée. Je prends Daniel dans mes bras ; il se blottit immédiatement comme un petit koala. Pendant ce temps, la jeune femme propose que nous allions tous à son hôtel pour être ensemble, au calme. “Daniel s’endormira dans la voiture je pense, et si nous le réveillons à l'hôtel il sera grognon. Nous devrions plutôt rester ici si nous voulons espérer le voir déballer ses cadeaux. Et le traiteur nous a offert une bouteille de champagne, je ne sais pas ce qu'elle vaut mais je pense que ça fera l'affaire.” Je ne me fais pas très exigent en ce moment, et l'important n'est pas tant le lieu, mais plutôt de pouvoir être tous les trois et voir le petit recevoir ses tout premiers cadeaux de noël. Joanne pourra rentrer à l'hôtel et coucher Daniel juste après. “Nous pouvons aller dans mon bureau, ma chambre n'est pas vraiment ce qu'il y a de plus adapté.”
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Joanne n'osait même pas imaginer le poids du costume. En l'aidant à enlever les couches l'une après l'autre, il était aisé de constater qu'être Père Noël n'était pas un métier si facile que ça. Elle comprenait aisément pourquoi il suait et tant et avant hâte de retirer cet épais manteau rouge. On retrouvait ainsi un Jamie bien plus svelte et bien bâti. Daniel était rassuré de voir son père derrière tous ses artifices. "Tu les as tous fait rêver, en tout cas. Ca a été très efficace." lui assura-t-elle. "Je pense que si je ne les avais pas freiné, tu y serais resté encore un bon bout de temps. Quoi que tout le monde a son jouet, ça devrait les occuper un petit moment." Cette fête de Noël était un sacré budget, mais Joanne tenait à faire rêver ces enfants qui n'y parvenaient plus. Une petite touche de magie pour démarrer sereinement l'année suivante, avec de l'entrain et de l'envie. Elle était certaine que cette soirée aurait des répercussions positives pour les temps à venir, c'était tout bénéfice pour tout le monde. Pour une fois que tout le personnel, cuisiniers y compris, pouvaient s'asseoir tous ensemble autour d'une table pour un dîner copieux. "Ta peau n'a pas l'air de très bien supporter la colle pour les prothèses, elle est toute rouge." constata Joanne en grimaçant un peu, supposant que ça devait être un peu douloureux. Ce genre de produits ne pardonnait pas les peaux fragiles. Après quoi, Joanne lui proposa d'aller boire un verre de champagne - il avait certainement besoin d'une boisson alcoolisée vu ce qu'il venait de faire. Elle rit doucement à sa remarque, comprenant bien qu'il n'était pas prêt de réendosser ce rôle bien lourd, même pour ses fortes épaules. Joanne n'avait pas vraiment pensé au trajet en voiture, où il était effectivement très probable que Daniel ne s'endorme. Il était tard, surtout pour un bébé de son âge. Elle acquiesça d'un signe de tête à cette idée. "Je te laisse peut-être monter avec lui ? Je m'occupe du champagne et de ses cadeaux." dit-elle avec un sourire. Elle embrassa Daniel sur sa petite tête avant de tourner les talons vers les cuisines, où l'on confia effectivement une bouteille de champagne à la directrice, avec deux coupes. Elle avait réuni dans un cabas les cadeaux de Daniel et elle monta le tout au bureau du président de la fondation. Ils étaient installés au niveau du petit coin avec canapés et fauteuil. Joanne posa la bouteille sur la petite table. "J'en connais qui est déjà sacrément gâté. Je crains le retour en Australie, il doit y avoir beaucoup de cadeaux qui l'attendent là-bas aussi." dit Joanne en riant, constatant qu'il y avait bien plus que le propre cadeau qu'elle avait pour lui. Certains s'étaient permis d'avoir une petite attention pour le bonhomme. "Je reviens tout de suite, je dois encore chercher quelque chose dans mon bureau." dit-elle avant d'y aller d'un pas rapide. Elle arrive avec un autre cadeau. Enfin installée, elle regarda Jamie les servir en champagne avant de commencer quoi que ce soit. Ils trinquèrent ensemble. "Joyeux Noël." Elle but une gorgée puis déposa la coupe sur la table. Elle tendit à Jamie le paquet qu'elle venait tout juste de chercher, se disant qu'il valait mieux commencer par ça et s'attarder ensuite sur les cadeaux du petit. "C'est pour toi." dit-elle avec un sourire timide. "Je comprendrai que tu n'en veuilles pas." Déjà qu'il limitait et dépréciait tout contact physique avec elle, elle ne serait pas surprise qu'il refuse un rapprochement de ce genre à son égard. "C'est juste que... quand je l'ai vu, j'ai pensé à toi, et je me suis dit que ça pourrait peut-être te plaire." En effet, Joanne avait tapé particulièrement fort cette année en lui trouvant un coffret de dessin en édition limitée. Une judicieuse collaboration entre Faber-Castell et Karl Lagerfeld, regroupant une palette incroyable de couleurs sous différentes formes : crayon aquarellables et graphites, feutres , pastels, craies et autres, sans oublier le matériel nécessaire pour l'entretien de ces outils de dessin. On avait même fourni à Joanne un certificat d'authenticité qu'elle avait mis avec la boîte en question. Bien qu'il utilisait souvent le crayon pour faire des croquis ici et là, elle s'était dit en l'achetant qu'il se plairait à se pencher un peu plus sur cet aspect de l'art, en plus de la peinture. "Et, même si c'est un peu à part, je voulais te donner ça." Elle tendit une photo une enveloppe adressée à Jamie, écrite par Molly. Joanne avait toujours adoré son écriture. Très fluide, avec de belles courbes. "La photo, je l'ai trouvé en triant les affaires de Nanny, au moment où il fallait vider la maison pour pouvoir la mettre en ventre. J'ai gardé tous ses albums, en fait. Mais j'ai pas encore tout regardé. Et je suis tombée sur ça." Jamie pouvait y reconnaître un couple, sur la photo en noir et blanc. Il y avait également d'autres visages inconnus, et celui d'une fillette. "Nanny a connu Dan et Lucy." lui dit-elle. "Elle devait avoir sept ou huit ans, peut-être qu'elle ne s'en souvenait même pas la dernière fois qu'on l'a vu. Mais elle les a connu." Ce qui, pour Joanne, rendait ce couple plus réel. Elle savait qu'il aimait se plonger dans les vieilles choses. Cela faisait encore partie de leurs centre d'intérêt communs. Ils étaient tous les deux fascinés par ce couple. "Je me suis permise de la garder, mais je voulais que tu gardes l'original. Je pense que Nanny aurait adoré que tu aies hérité de quelque chose d'elle." Son décès touchait toujours Joanne, elle tentait d'en extraire les bonnes choses, ou elle se réfugiait dans les souvenirs laissés par sa grand-mère. "Elle a toujours adoré écrire des lettres. Je suppose qu'elle te dit tout ce qu'elle n'a pas pu te dire avant de..." Elle baissa les yeux. "Elle t'aimait beaucoup. Je voulais te donner la lettre avant, mais je ne me voyais pas le faire alors que nous n'étions pas forcément en de très bons termes." Le sourire gêné, elle but une gorgée de champagne.
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Comme mon dos et mes jambes, la peau de visage s'accorde à dire que je ne dois pas réitérer l'expérience du travail de Père Noël. La prochaine fois, nous aurons un professionnel qui ne forcera pas sur la bouteille avant de devoir se présenter devant les enfants. Je jette un coup d'oeil dans un miroir sur un mur ; les rougeurs disparaissent lentement, il n'y aura plus rien dans quelques minutes, et au moins, je me reconnais dans ce reflet. Daniel aussi. Dans mes bras, bien blotti, il ne bouge plus. La fatigue l'emportera sûrement dans moins d'une heure, ce qui signifie que nous ne pouvons pas vraiment perdre de temps en nous rendant à l'hôtel de Joanne. Elle approuve l'idée de rester ici, même si c'est un lieu de travail pour nous. Elle s'occupe de la boisson et des cadeaux pendant que j'emprunte l'escalier avec le petit. « Allons-y. » Daniel est bien silencieux. Il câline son canard sans lui parler et sans babiller quoi que ce soit. « Ca va être ton tour d'avoir des cadeaux. » lui dis-je pour voir s'il me répond, mais rien. A vrai dire, il semble tout à son aise et n'a pas besoin de faire du bruit à cet instant. Il en fera sûrement plus tard, en arrachant le papier cadeau et en faisant la découverte de ceux-ci. Au final, recevoir de nouveaux jouets pourrait même lui procurer un regain d'énergie que nous aurons bien du mal à faire passer pour le mettre au lit. Joanne nous rejoint dans mon bureau les bras bien chargés. Un dernier aller-retour, et tout est prêt. J'ai même eu le temps de verser le champagne dans les coupes, faisant sursauter Daniel en ôtant le bouchon de la bouteille avec un petit bruit d'explosion. Un sourire timide aux lèvres, je trinque avec la jeune femme. « Joyeux Noël. » Peut-être que cette fois rien ne viendra gâcher ce moment. Après la première gorgée, la petite blonde se jette à l'eau en me confiant un grand paquet qui n'est pas pour Daniel, mais qui m'est destiné. Pendant qu'elle m'explique avoir souhaité me faire ce cadeau malgré tout, je défais le papier qui le couvre avec soin et dévoile la boîte noire débordante de compartiments, et dans chaque compartiment, des couleurs de toutes les nuances sous toutes les formes, un véritable arc-en-ciel contenu dans un coffret. « Joanne... » Mes yeux parcourent les crayons et les craies que mes mains n'osent pas toucher. « Merci, mais... » Je ne peux pas l'accepter. Le dessin, la peinture, ce sont mes univers, mes exutoires. Je ne peux pas laisser mon ex-fiancée envahir cet espace, je ne peux pas me retrouver obligé de songer à elle à chaque fois que j'aurai un de ces crayons en main. Cela ne saurait qu'une grande torture à long terme. Je soupire. Pourtant, je ne peux pas refuser non plus. « Merci. » je reprends, comme pour me corriger. Pas de mais. Un cadeau ne se rejette pas. Peut-être même que je l'utiliserai parfois. Néanmoins le remerciement est sincère et l'intention me touche. Je pose le coffret sur le côté afin d'avoir les mains libres pour prendre la photographie et la lettre que Joanne me tends ensuite. Bien évidemment, je reconnais immédiatement le jeune militaire et son infirmière, le couple que nous avons pourchassé dans le présent pour nous rassurer et nous légitimer. Ils ne semblent plus vraiment avoir la même valeur désormais. Ce n'est qu'une belle histoire, et une curieuse coïncidence que la grand-mère de Joanne les ait connus. Un élément aussi personnel n'a rien à faire entre mes doigts. « J'en doute. » je réponds tout bas ; sa chère Nanny n'aurait sûrement pas voulu que l'homme qui a coloré si longtemps les poignets de sa petite-fille reçoive la moindre attention de sa part, ce pourquoi je rends la photographie à Joanne. Je ne garde que la lettre. « Je la lirai plus tard. » Demain, dans une semaine, un mois, un an, peut-être jamais, qui sait quand j'aurai le courage d'affronter le fantôme de la vieille dame et son ultime jugement. Nerveusement, mes mains tripotent le papier de l'enveloppe. Puisque Joanne a eu une intention pour moi, alors je suppose que c'est le moment pour moi d'en avoir une pour elle. Je me lève et rejoins le meuble de bureau, ouvre un tiroir et en sort deux petits paquets dans du papier irisé. « Je n'étais pas certain de trouver le courage de te les donner. » dis-je en les lui confiant. Ce ne sont pas des cadeaux de Noël, du moins ce n'était pas leur fonction lors de leur achat. Mais puisqu'il n'y a pas eu de cérémonie, Joanne n'aura pas d'autre occasion de recevoir ses cadeaux de mariage de ma part. Sous couvert des fêtes de fin d'année, cela ne devrait pas faire de mal. Je ne fais peut-être pas dans l'originalité en couvrant la jeune femme de bijoux encore une fois, j'aurais certainement offert autre chose pour Noël si j'avais cherché. Ainsi donc, dans le premier paquet est logé un sautoir serti de bien nombreux diamants et perles ainsi que d'une délicate rose à la couleur pastel. Le second cache un ornement de tête dans les mêmes tons, d'un autre créateur, serti de pierres brillantes même dans la pénombre. Je me permets de tirer celui-ci du coffret et de le placer sur la tête de Joanne. Cela la rend adorable, belle comme un coeur. Je lui adresse un timide sourire.
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C'était forcément pleine d'appréhension que Joanne avait tendu son propre cadeau. Une attention comme une autre, dirait-on. Mais ils savaient tous les deux que ce n'était pas pareil. Il y aura certainement toujours un certain malaise qui planera autour d'eux. Leur rupture n'était pas si différentes des autres. Concernant les hématomes, encore une fois, ils se retrouvaient seuls face au monde pour tout comprendre, personne ne voulait même essayer de se plonger l'univers qu'ils s'étaient créés ensemble. Alors ils pouvaient encore moins comprendre de ce que tout ceci serait une fois qu'ils n'étaient plus en couple. Elle le laissait contempler son cadeau. Joanne déglutissait difficilement sa salive en le regardant faire. Elle se sentit pâlir lorsqu'il prononça ce mais, qui voulait en dire bien plus que le silence qui suivit en avortant sa phrase. Elle sentait ses mains devenir moites, se demandant si elle n'avait pas fait une nouvelle erreur. La jeune femme était pourtant si sûre d'elle en lui trouvant se coffret, persuadée qu'il apprécierait. Le résultat n'éait pas vraiment là, apparemment. "Comme je t'ai dit... Je comprendrai que tu n'en veuilles pas. Ou que tu préfères... t'en débarrasser." tint-elle à préciser une nouvelle fois, bien que déçue d'avoir été ausi sotte, et comprenant bien que ce présent n'était peut-être pas assez correct pour lui. Et les mauvaises surprises semblaient vouloir s'enchaîner, lorsqu'il préféré rendre le cliché à sa nouvelle propriétaire. Il n'accordait plus aucune importance à cette histoire là, ni même à l'ancienneté du cliché. Serait-ce donc une passion qu'il aurait préféré effacer de sa vie ? Elle qui pensait que Noël se ferait avec plus de légèreté. C'était un nouveau raté de sa part, et il y avait à nouveau cet horrible pincement douloureux qui s'installait dans sa poitrine. Il accepta tout de même la lettre de Molly, qu'il comptait peut-être lire plus tard. A la surprise de Joanne, il se leva pour aller chercher des paquets dissimulés dans son bureau. C'était bien la dernière chose à laquelle elle pouvait s'attendre. Jamie avait tapé fort en lui prenant de nouveaux bijoux - à croire qu'il ne s'en lassait jamais. Toujours plus beau les uns que les autres, c'était indéniable. Il avait parfaitement cerné le côté très romantique de son ex, et savait comment lui trouver des parures qui lui correspondaient. Joanne en tombait bien évidemment sous le charme. Au fond d'elle, elle se doutait que ce n'était pas vraiment des cadeaux de Noël. Du moins, elle savait qu'il ne les avait pas acheté pour l'occasion. C'était des bijoux qu'on offrait à une femme qu'on aime, pas à la mère de l'enfant qu'ils avaient en commun. Jamie se permit de lui mettre la petite tiare sur sa tête. "C'est magnifique. Ils sont..." Les mots ne venaient pas, tant elle était époustouflée par les détails du sautoir. "Merci beaucoup, Jamie. C'est vraiment incroyable." lui dit-elle avec un sourire timide. "Ce sont de très beaux cadeaux." Elle ne savait pas vraiment si elle oserait les porter un jour, mais elle appréciait énormément le geste. Elle retira délicatement le bijou de sa tête pour pouvoir l'admirer longuement, et silencieusement. Curieuse, elle se demandait pour quelle occasion il aurait pu acheter ces bijoux. La réponse semblait pourtant évidente, elle se refusait certainement de l'admettre. Elle rangea l'ornement de tête dans son étui et but d'une traite sa coupe de champagne avant de passer à autre chose. Elle prit Daniel dans ses bras pour l'installer par terre, un peu plus loin, là où il aurait un peu d'espace. Elle s'installa à ses côtés en mettant devant lui un premier cadeau. "Maintenant, c'est à toi, mon trésor. Tu arraches le papier ? Regarde." Joanne engagea le reste afin qu'il comprenne ce qu'il fallait. Il fit alors de même de manière largement moins délicate et il tirait une certaine satisfaction du papier qu'il était en train de déchirer. Malgré ses petits yeux fatigués, il riait à coeur joie. Comme tout bébé de son âge, il avait un certain désintérêt pour ce que le papier dissimulait. Joanne avait pris pour lui cette fameuse machine à bulles. Elle savait déjà qu'il adorait ça, et que ce serait une activité assez plaisante, surtout en présence des chiens, lorsqu'il ferait beau dehors. S'en suit des peluches, des jouets adaptés à son âge. Pendant que Joanne rassemblait le tout à côté, Daniel s'amusait à déchirer en tout petit morceau le papier cadeau qu'il avait sous la main. "C'est ce qu'il y a de plus drôle, à ton âge, pas vrai ?" dit sa mère, qui riait en le regardant faire. "Oh ! Regarde, je crois que papa arrive avec d'autres paquets !" dit-elle en le voyant arriver. Joanne en profita pour se servir une nouvelle coupe de champagne, noyant difficilement l'instant passé avant que ce ne soit au tour de Daniel d'avoir ses cadeaux. Elle ne conduisait pas, de toute façon, un chauffeur allait la déposer, avec Daniel, à l'hôtel où ils dormaient, quand elle le voudra.
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Je ne devrais pas me faire difficile face à un cadeau de la part de Joanne alors qu’absolument rien ne la forçait à avoir une attention pour moi –pourtant je ne suis pas vraiment surpris de recevoir un cadeau de noël de sa part malgré tout. Il faut être une jeune femme bien étrange pour avoir la volonté de gâter l’homme qui l’a frappée et que tous voient comme un être abject. Je le suis peut-être un peu plus en manquant de refuser son cadeau. Je sais d’avance que je n’en aurai pas l’utilité, non seulement parce que je ne saurais user d’outils portant la marque de la jeune femme lorsqu’il est question de vider mon esprit, mais aussi parce que la palette est trop complète. Or, cela fait partie de mon humble processus créatif de mélanger et rechercher chacune des couleurs que j’utilise, d’ajouter un peu de jaune ou un peu de bleu à mon vert jusqu’à ce que la nuance me parle, me corresponde sur le moment. A quoi bon avoir toutes ces couleurs toutes prêtes et se laisser aller à la fainéantise ? Cela est certes un coffret parfait pour qui aime faire du beau sans se retourner le cerveau, du coloriage de luxe. Ce n’est pas mon genre, ça ne me ressemble pas. Je crois que cela me touche un peu que Joanne ait pu penser que ça l’est. Il aurait certainement mieux valu qu’elle ne mette pas un pied dans ce domaine visiblement obscur pour elle. « Non, je le garde. » j’assure néanmoins à Joanne. Je ne me vois vraiment pas lui jeter son cadeau à la figure, la connaissant même si elle prétend qu’elle comprendrait, je sais qu’elle s’en vexerait bien trop –comme n’importe qui. Je ne m’en débarrasserai pas non plus. Peut-être que le coffret prendra simplement la poussière dans un coin de mon nouveau chez-moi. A mon tour, j’offre ses cadeaux à Joanne. Cadeaux dont elle n’a pas besoin de connaître la réelle fonction et qui feront parfaitement office de présent pour Noël. Les bijoux font mouche. Ils sont romantiques, floraux, délicats ; ils sont tout ce que la jeune femme aime, je n’avais pas le moindre doute sur mes choix. Ce sont des pièces chères et d’une grande finesse, de toute beauté, et qui lui vont à merveille. « Je sais. » je murmure, ils sont incroyables. Il fallait au moins ce qualificatif pour mes cadeaux de mariage, n’est-ce pas ? Et pas moins. « Content qu’ils te plaisent. » La seule chose qui obscurcit cette satisfaction est de ne pas avoir pu les lui donner lors du mariage pendant lequel elle aurait dû les recevoir. Ayant terminé sa coupe, Joanne passe aux cadeaux de Daniel. L’on aurait presque pu oublier sa présence tant il est calme dans son coin, jouant avec son canard. Je l’observe déballer ses premiers paquets en sirotant la fin de mon champagne, et me ressers immédiatement. Il est tout enthousiaste, amusé par le bruit du papier qui se déchire, cherchant à voir en combien de petits morceaux ses doigts potelés et malhabiles peuvent le déchiqueter. Le contenu, en revanche, il est trop jeune pour comprendre de quoi il s’agit tant que cela n’est pas en action. Sa collection de peluches, de jouets et d’habits s’est enrichie. Pour ma part, je n’ai que deux paquets pour lui. Je m’assois par terre face à lui pour les lui donner. Le premier comporte quelques nouveaux livres, un peu plus interactifs, pour faire du bruit, toucher, utiliser ses doigts comme des marionnettes, mettre dans le bain –de tout en somme. L’autre paquet, plus gros, est un projecteur. « Regarde ça. » J’éteins quelques lumières du bureau, branche l’appareil, et en appuyant sur un bouton, un ciel étoilé apparaît sur les murs et le plafond de la pièce. Un autre bouton permet d’activer de la musique. Daniel observe le changement d’allure de la pièce avec des yeux ronds comme des billes. Il remarque que certaines étoiles sont projetées sur moi et s’approche à quatre pattes pour tenter de les attraper. Finalement, il s’installe confortablement entre mes jambes avec sa peluche. Le laissant admirer les petites étoiles, je m’adresse tout bas à Joanne ; « Tu pourras prendre ses cadeaux pour chez toi pour qu’il puisse en profiter, je les récupérerai si j’obtiens un droit de garde. » Machinalement, je caresse le crâne de Daniel qui s’endort petit à petit. Je veux vraiment croire que l’on m’autorisera à l’avoir à la maison de temps en temps, à passer du temps uniquement tous les deux. Il s’est assoupi en moins de deux, épuisé par cette longue veillée de Noël, sa toute première. « Bonne nuit, mon petit garçon. » Au moins, les enfants ont eu un Noël réussi.