Il était temps de remédier à ça. Oui, il était temps. Spencer avait invité Kara à goûter à un dîner divin, concocté par un cuisinier hors pair : lui. Enfin hors pair, disons qu'il se débrouillait bien. Il avait appris les bases de la cuisine avec sa tante et son oncle. Tous les deux savaient bien cuisiner et ils lui avaient enseigné quelques trucs. Il se débrouillait. Et cela lui avait rendu service quand il s'était retrouvé seul à élever Charline. Les compotes et les petits pots, cela ne durait qu'un temps. Il avait appris au fur et à mesure à faire des plats un peu plus élaborés. Et sans prétention, il s'en sortait plutôt bien. Alors inviter la jeune femme ne lui faisait pas peur. Il espérait juste qu'elle ne soit pas déçue. A vrai dire, il avait été assez évasif sur le sujet. Peut-être qu'elle s'attendait à aller dans un grand restaurant. Il aurait peut-être du lui dire qu'elle dînait ce soir chez les Keanan. Mais il avait envie de lui faire cette surprise. Donc il avait profité que Charline était chez ses grands-parents pour le week-end afin de préparer un bon repas pour deux. En plus, il ne travaillait pas ce jour-là alors c'était aujourd'hui ou jamais. Qui sait quand il allait pouvoir trouver un moment de liberté s'il laissait passer celui-là. Spencer avait donc envoyé quelques messages à Kara afin de la prévenir qu'il venait la chercher dans deux bonnes heures. Heureusement qu'elle était disponible. Il aurait du passer la soirée seul. Mais le garde du corps était du genre imprévisible. Parfois difficile à croire quand on connaissait son boulot. Mais en dehors de ses heures de travail, Spencer aimait se laisser porter par les événements. Il n'aimait pas prévoir les choses à l'avant. Toutes les bonnes choses qui lui étaient arrivées dans sa vie, n'avaient pas été prévues. Alors cela ne le stressait pas trop de ne pas faire de plans. La seule chose qu'il prévoyait, c'était l'avenir de sa fille. Il lui avait ouvert un compte épargne et un autre pour financer ses études. Et chaque mois, il mettait de l'argent. Il avait envie que sa fille ne manque de rien. En dehors de tout ça, il était plutôt en roue libre. Et il aimait ça. Il espérait que c'était la même chose pour la photographe. Celle-ci lui avait donné son adresse et Spencer se préparait donc à aller chercher Kara quand il avait reçu un coup de fil de Charline, lui expliquant qu'elle était arrivée et le planning de sa soirée. Spencer l'avait écouté avec attention. Puis il lui avait souhaité un bon week-end. Il avait parlé quelques minutes avec son beau-père avant de raccrocher. Une fois fait, il avait pris ses clefs et il avait quitté la maison. La voiture avait emprunté l'allée centrale jusqu'à Fortitude Valley. C'était étrange parce que c'était la première fois qu'il venait ici. La première fois qu'il venait chercher Kara. Et peut-être pas la dernière fois. Spencer gara la voiture sur le trottoir face à l'appartement des jumeaux. Le garde du corps klaxonna une fois, attendant la jeune femme dans la voiture. Puis il finit par prendre son téléphone et il envoya un message à la photographe. « Tu descends ou je viens te chercher comme une princesse ? » Il esquissa un sourire et envoya le texto avant de reporter ses yeux bleus sur l'une des fenêtres éclairées de l'appartement. Puis il vérifia sa montre. Il était dans les temps, même pile à l'heure. Cela faisait deux heures qu'il avait contacté l'américaine. Et voilà qu'il l'attendait sagement, comme un gentleman.
J’aimais ce genre d’imprévus. Les messages de Spencer égayaient ma soirée, moi qui pensait passer ma soirée devant des séries télévisées. Je n’avais rien de prévu pour ce soir et Kael ne serait pas à la maison. Alors, la proposition de Spencer, bien qu’inattendue, était la bienvenue. On parlait depuis longtemps d’un moment en tête à tête, sans jamais avoir pu le faire jusqu’à présent. Spencer était très pris par son travail, par sa fille. Ce que je comprenais totalement. J’avais moi aussi des impératifs avec mon travail, mes petites sœurs dont je m’occupais régulièrement. Puis… puis Kael m’avait annoncé qu’il était malade. C’était quelque chose de difficile à encaisser. Je devais admettre que je n’avais pas trop eu le cœur à sortir ces derniers jours. Je me demandais comment Kael faisait pour prendre les choses aussi « bien ». Il ne voulait pas laisser sa maladie régir sa vie. Il voulait continuer de vivre sa vie, malgré tout. Et il avait raison. On ne devait pas se laisser abattre pour autant. Alors, quand Spencer m’avait proposé ce dîner, je n’avais pas hésité. Ça me ferait le plus grand bien de passer du temps avec lui. J’avais très envie de le voir. Je savais qu’il était la personne idéale pour me faire passer un bon moment.
Kael avait vite compris – en me voyant sourire devant mon téléphone – qu’il s’agissait de Spencer. Mon jumeau ne manquait pas de me charrier, déclarant qu’il était temps que j’ai enfin un rencard avec mon garde du corps. Il me charriait encore en constatant que je ne savais pas trop quoi me mettre.
« A ton avis, je dois me mettre sur mon 31 ? Il a dit qu’on allait dans un grand restaurant, mais bon je ne voudrais pas trop en faire non plus… Oh laisse tomber oublie que je t'ai demandé ça. »
Dis-je en riant légèrement. Kael quittait l’appartement et je terminais de me préparer. J’avais encore un peu de temps avant que Spencer arrive. J’optais finalement pour ma combi short noire. Elle était simple et classe. Ça ferait l’affaire. Je n’avais pas vraiment l’habitude de me mettre sur mon 31. La dernière fois c’était pour accompagner Kaleb à un gala de charité et il m’avait fait apporter une robe. Je me maquillais légèrement et je laissais mes cheveux lâchés, légèrement ondulés. Je mettais sandales noires à talons. Une fois prête, je vérifiais que Stella avait de l’eau et de la nourriture pour la soirée.
« Désolée ma belle je vais devoir t'abandonner pour la soirée. »
Je la caressais, puis mon téléphone se mit à sonner. Un sms de Spencer. Je souriais. Je lui répondais rapidement : « Je descends, mais la prochaine fois, je veux que tu viennes me chercher comme une princesse et que tu me porte jusqu’à la voiture ». Mon sourire s’élargissait. J’attrapais ma veste et mon gilet, puis je quittais l’appartement. Quelques minutes plus tard, j’étais en bas de l’immeuble. Je rejoignais Spencer dans la voiture.
Spencer avait plusieurs fois repoussé ce genre de soirées. A chaque fois il avait un imprévu de dernière minute. Et au final, il ne pouvait pas inviter la jeune femme. Il faut dire que son emploi du temps était plutôt chargé ces derniers temps. Il avait du mal à se trouver des moments de liberté. Et quand il en avait un, il pensait d'abord à sa fille qui avait besoin de sa présence. Même s'il aurait bien aimé concilier les deux. C'était un peu compliqué pour l'instant. Bien que Charline lui posait fréquemment des questions sur la photographe. Il semblait qu'elle appréciait l'américaine. Et c'était réciproque d'après ce qu'il pouvait voir quand elles étaient tous les deux ensemble. Et puis les sœurs de Kara devenaient de véritables copines pour Charlie. Alors il pouvait dire que tout se passait bien. Et bien mieux que ça, puisque ce soir, ils pouvaient enfin s'accorder un peu de temps ensemble. Spencer s'était mis sur son trente-et-un. Il avait enfilé un costume Yves Saint-Laurent de couleur gris. Costume qui était fourni avec ses nouvelles fonctions. De part son métier, il avait l'habitude de porter du sur-mesure. Alors il était à l'aise dans ses fringues. Spencer s'était arrêté devant chez les jumeaux. Et il avait attendu patiemment la belle brune. Celle-ci n'avait pas mis longtemps à sortir de l'immeuble. Immédiatement un sourire s'affichait sur les lèvres de l'ancien militaire tandis que son regard bleu ne cessait de l'observer alors qu'elle rentrait dans la voiture. Aux paroles de la jeune femme, il garda ses yeux sur elle. « Cela m'a semblé une éternité. Mais cela valait le coup, tu es splendide. » Oh que oui. Cette combinaison lui allait à merveille. Et il aimait bien quand elle détachait ses longs cheveux. Tout en disant ces mots, un fin sourire s'était installé sur ses lèvres. Puis il ajouta, d'un ton léger. « Ton frère ne va pas m'en vouloir si je te kidnappe toute la soirée ? » Avec tout ce qu'elle lui avait dit, il savait que Kara et son frère avaient une relation très fusionnelle et qu'ils passaient beaucoup de temps ensemble. Bien que les propos du garde du corps étaient surtout, amusés. Puis Spencer redémarra la voiture. Celle-ci traversa toute la ville, roulant sur les axes principaux puis sur les avenues plus calmes avant de prendre le chemin de la banlieue côtière. En effet, la véhicule entrait dans le quartier de Bayside, bien loin des restaurants. Spencer jeta de temps en temps son regard sur la jeune femme, sachant qu'elle devait se poser des questions. Puis après quelques minutes de route, le garde du corps arrêta la voiture devant une maison typique de la banlieue. Maison à un étage avec les murs blanchis, les palmiers et séquoias devant l'entrée et la mer, derrière. Spencer coupa le contact avant d'annoncer. « Nous sommes arrivés. » Il descendit du véhicule pour faire le tour et ouvrir la portière à la jeune femme. Une fois le voiture refermée derrière elle, il l'observa alors qu'elle avait posé les yeux sur la villa. « Je t'ai promis un repas avec l'un des meilleurs chefs de la ville. Alors bienvenue chez moi. » Il espérait que l'idée allait lui plaire. Pour ce premier rendez-vous, il voulait quelque chose de calme, d'intime, en dehors de l'aspect aseptisé de certains restaurants. Ici, il voulait lui faire connaître une partie de son monde. Puis il ne pouvait s'empêcher de demander, gardant toujours un sourire en coin. « Pas déçue de ne pas aller en ville ? »
L'idée de passer la soirée en tête à tête avec Spencer me plaisait beaucoup. Ce n'est pas que ça me dérangeait d'avoir les filles avec nous, loin de là, mais ce n'était pas pareil. C'était d'ailleurs la première fois que nous allions passer un moment juste tous les deux. A présent installée dans la voiture de Spencer, je lui adressais un sourire. Il était très classe, comme toujours. J'avais déjà vu le garde du corps en costume, mais celui-ci lui allait à ravir. Je me disais que j'avais eu raison d'enfiler une tenu un peu habillée. J'aurais fait tâche à côté de lui si j'étais venue en jean. Et puis, il comptait m'emmener dans un grand restaurant, donc je devais faire un effort.
« Merci. »
Répondis-je simplement. Je n'avais pas reçu de compliments de ce genre depuis très longtemps. Enfin si, mais il s'agissait de gens de ma famille ou d'amis. Ces mots ne résonnaient pas pareil dans la bouche de Spencer et ça me plaisait de l'entendre dire ça. Un nouveau sourire se fendillait sur mes lèvres à la question de Spencer.
« Pas du tout. Je crois qu'il est plutôt content de se débarrasser de moi. Puis il n'est même pas là... mais il n'a pas manqué de me charrier avant de partir. »
Je marquais une courte pause. J'avais parlé de Spencer a plusieurs reprises. Avec Kael, on se disait tout et puis, rien ne lui échappait. Il avait bien vu que je passais des soirées entière à échanger des messages avec le garde du corps. Il avait bien remarqué mon sourire quand cela arrivait. Il me voyait changer et je crois que ça lui faisait plaisir. J'avais eu le droit a tout un discours sur les hommes et les relations amoureuses. Kael pensait que j'allais finir par passer à côté de quelque chose, si je fuyais à chaque fois que quelqu'un me plaisait un peu trop.
« Par contre, Stella risque de t'en vouloir un peu. »
Ajoutais-je en boutade. Il savait que Stella était la petite minette que j'avais adopté. Il démarrait la voiture et je n'avais aucune idée d'où on allait. Le meilleur restaurant de la ville, c'était bien vague comme description.
« Comment va Charline ? »
Demandais-je en portant mon regard sur lui. J'imaginais que c'était un des rares soirs où il n'avait pas sa fille avec lui. Spencer était un père très attentionné, qui faisait toujours passer sa fille avant. C'était aussi pour ça qu'on avait pas pu avoir ce genre de rendez-vous plus tôt. Mais je ne lui en tendais pas rigueur. Je comprenais qu'il fasse passer sa fille avant tout, je trouvais ça normal. C'est ce que devraient faire tous les pères. Charline avait de la chance de l'avoir.
« Euh... il se trouve où ce restaurant ? Parce que j'ai pas l'impression qu'il y ait grand chose par là. Heureusement que je te fais confiance, parce que sinon j'aurais pu me mettre à flipper. »
Je souriais. C'est vrai, je regardais la route et on ne prenait pas la direction du centre ville. On semblait plutôt s'en éloigner. Après quelques minutes le suspense s'arrêtait. On était enfin arrivés à destination. Je comprenais alors qu'il n'était pas question d'aller dans un restaurant. Je sortais de la voiture, alors que Spencer venait de m'ouvrir la porte. Puis, je posais mes yeux sur la villa qui se trouvait devant moi. Je souriais avant de reporter mon regard sur lui.
« Déçue ? Non, pas du tout. C'est parfait. »
Je souriais derechef. C'était même mieux que de m'emmener dans le meilleur restaurant de la ville. Ici, nous serions entre nous, tranquilles. Je reprenais la parole.
« Je ne savais pas que tu étais un grand chef cuisinier pendant ton temps libre. »
J'avais compris que c'était de lui qu'il parlait quand il avait parlé du meilleur chef de la ville. J'avais hâte de goûter à sa cuisine, même si j'étais surtout venue pour passer du temps avec lui.
« Je lui achèterai une petite souris en laine. Après ça, elle va m'adorer. » Il avait le contact facile avec les animaux. Si son métier n'était pas aussi prenant, il aurait surement pris un chien. Il aimait les chiens. Il aimait partager des footings avec eux. Cela lui rappelait des souvenirs d'enfance. Et il savait que Charline serait partante à mille pour cent. Sauf que voilà, avoir un chien enfermé la plupart du temps, ce n'était pas pour lui. Cela pouvait encore attendre un peu. S'il se décidait enfin à changer de voix professionnelle. Charline avait vraiment envie d'un animal de compagnie. Et peut-être qu'il la laisserai être « bénévole » certaines après-midi. Cela pourrait lui faire du bien. Elle pourrait côtoyer différentes races et puis cela lui enseignerait les responsabilités et l'autonomie. Ce qui était toujours bon à prendre. A la question de Kara, il posa ses yeux bleus sur elle. « Elle a trainé, trainé, trainé pour te voir. » Charline appréciait la photographe. Et cette dernière le savait déjà. « Mais ses cousines ont réussi à la convaincre de venir. » Puis un nouveau sourire s'était affiché sur les lèvres de Spencer quand il avait remarqué les regards de la photographe alors que la voiture quittait le centre ville. Cela l'amusait. Il aurait pu choisir un restaurant étoilé. Seulement, ce n'était pas la même chose. C'était un endroit impersonnel, avec des inconnus, des décorations tirées des magazines, froides et semblables à tous les autres établissements. Il n'avait pas envie de ce genre de décor pour cette soirée. Il passait déjà trop de temps dans ce genre d'endroits quand il était en service. Alors cette fois-ci, il voulait faire les choses à sa façon. Et il espérait vraiment que cela allait plaire à la jeune femme. Heureusement arrivés devant la villa, Kara le rassurait rapidement. A la question de cette dernière, il posa son regard sur elle. « Grand chef, c'est peut-être excessif... mais je te promets que tu ne risques aucune intoxication alimentaire, ni aucune indigestion. » Il l'observa un instant avant de lui présenter son bras et d'ajouter : « C'est le principal non ? » Spencer l'emmener dans la maison. « Bienvenue. » Il l'aida à retirer sa veste puis il demanda : « Tu veux boire un apéritif ou tu veux faire un petit tour de la maison ? » Lui faire visiter l'endroit où il vivait lui plaisait bien. C'était la première fois qu'il invitait une femme chez lui.
« Oh je suis certaine que tu deviendra son meilleur ami. »
Je souriais. J'étais certaine qu'une petite souris en laine plairait beaucoup à Stella. C'était une minette très joueuse, qui s'amusait d'ailleurs avec n'importe quoi. Des bouchons de bouteilles, des élastiques ou toute autre objet qu'elle trouvait. Autant dire qu'on avait plutôt intérêt à ne rien laisser traîner. Mais Stella animait notre quotidien et je dois dire que je ne m'imaginais plus sans elle. Notre maison et nos vies seraient bien tristes sans elles. J'étais contente qu'elle se soit retrouvée sur mon chemin et d'avoir réussi à la sauver. Je me demandais comment j'avais fait pour vivre autant de temps sans animaux. Je les adorait tellement. Je m'étais privée d'un animal de compagnie longtemps à cause de mes déplacements. J'étais contente de pouvoir de nouveau accorder du temps à une petite boule d'amour.
« C'est vrai ? Je suis sûre que tu auras le droit à tout un tas de questions quand elle rentrera. »
Je n'en doutais pas. Charline était loin d'avoir la langue dans sa poche. Je l'avais remarqué le jour de notre rencontre, quand elle m'avait tout naturellement annoncé que son père était célibataire. Pourtant, on ne se connaissait pas à ce moment là. On était arrivés devant chez Spencer et je découvrait la maison. Une très belle maison moderne avec un style que j'aimais beaucoup.
« Tant que je risque pas de tomber malade, ça me va ».
Je souriais, amusée. J’espérais cependant lui avoir déjà mentionné que j'étais végétarienne. C'était parfois un peu compliqué lorsque j'étais invité. Je n'aimais pas du tout faire mon enquiquineuse, mais je ne pouvais vraiment plus me résoudre à consommer de la viande. J'en avais déjà mangé par le passé, mais ça faisait de nombreuses années que j'avais arrêté. J'attrapais son bras et je le laissais me guider jusqu'à chez lui.
« Hum... j'ai bien envie que tu me fasse visiter ton chez toi et ensuite on prendra l’apéritif, ça te va ? »
Demandais-je. J'avais hâte de découvrir sa maison, non pas par attachement au matériel, loin de là. Je n'avais jamais été comme ça. J'avais simplement envie de découvrir son univers. En fait, j'étais très touchée qu'il m'ait invitée chez lui. Une maison c'est quelque chose de très personnel. Enfin c'est ainsi que je voyais les choses.
« Ça t'étonnerai si je te disais que je suis quasiment certain qu'elle va appeler avant la fin du repas. » C'était sa fille. Il l'avait élevé seul. Il la connaissait sur le bout des doigts. Il savait tout sur elle. Il savait ce qu'elle faisait quand elle était nerveuse, quelles étaient ses habitudes quand elle se réveillait, quand elle arrivait dans un environnement qui n'était pas familier. « Parce que c'est exactement ce que je ferais avec son premier rencard. » Il esquissa un sourire amusé. C'était tout lui. Il se ferait trop de souci pour elle. Il passerai son temps à lui poser des questions. Il en était certain. Puis aux nouvelles paroles de Kara, il mit sa main à l'emplacement de son cœur. « Promis. » Il n'avait pas l'intention de la transformer en cobaye ou ce genre de chose. Non. Il voulait lui montrer qu'il était un bon cuisiner et qu'ils pouvaient passer un bon moment tous les deux. « Ça marche. » Répondait-il à sa proposition. Visiter la maison n'allait pas prendre longtemps. Elle n'était pas grande. Assez pour deux, voire trois personnes. Mais il s'y sentait bien et c'était surtout dans ses moyens. Le quartier était parfait. Il y avait un parc pas très loin et la mer juste derrière la maison. Alors il ne pouvait pas demander mieux. Spencer commença donc par le rez de chaussée. Il lui montra la cuisine ouverte sur le salon et le coin salle à manger. « Je ne suis pas fan de la sur-décoration. J'aime plutôt le simple. Et puis c'était plus pratique avec Charlie quand elle était petite et qu'elle commençait à marcher. » Ouais, cette maison il l'avait depuis des années. Evelyn et lui l'avaient acheté moins d'un an après leur mariage. Même après la mort de sa femme, Spencer avait préféré rester ici. Il aurait pu trouver autre chose mais il était bien ici, malgré tout. Malgré certains souvenirs. C'était sa maison. « Ça te plait ? Le restaurant n'est pas trop mal non ? » Un fin sourire sur les lèvres, il l'invita ensuite à l'étage. Il commença par la chambre de Charline. « C'est son endroit secret. Je n'y suis pas toujours toléré. » Sa fille grandissait et elle avait besoin d'intimité. C'était dur parfois. Spencer se disait que c'était le début d'un éloignement inéluctable. Même s'il avait encore quelques années devant lui. Puis il lui montra la salle de bain toute proche, la chambre d'amis et enfin sa chambre, au fond du couloir. Une chambre plutôt simple. Puis une fois la visite terminée, il proposa : « On prends l'apéritif sur la terrasse ? » Ils redescendaient au rez de chaussée. Spencer l'emmena dehors. La terrasse avait une vue sur la mer. Et en dessous de la terrasse, il y avait un grand jardin avec une cabane en bois, le royaume de Charline. « Je t'en prie, installes-toi. » Il lui servait un cocktail avant de s'installer sur le petit banc molletonné.
« En fait, non, ça ne me surprendrait pas. Je sais a quel point vous êtes proches et puis, elle sait qu'on passe la soirée ensemble, alors... »
Je les avait observé tous les deux. J'avais bien remarqué que leur relation père-fille était très forte. Ils étaient proches et Spencer était un père très attentionné. La mère de Charline était morte et il avait dû jouer le rôle des deux parents à la fois. Ce n'était pas facile. Mais j'étais persuadée qu'il faisait de son mieux. Malgré l'absence d'une mère, Charline ne semblait manquer de rien. C'était une petite fille pleine de vie et curieuse de tout. J'avais pu le constater les fois où on s'était vus. Je me rappelais de la journée au festival. Elle avait pris plaisir à expliquer à mes sœurs tout ce qu'elle savait sur le festival et les animaux présents.
« Ouais enfin a mon avis tu as encore un peu de temps avant qu'elle se mette a avoir des rencards. Enfin j'espère. »
Elle n'avait que neuf ans. Cela laissait une petite marge à Spencer. Il aurait du soucis à se faire quand elle atteindrait l’adolescence. C'était pas un âge facile à vivre que ce soit pour l'ado lui-même ou pour les parents. Enfin je n'avais pas à me plaindre, Katty était en pleine adolescence et elle était plutôt sage. Un peu trop peut-être. Même si je préférais la voir concentrée sur ses études qu'à courir après les garçons. Elle avait le temps pour ça.
Spencer commençait alors la visite de la maison. Il me guidait dans les divers espaces du rez-de-chaussée. Les pièces n'étaient pas immenses, mais elles étaient de taille suffisante.
« Je trouve que c'est charmant comme ça et c'est bien aménagé. »
J'étais aussi une adepte de la simplicité. Nous n'avions pas beaucoup de décoration à l'appartement non plus. La maison de Spencer me plaisait beaucoup. La décoration était simple, mais le tout avait une allure très classe. A l'étage, il me fit visiter la chambre de Charline. Je souriais à ses paroles.
« Ah ça... la chambre d'une fille est toujours un endroit sacré ! Et attends qu'elle devienne ado, ça sera pire. »
Je plaisantais. Puis, il me fit visiter les autres pièces et nous rejoignons la terrasse.
« Si tu voulais m'impressionner ça a marché. »
Dis-je en regardant à l'horizon. Une terrasse avec une vue imprenable sur la mer. Spencer avait de la chance d'avoir ce cadre de vie. Ce n'était pas donné à tout le monde. Ici, j'avais presque l'impression d'être en vacances. C'était un petit coin de paradis. Je m'installais sur le canapé et j'attrapais le cocktail qu'il me donnait.
« Merci. » - Je marquais un court silence - « C'est vraiment magnifique ici et je confirme ce que je disais en arrivant, c'est mieux que n'importe quel restaurant étoilé. »
Je lui adressais un sourire et je faisais cogné mon verre contre le sien, pour trinquer.
« A cette soirée ! »
Dis-je, avant de boire quelques gorgées de mon cocktail.
Effectivement, Charline savait que son père et Kara passaient la soirée ensemble. Alors elle avait posé un tas de questions. Un tas. Des questions auxquels il n'avait pas toujours la réponse. Mais en même temps, Spencer avait fait en sorte qu'elle ne s'imagine pas trop de choses. Mais cela avait été difficile. Elle était têtue comme son père. Heureusement que sa belle-soeur était arrivée à temps. Elle avait emmené Charline avec elle. Mais il savait que demain, il allait avoir droit à une nouvelle série de questions. « Alors, elle va être doublement curieuse. Mais c'est de ma faute, elle tient ça de moi. » Ajoutait ce dernier avec un sourire. Alors il ne pouvait pas lui en vouloir. Elle exprimait simplement les traits génétiques qu'il lui avait légué. « Le temps file à une vitesse folle. Un jour, je la pose sur la machine à laver pour lui mettre ses pinces en forme de têtes de chats et le lendemain, elle me demande avec ces mêmes yeux de chat, de ne pas approcher la voiture trop près de l'école. » Il haussa un peu les épaules. « Elle m'a brisé le cœur ce jour-là. » Ajoutait ce dernier en faisant une petite moue. Bon, il plaisantait mais tout ça pour dire que les gosses grandissaient vite. Et il avait envie de profiter de chaque moment avec elle. Elle n'avait que neuf ans oui mais peu à peu elle devenait indépendante. Et c'était bien normal. Mais c'était un peu difficile pour Spencer de lâcher du lest. Et surtout de se dire que son bébé n'avait plus trop besoin de lui à longueur de journée. C'était à la fois chouette et flippant pour lui. Mais il essayait de voir le bon côté des choses. Il jeta un nouvel œil à Kara : « Tu n'as pas l'impression d'être de trop parfois ? » Bon la photographe avait d'autres sœurs et elle avait du ressentir cette sensation. Pour lui, c'était tout nouveau. Et il apprenait encore à lui laisser sa liberté d'enfant. La chambre de cette dernière était sans doute la pièce la plus décorée de la maison. Entre les décors en crépon, les guirlandes lumineuses et toutes les peluches ici et là, elle semblait assez chargée mais c'était l'univers de sa princesse. Et il ne voulait surtout pas y toucher. « Evelyn et moi, on a eu le coup de cœur pour cette maison. A tel point qu'on a patienté quatre heures en pleine nuit, devant la banque pour demander notre prêt dès l'ouverture. » Il esquissa un sourire. Il se souvenait bien de cette nuit là. Evy était enceinte et Spencer avait du faire des allées retour au café du coin pour lui apporter des beignets de framboise. Et le lendemain matin, ils étaient devenus propriétaires. « Et pour tout dire, je ne m'imagine pas vivre ailleurs. » Alors qu'ils redescendaient au rez de chaussée, il s'empara des alcools. Ils s'étaient ensuite installés sur la terrasse. Il esquissa un sourire aux mots de la jeune femme. « Et encore, tu n'as rien vu. » Il posa sa coupe et il alla appuyer sur un interruption. Deux guirlandes lumineuses venaient de s'éclairer autour de la terrasse. Il esquissa un sourire en revenant s'asseoir. « C'est une idée de Charline. Mais j'avoue que ça fait son petit effet. » Il posa ses yeux bleus sur elle avant d'ajouter : « Et elle m'a répété mille fois que tu étais végétarienne. Alors t'en fais pas, je n'ai fais que des légumes. » Il soupira légèrement avant d'ajouter : « Je suis désolé, la cuisine végé, je n'y connais rien. J'ai essayé de faire un plat avec du tofu mais l'odeur ne me disait rien... » Il avait de sacrés lacunes avec la cuisine végétarienne. Mais il pourrait apprendre. « Mais je vais apprendre si une nouvelle soirée ne te fait pas peur. » Puis il entrechoqua son verre à celui de Kara. « A cette soirée. » Il esquissa un sourire avant de boire une gorgée.
Je souriais légèrement en écoutant Spencer. Je n’avais pas d’enfants, mais j’étais l’aînée d’une fratrie de six. J’avais donc toujours côtoyé des enfants. Kael et moi avions beaucoup aidé notre mère. Elle nous avait élevé toute seule. Il était donc normal qu’on lui donne un coup de main en grandissant. Ce n’est déjà pas de tout repos de s’occuper d’un enfant, alors imaginez-vous en élever six. Je savais que c’était une chose que Spencer pouvait comprendre. Il était seul pour s’occuper de Charline.
« Ouais. Les enfants grandissent trop vite. Je le vois avec toutes mes sœurs. C’est fou comme elles ont évolué, changé en peu de temps. Et crois-moi, les petites – qui d’ailleurs refusent qu’on les surnomme comme ça – nous font vite savoir qu’elles ont plus besoin de nous. L’autre jour j’ai voulu aider Kiara à faire ses lacets, mais elle m’a dit qu’elle savait faire maintenant. »
Oui. Kassandra et Kiara n’étaient plus des bébés. Pourtant, j’avais parfois l’impression qu’hier encore, je les berçais dans mes bras pour les calmer. Elles ne cessaient de m’étonner chaque jour, me montrant qu’elles étaient de grandes filles maintenant et qu’elles n’avaient pas toujours besoin de nous derrière elles. Ça ne me rajeunissait pas du tout, tout ça et je me disais, qu’effectivement, le temps passait à vive allure.
« Ah oui ? Je comprends qu’elle vous ait plu. C’est un petit coin de paradis ici. »
Je souriais à mon tour, puis Spencer jouait avec l’interrupteur de façon à ce que les guirlandes s’allument. C’était vraiment très chouette. Je reportais mon regard sur le garde du corps lorsqu’il reprit la parole.
« Comment tu sais que j’étais entrain de m’en faire pour ça ? »
Répondis-je, amusée. J’étais rassurée de savoir que Charline n’avait pas oublié ce détail, qui avait toute son importance. Je m’en serais voulu de ne rien pouvoir manger des préparations de Spencer, parce que c’était de la viande.
« Je suis soulagée alors. Je suis fière d’être végétarienne, mais quand je suis invité, c’est parfois compliqué. Je me serais senti trop mal si t’avais mit des heures à préparer un plat que je n’aurais même pas goûté. »
Expliquais-je avant de reprendre.
« Bien j’ai pas encore goûté à ton repas quatre étoiles, alors je peux pas te dire si une autre soirée m’effraie ou pas. »
Je plaisantais, bien entendu. La soirée venait à peine de commencer et les choses se passaient plutôt bien. Je me sentais bien en compagnie de Spencer et les choses qui me tourmentaient semblaient bien loin à présent.
« J’ai quelques recettes, alors peut-être que je pourrais t’apprendre et qu’on pourra faire le prochain repas ensemble ? Tu seras étonné par ce qu’on peut faire avec simplement quelques ingrédients d’origines végétales. »
C'était parfois difficile pour Spencer de voir Charline grandir. Il était clair qu'elle grandissait trop vite pour ce dernier. D'autant plus qu'elle était assez autonome et qu'elle aimait faire les choses seule, sans aide ou alors avec une aide minime. Autant le garde du corps trouvait ça amusant, autant cela lui rappelait à quel point son bébé n'était plus un bébé. Bientôt, il allait devoir accueillir ses petits-amis malgré lui. Oui enfin pour cela il avait encore le temps. Mais c'était ce qu'il se disait quand il laissait Charlie s'endormir dans ses bras quand elle était petite. Il aimait profiter alors de ces moments-là. Parce qu'il savait que les enfants grandissaient vite. Et là, il était parfaitement d'accord sur ce point. Mais il se disait qu'il avait encore de très belles choses à vivre avec sa fille. Et que ce n'était que des chapitres supplémentaires de sa vie. De leur vie à deux. « Les lacets ? Ça c'est le début de l'indépendance. » Il esquissa un sourire amusé. Et oui, c'était le premier pas vers l'autonomie. Si ses souvenirs étaient bons, la petite allait fêter ses six ans cette année. Il prit une nouvelle gorgée de cocktail. La maison était belle oui. Elle n'était pas très grande. Mais elle était suffisante pour eux. Elle était bien située, bien orientée. Et le père et la fille pouvaient passer de bons moments ici avec sa famille ou ses amis. « Je ne me vois pas vivre ailleurs à vrai dire. Surtout pas en ville. » Même s'il avait l'habitude de dormir même avec du bruit. En étant militaire, il avait appris à dormir dès qu'il le pouvait. Parce qu'il était souvent sur le front, toujours sur le qui-vive. Et qu'il ne savait vraiment pas quand il pourrait avoir une véritable nuit, un véritable moment de repos. « Je crois que c'est l'endroit idéal dans cette ville pour les enfants. On a un parc tout proche, un centre de loisirs où Charline aime passer du temps, et la plage à quelques minutes. » Franchement non, il ne pouvait pas rêver de meilleur endroit. Voilà pourquoi Spencer avait toujours refusé de vendre sa maison, même s'il avait eu de belles propositions. C'était ici qu'il avait élevé Charlie. Dans cette maison qu'elle avait dit ses premiers mots, qu'elle avait appris à marcher. Bref, bien trop de souvenirs étaient présents dans les lieux pour qu'il songe, ne serait-ce qu'une seconde à mettre un trait sur tout ça. Le garde du corps pris une gorgée de sa coupe avant de reporter son attention sur Kara. « Parce que je t'ai invité à diner, et que c'est une question légitime à te poser. » Ce qu'il voulait, c'était que la jeune femme passe une bonne soirée, non pas qu'elle soit malade ou qu'elle soit obliger de jeûner parce qu'il ne s'était pas renseigné un minimum sur ce que la jeune femme pouvait aimer. « Et puis je suis plutôt du genre à avoir une bonne mémoire. Et je me souviens que tu m'en avais parlé. Que ton frère s'était également mis à ce régime alimentaire. » Oui, il se rappelait de beaucoup de choses. « Tu sais, si tu es invité, c'est surtout à l'hôte de se renseigner sur tes goûts. » Après tout, elle n'avait pas à se sentir mal à l'aise. Même si parfois ce régime pouvait déstabiliser. « Et puis Charline m'a rappelé dix fois de faire attention à ce que je te cuisinais. » Il esquissa un sourire amusé en repensant aux paroles de sa princesse. « Elle a peut-être peur que tu ne reviennes plus. » Il reposa sa coupe sur la table basse devant eux avant de reprendre. « Avec plaisir. Je n'y connais rien mais j'aime apprendre. Et puis peut-être que je pourrais en faire au quotidien. Je ne suis pas un gros mangeur de viande alors je m'en passe parfois très bien. » Contrairement à Kara, il n'avait pas été initié à ce mode de vie. Il avait toujours été un carnivore. Et à vrai dire, il avait de très bons souvenirs de barbecue qu'il avait partagé, son équipe et lui au cours de ses missions en Irak. Il ne se voyait pas abandonner tout ça du jour au lendemain. Et il savait que la photographe ne lui demandait pas. Spencer voulait simplement apprendre à concilier ces deux modes s'ils venaient à avoir un autre dîner entre eux.
J'imaginais que ça devait être difficile pour Spencer de voir que son bébé n'en était plus un. Je n'avais pas d'enfants, mais j'avais des petites sœurs. Je savais donc ce que c'était. Je me revoyais encore prendre les petites dans les bras et essayer de calmer leurs pleurs. Elles étaient désormais des petites filles en parfaites santé et très débrouillardes. J'étais fière d'elles, mais pas étonnée. Dans la famille, on savait tous se débrouiller et on avait fort caractère. On tenait probablement ça de notre mère. On ne pouvait pas dire que notre père nous ait transmis quoi que ce soit. Je souriais donc aux paroles de Spencer. Ouais, les lacets, le début de l'indépendance. Kiara avait de moins en moins besoin de notre aide. C'était une grande maintenant et elle aimait le dire ! Gare a vous si vous la traitez de bébé !
« Ouais... il faudrait être dingue pour quitter cette maison et s'installer en ville. »
Spencer avait la chance de vivre dans un cadre idyllique. Le quartier était calme, la mer était à quelque pas et il parlait même d'un parc pas très loin. C'était bien plus agréable que de vivre au cœur de la ville. Brisbane était agréable, mais c'était plutôt bruyant dans le centre. La ville était assez dynamique. Notre appartement était situé dans un des quartiers les plus animés, mais les loyers étaient modéré. Enfin cela me suffisait. La maison de Spencer était magnifique, mais du moment que j'avais un toit sur ma tête, je ne me plaignais pas. Mon petit appartement était très correct et puis, il était bien insonorisé, alors je n'étais pas dérangée par le bruit. A moins que ce soit mon passé à Chicago qui m'est habitué à supporter le bruit, à en faire abstraction ?
« Charline n'a pas à s'inquiéter. J'ai bien l'intention de revenir... enfin si tu m'invite de nouveau. Et ça aurait été le cas même si tu avais oublié que je suis végétarienne. »
Je posais mes prunelles bleues sur lui, souriant légèrement. Ce que j'appréciais surtout c'était sa compagnie, alors je serais passée au dessus d'une erreur de menu ou d'un oubli. Puis, je reprenais la parole.
« J'espère réussir à te faire apprécier la cuisine végétarienne. Tu verras, il y a autre chose que le tofu. »
Je souriais amusée et je reprenais.
« La viande n'est pas essentielle à notre alimentation, contrairement à ce que beaucoup pensent. D'ailleurs, c'est même déconseillé d'en manger trop... enfin je ne veux pas te convertir au végétarisme, ne t'inquiète pas, mais c'est bien de vouloir explorer d'autres choses. »
« Et je ne compte pas la quitter. » Il ne voulait pas vendre, ni même changer de quartier. Il était bien ainsi, il ne se voyait pas vivre ailleurs. Et puis Charline avait toutes ses habitudes ici. Elle avait ses amies, son école pas très loin, le parc où elle prenait souvent son goûter après les cours. Non décidément, il ne se voyait pas vivre ailleurs. Et Kara semblait comprendre pourquoi. Il fallait être un peu étrange pour quitter ce coin et aller vivre dans le centre-ville. Il avait un confort de vie qu'il n'avait pas envie d'abandonner. « Bien sûr que je t'invite à nouveau. En plus, tu aimes tellement la maison. Ce serait dommage de ne pas en profiter certains soirs. Le coucher de soleil est magnifique. » Oui, il disait ça pour qu'elle puisse avoir encore plus envie de revenir. Mais il espérait également qu'elle n'allait pas revenir seulement pour ça. Mais seul le reste de la soirée allait pouvoir donner une réponse à cette question. « Mais je ne l'ai pas oublié. J'ai plutôt une bonne mémoire. Et ça me sert au quotidien. » Surtout pour le boulot, mais parfois aussi pour le plaisir comme ce soir-là. Il prit une nouvelle gorgée de sa coupe afin de hocher doucement la tête aux propos de la jeune femme. « J'ai hâte de voir ça alors. » Puis il ajouta sur la même lancée. « Oui je sais. Et nous en mangeons rarement. J'essaie de lui mettre plus de légumes et de légumineuses qu'autre chose. Mais bon ce n'est pas toujours facile avec Charline. Elle est assez difficile sur ce point. Mais elle déteste les fast food ce qui est une bonne chose. Alors je ne vais pas me plaindre. » Il avait appris avec le temps à faire la cuisine pour sa fille. Il n'était pas un cordon bleu mais il se débrouillait bien. Il faisait toujours en sorte que les repas soit équilibré et rassasiant. Puis il finit par proposer tout en se levant de son siège. « Et si nous allions en cuisine ? Je crois que le gratin doit être prêt. Et ce serait dommage qu'il soit cramé parce que l'on tarde ici. » Il prit sa coupe en main et invita la photographe à faire la même chose. Une fois dans la cuisine, il posa son verre sur l'ilot central et il vérifia la cuisson en ouvrant le four. « C'est prêt. J'espère que tu as faim. » Il prenait ensuite les couverts et avec l'aide de Kara, il installa la table. Il avait posé une nappe blanche et Charline avait pensé à un petit bouquet de fleurs de toutes les couleurs. Quand le regard de l'américaine se porta sur le vase, Spencer avoua : « Charline. » Sa fille avait décidément pensé à tout.
« Ah oui ? Il faudra que je vienne voir ça alors. Ce serait vraiment dommage de rater un si beau paysage. »
Dis-je en souriant légèrement, amusée. La maison de Spencer était magnifique et le cadre dans lequel il vivait agréable. Mais je n'avais jamais été quelqu'un d'intéressé. J'espérais qu'il le savait. Si je revenais ici, ce serait surtout pour passer du temps en compagnie du garde du corps. Je gardais mon regard sur lui un instant, puis je reprenais quelques gorgées de mon cocktail. Notre apéritif terminé on rejoignais la cuisine. Spencer nous y avait concocter un petit repas. J'étais touchée par cette attention. Il avait pris le temps de cuisiner pour moi et en plus, il avait dû se mettre au végétal. J'imagine que cela n'avait pas été une mince affaire pour quelqu'un qui n'y était pas habitué.
« Je meurs de faim. »
Répondis-je alors qu'il m'annonçait que c'était prêt. Je l'aidais à dresser la table. Ce n'était pas parce que j'étais invitée que j'allais me tourner les pousses. Je souriais en remarquant le bouquet posé sur la table. Une idée de Charline apparemment.
« Il est superbe. »
Commentais-je. On passait finalement à table et j'allais pouvoir goûter à la cuisine de Spencer. Ce qu'il avait préparé avait l'air appétissant et j'étais certaine que ça l'était !
« Tu as l'air de t'être donné beaucoup de peine pour nous préparer ce repas. Je savais pas que tu aimais cuisiner. »
Il esquissa un sourire aux propos de la brune. Le coucher de soleil était un spectacle de toute beauté quand la vue était dégagée. Et Spencer voulait le montrer à la jeune femme. Peut-être que ce soit, c'était un peu tard, mais pourquoi une autre fois. Kara ne semblait pas contre l'idée de revenir une prochaine fois. En tout cas, c'était ce qu'il comprenait. Enfin pour l'instant, ils n'en étaient pas là. Ils allaient passer à table puisque le repas était prêt. Ensemble, ils avaient mis les couverts tout en reprenant leur discussion. Spencer espérait vraiment que Kara allait apprécier son repas. Il avait fait en sorte de ne rien utiliser d'animal. Et c'était bien la première fois qu'il cuisinait de cette façon. Il avait donc perdu certains de ses repères. Les quantités, les rapports d'arômes n'étaient pas les mêmes. Mais il avait goûté et pour lui, c'était plutôt bon. Enfin ce n'était pas de la grande cuisine. Mais c'était mangeable. Elle ne risquait donc pas la moindre indigestion. « Alors je vais nous servir tout de suite. » Spencer avait posé le plat sur la table. Il avait ensuite pris une bonne part de gratin avant de la déposer dans l'assiette de la jeune femme. Puis il avait fait la même chose avec la sienne. « Vin blanc ou vin rouge ? » Il ne savait pas trop ce que la jeune femme pouvait boire. Mais avec ce genre de plat, c'était le vin qui se mariait le mieux. Cela faisait ressortir le goût de chaque légume. Puis alors qu'il s'installait à table, il reposa son attention sur Kara quand elle reprit la parole. « J'ai appris à aimer. » Il esquissa un sourire avant de servir à boire à son invité. Puis il reprit après avoir fait la même chose pour lui. « Je suis loin d'être un cordon bleu. Mais j'ai appris certaines choses au fil des années. J'ai acheté des livres de cuisine. Je n'avais pas forcément envie de nourrir Charline avec des menus de fast food ou des sandwich en tout genre. » Ce n'était pas ce qu'il y avait de plus sain pour une enfant. Et même pour un adulte à vrai dire. Et puis avec l'armée, il avait toujours fait plus ou moins attention à ce qu'il mangeait. « Et puis, je crois que cela plait aussi à Charline. Elle aime cuisiner avec moi. Et parfois, il nous arrive de passer des après-midis à faire des pâtisseries. C'est ce qu'elle préfère, bien sûr. » Ajoutait le garde du corps avec un sourire. « C'est une gourmande comme son père. » Et pas qu'un peu. Bien que le garde du corps s'était calmé sur les sucreries en vieillissant. Mais il se reconnaissait beaucoup en Charline. Puis il reposa son regard sur Kara. « Bon appétit. » Il esquissa un sourire avant d'ajouter. « Et si c'est vraiment mauvais, tu peux le dire. Je ne voudrais pas non plus que tu sois malade par ma faute. »