S'il y avait bien une chose qu'il regrettait, c'était de ne pas voyager aussi souvent qu'il le désirait. Avec son travail, il avait parfois du mal à s'octroyer quelques jours d'affilés, ce qui le gênait. Mais au final, il arrivait à prendre quelques heures ici et là pour offrir des escapades à Charline. Et la fillette était ravie. Ravie de pouvoir découvrir autre chose que la vie citadine, que les buildings, les petits espaces et les embouteillages. Et à croire qu'elle aimait voyager autant que son père parce qu'elle ne ratait jamais une occasion pour lui parler d'un coin qu'elle avait découvert, soit dans un livre, un magazine ou sur internet quand elle faisait des recherches pour l'école. « Je crois qu'elle me ressemble sur ce plan là . Elle aime bien passer du temps en voiture pour découvrir autre chose que la ville. » Et c'était tant mieux. Longtemps, Spencer s'était demandé si cela ne serait pas mieux de déménager plus loin, un peu en dehors de la ville. Afin d'avoir un autre cadre de vie. Mais Charline adorait la maison, le quartier et l'ambiance qui y régnait. Alors au final, le père et la fille étaient restés ici. Mais cela ne voulait pas dire qu'ils n'en profitaient pas un maximum pour s'évader dès qu'ils le pouvaient. Puis le garde du corps se mit à rire quand Kara lui fit des grands yeux quant à cette histoire de jumeaux. Et bien quoi ? C'était une possibilité. Puisqu'il y avait déjà des jumeaux dans la famille. Même si parfois cela pouvait sauter des générations. Lui, il n'avait eu qu'une sœur. Et il ne passait pas un jour sans qu'il ne ressentait pas un manque. Violet lui manquait. Tout comme Evelyn. Mais il avançait pour elle et pour Charline qui croquait la vie à pleines dents. Et cela lui faisait plaisir. Malgré le fait qu'il lui manquait une personne très importante dans sa vie, elle n'en faisait pas un handicap et elle avançait. En tout cas, elle faisait son maximum. Même si bien sûr, Spencer savait qu'Evelyn manquait beaucoup à leur fille. Mais il savait que sa femme était là avec elle, et qu'elle veillait sur eux. Il n'en doutait pas une seule seconde. « Oui. Mais je me dis toujours qu'il faut en faire une force. L'absence de votre père vous a tous soudé les uns aux autres. Et quant à moi, je pense ne pas m'en être trop mal sorti. Je crois qu'au contraire, on essaie de ne pas reproduire les erreurs de nos aînés. Et ça, c'est une bonne chose, non ? » En tout cas, c'était ce qu'il croyait. Spencer en avait fait une force. Et il se disait souvent que peut-être, il ne serait pas là, ici à cet instant précis, si ses parents avaient été attentionnés et que son passé aurait été différent. Alors au final, c'était un mal pour un bien. Et c’était tout ce qui comptait. Puis l'ancien militaire remarqua rapidement que Kara avait quelque chose sur le cœur. « Je me demandais bien ce qui pouvait te tracasser. Maintenant j'ai ma réponse... » Il se doutait que cela ne devait pas être facile, ni simple pour elle. Comme pour toute personne confrontée à ce genre d’événement.Et puis il était flatté aussi que la photographe se confie à lui. Cela voulait dire qu'elle lui faisait confiance ou qu'elle était assez bien avec lui pour aborder ce genre de sujet. « J'imagine que cela ne doit pas être facile. Et Kael, comment il prend ça ? » Il ne connaissait pas trop le frère de Kara. Mais s'il lui ressemblait, alors il était capable de se relever de cette épreuve. On dit que c'est surtout le mental qui comptait. Il ne fallait pas s'avouer vaincu. Il fallait avoir un bon état d'esprit. Et puis il avait apparemment une famille soudée derrière lui. Et ça aussi c'était important.
« Tu as de la chance... certains enfants préfèrent rester scotchés devant la télévision ou avec des jeux vidéos. C'est chouette que Charline s'intéresse à ce qui l'entoure. »
Je souriais légèrement. Charline et même mes sœurs faisaient parti d'une génération hyper « connectée ». C'était la société qui voulait ça. On nous vendait des gadgets inutiles et ça plaisait à tout le monde. Beaucoup de choses se passaient désormais derrière un écran ou à l'aide d'un robot. Je n'avais rien contre la technologie, j'étais même douée informatiquement, mais je me disais que ça allait parfois trop loin. Je me demandais si dans le futur, les hommes n'allait pas finir par être remplacées par des robots. Enfin passons.
« Ouais c'est une bonne chose. Je suis du genre à penser qu'on apprends toujours, quoi qu'il arrive, même si la vie peut se montrer difficile parfois. C'est ça aussi qui nous forge le caractère. L'absence de notre père nous a certainement rendus plus forts finalement. J'espère que ça sera pareil pour les petites. »
Je n'étais pas du genre à m’apitoyer sur mon sort ou a voir les choses de façon négative. La plupart du temps, j'essayais de rester positive. C'était sans doute ma mère qui m'avait apprit cela. Kael aussi. Comme on dit, on peut poser un genou à terre, mais jamais les deux.
« Il est combatif. Kael a toujours été un battant et il ne compte pas laisser la maladie régir sa vie, même si elle l'affaiblit. Il continue de travailler, de vivre sa vie comme avant... bien qu'il soit souvent fatigué. Le traitement est assez lourd. De mon côté, je suis très inquiète, mais je refuse de me laisser aller. Kael se bat et je compte bien me battre à ses côtés... je crois que le pire pour moi c'est de savoir que je peux pas faire grand chose. La maladie est là et je peux rien y changer. Je peux simplement être là, à ses côtés, mais a mes yeux ça sera jamais suffisant. »
Je prenais quelques gorgées dans mon verre. J'avais l'impression que je venais complètement de plomber l'ambiance. Je reprenais alors :
« Je suis désolée si je gâche la soirée avec mes histoires tristes... Mais je suis contente que tu m'aies invité ce soir. Depuis le temps qu'on parlait d'un moment tous les deux... »
J'eus un fin sourire. C'est vrai qu'on avait eut du mal à trouver un moment. On avait tous les deux un emploi du temps chargé, puis Spencer devait aussi s'occuper de sa fille. C'était un peu compliqué de trouver une soirée où on soit disponible tous les deux.
Il esquissa un sourire aux propos de Kara quant à Charline et la télévision. « Oh ça, c'est parce que je ne lui laisse pas le loisir de rester scotché devant comme tu dis. » Un sourire resté sur ses lèvres. Non vraiment Spencer n'aimait pas la télévision. Et il pouvait très bien s'en passer. Il ne la regardait que pour les informations ou pour les maths. Voilà à quoi elle servait la plupart du temps. Oh parfois la petite regardait des séries ou des dessins, mais le garde du corps gardait quand même un œil dessus. La télévision devenait tellement tout et n'importe quoi ces dernières années. Il préférait s'assurer qu'elle ne regardait pas n'importe quel programme sans sa permission. Il avait mis un contrôle parental sur la tv ainsi que sur le seul ordinateur de la maison. Alors pour l'instant, il était tranquille. Charlie n'avait accès qu'à certaines choses qu'il savait correctes. « J'en suis persuadé. » Répondait-il quand Kara parla des moments difficiles qui rendaient plus forts. Ce n'était que de cette façon que les gens apprenaient à avancer. Si la vie était toujours facile et parfaite, les gens n'arriveraient pas à se construire un caractère. C'étaient les épreuves qui faisaient de nous, ce que l'on était au final. Cela ne faisait aucun doute là dessus. D'ailleurs le frère de Kara en traversait une. Il était malade. Et apparemment le traitement était lourd. « Alors je peux te dire que ta présence doit le réconforter. Parfois, on a juste besoin de quelqu'un à nos côtés. De savoir qu'on compte pour quelqu'un. Et c'est souvent le plus important. Les sentiments humains sont bien plus importants. Et puis, avec toi, tes sœurs, ta mère, il a toutes les raisons du monde de ne pas baisser les bras. » Et c'était ce que Spencer pensait. Kael devait avoir du caractère, tout comme Kara. Après tout, ils étaient jumeaux. Puis aux derniers mots de la jeune femme, il reporta son attention sur elle. Il resta un instant silencieux tout en l'observant puis il passa une main sur le bras de la photographe. « Tu ne gâches rien. Je ne suis pas là seulement pour les histoires amusantes, les balades au parc ou au festival. Le principal c'est que tu puisses te sentir bien. Alors tu n'as pas à cacher certaines choses, juste pour ne pas « gâcher » ces moments qu'on passe ensemble. Si quelque chose te tracasse, je veux le savoir. » Il esquissa un sourire rassurant. La jeune femme ne gâchait rien du tout. Il ne voulait pas qu'elle se force à quoique ce soit, si le moral ou l'envie n'y était pas. « Et puis, il y aura bien d'autres moments qu'on passera tous les deux, pas vrai ? Enfin, si ma cuisine ne t'a pas effrayé. » Ajoutait le garde du corps en esquissant un sourire amusé. Il était persuadé qu'ils allaient avoir d'autres moments à partager ensemble.
C'était une bonne chose que Spencer ne laisse pas sa fille devant un écran. Il y avait tellement de choses à découvrir, à vivre. Ce serait bête de s'abrutir sans arrêt devant la tv ou avec une console de jeu. Je n'avais rien contre les écrans, c'était bien de se prélasser devant un bon film de temps à autre, mais il fallait aussi vivre vraiment les choses. J'avais l'impression que certaines personnes oubliaient ça, que dans cette société, on ne savait plus vivre sans toute cette technologie.
« Oui. Kael à la chance d'être très bien entouré. J’espère vraiment que notre présence est suffisante. Mais j'aimerais être capable de faire plus. C'est mon frère tout ce qui l'atteint me touche aussi d'une certaine manière. »
C'était aussi le cas pour les autres membres de ma famille, mais ça l'était encore plus avec Kael. Je ne pouvais pas aller bien quand je savais que de son côté, ça n'allait pas. Alors oui, j'aurais aimé faire plus qu'être simplement là, à l'épauler. Malheureusement, je n'avais pas le pouvoir de faire disparaître sa maladie. Je souriais légèrement au paroles de Spencer. Je sentais sa main sur mon bras. Ce qu'il disait avait quelque chose de rassurant. J'appréciais son attention et le fait qu'il soit à l'écoute. C'était deux choses très importantes pour moi.
« Merci d'être aussi attentif... tu sais, c'est rare que je dise ce que j'ai sur le cœur à quelqu'un d'autre que ma famille. J'imagine que je me sens en confiance. »
Je souriais. Ça faisait aussi du bien de parler de tout cela à quelqu'un d'autre qu'à mon frère, ma mère ou mes sœurs. Spencer n'était pas directement concerné et il pouvait m'apporter un point de vu extérieur.
« Le repas était pas trop mal... alors y'a des chances que je revienne. »
Je souriais de nouveau. Je marquais un court silence avant d'ajouter doucement :
« Et puis, le cuisinier ne me déplaît pas non plus, mais ça reste entre nous. »
Spencer n'avait pas été confronté de près ou de loin à ce genre de maladie. Il avait la chance d'avoir une famille en bonne santé. Mais il pouvait facilement imaginer son inquiétude si cela arrivait dans sa famille. A sa belle-sœur, ses nièces. A des personnes qui le touchaient. Et il se doutait que cela ne devait pas être facile pour Kara. Mais en même temps, elle était une femme courageuse qui avait appris à affronter les difficultés et non à les fuir. Et il n'avait pas de mal à imaginer que c'était la même chose pour son frère. Même si Spencer ne l'avait pas rencontré. « Il faut te montrer patiente. Cela finira par aller mieux et vous vous direz que ce n'est qu'un obstacle de plus à surmonter ensemble. » Parce qu'au final, il avait sa famille derrière lui. Et que c'était grâce aux autres que l'on arrivait à avancer, à progresser malgré les mauvaises choses qui pouvaient nous arriver. La vie était faite d'épreuves mais en restant soudés, il était alors plus facile de les surmonter. C'était ce qu'il pensait. A chaque fois qu'il avait vécu un drame, il avait eu des personnes formidables à ses côtés. Et cela avait fait toute la différence. Aux paroles de Kara, il reposa ses yeux bleus sur elle. « Ne me remercie pas, c'est naturel. » Non elle n'avait vraiment pas à le remercier. « Et je suis ravie de savoir que tu es en confiance au point de parler de ce genre de choses. » Il était touché. Il imaginait que Kara n'était pas du genre à se dévoiler aussi facilement. D'ordinaire, elle avait son frère ou ses sœurs. En ce moment, c'était plus délicat. Parce qu'elle ne pouvait pas parler de ses états d'âme avec lui. Et puis, Spencer était du genre optimiste mais aussi combatif. Il savait que le moral jouait beaucoup dans ce genre de situation. Un fin sourire s'afficha sur ses lèvres tandis qu'elle lui disait que le repas était bon et que le cuisiner pas trop mal. Ce qui le faisait vraiment sourire. En venant sur la terrasse, Spencer avait mis un peu de musique, pas trop forte, juste assez pour mettre un agréable fond sonore. Alors il finit par se lever et par tendre la main à la jeune femme. « Est-ce que tu voudrais m'accorder une danse ? » Bon là, en danseur, il était nul à chier. Il ne savait pas danser mais pourtant, il affichait une belle assurance. Alors qu'il la tenait contre lui, dansant au rythme de la musique, il posa ses yeux sur elle. Ce soir, il la trouvait très belle. La lune se reflétait dans ses cheveux, donnant des touches de lumière à quelques mèches. Il finit par approcher doucement ses lèvres des siennes pour l'embrasser. Un premier baiser, des lèvres effleurés et un frison qui parcourait tout son corps. La main qu'il avait posé dans son dos avait glissé sur sa nuque alors qu'il approfondissait cet échange.
Oui. Je ne pouvais qu'espérer que Kael finirait par aller mieux. On dit que ça devient toujours pire avant de s'améliorer. Le traitement qu'il subissait était assez lourd et le fatiguait beaucoup. J'espérais que ça finirait par porter ses fruits, que le traitement allait fonctionner. De toute façon, j'étais pas capable d'accepter un autre dénouement. Je souriais légèrement au garde du corps. C'est vrai que je me sentais bien en sa présence et que j'avais l'impression de presque pouvoir tout dire. Je m'étais rarement senti aussi à l'aise avec quelqu'un. Excepté les membres de ma famille. Finalement, j'avais l'impression de connaître Spencer depuis longtemps, alors qu'on s'était rencontré quelques mois après mon arrivée à Brisbane.
« Tu es sûr de vouloir danser avec moi ? Parce que je suis plutôt une bonne danseuse alors va falloir assurer. »
Je souriais, le taquinant un peu. En fait, j'avais fait de la danse jusqu'à mon adolescence, puis je m'étais concentrée sur la photo. Kléa disait que j'avais encore de beaux « restes » de mes années passées à danser. Mais j'étais loin d'être aussi douée qu'elle. Loin d'être une professionnelle. Cependant, j'adorais danser et je bougeais plutôt pas mal. Enfin bref. Ça m'amusait de taquiner un peu Spencer. J'attrapais sa main et me levais. Nous commencions à danser au son de la mélodie, mes bras autour de son cou. Mon regard se perdait rapidement dans le sien. Alors que nous étions très proche, je sentais mon cœur tambouriner un peu plus vite dans ma poitrine. Puis, il approchait ses lèvres des miennes, les effleurant avant de les embrasser. J'en frissonnais. Je répondais à son baisé et cet échange devait plus langoureux. Je crois que lui, comme moi, désirions ça depuis un moment. Lorsque nos lèvres se séparaient, je restais proche de lui, mes yeux plongés dans les siens.
« C'est la meilleure danse que j'ai faite. »
Murmurais-je, alors qu'un léger sourire se fendillait sur mes lèvres. En fait, nous avions arrêté de danser et Spencer savait très bien de quoi je parlais. Je l'embrassais de nouveau.
Kara semblait inquiète quant à la maladie de son frère. Ce qui était bien normal. C'était son frère. Son jumeau, une partie d'elle. Elle était très proche de lui et ils partageaient beaucoup de choses tous les deux. Alors forcément la maladie de l'un déteignait sur la vie de l'autre. Mais le cadreur était bien entouré. Spencer savait comme beaucoup de personnes que le mental jouait énormément dans une remise en forme. Encore plus quand il était question d'une maladie de ce genre. La photographe se montrait présente pour son frère et Spencer se doutait que cela devait beaucoup compter pour le cadreur. Parfois, avoir une présence, cela résolvait quelques miracles. Alors il avait bon espoir que la situation de l'aîné des Harrington allait s'améliorer. Et puis il ne pouvait pas en être autrement. Kara ne pourrait pas supporter qu'il arrive quelque chose à son frère. Et ça par contre, le garde du corps le concevait parfaitement. Voilà pourquoi il était là si la jeune femme voulait parler, discuter de tout ça, ou même d'autre chose afin de se vider la tête. Pour l'instant, Spencer l'avait invité à venir faire quelques pas avec elle. Même s'il était loin d'être un pro dans cette discipline. Il dansait rarement. A vrai dire, il n'en avait pas trop l'occasion. Mais ce soir, il en avait envie. Il avait envie de tenir la jeune femme dans ses bras et de se laisser guider par la mélodie qui envahissait la terrasse illuminée par plusieurs lampions. « Certain. Je ferais de mon mieux pour ne pas t'écraser les pieds. » Ce serait dommage de finir cette soirée sur cette note. Alors le garde du corps s'était appliqué. Et puis, il était du genre perfectionniste. Il aimait bien faire les choses. Et il voulait que la jeune femme puisse garder un bon souvenir de cette soirée. Alors forcément, il avait fait attention à suivre la cadence de la belle. Il en était lui-même étonné. Cela le faisait sourire. Et puis il l'avait embrassé. Il avait déposé ses lèvres sur les siennes. Un premier baiser. Un premier échange auquel il avait songé depuis leur première rencontre dans ce parc. Et il l'appréciait, le faisant durer avant de reporter ses yeux bleus sur la photographe. « C'est normal, tu es avec le meilleur danseur. » Avait-il répondu à ses propos avant que la belle ne l'embrasse à nouveau. Il avait répondu à ce baiser, en resserrant un peu plus son étreinte. Quand le baiser se terminer, il resta un instant silencieux, son visage encore proche de celui de l'américaine. « Ça veut dire que tu vas revenir ? » Un fin sourire s'afficha à nouveau sur les lèvres du garde du corps.
Je crois que Spencer m'avait tout de suite plu. Dès notre première rencontre dans ce parc, alors que nous cherchions le doudou disparu de sa fille. Le garde du corps avait un certain charme, surtout quand il souriait. A ce moment-là, je n'avais pas imaginé le recroiser. Je les avait aidé à retrouver « Bunny » et je pensais que nos chemins se sépareraient ainsi. Après tout, combien il y avait de chances que je puisse le recroiser dans une ville aussi grande ? Et puis, je n'étais pas censée rester au départ. On s'était revu quelques mois plus tard, le soir d'Halloween. J'avais découvert sa personnalité et un peu de son passé. Ça m'avait davantage plu. Ce coup-ci je n'avais rien laisser au hasard en lui laissant mes coordonnées. On en avait mit du temps à pouvoir s'accorder un moment à deux. Ce qui n'était pas une mauvaise chose. Au fil des mois et des messages, on avait appris à se connaître et s'apprécier. Jusqu'à ce soir et ce baisé. Je souriais a ses paroles.
« Hum... ça dépends. Peut-être que tu pourrais essayer de m'en convaincre encore un peu... »
Dis-je doucement. Je souriais encore, un brin malicieuse. Je gardais mon regard dans le sien. Si j'allais revenir ? Évidemment. En réalité, je n'avais pas besoin qu'il fasse quoi que ce soit pour me convaincre de revenir. C'est juste que j'étais un peu joueuse par moments. Cette soirée avait été parfaite. Ça faisait bien longtemps qu'aucun homme n'avait pas eu ce genre d'attentions pour moi. Peut-être parce que je les repoussais la plupart du temps. Mais Spencer n'était pas comme les autres et j'avais baissé ma garde.
Le regard de Spencer s'était ancré dans celui de la jeune femme. Il avait toujours un sourire sur ses lèvres, amusé par le petit jeu de la photographe. Parce que oui, ce petit interlude était un jeu. Même s'il était bien sérieux en lui demandant si elle comptait revenir. Parce qu'il avait encore envie de la revoir, dans les jours qui suivaient, les semaines qui suivaient. C'était une évidence. Et il savait que c'était la même chose pour Kara. Depuis qu'ils s'étaient rencontrés, le courant était bien passé entre eux. La belle était une femme simple, sans chichi, qui parlait sans détour et cela plaisait au garde du corps. Son naturel, sa simplicité. Et puis le fait que Charline appréciait la demoiselle était un fait important. Il savait qu'il ne pourrait pas aller contre l'avis de sa fille. Parce que jusque là, la petite n'avait pas eu le loisir de rencontre les jeunes femmes que pouvaient croiser son père. Et c'était par choix. Depuis le décès d'Evelyn, Spencer avait été très discret avec les femmes. Bien sûr, il avait eu des relations sans lendemain. Et voilà pourquoi, Charlie n'en avait côtoyé aucune. Avec Kara c'était différent. Le destin avait voulu que le père et la fille fassent connaissance en même temps de la photographe. Et puis Kara avait sauvé son doudou. Même si Charline le niait facilement. Elle était encore très attachée à cette peluche, même du haut de ses huit ans. Alors cela avait du jouer sur la relation naissance entre sa fille et l'américaine. Et c'était tant mieux puisqu'il n'y avait jamais eu de tension entre elles. Ce qui aurait été dommage parce que Spencer avait bien envie de revoir la jolie brune. Après leur baiser, ils étaient restés l'un contre l'autre, dansant encore doucement sur la musique. Aux mots de la photographe, le garde du corps l'observa un instant : « Pourquoi essayer si tu es déjà convaincue ? » Il gardait ses yeux bleus sur elle, l'interrogeant du regard avant de hausser un peu les épaules. « Mais bon... je veux bien me dévouer... » Il avait approché doucement son visage, ses lèvres de celles de la jeune femme avant de murmurer sans l'embrasser pour autant. « Parce que je sais que tu n'attends qu'une seule chose... que je t'embrasse à nouveau. » Il gardait un fin sourire sur ses lèvres avant de les déposer une nouvelle fois sur la bouche de Kara, l'embrassant tendrement puis langoureusement.
Un sourire se fendillait sur mes lèvres aux mots de Spencer. J'avais déjà envie de retrouver ses lèvres. Gardant mes yeux sur lui, je ne pouvais m'empêcher de penser qu'il avait tout pour plaire. En tout cas, tout pour me plaire. Rien de ce que j'avais découvert sur lui ne m'avait déplu. J'aimais son naturel, le fait qu'il soit simple et qu'il soit à mon écoute. Je le percevais comme quelqu'un d'attentionné. Il me l'avait encore prouvé ce soir, en organisant cette petite soirée, en m'ayant écouté aussi. Spencer ne m'avait jamais bousculé et n'avait jamais voulu précipité les choses entre nous. Une des nombreuses choses que j'appréciais chez lui. Les hommes sont parfois impatients. J'avais aimé que les choses se passent doucement et que ça finisse par nous mener à cet instant précis. Il était père célibataire et j'imagine qu'il devait aussi penser à sa fille. Il ne pouvait pas se permettre de faire n'importe quoi ou de lui présenter n'importe qui. Alors, on avait prit notre temps. On avait appris à se connaître et on s'était rapproché peu à peu. Même si l’attirance était là depuis le départ.
« On ne peut rien te cacher... »
Murmurais-je, à mon tour, avant que nos lèvres se rencontrent à nouveau. Nous échangions un langoureux baisé. Quand nos lèvres se séparaient, je reprenais la parole, après avoir laissé passé un court instant de silence.
« Tu as gagné, je vais revenir »
Dis-je dans un nouveau murmure. C'était une évidence. Bien sûr que j'allais revenir ! J'avais très envie de le voir dans les prochains jours. Je n'avais déjà pas envie que cette soirée se termine. Mais je n'y pensais pas encore, restant là, tout proche de lui.
Il avait gardé ses yeux sur elle. Il passait une très bonne soirée et il avait l'impression que c'était la même chose pour la photographe. En tout cas, il avait fait son maximum afin qu'elle passe un bon moment chez lui, dans sa maison. C'était bien la première fois qu'il invitait une femme dans cette maison qui accueillait sa fille et lui. Ce n'était pas anodin. Et il en avait parlé avec Charline. Et c'était elle qui avait donné des conseils à son père. Elle qui n'avait que neuf ans. C'était fou. Mais cela prouvait que Charlie appréciait beaucoup Kara. Et c'était réciproque. Alors cela rassurait l'ancien militaire. Tout se passait à merveille et à vrai dire, il n'avait pas la moindre envie que cette soirée se termine. En plus, il n'était pas le genre d'homme à précipiter les choses. C'était bien parfois d'y aller en douceur et puis la soirée se passait bien. Il se laissait porter par leur discussion et leur danse romantique. Entre deux baisers, il avait reporté son attention sur elle. « Fais attention, je suis très bon à ce petit jeu. » Oui enfin, il ne l'avait pas exercé de cette façon depuis très très longtemps. Depuis Evelyn. Il n'avait pas ressenti l'envie de s'investir vraiment dans une relation. A cette époque, ce n'était pas le bon moment, pas la bonne personne. Il posa doucement son front contre celui de la jeune femme, soupirant doucement de bien être avant qu'un fin sourire n'apparaissent à nouveau sur son visage. « Je crois que les tartes sont prêtes. » Une bonne odeur d'abricot parvenait jusqu'à eux. Il l'embrassa rapidement sur la bouche avant de reprendre la parole. « Je vais les chercher. » Il laissa Kara s'installer à nouveau sur la terrasse et se dépêcha d'aller retirer les tartelettes du four. Sinon elles allaient finir par bruler. Il les posa ensuite sur le plan de travail, les déposa sur les assiettes à dessert en les agrémentant chacune d'entre elle, d'une boule de glace à la vanille. Une fois prêt, il emporta le plateau et les desserts jusqu'à la terrasse. Il donna une assiette à Kara. Puis il esquissa un sourire avant de se servir à son tour. « Je dois t'avouer que Charlie m'a aidé pour les tartes. Elle a été généreuse avec les amandes effilées. » Et en effet, les tartes étaient copieusement parsemées. « J'espère que tu n'es pas allergique. »
Je souriais légèrement. Il y avait un moment que ma vie sentimentale était au point mort. Ma dernière relation sérieuse remontait à Chicago. C'est dire ! Et encore, avec le recule, je me demandais ce qu'avait vraiment été ma relation avec mon ex. Il est vrai que j'étais attachée à Nathan, mais plus j'y pensais et plus je me disais que je n'en étais pas amoureuse. J'avais fuit dès qu'il avait voulu rendre les choses plus sérieuses. C'était un cap à passer d'emménager ensemble et cela m'avait fait peur. Je ne pouvais m'empêcher de me dire que si j'avais vraiment été amoureuse, j'aurais fini par retourner vers lui. Depuis, je ne m'étais pas vraiment préoccupée de ma vie sentimentale. Il y avait eu les histoires avec mon père. J'avais découvert sa trahison et cela m'avait bien dégoûté des hommes. Même si je ne pouvais pas mettre tous les hommes dans le même sac. Ils n'étaient pas tous des menteurs infidèles. Du moins je l'espérais. Je posais mes prunelles bleues sur Spencer. Peut-être que lui pouvait me « guérir » de mes craintes ? Je l'ignorais. En tout cas, j'avais bien envie de lui laisser une chance et notre rapprochement de ce soir le prouvait.
Je m’asseyais sur le canapé de la terrasse en attendant que Spencer nous rapporte les tartes. Je le remerciais alors qu'il me tendait l'une de ses assiettes. Ça avait l'air bon, même très bon. De la glace à la vanille : mon parfum préféré et beaucoup d'amandes. J'aimais ça !
« Je vois ça ! Heureusement que j'aime ça. »
Je souriais et j'ajoutais :
« On dirait que Charlie t'as beaucoup aidé pour le repas de ce soir ! T'as de la chance de l'avoir, je sais vraiment pas ce que tu ferais sans elle. »
Je souriais derechef. En effet, il me semblait que la petite fille ait apporté son aide à son père pour le repas, ne manquant pas de lui rappeler aussi que j'étais végétarienne. Elle était vraiment très dégourdie pour une gamine de son âge et encore une fois ça me rappelait Kassy. Je goûtais à ma part de tarte. Vraiment délicieux.
Il n'y avait pas de doute. C'était un bon moment qu'ils étaient entrain de passer tous les deux. Ils se laissaient porter tout simplement par la soirée, sans chercher à calculer la moindre chose. La soirée se passait bien. Et ils allaient à leur rythme. Spencer était un peu rouiller quand il s'agissait de faire la cours à une femme. Cela ne lui était pas arrivé depuis sa femme. Les relations qu'il avait ensuite eu, n'étaient que des feux de paille. Des histoires qui ne duraient pas, d'un commun accord. Pas de promesses, pas de revoir, rien. Et cela lui convenait. Le garde du corps avait mis du temps à faire son deuil. Parce que le décès d'Evelyn avait été accidentel. On ne pouvait pas se préparer à ce genre de chose. Mais le temps était passé. Il avait réussi à se pardonner certaines décisions. Idiotes au final, parce qu'il ne pouvait pas changer le passé. Il ne pouvait pas changer le monde avec des « si » hypothétiques. Il avait accepté sa mort. L'absence avait été autre chose. Mais Charline et lui étaient allées de l'avant. Grâce aux temps, leurs blessures s'étaient cicatrisées. Même si le manque restait présent. Toutefois, il était peut-être temps pour Spencer de regarder l'avenir et pas seulement à travers les yeux de sa fille. Et quand il posait son regard sur Kara, il se disait que c'était possible. Même s'il savait que la jeune femme avait peut-être du mal à faire confiance aux hommes, hormis son frère jumeau. Mais il espérait bien qu'elle le mettait pas dans le même sac que les hommes qui avaient pu la décevoir. Aux paroles de Kara, il reporta son attention sur elle alors qu'il s'était emparé de la fourchette afin de goûter à cette tarte. Un sourire s'afficha sur les lèvres de Spencer. « Elle voulait que tout soit parfait. Elle pense que je suis un cas désespéré. Et que faute de renfort, je risque de finir ma vie seul. » Bon Charlie n'avait pas vraiment dit ça, mais en gros cela y ressemblait beaucoup. « Alors elle m'a donné un coup de main. » Il repensait à toutes les fois où il avait fait la cuisine avec sa fille. « Mais elle aime cuisiner. Je crois que depuis qu'elle est toute petite, elle apprécie de se trouver dans une cuisine. Quand elle avait un ou deux ans, son passe-temps était de casser des œufs. Mais à l'époque, elle n'avait pas compris que c'était ce qui était à l'intérieur qui se mangeait, et non la coquille. » Il se mit à rire doucement. « Je n'ai jamais compris la fascination qu'elle avait pour de simples bricoles. Pour elle, c'étaient de véritables trésors. » Encore un autre mystère d'enfant.
Cela me faisait sourire un peu. Je ne voyais pas Spencer comme un cas désespéré et cette soirée c'était passé à merveilles. A mes yeux tout avait été parfait. Je n'avais pas besoin qu'on m'impressionne en m'emmenant dans les plus luxueux restaurant de la ville. Le garde du corps semblait m'avoir cerné, car l'idée de ce tête à tête à la maison était tout simplement idéal. Je préférais de loin, cela plutôt qu'une sortie à l'extérieur. Non pas que je n'aimais pas sortir, mais c'était agréable de se retrouver tous les deux, sans personne d'autre. Cela ne nous était jamais arrivés. On avait souvent été avec les enfants et entouré d'une foule de personnes, que ce soit à la soirée d'halloween, au festival ou les autres fois. Je goûtais à ma part de tarte tandis-ce qu'il reprenait la parole. Après avoir fini ma bouché, je répondais :
« C'est ça que j'adore avec les enfants, c'est qu'ils s’émerveillent de tout ce qui les entourent. Ils voient de la magie partout. Malheureusement, on perds tous ça en grandissant, alors qu'il y'a tellement de choses superbes à voir. Il suffit de bien regarder. Enfin ça te paraît peut-être gnan gnan ce que je te raconte là. Mais bon, en tant que photographe, j'essaie de toujours m’émerveiller de tout, après tout, mon boulot est de capturer des images qui feront rêver ceux qui les regarderont. »
Je marquais un court silence avant de reprendre :
« En tout cas, cette tarte est une réussite ! Tu diras à Charlie que j'ai adoré. »
Spencer ne pouvait s'empêcher de sourire à la remarque de Kara. Il acquiesça de la tête tout en reprenant la parole. « A ce point. Elle croit que je n'ai pas eu de « petite-copine » depuis la mort de sa mère. » Charline lui avait souvent posé la question. Mais bien sûr, Spencer avait toujours éludé la réponse. « En même temps, je ne lui ai jamais présenté la moindre femme. Alors c'est peut-être ma faute. Elle pense que je n'intéresse personne. » Il fit une petite moue amusée. « Alors tu comprends pourquoi, elle a chapeauté ce repas du début à la fin. Sans oublier qu'elle a pensé aux lampions, à la musique et tout ça. » Il esquissa un nouveau sourire tout en gardant ses yeux bleus sur Kara. « Pour elle, c'est le dîner de la dernière chance. » Et le pire, c'était que la petite fille y croyait vraiment. Et puis bon, le garde du corps savait que Charline appréciait Kara. Et en plus, c'était réciproque. Alors c'était tant mieux. Il prit une autre bouchée de sa tartelette avant de reposer son attention sur la photographe qui avait repris la parole. « Oui, on perd cette innocence bien vite à mon goût. » Et il en savait quelque chose. A la mort de sa sœur, il avait été plongé directement dans le monde des adultes. Et il n'y était pas sorti depuis. Alors il voulait que sa fille puisse garder cette innocence aussi longtemps que possible. Et cela devait être la même chose pour Kara qui avait du grandir trop vite à cause de son éternel absent de père. Alors il n'était pas étonné de voir qu'elle s'accrochait parfois à ce qu'elle pouvait voir derrière son objectif et c'était bien normal. « Et je trouve que tu y arrives à merveille. » Répondait-il alors qu'elle parlait de son travail. Et du fait que retransmettre la beauté et le merveilleux du monde faisait parti de son boulot. Puis il esquissa un autre sourire. « Je n'y manquerai pas. Même si je sais que c'est bien l'une des premières questions qu'elle va me poser. » Ça, entre autres questions plus ou moins indiscrètes. Mais Spencer commençait à s'y habituer.