Nous étions donc passés à table. Je laissais Spencer faire le service et je choisissais du vin rouge, plutôt que du vin blanc. Une simple question de préférence. Bien que je ne sois pas une grande connaisseuse de vin. Je buvais que très rarement, juste à l'occasion. Mais ce soir, c'était une soirée spéciale. Notre première soirée rien que tout les deux. Ça avait prit du temps, mais on y était enfin ! J'étais donc ravie de passer ce moment en compagnie du garde du corps. Et puis, ça me faisait du bien de sortir un peu. Depuis que je savais pour Kae, j''étais très peu sortie, je n'avais fait que travailler.
« Évidemment. Les pâtisseries c'est ce qu'il y'a de meilleur ! On fait ça avec les filles aussi. Des après midi pâtisseries en famille. C'est toujours un moment très convivial. »
Je me rappelais de ces « ateliers » cuisine qu'on s'organisait parfois. Maman le faisait avec Kael et moi quand nous étions petits. On adorait mettre la main à la patte, lui donner un coup de main. Elle nous avait apprit beaucoup de choses et on a vite sût se débrouiller. En grandissant, on avait nous même apprit à nos sœurs à cuisiner et parfois, on le faisait tous ensemble. Surtout au moment de noël. Il n'était pas question de laisser maman se débrouiller avec tout le repas. Alors, on venait à la maison et on cuisinait tous ensemble le repas qu'on dévorerait le soir. Ça faisait parti des instants que je préférais.
« Bon appétit. »
Lui répondis-je et je souriais à ses autres paroles. J'ajoutais :
« Je suis sûre que c'est très bon. »
En tout cas, ça sentait bon et ça avait l'air appétissant. Je me disais qu'il était impossible que ce soit mauvais. Je prenais mes couverts et je commençais à goûter ce qu'il y avait dans mon assiette. Je terminais ma bouchée avant de reprendre la parole :
« C'est délicieux. »
Et c'était sincère. J'étais beaucoup trop honnête pour ne dire ça que pour faire plaisir. Je reprenais une bouchée avec plaisir, puis je demandais :
« Alors Spencer, tu as d'autres talents cachés, mise à part la cuisine et le fait d'être un super papa ? »
Je souriais. J'avais envie d'en apprendre encore plus sur lui. Jusqu'à présent tout ce que j'avais entrevu de sa personnalité me plaisait beaucoup.
Il appréciait ce genre de moment. Mais à vrai dire, Spencer se sentait un peu rouillé face à tout ça. Depuis le décès d'Evelyn, il n'avait invité aucune femme chez lui. En tout cas, pas une personne qui n'était pas de son entourage familial. C'était donc une grande première et Charline n'avait pas perdu une occasion de lui rappeler. La petite fille semblait avoir de grandes espérances quant à cette soirée. Et Spencer savait qu'il allait devoir lui faire un compte rendu des plus détaillés dès que sa fille sera rentrée chez eux. Cela ne faisait aucun doute. Mais pour l'instant, il préférait juste profiter de cet instant. Cela lui rappelait les soirées passées avec sa femme. Et il se rendait compte que cela lui avait manqué. Faire confiance à quelqu'un et lui laisser la porte ouverte. C'était ainsi que le garde du corps voyait la situation. Il faisait confiance à l'avenir. Parce que malgré son passé, Spencer n'avait jamais été du genre à refuser de vivre dans le présent. Au contraire. Il avait toujours été de l'avant. Peut-être parce qu'il savait déjà que se focaliser sur le passé n'amenait rien de bon en fin de compte. Et il avait bien eu raison, sinon il n'aurait pas connu sa femme, il n'y aurait pas eu de Charline. Il ne serait pas là non plus face à la jeune femme. Ce qui aurait été bien dommage se disait-il alors que son regard bleu ne quittait pas le visage de la photographe. « J'avoue, j'apprécie aussi de passer ce genre de moments avec Charlie. Enfin, quand elle n'essaie pas de revisiter la moindre recette intéressante qu'elle trouve sur internet. Là c'est plus compliqué de lui rappeler qu'en général, elle doit suivre la recette à la lettre. » En cuisine et surtout en pâtisserie, il fallait respecter la recette à la virgule. C'était une cuisine de précision . Même s'ils arrivaient parfois à mettre leur petite touche personnelle. « Mais Charline n'est pas difficile, offre lui quelque chose à la pomme et cela fera son bonheur. » Comme son père. Spencer appréciait les recettes à base de fruits. Il n'était pas trop porté sur le sucré. Il aimait les recettes avec des fruits ou de la crème pâtissière. En général, il aimait les choses simples. Voilà pourquoi il avait précisé à Kara qu'il était loin d'être un cordon bleu. Le garde du corps laissa la jeune femme prendre une première bouchée de son assiette. Il préférait attendre le verdict et lui faire quelque chose d'autre s'il le fallait. Cela n'allait pas le déranger. Mais au contraire, Kara le rassurait en lui disant que c'était bon. Délicieux même. Il était soulagé. Se disant que cette recette allait à présent figurer dans ses menus journaliers. Cela ne ferait pas de mal à Charline même si cette dernière pouvait parfois rechigner à manger certains légumes. Spencer esquissa un sourire avant de reprendre la parole. « Tu me rassures. Je n'aurais pas voulu faire mauvaise impression dès le premier dîner. » Il esquissa un sourire amusé puis à la question de Kara, il prit une bouchée de son plat. C'était la seconde fois qu'elle lui disait qu'il s'y prenait bien avec sa fille et encore une fois, cela lui faisait plaisir. Il était fier quand on lui disait qu'il s'en sortait bien avec Charline. Même si cela n'avait pas été facile tous les jours avec cette dernière. Le garde du corps fit mine de réfléchir avant d'avouer : « Je n'en sais rien... » Il sourit un peu plus. « A vrai dire, à part piloter un hélicoptère, je ne pensais pas avoir d'autres talents. » Non du tout. En fait, il avait toujours été un élève moyen. Intelligent mais très flemmard, qui s'ennuyait vraiment à l'école. Et en grandissant, il avait mis du temps à savoir ce qu'il voulait faire. L'armée lui avait ouvert les bras. Et c'était là bas, qu'il s'était trouvé le seul talent qu'il pensait avoir : piloter. Cela avait toujours été une évidence. La cuisine, ce n'était pas trop un talent. Quant à Charline, il avait fait ce qu'il pouvait avec elle tout en essayant de faire le moins possible d'erreurs. « Ah, et j'oubliais aussi : je joue de la guitare. Ça t'impressionne ? » Un fin sourire resta posé sur les lèvres du garde du corps.
« C'est toujours bien d'essayer de rajouter une petite touche personnelle... bon même si parfois le résultat n'est pas garanti. »
Je souriais légèrement. Les recettes culinaires étaient écrites pour être suivies à la lettre, mais parfois, on pouvait se permettre de rajouter un élément. L'ingrédient qui rendrait la recette encore meilleure. Même si il y avait toujours un risque à s'écarter des indications. Mais ce n'était qu'en faisant qu'on apprenait, n'est-ce pas ? Je prenais une nouvelle bouchée de mon plat. J'étais agréablement surprise. Spencer n'était peut-être pas un cordon bleu, mais je trouvais que c'était bon. C'était le principal, n'est-ce pas ? En plus, il n'était pas habitué à cuisiner végétarien, alors j'appréciais doublement cet effort. Puis, je profitais de ce moment pour le questionner. Après tout, le dîner était l'instant idéal pour discuter tranquillement. Il y avait encore des tas de choses qu'on ignorait l'un sur l'autre. On apprenait à se découvrir tout doucement.
« Pas du tout ! »
Répondis-je, amusée. En fait les musiciens ça me connaissait ! Kael jouait de la guitare depuis de nombreuses années. Il s'était très rapidement intéressé à la musique. C'était sans doute maman qui lui avait transmis cette passion.
« Mon frère joue aussi de la guitare. »
Ajoutais-je. Je venais reprendre quelques gorgées de vin. Spencer avait raison. Cela se mariait à merveille avec le repas qu'il nous avait concocté. Je reprenais :
« Mais je suis sûre que ça a dû impressionner beaucoup de filles. »
Spencer acquiesça de la tête aux paroles de la photographe. « Oui, surtout quand on veut introduire des aliments qui n'ont aucune raison de se trouver dans le plat. » Et cela, ça arrivait assez souvent avec Charline. Elle oubliait parfois et un peu trop souvent que certaines saveurs ne se mariaient pas. Et heureusement que Spencer était là pour lui rappeler qu'une recette, ça se suivait à la lettre. Certaines pouvaient s'agrémenter de quelques nouveaux ingrédients mais en général, c'était assez compliqué de faire du freestyle das ce domaine. Charline l'avait compris avec le temps. Heureusement pour tous les deux. Le garde du corps ne pouvait s'empêcher de sourire aux paroles suivants de la jeune femme, mimant au passage un faux air offusqué. Bon tant pis, il pourrait l'impression autrement se disait-il, légèrement amusé par ce qu'elle lui disait. « Je me souviens. Tu m'as déjà parlé de lui. Vous semblez vous entendre à merveille. » Et c'était chouette à voir. Lui, il avait perdu sa petite sœur. Et après ça, ses parents n'avaient pas eu d'autres enfants, même après leur divorce. En même temps, ils n'étaient pas fait pour ça. Être parent, ce n'était pas donné à tout le monde. Tout le monde pouvait procréer mais être parent, c'était une chose bien différente. Il s'en rendait compte quand il posait ses yeux sur Charline. Sa fille, c'était sa plus belle réussite. Même si au début, il avait été effrayé par sa prochaine naissance, quand il l'avait prise dans ses bras, il s'était découvert la fibre paternelle. Et pas un seul jour n'était passé, sans qu'il ne se sent chanceux. Et il ne manquait jamais une occasion de dire à sa fille qu'il l'aimait. Cela comptait beaucoup pour lui. Parce qu'il considérait qu'un enfant avait besoin de se savoir aimer et entouré pour grandir sainement et être épanoui. Et il pensait ne pas s'en être trop mal sorti avec sa princesse. « Et ta mère est pianiste si mes souvenirs sont bons. Tu n'as jamais tenté de jouer d'un instrument ? » Kara devait avoir tenté l'aventure vu l'environnement familial. A moins qu'elle avait déjà une passion pour la photographie. C'était possible. A la remarque de Kara, Spencer ne pouvait s'empêcher de sourire. « Tu ne vas peut-être pas me croire, mais je t'avoue qu'avec les filles, je n'étais pas très doué. » Il sourit, amusé en repensant à son adolescence. Il était plutôt le gamin à problèmes qu'on évitait de fréquenter. « Si ça t'impressionne, je pourrais te jouer un morceau tout à l'heure. » S'amusait-il à proposer.
J'avais déjà évoqué ma famille avec Spencer. Je lui avais parlé de mon frère jumeau dont j'étais très proche, de mes quatre petites sœurs, de mon père qui n'avait rien d'un véritable père. Le garde du corps en savait déjà pas mal à mon sujet. Tout comme il avait partagé avec moi certaines parties de son passé. Cette nuit d'Halloween nous avait permis de beaucoup discuter, d'apprendre à nous découvrir. On avait partagé des choses assez personnelles. Peut-être que ça ne se serait pas fait tout de suite si on avait pas été coincés par ce blackout ?
« Ouais. Kael et moi, on est fusionnels. D'ailleurs, ma mère disait tout le temps qu'on avait notre propre langage. Je saurais pas me passer de mon frère... c'est bien ce qui m'a amené à Brisbane au début. Il était là depuis quelques mois et je supportais pas son absence. Je suis venue pour le convaincre de rentrer à Chicago. C'était y'a quoi neuf ou dix mois maintenant ? »
Je souriais. On avait pas ramené Kael à la maison. C'était nous qui étions venus à lui. D'abord moi, puis maman et les filles étaient venues. Notre famille était très soudés et il est vrai qu'on avait du mal à vivre les uns sans les autres. Peut-être que l'absence de William nous avait d'avantage rapprochés. On avait pas pu compter sur lui, mais on s'était serrer les coudes. On avait plus besoin de lui maintenant. Enfin si. Mes petites sœurs avaient besoin d'un père, mais William ne pouvait pas être cette personne pour elles. Il n'en avait rien à faire. Il n'avait jamais montré le moindre intérêt pour les petites. Je crois que c'est encore pire qu'à l'époque ou Kael et moi étions gosses.
« Oui, c'est bien ça. Ben j'ai essayé de pianoté un peu et Kael m'a initié à la guitare. Mais j'avais déjà ma passion pour la photographie, alors j'ai vite laissé tombé la musique. Puis j'étais franchement pas douée de toute manière. »
Expliquais-je. Je reprenais quelques bouchées de mon plat. Spence c'était vraiment surpassé, en tout cas, je trouvais ça très bon. Je ne regrettais pas de ne pas avoir été au resto. On était bien ici, tous les deux dans sa maison. J'aimais ce côté intimiste. A croire que Spencer savait déjà ce que j'aimais, qu'il m'avait déjà cerné.
« Quoi ? Alors là je suis surprise ! Avec ce sourire et ces yeux-là, j'imaginais qu'elles tombaient toutes à tes pieds sans que tu fasse quoi que ce soit. T'étais un timide ? »
Je souriais. Spencer avait un charme naturel, mais peut-être que c'était venu avec l'âge ? En tout cas, j'étais assez surprise d'apprendre qu'il n'était pas très doué à l'époque avec les filles. J'avais imaginé tout l'inverse.
« Ça me ferait très plaisir de t'entendre jouer. »
Répondis-je. J'avais baigné dans la musique, même si je n'étais pas moi-même une musicienne. Je savais apprécier cela et d'ailleurs, j'aillais régulièrement en concert, ou dans des piano-bar juste pour le plaisir des oreilles.
Il se souvenait de ces confidences la nuit d'Halloween. Alors que c'était le chaos autour d'eux, ils avaient pris un moment pour parler chacun de leur passé, de leur famille et de diverses choses qui au final, leur avait permit d'en apprendre un peu plus l'un sur l'autre. Alors Spencer était au courant pour le frère jumeau de la jeune femme. Une relation qui d'ailleurs, l'avait beaucoup intrigué. Il l'avait même dit à la photographe. Lui, il avait grandi comme fils unique après la mort de sa sœur. Cela avait été assez difficile. Souvent, il s'était senti seul. Et c'était peut-être pour cette raison que l'ancien militaire s'était senti à l'aise avec ses frères d'armes. Il avait trouvé une famille qu'il avait cherché durant des années. « Pourquoi n'es-tu donc pas venu avec lui à Brisbane ? » Il se posait la question. Mais peut-être que Kara avait d'autres impératifs. Ce qui fait qu'elle n'avait pas pu le suivre à présent. « Et maintenant, toute la famille est à nouveau réunie. Cela doit te retirer un poids en moins. » Parce qu'il se doutait que loin d'elle, Kara se faisait du souci pour sa famille. Être si éloignée alors qu'elle avait eu l'habitude d'être si proche toute la fratrie. Puis ils parlaient un peu de musique. Spencer était étonné que la jeune femme ne soit pas accro elle aussi à la musique. Même si des parents musiciens ne donnaient pas forcément des enfants mélomanes. Kara en était la preuve. « Quand on a trouvé sa passion, on ne va pas chercher ailleurs. » En tout cas, c'était son avis. Lui-même avait touché un peu à tout avant de trouver ce qui le passionnait. Ce qui le comblait en dehors de son boulot. C'était le pilotage. Malheureusement, il avait du tout abandonné quand il avait été blessé à Ramadi. Il n'était plus capable de piloter. Et malgré le fait que cela lui coûtait pour l'admettre, c'était bel et bien le cas. Il n'avait plus la capacité de diriger un hélicoptère comme il avait pu le faire par le passé. Alors il se contentait de quelques vols ici et là. Cela lui suffisait. Et puis les prix des heures de vol le dissuader de partir dans les airs aussi souvent qu'il le souhaiterai. L'argent lui manquait. Mais voilà, il se contentait d'autres passe-temps comme la musique, les voyages etc. Spencer était ensuite amusé par les propos de la photographe. « Et oui, aussi incroyable que cela puisse paraître, je n'étais pas doué avec les filles. En fait, je crois que je ne me suis intéressé à elles, passé la vingtaine. Jusque là elles n'avaient pas été très importantes dans ma vie. » Et oui, il avait eu d'autres centres d'intérêt. « Faire tomber les filles ne faisait pas partie de mes priorités, contrairement à certains de mes amis. » Il esquissa un nouveau sourire avant de prendre une nouvelle bouchée de son plat. « J'espère que Charline sera comme moi. Qu'elle ne s'intéressera aux garçons qu'à l'âge d'entrer à la fac... Et si cela pouvait attendre encore plus, je serais le plus heureux des pères. » Mais ça, c'était assez utopique. Pour l'instant, sa princesse n'était pas intéressée à avoir un petit ami, comme certaines de ses copines. Huit ans, c'était jeune. Elle avait encore tout le temps devant elle avant de penser à la gente masculine et cela le rassurait. Et pas qu'un peu. « Alors promis, après le repas, je te jouerai quelque chose. Tu auras le choix de la musique. » Il avait un répertoire assez large alors cela devrait aller.
A la question de Spencer, je reportais mes yeux sur lui. Je ne lui avais jamais expliqué les vraies raisons de mon arrivée à Brisbane. A vrai dire, je n’en avais parlé à personne. Kael était la seule personne avec qui j’avais parlé de toute cette histoire. Je n’avais pas eu envie de parler de mes histoires de familles à quelqu’un d’autre. Je ne savais pas si c’était un tort ou si j’avais raison. C’est juste que je n’aimais pas trop m’étendre sur le sujet. Pourtant, Spencer me posait cette question et j’avais envie d’y répondre le plus honnêtement possible.
« On s’était disputés avant son départ pour Brisbane. Kael avait découvert que notre père avait une autre famille. Ici. Il a voulu venir voir ça de ses propres yeux. Je ne voulais pas qu’il parte. Je lui en ai voulu pendant des semaines. Mais j’ai fini par le rejoindre, car le manque de sa présence était plus fort que je reste. »
Ça faisait bizarre de parler de ça à quelqu’un d’extérieur. Spencer allait peut-être se dire que j’avais une famille de dingue. En tout cas, oui, j’étais contente que ma mère et mes petites sœurs soient là. C’était clairement un poids en moins. Je ne pouvais pas être pleinement heureuse en sachant que des milliers de kilomètres nous séparaient, qu’on ne se voyait quasiment jamais. Les communications étaient difficiles aussi avec le décalage horaire.
Je souriais aux paroles de Spencer. Il ne s’était pas intéressé aux filles très tôt. Ce qui n’était pas plus mal après tout. On a bien le temps de s’intéresser à ses choses-là. Je n’avais pas passé mon temps à courir après les garçons, mais sans vantardise, aucune, on m’avait couru après. Je plaisais aux garçons et pourtant, je ne faisais rien pour attirer les regards.
« Je crois que tu rêves… les enfants sont de plus en plus précoces de nos jours… enfin ça m’arrangerait aussi si mes petites sœurs pouvaient s’intéresser aux garçons qu’à leurs vingt-cinq ans. »
Je riais légèrement. Je savais que cela arriverait bien avant ! J’allais devoir veiller sur elles et gare aux types qui leur feraient du mal. Oui, j’avais un côté très protecteur, même avec Kael. Je faisais toujours attention aux filles qui sortaient avec lui. Je voulais juste le meilleur pour lui et je n’avais pas envie qu’une femme le brise, même si malheureusement, il avait souffert en amour.
Le repas se passait bien. Le garde du corps n'avait pas encore fait de faux-pas et à vrai dire, il espérait que cela allait continuer sur cette voie. Il devait admettre que ce premier repas végétarien n'était pas une catastrophe. C'était même bon. En même temps, tous les légumes grillés qu'il avait dans son assiette, c'étaient des mets qu'il appréciait en temps normal. Au fur et à mesure du repas, le ton était devenu plus intimiste. Enfin, chacun d'eux se confiait à sa façon. Spencer n'avait pas l'habitude de parler de lui. Mais pourtant là, avec Kara, cela venait facilement. Et apparemment c'était la même chose pour la photographe qui parlait de sa famille. Or, l'ancien militaire savait à quel point c'était difficile pour elle de parler de ce sujet. Et il était alors encore plus touché qu'elle puisse aborder ça avec lui. Il l'écoutait, gardant son regard sur elle. « Il avait besoin de comprendre peut-être... » Disait-il quand Kara lui expliqua que son jumeau avait décidé de venir jusqu'en Australie. Est-ce qu'elle avait eu l'impression qu'il l'avait abandonné à son tour ? Alors qu'elle avait déjà eu cette impression avec son père ? Puis Spencer finissait par esquisser un sourire. « En tout cas, je suis content que tu l'as rejoins. Sinon tu ne serais pas là avec moi, ce soir. » Et c'était bien la pensée qui le hantait à cet instant précis. Leurs chemins ne se seraient pas croisés et ils seraient restés des étrangers l'un pour l'autre. Elle, au pays de l'oncle Sam et lui, au pays des kangourous. Cela aurait été dommage. Il prit une nouvelle bouchée et après un silence, il demanda, sachant quand même qu'il marchait sur des œufs. « Vous avez pu parler avec votre père ? » Il gardait ses yeux bleus sur elle avant d'ajouter : « Enfin, je sais que c'est un sujet que tu ne dois pas apprécier alors, on peut très bien arrêter d'en parler. » Ce n'était pas à lui de pousser les choses. C'était à Kara de décider. Lui, il était juste là si elle voulait se confier et alléger ce poids qui devait quand même être un sacré fardeau. Puis la conversation se poursuivait sur Charline et les enfants en général, qui grandissaient trop vite. Et c'était ce qu'il se disait à chaque fois qu'il voyait sa fille. Il avait l'impression que c'était hier qu'il l'avait prise dans ses bras pour la première fois. Or, elle allait bientôt avoir neuf ans. Le temps passait tellement vite. Il avait à chaque fois l'impression de râter des choses. « Tu n'as pas tort. » C'est vrai que les gosses étaient précoces. « Plus le temps avance et plus j'ai l'impression que les enfants évoluent plus vite que nous. Enfin ce n'est pas une mauvaise chose en soi. Même si je n'aime pas vraiment cette société de médias dans laquelle les jeunes s'enferment et ne communiquent que par téléphone ou réseaux sociaux. » Ouais ce genre de choses, ça le dépassait vraiment. « Charline m'a même demandé quand elle pourra avoir un téléphone comme sa copine. » Il ne s'était pas rendu compte que sa fille appréciait ce genre de gadget. « Enfin j'imagine qu'avoir un portable, c'est le début de l’intégration. Même si j'aimerai que ça passe plutôt par sa personnalité. » Ça, il ne pouvait rien y faire. Sa fille avait toutefois assez de caractère pour passer au dessus de ça. Spencer soupira en regardant à nouveau Kara. « Je sens que je vais passer pour un père relou. » Il ne pouvait s'empêcher de sourire après avoir dit ces mots. « D'abord, il faudra que tu goûtes à mon dessert maison. »
Je parlais facilement avec les autres, mais il est vrai que je me confiais rarement. Pourtant, en présence de Spencer, semblait être naturel. Je lui racontais alors ce qui nous avait réellement amené à Brisbane. Bien sur, Kael avait eu une opportunité de travail, mais il était surtout venu ici pour le voir de ses propres yeux. Notre père avait fondé une autre famille dans cette ville. Il y avait une femme qu'il avait épousé et on comprenait mieux pourquoi il ne s'était pas marié avec notre mère. Il y avait ce demi-frère aussi. Spencer avait raison. Kael avait eu besoin de comprendre. Mon premier réflexe à moi, avait été de ne rien vouloir entendre. Je ne voulais rien savoir de cette famille. La photo parlait d'elle-même. J'étais tellement en colère. Mais aujourd'hui, il n'en était plus rien. Je ne ressentais qu'un profond dégoût pour mon géniteur et je laissais tout ça derrière moi. C'était peut-être pour ça que j'arrivais à aborder le sujet aujourd'hui.
« Je suis contente aussi de l'avoir fait. »
J’esquissais un léger sourire. Comme quoi, on pouvait ressortir du positif d'une mauvaise situation. C'était la trahison de notre père qui nous avait poussé à rejoindre Brisbane, mais nous avions appris à aimer cette ville. J'adorais l'Australie et je m'étais bien accoutumée à la vie ici. Et puis, j'y avais retrouvé quelques amis et il y avait aussi cette rencontre avec Spencer. Alors finalement, je ne regrettais rien, sauf la souffrance que notre père faisait subir à maman et aux filles.
« On a eu une sorte de confrontation avec lui et même devant les fait, il a eut du mal à admettre la vérité. Je crois que son seul regret dans cette histoire et d'avoir été découvert. Si on était pas tombés sur cette photo, il aurait continué cette mascarade encore des années. Je me demande comment certaines personnes peuvent être aussi égoïstes. Il n'a même pas eu un seul mot pour mes petites sœurs. Ce sont ses filles et il en a rien à faire. Moi j'ai appris à faire sans père, mais quand j'entends Kiara me demander pourquoi son père ne l'aime pas, ça me brise le cœur. »
Je savais parfaitement ce qu'elle pouvait ressentir. J'étais passée par là. C'est terrible de grandir en pensant qu'on est pas aimé par son propre père. Heureusement, on fini par s'en remettre, par avancer tout de même. On avait la chance d'être une fratrie nombreuse et d'avoir une mère formidable. Je terminais mon assiette et la conversation suivait son cours.
« C'est vrai. Quand j'étais gosse, avec Kael, on était toujours fourrés dehors, à inventer nos propres jeux. Maintenant, les gosses sont presque malheureux si ils sont pas de tablette tactile et sans jeux vidéo. C'est la nouvelle génération hyper connectée et je trouve ça dommage. J'ai toujours préféré vivre des choses réelles et j'aime pas trop ce monde virtuel non plus. »
La technologie avait pris une grande place dans notre société. Ce n'était pas une mauvaise chose, je n'étais pas contre l'évolution, mais je trouvais que c'était parfois trop. Je souriais alors que Spencer disait qu'il passerait pour un père « relou ». Oui, ça c'était bien possible.
« Et qu'est-ce que tu nous a concocté comme dessert ? »
Demandais-je, curieuse et impatiente d'y goûté. J'étais gourmande et le dessert, c'était ce que je préférais dans un repas.
Un fin sourire s'afficha sur les lèvres de Spencer aux paroles de Kara. Lui, il était ravi qu'elle soit là. Qu'elle soit en Australie et pas au pays de l'oncle Sam. Parce que cela voudrait dire qu'ils ne se seraient pas connus. Et cela aurait été bien dommage. Il devait bien l'admettre à vive voix. Et d'ailleurs, la photographe le confortait dans ces propos. « Tu as fini par tomber sous le charme de l'Australie. Enfin de Brisbane. As-tu déjà visiter autre chose que la ville ? » Il se posait la question. Le garde du corps était du genre à apprécier les voyages, à partir en week-end. Même si ces dernières années, c'était un peu plus compliqué. Il essayait de partir quand même régulièrement. Histoire que Charline puisse découvrir son pays. Mais aussi tous les endroits qu'affectionnaient son père ou même sa mère. Cela comptait beaucoup pour Spencer. Parce qu'il n'avait pas pu partager ce genre de moment avec ses propres parents. Avec sa fille, le garde du corps voulait faire les choses différemment. Puis il écouta les paroles de la photographe. Quand elle aborda le sujet de son père. Enfin père était un grand mot d'après ce qu'elle lui racontait. Au fur et à mesure de ses paroles, il se sentait désolé pour elle mais aussi pour son frère, sa mère ou ses petites sœurs. « Peut-être qu'il a vécu trop longtemps dans le mensonge pour accepter la réalité. » En tout cas, c'était ce que Spencer pensait sur le coup. Il ne voulait pas croire que cet homme n'aimait pas ses enfants. Parce qu'il adorait sa fille et qu'il n'y avait rien qu'il ne pouvait pas faire pour elle. Alors il pensait que tous les pères étaient comme lui. Or, son propre père, ses propres parents même n'ont jamais été des « parents » à proprement parler. Juste des géniteurs. Il y avait là, une sacré différence. « Mais j'imagine la peine de tes sœurs. Kiara est tellement adorable. Comment ne pas l'aimer. » En fait, Spencer était très fusionnel avec sa fille. Avec elle, il avait appris à être père. Il avait appris à aimer les gosses et à savoir leur parler. En tout cas, les enfants étaient des êtres très compliqués par moment, mais tellement surprenants au quotidien. « Heureusement qu'elles peuvent compter sur toi et ton frère et même sur ta mère. » Il prit une nouvelle gorgée de son verre. Puis après un silence, il demanda : « Ta mère a réussi à se faire à cette nouvelle vie ? » Il savait qu'elle était pianiste. Mais il ne l'avait jamais entendu. Spencer aimait la musique. Il en avait toujours fait. Même si ces dernières années, c'était beaucoup plus sporadique. La musique tenait encore une grande partie dans sa vie. Et il ne voulait pas que cela change. Il aimerait même que Charline puisse s'y mettre. Mais pour l'instant, elle n'y songeait pas encore. Puis il ne pouvait s'empêcher de sourire aux propos de Kara. Il était bien d'accord avec elle. « Exactement. A vrai dire, je n'ai pas envie de céder au sujet du téléphone. Mais je n'ai pas non plus envie de savoir que Charline est « rejetée » à cause de ça. Enfin, j'imagine qu'elle a plus de caractère que ça. » Et comment. Charline ressemblait à sa mère. Evy avait toujours été très déterminée dans ce qu'elle faisait. Et il la voyait en Charline. Et c'était une bonne chose. A la question de la photographe, il reposa ses yeux bleus sur elle. « Une tarte aux abricots. Abricots de chez ma belle sœur. Donc, de très bons fruits. J'espère que ça va te plaire. » Spencer avait fini son assiette et l'avait repoussé un peu devant lui.
« Oui. Cette ville est vraiment magnifique. J’ai presque l’impression d’être tout le temps en vacances ici, tellement c’est agréable. » - J’eus un léger sourire et je reprenais : « Un petit peu. J’ai été à Gold Coast. Enfin je n’ai pas eu le temps de tellement visité, car j’y étais pour le travail. Et on a aussi été sur l’île Fraser avec Kael. Tu aimes les voyages ? »
Demandais-je. Spencer vivait en Australie depuis toujours, alors il avait sans doute eu le temps de visiter du pays. J’imaginais qu’il pourrait me dire les villes qu’il fallait visiter à tout prix. Je comptais bien aller explorer un peu le pays, en grande adepte de voyages que j’étais. L’Australie était vaste et pleine de ressources. Du moins, d’après le peu que j’avais vue et ce que j’avais pu lire sur internet.
« Peut-être. Tu imagines, pendant près de trente ans il a jonglé entre deux pays, deux familles. J’ai du mal à comprendre pourquoi il a agit comme ça. Il a quand même eut six enfants avec ma mère et pourtant, il ne nous a jamais montré d’intérêt. Je ne comprends pas ce qui a pu lui plaire là dedans. Ça me dépasse complètement. »
A mes yeux, le comportement de mon père n’avait aucun sens. Je n’étais même pas certaine qu’il ait vraiment aimé notre mère. En tout cas, il n’avait pas aimé ces propres enfants. Je n’avais jamais senti le moindre amour de sa part. Il ne m’avait jamais consolé quand ça n’allait pas, il n’était jamais là pour notre anniversaire, pour les spectacles de danses. Il n’était pas un père et il ne l’avait jamais été. Je me demandais parfois si Elio avait eut le droit à la même chose ou si William avait été plus présent pour lui.
« Ouais. On est tous là pour elle. Notre père n’était jamais là, mais son absence a pas mal soudé le reste de la famille. On peut compter les uns sur les autres. »
Je souriais légèrement. J’étais contente d’avoir une famille aussi grande et ils étaient tous très important pour moi. William n’avait jamais été là, mais le reste de la famille était très solide. Alors tant pis pour lui. Tant pis si il n’avait pas su apprécier ce qu’il avait, si il avait été incapable d’aimer cette famille. Il ne savait pas ce qu’il perdait.
« Ça se passe plutôt bien oui. Elle est contente d’avoir renoué avec sa passion pour la musique. Même si je crois que le plus important pour elle, c’est d’avoir tous ces enfants réunis. »
Expliquais-je au garde du corps. La famille avait toujours le plus important pour maman. Elle nous avait fait passé avant tout, même avant sa passion. Cela ne l’avait pas rendue malheureuse pour autant, car elle aimait ses enfants. Malgré tout, il était temps qu’elle pense un peu à elle maintenant.
« Charline me semble avoir un fort caractère. Je pense qu’elle sera capable de passer au dessus de ça. Même si elle risque de bouder un peu au début. »
C’était quand même dingue cette société où à neuf ans, les gosses veulent déjà un portable. Je trouvais ça beaucoup trop jeune. En plus, les réseaux sociaux pouvaient être assez dangereux pour des enfants. Je comprenais que Spencer ne veuille pas céder. Je crois que j’aurais fait la même chose. J’avais aussi terminé mon plat depuis quelques minutes et on parlait à présent du dessert.
« J’ai hâte d’y goûter alors. Et généralement, dès qu’il y’a du sucre et des fruits, j’aime ça. »
Il était vrai que cela devait la changer de Chicago. De cette partie des États-Unis réputée assez pluvieuse, venteuse et neigeuse. C'était certain. Ici, le climat était agréable tout au long de l'année ou quasiment. Bien sûr, on avait les quatre saisons, mais pas dans la même temporalité. C'était quelque chose qui surprenait sans doute au départ. Et il fallait également un temps d'adaptation pour s'y faire. C'était évident. Spencer écoutait les propos de la photographe quant aux voyages qu'elle avait déjà pu faire depuis son arrivée à la fin de l'année dernière. « Gold coast, c'est une très belle ville côtière. » Le militaire avait séjourné là-bas à plusieurs reprises. « Et Fraser, un bon moyen de voir toute la diversité de ce pays. » L'Australie avait la chance d'avoir une faune et une flore incroyable. Des paysages à couper le souffle, des régions aussi différentes que riches. A sa question, il prit une gorgée de son verre avant d'ajouter : « Il y a une époque où je voyageais beaucoup. Avant d'être un mari et un père de famille. » C'était il y a quelques années à vrai dire. De longs voyages, très loin. « J'ai voyagé quand j'étais gosse. Mes parents étaient plutôt absents en général de ma vie mais au cours de l'année, nous partions souvent à l'étranger, que ce soit pour le travail de mon père ou voir des amis. Ensuite, je me suis engagé dans l'armée. Et les voyages ont eu alors une toute autre signification. » La guerre, même dans un pays étranger, différent, restait la guerre. Et les voyages n'étaient alors pas des plus agréables en fin de compte. « Après, j'ai apprécié les retours à la maison, surtout quand Charlie est née. » Puis il esquissa un sourire en reposant ses yeux bleus sur Kara. « Je vieillis, je deviens plus sédentaire. » Cela le faisait sourire. Ce n'était pas tout à fait faux. « A vrai, je continue à partir ici et là de temps à autre, quand j'ai le temps, avec Charline. J'aime lui faire découvrir certains endroits. Surtout ceux que j'ai apprécié quand j'étais plus jeune. » Il aimait montrer ça à sa fille. Puis quand la photographe aborda sa propre famille, il soupira intérieurement. Lui non plus, il ne comprenait pas trop l'attitude du père Harrington. C'était quelque chose qui le dépassait. Parce que sa vie à lui avait totalement changé quand Charline était née. Cela avait changé son mode, sa façon de le voir, de le vivre. Alors oui, il était un peu perplexe sur le sujet. « Ça me dépasse aussi, je dois l'avouer. » Et pas qu'un peu. « Je ne m'imaginais pas père mais maintenant, je ne vois pas ma vie sans ma fille. » Papa poule, il l'était et il l'assumait. Il était très proche de sa fille même s'il comprenait que ce n'était pas toujours la même chose avec les autres parents. Heureusement que Kara, son frère et ses sœurs étaient là pour soutenir leur mère. Même s'il ne doutait pas qu'elle avait une force de caractère en elle, surtout pour avoir supporter tout ça. Puis il acquiesça de la tête aux mots de la jolie brune. « Et c'est encore mieux si elle peut combiner enfants et passion. » Au moins à présent, elle pouvait penser à elle tout en sachant que ses enfants la soutenaient dans son choix. A l'évocation de la photographe, Spencer esquissa un sourire amusé. Ça pour avoir du caractère, elle en avait. Parfois même un peu trop. Mais il savait que cela allait être un atout pour les années à venir. Puis il finit par se lever de table en annonçant : « Alors tu vas adorer ça ! » Il débarrassa la table puis il ajouta en se dirigeant vers la cuisine. « Je les réchauffe un tout petit peu, le temps qu'on s'installe sur la terrasse ? Ça te va ? »
Je gardais mes yeux sur Spencer tandis-ce qu'il prenait la parole. Les voyages avaient toujours fait partis de ma vie. Je m'en allais dès que je le pouvais. Dès que mon budget me le permettait. J'avais la chance d'avoir un travail qui me permettait de bouger pas mal. C'était un mode de vie que j'aimais beaucoup. Même si je savais apprécier aussi les moments à la maison et en famille. Il me semblait avoir trouvé le juste milieu entre mon amour pour les voyages et ma famille. Bien sur, je vivais encore en tant que femme célibataire, sans enfants, c'était aussi pour ça que j'avais cette liberté de faire ce que je voulais. J'imagine que les choses changent quand on se mets en couple et qu'on fonde notre propre famille.
« C'est vrai que tu commence à avoir un grand âge. Attention, bientôt tu marchera avec une cane. »
Je souriais. Je plaisantais bien évidement. Spencer n'avait que quatre ans de différence que moi. Si vous voulez mon avis, la trentaine est l'âge qui réussit le mieux aux hommes ! Je reprenais la parole :
« C'est chouette de pouvoir lui faire découvrir autre chose. Il y a tellement d'endroits à voir dans le monde, ça serait dommage de s'en priver. Si j'ai un enfant un jour, je crois que j'essayerais de lui transmettre mon amour des voyages... enfin je dis ça, mais ça se trouve je serais le genre de mère débordée qui ira faire la sieste dès qu'elle a cinq minutes de libres. »
Je souriais derechef. Être parent ce n'était pas simple. Je l'avais vu à travers ma mère. J'ignorais si j'étais capable d'être mère a vrai dire. Je n'y avais jamais pensé sérieusement. Surtout parce que la question ne s'était jamais posée. Pour penser enfant, faudrait t-il déjà entretenir une relation stable et sérieuse, n'est-ce pas ?
« Dommage que tous les pères ne pensent pas comme toi. »
Certaines personnes et pas seulement des hommes d'ailleurs, se retrouvaient avec des enfants sans être faits pour ça. Je me disais que mon géniteur n'était pas fait pour être père. Il ne l'avait sûrement pas réellement voulu. Il était beaucoup trop centré sur lui même pour penser à quelqu'un d'autre. Je trouvais ça terrible. Mais j'avais survécu et mes sœurs allaient s'en sortir sans lui. C'est sur que l'absence d'un père peut manquer. Mais on fini par faire avec et cela ne m'avait pas empêché d'avancer. Je pouvais même dire que j'avais réussi dans la vie, puisque je faisais ce que je voulais professionnellement. C'était aussi le cas de Kael. Klea se lançait aussi dans ce qui lui plaisait. Katty était une élève brillante. Il n'y avait pas de raison que les petites n'y arrivent pas. On peut vivre sans père.
« Oui. J'ai toujours trouvé ça dommage qu'elle s'éloigne de sa passion pour nous, même si elle ne regrette rien. Elle m'a dit que si c'était à refaire, elle le referait. Mais, c'est quand même bien qu'elle puisse faire ce qui lui plaît le plus. »
Sur ces mots, on sortait de table et j'aidais Spencer à débarrasser. Je n'étais pas du genre à rester là à ne rien faire.
« Oui, ça me va. »
Je le laissais réchauffer le dessert tandis-ce que je continuais à ramené à la cuisine ce qui était resté sur la table. Puis, on rejoignait la terrasse.
Il souriait aux paroles de la photographe tout en gardant ses yeux bleus sur elle. « Oh m'en parle pas. Certains réveils sont vraiment difficiles. » Bon, il exagérait un peu. Parce qu'il n'était pas si rouillé que ça. Mais certains jours oui, il avait quelques douleurs ici et là après des efforts. Il se rendait bien compte que ses dix-neufs ans étaient loin à présent. Mais voilà, il ne s'en faisait pas trop. Il acceptait son âge et là il en plaisantait. C'était à travers les yeux de sa fille qu'il voyait le temps qui passait. C'était elle qui lui rappelait que le temps filait. En dehors de ça, il était plutôt bien dans ses baskets. Et c'était bien le plus important. « Par contre, la canne, j'espère que ce sera pour plus tard. » Un fin sourire resta affiché sur ses lèvres. Puis aux nouvelles paroles de l'américaine, il acquiesça de la tête. « Et surtout je pense que c'est de cette façon qu'elle arrive à bien grandir. Je veux qu'elle soit consciente du monde qui gravite autour d'elle. Qu'elle sache qu'il y a tant d'endroits à visiter, tant de pays à découvrir. Parce que c'est une richesse. Et que ça complète l'éducation qu'on lui donne en cours. » Lui, il avait été un peu pareil. Il avait eu la chance de pouvoir voyager. Et cela lui avait donné une culture que l'école aurait été incapable de lui offrir. « Peut-être... » Il souriait à nouveau alors que la jeune femme évoquait sa vie éventuelle avec un enfant. « Et tu as des jumeaux, ce sera un peu plus compliqué. » Il y avait des cas de gémellité dans sa famille. Il y avait donc des possibilités pour qu'elle soit elle-même mère de jumeaux. Et là ce serait un peu plus compliqué. « Tu sais, l'instinct familial n'est pas présent chez tout le monde. Mes parents n'étaient pas fait pour être parents. Alors que moi, c'est différent. » On ne pouvait pas savoir. Certains voulaient des enfants, n'en avaient pas. D'autres ne voulaient pas d'enfants et ils en avaient. Des parents n'avaient pas d’instinct familial alors que d'autres, savaient instinctivement s'il se passe quelque chose avec leurs enfants. « Et puis vous vous en êtes pas trop mal sortis sans père. » Et comment. Que ce soit leur mère, son frère ou ses sœurs ou même Kara, ils avaient tous réussi à aller de l'avant et à vivre sans lui. Ce qui était une bonne chose. Puis il acquiesça à nouveau aux paroles de la photographe quand elle disait que sa mère pouvait enfin renouer avec sa passion. Spencer était bien d'accord là dessus. Puis ils s'installaient tous les deux sur la terrasse. La nuit était tombée et les décorations de Charline donnaient un aspect cosy au lieu. Spencer versa un nouveau verre de vin à la jeune femme avant de faire pareil. « Alors, dis-moi, la colocation avec ton frère se passe bien ? » Kara lui avait dit qu'elle avait emménagé avec lui à son arrivée ici. Et cela n'était pas une première parce qu'ils avaient déjà vécus ensemble d'après ce qu'elle lui avait dit.
Je ne pouvais m'empêcher de sourire à sa réponse. Au moins, Spencer avait le sens de l'humour et ça me faisait du bien. Les dernières semaines n'avaient pas été faciles. Kael m'avait apprit qu'il était malade et j'avais du mal à digérer cette nouvelle. J'essayais de faire bonne figure. Mais c'était très difficile de le voir dans cet état là. Le pire c'est que ce n'était que le début. Le début d'un long combat. Mais je voulais rester positive et avoir l'air forte. Kael n'avait pas besoin, en plus, d'avoir à réconforter tout le monde. Il avait toujours été le pilier de la famille, celui qui porte tout sur ses épaules.
« Je suis complètement d'accord avec ça. Puis Charline est une petite fille vive et curieuse, je suis certaine qu'elle apprécie vos voyages. »
Je m'en étais rendue compte en passant du temps avec la petite et son père. Charline aimait découvrir des choses ou même les faire découvrir aux autres. Au festival, elle avait été la guide de mes petites sœurs. Elle leur avait raconté tout ce qu'elle savait. C'était adorable. Les filles avaient d'ailleurs adoré cette journée passées ensemble.
« Des jumeaux... arrête tu vas me faire peur. »
Dis-je en plaisantant. C'est vrai que je pourrais avoir des jumeaux. Deux fois plus de travail. Je ne savais pas comment ma mère avait fait avec nous deux. Mais je savais le bonheur que c'était d'avoir un jumeau. Ma relation avec Kael était unique. Il était mon frère et mon meilleur ami à la fois. Personne ne pouvait mieux me comprendre. J'adorais évoluer chaque jours avec lui. Je n'imaginais pas une seconde, une vie où je n'aurais pas eu de frère jumeau.
« Ouais. J'ai bien remarqué ça. Comme quoi les choses sont parfois mal faites. »
C'est vrai. C'était pas normal que des parents le deviennent si ils n'étaient pas faits pour cela. Mais c'était ainsi et ça continuerait d'arriver. Dans mon cas, je n'avais pas trop à me plaindre. Certes, mon père avait été absent et il ne nous aimait pas. Mais au moins, on avait pas subit de violence ou de maltraitance. On rejoignait la terrasse pour un dernier verre de vin et le dessert. Je m'installais sur l'un des sièges, remerciant Spencer de m'avoir servie.
« Ça se passe bien, oui. On a reprit nos vieilles habitudes comme quand on partageait l'appartement de Chicago. Même si c'est un peu compliqué ces derniers temps... »
Je marquais une courte pause. Je n'avais pas envie de ternir la soirée avec mes histoires tristes. Même si, je me sentais en confiance et que j'avais envie de me confier à Spencer.
« Il m'a apprit qu'il est malade et j'ai un peu de mal à y faire face. C'est pour ça que j'étais un peu moins disponible ces derniers temps. »
Spencer l'avait sans doute remarqué. Je communiquais moins souvent. J'avais eu besoin de temps pour digérer tout ça. Même si je n'étais pas certaine d'y être parvenue. Mais quand il m'avait appelé en fin de journée pour m'inviter, j'avais finalement accepté cette invitation. J'avais bien fait, puis que Spencer avait réussit à me redonner le sourire.
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