L'étrange histoire de Nea et Elwyn, une comédie en quatre ou cinq adaptations... Voire plus encore. A ce stade, il aurait fallu en faire une série, du genre à attendre dix saisons avant que les deux personnages principaux ne s'avouent enfin leurs sentiments. Oui, ils étaient typiquement dans ce cliché, toujours à se chercher mais à éviter de se trouver, apeurés des conséquences qui iraient avec ce genre de jeux. Elwyn, de toute évidence, n'était pas le meilleur pour gérer les situations sérieuses: il était le premier à sortir une plaisanterie pour éviter les conversations gênantes, qu'elles fussent positives ou négatives, d'ailleurs. Quand il avait dû gérer sa rupture avec Leïla, il avait parlé de tout ce qu'il connaissait des chameaux, trouvant toujours une analogie fumeuse à la situation de leur relation. Il fallait dire que la jeune femme lui avait caché des éléments essentiels et lui, si jeune et si naïf, était tombé dans le panneau. Désormais quarantenaire, Cadburry était plus dur à berner. Il avait même cette tendance à se méfier de tout ce qu'on lui disait, allant toujours vérifier les sources dans quatre ou cinq documents différents histoire d'être sûr et certain de ne pas être le dindon de la farce. Cela ne voulait pas dire qu'il n'avait pas conscience que les gens parlaient autour de lui, qu'on ne le regardait pas de travers quand il parlait fort dans un endroit qui se devait d'être silencieux, vantant les mérites d'artistes méconnus au beau milieu d'un musée. Il n'était pas sortable, voilà ce que lui avait sorti les quelques femmes avec qui il avait eu des relations éphémères et une partie de lui y avait sûrement cru, justifiant ses âneries par cette vulgaire phrase. Il était désespérant, voilà la seule certitude qu'il s'était forgé en vingt années sur le marché du célibat, convaincu qu'il finirait seul entre ses magazines de géographie et ses ses encyclopédies en vingt tomes. Au moins, Elwyn ne s'était pas mis la pression en rencontrant Nea, loin de se douter qu'ils finiraient dans le même lit à faire des échanges passionnés de sentiments. La débâcle dans son crâne était immense mais il était heureux, dieu qu'il était heureux en cet instant en sentant la main de Burkhardt se glisser sur son visage. "C'est un nouveau concept que je viens d'inventer mais je vais le développer,ça fera une bonne thèse, je suis sûr... Non, mais ma bouche est scellé, pacte de sang avec le petit et on peut pas déconner avec ça, tu le sais bien!" On était à la limite du spiritisme mais vu l'esprit vagabond de Cadburry, l'idée était plausible. Il n'en dit pas plus, préférant préserver le petit jardin secret qu'il avait mis sur pied avec Theo. L'enfant lui faisait confiance et peut être que, peu à peu, il devenait une figure paternelle pour lui alors, hors de question de le trahir, même si l'amour qu'il vouait à Nea était tout bonnement exceptionnel. Il n'y avait qu'à le regarder agir, sa manière de la toucher et de se perdre sur les traits de son visage de ses yeux ambrées, Elwyn ne terrait rien. Il assumait. Enfin. "Affreux pour ma volonté, juste... Parce que le spectacle, j'ai pas de mots pour le décrire." Il lui fit un clin d'oeil: elle avait gagné la veille, c'était une évidence, sa Wonder Woman si belle au naturel, si belle dans son plus simple appareil. "Les deux, non? A ma connaissance, les bonnes séries, c'est celles où on a envie de tuer les personnages principaux mais on adore. Pour le livre, faudrait demander à Stephen King ce qu'il en pense..." Super romantique comme choix mais Elwyn ne lisait que très peu de fictions, son temps bien trop occupé par les lectures documentaires. Cependant, il préférait éviter que son histoire avec Nea se transforme en aventure atroce à la Shining... Ils étaient très loin de cette image en tout cas, pour le moment. "Non, je crois pas. En tout cas, le petit Elwyn a encore du mal à y croire. Il a sûrement du spandex rouge dans ses placards, c'est un must have ça... Même si on préférait que les Wonder Woman y glissent pas du poil à gratter." Il la regarda avec un sourire narquois, lui signifiant qu'il savait qu'elle était fautive de ces heures de malheur lorsqu'il s'exhibait en Deadpool, geignard de passer un temps fou à se gratter le dos. Le moment de révélations continua, même si le thème devint tout de suite plus sérieux avec un Cadburry qui confessait son manque d'expérience dans la gestion des relations longue durée. Une première. Lui s'avouer vulnérable ou incompétent dans un quelconque domaine, il n'y avait que Nea pour qui il agirait de la sorte. "Le petit Elwyn est tout de même bien content que sa Wonder Woman ait mis sa quête de certitude absolue au placard alors... Il fera de son mieux pour la rassurer, ça va bien se passer." Il avait peur lui aussi mais il ne pouvait pas l'annoncer. Non, à la place, il écouta les mots tendres de sa compagne et ne put que sentir ses yeux briller. Elle voulait de lui à ce point-là, il n'avait jamais vécu un tel traitement favorable. Jamais. Elle était l'exception, encore une fois. "Est-ce qu'on est prêts pour ça un jour? C'est dur de le dire quand on l'a jamais vécu... Mais tu sais très bien que j'ai signé le contrat le jour de la signature du bail. Il y avait écrit en tout petit que je devenais le Elwyn de Nea, t'avais pas vu? Bon, bien sûr, c'était un contrat à réciprocité absolu... Tu l'avais signé cette mention, hein?" Lui aussi volait savoir si elle l'aimerait sans conditions, sans d'autres personnes pour venir entacher leur bulle de bonheur. Pour venir détruire le geste amoureux d'Elwyn qui vint frotter son nez au sien, prête à l'embrasser dès la première seconde où elle lui aurait offert la réponse tant attendue, peu importe l'état de son haleine. Peu importe tout le reste.

Peut-être qu'elle aurait fait rire plus d'un psychologue, avec sa peur de l'engagement, ses justifications vaseuses pour ne pas avoir à s'y confronter. Si Ana a toujours su trouvé les mots pour la rassurer à ce sujet, ses parents, eux, ont été plus que critiques à ce sujet. Trente-trois ans, toujours pas mariée, toujours pas d'enfant. À croire qu'elle a raté le coche, qu'elle restera célibataire toute sa longue vie et qu'elle ne sera jamais capable d'être supportée par quiconque, avec son caractère de furie. Pourtant, autour d'une annonce internet pour cette location, d'une poignée de mains et d'une visite guidée de cet étrange antre de geek tout a lentement commencer à se muer. Il leur aura fallu plus d'un an, des centaines d'heure de Strip Mario, de pizzas, de canettes de bière pour en arriver là. C'est sans oublier le dangereux cocktail de trop-plein de tequila-vodka-elle-ne-sait-plus-trop avalé dans un temps record, la veille qui lui a valu, en plus de se ridiculiser sans fin au comptoir, une petite crise de panique supplémentaire dans la matinée. Peut-être devrait-elle engager quelqu'un pour écrire une fantaisie à partir de cela mais de là à être un sujet d'étude... « Je suis pas sûre d'apprécier être le sujet d'une thèse en fait... Enfin, si ça reste entre nous deux, peut être. D'accord, d'accord ! Je ne demanderai rien alors ! Par contre, c'est vraiment injuste, deux contre moi, j'ai beau avoir la présence de Juanita pour la solidarité féminine, elle ne m'aide pas vraiment quand il s'agit de vous piéger. » Elle va finir par se sentir un peu seul, contre ces deux truands qui s'amusent apparemment à lui en faire voir, gentiment -ou non-, de toutes les couleurs. Elle ne sait pas s'ils tentent de la rendre chèvre ou bien lui faire développer une patience d'enfer afin de résister à toute épreuve. Il est vrai qu'avec cette lourde procédure à venir, il vaut mieux qu'elle soit parée à toute éventualité. Surtout lorsqu'elle sera confrontée, face à face, à ces deux harpies qui n'en ont que faire des souhaits du petit. Néanmoins, pour la veille, les deux ont sans doute été soulagés de savoir qu'il n'y a pas eu d'oreille indiscrète ou un quelconque spectateur. Cela aurait certainement causé problème pour la création de leur petite entreprise. « Je vois... Monsieur Cadburry est faible pour ce genre de spectacle... » Sourire mutin sur les lèvres, elle s'imagine déjà le torturer ou le faire languir avec ce genre d'information. « Je sais pas... Entendre qu'ils ont fait une adaptation série de ce qu'on vit, c'est un peu trop stressant pour moi. Stephen King ? Tant qu'il ne nous met pas avec un clown dans un égout, ça devrait le faire... Enfin, t'as pas absorbé ton jumeau in utero hein ? Non parce que là sinon il va bien s'amuser avec nous, toi et... » Et la voilà, à le suivre dans son choix non-romantique, imaginant alors toute sorte d'histoire farfelue. Enfin, ça ne pourra certainement pas être pire que les noces pourpres, espère-t-elle. Lorsqu'un sourire narquois se dessine sur le visage du bel Elwyn et que lui parle des fameux poil à gratter qu'il retrouve souvent dans son costume, Nea ne peut s'empêcher d'afficher une bouille amusée quoi que coupable. Désolée ? Un soupçon peut-être mais toutes ces petites tortures sont généralement affectueuses. Et puis, maintenant, elle pourra être désignée d'office pour soulager les démangeaisons entre ses deux omoplates. L'avenir est incertain, après tout, tout peut basculer en un battement de cil, un claquement de doigt. Une seconde, vous êtes là, la suivante, en contre-bas, dans le fossé, après que votre voiture ait fait de nombreux tonneaux à cause d'un chauffard... La certitude en quête impossible, elle s'est enfin décidée à se jeter dans le grand bain et ce, en dépit du brouillard ambiant : cette sombre affaire avec les grands-parents de Theo. Une vague de stress commence à envahir son esprit quant à tout cela. Nea se contente simplement d'acquiescer lorsqu'il dit, à voix haute, que tout se passera bien. Alors, pour la énième fois, elle veut se rassurer, savoir qu'il sera là en dépit de tout, qu'il ne reculera pas dès la première difficulté comme d'autre aurait été tenté de le faire. « J'avoue que c'est un peu stupide comme question... » Toujours décontenancée par les propos d'Elwyn quant à sa grande-première-aventure, Nea se pince les lèvres. Peut-être est-ce là, pour le petit Elwyn, le début de sa seule, grande et unique aventure, à moins que le Game Over ne l'attende au tournant... Un Game Over causé par x ou y raison. Elle, son pessimisme, toujours. Pourtant, cette fois-ci, elle a envie que tout se passe bien. Elle espère que tout se passera bien. Alors, son sourire ne peut que s’agrandir lorsque Elwyn, bon joueur, ne peut s'empêcher de lui renvoyer la balle quant à cette histoire de "ni repris, ni échangé". « La signature du bail ? Ah oui ! Ça date alors, le délai de prescription est passée et effectivement, on peut plus changer là. Dommage pour toi. Mais ça me va bien comme ça. Toutes ces petites clauses tout ça, ça me va. Tout signé, validé, a voté... Tout ça. Pas d’inquiétude, le contrat est irrévocable. » Soufflant alors ces derniers mots et profitant de la proximité qu'elle partage avec Elwyn, à coup de bisous esquimaux, Nea passe lentement ses mains derrière le cou de ce dernier. Lui à qui elle vient de promettre une belle aventure à venir, à coup de poil à gratter, de super pouvoirs et de parties de Strip Mario endiablées. Un quotidien similaire à celui d'avant, les gestes tendres, affectueux, amoureux en bonus. Plus d'option dérobade sur le tapis, juste eux, les mêmes, mais un peu plus honnête avec leurs émotions. Peut-être qu'elle devrait se décider à déserter, momentanément ses bras pour filer à la douche, lui demander s'il a des plans prévus pour la journée ou bien s'il a vu son téléphone pour voir le nombre grandissant d'appel en absence et de messages paniqués de la part de sa mère mais pour l'instant, elle se décide à en profiter davantage, l'embrassant alors tendrement. Juste pour oublier tout le reste, quelques secondes de plus.

L'heure de la bêtise n'était plus. Un deuil irréparable voguait vers l'horizon de la vie d'Elwyn... Vraiment? Pas tant que cela, au bout du compte puisqu'il avait trouvé le pur bonheur, celui qui ne nécessitait pas de se cacher derrière des émissions de télévision ou des magazines de recherche scientifique imbuvables. Il avait attendu longtemps cet instant si précieux, ce fameux jour où il pourrait hurler qu'il avait trouvé la femme qui changeait radicalement le fond de son existence. Cela n'avait pas été une quête facile et ce cher Cadburry avait dû surmonter un certain nombre d'embûches, dont la dernière en date avait été lui-même. Il s'était retrouvé si secret par rapport à Nea, faisant taire ses sentiments par peur qu'elle ne les partage pas. Au final, Elwyn s'était fondu dans la facilité, dans les moments du quotidien qui ne parlaient pas de sentiments ou de relations amoureuses. Désormais, il ne voulait plus retourner à ce si étrange état, à cette folie qui s'était emparée de lui pendant une année entière parce qu'il avait tout fait pour occuper son cerveau. Il fallait à tout prix qu'il n'y pense pas et pour cela, tous les moyens avaient été bons. Elwyn avait ramené un château gonflable dans le salon, il avait fabriqué un semblant de montgolfière dans le jardin de la résidence et même, il s'était essayé à l'équitation. Autant dire que les échecs avaient été flagrants et multiples, Cadburry se retrouvant les fesses dans la terre à conter fleurette à des restes de pissenlit desséchés. Il avait usé ses professeurs jusqu'à la moelle, narrant le moindre muscle qui constituait le cheval qu'il montait pour le cours, ne faisant pas le moins du monde attention à l'endroit où il allait. Alors, il s'était pris une branche en plein visage, manquant de faire une syncope et à tout cela, Nea avait ri. C'était pour cela qu'il l'aimait d'ailleurs, elle s'autorisait à rire de lui mais ce n'était jamais mal avisée ou mesquin... C'était la base même de leur relation, teintée de tendresse et de douceur quand les caméras s'éteignaient autour d'eux. Adieu leur rôle d'acteurs pour devenir Nea et Elwyn, le couple le plus funky de l'histoire de Brisbane et ils avaient de quoi faire rêver leur public, évidemment. "Une thèse confidentielle... Hum, j'aime l'idée, attention. Et ouais, que veux tu, Juanita est reliée à ma cause sans le vouloir, ta vie est dure, si seule au milieu des deux terreurs que nous sommes avec Theo." Elle avait l'air de s'en contenter avec une aisance sans pareille, à peine gênée de se retrouver avec des vêtements déchirés ou une cuisine mise sans dessus dessous. Bon, elle hurlait. Souvent, très souvent même mais les deux garçons en question riaient aux éclats en fuyant face à la colère ennemie. Le torrent de colère n'existait pas du tout à l'heure actuelle, certainement parce qu'elle était collée à Elwyn, qu'il la regardait avec amour en souriant à sa remarque. "N'importe quel homme aurait été faible face à ce spectacle et je sens que tu vas en abuser maintenant que tu le sais." Comme s'il allait crier au scandale. Il allait surtout se rincer l'oeil, pour sûr. "J'ai l'impression que tu pars loin, un clown, un jumeau in utero? Espérons rien de ça tout de même, le remake d'Annabelle sera pour plus tard, quand on sera vieux et desséchés." Pas avant cela. Après tout, ils avaient tous les deux suffisamment de ressources pour échapper au fléau du film d'horreur. Leur amour allait au delà de ce genre de simplicités en tout cas, Elwyn en était plus que persuadé au moment où leur histoire se retrouvait scellé dans le marbre d'une signature datant d'une année auparavant. "T'as vu tout de chez tout niveau petits caractères dans les clauses? Clairement, j'aurais dû agir avant si j'avais su que t'avais vu que Nea Burkhardt devait vouer un amour éternel à son colocataire... Zut, hein." Il souriait, l'idiot. Pas très longtemps cela dit puisque les lèvres de Nea venaient se saisir des siennes, le quarantenaire en profitant pour coller son corps à celui de Nea de manière plus significative, ses mains se promenant dans le dos de la belle pour la garder toujours à proximité. Il avait encore bien du mal à se rendre compte qu'elle était sienne et qu'il avait accepté de la même manière d'être sien. L'affaire était totalement folle mais finalement digne de ce qu'ils avaient toujours été, ensemble. Elwyn se détacha de quelques centimètres seulement, une de ses mains venant caresser la joue de Nea alors que la seconde se promenait encore sur une de ses hanches. "Et maintenant?" Que faisait-on? Où allions-nous? Elwyn ne désirait que se plier à ses voeux, pieux dans cet amour intarissable qu'il vouait à la Wonder Woman tout contre lui.

Qui aurait cru que cela serait si difficile ? Accepter d'abaisser ses barrières, montrer toutes les facettes de sa personne, ses colères, ses faiblesses, la totalité de sa maigre personne aux yeux de quelqu'un, dans l'espoir que cette même personne les accepte, sans juger. Nea a tenté de s'essayer à cela sans y parvenir. Peut-être car il ne s'est pas agit de la bonne personne. Mais avec Elwyn, cela s'est fait naturellement, sans avoir même à penser. Juste entre quelques tirs de Nerf et sacs de farine renversées. Mais de là à réussir à se rendre totalement vulnérable ; d'accepter ses sentiments et de l'avouer, un autre sujet de thèse. Totalement. Les deux jeunes gens ont été assez similaires dans la manière de s'avouer leur attirance : à préférer faire des frasques plutôt que de tenter la manière plus conventionnelle, celles des mots. Mots anodins, qui ne leurs ressemblent pas, alors, au détour d'un conte, d'une histoire, les voilà parti, ensemble. « Si ça reste entre nous, il va falloir que je fasse la correction de ton sujet. Et si ça me plaît pas ? J'ai le droit de punir Sir Cadburry ? Il va falloir que j'équilibre cette balance bientôt. Je crois que je vais devoir réquisitionner les pistolets nerfs et me faire ma propre armurerie... » Ou alors, elle adopterait à son tour, une tortue ou un chien. L'idée du chien lui paraît être la bonne idée, il s'amusera peut-être à mâchouiller les chaussures de Theo, d'Elwyn... avant de finalement s'attaquer aux fournitures pour réduire l'appartement en cendre, après avoir mordillé tout ce qui lui passe devant. Non. Pas de chien. Puis elle est certaine que ses deux terreurs préférés réussiraient à rallier Dogmeat à leur cause avec de superbes croquettes ou la promesse d'un steak saignant. Alors là, ce pauvre appartement pourra vraiment dire qu'il en a trop vu. Leur propriétaire chercherait également à les évincer pour avoir causé tant de problèmes... « Moi ? Abusé ? Vraiment ? Tu me penses siiiii vile ?! C'est moche ça. Vraiment moche. » Pour la peine oui, elle en abusera. Le tout avec un grand sourire, bien sûr. « Partir loin ? Tu as juste évoqué Stephen King ! J'y peux rien si j'ai quasiment dévoré toute sa bibliographie pendant ma période lycée !  Mais non, ça ne me tente pas plus que ça de jouer dans un film d'horreur... » Peut-être que ce genre de films fait rire Elwyn, mais elle... Elle est plutôt du genre à jouer les fortes-têtes pour hurler intérieurement. Enfin, heureusement, durant cette précédente année, il n'a jamais été question de se regarder Amityville ou the Ring préférant prétexté que Theo est trop jeune plutôt que d'avouer ses peurs. « Es-tu en train d'insinuer que je devrais aller voir un ophtalmo ? Ils ont été vu et signé... C'est pas de ma faute si tu ne relis pas les contrats derrière ! » À son tour, elle sourit. Ils préfèrent gentiment se taquiner, l'un l'autre quant à ces soi-disant petites clauses signées il y a une belle année de cela. Mais une fois encore, leurs mots laissent place à une tendre affection. Un long baiser échangé en dépit des restes d'alcool défraîchis. Leurs mains ajoutent des caresses laissant leurs corps se bercer tendrement. Le regard joueur, Nea finit par dévisager longuement le bel Elwyn sentant l'une de ses mains s'égarer sur l'une de ses hanches. Les griffes de Burkhardt se détache lentement de son cou pour dessiner sur son torse. « Et maintenant ? Tu as quelque chose de prévu aujourd'hui ? Tu dois aller à la boutique ou... » auraient-ils l'occasion de pouvoir se prélasser ici durant toute la journée, coupés du monde ? Enfin, bien sûr avant cela il y a la difficile quête du « Par contre je crois que je devrais aller me doucher sous peu... » Une invitation, si leur douche leur permet bien sûr. Peut-être que également, cela lui rafraîchira les idées et qu'ils trouveront de quoi s'occuper. D'ailleurs, il faudrait vraiment qu'elle se décide à aller chercher son téléphone. « Enfin, si tu as une quelconque idée en tête pour que l'on s'occupe, je suis toute ouïe. » Ils pourraient bien sûr, après la douche, se lancer dans diverses activités des plus variées, passant de la simple couch-potato à une balade sur la plage ou bien l'option kidnapping d'un petit neveu, pourquoi pas... Du moment qu'ils fassent ça ensemble, tout lui ira. Oui, même une partie de bataille navale, tant qu'il n'est pas question d'alcool. Enfin, si malheureusement Elwyn doit la quitter pour aller à la boutique, il serait probablement surpris mais ravi de l'avoir dans les pattes.

Ils étaient si différents, très loin des considérations des autres couples de leur génération. Ces gens-là s'installaient dans un confort et une routine,avec enfants et chien à la clé. Eux étaient très loin de tout cela parce qu'ils allaient devoir gérer la garde du neveu de Nea tout en s'amusant avec leurs costumes de super héros et leurs jeux qui étaient pourtant réservés aux moins de dix ans. Insupportables, vous disiez? Elwyn ne pouvait pas le nier, lui qui parlait de manière constante pour ne rien dire ou presque. Il savait que peu de personnes étaient en mesure de supporter ses délires fréquents mais Burkhardt n'avait jamais eu l'air d'être effrayée par l'affaire. De toute manière, elle avait une force incroyable et Elwyn l'admirait pour cela. Sa soeur était décédée une année auparavant et du jour au lendemain, elle avait tout quitté pour s'occuper d'un marmot qui n'était même pas le sien. Elle s'en sortait plutôt bien avec Theo, Cadburry n'étant pas un modèle paternel très conventionnel de son côté. Au moins, la jeune femme était obligée de faire preuve d'autorité avec les deux hommes de sa vie si elle ne voulait pas finir par se faire manger par leur pathétique caractère. Il fallait dire qu'ils avaient formé une alliance de choc et la pauvre Nea, en sous effectif, ne pouvait que subir leurs jeux perpétuels. Elwyn savait qu'il aurait dû grandir depuis bien longtemps. Maintenant qu'il avait quarante ans, il ne pouvait plus tellement se cacher derrière l'apparence d'un jeune premier puisque des cheveux blancs menaçaient de le vaincre... Mais est-ce que cela voulait dire qu'il était obligé de dire adieu à son côté enfantin? De toute manière, il n'en était pas capable et Nea n'avait pas l'air d'être dérangée par cette partie de lui. C'était peut être même celle-là qui l'avait poussée à se diriger vers lui et craquer pour lui au bout d'une lutte interminable contre elle-même. Elwyn ne pouvait pas changer maintenant qu'il avait eu la fille, cela aurait été bien trop dommage parce qu'une Nea, il n'en obtiendrait pas une à nouveau. C'était la chance de sa vie, sa Wonder Woman, la beauté ultime, le caractère bien trempé et les répliques piquantes. Elle le menaçait déjà, d'ailleurs, de quoi faire sourire l'informaticien du dimanche. "Direct, ça part en fantasme avec toi. J'écris très bien donc je suis sûr que ma thèse te plaira, mais t'as l'air tellement frustrée que je pourrais faire exprès de rater pour voir cette terrible punition à l'oeuvre... A condition que tu laisses pas trop de bleus sur mon corps de rêve." Il se mit à pouffer de rire parce que Elwyn n'était pas de ce genre-là, à faire attention à l'image qu'il renvoyait alors, il avait plus ou moins zéro crédibilité en utilisant ce genre d'expressions. Il était bien bâti, c'était une évidence, mais il n'en parlait jamais. Il préférait largement parler de l'ossature des rhinocéros, là, au moins, c'était un sujet des plus passionnants parce qu'on n'avait pas la chance d'en croiser tous les jours dans leur contrée civilisée. "Mais j'aime ton côté vil, je m'en plains pas là." Il lui fit un clin d'oeil rieur parce que c'était une réalité, plus elle l'envoyait sur les roses, plus Elwyn revenait à la charge, c'était la base même de leur bien étrange relation. "On regardera toutes les adaptations à Noël alors, on verra si tu dévores ça de la même manière qu'au lycée..." Oui, il voulait s'amuser et là, l'idée lui semblait parfaite, sourire colgate aux lèvres en s'imaginant la scène d'une Nea qui tentait par dessus tout de faire preuve de courage. C'était l'instant répartie à deux francs, le moment de vérité revenant bien vite en premier plan. Elwyn ne pouvait que la regarder avec toute la tendresse dont il était capable, certain plus que jamais qu'il ne pourrait jamais rien ressentir de tel avec qui que ce soit d'autre. C'était elle, juste elle. "Bah écoute, on vieillit tous, j'ai bien des lunettes de mon côté alors... Mais tant mieux si t'avais signé en toute connaissance de cause, ça me rassure sur le fait que je t'ai pour moi pour un sacré petit moment, contrat oblige." Comme s'il allait la laisser s'échapper de toute manière. Elwyn était peut être fou, totalement aliéné oui, il n'était pas stupide, bien au contraire. Dès le moment où Nea était entrée dans sa vie, il avait essayé de la garder et pour sûr qu'il continuerait à le désirer avec la nouvelle formule de leur relation. D'ailleurs, le duo s'embrassa tendrement ensuite, scellant ce pacte nouveau avec une douceur incomparable, quelques caresses frôlant des corps toujours fébriles après ce qui s'était passé la veille entre eux. Ce ne fut qu'en se détachant de quelques centimètres qu'Elwyn se rendit compte que la température n'était jamais très loin de grimper entre eux, cela avait toujours été une réalité même s'il l'avait empêché durant une bonne année. "Non, je vais pas l'ouvrir aujourd'hui. Je suis bien là. Et je fais pas de chiffres ce jour de la semaine, de toute façon." Comme si le business l'intéressait à ce moment là, alors qu'il sentait la main de Nea dessiner sur son torse, qu'il avait encore sa main sur sa hanche, que le monde entier était le leur pour une journée entière. "Une douche, tu dis? T'as besoin d'aide pour le savon? Je m'en voudrais de te laisser te débrouiller alors que tu te remets de l'alcool d'hier... Je suis toujours utile en shampouinage." Il lui fit un sourire de petit plaisantin en se serrant un peu plus contre elle, sachant fortement que c'était leur journée, que rien de tout cela ne pourrait durer plus longtemps que cela, leur bulle s'éclatant dès le retour à la vie réelle. "Je peux remettre le château gonflable après. Y a toujours le docu' qu'on a pas regardé hier soir. La revanche Mario Kart. Une expérience dans la cuisine. Un duel de Nerfs... Y a des tonnes de possibilités, ce que tu veux, Nea Bea." Il la regarda intensément quelques secondes avant de se relever, lui proposant sa main pour qu'elle puisse se sauver de son état de propreté alcoolique de la veille. Forcément, Elwyn avait encore ce regard intense posé sur elle car, qu'importe ce à quoi elle ressemblait, Nea serait toujours la plus désirable à ses yeux. La plus belle tout court.

Les parents de la brune ont souvent souhaité qu'elle soit "plus normale", "comme sa sœur" à rapidement se trouver la perle rare, enfanter, vivre heureuse et épanouie dans un cocon d'un quotidien répétitif, monotone... Nea a rapidement envoyé valsé tout cela, se réfugiant, le plus souvent derrière son écran d'ordinateur à passer le week-end à geeker savamment sur une liste éclectique de jeux plutôt que de se pencher sur les normes sociales. Alors bien sûr, ses parents ont commencé à la désespérer, la désespérant au passage sur son manque de relations amoureuses ne réalisant pas qu'en la braquant comme cela, la Mini Burkhardt a eu d'autant plus de mal à se libérer de ses chaînes, ses peurs. Sa précédente relation, l'ayant quelque peu traumatisé de ce côté, elle a eu du mal à s'avouer ses propres sentiments, refusant d'y faire face. Alors elle s'est simplement contentée de faire ce qu'elle sait faire de mieux : fuir, se cacher après avoir lourdement claqué les portes, coupé les ponts. Mais l’horloge a continué de tiquer inlassablement, lui rappelant que les années ont continué de défiler et qu'elle est là, la trentaine révolue à finalement ouvrir les yeux sur sa propre situation... Un enfant dans les bras, qui n'est pas le sien, loin du restant de sa famille, dans une ville où elle a débarqué, sans connaître grand monde. Ses émotions, scellées, ont finalement débordé de sa boite et heureusement pour elle, Elwyn a été là pour accueillir tout cela à bras ouvert. Timidement, peut-être même trop lentement, ils ont commencé à tisser leur histoire, préparer le terrain pour ce joli Colisée en devenir. « Qu-quoi ? Fantasme ?! Pff ! C'est toi qui voit, soit la punition, soit les "points bonus" à toi de voir... Bleus ? Donc coup de griffes et coup de crocs, ça passe ? » Elle se retient de ne pas pouffer à son tour, réalisant que ça sonnerait presque comme quelques attaques mal avisées d'un bébé chat ou d'un panda roux, tiens. « Corps de rêve, je vois que monsieur ne perd pas le nord. Les chevilles, tout baigne ? Enfin, attention à ne pas trop exhiber ton corps d’Apollon aux yeux de tous, ils risqueraient de vouloir te kidnapper ! » Peut-être que non mais Nea ne se voit pas risquer cela. Jalouse ? Peut-être, un peu, rarement. Néanmoins, s'il viendrait à se faire kidnapper par une horde, elle risquerait probablement de l'être et de sortir les crocs. « Heureusement que tu l'aime mon côté vile... » Sinon ils ne seraient pas sortis de l'auberge. Puis, il a toujours bien répondu à cela, s'amusant souvent à faire pire encore. Autrement, ils ne seraient vraiment pas sorti de l'auberge et peut-être qu'ils auraient finalement opter pour l'option de s’entre-tuer à coup de surenchère. Là, il tente apparemment de l’assassiner à coup de film d'horreur, si bien qu'elle ne peut s'empêcher de secouer sa tête à la négative : « Hu-hu. Lire c'est une chose, les voir s'animer sur un écran... Et à Noël, vraiment ? Tu veux que ma mère te crucifie pour cela ? » Mais Nea semble en avoir déjà trop dit, imaginant déjà les soirées films d'horreur où le bel Elwyn se jouera de cette peur... Un livre, c'est simple, on peut juste fermer en attendant que l'angoisse redescendre ; une activité solitaire que l'on peut facilement contrôler... Un film d'horreur en compagnie d'un compagnon parfois tyranique ? Difficile d'échapper à l'angoisse montante en pretextant à une pause toilette toutes les dix secondes. D'autant plus qu'elle se doute qu'Elwyn mettrait en pause le film pour qu'elle n'en rate pas une miette... Et après cela, lui, Theo archiveraient sous format vidéo ses cris effrayés durant les jump-scare... Car oui, ils sont vils, eux aussi. Dans un clin d'oeil et un sourire franc, elle laisse ces mots suivants s'échapper, ses mains se perdre sur le visage de ce dernier.  « T'inquiète pas, t'es sexy avec tes lunettes. Je vais devoir commencer à surveiller mes cheveux blancs, ils vont certainement arriver avant l'âge avec vos blagues... » Entourée de ces deux là, qui s'amusent à la rendre chèvre, il est surprenant que ça n'ait pas commencé. À moins qu'elle ne le voit pas. « Avec ou sans contrat, tu vas m'avoir dans les pattes, hein. » Car il n'est pas dit qu'ils restent dans cet appartement et qu'ils conservent leur bail, surtout avec toutes créations loufoques ou explosions dans la cuisine laissant les murs se colorer de vert... Mais, du moment qu'il n'y ait pas une histoire d'accident de voiture, tout devrait bien se passer. Alors, c'est dans un sourire puis dans un baiser que la minute finit de découler, tendrement. Le reste des minutes de leur longue journée ? Ils tentent de définir un programme se promettant tacitement, qu'ils passeront cette journée ensemble, loin de tout. « Tant mieux, autrement tu m'aurais eu dans les pattes. » Cette histoire de douche revient sur le tapis, Nea ayant vraisemblablement du mal à supporter les odeurs alcoolisées collées à sa peau, ses cheveux. « Ouh, tu me parles de me shampouiner le cuir chevelu avec un massage ? Je dis pas non. » Elle tente de ne pas penser aux scénarios catastrophes plausibles : il s'amuse à dérégler la température de l'eau, elle finit par chuter, se faire très mal tout en cassant pourquoi pas, une partie de la robinetterie et... Rien. Il se serre contre elle, lui faisant oublier les dérives de son esprit. Le château gonflable dans le salon ? Nea plisse les yeux pas réellement convaincue du bien fondée de cette proposition. Et quant aux multiples autres possibilités, un sourire se dessine sur ses lèvres alors qu'il l'aide à se redresser, se relever. De nouveau contre lui, debout, elle dépose un tendre baiser dans son cou avant de se détacher lentement. Adoptant une mine pensive, elle finit par ouvrir la marche en direction de la salle de bain, la main d'Elwyn toujours dans la sienne. « On a cas faire un mélange de tout ça... Enfin, on a cas commencer par la douche, ensuite... Si on a faim, on pourra toujours coupler la bataille de Nerfs avec l'expérience culinaire... Celui qui perd, cuisine ? Enfin tu me diras, dans le pire des cas, on cuisine pas et on pourra se commander quelque chose en regardant le documentaire pour finir par Mario Kart, version sans bière pour moi... » Enfin, il n'est pas dit que les choses dérapent à tout moment avec ces deux là. Avec une certaine langueur, Nea se débarrasse lentement du t-shirt qui n'est pas le sien mais qu'elle a adopté. Comme Elwyn, celui que son cœur a adopté.

Voilà qu'il se prenait à rêver d'avenir, lui, le misérable Elwyn Cadburry, celui qui avait le cerveau déjà bien trop occupé avec les pitreries du quotidien pour avoir de la place pour ce qu'il allait faire à partir du lendemain. La plupart du temps, le quarantenaire n'osait même pas y penser. Le lendemain, il vieillirait d'un jour supplémentaire et rien que cette pensée le faisait frissonner et pas d'une très bonne manière, pour être parfaitement honnête. Elwyn n'avait jamais été très doué pour toutes les questions qui nécessitaient une réponse saine et responsable... Il n'était ni responsable ni sain d'esprit, alors, comment envisager qu'on puisse le considérer comme un adulte? Physiquement, certes, il donnait le change parce qu'il faisait plus ou moins attention à ta santé mais dès qu'il ouvrait la bouche, plus rien de sensé ne s'échappait. Enfin, si, ses mots étaient toujours sensés mais très loin de la réalité du commun des mortels. Après tout, il n'était pas rare de le voir tenir une conversation dans une fête de voisinage en babillant deux heures sur le pouvoir qu'on pouvait donner aux licornes dans leur société actuelle. Il n'y avait jamais eu de traces probantes de leur existence et pourtant, des dizaines de fan clubs naissaient chaque jour pour protéger les droits de ses êtres aux pouvoirs exceptionnels... Est-ce que les gens étaient restés jusqu'au bout de son monologue? Loin de là, mais Elwyn avait trouvé quelqu'un d'autre à user, son pouvoir ultime. Il n'était peut être pas aussi distrayant qu'une licorne mais il avait ses propres atouts, ceux que Nea avait fini par apprécier au milieu du bordel ambiant qu'il mettait entre eux. Cadburry s'était apaisé ces derniers temps, certainement parce qu'il avait senti que le moment entre eux commençait à doucement se transformer et il n'avait pas voulu rater le coche avec celle qu'il considérait comme la femme de sa vie... Dans ses rêves, en tout cas, car oui, il avait déjà rêvé de Nea, l'idiot, même s'il ne lui dirait pas histoire de conserver son ego en l'état. "Points bonus, quels points bonus? Mon dieu, mais déjà du chantage mais vil personnage... Parce que tu veux me mordre en plus, y a une association pour hommes molestés ou pas? Histoire que j'anticipe l'affaire!" Il riait pourtant, très loin d'avoir peur des menaces de Burkhardt. C'était un jeu entre eux, quelque chose de profondément affectueux même si les autres n'étaient pas en mesure de s'en rendre compte. Pour le monde extérieur, ils allaient très certainement devenir le couple le plus malsain de la planète avec leur bataille de polochons et leur compétition de Mario kart, de vrais gamins. Pour eux deux, c'était un lien parfaitement exceptionnel qu'on ne pouvait pas définir, Elwyn n'essayait même pas en tout cas. "Si elles vont pas bien mes chevilles, t'acceptes de les masser? Ma réponse dépend de la tienne... Non, je pense que me kidnapper serait vite une idée abandonnée, c'est impossible de me bâillonner, tu le sais bien. Et personne n'aime ton côté vile autant que moi, tu t'en doutes." Et dieu qu'il parlerait à n'en plus finir, une méthode comme une autre pour s'en sortir. Enfin, ce ne serait certainement pas le plan d'Elwyn de base, il voulait surtout éviter le silence et l'ennui, les deux choses qu'il méprisait le plus sur cette terre. Nea, par contre, il ne la détestait pas le moins du monde,il n'y avait aucun doute à avoir quand on constatait la manière dont il pouvait la regarder quand elle parlait... Un délice. "Pas de crucifix s'il te plaît, ça va pas avec mon teint. Wow, révélation,  je suis sexy avec mes yeux qui décèdent, merci. Mais t'en fais pas, tu seras jolie avec tes cheveux blancs aussi." Il l'aimerait quelque soit la formule, à vrai dire, c'était non négociable comme c'était écrit dans le contrat en tout petits caractères. Il pouvait en sourire,oui, du fait d'avoir Nea dans les pattes pendant des années encore et si ce n'était pas aussi certain que cela, au moins pour la journée en cours. Il retournerait au travail dès le lendemain, assuré de passer une journée ennuyante parce qu'il ressasserait les événements de celle-ci, même si, pour le moment, il ne savait pas à quoi elle ressemblerait. "Je suis un super masseur de cuir chevelu, ouais, ma soeur m'a tout appris en la matière, tu vas pas être déçue!" Parce qu'il était curieux de tout, dans tous les domaines et puis, il n'allait tout de même pas refuser de faire plaisir à Nea, surtout pas dès maintenant, quand elle était si tendre avec lui. "Deal. Le plan est parfait, Wonder Woman." Il n'aurait pas dit mieux qu'elle, évidemment. Ils se retrouvèrent bien vite dans la salle de bain, sauf que c'était la toute première fois qu'ils la partageaient en une année de colocation. Nea retira le tee shirt d'Elwyn et celui-ci ne put s'empêcher de la détailler en venant jusqu'à elle, amusé. "Promis, je joue pas avec l'eau et j'ai rien mis dans le shampoing!" Pour preuve, il alluma le jet en ouvrant les quelques fioles pour vérifier. Rien à signaler, il put se concentrer de nouveau sur sa Nea dénudée alors qu'il retirait juste son sweat pour le moment, vérifiant dans le même temps la température de l'eau. "Là, c'est parfait et au pire si c'est trop parfait et que tu t'endors, je mettrais de l'eau gelée et hop, tout baignera à nouveau." Il lui fit un clin d'oeil taquin en s'approchant d'elle, venant lui voler un doux baiser. S'il était assurément insupportable, Nea était la seule à l'apprécier malgré tout. Elle était réellement exceptionnelle, oui, à ce point-là.

Il y a plusieurs questions auxquelles Nea n'ose penser pour l'instant. Décalées, trop nombreuses, celles-ci se battent en duel à l'arrière de son crâne comme un bruit sourd. Tout le monde doute quand il s'agit d'avenir ; remettre en questions ses choix, par exemple. Néanmoins, ils ont aussi quelques certitudes, la certitude de vieillir, de voir leurs jours se réduire, inlassablement. Si son esprit est taraudé de plusieurs interrogations, il y a aussi des choses dont Nea est certaine. Le fait que Ana aurait certainement adoré Cadburry, comme Theo, oui. Ses parents ? Eh bien ça, elle n'en sait trop rien... Cela dit, ils seront certainement ravis de voir qu'elle n'a pas décidé de finir vieille fille mais de là à être rassurés par son choix... eh bien ça attendra les présentations. Un jour, lointain. Elle est aussi certaine qu'elle a bien fait de ne pas se marier auparavant, ce qui l'aurait enchaîné à une vie bien morose et si elle a également la certitude qu'elle va se battre pour son neveu, elle a aussi celle qu'elle l'a enfin trouvé : ce petit a devenant grand. Ses sentiments pour Elwyn. Bon, elle a quand même pris une petite année à se confronter sérieusement à cela, à coup de pistolet nerfs parce qu'elle est une adulte accomplie, puis au détour d'une soirée chaotique très arrosée qui lui a finalement donné suffisamment de courage -plus que de bêtise- pour avouer tout cela. Pas la seule fautive dans le tas, elle est plus que rassurée de voir que le beau Cadburry partage ses sentiments et que lui aussi a également bataillé avec ces derniers, de peur de se voir rejeter, tout comme elle... Néanmoins, cela ne veut pas dire qu'ils vont commencer à devenir mielleux (autrement que à coup de pot de miel). Ils continueront et continuent à se taquiner comme auparavant, rajoutant ces petits instants de douceur. Parfois. « Ah non mais je peux pas tout révéler maintenant ! Où est la surprise après ? Mais je pense que ce sera du "chantage" que tu apprécieras... Tout de suite... Non mais, ça sera affectueux. Enfin, sauf si tu veux pas et on se range du côté chaste maintenant. » D'abord l'air mutin, elle finit par rire. Menaces, surenchères, un jeu qui ne terminera jamais, probablement. Quand ils seront vieux, décrépis, ils s'amuseront certainement à trafiquer le déambulateur de l'autre pour que celui-ci se coince, ou s'amuseront à remplacer les médicaments de leurs prescriptions pour l'arthrose avec des pastilles à la menthe. «  Ah mais c'est vrai, je ne t'ai jamais encore eu comme "patient". Chevilles, dos, si ça ne va pas, tu as juste quelques mots à dire et voilà, Nea prendra soin de toi. Oui, pour de vrai. Pour le bâillon, j'ai appris ça oui... Mais je vais finir par trouver la parade parfaite. » À occuper ses lèvres avec les siennes par exemple. Cela devrait suffisamment le déconcentrer pour qu'il finisse par oublier le reste de sa phrase, avec de la chance. Si Cadburry possède un débit verbal des plus impressionnants capable de faire fuir, Burkhardt elle, se contente simplement d'être fourbe, farouche pour faire détaller les âmes peu accrochées, peu téméraires. Chacun semble trouver grandes qualités chez l'autre. « D'accord, je dirai ça à Maman Burkhardt. » Elle manque de faire un facepalm couvert d'un fou rire à l'entente de sa phrase "ses yeux qui décèdent". « Ça fait ton charme, de rien. Enfin, tu me diras, je peux tricher, mettre une coloration rose bonbon par exemple... Mais merci. » Les joues un peu rougies, le désir d'être dans ses pattes, de l'avoir dans les siennes, ils semblent enfin être sur la même longueur d'onde. Ou du moins, pour cette fois, ils ont eu le courage de se le dire clairement. Plus ou moins clairement, à petit coup de contrat, de sous entendus... Spectateurs ou autres romantiques de première y verront certainement une hérésie, mais eux, pour eux, cela leur convient. Cette fois-ci, la demoiselle n'a pas envie de prendre les jambes à son cou. Probablement parce que le bel Elwyn connaît toutes ses facettes passant de ses crises d'hystérie à ses moments de faiblesses, ses moments de folie également, qu'elle peut, à présent, saupoudrer d'instants de tendresse spontanée, réciproque. Alors qu'il vante ses talents de masseur de cuir chevelu, Nea ne peut s'empêcher de le regarder d'un air amusé. Plan établi, Wonder Woman et le petit Elwyn se dirigent alors vers la première étape de leur longue quête : la salle de bain. Comme s'il s'est amusé à lire dans ses pensées, il la rassure quant au fait qu'il n'a, pour cette fois, rien mis dans shampoing. Il prouve même cela en ouvrant quelques fioles pour assurer sa bonne foi. Voyant cela, elle ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire attendri. Instant trêve, leur habituelle guerre reléguée à un plan lointain. Continuant de faire lentement tomber le peu de barrière vestimentaire qui lui reste, elle penche la tête sur le coté lorsque Elwyn retire uniquement son sweat. « Je vais tenter de pas m'endormir, alors... Car me réveiller avec de l'eau glacée... Tu risquerais d'y goûter aussi. » Maintenant, la voilà en train de douter, quant au bien fondé de lui laisser le pommeau de douche. Il s'amuserait peut-être à la torturer trouvant le temps trop long, quelque chose du genre. Si cela viendrait à arriver, il est probable qu'elle lui rende bien, que la salle de bain se transforme en véritable scène d'un carnage aquatique... Mais pour l'instant, elle se contente de lui rendre un baiser avant de ne finir par se glisser sous le jet d'eau, sentant alors ses muscles se délier. Lorsqu'elle sent ses cheveux se charger d'eau, elle ne peut s'empêcher de pouffer légèrement attendant alors de pouvoir profiter du massage crânien. Outre ses séances chez le coiffeur, la dernière personne à s'être proposée de l'aider pour lui laver les cheveux a certainement été sa grande sœur il y a très fort longtemps. Cette histoire s'est probablement soldé par des pleurs après que du shampoing ait coulé dans leurs yeux respectifs. Abordant un sourire amusé, elle finit par le détailler de haut en bas : « Mais t'es pas un peu trop habillé, là ? Ton jean risque de finir trempé ! » dit-elle en l'éclaboussant quelque peu.  Invitation, plaisanterie. Suite à son commentaire précédent, ils resteront dans l'innocence. Probablement. Puis ils ont toute la journée devant eux, rien qu'à eux. Elle rien qu'à lui.

Elwyn ne se sentait pas vieillir, ce qui posait d'ores et déjà problème puisqu'il avait eu quarante ans quelques semaines plus tôt. Son comportement montrait surtout qu'il avait à peu près douze ans d'âge mental à ce stade. Oui, il avait presque atteint le seuil béni de l'adolescence, il en était ravi. Ce qui était plus dommage, c'était cette vieillesse qui le happait peu à peu et qui n'allait pas au même rythme que sa flagrante bêtise. Elwyn était bien incapable de s'arrêter mais heureusement pour lui certainement, il avait trouvé une femme à son niveau. Si Nea était nettement plus responsable que lui puisque c'était elle qui gérait leurs impôts et leurs factures, force était de constater qu'elle atteignait des paliers d'inconscience à certains moments de la journée. Il n'y avait qu'elle pour s'armer d'un pistolet Nerf pour faire payer Elwyn lorsqu'il allait trop loin. De la même manière, elle s'était bien souvent amusée à ruiner les affaires de son colocataire, par pure vengeance mais parfois même, c'était elle qui lançait les hostilités. A croire qu'elle avait pris goût à cette bien étrange relation qu'ils avaient finalement décidé de faire monter d'un niveau encore. S'ils resteraient très certainement toujours un duo d'idiots, ils se laissaient aller à mêler l'amour dans cette inextricable connexion. On aurait pu les comparer à un réseau de neurones, un trafic bordélique au possible et c'était ce qu'ils étaient. Eux deux, les perdus de la vie, entre la jeune femme qui avait foutu en l'air sa vie amoureuse pour aller sauver son neveu de l'orphelinat, le quarantenaire attardé qui ne savait pas gérer les relations humaines de manière générale, ils envoyaient du rêve par paquet de mille. Habituellement, oui, ils se réduisaient à cette image là mais pas ce jour là parce qu'ils se retrouvaient tous les deux, ensemble, après une nuit d'amour des plus intenses, l'alcool s'étant choisi une place de choix dans ce melting-pot déjà exceptionnel en temps normal. "Mais qu'est-ce que tu dis? Chaste, et puis quoi encore? Tu veux pas qu'on arrête notre abonnement à Geo magazine non plus! Nea Bea, voyons, sois crédible... Mais je suis pressé de découvrir toutes ces surprises, alors, je sens que la torture sera agréable." Elle l'avait toujours été avec Burkhardt, même quand elle l'incendiait de cent manières différentes parce qu'il avait mal réglé la machine à laver en faisant la tournée de linges. Résultat des courses, ils avaient fini avec des fringues pour les moins de quatorze ans mais Elwyn avait beaucoup rigolé, Nea moins. Ce temps-là semblait révolu à ce moment là parce qu'ils se laissaient aller à plus de domesticité, entre deux piques qui montraient que leur tempérament était toujours bel et bien présent dans l'équation. "Je vais avoir ma kiné personnelle, alors? Je suis chanceux... Ah mais de toute façon, t'es la seule capable de me bâillonner correctement. Faudra que tu donnes des cours aux autres." Ils en auraient bien besoin vu à quel point Elwyn pouvait être pénible lorsqu'il était lancé dans un sujet qui l'intéressait. Nea, elle, trouvait toujours de quoi retourner la situation à son avantage histoire de le calmer avant qu'il ne soit trop tard. Cadburry était totalement à sa merci de toute manière, ce n'était plus à prouver après un an d'une intense colocation, une colocation qui était loin d'être terminé vu ce qu'ils pouvaient montrer à ce moment là. "Rose bonbon? J'essaye de t'imaginer mais ça perdrait peut être en authenticité pour ton côté Wonder Woman. On essayera la perruque avant d'en arriver là, hein?" Il était hors de question de réduire sa Wonder Woman à une Totally Spy. Elwyn avait un minimum de respect envers sa belle brune, même si ce n'était qu'un euphémisme en réalité. Ils partirent ensuite pour la salle de bain, se lançant dans une grande aventure à coup de shampoing et autres savons qui promettaient de ne pas les assagir très longtemps. Nea était déjà en train de se dévêtir et les yeux d'Elwyn ne purent que voyager sur ce corps qu'il avait si longtemps désiré avant d'y succomber au cours de la nuit. De son côté, Elwyn oscillait entre la préparation de la douche, les vérifications des fioles divers et variées s'y trouvant et la mission de retirer ses propres vêtements. Au bout du compte, il n'avait retiré que le haut quand Nea se glissait déjà sous le jet d'eau, Cadburry souriant en la regardant faire, même si cette histoire d'eau glacée lui plaisait moyennement seulement. "J'en doute pas avec toi... Mais je mettrais ma carapace de tortue ninja et je sentirais rien du tout, voilà." Quelle merveilleuse réplique, digne d'un grand Cadburry. Et voilà que Nea commençait à lui jeter de l'eau à la figure, prétextant qu'il était trop lent pour retirer ses vêtements, elle devenait directive ma foi. "Nea Bea, on avait pas dit qu'on jouait pas avec l'eau? Tu sais que c'est une denrée rare dans le monde, enfin je te refais pas le topo sur la misère autour de nous, tu connais le refrain et fais gaffe, je pourrais me venger et te séquestrer dans la douche, attention." Il montra un air faussement sévère avant de sourire, retirant finalement le reste de ses vêtements pour se glisser derrière elle sous le jet. Très vite, il fit passer ses mains dans sa chevelure ébène, tout à fait délicatement avant d'attraper le shampoing et de commencer à lui masser le cuir chevelu, son corps proche du sien. "Te mets pas à ronronner, hein, je sais que c'est agréable ce que je fais mais, il va falloir faire preuve de courage." Il visita toute sa chevelure, ses mains se glissant délicatement jusqu'à ses tempes pour y apposer du shampoing, prenant son temps pour qu'elle se sente parfaitement bien, finissant par rincer de manière douce tout cela. Il n'était jamais ainsi avec personne d'autre, Nea avant tout. "T'as besoin de moi pour le savon?" Quitte à pousser le vice, autant le faire jusqu'au bout, n'est-ce pas?

Sa mère n'a jamais manqué de lui le rappeler ; le temps qui passe, l'horloge qui tique, les années qui s'égrènent. Une fatalité. Une solitude marquée, le fait qu'il lui sera de plus en plus dur de trouver quelqu'un, d'avoir des enfants, d'autant plus si elle s'évertue à tous les éviter en prétextant avoir à s'occuper de Theo. Oh il y a aussi eu le petit passage avec les rides, les cheveux blancs, la peau qui se détend par endroit, le fait que les plus beaux poissons sont déjà pris selon les dires de cette maman sexagénaire aigrie... Mais dans tous le bordel ambiant qui a suivi le décès de sa grande-sœur bien aimée et toute l'animation des plus décalées, l'attachement. Ou cet autre mot commençant par a, également. Ce mot qui lui a toujours fait si peur s'est finalement doucement écrit dans les prémices d'une histoire déroutante. Enfin, cela personne ne l'a vu, pas même les lecteurs, ni elle car le tout a toujours été couvert de menaces, de farces de hurlements hystériques et de plainte à n'en plus finir. Mais finalement, cette étrange dynamique a crée une histoire des moins banales dont peu de lecteurs peuvent prétendre avoir deviné le pot-aux-roses avant le tome des grandes révélations alcoolisées. « J'essaie simplement de te ménager un peu ! Quoi?! Tu veux arrêter l'abonnement Geo mag ?! La torture est toujours agréable avec moi. » finit-elle, ponctuant sa phrase d'un clin d’œil avisé, se mordillant la lèvre inférieure... Agréable ? Toujours ? Peut-être pas la fois où elle s'est amusée à le frapper avec le poireau, ou après avoir voulu le pousser dans le champ de citrouilles l'an dernier, dans l'espoir qu'il se fracasse le crâne sur les nombreuses cucurbitacées. Pourquoi ? Une raison probablement stupide, mais ils ont fini par en rire, après coup. « Huuuh... Alors je veux bien donner des cours mais pour la technique secrète, ils passeront. Je suis pas sûre d'apprécier que n'importe qui finissent par t'embrasser. » Une moue vissée sur le visage, elle vient de lui avouer cela. Mais elle est sûre que quelques personnes, dans le même acabit de Theo adore Elwyn pour cela ; pour le fait qu'il arriver à débiter sur tout, rien et rendre cela captivant. Parfois. Peut-être pas lorsqu'il se met à se lancer dans des explications sur ô comment les frelons asiatiques s'organisent pour se débarrasser d'une ruche d'abeille... Pour éviter de penser davantage à cela, ces créatures démoniaques, quoi de mieux que de penser à ses cheveux blancs ? Le rose ne semble faire l'unanimité ni chez la demoiselle, ni chez le bellâtre. Elle ne serait plus Wonder Woman, ce qui serait fort dommage pour Cadburry qui admire tant cette plantureuse amazone. Puis, elle non plus, ne se verrait pas sacrifier sa brune crinière pour tenter de masquer quelques signes de l'âge, ou d'un stress avancé. Car il est évident qu'avec tous les récents événements, elle a eu du souci à se faire. Elle se passe une main dans les cheveux, cherchant alors à apercevoir, si oui ou non, elle doit s'inquiéter de ces quelques indésirables. « Perruque ? Non mais je veux pas devenir chauve. Mais brune ça me va très bien. Puis ça a l'air de te plaire donc on va rester comme ça. » Les voilà en train se préparer pour leur prochaine mission : la douche, ne pas saccager la salle de bain avec leur jeu habituel  « Le temps que tu ailles la chercher, tu seras déjà tout trempé. » La preuve : la voilà que taquine, Nea ne peut s'empêcher de provoquer doucement son compagnon, l'arrosant de ses mains. À son air sévère, la demoiselle ne peut s'empêcher de plisser des yeux, affichant alors un sourire taquin. « Alors tu ne veux pas jouer avec l'eau mais tu veux le séquestrer dans la douche ? T'es pas un peu contradictoire ? » dit-elle sans le quitter des yeux, profitant du petit spectacle qu'il lui offre. La douche n'est pas immense, mais suffisamment grande pour abriter deux adultes dans leur petit jeu. Derrière elle, un frisson la parcourt lorsqu'elle sent les mains d'Elwyn se glisser lentement dans ses cheveux. Elle sent également la proximité de leurs corps, une certaine chaleur commençant à l'envelopper, autre que celle des vapeurs d'eau. « J'avoue que ça poserait probablement un problème si je me mettais à m'endormir debout, sous la douche. » Il risquerait de tomber tous les deux et de se faire très mal. Belle perspective pour leur journée. Le moment de détente détend bel-et-bien la demoiselle. Elle lâche un petit soupir satisfait lorsqu'il semble en avoir finit avec ses cheveux. Elle aurait pu en profiter des heures mais cela aurait certainement causé des crampes au pauvre Elwyn. À l'entente de sa proposition, Nea ne peut s'empêcher d'afficher un large sourire. Avec une certaine lenteur, elle se tourne vers le bellâtre plaçant ses mains derrière le cou de ce dernier. « C'est la journée spéciale Nea ? Tu ne veux pas que je te rende la pareille pour le shampoing ? Les épaules... ? »  Le ton est joueur, elle aussi. Si d'abord ses mains se sont aventurées dans sa nuque, les voilà qu'elles descendent doucement sur les épaules, l'une se perdant sur la clavicule. De là, elle lui vole un baiser avant de se détourner pour regarder les flacons les entourant. « Une préférence ? » souffle-t-elle, laissant une main glisser contre le torse de ce dernier, alors que ses deux obsidiennes à la lueur joueuse, sont plantées dans le regard du bel Elwyn.

Elle était aussi infantile que lui en bien des points. Lorsqu'il était question de taquiner et de jouer, Nea n'était jamais la dernière à sauter sur l'occasion. Il fallait dire qu'elle avait trouvé un partenaire à sa taille en la présence d'Elwyn. Lui n'avait fait que cela de sa vie, jouer, emmerder le monde, parler à outrance, se cultiver en martyrisant les oreilles de ses congénères. Avec Burkhardt, il y avait mieux que cela désormais: bien sûr, il pouvait encore se jouer d'elle, lui faire des farces et des plaisanteries en tous genres, mais ils s'étaient initiés à une toute nouvelle sorte de distraction la veille. Ils avaient commencé à s'aimer sans limite ni condition, se donnant corps et âme l'un à l'autre sans faire étalage de blagues peu drôles ou de savoirs ô combien inutiles. Ils s'étaient juste retrouvés tous les deux, après une partie de Mario Kart des plus sulfureuses, l'alcool ayant bien trop coulé pour que le manque d'habits de Nea ne fusse pas un appel à la décadence. Cadburry avait aimé ce moment, c'aurait été mentir de dire l'inverse, il n'avait peut être même jamais autant apprécié un instant à deux. C'était Nea, c'était sa belle Nea, elle et son visage d'ange, ses beaux yeux ébènes et ses courbes de Wonder Woman. Il n'y avait aucune autre femme qui lui arrivait à la cheville et elles auraient beau toutes essayer de l'enflammer, aucune ne pourrait se targuer d'y arriver aussi aisément que cette femme-là. Elle savait comment gérer ses babillages incessants et lui faire fermer son clapet, même quand il faisait preuve d'une mauvaise foi certaine, comme avec cette histoire de résiliation d'abonnement à son magazine favori. "Ah non mais je veux pas le faire, Nea...J'utilise juste du chantage pour empêcher que tu me tues et me balances dans une fosse commune parce que c'est ce qui peut arriver si tu te laisses trop aller avec les Nerf ou bien avec des poireaux." Elle était tellement sortie de ses gonds avec lui qu'Elwyn se demandait comment elle avait pu finir par tomber sous son charmes. Certes, l'adage sur le châtiment devait avoir une cause quelque part mais Nea avait littéralement tenté de le tuer à de multiples reprises. Ce jour-là, elle n'avait pas l'air d'en avoir envie cela dit, mais Elwyn faisait également tous les efforts du monde pour le ménager. Elle avait encore une sacrée gueule de bois dont il était en partie la cause d'ailleurs et il voulait être le meilleur colocataire de la terre... Ou bien l'amoureux, il ne savait pas tellement comment appeler cela vu qu'il n'avait pas tenté l'expérience depuis ce qui lui semblait être un millénaire. "Ta technique secrète, c'est de m'embrasser? Et t'as attendu un an avant de la tester? Comment t'as fait pour tenir sans technique tout ce temps?" Et effectivement, Cadburry était curieux de l'apprendre. Ce n'était que la veille qu'elle avait essayé de le faire taire par cette toute nouvelle façon, les lois du Wisconsin ayant plus ou moins gênés son désir dans l'affaire. Cela dit, Elwyn s'était bien rattrapé ensuite et il continuait sur cette lancée d'homme mignon, un fait étonnant pour tous les autres mais peut être pas pour Nea qui le connaissait mieux que quiconque en vivant avec lui. Il était capable d'être le plus serviable des hommes, s'il était suffisamment concentré pour cela et s'il aimait assez la personne surtout... Et Nea, c'était un autre niveau en termes d'amour. Bien au delà de tout ce qu'il avait connu jusque là. "Brune, c'est parfait. C'est Wonder Woman alors tu restes comme ça, oui." De toute manière, il n'était pas prêt de la lâcher sa Nea Bea. Il l'avait regardée entrer dans la douche avec un air énamouré, perdant un peu le flot de ses pensées dans la manoeuvre, la jeune femme en profitant pour commencer à le tremper. Infantile, n'est-ce pas? "Fais pas ta maline, ma Nea Bea... De un, je peux très bien te séquestrer dans la douche sans allumer le jet d'eau. De deux, je peux faire ce que je veux de toi parce que je suis le spécialiste du concept de contradiction." Il la rejoignit bien vite cela dit, parce qu'il n'aurait pas pu résister à son appel. Elwyn lui procura même un bon massage crânien en lui lavant les cheveux, il était serviable, voyez-vous et puis, il aimait le fait que Nea semblait se détendre sous ses doigts, cela le faisait grandement sourire. "Tu pourrais, tu sais parce que je te tiens mais je sens que t'as d'autres plans." Effectivement, elle s'était retournée vers lui, un sourire aux lèvres avec ses mains autour de son cou. Elwyn la regarda avec envie, forcément alors qu'elle s'amusait avec lui. Elle fit semblant de réfléchir en regardant les flacons et le quarantenaire en profita pour faire passer ses mains autour d'elle pour venir l'enlacer tendrement, son visage déposant un doux baiser dans le creux de son cou avant de pointer du doigt une des fioles. "J'aime bien le concept de journée spéciale Nea, moi. Après tout, c'est toi qui es en pleine gueule de bois alors, si je peux aider en quoique ce soit ton cher cerveau, je prends mais tiens, prends ce flacon là. Moi, je vais prendre l'autre, ça a l'air marrant cette histoire de goût macaron framboise." Il s'empara dudit flacon avant de déposer une noise de savon au creux de sa main et d'en déposer une infime partie sur l'épaule de la jolie brune, ses doigts glissant sur sa peau si douce alors qu'il descendait vers sa poitrine, amusé. Que ne ferait-il pas pour elle? Non, que ne ferait-il pas pour être avec elle, tout simplement.

Ils se sont bien trouvés, ces deux grands gamins. Il faut dire que l'annonce loufoque s'est quand même démarquée du lot, ça en plus de la proximité avec l'école du petit, tout ça... Pour elle, au début, cela n'a pas été évident. L'acclimatation, se déplacer jusqu'au centre, puis ensuite Spring Hill pour le cabinet... Le changement total. Mais Theo s'y est plu, elle aussi. Et ce, même si ça lui a été dur à avouer.  Alors, comme deux grands enfants se cherchant, se trouvant, les frasques ont commencé et il semblerait qu'elles continueraient en dépit de tout. En tant que renégats du monde des adultes pleinement accomplis, eux, entre deux feuilles d’impôts et factures -qu'ils oublieraient parfois de payer si Nea ne se mettrait pas à criser à la dernière minute pour qu'Elwyn se réveille-, ont finalement décidé de mettre les pieds du petit-grand bassin nommé "Il serait tant que l'on arrête de jouer les aveugles et que l'on fasse face à la situation" et plus à coup de sac de farine et autre moyen détourné pour avoir l'attention dudit colocataire... Qui a toujours été plus qu'un simple colocataire. Mais bien sûr, aucun des deux ne l'a su ; ils ont tellement bien couvert tout cela avec leurs idées farfelues, discours décalés ou fausse haine de la part de Mini Burkhardt. Prépondérance pour les deux ? L'option fuite. À chaque petit moment, rapprochement, il a toujours fallu que l'un des deux se décide à s'éclipser pour x ou y raison, souvent infondée, juste pour fuir, ne pas se confronter ou se laisser submerger par l'absence de contrôle... Alors, là encore, suivant leurs vieilles habitudes ; ils se chamaillent, se provoquent à coup de résiliation, de serpillière, citrouilles ou autre sujet de conversation insolite. « Tu penses vraiment que je te tuerai et me débarrasserai de toi dans une fosse commune ? T'as quand même plus de valeur que ça à mes yeux, je te rassure. Puis non, je peux pas te tuer, je me sentirai bien seule après. Poireaux, poivrons, je vais t'en faire manger à toutes les sauces si tu continues à me taquiner. » Feu-Ana aurait probablement deviné toute l'affection que Nea a pour Elwyn rien qu'en la regardant agir avec lui. Malheureusement, elle n'a pas été là, à lui ouvrir les yeux sur la vérité qu'elle a caché pendant une année. Une année où elle a tenté d'appréhender, de comprendre, contrôler tout cela, vainement. Elle a une manière étrange d'exprimer son affection. Avec son ex-fiancé, elle a bien sûr tenté d'être plus normale et pour quoi ? Pour se sentir démunie, incomplète, à cacher une partie d'elle même... Là, éreintée avec tout ce changement, elle n'a même pas essayé. À quoi bon ? Ils ont fait la paire avec Cadburry, sous les yeux amusés du petit Theo qui a semblé s'épanouir de nouveau. « Eh ! J'ai testé pas mal de techniques avant... Les Nerfs, la fuite, te tendre une bière, une part de pizza... J'avais juste peur que tu te mettes en mode "Self Defense" si j'étais venue à être trop proche de toi. Puis bon, t'es pas mal aussi dans l'option "Fuite" alors si ça se trouve, tu ne m'aurais même pas laissé tenter. » Et puis, sans la grande dose d'alcool, elle aurait probablement attendu plus longtemps, ou que Cadburry prenne le tour. Enfin, là encore, rien n'aurait été certain. Les pros de la dérobade. Néanmoins, bienheureuse que cette mascarade soit terminée, Nea ne peut s'empêcher de regarder Elwyn avec tendresse ; cette même tendresse avec laquelle elle le regardait quand il s'amusait avec Theo ou dès qu'il a eu le dos tourné. « Et pour les petits cheveux blancs ? On mettra de la teinture par dessus ? » Puis, sa sœur était brune, également. C'est qu'elle pourrait presque finir par devenir jalouse de Wonder Woman, cette femme plantureuse, le fantasme d'Elwyn. Mais à ses yeux, il semblerait que Nea Bea soit devenue Wonder Woman. Enfin, elle croit. Elle l'espère. Puis, il l'a déjà appelé ainsi donc... Les inquiétudes sont balayées par le jet de douche, jusqu'à ce qu'il prétende de pouvoir l’emprisonner ici, en guise de punition. « Tu me laisserais donc mourir de froid... je note... on commence bien, notre Colisée. Déjà que tu me dis que je vais te jeter dans la fosse commune, là tu me laisserais mourir de froid, de faim, nue, séquestrée dans la douche... Bravo ! Et après, tu dis que je suis compliquée ? Courbe instable ? Toi t'es la courbe instable contradictoire alors ! » Deux beaux concepts, uniques en leur genre. Néanmoins, ils semblent graviter autour de l'un-l'autre sans aucun souci. Néanmoins, la gravité reste une notion importante : la chute. Maintenant elle le sait, avec Elwyn assurant ses arrières, elle n'a plus besoin d'un parachute. Le bellâtre la rattrapera si elle viendrait à piquer du nez, ou à avoir besoin d'aide. Il sera là, pour elle, pour Theo. Et en échange, elle sera là pour lui. « D'autres plans ? Vraiment ? Tu es en train de réveiller mon cerveau pour me donner quelques idées... » Ses mains dessinent sur la nuque d'Elwyn alors qu'elle le regarde, un sourire étiré sur ses lèvres. Ses yeux se perdent momentanément sur les flacons colorés, ses mains continuant leurs petites caresses sur la nuque, les épaules, le torse du bel éphèbe. Elle l'accueille tendrement contre elle, lui offrant son cou pour qu'il y dépose un doux baiser. « Journée Nea gueule de bois... C'est mignon, comme concept. On va faire une journée spéciale Elwyn également... Flacon "tarte aux myrtilles", il va falloir que je fasse plus attention à ce que Theo me fait prendre comme shampoing. À moins que ce soit toi ? » L'odeur du macaron framboise se dépose sur son épaule et les doigts de son partenaire s'anime délicatement sur sa peau humide, à présent savonneuse. Néanmoins, à son tour, ses griffes s'aventurent avec une certaine application sur le cuir chevelu du bel Elwyn avant de descendre le long de sa nuque au gré des caresses qu'il appose sur son corps ; macaron framboise. La chaleur est palpable, le désir, lui, croissant. Entre les deux corps, aucune barrière. Le savon, peut-être mais cela semble faire partir du jeu. Le contact électrise lentement la jeune femme qui ne peut s'empêcher de se pincer les lèvres. Ses mains glissent alors, le long du dos musclé de ce dernier, s'apposant avec une certaine langueur sur ses hanches, son bassin. Un air mutin fixé sur le visage, Nea finit par coller son corps contre le sien, apposant un doux baiser sur ses lèvres. « Il ne faudrait pas que l'on glisse... » ponctué d'un sourire taquin et d'un clin d’œil, la demoiselle attrape le jet d'eau pour rincer les cheveux plein de mousse.

Elle lui procurait toutes les émotions, constamment. Elwyn n'aurait jamais pu penser qu'il croiserait la route d'une telle femme. Cela faisait bien longtemps même qu'il avait abandonné l'idée d'une jolie Nea qui le martyrisait à intervalles régulières pour calmer ses ardeurs scientifiques. Il n'y avait qu'elle qui avait eu ce courage lui de le supporter au quotidien, même quand il faisait exploser des fruits dans la cuisine. Non, même pas dans le micro ondes comme tous les adolescents idiots qui découvraient la vie, non, dans la cuisine, en plein milieu du comptoir quitte à en mettre sur tous les murs. Elle s'énervait, bien sûr, mon dieu qu'elle s'énervait de rentrer du travail pour tomber sur une pièce en décomposition et un Elwyn qui n'avait pas mangé de la journée. Alors là, elle le tuait du regard doublement: non seulement il n'avait pas nettoyé son carnage mais par dessus le marché, il ne s'était pas nourri. A croire que Burkhardt avait toujours eu un instinct protecteur, celui-ci avait dû être exacerbé par l'arrivée de Theo dans leur existence. Elle faisait attention, tout le temps, alors qu'Elwyn, lui, restait parfaitement fidèle à lui-même. C'était sûrement ce qu'elle attendait de lui au final, parce qu'elle ne l'avait pas moins aimé. Elle s'était même accrochée à lui plus fermement encore, s'invitant dans ses pensées plus que de raison. Elwyn n'avait rien pu faire pour lutter contre l'évidence: elle était sa Wonder Woman, mieux que ce fantasme d'adolescent même parce qu'elle était réelle et qu'il était à elle. Il n'aurait pas voulu qu'il en fut autrement: à dire vrai, il avait tellement attendu ce moment, pouvoir la serrer contre lui, l'embrasser, la chérir et lui prouver de mille et une manières qu'il l'aimait. Ne pas lui dire, non, parce que c'était trop simple et que ce n'était pas Elwyn mais lui signifier par des idioties qu'elle seule pouvait comprendre, par des mots qui ne faisaient sens que quand on connaissait leur passé commun. Eux deux contre le monde, le combat le plus épique que la terre ne vivrait jamais, Cadburry en était persuadé, à moins qu'ils ne s’entre-tuent d'abord, ce que la conversation semblait suggérer à l'heure actuelle. "J'aurai le droit à un mausolée alors? Avec des arbres et tout autour? Tu me touches, Nea Bea. Tant mieux, j'adore les légumes et comme ça, pas de gaspillage de nourriture, il faut penser à la planète." Pourtant, il était le premier à se lancer dans un combat de Jedi avec Theo lorsque des courgettes arrivaient des courses. Avec les bruitages, attention. Il ne fallait pas rigoler avec Star Wars, jamais. Alors, que Nea le tue avec un poivron ou une tomate cerise, ce ne devait pas choquer énormément Elwyn. De toute manière, il la laisserait faire n'importe quoi, du moment qu'elle restait avec lui. Qu'elle fut encore là après tout ce temps restait parfaitement étonnant quand elle faisait la liste de toutes les techniques qu'elle avait testées pour le faire taire. Aucune n'avait marché, absolument aucune, jusqu'à la veille. Jusqu'à ce qu'elle l'embrasse et lui grille ses circuits neuronaux avec une efficacité déconcertante. Du grand Nea. Des prouesses à La Wonder Woman en mieux encore. Sa Nea Bea. "T'essayes de dire que c'est à cause de moi que t'as inventé des astuces étranges pour pas m'embrasser? Attention, je pourrais te rendre la pareille. Quand je m'approchais à moins de vingt mètres, j'avais le droit au lancer de fléchettes. On est quittes?" Il valait mieux qu'ils le soient parce qu'ils avaient été aussi bêtes l'un que l'autre. Ils s'étaient cherchés pendant bien trop longtemps pour qu'ils ne soient pas totalement en manque l'un de l'autre, à l'heure actuelle. Après tout, cela faisait une bonne année qu'ils se tournaient autour sans jamais lâcher les chevaux, toujours dans la retenue face à leurs sentiments. Il n'y en avait plus le moins du monde lorsque Elwyn la regardait de cette manière, avec des étoiles plein les yeux, prêt à bondir si quelqu'un s'approchait trop près de la femme de sa vie. "T'en auras pas besoin. Tu seras belle quoiqu'il arrive." Elwyn ne le taisait pas, pas ce fait là. Il l'avait toujours trouvée à son goût et elle était clairement formidable. Alors, oui, il était prêt à vieillir auprès d'elle, à voir des petits cheveux blancs prendre possession de sa tête et la chérir tout de même. Il espérait qu'elle en ferait autant, même s'il était plus avancé qu'elle en la matière. "Qui t'a dit que j'allais te laisser sans rien à mourir de froid? Tu rigoles, j'espère. Je te ramènerai la couverture, le plaid et toute la panoplie du survivant de la séquestration sous la douche. Range ta courbe instable contradictoire dans ta besace là parce que, la mienne est parabolique, déjà." Et il riait, oui, qu'il pouvait rire en sa compagnie. Dès les premiers jours, c'était arrivé. Le fou rire. Le moment de silence qui ne durait jamais avec lui parce qu'il se mettait toujours à commenter ce qu'elle venait de dire. C'était aussi la base de leur relation, que l'un des deux cherche à avoir le dernier mot. Bien souvent, Elwyn perdait avec Nea parce qu'elle avait trop de répartie pour son bien et qu'il aimait énormément la regarder avoir un instant de suffisance d'avoir remporté une micro bataille. Bien vite, il se relançait dans l'arène dans ce genre de cas, mais pas tout de suite, pas maintenant, non. Il y avait la tendresse d'abord, ce jeu d'amour qu'ils ne connaissaient que trop peu encore. Elwyn lui avait massé le cuir chevelu avec délicatesse, s'amusant de sa réaction plus qu'elle ne l'aurait souhaité, c'était une évidence. Nea avait de la suite dans les idées cela dit, et sa vengeance était tout aussi terrible que ce qu'avait initié le quarantenaire. Il la regarda avec des sourcils relevés alors qu'elle s'armait elle aussi d'un flacon de shampoing avec un goût des plus étranges. La bataille serait rude pour savoir qui sentirait le meilleur au terme de cette édifiante course contre la montre. "Oups, je plaide coupable... Mais c'est drôle, non? T'es sûre que non? N'empêche qu'on va sentir bon alors, tu peux pas nier que c'est de bons choix, surtout pour la journée spéciale Nea." Effectivement, en ouvrant les flacons, de délicieuses odeurs venaient embaumer la douche. Elwyn n'en tint rigueur qu'une petite minute seulement puisqu'il se concentra bien vite sur sa tâche.

Beaucoup de contes romancés commencent avec un beau "Il était une fois", de longues minutes sous une pluie battante à attendre qu'une bonne âme n'arrive, aidant le protagoniste à se cacher sous son parapluie. Là, cela a commencé avec une poignée de mains, quelques sourires, une présentation étrange ainsi qu'une visite des lieux des plus décalées. Il y a bien sûr eu cette douce phase d'acclimatation, ces instants timides où aucun des deux n'aient su quoi dire durant quelques secondes, minutes, avant que le tout ne se délie en fou rire souvent incontrôlé, incompris du petit Theo qui s'est souvent contenté de les regarder d'un air suspicieux. Le trio a su trouvé un semblant d'équilibre dans toute cette étrange situation ; une figure familiale bancale, hétérogène pour le petit, mais suffisamment stable sur certain point pour qu'il commence à remonter la pente, ensemble. Il y a aussi eu ces étranges phases lorsque les deux adultes se sont retrouvés plus d'une fois en tête à tête, Nea pestant derrière le pauvre Elwyn pour diverses raisons. Le plus souvent, la destruction de leurs biens ou le fait qu'il ne prenne pas assez soin de lui, se délaissant pour mieux se concentrer sur les expérimentations farfelues. Souvent, elle a du pensé pour trois ; pour Theo, lui, elle, se soucier du bien-être de chacun... Peut-être s'est-elle toujours trop inquiétée pour son colocataire alors qu'elle aurait simplement pu le laisser faire sa vie, tranquillement, sans se soucier de celui-ci. Mais non, il y a toujours eu ces questions qui se sont répétées lorsqu'elle le croisait : "ça va ?", "tu as mangé ?", "tu as pensé à dormir ?" Instinct maternel, réelle préoccupation, un savant mélange de tout ça l'a toujours poussé à observer Elwyn avec une inquiétude latente. Souvent elle a regretté ne pas l'avoir confronté, questionné quant à ses expérimentations aux heures inhumainement aléatoires ; savoir si cela n'avait pas un rapport avec le départ de son meilleur ami ou si pendant les précédentes quarante-huit heures, il a pu au moins dormir plus de huit heures, le cerveau en ébullition pour une raison inexplicable... Prendre soin de lui, de loin. S'inquiéter, de toujours aussi loin pour ne pas éveiller de quelconques suspicions. Là a été le jeu ou plutôt, la peur de se faire rejeter. Alors, finalement, ils en sont à une nouvelle étape : après celle du dénivellement de terrain, le plan ; les fondations, basées sur leur taquinerie à n'en plus finir. Toujours. « Je planterai même des concombres et des courgettes autour pour te dire ! Oui je sais. Par contre ça veut pas dire que tu dois accepter tous les légumes de Theo lorsqu'il te dit qu'il a étrangement "plus faim" et qu'après il redemande des frites... » Si quelques fruits et légumes ont parfois été réquisitionnés pour jouer une scène des moins atypiques, ils ont souvent fini dans l'estomac de ces derniers, après que Nea, tortionnaire, n'ait pas manqué de vouloir les assommer avec. Le beau ragoût de légumes abîmés par le mime d'un combat épique. La mine amusée de Nea ne peut s'empêcher d'acquiescer lorsque le bel Elwyn la questionne sur ses astuces des plus étranges. Peut-être aurait-elle du tenter cela plus tôt, de se jeter sur lui en étant sobre et énervée, plaquant ses lèvres contre les siennes pour qu'il s'arrête, ne serait-ce que pour quelques maigres secondes. Mais le tout aurait peut-être été choquant, pour Theo, Elwyn, elle. L'appréhension de sentiments qu'elle ne comprend pas, la peur d'un rejet exacerbé, « C'était le périmètre instauré au cas où tu avais une arme, un verre d'eau ou je ne sais quoi... Oui on est quittes. » Sur ce sujet, oui. Sur d'autres ils s'amuseront encore et ce, pendant de nombreuses décennies, laissant leurs petits cheveux devenir grisonnant, avec le temps. Ce compliment lui étire un fin sourire, sa main se perdant sur la joue de ce dernier quelques secondes avant qu'ils ne parlent de courbe étrange, parabolique et de séquestration dans une cabine de douche. « Panoplie du survivant ? Il y a vraiment une panoplie de prévue pour ce besoin ? Est-ce que je dois prendre peur ? La parabolique, je note. Tu as gagné. » Et rares sont les fois où la demoiselle à prononcer ces petits mots sans aborder une moue boudeuse. C'est vraiment étrange d'avoir une dite panoplie de survie en cas de séquestration sous la douche... Peut-être a-t-il même tout prévu en cas d'apocalypse de n'importe quel type en cachant sous le plancher de nombreuses armes et rations de survie par exemple. Avec Elwyn, tout est possible. Mais l'idée de s'imaginer qu'une apocalypse soit possible, dans cette salle de bain est fortement probable. Elwyn et Nea lâchés dans la salle d'eau au même moment et sans leurs vêtements, une première. Mais pour l'instant, une simple douche des plus usuelles, les laissant débattre entre deux sourires, du parfum étrange que les flacons abordent. « Elwyn coupable ? Je peux faire le juge et bourreau alors ? Non mais c'est très bien... ça me donne juste envie d'aller chercher des macarons et de faire une tarte aux myrtilles ou aux fraises mais j'aime bien. » se risque-t-elle à avouer. Elle espère juste qu'après cette déclaration, de nouveaux flacons n'envahiront pas les lieux sous ce prétexte, au point qu'ils ne puissent plus naviguer librement dans la cabine de douche. Son estomac criera certainement au scandale, réalisant que les pâtisseries les plus appétissantes sons sous format liquide et immangeable et que la cuisine, elle, manque drastiquement de mets de choix.

Avec eux, le moindre moment pouvait mal tourner, que cela devienne une bonne partie de bataille de polochons ou une joute verbale qui dépassait certainement le record du Guiness Book en termes de durée. Ils en avaient fait des quasi nuit blanche à s'envoyer des post it de chambre en chambre pour se charrier. Elwyn avait souri à chaque fois qu'il recevait la missive sous sa porte, prenant directement un crayon pour s'atteler à une réponse digne de ce nom. Ils arrêtèrent le pot aux roses seulement aux alentours de cinq heures du matin, de quoi être frais pour aller au travail deux heures plus tard. Les deux idiots s'étaient donc retrouvés devant leur petit déjeuner respectif en piquant du nez mais au moins, Cadburry avait eu un large sourire en regardant Nea s'avachir sur le comptoir de la cuisine. Il en avait même oublié d'avaler ses Miel Pops: si tout cela n'avait pas été un indice qu'Elwyn était fou d'elle, rien d'autre ne pouvait en être un. Dès qu'un bol de céréales était en jeu, le quarantenaire quittait ce monde pour n'y revenir que lorsque le tout était terminé et tant qu'il n'avait pas eu sa petite dose de bonheur, il n'était pas prêt pour errer dans ce monde. Nea le savait mieux que quiconque et c'était pour cette raison qu'elle n'omettait jamais le fameux paquet de Miel Pops sur la liste de courses. A croire qu'ils avaient toujours fait attention l'un à l'autre, même si ce n'était pas quelque chose qui se voyait de l'extérieur. Elwyn était celui qui allait chercher une couverture et un oreiller lorsque Nea s'endormait devant une émission soporifique. Elle ne commentait jamais le lendemain matin alors qu'elle s'était réveillée sur le canapé, sagement emmitouflée dans une couche de protection face à l'univers. Elwyn non plus ne prononçait pas un mot parce que c'était leur dynamique et ils pouvaient très bien se lancer directement dans un flot de bêtises pour ne pas avoir à reparler d'une telle situation. Ils auraient pu faire pareil au petit matin, en se réveillant nus collés l'un à l'autre mais cette fois, ils avaient arrêté de jouer aux stupides adolescents. Il était franchement temps qu'ils en arrivent là avant qu'ils ne deviennent pire que les couples de série qui se mettaient ensemble à la saison quinze pour faire durer le suspense chez le téléspectateur... L'ennui et eux deux n'étaient pas du tout ennuyeux, justement. "Meilleur lieu de repos, être entouré de courgettes et de concombres... Que rêver de plus? Oui, maman Nea, c'est compris!" Il lui fit un clin d'oeil parce qu'elle ne se caractérisait pas ainsi, même si elle avait pris ce rôle là par obligation. Nea avait le rôle de mère sans en être une et dieu ce que cela avait été dur pour elle. Néanmoins, Elwyn l'avait accompagné sur ce chemin empli de doutes et de moments malencontreux. Alors, à leur façon, ils étaient parents... Pauvre Theo, vraiment. Il n'y avait qu'à les voir à ce moment là pour comprendre que le gamin avait du courage de supporter les deux adolescents autour de lui. "Je savais que t'avais peur de mes verres d'eau, va..." Il lui souriait encore et toujours parce que la lutte avait été difficile, Elwyn s'étant retrouvé toujours aux aguets pour s'éviter des représailles de la part de sa belle brune. Au final, il s'en était bien sorti puisqu'elle était là, avec lui, à rire de tout mais surtout de rien, en partageant pour la première fois une douche commune. Que c'était doux, que c'était bien, que c'était eux malgré tout. "Non, mais il faut juste être paré pour toute éventualité, pas besoin d'avoir peur Nea Bea, rien ne t'arrivera avec moi..." Non, rien de malencontreux pour une fois. Pas de douche qui explosait, pas de mousse à raser dans le shampoing, pas de musique ridicule à fond alors qu'elle essayait de se relaxer. Rien de tout cela puisque Elwyn cherchait à prendre soin d'elle avant tout, ne cessant jamais de la regarder alors qu'elle commentait les faits évoqués par le quarantenaire. "Et c'est quoi ma sentence pour goûts pourris en termes d'odeur de shampoing? Le monde veut savoir." Rien n'était moins sûr, surtout pas maintenant.