Mascarade. Désaffection. Fausse haine. Voilà comment, pendant une année, Nea a réussi a garder tout cela sous son tapis. Ses connaissances, l'entendant pester à propos de son colocataire lui ont souvent demandé pourquoi elle ne déménageait pas, tout simplement. Ses parents... en plus d'avoir été soi-disant, trahi par son choix, se sont révoltés d'apprendre le mode de vie de cette dernière. Peut-être que la seule personne ayant vu cette situation avec une certaine clairvoyance, ou plutôt innocence a été le petit Theo. Le petit Theo qui a du les surprendre à se regarder tendrement alors que l'autre a eu le dos tourné, celui qui a souvent assisté à leur pseudo dispute réglée à coup de fléchettes Nerfs ou par lancers d'oreillers jusqu'à pas d'heure, celui qui les a surpris à somnoler l'un à côté de l'autre après une lutte de longue haleine ou un documentaire qui miraculeusement, les a assommé. Peut-être que tout aurait été plus simple s'ils se seraient certainement confrontées à leur sentiment avec l'aide d'une pluie de post-it, mais ceux-ci ont été réquisitionnés à de nombreuses occasions pour y écrire des faits des plus inutiles. « Je te dirais bien que je rajouterai des concombres des mers mais ça demanderait énormément d'effort à entretenir. Mais je te préfère vivant... Maman Nea ? Merci. Je dois avoir une mèche de cheveux qui a viré blanche... Tu préfères papa ou daddy ? » s'amuse-t-elle à rétorquer pour se venger de cela. Le clin d’œil se perd dans l'amusement, dans le souvenir d'anciens messages qu'elle lui a envoyé en l'appelant ainsi pour rigoler. Si elle ne correspond pas mot à mot à celui de mère, elle a néanmoins du revêtir ce rôle, tristement. Et lui, en l'acceptant avec le petit Theo a endossé l'ombre de la figure paternelle. Loin d'être la famille idéale ou le modèle parental parfait, il semblerait qu'ils se soient adaptés à cette situation. L'instinct maternelle exacerbée par la situation, Burkhardt s'est retrouvée à s'inquiéter du bien-être général du petit duo masculin. Duo de choc qui plus est. Il a bien sûr fallu que Nea se mette à jouer à leur niveau, ou plutôt au niveau d'Elwyn, surenchérissant le tout de diverses manières, plus ou moins affectueuses. Peut-être pas le même niveau d'affectuosité dont une personne lambda se serait attendue, non. Le tout a toujours été à l'échelle Cadburry-Burkhardt, échelle incomprise par les personnes extérieures... Eux ont finalement appris à la décoder entièrement la veille, trouvant le mot clé grace au flot d'alcool ingurgité. « Tu sais pas, peut-être que je suis l'une de ces créatures qui fond dès qu'on l'éclabousse... » Certainement pas, étant donné les nombreuses batailles d'eau, avec ou sans pistolets qui se sont produites dans l'appartement même. « Rien ne va m'arriver ? Je suis rassurée. Enfin, presque. Dois-je m'inquiéter de l'état dans lequel je vais retrouver la cuisine ? » Parler de la cuisine, dans la douche alors que les deux barbotent, moyen. Enfin, du moment que rien ne se casse ou explose, tout va bien. Alors, du moment qu'aucun ne dérape sur une lampée savonneuse avant de glisser et d'emporter l'autre dans sa chute, il n'y a aucune raison pour que la brune s'inquiète. Puis, il l'a convaincu. Avec lui, rien ne lui arrivera, même pas la case glissade en cette première séance de douche à deux. La découverte de parfum des moins atypiques a lancé le couple sur un débat des plus étranges. Un mini-débat qui leur ressemble. « J'ai pas dit que tes goûts étaient pourris ! Hum... Eh bien, on devra probablement se faire une session cuisine pour tenter de faire des macarons... ou une tarte aux myrtilles pourquoi pas... Le monde veut savoir ? Ouh, trop d'oreilles indiscrètes, je vais devoir te communiquer ça par message codé tiens ! » Il faut bien sûr qu'elle détourne le sujet, pour pouvoir réfléchir plus sérieusement à cette histoire de châtiment. Peut-être devrait-elle lui offrir un de ces kits pour créer leurs propres savons. Si elle est sûre qu'il s'amusera durant des heures, elle n'est pas sûre de ne pas terminer avec une cuisine ou une salle de bain totalement engluée ou plutôt embaumée dans des odeurs des plus étranges : après-shampoing nourrissant à base d’œuf et de miel, parfum roquefort à la cerise, par exemple. À moins qu'accidentellement, en voulant créer un masque extra-réparateur, la préparation se retrouve à exploser, recouvrant la cuisine d'un liquide impossible à nettoyer... Encore.

Elwyn pouvait se vanter d'être le plus heureux des hommes désormais car, oui, c'était la plus intense des réalités depuis la veille. Nea et lui, enfin ensemble, après des mois à ne pas savoir communiquer l'en envers l'autre sans risquer de détruire la moitié du pays. Leur entourage serait certainement choqué de l'apprendre dans les semaines à venir, à moins que certains finissent par hurler un "ENFIN" bien senti parce que tout le monde savait qu'ils se tournaient autour comme des idiots. Elwyn, le premier, le savait mais il était bien trop apeuré pour prendre les choses en main et débarquer devant Nea pour lui balancer un "je t'aime" alors qu'elle était en train de faire la cuisine. Dans le meilleur des cas, elle lui aurait demandé quelle substance il avait encore essayé de fumer, dans le pire des cas, elle lui jetterait sa casserole encore brûlante au beau milieu de la figure. Les conséquences auraient été purement désastreuses et leur histoire morte dans l'oeuf. C'était préférable qu'ils aient attendu jusqu'à un Strip Mario Kart alcoolisé: déjà, l'idée leur ressemblait bien plus que toutes ces mièvreries de couples qui se mettaient ensemble à grand renfort de dîner aux chandelles après une séance de cinéma devant la comédie romantique de l'année. Nea et Elwyn n'étaient pas du tout le cliché le plus atroce des couples alentour. Ils se taquinaient toute la sainte journée et allaient hurler à qui voulait bien les écouter que leur colocataire était invivable. Evidemment, personne ne pouvait être dupe sur ce qui allait fatalement arriver entre eux: une valse des corps qui mettrait enfin en symbiose leur coeur et leur esprit. De toute manière, Cadburry pensait déjà à elle plus ou moins à toute heure du jour et de la nuit, il fallait bien qu'ils passent à la vitesse supérieure pour qu'il ne devienne pas totalement fou avant l'heure. Maintenant que c'était arrivé, le quarantenaire se sentait beaucoup plus serein car il n'avait plus à mentir: il pouvait être doux avec la brune autant qu'il le voulait mais bien sûr, tout en continuant à se jouer d'elle parce que c'était un de ses petits plaisirs favoris. Burkhardt devait penser la même chose puisque les paroles qui fusaient depuis qu'ils avaient ouvert l'oeil étaient de même acabit que ceux qu'ils utilisaient avant de finir dans le même lit: non, on ne changeait pas une équipe qui gagnait. "Ouais, ça voudrait dire m'enterrer dans la mer, galère un peu... Parce que t'as un daddy king, c'est ça? Mais je sais que ça me va bien papa. Je suis pas encore trop vieux pour avoir ce surnom, je suppose." Il avait fini par abandonner l'idée d'avoir des enfants puisque cet idiot en était un lui-même. Elwyn finissait par oublier qu'il était en mesure de procréer à tout moment et en conséquence, de mettre fin à l'humanité toute entière puisque personne ne pourrait supporter un deuxième modèle Cadburry. Il valait clairement mieux éviter le sujet et se concentrer sur cette histoire de douche qui rendait les choses sacrément intéressantes, soudainement. "C'est pour ça que t'as jamais fondu une seule fois pendant nos batailles d'eau, je note..." La logique à la Nea Burkhardt, du grand art qui faisait toujours rire Elwyn parce qu'il l'aimait ainsi, espiègle et taquine, parfois même de mauvaise foi, la valeur d'or dans cette colocation. "Même pas! La cuisine est en parfait état. Si on y va pas maintenant, elle devrait survivre à l'apocalypse..." Il se mit à rire parce qu'il n'était pas exclus désormais qu'ils mettent un bazar monstrueux dans la pièce de vie qui les avait vus se disputer tant de fois pour une histoire de vaisselle sale. Pas sûr qu'Elwyn avait envie d'y passer un petit moment à l'heure actuelle, il était bien trop écouté avec le savonnage délicieux de sa belle Wonder Woman. "La journée Nea Bea est faite pour ça donc on peut envisager une session cuisine à un moment donné, ça risque d'être étonnant comme recettes mais si on peut les utiliser en savon, on doit réussir à pouvoir en faire pour manger." Elwyn se poserait la question ultérieurement, il ferait certainement des recherches plus poussées sur ce thème lorsqu'il ne serait pas si occupé.

La demoiselle aurait peut-être bien besoin d'un guide, d'un mode d'emploi pour pouvoir gérer les jours, semaines à venir. Faire face aux questions indiscrètes, aux oreilles incrédules. Comment annoncer ça au reste du monde "à défaut de tuer mon colocataire, je le tape mais pas dans le sens premier du terme." Quelque chose du genre ? Non. Elle est pourtant sûre de recevoir de nombreuses questions ou commentaire type : "ton coloc ? Le même que t'as envie de trucider tous les jours, depuis une année ?", "euh, t'as fumé ?", "pourquoi ?" ou le "Roh mais je le savais/je te l'avais bien dis/je m'en doutais"... Si le petit Theo sera probablement ravi de cette nouvelle, Nea appréhende vraiment la réaction de ses parents, convaincue qu'elle devra se préparer mentalement à cette annonce, rencontre, avec un beau bouclier prêt à encaisser les remarques et commentaires des plus désobligeants. Enfin... pour le peu qu'elle se décide à les voir... Néanmoins, le soulagement. Elle n'a plus à se cacher entre ses post-it, derrière la porte de sa chambre ou à simplement s'esquiver pour éviter de lâcher accidentellement une déclaration ou un geste affectueux peu maîtrisé, laissant les deux adultes dans un état de panique avancé. Non, maintenant cela est révolu. Elle peut enfin l'embrasser avant de le canarder avec des pistolets Nerfs ou inversement. Ils resteront probablement ainsi, un couple ingérable aux yeux des autres ; le Colisée parfait pour eux. « Oui, non, j'ai beau être ta Wonder Woman, là, les concombres des mers, ça sera au dessus de mes forces. Mais interdiction de mourir hein. Tu meurs, je te tue. » dit-elle le plus sérieusement possible, le dévisageant longuement. Elle a déjà perdu sa sœur et la peur de voir Elwyn disparaître est une horrible pensée qui la hante. Alors bien sûr, elle tente une petite plaisanterie en disant ces quelques mots ridicules mais la peur est bien là. « Daddy king ? Papa Elwyn. » Elle finit par en rire avant de lâcher un tendre sourire. Il est bel et bien trop tôt pour qu'ils commencent à parler d'avoir des enfants mais vu le comportement de Cadburry avec Theo, Nea est sûre qu'il fera un papa gâteau. Mais voilà que tout cela laisse place à de l'eau ou qui plus est, ces histoires de verre d'eau et de fonte des glaces. De personne, plutôt. Perche tendue, Elwyn est en train de se moquer ouvertement d'elle. Enfin, au vu de ce qu'elle est venue à dire, il est normal qu'il la taquine sur ce sujet. Comme quoi, la gueule de bois ne met pas forcément toutes les idées en place. Adoptant une moue boudeuse, elle finit par lui pincer le bras avant de commencer à rire doucement « Non mais, pff. Elle était facile celle-là. » Avec les multiples batailles d'eau, pistolets ou ballons remplis, ils peuvent en être certain. Personne ne fond. S'ils commencent à déraper sur le sujet de la cuisine, qui, comme tout l’appartement a été un lieu propice pour leur bataille, ils décident néanmoins de se rendre dans la salle de bain. Pourtant, à présent savonneux et sous l'eau, la cuisine revient sur le tapis. Lieu préférée pour les expériences loufoques d'Elwyn, ils peuvent être assurés que pour l'instant, rien n'a explosé là-bas. Pour l'instant oui, car ils devront bien se nourrir, aujourd'hui. « T'as raison. On est un peu trop pris là... Par contre faudra bien que l'on y retourne un moment ou à un autre pour manger... » Autre chose que des macarons framboises ou des tartes myrtilles version savon liquide. Ils acquiescent effectivement, il leur faudra passer par la case cuisine : « Huh non je préférerai une vraie tarte... Ou de la vraie nourriture. » Car elle ne se souvient pas avoir ingurgité quoi que ce soit depuis la veille, autre que quelques chips perdues et des bonbons avant se taper cette cuite monumentale. Bien sûr, ils commencent à dériver gentiment, comme à leur habitude, mêlant tout, rien, à leur conversation. « Mais oui, session cuisine, en espérant qu'on invoque pas les cavaliers de l'apocalypse ou quelque chose... » Car se serait bien la première fois, comme cette première douche, qu'ils s'autorisent à cuisiner tout simplement, sans vouloir s'entretuer. Enfin, cela n'est pas dit que l'atelier culinaire ne se transforme pas en bataille de farine... Clin d’œil assuré, Nea se décroche de ses bras, sans le quitter des yeux.

Des opportunités manquées, il y en avait eu des centaines mais Elwyn n'était pas spécialement en mesure de les regretter. S'ils avaient attendu aussi longtemps avec la jolie Nea, c'était avec raison. Ils n'étaient tout bonnement pas prêts pour vivre la belle et grande aventure que pouvait être une relation amoureuse. Après tout, ils avaient été deux êtres cassés par la vie, de façons bien différentes mais le résultat était le même... Ils étaient tous les deux bien incapables de s'engager dans quoique ce soit. Nea avait souffert de son ancienne relation ainsi que la perte de sa soeur, Elwyn, lui, n'avait jamais rien vécu de tel. Il était décontenancé par la force de ses propres sentiments et en bon cartésien qu'il était, le jeune homme n'était pas nécessairement en mesure de comprendre ce qui lui arrivait alors, l'accepter était une autre paire de manche. Jouer à l'aveugle, attendre que tout cela se tasse, c'était la meilleure technique qu'il avait,  une qu'il avait développé dès l'adolescence alors qu'il enchaînait les conquêtes pour une compétition stupide avec John. A cette époque, Cadburry ne ressentait strictement rien pour personne mais il adorait cette sensation de toute puissance qui se dégageait du jeu amoureux: se tourner autour, s'amuser avec les sentiments d'autrui, se laisser aller puis en terminer. Il n'y avait eu que cela, un tableau de chasse qui se remplissait au fur et à mesure sans rien attendre de ce genre de distractions. Elwyn avait usé de ce stratagème pendant la majorité de sa vie, le laissant de côté uniquement pour vivre sa relation avec Leïla avant de succomber près de vingt années plus tard, avec Nea. Les autres femmes n'avaient jamais eu la chance de le connaître si finement, elles n'avaient pu voir que derrière cet apparat agréable et sa volubilité hors du commun se tapissait une personne vulnérable qui ne demandait qu'à être aimé. Non, Elwyn n'en avait jamais rien dit à qui que ce fut, il avait attendu sagement dans son coin qu'on ait le courage de l'accepter avec ses défauts qui prenaient une place considérable. Burkhardt avait été cette femme pour lui, celle qui avait tout accepté de lui, même ses pires plaisanteries et ses farces à répétition. Si elle avait hurlé, elle ne lui avait jamais reproché d'exister et rien que pour cela, il en était terriblement amoureux. Il l'était encore plus quand elle le regardait ainsi, pour débiter sottise sur sottise, jeux de mots sur jeux de mots, constante dans leur colocation. "Je meurs, tu me tues. Fort intéressant, papa Elwyn aime l'idée." Il n'était pas plus père que le vieux Edmond qui habitait l'appartement voisin. Célibataire et aigri, le vieil homme détestait tout ce qui s'apparentait à la jeunesse, Elwyn en était l'apogée. Enfin, il avait quarante ans mais comme il en avait douze dans sa tête, Edmond le méprisait. Il ne valait mieux pas donc qu'il devienne père tout de suite et de toute manière, Elwyn n'avait pas envie de faire fuir Nea en lançant ce genre de sujets tout de suite. Ils en avaient déjà bien assez à l'heure actuelle, même si la moitié desdits sujets n'avaient rien d'adulte, responsable voire même simplement cohérent. C'était simplement ce qui les rendait eux et Cadburry aimait cela. "T'inquiète pas, on la reverra la cuisine, dans un futur plus ou mois proche... Tout dépend comment on se débrouille là mais tu l'auras ta vraie nourriture, promesse sans cavaliers de l'apocalypse." Pas sûr qu'il puisse promettre de telles choses, on parlait d'Elwyn malgré tout et s'il devait être assimilé à un quelconque personnage mythique, ce serait bien celui-là vu l'état de la cuisine quand il y mettait les pieds plus de trois minutes. Ce n'était peut être pas le moment d'en parler cela dit, voire pas le moment de parler du tout.

La journée promet d'être longue, rythmée de diverses activités en tête à tête. La réalité ? Le monde extérieur ? Pour l'instant, celui-ci est relégué dans un arrière plan bien lointain. L'heure ? Nea n'en a aucune idée. Si ses parents, amis, ou même Theo ont tenté de la contacter ? Son téléphone est certainement quelque part, déchargé. Si elle s'en soucie ? Non. Pour l'instant, aujourd'hui, là, elle ne veut se concentrer sur une seule et unique chose : Elwyn. Elwyn qui la rend folle, la laissant parfois frôler l'hystérie lorsqu'elle revient d'une journée chargée pour atterrir dans une cuisine digne d'un épisode de Tchernobyl pour catastrophe culinaire. Celui qui l'a poussé inconsciemment à trop s'inquiéter pour lui, occupant ses pensées plus que de raison, sans pour autant qu'elle ne veuille l'admettre. Prendre son temps, être sûre, ne pas vouloir se jeter tête baissée dans l'aventure... Si les points sur les i sont finalement apparus la veille et ce matin là, cela n'a pas pour autant effacer leurs habituels petits jeux, petites provocations. Peut-être aurait-elle du le menacer différemment à coup de "tu meurs, je meurs" mais cela aurait été trop niais, trop Roméo et Juliette et ils sont loin de vouloir finir comme eux. Ils sont loin d'être comme eux également. Elle veut juste lui faire comprendre qu'elle irait jusque dans les Enfers lui botter le derrière s'il se déciderait à l'abandonner comme Ana... Elle ne le supporterait pas. Elle se contente de plisser des yeux et d'aborder une moue boudeuse lorsque le bel Elwyn continue de rebondir sur ses propos des moins intelligibles. Il faut dire que là, elle l'aide bien, lui offrant souvent de beaux bâtons pour qu'il la tape avec. Elle ne dit mot mais un étrange sentiment la traverse lorsqu'à son tour, il répète "Papa Elwyn." Nea se contente simplement d'acquiescer sans rebondir davantage sur ses propos, préférant continuer leurs babillages sur un autre sujet : le repas, du moins, la cuisine. Moins de mal-être et d'envie de fuite s'ils se mettent à parler de pâtes en sauce plutôt que de gamins en couche culottes criant plus que de raison. «  Je vais finir par commencer à prendre peur et te proposer de commander quelque chose... Mais soit, tu viens de me promettre alors je vais te faire confiance. » Confiance qu'ils ne finiront pas par mettre la cuisine à feu et à sang avec des expériences et jeux culinaires des plus étranges. Après tout, la cuisine, l'appartement entier ainsi que la ville ont a survécu à leur année et poussières de cohabitation agitée. Les cavaliers peuvent rester planquer., de toute manière, la place n'est certainement plus a la discussion, vu qu'ils ont trouvé un moyen très distrayant de faire taire l'autre. Après plus d'une année à se tourner autour comme deux gamins, il n'est pas étonnant qu'ils cherchent à se découvrir autrement que verbalement. Une frustration, en quelque sorte. Ou plutôt, la découverte de l'inconnu, le côté charnel de leur relation.

Perdre du temps était la base de l'existence d'Elwyn. On parlait du garçon qui pouvait perdre des heures sur le catalogue Netflix pour choisir un documentaire, se maudissant intérieurement de ne pas pouvoir tout regarder en même temps... Si seulement son cerveau pouvait engranger autant d'informations d'un coup, mais ce n'était pas le cas. Son coeur, c'était plus ou moins la même chose. Il avait eu un mal fou à comprendre ce qui se passait en lui, pourtant, c'était désormais une évidence. Nea. Sa Nea. Sa jolie brune, cette beauté ultime, il l'aimait tant. Depuis le premier jour. Elle aurait pu l'insulter et le traiter de tous les noms qu'il ne l'aurait pas moins aimé. Ce n'était pas forcément une relation logique qu'ils entretenaient mais c'était la leur et leur unicité faisait leur force. Les autres couples jouaient plutôt la prudence, apprenant à se connaître en étant plus ou moins mielleux, eux se lançaient dans de vifs débats qui les laissaient pantois pour les deux heures suivantes. Ils se taquinaient constamment et ne laissaient jamais le silence s'installer, absolument jamais. Eux deux ensemble, c'était quelque chose qui relevait de l'exceptionnel, de la plus pure des passions. Elwyn n'avait jamais vécu quelque chose comme tel et il savait que ce serait l'histoire de sa vie. Il avait de toute manière su instantanément que la belle Burkhardt aurait une place capitale dans sa vie après une seule interview pour la colocation. Il n'avait pas pu lui résister, aucun homme à peu sensé ne l'aurait pu parce qu'elle était une véritable tornade, à toujours trouver de quoi répliquer et le rendre dingue en conséquence. Cadburry adorait cela chez elle, ses piques, sa façon de l'aimer si singulière parce qu'elle l'aimait, c'était certain, vu le temps qu'elle prenait parfois pour lui, pour être sûr qu'il allait bien. Elle était ce genre de femmes, qui jouaient le carte du détachement mais qui venaient vous border à peine deux minutes plus tard. C'était une maman sans en être une et il valait mieux ne jamais lui dire cela ou elle lui balancerait une paire de chaussures en plein visage. A cet instant, de toute façon, ce n'était pas du tout dans les intentions d'Elwyn de la fâcher. Non, ses plans étaient tout autres alors qu'il la regardait, hochant la tête en assurant qu'il allait gérer la pause repas. Pas tout de suite, pas maintenant. Ils avaient bien d'autres choses à faire avant, en témoignait les quelques minutes qu'ils avaient passé ensemble sous la douche.

Le cœur de la brune tambourine lourdement et son souffle avec une certaine lenteur, s’apaise. L'absence de mots est loin d'être austère ; ils prennent juste le temps de se remettre  de ce flot de sensation. Ses yeux continuent de dévisager Cadburry avant que Nea ne se décide à se rapprocher un peu de lui laissant sa tête proche de la sienne. Une proximité, ce besoin de contact. Un contact bien différent que celui causé par les coups de balais et autres projectiles qu'ils ont pu se jeter auparavant. Ils se sont apprivoisés pendant plus d'une année, se découvrant au fil du temps, des aléas, des fous-rires nombreux, des soirées interminables à se taquiner, se chercher sans oser franchir le pas ; ce seuil d'incertitude, de doutes probablement infondés causées par les insécurités passées, ces expériences douloureuses qui ont pu les marquer. Ça, ils n'en n'ont jamais parlé ensemble. Nea a toujours laisser ces barrières hautes, par peur de se retrouver à nouveau briser. Fracturée par son ancienne relation où elle a du mettre sous sceller ce petit côté un peu déluré pour ne pas paraître infantile... Cassée par la mort prématurée de sa sœur, la perte de sa moitié, sa confidente, celle qui aurait pu éclairer de ses lumières la situation de sa cadette. Mais là, ces barrières se sont abaissées, désarmées par cette étrange entité qu'est Elwyn : son Colisée. Celui qui l'a fait tourné en bourrique, pousser au bord de la crise de nerfs couplée à des nombreux ulcères. Celui qui a néanmoins su capturer son cœur au fil du temps, de ce petit jeu incessant. Peu de gens ont vu clair dans ce manège ; eux également se voilant la face plus que de raison. La brune finit par esquisser un sourire quelque peu perdue dans ses nombreuses réflexions. Sa main vient se poser sur le torse battant d'Elwyn. « Je sais pas trop quelle heure il est mais je ne pense pas que la journée "spéciale Nea" soit déjà terminée... Je pense qu'on devrait aller se sécher, se rhabiller puis pourquoi pas tenter une expérience culinaire qui n'inclut pas du liquide vaisselle ou du savon, si possible. » Sourire taquin qui se dessine sur les lippes, ses deux obsidiennes s'ancrent encore sur le visage de Cadburry. S'il s'agit de sa journée à elle, elle n'est pas contre le fait de laisser Elwyn mener la barque à bon port. Il est le Capitaine de son cœur à présent.

La beauté de l'instant, non, la beauté de cette femme plutôt. Elle le surplombait et elle manquait de défaillir parce qu'il se considérait comme l'être le plus chanceux de cette planète d'avoir le droit de l'aimer, de tenter par dessus tout à la sublimer. C'était ce qu'il avait essayé de faire ardemment au cours des dernières minutes, prenant son temps pour faire monter la pression entre eux, jouant de son bassin pour rendre dingue Nea. Il l'avait sentie pantelante, prête à l'implosion à de multiples reprises mais Elwyn avait fait durer le suspense au maximum, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus rien faire, plus rien contenir alors, les coups de rein devinrent plus forts, plus intenses oui et il sentit le plaisir monter inexorablement avant de finir par se libérer au moment où il sentit le corps de Nea se bloquer totalement lui aussi. Ils avaient vécu leur moment d'épiphanie, ensemble, se donnant tout leur amour dans ce nouveau moment entre eux où ils apprenaient à s'apprivoiser, à vivre en harmonie l'un avec l'autre, à ne plus se cacher. Elwyn n'essayait même plus de cacher ce qu'il ressentait au moment où Burkhardt vint s'allonger à ses côtés. Il embrassa sa peau encore humide, son épaule, son cou, passant son bras autour d'elle pour la coller à lui, se refusant à la perdre pour les heures à venir. Cette journée, c'était la sienne, il avait besoin qu'elle soit bien avec lui, qu'elle vive le plus beau des instants en sa compagnie et Elwyn ferait tout pour qu'elle puisse être la femme la plus heureuse de la ville. Alors, pour une fois, il resta parfaitement silencieux, peut être parce que sa respiration n'était pas tout à fait revenu à la normale après la fougue dont il avait fait preuve avec Nea mais aussi, parce qu'il voulait profiter des quelques caresses qu'il faisait promener sur son bras, sur son ventre et il pensait. Oui, Cadburry pensait à tout ce qu'il avait enfin dans sa vie et il ne voulait plus perdre tout cela, il ferait tout pour elle, pour son bonheur. Alors, lorsqu'il entendit à nouveau les paroles de Nea, il se mit à lui sourire avant de poser une main sur sa joue pour la caresser, tout en douceur. "Mais bien sûr, la journée spéciale Nea continue, cuisinons. Salé, sucré, les deux? Je suis toute ouïe." Puis, il se releva, tendant la main à sa belle brune pour l'entraîner de nouveau dans la salle de bain. Cette fois, il attrapa deux serviettes et sécha les gouttes d'eau qui parsemaient le corps de sa colocataire, essuyant ses cheveux avec une délicatesse incomparable avant de lui présenter quelques vêtements. Elle avait le choix: soit mettre les siens, soit emprunter ceux d'Elwyn, c'était elle qui voyait. Lui se sécha rapidement ensuite avant de poser des vêtements au hasard sur son dos, se dirigeant vaillamment vers la cuisine, ouvrant les placards pour voir ce qu'ils avaient en stock. "Tu veux faire un gâteau? Il y a plein de chocolat, t'as envie de chocolat? Si tu savais toutes les vertus que ça a en plus le chocolat, je vais pas tout te détailler parce que c'est pas le moment mais... Je trouve que l'idée est géniale. Par contre, je peux pas te promettre de me retenir pour la bataille de farine ou quelque chose du genre." Elwyn restait Elwyn après tout et en grand gamin qu'il était, il fallait toujours qu'il dérape. Souvent de manière tout à fait prématurée, mais Nea avait l'habitude après tout alors, elle devrait tenir le coup. Ou le tuer en lui mettant la tête dans le four, au choix.

Le regard perdu sur le visage d'Elwyn, Nea ne peut s'empêcher d'avoir un fin sourire sur les lèvres. Les mains du bellâtre continuent de lui caresser le bras, le ventre. Les siennes viennent à dessiner le torse, remontant lentement sur la joue où se trouve une fine barbe. « Les deux ! Surtout si on prévoit de passer la journée sur le canapé après, autant avoir les deux, non ? » Dans le meilleur des cas, ils réussiront à faire cela, dans le pire, eh bien le téléphone. Ils commanderont un plat salé s'ils ne parviennent pas à cuisiner. Direction la salle de bain pour se sécher ; s'habiller. Avec une infinie douceur, un Elwyn aux petits soins s'occupe de sécher sa peau encore humide. D'abord gênée, elle finit par étirer un doux sourire. La demoiselle après avoir opté pour revêtir des vêtements plus confortables, ceux que son colocataire lui a gentiment proposé, elle finit par le rejoindre dans la cuisine. Alors qu'il observe avec intérêt le contenu de leurs placards, Nea se place dans son dos, ses bras venant à enserrer tendrement le corps de Cadburry. Une sensation douce mais à la fois bien étrange. Après tout, ils n'ont jamais été très tactiles jusque là, se dérobant lorsqu'ils devenaient trop proches, ou évitant tout simplement le contact d'une quelconque manière. Là, la découverte. Une appréhension certaine, elle tente de mettre en sourdine ses doutes quant à l'avenir, ses peurs. Aujourd'hui, le premier jour de leur grande aventure alors proximité est de mise. Il y a des choses auxquelles elle se refuse de penser mais elle ne peut s'empêcher de laisser son esprit vagabonder sur des choses moins plaisantes. Alors, elle occupe ses pensées avec Elwyn, la session culinaire. « On a cas faire un brownie tiens. On doit bien avoir de la glace à la vanille. Tu as regardé un documentaire sur le chocolat récemment ? On gardera ça pour plus tard alors. Es-tu en train de me dire qu'il serait préférable que je garde une cuillère en bois à porter de main ? Histoire de te stopper dans ton élan... ? » Oh bien sûr qu'elle serait capable de lui foutre un coup sur le derrière avec la cuillère ou un bol. La tête dans le micro-onde est également une option qu'elle garde à l'esprit, mais cela nécessiterait néanmoins trop d'effort puis, elle ne voudrait pas abîmer la jolie tête de Cadburry. Bien sûr, elle peut toujours frapper ailleurs. Les fesses ? Une autre histoire. Toujours. Esquissant un sourire, elle finit par l'aider à installer les ingrédients sur le plan de travail. Son regard jongle, amusé. Certes, ils ont souvent cuisiné ensemble ou séparément mais là, il y la promesse de faire un gâteau, sous couvert d'une bataille de farine sans merci. De l'amusement, de la méfiance, une pointe de espièglerie, leurs mains s'animent au dessus des ingrédients, des ustensiles. Les deux se frôlent souvent, des regards doux et sourires.  Ils se demandent probablement lequel des deux lancera les premières hostilités. Si tant est qu'ils aient envie de faire la guerre. Après tout, ils viennent tout juste de sortir de la douche... en quelque sorte. L'histoire de la farine. Une grande histoire au sein de cette colocation. Combien de sacs se sont retrouvés utilisés pour des raisons autres que culinaires ? Beaucoup, peut-être. Trop, sûrement. Placards piégés, vêtements recouverts, session archéologique avec les clés du colocataire dans un pot de fleurs géant rempli de cette même poudre blanche... Autant dire que l'appréhension monte. Nea ne peut s'empêcher de regarder, avec les yeux plissés son colocataire lorsqu'il se saisit du sac de farine. « Faut-il que je commence à m'inquiéter? » Lèvres pincées, elle penche la tête sur le côté, prête à réagir en cas d'attaque. Elle n'a jamais réellement tenté l'affaire avec le paquet de sucre mais ayant de la suite dans les idées, elle trouverait bien un moyen de se répliquer si la guerre venait réellement à être déclarée.

Ce n'était que le début de quelque chose de parfaitement exceptionnel, quelque chose de bien plus beau encore que toutes les aurores boréales qu'il avait pu voir dans ses documentaires préférés ou que toutes les naissances de bébés pandas roux sur National geographic. Elwyn n'aurait jamais cru pouvoir être à la tête de ce genre d'événements, initiant un moment d'une rare beauté avec une femme merveilleuse comme Nea. Il était si chanceux et une part de lui commençait à avoir peur, bien évidemment: allait-elle rester? N'allait-il pas tout faire foirer en continuant à jouer aux gamins alors qu'il avait enfin une chance au bonheur? Il savait qu'il devait commencer à canaliser ce surplus d'énergie, dire à son cerveau de se calmer un peu sur les délires scientifiques. Il allait essayer, oui, parce que c'était sa belle Burkhardt et qu'il ne voulait pas la perdre, il avait tellement de temps à la séduire, si on pouvait effectivement dire qu'il avait réussi cet exploit. Au final, il l'avait tellement ennuyée avec toutes ces histoires qu'elle avait fini par craquer, certainement que la fatigue devait y être beaucoup dans l'affaire mais Cadburry ne voulait pas penser aux causes, juste aux conséquences. Elle était dans ses bras et c'était tout ce qui comptait, la tenir fermement contre lui, caresser sa peau, déposer quelques baisers sur ce corps qu'il aimait déjà tant, prier pour qu'elle ne s'enfuie pas désormais. "Belle stratégie, adoptée à l'unanimité!" Ils finirent par se relever pour passer par la case séchage, Elwyn ne manqua pas de faire preuve d'une infinie tendresse envers sa Wonder Woman avant qu'ils ne finissent leur route, désormais habillés, dans la cuisine. Elwyn commença à sortir quelques ingrédients et une Nea vint s'accrocher à lui, ce qui ne le dérangea pas outre mesure. Ses mains se posèrent sur les siennes alors qu'il sentait son coeur battre dans son dos. "Tu m'aimes beaucoup, hein?" Il n'avait aucune idée de la raison qui lui poussait à dire cela parce que c'était un peu tabou d'exposer les sentiments de l'un ou de l'autre en règle générale mais Elwyn se sentait si nerveux désormais, apeuré de ne pas être à la hauteur de l'ampleur de la mission... L'aimer était une chose, mais ne pas tout faire capoter en était une autre. En tout cas, il s'autorisa à attraper une de ses mains et venir y déposer un baiser avant que tous deux se concentrent sur leur cuisine. Un brownie, c'était absolument génial ça, non? "On a tout ce qu'il faut, on lésine jamais sur la nourriture quand on fait les courses, c'est bien connu! Tu peux aussi te faire un bouclier avec euh... Je sais pas, la porte d'un placard, sait on jamais. Mais oui, tu pourras essayer de me stopper, j'userai de techniques absolument pas fair-play pour gagner, je te le dis." Au moins, il était sincère parce qu'il connaissait quelques points faibles de sa belle brune et il était certain qu'un baiser bien placé pourrait lui faire perdre ses moyens en pleine bataille. Il n'était pas encore l'heure pour cela et ils préparèrent les ingrédients sans forcément penser à cette guerre préparée à l'avance. Durant un temps, il n'y eut que le silence puis le bruit des ingrédients qu'on mélangeait dans les plats, des ustensiles de cuisine qui faisaient naître des odeurs agréables au sein de la cuisine... Jusqu'à ce que le sac de farine entre en ligne de compte et que la méfiance de Nea s'éveille de nouveau, boîte de sucre bien en main au cas où. Pourtant, Elwyn se contenta de porter le sac jusqu'au saladier à côté de Nea pour y déposer une bonne dose, non sans poser sa main fermement sa hanche et venir déposer un baiser dans son cou. "Pourquoi directement tu penses le pire de moi? Peut être que là, j'étais vraiment concentré sur la préparation du brownie... C'est toi qui me donne de sales idées et après, tu te venges, c'est moche, Nea Bea." Il se contenta de prendre un peu de farine avec son doigt pour venir en déposer sur son joli petit nez. "C'est une déclaration d'amour et pas de guerre ça, je me demande ce que tu peux faire du coup, hein? Si tu me lances du sucre, ce serait pas dans la même veine du coup, je serais déçu... C'est une impasse, ma Wonder Woman." Et il la regarda avec des yeux plein de tendresse, son corps proche du sien, c'était sûrement elle qui gagnerait de toute façon parce que ce cher Elwyn était bien trop concentré sur sa beauté, sur la chance qu'il avait de l'avoir pour vraiment être d'aplomb dans une guerre d'egos. Nea gagnerait sûrement toujours face à lui mais Elwyn n'en était plus dérangé, plus maintenant.

La jeune femme ne peut s’empêcher de sourire lorsque son colocataire valide sa proposition. Une petite session tendresse prend lieu dans la salle de bain. Alors qu’Elwyn s’applique à la tâche, Nea ne peut s’empêcher de longuement le dévisager. Ce qu’elle pense à cet instant ? Son esprit vagabonde sur le passé quelques instants avant de se concentrer sur l’instant présent. À présent dans la cuisine, ses yeux se posent sur le bellâtre et sans réellement savoir pour quoi, elle éprouve ce besoin de l’enlacer, d’être proche de lui. Une manière de lui exprimer son affection par les gestes. Les mains de Cadburry viennent à la rencontre des siennes, son palpitant tambourinant davantage dans son buste. Si la brune se serait bien contentée d’un silence paisible durant ce petit moment, Elwyn n’a pu s’empêcher d’émettre une remarque. À celle-ci, Nea se crispe, son cœur ratant un battement. Bien sûr qu’elle l’aime beaucoup. Si cette idée lui est apparue comme une évidence, justifiant ainsi son geste et qu’elle a eu l’impression qu’ils se soient accordés au travers de récits bien détournés, le dire de manière si honnête, directe la paralyse quelque peu. Enormément même. Feindre l’indifférence ? Est-ce vraiment là la meilleure solution ? Elle ne sait pas vraiment comment se comporter, sur quel pied danser. S’étaler avec franchise sur ses sentiments la terrifie. Lèvres pincées, profitant d’être dans son dos pour masquer tout cela, elle se contente simplement de lâcher un « Mh. » énigmatique, presque fuyant. Elle aurait pu lui retourner la question mais elle ne veut pas remettre les pieds dans le plat, étaler ce moment gênant. Alors elle se contente du baiser sur une de ses mains qui en dit long. « Faut dire qu’on prévoit toujours… Au cas où tu te décides d’utiliser la moitié du placard pour faire des expériences alors… Technique pas fair-play ? Tu sais que j’en ai aussi quelques-unes en réserve ? » L’amusement se dessine sur le visage de Nea. Il est probable qu’elle le déconcentre en devenant trop tactile ou en menaçant de refuser tout contact pendant quelques jours. Enfin, il n’est pas sûr qu’elle-même tienne ce challenge mais voilà. Faire preuve d’adaptabilité. La préparation avance doucement, continuant son petit bonhomme de chemin. Le sac de farine dont Elwyn s’est saisi ? Burkhardt s’est attendue au pire si bien que Cadburry semble l’avoir remarqué, s’approchant d’elle pour déposer une main sur sa taille, un baiser en prime. Un sourire espiègle finit par orner son visage lorsqu’il s’exprime sur sa méfiance soudaine. « Tu m’as dit qu’il faut toujours se préparer à la guerre pour avoir la paix. Enfin un truc du genre… Je sais plus quel documentaire tu as regardé pour me sortir ça… » Elle aurait pu rétorquer quelque chose quant au fait qu’elle lui donne soi-disant de sales idées mais la voilà avec de la farine sur le bout du nez. Louchant alors pour voir l’œuvre de Cadburry, elle finit par froncer les sourcils, perplexe quant à ses propos. Déclaration d’amour ? Un mot qui lui fait peur. Nea amorce alors une moue boudeuse ; il est vrai qu’elle ne peut pas se venger en le recouvrant de sucre, prétextant alors qu’ils ont besoin de caramel. Mais finalement, avec de l’amour et de la tendresse dans le regard la demoiselle fait un pas vers lui, apposant ses mains sur son torse. Se mettant sur la pointe des pieds, elle colle avec douceur son nez contre celui de Cadburry. « Tiens, je te partage la déclaration de farine. » Au passage, elle dépose un baiser furtif sur ses lèvres avant de reporter son semblant d’attention sur la préparation. « Demi-tour, on évite l’impasse. » Son regard se pose sur Elwyn. Elle a toujours été très mauvaise pour donner des surnoms, ces marques d’affection verbales. Même les déclarations d’amour, des simples je t’aime, je t’adore. Cet effort lui parait insurmontable, sa voix se perdant dans sa gorge, ses lèvres écorchant le vide. Cette peur insensée. Qui sait ; si elle viendrait à prononcer ces quelques petits mots, Cadburry serait alors victime d’un terrible accident, ou disparaitrait dans les bras d’une autre, qui. Alors, ses yeux se détachent de ceux de son colocataire, se portant alors sur la préparation, le chocolat fondu qui embaume la pièce d’une douce odeur sucrée. L’espièglerie dans ses traits, elle vient à récupérer un peu de chocolat sur le bout de son index avant de coller celui-ci sur la joue d’Elwyn. Elle finit par hausser des épaules : « J’ai le droit de dire que c’est une déclaration chocolatée ? Puis je suis sûre que ça a quelques vertus pour la peau… » Probablement. Et puis, il serait certainement capable de les citer, là, mais elle ne fuirait pas. Elle l’écouterait un sourire bienveillant sur ses lèvres, un regard attendri. Cette fois, elle n’aurait même plus à se cacher.

Elle le déstabilisait tellement facilement mais elle ne devait même pas s'en rendre compte, ce qui était pire. Nea avait toutes les armes pour rendre Elwyn totalement dingue et elle les utilisait, subtilement et avec une envie palpable de le vaincre. Mission réussie. Challenge accepted, et tout ce qui s'en suivait. Cadburry n'avait pas grande résistance face à quelqu'un comme elle, son fantasme ultime, sa Wonder Woman. Elle l'enlaçait et lui, il jouait à l'idiot, essayant de se convaincre qu'elle pouvait aimer quelqu'un comme lui. Dans le fond, il n'en savait rien parce qu'ils communiquaient toujours par codes tous les deux et c'était encore le cas à ce moment là puisqu'il eut le droit à une réponse cachée. Un jour, Elwyn obtiendrait plus, il l'espérait en tout cas parce qu'il avait tout de même cette peur bleue de la perdre. C'était ce qui arrivait toujours avec lui, il faisait fuir les gens avec sa diarrhée verbale et ses savoirs inutiles. On s'amusait quelques jours de ses bêtises et puis, on se lassait, c'était imparable, inévitable. Nea était différente, évidemment, mais Elwyn n'était tout de même pas sûre qu'elle pisse tenir sur la longueur sans avoir envie de l'achever d'un coup de serpillière parce qu'il l'énervait parfois et elle le menaçait, souvent. Cadburry avait survécu jusque là mais il ne pouvait pas définir quand viendrait le jour de sa mort. Pas aujourd'hui, sûrement. Il profita simplement de la tendresse du moment, ses mains sur celles de sa belle brune, sa tête dans son dos et cette envie de l'avoir encore contre lui pour les minutes à venir. Cela dit, la cuisine les appelait et les petites fourmis qu'ils étaient se mirent au travail plus vite que prévu. Les ingrédients sortaient des placards, ils dosaient, ils mélangeaient et Elwyn tâchait de rester concentré, ce qui n'était pas si simple quand on savait comment fonctionnait son cerveau. Il avait toujours une pensée ou deux qui se promenaient, ou s'entrechoquaient, au choix et cette fois, il les retint toutes. "Moi, j'ose faire ça? Quel terreur je suis! Oh, mais j'en doute pas une seconde, c'est donnant donnant après tout." Il lui fit un sourire, reprenant sa tâche, presque trop silencieux pour que cela ne cache pas une grosse surprise. Pourtant, ce fut Nea qui réagit en première quand le fameux sac de farine sortit de son placard. "Ce devait être un truc super intéressant sur la guerre en Indochine... J'avais bien aimé celui là et il y avait des supers répliques comme tu peux l'entendre là." Il en avait toujours des centaines en stock de toute manière alors, le cerveau de Burkhardt devait être bourré de tous ces petits mots idiots qu'il sortait à intervalles régulières. A ce moment là, elle se méfiait de lui tout de même puisqu'il avait osé poser un doigt de farine sur son nez, non sans avoir un geste tendre envers elle. Contrairement à d'habitude, Elwyn faisait preuve d'un self control hors du commun, de quoi choquer tout le voisinage et plus encore. Nea se rapprocha de lui, mains sur son torse avant de frotter son nez contre le sien pour mieux partager la farine entre eux, de quoi faire sourire Cadburry. "Jolie intention et je crois que j'ai compris le message." Il lui fit un clin d'oeil parce qu'il fallait toujours lire entre les lignes avec la belle brune, ce qu'il avait appris à faire avec le temps. Elle n'allait pas s'arrêter là, c'était évident et effectivement, l'occasion d'utiliser le chocolat fraîchement fondu à bon escient sembla lui titiller les méninges. A peine deux secondes plus tard, elle se retrouvait devant lui et déposait une marque chocolatée sur sa joue. "Un certain nombre ouais parce que e chocolat noir est riche en antioxydants capables de réparer les dommages causés par les radicaux libres puis ça contient aussi de la caféine aux propriétés anti-irritantes. Mais là, tu fais exprès pour me déconcentrer... C'est toi qui cherches, Nea, tu l'oublieras pas ça." Il osa mettre sa main dans le bol de chocolat avant de déposer sa main sur sa joue et la faire glisser jusqu'à son cou dans un geste parfaitement doux et délicat. "T'es belle comme ça." Il passa son pouce chocolatée sur ses lèvres, lui laissant le loisir de le goûter si elle le voulait mais au fond, ce n'était pas la cuisine qui comptait à ce moment là, c'était le fait qu'ils étaient ensemble. Enfin, ensemble.

Nea en est persuadée. Elle l’aime beaucoup, oui. L’aime tout court aussi. Elle pourrait faire comme tout le monde, lui dire en tout simplicité, aligner ces quelques petits mots pour éviter qu’ils retombent dans leurs travers. Ces non-dits qui leur ont valu de nombreux déboires. Déboires qu’ils auraient pu s’éviter s’ils avaient fait simple ; s’ils avaient été clairs avec l’autre mais surtout, avec eux même. Pourtant, l’effort semble être encore difficile. La jeune femme panique intérieurement à cette simple question posée, préférant se terrer dans un mutisme certain plutôt que de rassurer le jeune homme. Finira-il par prendre la fuite de peur que cette dernière ne partage pas ses sentiments ? Ou se lassera-t-il de ces non-dits ? de cette absence de certitude quant à ce qu’elle éprouve pour lui ? Un jour peut-être, elle franchira le pas, s’exprimera plus que clairement sur ses sentiments, acceptant finalement de dire les grands mots en A, ces mots qui lui font si peur. Alors, ils se concentrent sur cette histoire de brownie, le défilé des ingrédients, nombreux sur leur plan de travail les lance sur le sujet suivant : les aléas expérimentaux dont la cuisine est souvent victime. Combien de fois Nea a manqué de faire une crise de nerfs, un ulcère, en revenant dans un appartement rempli d’une fumée épaisse ou qu’un liquide visqueux d’une couleur néon jonche le parquet. « Oui ! Même que Theo commence à t’imiter. » Malheureusement. Ce qui est plus malheureux, est que ce petit leur a été arraché mais pour l’instant, Burkhardt tente de ne pas y penser, se réfugiant dans le bol de préparation. Quant au donnant-donnant, l’un comme l’autre connait le côté "surenchère" dont l’autre est capable. That escalated quickly, serait sûrement la phrase la plus appropriée pour définir leur comportement. Alors, ils dérivent sur l’Indochine, les documentaires nombreux que Cadburry dévore jusqu’à point d’heure. Elle opine du chef un sourire ornant ses lèvres. Elle se doute de l’effort ; retenir sa langue, ses mots pour ne pas justement la noyer dans ses nombreuses répliques qu’il est le seul à ressortir avec tant de ferveur. Et si Nea est incapable de sortir les grands mots, elle est tout à fait capable d’emprunter de grand détour, de jouer avec la situation actuelle, la farine pour tenter de faire passer le message. Heureusement pour elle, le bel Elwyn semble avoir décodé ce dernier. Des clins d’œil finissent par ponctuer leurs phrases comme pour attester de la compréhension totale des possibles sous-entendus. Bien sûr, pour un brownie parfait, après la farine, autres ingrédients, voilà qu’entre en mire le chocolat. Chocolat qui, bien loti dans son bol, s’est retrouvé en très petite quantité, apposé sur la joue d’Elwyn. Nea a cru bon de le titiller un peu avec cela, à la fois pour se venger de cette petite poudre blanche apposée sur son nez, mais aussi pour le taquiner un peu. Si bien sûr elle s’est attendue à une surenchère, elle ne s’est pas préparée à voir la main de Cadburry plonger dans le bol de chocolat fondu. Peut-être aurait-elle du s'y attendre, eux qui ont toujours eu tendance à extrapoler rapidement chaque petite menace au point de rendre une simple situation invivable en quelques secondes. Alors là, elle écarquille les yeux. Eux qui viennent tout juste de sortir de la salle de bain, ils ne tarderont pas d’y retourner à ce rythme-là. Peintures de guerre. Peintures de guerre saveur chocolat. Un peu sidérée Nea dévisage Elwyn avec cet air surpris. Lui continue à délicatement la barbouiller, laissant finalement son pouce rejoindre sa bouche muette de tout propos. Belle ? Recouverte de chocolat ? Ses lèvres finissent par attraper le pouce laissé à sa portée. Un semblant boudeuse, une pointe d’espièglerie finit par s’animer dans ses prunelles, le goût du chocolat en bouche. Repoussant délicatement la main d’Elwyn, Nea vient à placer ses bras derrière la nuque de ce dernier, finissant par plaquer sa joue recouverte de chocolat contre la sienne. Tel un félin, elle vient à frotter sa tête, étalant alors joyeusement le semi-liquide sur les deux partis. Bon. Elle passera sur la désagréable sensation de s’être fait râpée avec la barbe du bellâtre mais l’effet est là. Double face pour les deux joueurs. Elle se décroche un peu de son visage, jaugeant son œuvre avec un sourire moqueur. « T’es beau comme ça. » Pour le brownie, c’est certainement raté mais elle ne s’en soucie guère, préférant profiter de cette proximité, de ce petit moment de partage. Un moment doux, recouvert de chocolat. Juste ce moment à eux. Eux. Leur Colisée.

Perdre le contrôle, ne plus avoir rien à envier à personne parce qu'il l'avait, elle. Elwyn se sentait comme l'homme le plus chanceux de la planète, un peu comme s'il avait atteint le St Graal, là, à quarante ans alors que le machin était recherché depuis la nuit des temps. Nea était un véritable trésor et il trouvait cela complètement dingue qu'il ait été un des seuls à s'en rendre compte tout au long de ces années. Elle avait cette tendance à fuir les sentiments, fait indéniable mais pourtant, elle en ressentait tellement, Cadburry n'était pas dupe. Il n'était lui même pas un spécialiste des élans amoureux d'envergure mais il arrivait à lire dans son regard lorsqu'elle avait envie de lui dire quelque chose d'important sans que les mots ne puissent traverser la barrière de ses lèvres. Elwyn était persuadé qu'un jour, tout cela viendrait naturellement entre eux et pour le moment, le quarantenaire profitait largement de leurs élans amoureux d'une autre sorte. Comme cette étreinte. Puis, ce moment de cuisine partagé, même pas besoin d'user de mille mots comme il avait tendance à le faire habituellement parce que Cadburry avait ce besoin systématique de combler les silences. Pas là, pas cette fois. Les mixtures se préparaient comme s'ils avaient gardé leurs habitudes de bons élèves mais forcément, les mots finissaient toujours par fuser et lancer un jeu dangereux entre eux. La farine avait été la première erreur à ne pas commettre et il avait fallu que le chocolat rentre en ligne de compte peu après... De quoi anticiper sur les catastrophes à venir. Pour une fois, ce ne serait pas les expériences scientifiques de Cadburry qui mettraient le lieu sans dessus dessous mais des brownies qu'ils ne mangeraient jamais. Encore mieux, non? Elwyn s'était emparée d'une bonne dose de liquide pour en mettre sur la peau de Nea, sans oublier de mentionner les multiples vertus que ce fameux chocolat pouvait avoir... La vengeance serait terrible et évidemment, Nea se rapprocha de lui, joueuse et ô combien taquine pour faire glisser sa joue contre la sienne. Au final, il se retrouvait avec autant de préparation chocolatée sur la face qu'elle et ils avaient l'air beaux là, avec leurs traces marron qui arboraient leurs jolis minois. "Pas aussi beau que toi, je t'assure." Car, forcément, il avait posé sa main dans le sac de farine et il l'avait posé sur la joue déjà bien imbibée, il la caressa cela dit, voyant la farine se mêler au chocolat, voilà ce qu'ils étaient en train d'inventer, le brownie sur personne. Un tout nouveau concept somptueux qui promettait. Sa deuxième main s'arma également de farine et les deux joues de Nea étaient prises entre ses instruments de torture. Quelques secondes là, il la regarda, sentant les matières premières se mêler partout et quelque part, Elwyn s'en fichait. Non, là, ce qui l'intéressait, c'était elle et la beauté qu'elle pouvait avoir malgré tout. "Tu sais que... Je vais être fou amoureux de toi, hein? Enfin, je crois que..." C'était déjà le cas, oui, c'était une réalité, mais les mots ne sortirent pas. Il ne savait pas pourquoi il disait tout cela, il savait que Nea n'aimait pas entendre ce genre de choses parce qu'elle ne savait pas y répondre, raison pour laquelle il vint l'embrasser avant de reprendre un peu de chocolat et d'en glisser sur son front pour y écrire son prénom. Un Elwyn chocolaté pour marquer son appartenance, voilà une idée qui était parfaite. Une idée folle, comme ils pouvaient l'être tous les deux, constamment.

Le chaos s’installe. Doucement.
Avec eux, une simple petite action peut déchaîner l’ouragan de surenchère. Limites à ne pas dépasser ? Ils ne connaissent pas. Une simple petite bousculade partie et finie en bataille d’eau. Là, il est évident que cette petite flopée de farine a amorcé une réaction en chaine. Plutôt, surréaction. Le chocolat qui s’est d’abord timidement invité sur la joue du bel Elwyn s’est retrouvé à embrasser les traits de la brune avec plus d’affirmation. Bien sûr, il a fallu que Nea lui rende la pareille, collant sa joue à la sienne, répondant à son compliment avec une espièglerie certaine. Peut-être qu’un couple normal, des gens normaux se seraient arrêtés là, finissant par se laver le visage et retourner à leurs préparations… eux… Eux. Autant dire que le carnage est en phase de chargement. Les deux, le visage à moitié enrobé de chocolat, se dévisagent longuement. « Tu abandonnes la compétition, déjà ? Tu veux pas le titre de "la plus belle face recouverte de chocolat" ? » Apparemment non car voilà sa joue recouverte de poudre blanche. Cadburry aurait pu s’arrêter là, mais la machine infernale semble être lancée. Sa seconde main dans le sac de farine, les joues de Burkhardt ne tardent pas à virer toutes les deux au blanc. Du moins, blanc plus ou moins chocolaté pour l’une. Affichant alors une moue à la fois renfrognée et dégoûtée, Nea se contente de le fixer silencieusement, le laissant à son labeur : appliquer un masque chocolat-farine sur la tronche de sa colocataire En espérant que ça ait des effets bénéfiques pour la peau. Une main de la brune s’est alors levée pour attraper le bol de chocolat. L’autre, en direction des paluches du coupable mais la demoiselle se fige totalement dans son action, regardant son bellâtre avec un air indéfinissable, le souffle s’étant perdu, quelque part. Là, elle ne peut plus se cacher. Elle n’est plus dans son dos, à éviter son regard, à le fuir. Son visage est littéralement pris par les mains de ce dernier, alors la dérobade semble être impossible. Le plus gênant dans l’histoire est qu’il est littéralement en train de la voir en train de se décomposer face à lui. Que dire ? Que faire ?. Elle baisse les yeux, tente de regarder ses pieds, la farine sur le sol par exemple. Reporter son attention ailleurs pour cacher sa mine décomposée. Habituellement, elle aurait été taquine, répondant quelque chose du genre : ah ben, c’est pas déjà le cas ? Mais là, prise au dépourvu, Nea veut juste fuir. Que doit-elle répondre à ce genre de chose ou plutôt, comment doit-elle répondre ? Dans les films, livres, séries, c’est tellement simple. « Je… » Il y a pourtant tellement de mots qu’elle pourrait ajouter à la suite de cela. L’occasion s’y prête, sortir les grands mots en A, avouer sa folie, le fait qu’il occupe la plupart, de ses pensées mais… Là… Rien. Il a certainement capté sa détresse car il est venu à l’embrasser. La main de la jeune femme s’est finalement décoincée, venant se poser sur celle fixée sur sa joue. Certainement afin de ne pas laisser ce moment trop gênant installer davantage un silence pesant, Elwyn, de sa main directrice, est venu chercher davantage de chocolat pour… Pour barbouiller quelque chose sur le front de la brune. Brune qui de nouveau le regarde avec une incompréhension outrée sur le visage. Elle se saisit alors du plateau métallique non loin de là pour observer -avec horreur- son visage. Un sourire apparent se dessine lorsqu’elle parvient à lire ce qui est inscrit. Faussement boudeuse, il est certain qu’elle ne le laissera pas s’en tirer à si bon compte. À son tour, elle prépare sa vengeance. Relevant et retirant alors le t-shirt d’Elwyn d’une main et apposant l’autre dans le bol de chocolat, elle dépose son empreinte sur son ventre. Elle aurait pu s’arrêter là, afficher un grand sourire et tourner les talons, mais cela n’équivaut même pas à un tier de ceux qui s’est produit. Maintenant toujours le haut de Cadburry, elle s’essaie à son tour à la calligraphie chocolatée. Avec leurs bêtises, il y a peu de chocolat restant. Suffisamment pour qu’elle parvienne à écrire ses trois petites lettres. Nea, une trace de main sur le ventre, autant dire qu’Elwyn est prêt pour être exhibé comme une œuvre d’art. Alors, à son tour fière de sa bêtise, elle fait mine de jauger tout cela, reportant ses yeux joueurs sur sa victime : « Eh bien, là je peux affirmer que ta tablette de chocolat est belle et bien chocolatée. » Clin d’œil.  Il s’en tirerait que trop bien si elle s’arrête là. Après tout, il n’est pas -encore- passé par la case farine alors… À son tour, la jeune femme se saisit d’une poignée de cette fameuse farine qu’elle écrase amoureusement sur la joue trop propre de Cadburry. Voilà comment Nea lui prouve son affection. Non par les mots, mais par cette douce folie qu’ils partagent ensemble.