To kill a mockingbird

Every lover is a soldier. Ovide

Il avait été si heureux ce soir, si loin de sa retenue habituelle également. Côtoyer Charlie lui avait peut être permis d'évoluer, enfin, et c'était quelque chose de profondément positif. Timothy avait tellement de potentiel mais il le cachait derrière ses remarques timides et sa serviabilité à toute épreuve. Certes, il n'avait pas radicalement changé: il resterait toujours ce garçon gentil et attentif aux autres, mais il y avait aussi ce côté passionné qui avait montré le bout de son nez. C'était là qu'on voyait qu'il était bien un Decastel, son frère aîné lui avait raconté tellement de choses sur l'amour, même s'il était plus doué que Tim avec elles seulement sur le papier. Il n'avait jamais pu tenir une relation sans que le tout ne parte, en vrille, le karma familial. Il lui avait narré ce que cela pouvait procurer comme sensations lorsqu'on était amoureux d'une femme et désormais, Timothy s'y retrouvait totalement. Il ressentait ce besoin d'être avec elle, de la toucher, de lui appartenir et qu'elle lui appartienne en retour. Cette nuit, c'était la leur. Leurs corps s'étaient mêlés dans une danse sulfureuse et Tim ressortait de cette expérience un homme nouveau. Se détacher d'elle pour reprendre son souffle fut un crève-coeur terrible mais il n'avait pas vraiment le choix s'il voulait rester en vie une minute supplémentaire. La dernière heure avait déjà été suffisamment intense pour qu'il ne s'amuse pas à se couper le souffle une seconde supplémentaire. Il prit le temps d'inspirer puis d'expirer alors qu'il passait une main distraite dans sa chevelure en bataille. Son corps était encore humide, mais ce n'était certainement pas dû à la douche qu'ils n'avaient pas tellement pris au final, non, c'était surtout dû à l'effort qu'il venait de fournir. Il fut prêt à tourner son regard vers Charlie au moment où elle lui indiqua que leur moment avait été parfait. Tim sentit un sourire marquer son visage alors qu'il venait attraper une des mains de la jeune femme pour l'amener vers ses lèvres, la baisant avec vénération, son regard planté dans le sien. "C'est parce que tu es parfaite pour moi." Il avait encore du mal à reprendre son souffle mais ses mots là, Timothy les avait laissés s'envoler sans essayer de les retenir. A la place, il se rapprocha du corps de sa belle pour venir déposer des doigts doux sur son épaule, la caressant avec délicatesse, d'abord silencieux. Parfois, les mots n'étaient pas suffisants pour décrire un état, une émotion. Il n'y avait que le regard pour le dire, que les gestes également pour approfondir la thèse. Tim jouait avec les deux, ses yeux azur ne lâchant pas ceux de Charlie, lui criant ainsi à quel point il pouvait l'aimer, persuadé que tout cela ne ferait que grandir encore et encore, jusqu'à le tuer. "Je suis content de la tournure de notre séance cinéma. Je suis surpris mais je suis tellement heureux, Charlie. Avec toi, je le suis tout le temps." Il avait eu beau souffrir lors de leurs dernières rencontres, il n'en avait pas moins été heureux de l'avoir à ses côtés. Lorsque la jolie blonde était dans les parages, Decastel ne répondait plus de rien. Si, jusqu'ici, tout cela était resté dans la limite du raisonnable, cette soirée avait prouvé qu'il était aussi capable de se laisser aller au plus pur de la folie amoureuse. "En tout cas, je suis rassuré de pas avoir été désastreux, j'avais si peur de pas être à la hauteur de l'événement. De pas être à la hauteur de ce que je ressens pour toi." Il ne lui précisait pas la nature de ses sentiments mais c'était tout comme, se sentant déglutir plus difficilement parce que l'émotion le happait, ce trop plein de bonheur menaçait de faire exploser son coeur et il adorait cette sensation. Sa main vint jouer avec les cheveux blonds de Charlie et Timothy reprit une grande respiration, son sourire plus large encore que lors de la minute précédente. Tout cela avait été si intense, si magique et prodigieux et tout ce qui lui manquait maintenant, c'était de l'avoir dans ses bras.

La jeune femme a désormais l’impression d’avoir tout vécu avec Tim, d’avoir été totalement comblée par sa présence et toutes ses attentions envers elle. Elle avait essayé de le rendre heureux lui aussi, mais elle a rapidement compris que le français restait égal à lui même quel que soit le contexte et que le bonheur de la jeune femme passait avant le sien. Elle n'eut pas l’occasion de s’en plaindre et finalement les deux amants ont su trouver leur équilibre. Il est désormais temps pour eux de reprendre leur souffle et leurs esprits, ce qui ne s’annonce pas tâche facile. Désormais ils reviennent sur terre, ils retournent se mêler à la foule de mortels et bon sang qu’elle est effrayée. Elle n’a pas eu à réfléchir lors de leurs ébats, elle se laissait seulement guider par son instinct et ses désirs, mais désormais que tout est terminé tout redevient aussitôt infiniment compliqué. Elle regrette déjà de ne pas avoir attendu pour se protéger, de ne pas avoir parlé à Tim de tout ce qui la tourmente avant de l’immiscer dans ses histoires alors qu’il n’avait rien demandé. Elle regrette beaucoup de choses, mais pas lui, pas leur union, pas leurs baisers passionnés et tout le reste. Son corps encore nu repose dans le lit de son amant, ses yeux fixent le plafond blanc sans conviction aucune. Elle a perdu son sourire. C’est passé. Le moment merveilleux est passé, le moment d’insouciance avec. Ils doivent tous deux retourner à la vie réelle et la chute est douloureuse, si douloureuse. Elle ne veut pas le faire souffrir et pourtant si elle ne lui parle pas maintenant elle devra le faire plus tard. La jeune femme est assaillie de doutes et elle n’est qu’une gamine qui n’a aucune idée de comment les gérer. On lui apprend à éviter des incidents diplomatiques, pas à réparer les coeurs bientôt brisés. Charlie ne peut se résigner à une telle chose alors que le regard de Tim se fait encore plus ardent que jamais, alors qu’il attrape délicatement sa main pour simplement venir déposer un baiser dessus. Quelle âme pourrait bien résister à un être humain comme lui ? Alors qu’elle ne le voudrait pas, elle retrouve un sourire et sa tête se retourne en sa direction. Ses mots étaient prévisibles de la part du français pourtant elle se retrouve à agrandir légèrement son sourire, succombant encore plus à son charme à chaque seconde. Si seulement elle ne succombait qu’au charme du français, si seulement elle n’avait pas mille pensées en tête alors qu’il rapproche doucement sa tête de la sienne et qu’il caresse doucement son épaule. Il lui dit qu’il est tout le temps heureux lorsqu’elle est en sa compagnie et bien sûr que la réciproque est vraie, bien sûr. Seulement … elle voit bien dans ses yeux qu’il ne pourra pas se contenter d’être heureux avec elle quelques nuits de temps à temps, qu’il souhaiterait l’avoir pour lui seul jusqu’à la fin des temps. Au début de leur relation c’est ce qu’elle désirait aussi, sauf que c’était sans compter sur l’arrivée de Kane dans l’équation. Kane qui a chamboulé sa vie à tel point que parfois elle regrette de l’avoir rencontré. Elle regrette d’avoir succombé à tout ce en quoi elle pouvait succomber avec lui, et ce en si peu de temps. Le pire, c’est qu’elle ne regrette pas de l’avoir rencontré lui aussi, parce qu’à sa manière il a su combler son coeur. Tim reste lui même, il continue de lui dire à quel point elle est devenue importante pour lui, à quel point il a aimé leur moment de complicité, à quel point il ressent beaucoup de choses pour elle. Le plus dramatique c’est que Charlie pense tout autant de choses à son égard, il est son amant et celui à qui elle a déjà promis sa main entre deux plans sur la comète, mais la vie réserve toujours des surprises et elle n’aurait jamais pu prévoir celle-ci.
Perdue, la jeune femme se redresse vivement alors qu’il commence à jouer avec ses cheveux et elle lui tourne le dos, venant poser les pieds à terre et s’assoir de l’autre côté du lit. Ses coudes se posent sur ses genoux et des mains tremblantes passent sur son crâne, démêlant ses cheveux mouillés. Elle garde la tête baissée, ses mains se ferment et se lient dans sa nuque. Elle voudrait tout lui dire et tout garder pour elle en même temps. Tout lui dire pour se sentir libérée, ne jamais lui avouer quoi que ce soit en gardant l’espoir qu’il n’apprendra jamais rien. Comment le pourrait-il ? « Je devrais y aller Tim. Je devrais rentrer chez moi. » Elle ne devrait pas dormir à ses côtés puisqu’elle sait que cela ne fera que rendre les choses infiniment plus compliquées. Elle devrait faire tant de choses, oui, pourtant elle espère qu’il l’en empêchera, qu’il posera une main dans son dos et qu’il lui donnera un seul argument pour rester. N’importe lequel. Elle ne veut pas le fuir.

To kill a mockingbird

Every lover is a soldier. Ovide

Il s'était attendu à toutes les réactions du monde, mais certainement pas à celle-ci. Tim ne savait pas quoi faire, comment aurait-il pu savoir que sa sirène était si tourmentée? Elle avait eu l'air si heureuse au cours de la soirée, encore plus de partager ce moment intime avec lui mais tout cela semblait révolu, désormais. Enfin, sentir les gestes doux de Tim avaient dû lui plaire puisqu'il l'avait vue sourire, naturellement. Peut être aurait-il dû se taire, ne rien dire et laisser le silence s'installer. On lui avait dit pourtant que les paroles étaient plus dangereuses que mille gestes et voilà que la tournure de la soirée prouvait raison à la personne qui avait osé prononcer ces mots à son égard. Timothy sentait l'angoisse faire vriller son coeur, alors que Charlie lui tournait le dos, laissant sa main attraper le vide. Quelques secondes plus tôt, les cheveux de la jolie jeune femme étaient là, entre ses doigts et voilà qu'il devait les regarder sans avoir le droit à un regard de sa part. C'était pour le moins étrange et il en avait mal au coeur, sans comprendre pourquoi. Était-ce cela qui devait se passer lorsqu'on venait de faire l'amour avec quelqu'un? Le moment avait été si intense, peut être que c'était trop à gérer pour elle, dieu que c'était gigantesque pour lui. Decastel aurait aimé pouvoir la prendre dans ses bras et faire taire ses peurs parce qu'elle semblait en avoir des tonnes en cet instant. Voilà qu'elle désirait le quitter, le laisser là, dans l'incompréhension la plus totale. Tim en était bouche bée et il resta quelques secondes les yeux écarquillés à essayer de collecter ses pensées. L'incertitude le tuait mais le pauvre était loin de se douter qu'il se trouvait en plein triangle amoureux. Non, Timothy ne pouvait même pas l'envisager après ce qu'il venait de vivre avec Charlie: leurs baisers, leurs caresses, leur passion. Il n'y avait rien de comparable à cela, alors, pourquoi, oui, pourquoi? Soudainement, il s'essaya à son tour et une main délicate vint se poser sur l'épaule de Charlie. Comme s'il était en mesure de la laisser partir comme cela, il ne pouvait pas la quitter. Jamais. Ses sentiments étaient bien trop profonds pour que ce fut une solution viable à l'heure actuelle. "Pourquoi tu devrais rentrer? C'est la nuit noire dehors, c'est l'orage, je vais pas te laisser partir comme ça, Charlie." Il avait peur d'avoir fait quelque chose de mal, d'avoir été maladroit dans ses gestes ou ses paroles, voire les deux. Tim était tellement un novice dans tout cela, comment pouvait-il savoir ce qui était à proscrire comme comportement? Il déposa un baiser sur son omoplate, fermant les yeux en essayant de la retenir parce qu'il ne pouvait pas faire autrement. Si elle partait maintenant, Timothy ne pourrait jamais dormir. Il ne pourrait plus respirer non plus, alors qu'en était-il de vivre? Elle avait renversé son monde dans son intégralité et si c'était un chamboulement énorme, Tim ne voulait pas revenir en arrière. Il ne pouvait pas regretter un seul instant ce qui s'était passé, c'était l'apogée de son existence. "Parle moi, s'il te plait. Dis moi que tu regrettes pas." Il l'aimait d'une telle force qu'il en aurait balayé la terre entière pour revoir son sourire à nouveau. Charlie portait son coeur à bout de bras et elle était la seule maîtresse de son avenir. Le détruire ou le porter aux nues, il n'y avait qu'elle pour choisir. Qu'elle pour sauver Timothy de son incertitude.

Boom. Laissez Charlie seule quelques instants avec une fleure en devenir et elle sera capable de l’écraser en voulant lui donner à boire. Laissez la avec un oisillon et elle sera capable d’oublier de lui donner à boire. Laissez la avec un colosse et elle lui trouvera des pieds d’argile. Elle serait capable de briser n’importe quel humain avec les meilleurs intentions du monde, c’est une particularité qui lui est propre, une malédiction qu’elle porte avec elle depuis le premier jour. Elle l’a fait avec tellement de personnes déjà et elle se sent défaillir ce soir puisqu’elle est en train de recommencer avec Tim. Elle s’était promis de le protéger contre tous les caprices de la nature, contre le reste du monde, mais encore une fois elle n’avait pas prévu que son pire ennemi c’était elle. Le pied de la jeune femme frappe le sol à cause de l’angoisse qui la ronge. Elle n’a pas le temps de reprendre son souffle qu’elle est déjà en train de le perdre pour une autre cause perdue ; elle. Elle sent le sang lui remonter au cerveau et cette fois ci les conditions sont bien moins joyeuses que ce qu’elle a pu vivre avec Tim. Elle se sent prête à mourir à chaque instant. Ce serait théâtral, certes, mais cela réglerait bien des problèmes. Les draps derrière elle se froissent sous le poids du français venant en sa direction. C’est Tim, son Tim, qu’aurait-il bien pu faire si ce n’est tenter de la rassurer alors qu’il n’a aucune idée du mal dont elle souffre ? Il n’a aucune idée que dans toute cette histoire il est celui qui souffrira sûrement le plus alors qu’il n’a jamais fauté, qu’il a seulement tenté d’être heureux et d’amener Charlie dans son ascension. Erreur fatale. Sa main se pose d’abord sur son épaule et elle est rapidement suivie d’un baiser sur l’omoplate de la jeune femme. Sans pour autant avoir la force de se retourner, elle profite de son baiser pour venir quérir une dernière fois ses cheveux et les lui masser doucement. Le contexte est bien différent cette fois ci, et la réponse est oui, oui elle aurait aimé ne retenir que la dernière fois où elle jouait avec ses cheveux. Elle aurait aimé ne jamais vivre ce moment pourtant elle est la seule à l’avoir déclenché, elle est la seule à qui elle peut s’en vouloir et elle le sait parfaitement. « Léo n’habite qu’à quelques rues, ça va pas me tuer ... » La nuit noire et la pluie n’auront pas sa vie, mais à propos de tous les sentiments contradictoires qui l'assaillent rien n’est moins sûr. Mais son Tim continue de prendre soin d’elle quand bien même elle vient de lui avouer son envie de déjà le quitter. On ne quitte pas quelqu’un comme ça après sa première fois, on ne fait pas ce genre de choses. Les gentils ne font jamais ça, mais plus les années passent et plus Charlie doute réellement faire parti de ce monde là. Ce n’est pas parce qu’elle en a l’air qu’elle est un ange. Lucifer aussi a été un ange si on y réfléchit bien.
Son coeur s’accélère alors qu’il lui demande de lui parler. Il lui demande une mise à mort, voilà ce qu’il est réellement en train de lui demander à l’instant. Une mise à mort en place publique, et elle est pas un putain de torero. Elle ne veut pas lui faire de mal ni même jouer avec lui mais elle a déjà fait les deux. Elle devrait tout lui avouer maintenant, au moins il pourra lui en vouloir, il pourra arrêter de la pensée si belle et si parfaite. Elle n’est rien de toute cela. Sa main lâche ses cheveux et elle tourne son dos et son cou en sa direction, déplaçant légèrement ses fesses sur le drap. Charlie a parlé trop vite lorsqu’elle disait qu’il n’allait rien se passer de mal pour eux, lorsqu’elle disait que personne n’allait pleurer. Là, à l’instant, elle est sur le point de le faire parce que personne n’aurait pu la préparer à un tel ascenseur émotionnel en si peu de temps. Ils étaient amis, sont devenus amants et maintenant quoi ? De parfaits inconnus ? « Je ne peux pas être avec toi. Pas pour le moment en tout cas. Il y a quelqu’un d’autre et … oh Tim si tu savais à quel point je suis désolée. Je n’ai jamais voulu te faire de mal, je n’ai toujours voulu que ton bien et mes sentiments pour toi sont réels. J’aimerais tant pouvoir tenir toutes les promesses que je t’ai faites. » Voilà pourquoi elle aurait dû partir Tim : pour ne pas te faire souffrir, pour ne pas que tu l’ajoutes au tableau de toutes celles qui t’ont faites souffrir. La main de Charlie se pose sur la nuque de son amant, ses doigts exercent une légère pression derrière sa nuque alors que son pouce caresse doucement la ligne de sa mâchoire. Il s’agit peut être de la dernière fois qu’il la laisse le toucher. Pitié que non. « Moi aussi je suis heureuse à chaque fois que je suis avec toi. Je n’ai pas envie de te perdre Tim. Je ne veux pas partir non plus. » Elle lui envoie tellement de signaux contradictoires. Si seulement elle savait ce qu'elle désire une bonne fois pour toutes.

To kill a mockingbird

Every lover is a soldier. Ovide

Le monde s'écroulait, une habitude chez les Decastel. Dès qu'un semblant de jour semblait s'élever au dessus de leur crâne, le ciel leur tombait sur la tête. Tim l'avait vu avec son frère qui était tombé follement amoureux et qui s'était retrouvé à essuyer un refus lors d'une demande en mariage. Il l'avait vu brisé, à genoux et n'avait rien pu faire pour recoller les morceaux. Qui le ferait pour lui, maintenant? Personne ne le pourrait, absolument personne puisque seulement Charlie pouvait réaliser cet exploit. A l'heure actuelle, elle n'était pas celle qui pansait ses plaies mais celle qui en était responsable. Tim ne se rendait pas compte, non, il n'avait pas su et voilà qu'il avait été le second homme, l'amant et il ne comprenait pas le moins du monde. Chercher un amant, c'était chercher quelqu'un pour procurer un plaisir charnel mais les sentiments n'étaient pas présents, ou bien s'ils étaient là, cela voulait dire que le premier homme n'était pas aimé comme il le devait. Dans quelle catégorie était-il? Timothy n'en avait aucune idée et peut être ne voulait-il pas savoir. Il voulait juste s'envoler, arrêter son coeur de battre et se laisser partir dans un silence glacial. Pour la première fois de sa vie, une révélation le mettait à terre purement et simplement. Pourtant, Tim avait tant vécu: l'abandon de son père, la violence de sa mère, les répétitions constantes de la haine à son encontre. Rien de tout cela ne l'avait brisé, ce n'était pas la haine qui pouvait le tuer, c'était l'amour. Voilà le pire qui pouvait lui arriver, réaliser cela après avoir déposé un baiser délicat sur son omoplate. Il avait simplement voulu la retenir, sans connaître la raison de ce revirement de situation. Peut-être avait-elle eu des regrets par rapport à ce qui était arrivé, peut-être pensait-elle que c'était encore trop tôt finalement ou que l'ombre de son ex était bien trop présent pour qu'elle puisse envisager Tim comme un petit ami potentiel. Il n'en était rien parce qu'elle ne pouvait pas être avec lui et il resta tout simplement interloqué. Non, il n'eut aucune réaction, rien. Il se sentait vide, sans but, sans rien à l'intérieur. Du moins, c'était ce qu'il pensait. Juste avant le choc, il y avait eu les gestes rassurants de Charlie pourtant, sa main qui passait dans ses cheveux, la sensation de ses doigts sur sa peau et il avait fermé les yeux, espérant qu'elle n'irait pas se perdre en peine rue à des heures indécentes. Maintenant, est-ce que tout cela avait la moindre importance? Peut-être pas. Sûrement pas, même, parce qu'elle était avec quelqu'un d'autre et qu'elle s'était laissé aller au bonheur avec lui. Tim aurait aimé être en colère, c'aurait été la réaction la plus logique à avoir quand on apprenait qu'on était l'amant avant l'aimé mais il n'en était rien. Il n'avait aucun point de comparaison, si ce n'était son expérience de la vie et celle-ci était toujours si cruelle qu'il avait développé un instinct conservateur de premier choix. Le brun ne savait pas s'il voulait qu'elle parle ou bien qu'elle se taise. Aucun des deux peut être, ou peut être les deux. Il ne savait plus rien du tout alors qu'elle parlait à nouveau pour mieux asséner des coups de massue sur son coeur d'ores et déjà déchiré. Il sentait sa main sur son visage et sa mâchoire se serrer dans le même temps. Les mots allaient-ils atteindre ses lèvres? Oseraient-il agir? Tout ce qu'il put faire, se reculer et la regarder. Chercher une réponse. Vouloir comprendre. "Pourquoi avoir fait l'amour avec moi, alors? Pourquoi?" Il aurait aimé lui dire que c'était cruel de lui faire cela mais Timothy se refusait à lui montrer son malheur. Il en avait vu d'autres et il y en aurait certainement d'autres aussi et au fond, est-ce qu'il pouvait lui en vouloir? Non, parce qu'il ne savait pas ce qu'elle traversait, il ne savait rien de la vie, c'était justement le fond du problème. "Je crois que tu sais pas ce que tu veux, Charlie. Je suis pas expérimenté en amour, c'est certain mais j'ai toujours su ça pourtant... Que je t'aimerai. Et c'est le cas. Je t'aime. Mais je peux pas le faire pour deux, voire pour trois apparemment. J'espère au moins qu'il te rendra heureuse parce que tu pourrais l'être avec moi, j'en suis certain. Tu le serais, oui. Mais je peux pas t'attendre éternellement, j'ai attendu trop longtemps avant de rencontrer quelqu'un comme toi, qui me ferait ressentir tout ça et peut être que ça viendra plus jamais, j'en sais rien... Je sais juste que je peux pas te regarder être avec quelqu'un d'autre et attendre que la vie se passe." Non, il ne pouvait plus faire cela et il baissa le regard un simple instant, prenant sa respiration avant de revenir vers elle et poser son regard transperçant dans le sien. "Est-ce que je peux te garder pour moi encore quelques heures? C'est égoïste, je sais mais je veux pas avoir mal tout de suite, s'il te plait." Il voulait juste tout oublier quelques instants supplémentaires, même les larmes qui le menaçaient à ce moment là. Tout oublier pour être avec elle une minute de plus avant qu'elle ne le quitte pour une autre âme humaine, apparemment plus belle que la sienne.

Elle avait eu ce besoin de tout gâcher aussitôt qu’elle avait cru pouvoir être heureuse, aussitôt qu’elle avait cru pouvoir rendre quelqu’un heureux aussi. Elle ressent toujours ce besoin de se donner un coup de poing à elle même pour se rappeler que la vie n’est pas parfaite, que tout ce dont elle rêve n’arrive pas forcément et bien au contraire. Charlie voit le sourire de Tim disparaître en même temps que cette lueur dans ses yeux, elle le voit s’éloigner, tomber en poussière ; mourir. Elle vient de lui planter un couteau dans le coeur et il s’asphyxie. Il crachera bientôt du sang et elle en sera la seule responsable. Qu’elle se sent bête à être nue face à lui dans une situation pareille, mais elle n’avait rien pu prévoir de la tournure si rapide qu’allaient prendre les évènements. Pour la première fois depuis toujours, un mur se dresse entre eux. Un mur invisible et malheureusement indestructible. Un putain de mur qui lui crève le coeur alors qu’elle sent sa mâchoire se serrer sous son pouce, qu’elle entend presque ses dents grincer. « J’en mourais d’envie. J’ai pas d’autres raisons à te donner, c’est égoïste, je sais, et pourtant c’est la vérité. Tu le voulais aussi. On est deux adultes, on peut gérer ça. » Ce qu’elle n’avait cependant pas prévu c’est d’être la première fois de Tim, parce qu’elle n’est que trop bien placée pour savoir qu’on se souvient toujours des premières fois, que ce soit en bien ou en mal. Elle se souviendra toujours d’Amélia tout comme elle se souviendra toujours de son Timothy. Et il il se souviendra d’elle. Charlie espère seulement qu’il en gardera le souvenir d’une femme éprise, d’une femme qui s’est donnée à lui sans jamais rien attendre en retour et pas de la connasse qui lui brise leur coeur entre deux baisers passionnés. C’est ce qu’elle fait pourtant en laissant tomber sa tête en arrière et en s’approchant de sa bouche à intervalles régulières, venant exercer une faible pression sur ses lèvres qui étaient siennes il y a peu de temps encore. « Tu as raison, je ne sais pas ce que je veux. » Il s’agit là d’une évidence qu’elle ne pourrait pas nier. Elle arrive à se cacher beaucoup de choses à elle même mais ça, ça elle ne le peut pas. Elle ne sait pas si elle désire Kane ou Tim ou s’ils ne lui servent qu’à se voiler la face parce qu’elle préfère Ariel depuis le premier jour. Elle ne sait pas non plus si elles tente de trouver des raisons à son coeur de battre une nouvelle fois alors qu’elle a tant de fois tenté de dire à son meilleur ami que les “je t’aime” qu’elle lui lançait avaient bien plus de portée que ce qu’il ne pourrait jamais imaginer. Peut être qu’elle n’aime aucun d’entre eux et qu’elle se cherche des raisons d’exister et de se sentir vivre, peut être qu’ils ne sont tous que des pions sur son échiquier géant qu’elle avance de manière stratégique pour qu’ils lui servent de bouclier. Ils ne sont que ça, des pions qui tombera lorsqu’elle sera échec et mat. Pourtant si tel était le cas elle n’aurait pas tremblé lorsque Tim annonce qu’il l’aime. Il noie ces quelques mots dans d’autres bien plus horribles, mais il le dit quand même. Il est définitivement le plus courageux des deux, son héros. La suite de son discours la laisse sans voix parce qu’il a raison. Chaque mot est bien pensé et faire face à la réalité des choses lui crève le coeur. Non il ne peut pas attendre quelque chose qui n’arrivera peut être jamais. Oui elle serait la femme la plus heureuse du monde à ses côtés. Non il ne peut pas être le chien qui aboie et elle la caravane qui passe, et Kane le passager qui lui lance un doigt d’honneur. Il pourrait réellement faire ça, l’imbécile de pompier. « Tim je ne suis avec personne, je ne suis pas avec lui … je ne suis pas avec toi non plus. J’aimerais vous rendre heureux tous les deux, j’aimerais n’avoir à briser le coeur de personne et c’est pour cette raison que le mien se déchire. Je t’aime, oui, je t’aime. » Elle reprend une dernière respiration, regrettant déjà le coup de poignard à venir. « Et je l’aime aussi je crois. » Elle l’a rencontré moins de fois, elle ne lui a pas parlé des mêmes choses qu’à lui et pourtant son coeur s’emballe dès qu’il est dans les parages. Elle voudrait que ce ne soit pas le cas, elle voudrait qu’il n’ait jamais volé sa bière. Le destin en a décidé bien autrement et désormais elle l’accepte. Ses dernières paroles finissent d’achever son petit coeur meurtri et elle le prend une dernière fois dans ses bras, craignant réellement qu’elle n’ait plus d’autres occasions de le faire un jour. Sa poitrine se colle à son torse et elle se dit qu’elle devrait vraiment trouver de quoi s’habiller désormais. « Je pourrais rester autant de temps que tu veux Tim, mais tu sais que ça ne fera que rendre les choses encore plus compliquées demain, hein ? » Elle pourrait partir avant qu’il ne se réveille comme elle l’a fait avec Kane, ils auraient au moins une anecdote à partager sur la connasse qui est en train d’émietter leur coeur. « Je ne regretterai jamais de t’avoir connu ni d’avoir vécu ce que j’ai vécu avec toi. Je resterai toujours là pour toi, et promets moi que si tu trouves quelqu’un tu l’aimeras comme tu m’aimes. Tu prendras autant soin d’elle que tu le fais en ce moment avec moi, et que par dessus tout tu m’oublieras. Promets le moi s’il te plait. »

To kill a mockingbird

Every lover is a soldier. Ovide

Timothy n'avait aucune idée de la décision qu'il prendrait, il savait juste qu'il avait besoin de changement, d'un renouveau. S'il y avait eu un nouveau un jour, pour être honnête. La réalité était terrible mais plus Tim y pensait, plus il se disait qu'il n'y avait jamais rien eu, non. Sa vie n'était qu'une suite de néants abyssaux et sa personne entière n'était que cela, pas si étonnant que Charlie aie trouvé chaussure à son pied ailleurs. Il n'était rien, juste une coquille vide spécialiste des travaux d'extérieur mais était-ce suffisant pour se déclarer vivant? Être un expert en botanique ne justifiait pas un coeur brisé et Timothy ne pourrait pas continuer comme si rien ne s'était passé. Non, il ne pourrait pas faire comme si Charlie n'avait jamais pris part à son existence parce que ce serait le plus atroce des mensonges. Elle avait été là, avec lui, plus vivante que jamais en se donnant à lui et lui à elle. Tout cela avait été parfaitement réel et jamais Tim ne pourrait effacer ses images de son esprit. Tout comme il ne pourrait pas faire disparaître le regard de Villanelle au moment de lui annoncer qu'il n'était qu'un nom supplémentaire sur un tableau qu'elle garnissait sans comprendre pourquoi. Que cherchait-elle exactement? Voilà ce que Decastel aurait aimé savoir mais il était quasiment certain qu'elle ne le savait pas mieux que lui. Désormais, il avait l'impression d'être en face d'une adolescente perdue, qui n'avait aucune idée de qui elle était et ce qu'elle souhaitait avoir comme avenir. Au bout du compte, Charlie était certainement plus triste que lui parce que, au moins, Timothy avait retiré quelque chose de cette histoire, en dehors de son coeur brisé évidemment. Il avait compris qu'il ne pouvait plus rester attentiste, mais au contraire, il était temps qu'il apprenne à être fier de sa personne, de tout ce qu'il avait eu à traverser pour devenir l'homme qu'il était, même si tout cela apparaissait comme étrange pour les autres. Oui, il avait dû vivre comme une fille pendant treize ans de sa vie. Oui, il avait été traumatisé de ses expériences avec ses parents mais il n'en était pas mort, loin de là même. Quelque part sur le chemin, il avait trouvé le bonheur, le temps de quelques heures juste mais ce serait des heures qu'il chérirait pour l'éternité. La jolie blonde ne pouvait pas se douter de la tornade qu'elle était en train d'engendrer chez lui mais Timothy, lui, en prenait la mesure. L'orage de ce soir, c'était lui. C'était le sien, et il la regarda avec ses yeux meurtris parce que sa justification n'était qu'un appel au désir. Elle y avait succombé par envie, rien de plus parce que les êtres humaines étaient ainsi, Tim aurait dû le savoir mieux que quiconque. Ils se moquaient, prenaient ce qu'ils voulaient et vous mettaient dehors, voilà ce qu'était l'humanité à ses yeux et quelque part, en ne se défendant pas, il participait à cette mascarade. "Evidemment que je le voulais, Charlie, je t'ai donné mon âme, pas juste mon corps." Il ne commenta pas son commentaire sur son égoïsme, son regard lui hurlant qu'elle ne se rendait pas compte des conséquences que ses actes pouvaient avoir sur autrui. C'était évident, elle n'avait réfléchi à rien, se laissant aller face à ses envies les plus folles et Tim, lui, n'avait pu que lui faire confiance avec son coeur parce qu'elle était sa sirène et qu'en tant que tel, elle prenait toujours soin de son triton. Cela avait été vrai jusque là mais ce soir, elle était son bourreau. Son palpitant hurlait à la mort, déchiré entre ses mots et la réponse qu'elle lui apportait parce que rien de tout cela n'avait de sens. Elle ne savait pas ce qu'elle voulait, c'était la seule certitude que le gardien de cimetière avait encore alors qu'il la regardait avec ses yeux brillants. Comment en étaient-ils arrivés là? Comment son innocence avait pu tant souffrir en si peu de temps? Une partie de lui aurait aimé revenir en arrière, à la première seconde quand il s'était interposé entre Charlie et son ex plaintif. Et s'il n'avait rien fait? Où serait-il aujourd'hui? La seconde partie de lui s'en fichait un peu de tout cela, c'était tout bonnement arrivé et il en était heureux malgré tout. Heureux parce qu'il avait aimé comme peu de personnes pouvaient se targuer de l'avoir fait, même s'il se retrouvait avec un coeur en lambeaux. C'était déjà ça. C'était réel. C'était fort et Tim avait encore des mots, il arrivait encore à lui parler et répondre alors qu'elle continuait à vouloir le tuer. Qu'elle le fasse alors, il accepterait. Mourir ne l'avait jamais effrayé de toute façon et si ce devait être la fin, il ne baisserait pas les yeux face à l'intensité de ses émotions. "J'espère qu'un jour, tu le sauras et qu'il ne sera pas trop tard pour toi. Je te souhaite aucun malheur, jamais... Tu sais pas qui tu es, Charlie, alors comment tu pourrais aimer autant de personnes à la fois? Aime toi d'abord, oui, toi avant de dire que tu aimes deux autres personnes. C'est un mensonge ça." Il croyait ce qu'il disait parce qu'il avait mis des décennies à s'apprécier, se retrouvant bien incapable d'accepter le moindre contact humain. C'était certainement cruel qu'au moment où il était fin prêt pour cette grande aventure qu'était l'amour, on l'assommait en plein envol mais c'était la vie et Tim avait toujours réussi à la gérer malgré tout. La douleur ne l'effrayait pas plus que la mort, plus maintenant en tout cas. Charlie l'enlaça et il resta là, contre elle, à attendre que l'instant s'arrête à nouveau. Parce qu'il cesserait, comme tout le reste, comme les battements de son coeur contre le sien qui ne seraient bientôt plus qu'un très lointain souvenir. "Je peux te promettre ce que tu veux, d'aimer quelqu'un à la folie, de sauter du haut d'un gratte-ciel et de devenir funambule mais ça... Je peux pas. Je pourrai jamais t'oublier et tu le sais très bien, Charlie. Et tu pourras pas m'oublier non plus parce que je sais que tu t'en voudras pour ça. Pour avoir pris mon âme et mon coeur avant de les réduire en morceaux. T'es mon premier amour, ça changera jamais et tu resteras le plus fort, quoiqu'il arrive." Au moins, il lui avait dit, en se détachant d'elle délicatement. Qu'elle l'avait brisé. Qu'elle était la cause de son trouble. Que si une larme coulait le long de sa joue à ce moment-là, c'était la sienne. "Le lendemain, je peux le gérer, je suis peut être plus fort encore que ce que tu crois. Je peux au moins te promettre ça à défaut du reste, de rester fort dans tout cela." Il lui avait tout donné et il n'avait rien repris, Tim. En recollant son dos contre la tête de lit, il savait que c'était un fait établi. Son coeur et son âme appartiendrait à Charlie Villanelle pour encore longtemps et il n'avait pas l'air de s'en inquiéter outre mesure alors qu'il lui ouvrait ses bras, persuadé qu'il ne pleurerait pas quand viendrait le clap de fin de ces quelques heures supplémentaires ensemble. Qu'il était naïf, parfois.

“Sometimes I wish I had never met you, because then I could go to sleep at night not knowing there was someone like you out there.”

Avoir à clarifier ses propres sentiments a toujours été une épreuve pour la grande blonde, et elle a à peu près toujours échoué. Avoir à clarifier les sentiments des autres est une toute autre épreuve dans laquelle son taux de réussite est encore plus bas. Ce soir elle doit combiner les deux contre vents et marées et il n’y a besoin d’aucun talent en mathématiques pour savoir qu’elle se foire en beauté, la Villanelle. L’être qu’elle chérit le plus au monde en cet instant est en train de mourir sous ses yeux et elle se contente de le regarder avec ses yeux tristes. Elle lui a volé son corps, son âme, son esprit et son innocence et désormais elle se contente de rester face à lui, impassible, et de le voir se consumer. Il est bien des choses, son Tim, mais certainement pas un Phénix. Il a survécu à de biens plus horribles traumatismes mais elle sait que celui ci a un goût particulier, celui de l’être qu’on aime qui nous poignarde dans le coeur. Il n’a jamais connu qu’une mère tyrannique, a toujours eu le souvenir d’un père absent … Pourtant eux deux ont évolué après les tempêtes et les quelques arcs en ciel, ils se sont ouverts l’un à l’autres. Se sont offerts aussi. Il n’a jamais été question d’autre chose que d’un amour pur et sincère et finalement ses sentiments pour lui n’ont pas changé de ce côté là, ils ont seulement naquit pour quelqu’un d’autre en même temps et c’est trop évident pour qu’elle arrive à le nier.
Charlie déglutit difficilement lorsqu’il lui avoue ne pas seulement lui avoir donné son corps mais son âme avec. Elle aimerait répondre aussitôt qu’elle aussi lui a donné son âme, mais elle se ravise. L’intensité n’était pas la même. Elle lui a bien donné de son âme, oui, mais lui n’a pas réfléchi à combien de pourcentage il pouvait donner sans risque de perdre pied. Il a tout donné. Et désormais il perd pied. Charlie s’est contentée d’un savant mélange et bien qu’elle ne soit pas confortable dans cette situation, elle peut gérer. Elle y perdra des larmes et son coeur, mais rien dont elle n’ait déjà l’habitude. Pourtant elle n’aurait jamais pu anticiper le regard de Tim, elle n’aurait jamais pu anticiper ses yeux glacials se posant sur elle sans douceur aucune. Elle a du mal à reconnaître son amant si doux, son sauveur d’une nuit et de beaucoup d’autres, sa lumière dans la nuit noire. Au delà de tout ce qu’il pourrait dire, c’est le changement dans son regard qui lui fait le plus mal, ça et le fait qu’il ne réponde pas à son étreinte. Elle a l’impression qu’il est redevenu un étranger, un homme chez qui elle est entrée on ne sait trop comment et avec qui elle a une discussion embarrassante. Il n’a plus rien de celui dont elle est tombée amoureuse et ses mots ne font que confirmer ses craintes.
Lui qui n’a jamais aimé se met à lui donner des cours et cela l'énerve autant que ses mots sont justes. Il lit en elle, ou alors il comprend tout simplement à quel point elle est brisée, perdue et apeurée. « Je n’ai pas besoin de savoir qui je suis pour savoir qui tu es toi. » Elle rapproche son visage du sien sans trop savoir à quel jeu dangereux elle joue, le supplie presque de lui dire qu’elle a raison. Elle sait qui il est lui, elle apprend à savoir qui est Kane un peu plus chaque jour, ce sont des faits. Elle aime Tim pour sa douceur et Kane pour sa facilité déconcertante à briser les conventions. La jeune femme a encore mille raisons valable de les aimer chacun pour qui ils sont et mille autre encore pour les aimer pour qui ils la font devenir. Tantôt une petite chose fragile à protéger tantôt une âme brisée à recoller avec les morceaux de son propre coeur. Elle a donné des parties d’elle différentes à chacun d’eux tout en restant vraie. Elle ne sait pas qui elle est mais eux en ont un aperçu, ils ont un angle de vision élargi et un oeil extérieur. Ils savent mieux qu’elle, c’est certain. « T’as pas le droit de dire que c’est un mensonge Tim. Je ne sais pas grand chose, c’est vrai, mais je sais que je t’aime. Je ne suis pas une menteuse, je ne t’ai jamais menti. » S’il te plaît crois moi, aime moi, ne me rejette pas.
Si rejette la Tim, arrête de penser aux autres, protège toi. Oh oui, tu aurais vraiment dû te protéger sur ce coup là. « Très bien. Ecris mon nom à l’encre de Chine et calligraphie le sur un papyrus si ça te chante, invente mille chansons d’amour à notre sujet, tente de suivre ma vie indécente partout où tu le pourras, continue de m’aimer malgré le fait que je continuerai de te briser le coeur encore et encore sans même le vouloir. » Une nouvelle respiration, ses mains qui se détachent du corps de son amant qui semble froid et sans vie désormais. « Fais ce qui te plaira Timothy mais ne t’avise pas de me dire que je ne t’avais pas prévenu. Je fais du mal à ceux que j’aime, que tu le veuilles ou non tu en fais parti. Sauf que tu n’es pas mon premier amour, pas le dernier non plus. » Elle l’a appelé Timothy. Pour la première fois depuis toujours il est devenu autre chose que Tim à ses yeux, il est devenu quelqu’un d’autre. Pour la première fois depuis toujours elle s’apprête à lui mentir droit dans les yeux et à arrêter son coeur une ultime fois. « Je réussirai à t’oublier. » Ainsi ces mots deviennent son plus gros mensonge, le seul qu’elle lui ai dit et le pire d’une vie entière. Non elle ne réussira jamais à oublier son Tim ni aucun instant passé en sa compagnie pourtant elle se rend bien compte qu’il est trop frêle pour rester sur le banc de touche alors que personne ne joue sur le terrain. Il manque de défaillir à chaque instant et elle agit dans le seul but de le protéger lui. Il doit quitter le jeu, pour son bien, il doit s’en aller. Il n’y survivra pas. Elle préfère souffrir mille fois et le voir heureux aux bras d’une autre plutôt que de le voir se consumer en l’attendant. Il a déjà bien trop attendu, il a une vie à vivre et des têtes à faire tourner. « Si tu veux encore de moi pour cette nuit, je reste. » Tel sera leur dernier paradoxe. Les yeux de Charlie la brûlent mais elle retient ses larmes. Cette fois-ci elle n’a pas le droit de se montrer faible. La jeune femme ramène avec hâte une couverture au dessus de sa poitrine et vient poser son dos près des côtes de Tim et sa tête au creux de ses épaules. Une dernière nuit avant un nouveau saut dans l’inconnu.