Birdie aurait dû entendre les sirènes dans sa tête et les signaux quelque part au-delà de la brume de son cerveau. Elle aurait dû comprendre que Wren n’est pas le genre de type à qui on peut tenir tête facilement. Elle aurait dû pouvoir capter le danger, ne serait-ce que le voile qui fulmine dans ses yeux. Il semble bien plus éveillé que tantôt, comme si l’énervement provoque chez lui quelque chose de plus. Mais Birdie n’a rien entendu. Parce que Birdie ne le connait pas et elle n’a pas de temps à perdre à lire les gens. Encore moins les inconnus. Les humains ne sont pas intéressants, ils peuvent être moches, compliqués et pénibles. Elle en est l’exemple parfait.

Mais son instinct de survie aurait pu lui dire de se taire mais ce n’est pas connaitre la Cadburry. Evidemment qu’elle aurait répliqué, bien sûr qu’elle se serait révoltée contre les propos d’un type qui la rabaisse bien plus qu’elle ne peut le digérer. Elle a déjà donné dans le passé, elle s’est toujours promis de ne plus jamais se laisser faire ni marcher sur les pieds. La force des évènements et des choses a fait qu’elle n’est plus l’adolescente peureuse qui ne disait rien qu’elle a été.

Cependant, les doigts autour de son cou, Birdie fait radicalement moins la fière. Pour elle, tout ça n’est qu’une franche rigolade, une partie de plaisanterie. Quand elle a accepté de relever le défi de Carter, elle n’aurait pas pensé mettre sa vie en péril d’une quelconque façon. Il faut dire qu’elle n’aurait pas pensé tomber sur quelqu’un comme Wren. Quelqu’un qui lui siffle près du visage des menaces, qui n’a plus de patience et qui, par-dessus le marché, essaie de la faire se sentir mal aimée d’une façon ou d’une autre. Il n’aurait pas reculé qu’elle lui en aurait mis un coup dans ses bijoux de famille. Mais Wren les entraine déjà dans une ruelle et Birdie passe une main à son cou tout en maudissant Carter. Et ce putain de suédois qui va tout faire capoter. Elle traine derrière pour le ralentir, bien décidée à ne pas lui faciliter la tâche quoiqu’il arrive.

« Et toi, Wren, y a quelqu’un qui t’aime à part tes toxicos ? Je peux être ta psy pour une journée, parait que ça fait du bien de se confier à des inconnus. Pourquoi t’as besoin de fric ? Tu menaces souvent les gens comme ça ? C’est ta façon de les buter ? Pourquoi ton père est en taule ? Parce qu'il a buté des gens, lui aussi ? Tu sais que t'es en bonne voie pour vous retrouver, là. » Il est juste impossible de la faire taire. Birdie tire sur l’arrière de son tee-shirt avant d’attraper ses cheveux dans une poigne ferme pour l’amener à sa hauteur. « Qu’on soit bien clair : tu lèves de nouveau la main sur moi et je te le fais regretter. » Parce qu’elle n’est peut-être pas impressionnante comme lui mais elle a appris à se défendre. Plus jamais un homme ne lui fera de mal et ce n’est pas maintenant que cela changera.

Il n'avait pas pu se contenir et s'en voudrait très certainement une fois qu'il aurait retrouvé toutes ses capacités cognitives. Wren n'aimait pas spécialement user de son côté sombre, surtout pas alors qu'il était encore dans un état de faiblesse après la drogue ingérée. C'était Birdie qui le rendait dingue, et pas de la bonne manière cette fois, lui qui n'était qu'un Doherty, qu'un homme vulnérable et qui ne connaissait que la violence en guise de réponse appropriée. Il avait serré autour de son cou, il n'avait pas pu faire autrement et ses mains le démangeaient encore fortement au moment de la libérer. Bien sûr, le suédois avait encore envie de lui faire du mal parce qu'elle parlait, qu'elle ne s'arrêtait pas, que cette petite n'avait clairement aucun instinct de survie. Heureusement pour elle, Wren mit en place un système de sécurité pour ne pas entendre un traître mot, se contenant de lui faire un doigt d'honneur appuyé en cherchant du regard quelque chose qui pourrait le sortir de son petit enfer personnel. Hors de question qu'il reste là une minute de plus, à supporter les sermons d'une gamin qui ne savait sûrement pas quoi faire de sa personne pour trouver une quelconque distraction. D'ailleurs, les yeux du suédois allaient se mettre à briller au moment de tendre sa main libre pour attraper un vieux clou qui lui serait bénéfique dans cette quête de liberté, mais c'était sans compter sur les manières rustres de Birdie qui s'accrocha à ses cheveux pour le menacer. Ou du moins, elle pensait le faire parce que Wren se mit à rire en se dégageant, ses yeux fous se tournant vers elle à nouveau, elle ne gagnerait rien à agir de la sorte avec lui. Jamais. "Tu me menaces une autre fois et on te retrouve dans un sac poubelle devant chez les flics." Pas la peine de préciser qu'il y aurait plusieurs morceaux parce que, avec un Doherty, c'était un détail déjà donné à demi mots. Il finit par attraper son arme de salut et crocheta tant bien que mal la serrure de son côté, sentant peu à peu le gond sauter, pouvant lever les bras finalement au terme d'une lutte acharnée. "A jamais, gamine." Il ne s'en souviendrait pas de toute manière. Pas dans son état.

Il lui montre son doigt d’honneur et Birdie lève les yeux au ciel tout en trainant des pieds parce que franchement « Quelle plaie. Ils auraient dû faire faire des tests ou je ne sais quoi parce que franchement, t’es bien trop grincheux pour moi. » Parce que Birdie n’est peut-être pas forcément très solaire mais elle a au moins la prétention de vouloir tout ce qu’il y a de plus lumineux, de coloré et de brillant. Que ça tape à l’œil, que ça brûle la rétine même, qu’on le voit et qu’on le remarque. La discrétion, elle ignore ce que s’est et même gamine, elle trouvait toujours un moyen pour se faire remarquer. Cadburry a de la ressource, elle a cette volonté de vouloir vivre qui peut parfois dépasser l’entendement. De profiter, tout simplement.

L’inverse complet de Wren qui rit, qui la menace de nouveau avant de trouver finalement de quoi les décrocher. Et bordel que ça l’emmerde, ladite gamine, parce qu’il lui fait perdre son pari tout ça pour une histoire d’égo mal foutu. « C’est ça, à jamais, ducon. T’es vraiment pas mieux, j’espère que t’en as conscience. Même pas les putains de boules de survivre 24 putain d’heures ! » Il aura beau dire qu’elle ne vaut rien, il ne vaut pas plus qu’elle. Elle est frustrée, elle est vexée, elle est blasée. Ça n’aurait pas dû se passer comme ça. Birdie regarde la partie de menotte toujours accrochée à son poignet et elle soupire vers le ciel parce que merde, quoi, perdre un pari stupide à cause d’un pauvre type qui n’a pas pu se contenir deux minutes. Carter fait chier, Wren fait chier et ce putain de nuage qui arrive fait chier aussi. Cadburry rage contre une poubelle avant de quitter la ruelle à son tour, cherchant déjà un endroit où crécher pendant 24 heures. Parce qu’il est hors de question de rentrer à la colocation avec un tel goût amer de défaite. Birdie ne pourrait pas le supporter.