La journée était passée bien vite. J’avais déjà pris plus d’une heure à remplir les papiers d’adoption pour le bébé Beagle avant de décider d’une date pour revenir le chercher. Avec la femme de l’accueil que je connaissais bien, nous avions convenu d’une date pour que je revienne avec J.J pour lui présenter. Et ensuite, j’ai tout de même décidé d’aller consulter un médecin pour ma cheville. Radios en main, je n’ai qu’une entorse -assez sévère tout de même- et doit donc porter une attelle pour les six prochaines semaines avec possibilité d’une rééducation. On peut donc dire que je suis belle et bien faite de papier. Je me sens si fatiguée de moi-même, si honteuse d’être cassée après une banale chute que j’ai pris un petit temps pour souffler. Sortant une cigarette du paquet que je planquais dans la portière de ma voiture en cas de besoin. Fumer n’a jamais été une réelle habitude. Une échappatoire à ma vie que je ne contrôlai pas nécessairement. Avec ce manque d’aide, cette aide que je rejette car je veux tout faire toute seule. Je venais tout juste de terminer le plat pour ce soir qu’Ivana vint me ramener les enfants. Lisa avait les joues rosies et était revenue une fois de plus avec une sorte de vivarium dans lequel elle avait de nouveaux insectes. Elle me les avait brandis sous le nez et en bonne mère, je m’y suis attardée une bonne vingtaine de minutes avant de m’occuper de son petit frère. Je voulais qu’il ait pris ses médicaments et qu’il soit en pyjama avant l’arrivée d’Ezechiel. Histoire de ne pas trop le gêner. Lisa était assez autonome pour savoir mettre son pyjama reine des neiges à l’endroit mais mon fils était encore petit. Et le bain se révélait toujours une véritable épreuve car il y avait souvent plus d’eau en dehors que demain. Si l’un de mes chiens ne décidait pas d’y plonger sa truffe. Je finissais à tous les coups complètement trempée. Et ce soir ne serait pas une exception à la règle. J.J a cru bon de me faire un shampoing sans que je ne lui demande et je me retrouvais avec une énorme vague sur la tête. Il y avait toujours de l’animation chez moi. Et bien que tout soit prêt, Jacob ne daignait pas se montrer compréhensif tant il gigotait dans mes bras. « Lisa, hurlai-je à ma fille aînée, si on frappe tu iras ouvrir. » Je l’avais briefé sur notre invité. Un ami qui aimait les chiens. Rien qui ne pourrait pas ravir la fillette de six ans. Elle était presque coiffée bien que ses cheveux blonds étaient trop longs alors que mon cadet n’en faisait qu’à sa tête. Je venais de mettre à mon fils son peignoir tête de nounours quand Lisa m’interpella. « EvE, y’a quelqu’un pour toi. » Génial, je suis une soupe et J.J n’est pas prêt. Je me redresse avant de retirer mon tee-shirt qui était bon pour l’essorage et coller un débardeur qui trainait sur l’étendoir à linge. « J’arrive. Entre Zeke, criai-je avant de me pencher pour saisir l’anguille qui riait à gorge déployée, Jacob arrête de faire le pitre. » Je parvins à me saisir de mon fils qui continuait de jouer faire n’importe quoi en jouant avec mes cheveux tandis que je quittais ma salle de bain, passablement essoufflée. « Salut, enfin resalut, dis-je en souriant, désolée je pensais être prête mais ma crapule en a décidé autrement. » Je lui désignai mon fils qui continuait d’emmêler mes cheveux avant de se tourner vers le nouveau venu. Ses yeux noirs s’écarquillèrent à la mesure de sa surprise de voir un nouvel arrivant. Lisa se tenait à côté de son chien et me jetait une œillade ennuyée. « Je te présente donc Lisa, Jacob Junior et voici mes deux chiens, Debussy et Chopin. » Chopin vint saluer l’inconnu alors mon autre rottweiler ne lui jeta qu’un coup d’œil avant de les refermer. « Les enfants, je vous présente Zeke. » Jacob poussa un cri à m’en percer les tympans avant de se pencher en avant en tendant les mains vers le nouveau venu. Aussi tactile que moi tandis que ma fille levait son regard clair vers lui. Mon parfait sosie sauf qu’elle avait de plus beaux cheveux que moi. « T’aimes les insectes, Zeke ? Car je viens d’en avoir des nouveaux si tu veux les voir. » Je vins passer une main sur mon visage trempé avant de froncer le nez. « On dit bonjour déjà. » La petite roula des yeux avant de se tourner vers notre invité. « Ouais bonjour, mais t’aimes les insectes, insista-t-elle. » Lisa et sa passion pour les insectes, aussi horripilante que moi avec ses chiens. Une famille de toqués.

Il avait repassé sa chemise de bûcheron favorite, comme si Zeke faisait réellement attention à son apparence d'habitude. Cette fois, le grand brun avait envie de ne pas faire tâche dans le décor, pour la simple et bonne raison qu'il n'avait jamais été invité à manger quelqu'un... Clairement, oui, c'était d'une tristesse improbable de constater qu'un aussi grand homme n'était pas assez à l'aise avec les codes sociaux pour recevoir ce genre d'invitations de la part d'une personne aimable. Eve l'avait clairement été au refuge, même si elle avait bien failli perdre une cheville voire un oeil avec cet homme malavisé qui avait essayé de lui faire du mal. Blythe avait été là au bon moment pour empêcher l'altercation d'aller plus avant et rapidement, un lien s'était tissé entre la petite blonde et le grand brun, comme s'ils s'étaient toujours connus. Ce n'était pas la réalité des faits mais Zeke se sentait suffisamment en confiance pour oser se diriger jusqu'à l'appartement de Zimmer, sachant en plus de cela qu'elle avait deux enfants en bas âge. Zeke aimait les enfants, c'était souvent avec eux qu'il se retrouvait le plus à son aise car il avait un développement affectif voisin, le retard s'était sérieusement accumulé avec le concours des années. Aujourd'hui, Ezechiel se considérait comme un cas désespéré de compétition mais au moins, il avait une belle chemise et il avait pris une bouteille de vin dans la cave de son père, s'autorisant cet impair pour une fois qu'il sortait de ses hectares de champ. Il arriva pile à l'heure au point de rendez vous, un Blythe comme celui-là ne s'autoriserait jamais à briser les règles de conventions en arrivant en retard ou en avance. Il toqua et fut accueilli directement par une tornade, n'ayant pas spécialement le temps de répondre qu'on le faisait déjà entrer, trouvant Eve en bien mauvaise posture avec le second marmot. Le chien suivit le pas et Zeke se retrouva à saluer trop de personnes d'un seul coup, c'était à en perdre la tête pour un maladroit de la société comme lui. Néanmoins, il tâcha de se concentrer un maximum pour répondre à la question de la petite, il ne voudrait pas froisser un tel caractère en arrivant à peine. "J'adore ça. J'en ai plein à la ferme, je pourrais te montrer quand tu viendras." Il serait sûrement un spectateur idéal pour la petite fille, le brun souriant à Eve en la voyant batailler pour mettre son fils par terre, une vraie famille, ce que Ezechiel n'avait pas eu depuis un sacré moment de son côté. "Je t'assure que t'es prête, Eve. Tu reçois pas un ministre, juste un bûcheron. J'ai du vin. Et des smarties pour les enfants mais chut." Oui, Zeke était même passé au magasin pour leur faire un petit cadeau, comme quoi ils avaient peut être affaire à un ange gardien de compétition.

Tous les soirs, c’était la même chose. Jacob faisait son difficile pour mettre son pyjama. Mon fils aimait l’eau, il s’y sentait dans son élément. C’était pour ça que je l’emmenais souvent aux bébés nageurs pour qu’il puisse s’épanouir. Avec ses soucis de poumons, cela le détendait. Et donc je me prenais de vraies vagues tous les soirs. Et même si je lui avais dit que nous avions un invité, il n’en faisait qu’à sa tête. Lisa était plus docile, plus grande. Et elle était de corvée de portes ce soir. Sans doute car elle avait un meilleur contact que moi. Je vins me redresser avant de batailler avec J.J pour lui mettre son pyjama tête d’ourson avant de paraître devant Zeke, les cheveux complètement trempés. Que mon petit essayait de mettre en bataille. "J'adore ça. J'en ai plein à la ferme, je pourrais te montrer quand tu viendras." J’éclate de rire avant de voir que Lisa se met à sourire. ça fait longtemps que je n’ai pas vu son visage aussi radieux. Je réussis à gagner ma bataille contre mon fils avant de me relever victorieuse. « Cool ! On y va quand EvE ? » Je grimace en entendant ce sobriquet synonyme de maman chez nous. « Quand Zeke voudra bien de toi et quand tu finiras ton assiette de légumes. » Elle lève les yeux au ciel avant de disparaître son chien sur les talons. Je viens soupirer avant de passer une main dans mes cheveux courts. Jacob en fait de même avant d’aller voir Zeke et de le regarder. « T’es rand, dit-il avant de tendre les mains, Yacoub veut que tu le po’te. » Je fronce les sourcils avant d’éclater de rire. Puis, je passe derrière le bar de ma mini-cuisine. "Je t'assure que t'es prête, Eve. Tu reçois pas un ministre, juste un bûcheron. J'ai du vin. Et des smarties pour les enfants mais chut." Je fais les gros yeux avant de mettre le doigt sur mes lèvres comme pour me mettre dans la confidence. « Il ne fallait pas, c’est adorable. Jacob est tactile, je suis désolée. Il passe son temps à vouloir que tout le monde le porte. » Les chiens ne font pas les chats. Je le suis également après tout. Je prends donc sa tasse à paille tête de lion avant de me saisir du pilon pour réduire les médicaments de Jacob en poussière et les mettre dans la boisson pour lui tendre. Je réitère le geste de silence à Zeke avant de lui faire un petit clin d’œil pour prendre appui sur le comptoir. « Bienvenue chez les fous. Ma fille passionnée d’insectes, mon fils qui aime les poissons et moi qui aime les chiens. » Jacob pousse un cri de ravissement. « Poisson, poisson. » Je viens sourire avant de soupirer. « Tu veux boire un verre tout de suite ou on attend que tout le monde soit devant la télé ? » Je fronce un peu le nez alors que Lisa revient avec son vivarium. « Regarde Zeke, j’ai des phasmes. C’est Tic et Toc. Tu les vois ? »
Ou comment se faire voler la vedette par sa propre fille ?

Les enfants le faisaient d'ores et déjà sourire parce qu'ils étaient l'innocence incarnée, ce qui semblait manquer atrocement à Zeke ces derniers mois. Il avait besoin de ces moments où on ne réfléchissait plus à rien, on riait pour des bêtises et on observait le monde alentour comme si on le découvrait pour la première fois. C'était ce qui faisait rêver le grand homme parce qu'il était un amoureux de l'univers, Ezechiel, et qu'il se sentait si seul dans ses envies d'ailleurs. Au moins, avec des marmots, il vivait les choses différemment et il sentait l'enthousiasme de la fille d'Eve lui arriver dans les tympans avec une rapidité qui faisait un bien fou. Celle-ci décampa pour les minutes suivantes et Blythe put se concentrer plu avant sur Zimmer qui était dans un état digne d'une mère célibataire après le moment du bain. Il aurait bien aimé pouvoir filer un coup de main, serviable qu'il était Zeke, mais il n'osait rien dire ou faire, se contentant de rester posté là, sans savoir quoi faire de ses dix doigts et c'était ô combien frustrant pour un actif constant comme lui. "Viens, fiston. Tu verras le monde différemment d'en haut." Il cueillit Jacob avec un sourire en le voyant tout content d'être entre les bras d'un géant, de quoi en faire sourire plus d'un puisque Zeke n'était pas le plus tactile des grands bonhommes de la planète mais quand il était question des enfants, il semblait annihiler tous ses grands principes pour leur faire plaisir avant tout. "Eh, ça me dérange pas, t'en fais pas, ça me change. Et c'est sympa chez toi, il y a de l'animation, on doit pas s'ennuyer, ça me manque ça." La ferme et son silence, certes c'était reposant mais la routine s'installait bien vite au milieu des hautes herbes des champs et Zeke comprenait qu'il n'avait pas tout à fait une vie normale. Ce fut à ce moment là que Lisa le coupa de ses pensées pour lui montrer ses petites bêtes, Zeke s'agenouillant pour les observer avec Jacob entre les bras. "Ils sont chouettes. Ils ont mué déjà?" Il en connaissait un rayon sur le sujet, forcément. "C'est comme tu veux, Eve. Je veux pas que tu changes ton programme habituel parce que je suis là." Il était humble au possible, ne désirant pas saper l'enthousiasme de ses enfants, même s'il espérait aussi pouvoir passer un peu de temps avec Eve. Ils avaient bien mérité cela après une telle journée au refuge, assurément.

J’aimais ces petits moments partagés avec mes enfants le soir. Même si le chaos régnait à la maison, même si Lisa n’en faisait qu’à sa tête, l’heure du bain était souvent synonyme de rires. Et de trempettes. Seulement, ce soir, j’avais espéré que mes chères têtes blondes me laissent un peu de répit car je voulais être présentable devant Zeke. Une étrange connexion s’est tissée entre l’Australien et moi, bien trop semblables sur certains points. Amoureux des choses manuelles, des animaux, j’ai apprécié chaque minute en sa proximité car il m’apportait quelque chose. Une sérénité que je n’avais pas connu depuis si longtemps. Une sérénité dont j’avais besoin. Et j’avais donc briefé mes rejetons sur sa venue. Lisa était comme à son habitude et regardait l’étranger avec un air de méfiance avant de le sonder. Sa passion pour les insectes alors que la mienne est centrée sur les chiens et les félins. Jacob s’est révélé amoureux des poissons. Alors qu’il trottine jusqu’à Ezechiel, je suis surprise de voir la réaction de Blythe. Car après tout, ce n’est pas tout le monde qui accepterait de porter un enfant qu’il vient de rencontrer. "Viens, fiston. Tu verras le monde différemment d'en haut." Le petit pousse un cri de ravissement avant de venir nouer ses petits bras potelés autour du cou du géant. « Moi aussi j’aurai droit de voir le monde vu d’en haut un jour, demandai-je avec un sourire. » Je me sens rougir à ma demande avant de reporter mon attention sur le médicament que je glisse en cachette dans la boisson de Jacob. Et je l’agite sous son nez alors qu’il le prend pour venir soupirer. C’est une bataille constante de lui faire prendre. Mais Zeke me permettait de faire diversion aisément. "Eh, ça me dérange pas, t'en fais pas, ça me change. Et c'est sympa chez toi, il y a de l'animation, on doit pas s'ennuyer, ça me manque ça." J’éclate d’un rire franc en renversant la tête alors que Lisa a disparu sans doute dans sa chambre. « Ah on ne s’ennuie jamais chez nous. » Mes cernes en témoignent. Fatiguée, épuisée qui dormait trop peu dans ce lit trop grand et trop vide. « Si on vient à la campagne, soufflai-je, on risque de l’apporter avec nous cette animation. Et tu verras qu’on intègre facilement les gens dans ma petite famille un peu bancale. » Dépourvue de mère, de père. De repères. J’ai appris à tout faire toute seule. De la petite cage à bêbêtes que Lisa a dans son terrarium aux multiples peintures qui ornent les murs. La petite revient avec ses phasmes qu’elle expose devant Zeke avec un sourire nouveau. Ils sont chouettes. Ils ont mué déjà?" Elle secoue négativement la tête. « Nan. Et le dit pas à Maman mais elle aime pas trop ramasser leurs peaux. Elle avait peur des insectes avant. » Maman ? Je fronce les sourcils. Il était rare la fois où elle m’appelait ainsi. « J’ai tout entendu. Et ce n’est pas que j’ai peur, je ne suis juste pas à l’aise. » Je viens grimacer avant de glisser le plat de lasagnes dans le four que je referme d’un coup d’épaules. « Tu devrais les ranger avant que Chopin ne les voie. » A l’évocation de son nom, le puissant molosse redresse la tête avant de la reposer. Un peu amorphes les chiens ce soir. "C'est comme tu veux, Eve. Je veux pas que tu changes ton programme habituel parce que je suis là." Je fronce le nez avant de venir balancer le torchon sur mon épaule pour faire le tour du bar. Doucement ma main se pose sur le bras massif de l’Australien alors que je plonge mon regard dans le sien. « Ne t’inquiète pas. Tu ne changes rien du tout. Souvent, je rentre, on mange et je vais travailler jusqu’à pas d’heures. Je dors peu. » J’argumente un peu avant de hocher la tête pour prendre une profonde inspiration. « Tu veux que je te fasse visiter ? En attendant que ça chauffe. » Je me balance un peu d’avant en arrière avec un sourire candide sur les lèvres. Une très bonne rencontre avec cet homme qui je sens allait rester longtemps dans les alentours.

Il se plaisait étonnamment dans cette atmosphère, le grand Blythe et pourtant, il était bien loin d'être un garçon de la ville. Zeke ne sortait que très peu de sa ferme, il savait qu'il n'avait que peu d'intérêt à vouloir s'intégrer dans les grands espaces alentour car il avait bien du mal à saisir les attraits de cette bien étrange société. Ezechiel ne voyait pas spécialement l'amusement dans les téléphones portables, les autres technologies en tous genres et les informations de masse lui donnaient mal à le tête. En un sens, c'était sûrement mieux qu'il ne sache pas lire, il s'évitait ainsi tout un tas d'emmerdements qui ne lui auraient pas plu outre mesure. De manière générale, il n'était jamais au courant de rien et il le vivait fort bien. Du moment qu'il était avec ses animaux, ses arbres et ses meubles en bois, le bûcheron trouvait le bonheur dans peu de choses. Pour ce qui était du contact humain, ce n'était pas si simple du coup pour lui: il n'avait jamais su comment s'y prendre et avec l'âge qui avançait, Zeke constatait qu'il n'y arriverait probablement jamais. Les gens le trouvaient beaucoup trop bizarre habituellement et il ne rencontrait pas grand monde dans ses hectares de champs. Ce jour-là, il avait rencontré officiellement Eve et il avait l'effort d'accepter une invitation à dîner, comme si c'était quelque chose qu'il faisait tous les jours alors qu'il n'oserait certainement jamais lui dire que c'était une première pour lui. La preuve, il ne savait absolument pas quoi faire de ses dix doigts et ce fut une aubaine que l'enfant lui saute dans les bras pour une merveilleuse distraction. "Tu veux grimper dans mes bras toi aussi?" Il souriait parce qu'elle n'était effectivement pas bien grande, la blonde, et elle ne devait pas être beaucoup plus lourde par ailleurs. Zeke avait du coup l'air du parfait géant dans cet environnement avec deux enfants qui papillonnaient, les chiens qui ne rechignaient pas, quelques insectes et Eve qui courait partout pour tâcher de recevoir son invité de la meilleure manière possible. "Ça me va comme plan." Ezechiel n'osait pas non plus lui dire qu'il n'avait jamais été intégré nulle part, pas même dans sa propre famille. Il était l'enfant raté, celui qui n'avait jamais réussi à valider le moindre diplôme, qui butait sur toutes les lettres de l'alphabet, le cas désespéré de base dont on ne pouvait qu'avoir honte. "C'est pas mal d'avoir peur." Lui n'avait pas peur des animaux, il était le premier à gambader à travers champs avec les serpents mais Zeke était sûrement effrayé des humains en contrepartie alors, allez savoir ce qui était le pire au bout du compte. "Je te suis." Ce n'était sûrement pas bien grand mais Zeke trouvait le tout cosy, Jacob aussi sûrement puisqu'il ne rechignait pas entre ses bras, à croire que sa stature étrange ne dérangeait pas tant les enfants, une première victoire pour Blythe dans sa petite existence pitoyable.

C’était agréable de recevoir Zeke chez moi. d’avoir quelqu’un avec qui discuter qui n’avait pas deux ans ou six et qui ne parlait pas soit de poissons, soit d’insectes. D’ailleurs Lisa semblait aux anges depuis que le géant lui avait dit qu’il aimait bien ses bestioles. Pour ma part, la première fois qu’elle m’en a ramené un à la maison, j’ai fait un bond au plafond. Je ne suis pas le genre de nanas qui apprécie les insectes mais je ne suis pas une chochotte non plus. si elle avait adoré les serpents, je pense que là, j’aurai pu m’en faire. Mais à la place, nous avions trouvé le compromis des phasmes et je l’emmenai régulièrement dans les parcs pour qu’elle puisse en voir, les photographier et les « dessiner » plus tard. N’oublions pas qu’elle n’a que six ans et demi et donc que les dessins sont assez grossiers. Mais étant mère, je dois m’extasier sur tout ce que fait ma chère tête blonde et donc ses dessins ornent mon frigo en attente désespéré d’avoir quelque chose de plus beau. "Tu veux grimper dans mes bras toi aussi?" Je ris à sa remarque tant elle semble innocente. « Pourquoi pas, ils ont l’air réconfortants et j’ai tout le temps froid. » J’incline doucement la tête avant de me sentir rougir à nouveau tandis que J.J semble à sa place dans les bras du géant. Je n’allais pas m’en plaindre. Il voulait tout le temps que cela soit moi qui le porte. Et il commence à prendre du poids le lascar, je risquai à tout moment le tour de rein. "Ça me va comme plan." Je viens lui faire un petit sourire. Il n’est vraiment pas contraignant. « Tu étais où toutes ces années où j’attendais quelqu’un comme toi ? Je veux dire t’es gentil, t’es pas contraignant et tu sembles être une bonne épaule sur laquelle t’appuyer. T’es presque trop bien pour être réel, Zeke. » Le gentil garçon. Celui qui reste néanmoins inaccessible car il est souvent très loin dans l’univers et qu’on n’en croise qu’un par route. Et souvent, les femmes sont assez stupides pour les laisser partir. « T’es quelqu’un de rare. Je ne suis pas prête de te laisser partir. » Je ponctue ma phrase d’un petit rire bien que mes joues se teintent de rouge. Sérieusement, je devais être une tomate dans une autre vie. "C'est pas mal d'avoir peur." Heureusement. Je le vois qui a une facilité à discuter avec ma fille. « Maman, elle a pas peur de grand-chose. Des gens et des serpents. Y’a des serpents dans ta ferme ? » Elle le fixe avec un petit sourire sur les lèvres avant de courir dans sa chambre, reposer ses phasmes sous mes ordres. Je pousse un soupir avant de refermer le four pour régler la minuterie. "Je te suis." Je fais donc le tour avant d’étendre mes bras. « Donc là, t’as le salon et la cuisine communicante. » Puis, je prends sa main vacante pour le guider. J’ouvre la porte de la chambre de Lisa. Et constate que cette dernière a encore le nez dans ses insectes. « La chambre de Lisa. Qu’elle partage le plus souvent avec son chien. » Chopin est d’ailleurs dans un coin en train de mâchouiller son jouet. Je referme la porte, laissant de l’intimité à la fillette. « Ma chambre qui n’est pas très grande. Et j’ai souvent soit J.J avec moi, soit Debussy, soit les deux. » Il faut dire qu’il n’y.a qu’un lit et qu’une commode. Le reste ne rentrant pas. « Là, c’est celle de Jacob. Et c’est moi qui ai fait les poissons sur le mur. » Le petit ne bronche pas alors que nous finissons le tour par le balcon (en passant par la salle de bain, mon espace de travail étant dans le salon) où trône mon chevalet avec une toile inachevée. « Et le balcon. Je peins des paysages la nuit. Je ne dors pas énormément donc si nous sommes amenés à être voisins, tu pourras me trouver dehors à peindre le ciel ou l’arbre qui trônera sous mes yeux. » J’ai un petit éclat de rire avant de prendre une profonde inspiration. « C’est pas grand. Mais j’aimais bien cet appart. Seulement, j’ai besoin de changer d’air. » Je laisse la porte entrouverte avant de retourner dans le salon pour venir lui montrer mon espace de travail. « Et voilà l’endroit où je rafistole mes œuvres d’art. Mon petit cocon. »

Il souriait sans trop comprendre pourquoi, juste parce que c'était un moment inédit pour lui, de se retrouver là, entouré d'une famille aussi unique que celle d'Eve. Il n'y avait pas un moment de silence alors que Zeke n'avait l'habitude que de vivre en harmonie avec celui-ci, toujours trop seul au monde pour oser s'en détacher. Le pauvre Blythe vivait dans ses tristes habitudes, la même routine s'édifiant au quotidien, les deux spectres marchant main dans la main vers le néant. Ce jour-là, il modifiait un peu l'affaire, le grand brun, parce qu'il avait accepté cette invitation sans franchement y réfléchir plus avant, se complaisant avec le petit garçon dans ses bruns alors qu'il écoutait silencieusement les propos de la petite blonde. Il y avait quelque chose d'incroyablement réconfortant dans ce genre d'instants, où il n'avait pas grand chose à dire et juste à laisser l'émotion s'installer d'elle-même sur son visage si peu avenant à l'accoutumée. Zeke avait tendance à changer avec le temps, à se libérer du poids de son existence peu à peu et ce, même si un long chemin restait à faire. "J'ai tout le temps chaud." C'était tout ce qu'il pouvait dire parce que Ezechiel n'avait aucune idée concernant le côté réconfortant de ses bras. On ne pouvait pas dire qu'il faisait un câlin à beaucoup de gens au quotidien: pour sûr qu'on devait compter de telles marques d'affection de sa part sur le doigt d'une seule main. Il ne demandait rien, jamais, suivant simplement la direction qu'Eve lui indiquait s'extasiant de chaque recoin de cet appartement pourtant si petit. Il était vivant, cet endroit, bien plus que n'importe quel recoin de la ferme, toujours si vide de vie et de mouvement. "J'étais à la ferme, j'ai pas bougé et j'y bougerai pas, tu sais." Il n'osait rien dire de plus parce que Zeke ne comprenait pas vraiment pourquoi la jeune Eve pensait de telles choses de lui. Il n'était pas grand chose, le grand brun, à part un bûcheron quasi muet toujours prêt à rendre service, rien d'exceptionnel en soi, pas comme son frère, jamais comme Yele. "De temps en temps. Mais si t'arrêtes de bouger, ils passent leurs chemins." Zeke n'avait pas peur des serpents, il avait même l'impression de leur ressembler en bien des points, à ramper à travers le monde sans jamais s'y faire une réelle place. Alors, ils se laissaient tranquilles d'un commun accord. Le tour du propriétaire se finit assez rapidement, Ezechiel se postant dans un coin du salon alors qu'il faisait des grimaces à Jacob pour le faire rire. Rare avec le Blythe. "C'est sympa chez vous. Je sais pas si ce sera aussi sympa dans une ferme, j'espère. T'auras de la place pour tout ça, cela dit. Et je pourrais te donner des meubles pour tout ranger aussi." Il en avait trop et ces créations ne lui apportaient pas grand chose de son côté. Zeke finit par relâcher le garçon qui demandait à retrouver la terre ferme pour aller jouer plus loin. "Ils sont sympas, tes enfants. T'es pas seule, tu vois." Pas comme lui pouvait l'être, se rapprochant d'elle en montrant du doigt la bouteille de vin, ils l'avaient sûrement mérité après une telle journée. Une telle rencontre, surtout.

C’était agréable d’avoir quelqu’un chez soi. Autre que les filles ou les enfants. Je n’avais pas eu d’hommes dans mon appartement depuis… toujours. Aucun homme n’a franchi le seuil de cette porte depuis la mort de mon mari. Et pour la première fois depuis longtemps, je ne ressentais pas de culpabilité. Je ne me posais pas de questions alors que d’habitude, mon cerveau tournerait dans tous les sens. Je serai en train de me demander quoi faire. Mais Ezechiel dégage un calme qui m’enveloppe comme une couverture en pilou pilou. Je m’autorisai un soupir de soulagement alors que mon petit dernier était dans les bras de Zeke. "J'ai tout le temps chaud." Je me penche pour le regarder un instant, un sourire aux lèvres. Quand j’y pense, je n’avais pas cessé de sourire de la soirée. « Hm. Donc tu es grand, très grand, brun, les yeux foncés. Musclé et tu as tout le temps chaud. » Je prends une profonde inspiration. « Tout l’inverse de moi. » Je passe une main dans mes cheveux comme pour étayer mes propos. Je décide donc de me rapprocher un peu de lui. Comme Icare attiré par le soleil avant d’ouvrir ma bouche, comme d’habitude. Il était rare, je le sentais. L’adage disait « too precious for this world ». Je n’avais pas envie de m’approcher de lui à cause de la malédiction. Celle qui planait sur ma tête mais je demeure attirée. Sans doute car il est le seul qui ne me fait pas de sous-entendu dégueu ou qu’il ne regarde pas mes seins toutes les trois secondes. "J'étais à la ferme, j'ai pas bougé et j'y bougerai pas, tu sais." Je vins doucement lever la main pour venir la poser sur sa joue alors que mon regard se vrille au sien. « Donc il ne tiendra qu’à moi te venir te rejoindre. » Sans m’en rendre compte, j’étais en apnée. Alors, je décidai à rompre le contact de ma petite main sur la joue du géant pour me tourner vers ma fille qui nous exhibe ses insectes. Et qui décide de parler de serpent. Je sens toute couleur quitter mon visage. "De temps en temps. Mais si t'arrêtes de bouger, ils passent leurs chemins." Je sursaute sur place, peu à l’aise avec la conversation. Un gémissement semblable à celui d’un cochon d’inde s’échappe de mes lèvres. « On pourrait parler d’autres choses, dis-je en sautillant d’un pied à l’autre, aie aie aie j’avais oublié l’attelle. » Je découvre mon pied blessé avant de montrer à Zeke le résultat de notre journée. Je me décide à le prendre par la main et lui faire le tour du propriétaire. Mon appartement n’est pas bien grand. Mais j’aimais bien ce petit cocon. Seulement, j’avais besoin de changer d’air. Et ma conscience me souffla que je devais me rapprocher d’Ezechiel. Alors que je m’assois sur le canapé, je le vois faire des grimaces à Jacob et j’éclate de rire. Bien qu’il me semblât très timide, il ferait un bon père. "C'est sympa chez vous. Je sais pas si ce sera aussi sympa dans une ferme, j'espère. T'auras de la place pour tout ça, cela dit. Et je pourrais te donner des meubles pour tout ranger aussi." Je vins sourire avant de voir que Jacob voulait descendre de ses genoux. « Et je pourrais te peindre des trucs au mur. Même des serpents si tu veux. » J’ai un léger rire en espérant secrètement que non. Ma phobie était telle que je ne pouvais même pas en voir un en photo. "Ils sont sympas, tes enfants. T'es pas seule, tu vois." Je me rapproche un peu de lui avant d’hésiter à venir passer une main dans ses cheveux. « Ce n’est pas de ce genre de solitude que je parle. » Mes doigts glissent dans les cheveux du brun avec délicatesse, sans trop le brusquer alors qu’il me montre la bouteille non loin de nous. « Tu vois, l’avantage d’avoir vécu en France pendant des années, c’est que je sais déboucher une bouteille de vin sans me taper la honte. » Je mets fin au contact agréable pourtant pour venir me pencher et me saisir du tire-bouchon. Avec une facilité déconcertante, j’ôte l’opercule ainsi que le bouchon de liège pour commencer à servir. « Par contre, je ne tiens pas l’alcool. Mais avant… » Je me tourne vers lui pour me pencher et venir déposer mes lèvres sur sa joue, laissant mes cheveux trempés chatouiller son nez. « Merci d’avoir été là aujourd’hui, murmurai-je à son oreille, et merci d’être venu ce soir. » Je me redresse, rouge vif avant de venir replacer une mèche de cheveux. Enfin plutôt de tirer dessus comme si ma vie en dépendait. « Désolée si… enfin si je te gêne avec mes gestes mais je suis tactile. Et j’aime bien faire des câlins Puis…. Enfin… je sais pas… quelque chose me dit que t’en as pas eu assez. » Je vins pencher la tête, consciente que je devais ressembler à une tomate. Bonjour à toi la honte et rebienvenue.

Il était évident qu'ils ne se ressemblaient pas le moins du monde, elle si fluette et si blonde, lui le grand brun à la carrière impressionnante. Le jour et la nuit. Dans ce scénario, pour sûr, Zeke était la nuit avec ses cheveux couleur de jais, cet air toujours si renfrogné, ce sourire qui peinait à venir. Il n'était pas aussi à l'aise qu'Eve avec les gens, sûrement parce qu'il manquait d'expérience en termes de sociabilisation, il avait sauté toutes les étapes, passant de l'enfant au vieux garçon en un battement de cils. On ne pouvait pas dire que Blythe appréciait grandement a condition mais on ne pouvait pas dire qu'il avait le choix maintenant que le mal était fait et que le destin avait pris soin d'éloigner toute personne de lui et de sa ferme. Du moins jusque là. Maintenant, c'était amené à changer car Eve avait parlé de déménager dans les environs de sa modeste demeure et qu'il n'y avait jamais eu personne à venir se mettre aussi proche de lui, l'éternel solitaire. "C'est bien de rencontrer son opposé." Il lui fit un clin d'oeil gêné parce que la belle Zimmer avait joué le rôle du faucon, captant le moindre trait de sa stature pour en dessiner un portrait aussi fidèle en l'espace de quelques mots. Ezechiel, lui, n'avait pas spécialement fait attention à tout cela, il ne voyait pas grand chose, tout coincé qu'il était dans ce corps qu'il n'appréciait franchement pas beaucoup. "T'as tout compris. C'est ton choix." Il ne se rendait qu'à peine compte de ce qu'Eve vivait, de ses joues rougies à ses attentions si tendres. Zeke n'en avait pas l'habitude de son côté mais il ne cillait pas, son regard se perdant le sien alors qu'il souriait légèrement, c'était fin, voilé mais relativement mignon. Heureusement que Jacob s'exprimait à ce moment là pour que la situation reprenne une ambiance légère, Zeke se retrouvant à la suivre un peu partout dans l'appartement, jusqu'à ce que leur route termine sur le canapé, la bouteille de vin les happant dans une tourmente à venir, à coup sûr. "Des chiens, ça m'ire très bien." Il aimait tous les animaux mais rien n'arrivait à la cheville de ses compagnons à quatre pattes, qui vivaient pour leur loyauté, un peu comme lui, qui ne lâchait pas une personne qui entrait dans sa vie. On pouvait le blesser de mille façons que Blythe restait accroché fermement, le masochisme le portant aux nues de bien trop de manières. Il tourna finalement la tête vers Eve, elle qui faisait jouer sa main dans ses cheveux, le brun se laissant faire en l'écoutant silencieusement, une habitude qui ne changeait jamais avec un homme comme lui. "Moi aussi. Je bois jamais. Tu parles de quelle solitude?" Zeke les connaissait toutes, lui n'ayant jamais vécu autrement qu'avec cette vieille amie qui semblait peu encline à le lâcher désormais. Il reçut le bécot de Zimmer, ses joues rosissant à vue d'oeil, fait qu'il tut autant qu'il le put, en un sourire timide parce que c'était un fait que Zeke n'avait pas l'habitude de tout cela, il ne connaissait pas franchement l'affection dans ses grandes lignes. "Avec plaisir, tu le sais. Je peux pas te contredire. Je suis pas le genre de gars qu'on a envie d'approcher normalement." Il faisait peur, Zeke, on le prenait pour un fou et c'était quelque chose qui l'avait tant blessé. "T'as pas peur de moi." Elle ne serait pas là autrement. "Tu me trouves pas bizarre." Ses yeux étaient ancrés dans le sien, exposant ses faits, sans savoir si c'était une première ou non, Zeke voyait qu'elle avait les joues rouges mais peut être qu'il aimait bien cela, lui.

L’artiste qui était en moi pouvait noter chacun des traits de mon nouvel ami. La taille de son menton, la longueur de ses cheveux, la teinte foncée de ses pupilles. Je notais tous ces petits détails dans le fond de ma tête. Car je dessinerai sans aucun doute Zeke. Une aura planait autour de lui. je pouvais la voir. Il était plus lumineux qu’il voulait le croire. Il avait cette bienveillance, aucune lueur qui trahissait un vice. Vertueux sans aucun doute. Un être pur. Et pourtant toute sa stature pouvait effayer, ce qui au contraire m’attirait. "C'est bien de rencontrer son opposé." Je vins froncer le nez avant de lui faire mon sourire le plus grand, le plus lumineux. Jacob se tourna vers moi. « Souris. Petite souris. » Je roulai des yeux alors que mon fils vint nicher sa tête dans le creux de l’épaule de Zeke. Je vins prendre une profonde inspiration. « Enchantée à toi mon opposé, je suis une toute petite souris, dis-je avec la voix semblable à celle du rongeur dans Cendrillon. » Il faut dire que je chantais presque tout le temps et que tous les soirs, mes enfants avaient leur berceuse. Et puis quand on a un tout petit qui pleure souvent, on apprend à faire des choses. « Ma capacité spéciale. Toi tu es grand et moi, je sais… » Je vins grimacer avant de dodeliner de la tête. « faire des voix. Ah et je chante. Tout le temps. » Lisa qui est revenue vers nous, hoche vigoureusement la tête, secouant ses boucles blondes par la même occasion. « Elle fait chanter les petits pains. C’est trop drôle et ça fait rire J.J » Je roule des yeux avant de me tourner vers ma fille qui me fait son sourire de peste. Je la décoiffe alors que Jacob reste niché dans son perchoir. Je décide donc de lui faire faire le tour du propriétaire même si l’appartement n’est pas bien grand. Contrairement à Zeke qui est immense à côté de nous trois. Je vins cependant me poser afin de permettre à ma cheville de dégonfler un peu. Je me tourne vers Zeke qui me propose des meubles. Je reste incrédule un instant avant de pencher la tête sur le côté. "Des chiens, ça m'ira très bien." Je jette un coup d’œil à Debussy qui s’est approché de nous et qui nous fixait en silence. « Des chiens, ça sera. » Je vins sourire. J’allais finir par avoir une crampe à la mâchoire. Je décide passer la main dans les cheveux soyeux de mon invité. Trop tactile. J’aime le contact de ses cheveux sous mes doigts. Alors, je l’informe cependant que je ne tiens pas l’alcool. "Moi aussi. Je bois jamais. Tu parles de quelle solitude?" Je vins rougir en pensant au fait que j’allais devoir mettre des mots. Je tente de réfléchir afin de ne pas le brusquer ou de formuler correctement la chose en anglais. L’allemand à tendance à reprendre le dessus quand je suis confrontée à une situation épineuse. « Eh bien la solitude sentimentale. Se réveiller à côté de quelqu’un, avoir le cœur qui bat plus vite en sa présence. » Je baisse la tête, les joues en feu avant de prendre une profonde inspiration. Je décide de changer d’atmosphère en ouvrant la bouteille de vin. Ça, je sais faire même si je n’en ai pas bu beaucoup. Et je ne sais pas ce que vaut le vin australien. Je vins cependant me pencher pour venir le regarder, ma jambe repliée sous moi, lui faisant face. "Avec plaisir, tu le sais. Je peux pas te contredire. Je suis pas le genre de gars qu'on a envie d'approcher normalement." Une sorte de connexion s’établit entre nous alors que ma main vint se poser sur sa joue. Je ne cillai pas, ne le quittait pas du regard. "T'as pas peur de moi." Je ne bougeai pas, consciente qu’il essayait de me confier quelque chose. Mon cœur commença à battre un tout petit peu plus vite. "Tu me trouves pas bizarre." Je restai en apnée avant de venir m’approcher de lui. Mon visage étant bien trop près du sien. « Tu ne fais pas peur, Ezechiel. » Ma main continue de pianoter sur sa joue à mesure que mon sourire vint s’élargir. « De même que tu n’es pas bizarre. Ou si tu l’es, je le suis également. » Je vins me mordiller la lèvre inférieure avant de sourire. Je ne sais pas quelle force me pousse à faire ça mais je me penche pour venir effleurer ses lèvres, presque sur le point de l’embrasser quand la minuterie du four vint à sonner. « Sauvé par le gong, murmurai-je. »
Et le moment fut rompu.

C'était presque normal de se retrouver là alors que rien n'aurait pu laisser présager une telle issue quand Zeke s'était dirigé le plus naturellement du monde vers le refuge. Il était juste venu pour réparer quelques grillages, faire sa bonne action du moment parce qu'il n'aimait pas rester inactif et qu'il n'avait rien à faire à la ferme cet après midi là. Au bout du compte, il s'était retrouvé à partager un moment avec Eve, un moment qui s'était étendu à un deuxième moment le soir-même dans un cocon familial que Zeke découvrait au fur et à mesure. Ce genre d'atmosphère, le grand brun n'avait jamais pu connaître puisque son petit frère avait tout fait pour fuir la ferme dès qu'il avait pu. De leur côté, ses parents restaient des personnes renfermées qui n'avaient jamais réellement su communiquer avec leurs enfants, Ezechiel avait franchement récolté de ce trait idiot de leur personnalité. Il ne s'épanchait jamais non plus, apparemment incapable de faire preuve de la moindre expression facile émotive, sûrement par peur du jugement. Il en avait subi tant quand il était encore à l'école, le grand brun, toujours en proie aux moqueries de ses camarades qui l'observaient de travers parce qu'il n'arrivait pas à enchaîner deux syllabes au moment de la lecture. Pour la peine, il n'ouvrait plus un seul livre, ne faisait plus preuve de la moindre initiative à ce sujet, se laissant vivre plus qu'autre chose, toujours renfermé. Toujours perdu. "Tes talents sont plus intéressants que les miens." Il ne savait pas chanter et effectivement, à part être grand, le pauvre Ezechiel ne savait pas faire grand chose qui en valait la peine. Des meubles, un point, c'était tout. "J'espère pouvoir écouter un jour." Eve bordait ses enfants en les faisant sourire le soir et c'était quelque chose que Blythe aurait tant voulu avoir mais il faisait sans maintenant. Il restait curieux cela dit, assez pour la suivre jusqu'au divan, les enfants ayant disparu dans leurs chambres respectives, certainement ennuyés parce que Zeke n'était plus une nouveauté passé les quinze premières minutes. Le grand brun n'en était pas dérangé, il appréciait les enfants pour leur capacité à passer à autre chose en moins de temps qu'il ne s'en fallait, il aurait aimé être comme eux. A la place, il était le grand dadais qui prenait toute la place dans le canapé, ce qui accentuait cette proximité inédite avec la blonde. Celle-ci le touchait et Zeke restait immobile, son regard dans le sien à froncer les sourcils parce qu'il ne pouvait pas dire qu'il comprenait un tel manque. Pas lui. Jamais lui. "Je sais pas ce que c'est." Il était honnête au moins, quoique honteux de n'être que cet homme seul qui faisait peur à n'importe qui. Le brun exposait donc les faits au bout du compte: Eve restait là, proche de lui, à lui sourire et lui assurer qu'il n'était pas quelqu'un d'horrible à éviter à tout prix. Une première, là aussi. "T'es pas bizarre." Elle était maladroite certes, mais elle n'était pas étrange, Eve. Elle essayait juste de s'en sortir, seule avec ses enfants. Il l'admirait pour cela parce qu'il n'aurait pas su faire à sa place, tout comme il ne savait pas faire ce qu'elle faisait là. Le regarder ainsi, rapprocher son visage du sien tout naturellement, sentir son souffle si proche et finalement, le moment qui mourait avant que quelque chose de réel ne se construise, le four étant le principal fautif dans l'affaire. Ezechiel ne bougeait toujours pas cela dit, gêné au possible, ou tout du moins, perturbé par ce qui aurait pu se passer là. "T'as fait quoi à manger?" Il avait oublié de réfléchir parce qu'il la regardait avec ses grands yeux bruns et qu'il avait l'air mignon. Bizarre mais mignon, un cliché idéal pour Zeke.

"Tes talents sont plus intéressants que les miens." Je me sens rougir à nouveau avant de baisser la tête pour cacher mon visage. Je ne sais pas comment réagir face aux compliments. Parce qu’on ne m’en a pas fait énormément. J’ai dû apprendre à me débrouiller toute seule à l’orphelinat. Avec le vieux chat pour me tenir compagnie. Je l’avais nommé comme celui dans Bernard et Bianca et je le forçai à porter des écharpes. Rufus. Quand le choix me fut offert de garder ou non ma fille, je n’ai pas hésité. "J'espère pouvoir écouter un jour." Mon fils poussa un cri de ravissement alors que Lisa levait les yeux vers Zeke. « Elle nous chante une chanson tous les soirs. Donc tu entendras ce soir. » Je regarde Lisa avant de plaquer ma main sur sa bouche. Il est vrai que j’avais pris cette habitude de leur chanter une berceuse à chaque fois qu’ils allaient se coucher. « Je n’ai jamais eu de parents. Donc, j’essaie de leur apporter le plus d’amour possible. » Lisa en vint à me lécher la main avant de me faire les gros yeux pour tourner les talons. Puis, je vérifiai que Jacob allait bien, histoire qu’il ne refasse pas une crise avant de faire faire le tour du propriétaire. Tour vite-fait, enfants qui ont décampé pour nous laisser un brin d’intimité. Lisa devait encore jouer avec Chopin et Jacob avec sa peluche. Je les avais sans doute un peu trop bien élevés sur le coup. Pas contraignants pour deux coups. "Je sais pas ce que c'est." Je reste interdite avant de me tourner vers lui. Personne ne l’avait jamais aimé ou il n’avait jamais aimé. « Et j’en suis désolée. » Cela me fait réellement de la peine car Zeke était un homme bien. Il suffisait d’un coup d’œil pour le voir. Que c’était un homme à part. Je vins poser ma main sur la sienne. « Tu trouveras quelqu’un qui t’aimeras et que tu aimeras. Et la première fois, c’est toujours magique. » Je le savais car j’avais dix-neuf ans quand je suis tombée amoureuse pour la première fois. et même si la chose n’avait pas marché. « Je suis amoureuse de l’idée même d’aimer mais je ne suis pas assez jolie. Je ne suis pas séductrice, un peu potiche. » J’eus un sourire gêné alors qu’un moment vint s’accorder à nous. Alors que nous nous faisons face, je peux voir une bulle nous englober, nous couper du monde. Je l’ai déjà ressenti ce moment. Lorsque nous étions au refuge côte à côte. Bats-toi, m’avait-il dit. Je le fixe avec un sourire attendri. "T'es pas bizarre." J’eus un véritable éclat de rire. Gênée au possible. « J’imagine des choses dans ma tête. Je suis bourrée de tocs et il y a ça. » Je lui montre mes joues rosies en permanence. « Mais c’est bien d’être bizarre. » A mesure que mon visage se rapproche du sien, mon pouce caresse sa joue. « Cela nous rend unique. » J’avais susurré ses mots à mesure que mon regard fouillait le sien. Que je cherchai un signe pour me faire reculer. « Et tu es unique, Ezechiel. » Alors que je m’apprêtais à l’embrasser, le four vint se mettre à sonner et je me redressai comme un piquet. De nouveau ma timidité refit surface et je déglutis. "T'as fait quoi à manger?" Le fil de mes pensées. Qu’ai-je fait à manger ? « Des lasagnes. Et j’ai fait un gâteau aussi. » je me mis à jouer avec mes mains avant de me redresser. Debussy vint me rejoindre pour venir poser sa grosse tête sous mes doigts. « Je… je savais pas ce que tu aimais donc… j’ai improvisé. » Le four vint à sonner une seconde fois alors que je tournai la tête. « Est-ce que tu… enfin tu pourrais aller chercher Jacob ? LISA VIENS METTRE LA TABLE, criai-je à l’intention de ma fille. Je suis… » Il fait chaud là non ? Je suis certaine que je dois être rouge comme une cerise. « désolée, murmurai-je. » Je sentais que je commençai à paniquer car à chaque fois que j’étais un peu attirée par un homme il y avait des complications. Je me rendis donc dans la cuisine toujours la tête basse. « Stupide malédiction. » Je vins me saisir de la manipe avant de sortir le plat du four.
Et l’agitation recommença.

Il ne se sentait pas très important, Zeke, du moins franchement peu utile. Certes, il savait fabriquer des meubles en bois mais vu que la mode tournait autour d'Ikea, autant dire que le concept paraissait superflu. Autrement, il savait couper du bois mais on ne pouvait pas franchement dire que c'était ultra glamour dans le genre et le tout s'arrêtait plus ou moins là. Autant dire qu'il n'était pas grand chose et qu'il ne comprenait pas tout à fait sa place dans le monde, ce n'était pas faute d'essayer mais Ezechiel n'avait jamais été bon pour mettre des mots sur les choses, encore moins lorsqu'il était question de lui et de ses émotions. Alors, il n'y pensait pas, se laissait aller à la simplicité, au sourire qu'il dirigea vers la petite famille quand Lisa faisait n'importe quoi pour attirer l'attention de sa mère, à tous les coups. "Je me ferai tout petit, promis." Si elle était une souris, il pourrait être une simple fourmi, un animal robuste mais qui ne faisait pas un brun. Cela tombait bien car Blythe avait l'habitude d'être l'homme invisible et s'il voulait avoir la chance de se frayer une petite place pour le concert de la soirée, il ne se ferait pas prier. Pour le reste, il faudrait voir car l'ambiance avait subitement changé une fois que les enfants avaient décampé. Tout cela aurait pu être gênant et très silencieux, avec Zeke, c'était trop souvent le cas mais Eve avait l'air encline à parler pour eux deux et commenter tout ce qui pouvait se tramer dans la pièce. Ezechiel ne se rendait pas compte de grand chose car il ne vivait jamais ce genre d'instants, il ne s'était jamais trouvé d'occasions pour être honnête tellement il était nul avec les gens, un fléau qu'il portait sur ses épaules depuis son adolescence. Pourtant, Eve n'avait pas l'air de voir l'affaire d'un mauvais oeil, bien au contraire. "Tu dis des bêtises. T'es jolie." Plus que lui ne l'était avec son visage si particulier et sa dégaine mal assurée. Eve devait attirer bien des regards, elle la petite blonde maladroite mais qui avait tant à dire. Elle était différente, c'était ce qui était beau chez elle parce que ne pas savoir séduire devait être un plus pour avoir tous les passe-droit du monde avec le grand Blythe. "Rougir de temps en temps te rend pas bizarre. Moi aussi, je le fais." Souvent même, vu le peu d'expérience en société qu'il avait. Zeke n'était pas très à l'aise avec les gens, pas plus qu'il ne l'était avec lui-même mais tout cela lui venait naturellement avec Eve. En tout cas, il avait l'impression de pouvoir lui parler sans avoir peur de ce qu'elle dirait en retour. "Je suis juste Zeke." Son prénom entier ne lui seyait plus depuis longtemps et il ne se pensait pas unique, alors qu'il déglutissait tant bien que mal dans cette bulle étrange qui s'était formée autour d'eux. Une bulle qui éclata sèchement, Eve se relevant à grande vitesse pour parler beaucoup trop pour que cela ne cache rien. "C'est parfait, t'en fais pas. Je vais voir le petit." Cela l'aiderait à occuper ses mains, ce qui n'était pas une mauvaise chose car il n'avait aucune once d'idée d'où les mettre pour le coup, sûrement plus gêné qu'Eve par ce qui aurait pu se passer avant le bip tonitruant du four. Il accourut donc dans la chambre pour attirer Jacob entre ses bras géants et le ramener dans la pièce de vie où tout le monde fourmillait jusqu'à s'asseoir à la table, un Zeke silencieux ne sachant pas où se mettre. Grand idiot. "Je peux aider?" Il n'aimait pas être le grand idiot justement, qui n'avait rien à faire alors il vint aider Eve à sortir le plat, ne se rendant pas compte que la proximité pouvait être gênante à nouveau mais elle menaçait sévèrement de se brûler vu la vitesse à laquelle elle réalisait ses mouvements. "Doucement, tu vas te blesser." Qu'il lui murmura en la toisant avant d'attraper le plat réellement et de servir les enfants délicatement, l'invitant à s'asseoir pour qu'elle se calme. Parce qu'elle paniquait là, non? Lui ne comprenait pas tout à fait pourquoi, en apparence.

"Je me ferai tout petit, promis." Comme si c’était possible. Je la regarde avant d’éclater de rire tandis que Lisa hausse un sourcil. Jacob quant à lui d’un naturel silencieux nous regarde. Ses yeux sombres se posent sur moi et me scrutent le temps que je bataille avec Lisa qui m’a léché la main. Elle tourne les talons, s’éloignant en sautillant. Pas de doute, même s’il s’agissait de mon portrait craché, elle avait le caractère de Pierre. Je la retrouvais un peu plus en lui tous les jours. Dans sa manière de lever les yeux au ciel, dans sa manière de ne pas voir l’imaginaire. Elle n’avait que quatre ans quand on lui a arraché son père de substitution. Quand son petit frère est né et est resté en couveuse les deux premiers mois de sa vie. Depuis nous ne nous quittions pas d’une semelle tous les trois. Laissant que très peu de personnes entrer dans mon cocon, la prison qui m’a retenu captive pendant des années. Assise sur le canapé, le bambin envolé je me retrouve en tête à tête avec Zeke. Et je reste sans voix quand il m’annonce ne jamais avoir eu d’avoir de copines, ni d’aventures donc. Je n’osai imaginer ce qu’un homme aussi charmant que lui avait dû vivre en étant seul ainsi. "Tu dis des bêtises. T'es jolie." Je sens de nouveau mes lèvres se tinter. Je vins le regarder avec mon petit sourire timide, sur le visage. « Et toi Zeke, je te trouve très beau. » J’avais dit cette phrase en français. Presque sans accent avant de me reprendre. Je vins à jouer avec une mèche de cheveux pour ne pas oser le regarder. « ça veut dire que je te trouve très séduisant. J’aime les géants bruns au regard sombre. » Et pourtant, je n’en avais eu qu’un dans ma vie : Jacob. Il faut dire que je ne suis pas particulièrement une tombeuse comme femme. « Et si tu te poses la question : non je n’ai pas de succès avec les hommes. Parce que je ne.. » je vins mouliner avec mes bras. « J’ai besoin d’une vraie connexion avant d’en venir à connaître la chaleur humaine. Et comme he refuse d’ouvrir mon lit, je fais fuir. En même temps coucher pour coucher, c’est inutile. Ça prend du temps, c’est salissant et en plus après bonjour l’estime de soi. Un instant de félicité qui dure 4 minutes pour des semaines de remise en question. Non merci, je suis mieux avec mes tableaux. » Je ne sais pas pourquoi je raconte ça. Pourquoi je lui affirme que je suis trop renfermée ? Sans doute parce qu’il te plaît, me chuchote ma conscience. Parce que oui, Zeke me plaisait. Pas comme les autres avant, je sentais qu’avec lui, ça pourrait être naturel, solide. Et que je n’aurai pas à craindre qu’il me laisse. « Et puis les hommes ne me choisissent jamais. » Je vins baisser la tête de nouveau avant de venir masser mon pied. « Le père de Lisa m’a abandonné quand je suis tombée enceinte, me demandant d’avorter et est retourné auprès de sa famille de riches. Et Jacob, il a choisi la guerre. Il est parti quand j’étais à 4 mois de grossesse et j’ai accouché deux mois avant le terme parce qu’il était mort. » Je cache mon visage un instant avant de regarder la porte de la chambre de mon fils. Il n’y a jamais eu que nous trois. Serai-je prête à laisser Zeke entrer dans nos vies sans qu’il y ait de la casse ? Je n’en ai aucune idée. Mais la connexion que j’établis avec lui est si rare. Une connexion que je n’ai ressenti qu’une fois auparavant. Je me perds dans ses yeux, dans leur reflet sombre. Ma main caresse sa joue avec une facilité déconcertante à mesure que je rapproche mon visage du sien. J’avais envie de le découvrir. De percer le mystère. "Rougir de temps en temps te rend pas bizarre. Moi aussi, je le fais." Mon sourire s’élargit, un sourire enfantin, sans doute trop lumineux. J’aurai aimé être capable de le séduire. Mais je ne savais pas comment faire. J’avais vingt-six ans et je n’étais qu’une potiche face à cet homme si rare. Je me redresse donc d’un bond. Il ne faut pas. Pas parce que je portais encore le deuil de mon mari. Non parce que tous les hommes de ma vie sont partis. Comme une malédiction. Je ne voulais avoir le cœur en miettes de nouveau. Et puis si je ne lui plaisais pas. Autre réalité. Mon cerveau commence à imaginer des scénarios plus farfelus les uns que les autres. Je tente de sourire, les yeux perdus dans le vague alors qu’il m’annonce partir voir Jacob. Je commence donc à batailler avec le plat, les mains tremblantes. Je peux sentir sa présence derrière moi. Et bien que le moment fut bref, j’appuyai ma tête contre son torse en fermant les yeux. "Doucement, tu vas te blesser." Sa voix est chaude, elle m’enveloppe et je pourrais presque ignorer la présence de mes enfants. Je le laisse donc faire avant de prendre place près de Jacob. « Dis Zeke, tu pourras me rendre un service ? » Je me tournais vers Lisa qui ne parlait pas beaucoup aux étrangers pourtant. « Tu pourrais me mettre des insectes de côté pour quand je viendrai ? J’ai envie de les voir. Et maman pourra les dessiner. » je vins rire. « Depuis quand tu me donnes du maman à tout bout de champ ? » Elle fronça le nez comme j’avais l’habitude de le faire. Puis, elle ignora ma question alors que je m’attardai sur Jacob. « Allez dis ouiiiiii et je te laisserai jouer avec Chopin. » Son chien vint passer entre mes jambes avant de venir vers le géant, posant sa patte sur la jambe de ce dernier. « Certainement pas, Chopin. Tu oublies de suite. Tu es assez gros comme ça. » Puis tous les trois, on éclata de rire alors que le chien commença à nous « parler » en se mettant à faire des sons différents avec ses aboiements pour réclamer de la nourriture. « C’est comme ça tous les soirs. Son père est plus calme. » J’avais tenté de dire ça au-dessus dela conversation entretenue par Chopin. Qui semblait vouloir amadouer Zeke et déclencha mon premier fou rire depuis longtemps.