Elle dormait pas, bien sûr qu'elle dormait pas. Y'avait aucun bruit dans cette maison, aucun auquel elle était habituée déjà. Parce que le plancher craquait, parce que le vent dehors martelait les fenêtres, parce qu'elle entendait la pluie qui tombait à intervalles tout sauf réguliers sur le toit de tôle.

Ses yeux étaient vissés au plafond, elle oubliait qu'elle devait les fermer pour s'endormir. Elle oubliait qu'elle aurait dû prendre une camomille avant de monter, elle oubliait qu'elle aurait pu changer les oreillers pour en mettre un peu plus, la couver tout autant. Elle oubliait des tas de choses Chloe, mais elle oubliait pas ça. Elle oubliait pas Brisbane, elle oubliait pas Isaac, elle oubliait pas Yele, elle oubliait pas l'enfant qu'elle aurait dû porter, elle oubliait tout sauf ça.

Elle tente de ravaler, mais elle y arrive pas. Un prétexte juste un ; aller chercher un livre au rez-de-chaussée, même si elle en a des tas dans sa valise ouverte mais pas vidée, au coin de la chambre d'invités. Elle devait rester ici que pour quelques jours, mais ses affaires suggéraient qu'elle serait là un peu plus longtemps que prévu, sûrement, elle l'ignore, elle l'oublie ce volet-là.

L'escalier craque sous ses pas, elle espère n'avoir réveillé personne, elle veut être seule Chloe, mais elle redoute la solitude plus que n'importe quoi. Elle n'est qu'un ramassis de paradoxes et de complications, elle est tout et elle est rien.

Et il est là, elle le voit, elle sait pas si lui l'a entendue.
Elle sait pas quelle réponse elle aimerait connaître, quel scénario elle voudrait concevoir.
Elle sait rien, and it's both a blessing and a curse.

@ezechiel blythe

Le silence, il n'aimait que ça. Le silence et le gratin dauphinois de sa mère, sacré loser. Cela dit, de temps en temps, il n'était pas si mal, quand il n'y avait aucune âme qui vive autour de lui pour lui remplir le crâne d'un tas de conneries. Qu'est-ce qu'il détestait quand les gens parlaient à n'en plus finir, ils n'avaient aucun respect pour ce putain de silence qui avait toute sa valeur aux yeux de Zeke. L'éternel fantôme. On ne l'entendait pas d'ailleurs quand il se levait au beau milieu de la nuit, complètement accaparé par son envie de comprendre un semblant quelque chose au bouquin qui traînait sur la table du salon depuis trois mois. Il était poussiéreux, le vieux machin, et à raison puisque qui en avait quelque chose à faire des filles du docteur March? Il y avait trop de mots, trop de confusions dans le crâne de Blythe au moment où il ouvrait le livre et essayait de s'y repérer. Rien ne collait, jamais rien ne collait et il se passa la main dans les cheveux, l'air distrait, se demandant comment il avait pu survivre trente six putain d'années sur cette planète sans savoir lire. Un comble. Il aurait mieux de retourner se coucher au lieu de se trimbaler torse nu dans la grande baraque familiale mais Zeke dormait peu, c'était un peu son mantra dans l'existence. Il fallait dire qu'il ne gaspillait pas tant d'énergie à déblatérer, ça le conservait. Alors qu'il essayait de lire un semblant de phrase -échec cuisant-, il entendit des pas derrière lui et ferma le livre à la hâte avant de se détourner, l'air aussi stoïque que possible. "Hey kid." Chloe. Elle dormait dans le grenier, c'était vrai. Il ne l'avait pas oublié évidemment mais Zeke ne savait pas qu'elle était tout aussi insomniaque que lui. Il tenta un faible sourire en se relevant et allant lui chercher un verre d'eau, le déposant sur la table en évitant son regard. Il aurait peut être dû engager la conversation, oui, parler, Zeke, il paraîtrait que c'était quelque chose que les gens faisaient mais il n'était pas les autres. Il ne savait pas faire, le loser.

"Hey kid." elle sursaute, il se lève, elle le suit des yeux parce qu'apparemment même dans la pénombre elle tente quand même de le faire. Elle lui a dit merci à Zeke, de lui avoir offert un toit en attendant, quelques fois déjà. Mais il a pas répondu, elle n'a pas insisté non plus.

Il file à la cuisine une fraction de seconde, c'est suffisant pour qu'elle repère le livre sur la table basse du salon, qu'elle fronce les sourcils de l'y voir là plutôt que dans la bibliothèque. Mais elle ne dit rien, elle ne fait que resserrer son cardigan autour de ses épaules, le frisson qui coule sur sa nuque qu'elle nie facilement quand il revient avec son verre d'eau, celui qu'elle croit pour lui, celui qu'il dépose à l'intention de la brune en bordure du livre. Et elle prend place dans le canapé, elle se blottit contre les coussins, elle attrape son regard au vol, aussi.

"Tu te lèves ou tu allais dormir?" Chloe qui a appris qu'avec lui, les questions devaient toujours trouver leur réponse en un mot ou deux. Et elle aime bien, ça la rassure. Quand dans sa tête tout tourne trop vite et trop fort, quand dans son crâne jusqu'à son coeur y'a une avalanche de mots et de phrases et d'accusations qu'elle déteste entendre à répétition du réveil jusqu'aux quelques heures de sommeil à peine qu'elle se gratte péniblement. Le calme et le silence du Blythe, c'est tout ce dont elle a besoin.

Il aurait peut être dû lui faire un signe avant de lui dire bonjour, ou plutôt de faire son Zeke habituel qui ne savait pas agir en société. D'où lui venait le kid? Il n'en savait trop rien, peut être que c'était parce qu'elle faisait trois têtes de moins que lui mais qu'elle en jetait dix fois plus, Blythe n'aurait pas su dire. C'était juste devenu normal et tant qu'elle ne lui demandait pas d'arrêter, il perpétuait la tradition. Il sortait de son silence cela dit, dans ces moments là, parce que Zeke et les mots, c'était ne relation relativement complexe. Il n'aimait pas spécialement s'épancher, il avait toujours été meilleur à écouter et ne rien dire, même s'il savait que c'était souvent mal pris. Chloe n'avait pas l'air d'en être traumatisée puisqu'elle s'assit sur le canapé, sans brusquer, elle ne brusquait jamais rien, la brune. Lui apparaissait être la brute notoire avec sa scie et sa pelle à crottins mais il assumait, plus ou moins. Il s'assit de l'autre côté du canapé, sans la regarder, jouant plutôt avec ses cheveux en bataille avant de répondre. Chaque mot avait son importance, toujours avec Zeke. "Entre les deux." Trois mots, on dépassait le record ou presque. "Tu dors pas, toi?" Question con puisqu'elle était là mais Blythe et sa manière de gérer l'affaire, heureusement qu'il communiquait autrement, attrapant le verre d'eau et lui proposant d'un geste de la main et d'un regard délicat. Avec le brun, il fallait savoir lire les entre les lignes, accepter que ses yeux en disent plus que ses lèvres, allez savoir si Chloe arriverait à le réaliser, un jour.

La première chose à laquelle elle pense en le voyant c'est qu'il doit avoir froid. Elle cherche d'un coup d'oeil vif s'il a pas laissé un t-shirt, un pull, quelque chose dans son sillage, mais rien, aucun signe du moindre vêtement pour couvrir son torse dénudé. "Entre les deux." qu'il répond, revenant tout de même se poser à ses cotés sur le canapé, les coussins qui se brusquent sous le poids de Zeke, leurs corps qui ne se touchent pas du tout. Y'a de la distance entre eux, distance qu'elle réduit d'un geste un seul. "Attends..." elle avertit d'abord, mêlant en douceur ses doigts aux mèches du brun qui perdait patience, tentant d'apprivoiser celles qui s'échappaient de ses gestes distraits sans s'éterniser trop longtemps non plus.

"Tu dors pas, toi?" elle s'étonne, il n'a pas besoin de faire la conversation, mais elle apprécie le geste. "C'est presque le matin." Chloe qui laisse un fin sourire en coin orner ses lèvres, pointant du menton la fenêtre derrière eux, celle longeant le canapé, même fenêtre par laquelle on ne voit aucune lueur potentielle annoncer quelque lever de soleil que ce soit. Elle se moque, elle fait dans l'ironie, ça lui est pas arrivé depuis des jours, elle prend ce qu'elle peut quand elle y arrive.

Son regard quitte le visage de Zeke, elle a scruté ses traits, elle les a mémorisés comme tant de fois avant, des coups d'oeil à la volée aux regards soutenus, son profil qu'elle arrête de fixer lorsqu'il lui offre un verre d'eau, l'altruiste. Ce sont les petits gestes qui comptent avec lui, les détails. Il fait des masses de rien, il parle peu, il agit plutôt. Et Cohen qui prend le verre, qui le remercie des prunelles, qui boit comme s'il s'agissait d'une énième dose de courage, ou quelque chose du genre.  

"J'ai jamais lu la fin." qu'elle finit par dire, briser le silence en laissant ses iris glisser sur la couverture du livre qui n'a pas bougé, du livre qu'elle attrape d'un geste lent, naturel, pour faire défiler les pages les unes les autres, arrivant rapidement à l'avant-dernier chapitre qu'elle entame pour la première fois. Sa silhouette se cale contre le canapé, elle se laisse glisser un peu plus creux pour appuyer sa nuque, sa tête complètement. Y'a un regard qu'elle laisse aller vers lui aussi, s'assurant qu'il reste pour une raison qu'elle ignore, mais une raison assez valable pour qu'elle valide.

Elle dégageait ses cheveux en douceur et lui, il la regardait avec ses grands yeux ambrés, ne se concentrant pas une seule seconde sur les doigts qui jouaient dans le noir de ses mèches mais plutôt sur les yeux bleutés de sa comparse. Zeke ne bougeait pas d'un cil, il ne clignait même plus des yeux, il était juste connecté à elle. Comme souvent lorsqu'elle était là. Le monde entier de Blythe s'arrêtait de tourner et il savait que c'était idiot, pourtant, que c'était un comportement de gamin mais son cerveau jouait avec lui. Chloe relâcha ses cheveux et il ne bougeait toujours pas, ses yeux encore et toujours perdus dans les siens, il n'était pas mort pourtant. Ah que non, il était vivant et sa kid le rendait fiévreux, c'était fou. Il ne fit rien pourtant, il l'écouta juste parler, faire sa plaisanterie sur l'heure qu'il était parce que Zeke n'avait pas besoin de se retourner vers la fenêtre pour savoir qu'il faisait nuit noire dehors. Il avait un radio réveil incorporé dans son cerveau, à défaut d'avoir la fonction langage activé correctement, c'était déjà un début. On était loin d'être le matin et Chloe prenait le bouquin qui traînait par là après avoir bu son verre d'eau. Blythe la regardait encore, il ne savait faire que cela, parler avec les yeux, la laisser s'installer confortablement alors qu'il eut un tout petit éclat de rire en la voyant faire. Elle était drôle et lui, il ne savait pas franchement comment faire. De toute façon, il ne savait même pas lire mais ça, Zeke n'allait pas lui dire. Jamais. Il s'installa lui même plus confortablement dans le canapé, son dos contre le dossier, son bras sur l'accoudoir, se tenant le visage en retournant ses yeux brillants vers la silhouette de Chloe. "Tu m'lis le début, kid?" Il n'avait pas réussi à lire une putain de phrase de ce pavé et c'était douloureux pour le fermer qu'il était. Zeke avait toujours été à la ramasse et les études, très peu pour lui. Cela dit, ce n'était pas contre indiqué que Chloe ne pouvait pas être la narratrice au beau milieu de la nuit, si?

Elle les sent, ses prunelles vrillées sur elle. Son regard voilé, tantôt curieux, tantôt fatigué. Elle a appris que Zeke parlait principalement avec ses yeux, ses gestes, elle l'a appris à la dure en se heurtant à ses silences du temps où elle traînait avec Yele, du temps où elle apprivoisait encore sa famille, son entourage. Ce n'est que depuis qu'ils passent des moments comme ceux-là, seuls et ensemble, qu'elle comprend un peu mieux son langage. Qu'elle s'y adapte, véritable petit caméléon prenant le rythme qu'on lui a donné, n'en demandant jamais plus que ce qu'on offre.

"Tu m'lis le début, kid?" le kid, qui revient, encore et toujours. Elle ne s'en heurte pas, lui répond d'un sourire un nouveau, un peu plus soulagée, un peu plus confortable maintenant qu'elle sait qu'il reste. Sa solitude qu'elle troque avec plaisir pour lui, ce soir. Quand demain ce sera différent sûrement, qu'elle s'isolera fort probablement. "Le début, il est ennuyant." elle l'a entendu son rire, Chloe l'a remarqué, alors qu'elle se replaçait, maintenant que sa tête s'arque sur les coussins, qu'une de ses mèche se perd naturellement contre la peau dénudée de son allié d'une nuit, chatouille sa chair sans qu'elle ne le contrôle, sans qu'elle ne l'ignore.

La brune qui feuillette les pages, qui entend le papier craquer sous ses doigts. Elle cherche, elle pense l'avoir trouver, grommelle pour elle-même lorsque ce n'est pas le cas, continue sa fouille. "Ça, c'est mon passage préféré." puis elle y arrive enfin. "Je me souviens du temps où cette main était blanche et lisse, et où ton principal souci était de ne pas l'abimer. Elle était bien jolie mais beaucoup moins qu'aujourd'hui, car toute une histoire est écrite dans ces petites meurtrissures. Avec ces brûlures, ta vanité est partie en fumée. C'est qu'elles ne sont pas là pour rien." chaque mot qu'elle aligne, chaque phrase au ralenti. Elle l'aime depuis toujours cet extrait, elle l'aime encore plus quand il s'applique aussi férocement à elle qu'aujourd'hui.

Cohen qui n'y peut rien, elle qui compare sa main à celle du fermier. La sienne si lisse, si blanche, si propre. Celle de Zeke, sillonnée de marques, de son parcours, d'histoires, de secrets, de travail acharné. "Elle date de quand, cette cicatrice-là?" qu'elle demande, qu'elle ose la gamine. Son index qui quitte la couverture du livre toujours calé contre ses cuisses remontées, pieds ancrés sur le canapé. Son doigt qui apprivoise, un millimètre de distance à peine entre elle et la peau de Zeke. Elle la pointe la ligne fine, creuse, traçant son propre chemin sur le revers de la main du brun.

Où pouvait-il poser son regard sinon sur elle? Zeke n'était qu'un homme mine de rien et les yeux bleus si transperçants de Chloe étaient un attrait qu'il ne pouvait pas nier. Au contraire, il ne pouvait que se laisser emporter par le torrent émotionnel qu'elle essayait de cacher derrière ses prunelles. Difficile de tromper un Blythe: puisqu'il parlait si peu, il avait eu le temps de développer ses aptitudes à lire les autres, tout ce qu'il ne disait pas et c'était un art qu'il continuait de faire valoir, surtout auprès de personnes aussi intéressantes que la belle Cohen. Sa kid, comme il l'appelait, sans être capable de dire d'où cela lui venait. C'était parfaitement naturel, depuis qu'elle était dans le grenier de la ferme familiale, Zeke avait la sensation que c'était le mot le plus approprié pour la décrire sans qu'elle ne se rende compte de l'émoi qu'elle était capable de créer chez le grand ours qu'il était. Ce n'était qu'une carapace bien évidemment parce qu'il n'y avait probablement pas aussi sensible que le brun aux allures de fermier sans cervelle. Au contraire, il avait une intelligence pratique qui ne lui permettait pas de lire correctement mais de construire tout et n'importe quoi avec quelques bouts de bois. Il aurait dû se présenter comme un artiste mais il était bien trop modeste pour utiliser un tel terme, il était même trop modeste pour vouloir exister, prendre la vie à bras le corps et accepter sa différence. A la place, Zeke se cala dans le divan et sentit le frisson léger qui émana de lui en sentant la proximité de Chloe. Il savait qu'elle était là, il savait que c'était tout ce qui avait de l'importance à ses yeux ces derniers temps mais le fermier n'en dit pas un mot, préférant jouer avec ses cheveux à nouveau alors qu'elle tournait les pages pour trouver son passage favori. Zeke l'écouta sans détourner le regard, transporté par le pouvoir des mots, non par son pouvoir à elle surtout mais la brune ne devait pas en avoir la moindre idée à coup sûr. Le grand brun hocha la tête, n'ayant pas le temps de réagir qu'elle avait déjà attrapé sa main pour la comparer à la sienne. Zeke savait qu'elle lui faisait une belle déclaration en le mettant dans le lot des gens qui avaient vécu comme dans le livre mais il n'était pas certain d'être à la hauteur en réalité. Néanmoins, il lui répondit, toujours aussi honnête qu'au premier jour. "Ça, c'était notre vieux chien quand j'étais petit, il m'a confondu avec son bout de bois, il voulait que je garde un souvenir de lui, je suppose." Son regard passa de sa main au visage de Chloé, ses yeux si noirs dérivant vers son cou, un de ses doigts venant se poser là, touchant une marque fine, presque invisible mais elle ne l'était pas pour Zeke. Jamais rien ne restait invisible avec lui, surtout pas quand il était question de Chloe. "Et ça, c'est quoi?" S'ils devaient faire le tour de chacune de leurs cicatrices, ils allaient y passer sûrement le reste de la nuit mais ce n'était pas Blythe qui allait en être gêné maintenant qu'il était levé et surtout qu'il avait osé entrer en contact avec elle. Une folie de plus dans son existence si amère habituellement.

"Ça, c'était notre vieux chien quand j'étais petit, il m'a confondu avec son bout de bois, il voulait que je garde un souvenir de lui, je suppose." ses doigts ses perdent sur la peau de Zeke, elle refait le trajet de sa cicatrice comme si elle allait la réparer, comme si elle allait l'adoucir, comme si elle allait la faire disparaître. "Aouch." elle fait écho au souvenir qu'il lâche comme quelqu'un qui n'en a pas gardé aucun séquelle, si ce n'est la fine ligne sur sa paume. Elle se rappelle les chiens qui vont et viennent sur la ferme, l'air de gamin qu'il exhibe quand il est avec eux, quand il joue avec eux. Y'avait aucun traumatisme de relié, du tout. Elle l'a jamais vu aussi heureux et autant lui-même que pendant ces moments-là, ceux où il ne sait pas qu'elle le voit, ceux où elle s'incruste, où elle s'impose en silence, à ne pas les lâcher des yeux montée tout en haut dans la chambre qu'il lui a aménagée, pour le moment.

Pour le moment. Elle a pas mis de date de fin pour son séjour, elle arrive pas à se mentir à ce point. La vérité c'est qu'elle s'y plaît Chloe, autant atypique et aussi étonnante sa cachette puisse-t-elle être. Elle s'y plaît à habiter ici avec son univers entier en pause, elle s'y plaît à avoir laissé à Zeke le pouvoir de lui construire un cocon dans lequel elle se complairait tout le temps qu'elle pourra, tout le temps qu'elle devra. "Et ça, c'est quoi?"

Sa main est rêche, sa peau a travaillé. Ses doigts sont chauds, elle sursaute pas à son contact, elle le sent rassurant, naturel, instinctif. "J'oublie tout le temps qu'elle est là." ses yeux ont suivi l'index du brun, elle a ramené le sien au même endroit rien que pour jouer fairplay, rien que pour dégager l'encolure de son pull et lui montrer qu'elle continue encore un tout petit peu la marque, sur sa clavicule. "C'était au Chili, j'avais 16 ans." premier et seul voyage qu'elle a fait hors du pays, première fois qu'elle voyait le monde. Elle y était allée pour faire du bénévolat, pour construire une école avec des camardes de classe. 3 mois à vivre dans des bidonvilles, à être confrontée à ce à quoi ressemblait la vie quand on n'avait rien, rien du tout. "Une piqûre d'insecte venimeux, j'ai fait de la fièvre pendant 2 jours avant qu'ils arrivent à trouver d'où ça venait et comment le guérir."

2 jours contre 2 semaines maintenant. 2 semaines qu'elle cherche comment se guérir, et y'avait que Zeke qui lui offrait l'impression que c'était possible, que le venin qu'elle avait elle-même injecté dans son quotidien avait la possibilité de disparaître, avait le potentiel de se soigner. "Je comprends, tu sais." elle a tourné sa tête vers lui, elle s'est appuyée un brin sur son épaule aussi. "Pourquoi t'es aussi bien ici. Je le suis, moi aussi." assez qu'elle y pense parfois, à la folie de repousser son départ. À l'indécence de rester.

Zeke ne racontait jamais ses aventures à qui que ce fut parce qu'il se trouvait très peu intéressant pour autrui. Il n'était jamais sorti de son petit trou australien et il n'envisageait même pas de le faire. Le plan était clair de A à Z: il attendait la retraite officielle de ses parents et il reprendrait l'affaire. A ce moment là, il ne savait pas vraiment ce qui adviendrait de lui, de ses passions pour le bois et cet art qu'il aimait mettre à profit pour les autres. Zeke n'était pas sûr de pouvoir tout abandonner du jour au lendemain mais c'était la seule incertitude qu'il avait encore. Pour le reste, tout était déjà construit, préparé et planifié. Il se racontait pourtant à Chloe, elle qui l’interrogeait avec douceur, sans jamais le brusquer, sans même s'attendre à une réelle réponse de sa part. Avec la brune, Blythe était le plus libre possible et il savait que c'était un luxe qu'il n'oserait jamais se refuser. Elle était précieuse, sa kid, parce qu'elle comprenait d'où il venait et ne le jugeait pas pour tous les actes différents qu'il pouvait avoir. Personne de sensé n'avait envie de vieillir dans une ferme avec quatre ou cinq chiens mais Zeke, lui, si et Chloe n'en était pas dérangée. En tout cas, elle ne le lui montrait pas puisqu'elle était venue jusqu'à la ferme pour se ressourcer. Désormais, ils se retrouvaient tous les deux dans leur petite bulle nocturne, à échanger sur leurs cicatrices respectives, Zeke ayant encore un faible sourire affiché après qu'il eut caressé celle qu'arborait sa comparse. Elle lui montra même le haut de son épaule pour qu'il puisse voir où l'affaire se terminait et une partie de lui aurait aimé pouvoir déposer ses lèvres dessus pour qu'elle disparaisse, que tout cela ne fut plus qu'un souvenir mais il chassa la pensée car il n'était pas ainsi. Il n'était pas celui qui embrassait des jeunes femmes, pas plus qu'il n'était celui qui parlait mais il réceptionnait toutefois la tête de la brune sur son épaule et un instinct protecteur le fit passer son bras autour d'elle, comme s'il sentait qu'elle avait besoin de ce réconfort là, à cet instant précis. "T'es allée au Chili? Mmm, j'accueille une baroudeuse en fait. Yele m'avait pas dit." Ils n'avaient pas forcément chercher à échanger sur la copine cachée de son frère, Zeke ne se mêlait pas des affaires des autres de manière générale. Il restait dans son coin et ne demandait rien d'autre, à personne. "C'est pour ça que tu peux rester autant que tu veux. Jamais je te demanderai de partir, kid." Jamais il ne lui demanderait quoique ce fut qui puisse la blesser, en témoignait le regard qu'il tourna vers elle. Zeke communiquait tant avec ses jolies prunelles foncées mais peu de monde était en mesure de le voir. "On a jamais assez d'aide dans le coin." C'était sûrement les plus longues phrases qu'il avait prononcées jusque là et Zeke se sentit malmené à l'intérieur soudainement, avec cette sensation d'en avoir trop dit, voire trop fait puisque sa main avait caressé l'épaule de Chloe sans qu'il ne le réalise. Il se méprisait pour cela, entre autres choses.

Elle revisite une partie de sa vie, de son adolescence, de ce qui l'a forgée d'une manière bien différente de ses soeurs, alors qu'elle love sa tête sur son épaule, qu'il esquisse un mouvement tout aussi naturel en logeant son bras autour des épaules de la brune. Leurs contacts sont limités depuis son arrivée sur la ferme, mais jamais elle n'a sursauté à la seconde où elle sentait la chaleur de Zeke contre sa silhouette trop souvent gelée. Au contraire, elle accueille chaque geste comme s'il était inné, instinctif.

"T'es allée au Chili? Mmm, j'accueille une baroudeuse en fait. Yele m'avait pas dit." elle l'entend, le sourire dans sa voix. Et y répond donc, le regard perdu entre la grande bibliothèque qui leur fait face, et la lampe torchère du couloir qui scintille à toutes les inégales secondes. "Et en Argentine, et en Bolivie. Avec un passage au Pérou." elle rêve éveillée, bat des cils, inspire un peu aussi. Ignorant s'il a déjà voyagé hors de l'Australie, prétextant qu'à travers ses mots elle arrivera à lui en donner l'impression, peut-être, un jour. Elle tentera.

Mais pour le moment, elle ne veut pas partir. Pas d'ici, pas de ce canapé, elle ne se voit nulle part ailleurs. "C'est pour ça que tu peux rester autant que tu veux. Jamais je te demanderai de partir, kid." "Je vais finir par défaire mes valises, à force." qu'elle se moque, kid. Parce qu'il a sûrement vu ses sacs là-haut, ceux qu'elle laisse à l'état pêle-mêle, ceux qu'elle a éventrés pour joncher le sol de ses affaires, éternel entre-deux qu'elle s'impose comme son propre chemin de croix. "On a jamais assez d'aide dans le coin." Cohen qui a senti ses doigts l'effleurer, Cohen qui l'a entendu aligner les arguments, la dédouaner de tous ses tourments. Elle le remerciera jamais assez pour tout ce qu'il fait, et pour tout ce qu'il n'a même pas connaissance de lui apporter, quand ses doigts à elle viennent trouver les siens à lui, quand elle les enlace comme autant de merci chuchotés qui n'auraient pudiquement pas leur place, tellement ils seraient rhétoriques entre eux.

"Tu me montrerais?" elle a fini par ouvrir les yeux, elle qui avait fermé ses paupières, elle qui se laissait bercer par les inspirations soutenues de son allié nocturne, un temps. Ses prunelles se sont vissées sur le meuble dans l'angle, un parmi tant d'autres dans la maison qui est né des mains dédiées et précises de Zeke. "Promis, je ferai attention." à tes outils, à tes secrets. À ce que tu partagerais, et à ce que je te donnerais en échange. De tout mon coeur, de toutes mes forces.

Zeke était un homme aux mille secrets. Personne ne pouvait se vanter de le connaître réellement puisqu'il gardait tout au fond de lui, ses souvenirs, ses émotions, le moindre mot important qu'il avait peur de prononcer. Ce n'était jamais aisé de tenir une conversation sur la durée avec lui, certainement parce qu'il détestait parler de lui et n'y voyait aucun réel intérêt. Le misérable fermier qu'il était, que pouvait-il apporter à ce monde? Blythe ne se sentait pas réellement digne de l'attention qu'on pourrait lui donner alors, il trouvait toujours le moyen de se cacher derrière des tâches qui lui faisaient tout oublier. C'était pour cette raison qu'il avait trouvé les joies de l'ébénisterie: rien de plus vivifiant que le bruit d'un bois qu'on raclait, le reste autour ne se muant qu'en doux silence qui le berçait dans un bonheur des plus tangibles. Zeke avait tenu le coup toutes ces années parce qu'il avait trouvé une passion, un intérêt que personne ne partageait réellement dans son entourage mais ce n'était plus aussi important, désormais. Il appréciait cette indépendance, voire même cette solitude, que seule Chloe arrivait à briser. Elle était si présente, si transcendante à ses yeux que le brun oubliait qu'il ne devait pas autant la fixer. Ce n'était pourtant pas de sa faute si elle était aussi fascinante, elle et ses milliards d'aventures quand lui n'avait pas dû faire un chemin plus loin que celui de son lit à la grange. "T'as des photos?" Il se montrait curieux, bien plus qu'à l'accoutumée parce que ce n'était pas tellement un secret par contre que Zeke ne s'intéressait pas à la vie des autres. Tout ce qui relevait du ragot et des souvenirs d'autrui ne le transportait pas le moins du monde. Il pensait surtout que chacun avait le droit à son petit jardin secret, en tout cas, lui appréciait qu'on respecte le sien. Là, il s'agissait de sa kid cela dit et il y avait beaucoup de choses qui changeaient quand il était question d'elle. La preuve puisqu'il avait un bras autour d'elle et la brune n'avait pas l'air de vouloir s'échapper de son étreinte, c'était un peu fou. Du point de vue de Zeke en tout cas, c'était une douce folie parce qu'il n'entrait jamais en contact avec les autres, Chloe restait son exception. "Tu peux, oui." Qu'elle reste, qu'elle continue de rendre son monde plus merveilleux et moins solitaire, Blythe ne demandait que cela, même si c'était un voeu totalement masochiste au bout du compte. En attendant, il se mura dans le silence quelques secondes, constatant bien vite que le regard de la brune s'était portée sur un meuble de la pièce, un objet qui avait donné du fil à retordre au grand nounours. Chloe avait envie de s'y mettre apparemment et un large sourire naquit sur les traits de son visage si singulier: jamais personne ne s'intéressait à son art, c'était long et chiant d'après son frère. "Tu veux apprendre l'ébénisterie? J'entends pas ça souvent." Voire jamais, s'il devait être honnête. "C'est un jeu de patience et de précision mais si t'es partante, avec plaisir, oui. Tu veux un meuble pour chez toi?" Si elle rentrait un jour chez elle parce que Zeke avait bien envie de la garder entre ses bras à la regarder de cette manière, c'aurait été un idéal de vie qu'il n'avait même pas soupçonné.

Elle y avait pensé à y retourner, après tout ce qu'elle avait occasionné. Elle avait pensé à acheter un billet d'avion aller simple vers l'Amérique latine, de s'y cacher le temps dont elle aurait besoin, se noyer dans la foule et la chaleur, s'oublier dans des souvenirs qui remontaient à sa jeunesse naïve, idéaliste. "T'as des photos?" mais elle avait préféré venir ici, elle avait préféré ce choix parmi tous les autres.

La vérité serait sûrement teintée de ce qu'elle ne dévoilerait probablement jamais, qu'il avait pesé dans la balance. Que pour une raison qu'elle ignore le fait que Zeke soit sur la ferme en tout temps y était pour beaucoup dans sa décision de faire de cet endroit sa cachette, son cocon. Que sur la liste des pour, il était tout en haut, et que les quelques mots et énièmes regards qu'ils échangent à la volée chaque jour, ceux sur lesquels ils insistent ce soir ; tout ça, ça ne confirmait que mieux à ses yeux. "Pas vraiment, mais j'ai des souvenirs. Ça compte?" elle préférait le vivre que de le photographier, comme avant, comme maintenant.

"Tu peux, oui." elle blague, ils adoucissent, il dédramatise, elle restera.

Et elle s'en veut Chloe, de rompre le silence. Parce qu'à un moment, elle y croyait presque qu'ils s'étaient peut-être endormis, qu'ils arriveraient chacun à chasser l'insomnie de l'autre. Même si au final tout ce qu'elle aurait voulu c'était de rester éveillée avec lui. "Tu veux apprendre l'ébénisterie? J'entends pas ça souvent." elle fronce ses sourcils, décale sa tête d'un geste doux pour attraper son regard sombre au passage. Elle aurait cru que c'était pas qu'avec elle, elle aurait cru que la passion de Zeke pour le bois transparaissait avec tout le monde. Elle aurait cru que les gens ne voyaient que ça, qu'ils le voyaient comme un artiste, qu'ils le voyaient comme elle le voyait depuis le début. "C'est un jeu de patience et de précision mais si t'es partante, avec plaisir, oui. Tu veux un meuble pour chez toi?"

La patience, elle a.
La précision, elle apprendra.
Un chez toi, elle connaît pas.

"D'ici à ce que j'ai un chez moi, j'ai tout le temps qu'il faut pour apprendre." ça sonne triste, ça sonne nostalgique, ça sonne exactement comme quelque chose sorti de la bouche de quelqu'un qui a tout foiré, qui a tout perdu. "Qu'est-ce qui m'occuperait autant la tête que les doigts?" et le coeur. Qu'il lui trouve un meuble si complexe et si difficile à bâtir qu'elle s'y noiera, qu'elle s'y donnera plus que pour n'importe quoi.

Elle ne se rendait pas compte de la vitesse à laquelle le temps pouvait passer. Zeke aussi s'était maintes fois répété qu'il aurait le temps de vivre des aventures, que ce n'était simplement pas le moment et qu'il avait juste besoin de faire preuve de patience. Pourtant, à son âge, il en était resté au même stade que le jour de ses seize ans. Il était resté le même, cet homme qui paraissait bougon mais qui ne trouvait juste pas les bons moyens de s'exprimer en dehors de son art. Zeke, le garçon incompris qui s'embrouillait dès qu'on lui demandait la moindre explication sur ce qu'il faisait ou ce qu'il ressentait, ce n'était pas quelque chose qui était fait pour lui, la société. Il ne l'aimait pas, c'était une évidence et il ne se sentait jamais mieux que lorsqu'il était seul au milieu de tous ses animaux, jouant avec un chien ou riant en voyant un des poneys commencer à embêter sa mère. Il y avait tant de beauté dans ce monde, tant qui ne méritait pas d'être montrée ou exprimée, juste vécue et en cella, Blythe comprenait parfaitement Chloe. Elle avait les images de son séjour au fond de son crâne, comme lui gardait ses espoirs fermement terrés là-haut, incapable de les dire à quelqu'un comme la brune. Il la regardait avec tellement d'émotion pourtant, perdu dans ses si jolis traits, dans cette innocence qu'elle avait réussi à conserver malgré tout ce qu'elle avait traversé et Zeke avait envie de la déchiffrer, de comprendre d'où elle venait, ce qui l'avait motivée mais il n'était pas assez fort pour lui poser de réelles questions sur sa vie. Alors, à la place, il laissait la tendresse s'exprimer d'une caresse sur son épaule, de ses yeux chocolats qui la toisaient avec douceur alors que son petit sourire faisait naître tellement de beauté sur son visage hors du commun. Zeke ne voyait pas tout cela, l'effet qu'il pouvait provoquer lorsqu'il se laissait complètement aller à être lui-même, totalement dévoué à la cause humaine... A Chloe Cohen. Il conserva donc ce fameux sourire alors que la belle brune lui affirmait qu'elle avait tout le temps du monde pour devenir une ébéniste hors pair, Zeke n'en savait trop rien, il avait commencé tellement jeune à se réfugier dans ses bouts de bois qu'il en avait oublié le travail que cela avait été pour progresser. Pour elle, il essaierait de se souvenir. Il ferait en sorte de partager. "Ça peut aller très vite, tu sais." Il suffisait d'un rien pour que le destin d'une personne ne fut complètement chamboulé, il suffisait d'un regard parfois, d'un instant suspendu dans le temps et tout prenait une différente tournure. "Une armoire, je dirais. Pas un truc classique, du travaillé, quelque chose qui serait à ton image, tu vois. Doux mais élégant, dynamique mais jamais trop sérieux, magnifique au naturel... Quelque chose comme ça, ouais." Avait-il dit cela? Avait-il osé? Zeke n'avait pas forcément réalisé sur le moment parce qu'il était occupé par sa passion, des images de milliards de meubles défilant dans son esprit devenu fou. Pourtant, il avait tourné son regard vers elle en terminant ce qu'on pouvait appeler un monologue avec lui et il l'avait senti, ce putain de frisson. Ce putain de trop plein qui lui faisait vriller le coeur mais il n'en dirait rien. Pas lui, pas Zeke.

Ses mèches chatouillent sa joue, ses mots apaisent son coeur, ses doigts caressent sa chair. C'est une nuit qu'ils isolent, une de celle qui a un goût de secret, une de celles qu'elle chérira comme ces moments qui ont une impression d'éphémère. Ça rend le tout encore plus spécial, ça le rend encore plus spécial. Comme s'il ne l'était pas déjà assez.

Le jour ne se lève pas encore, mais Zeke apporte avec lui sa dose d'espoir. Quand il murmure, quand elle se replace un peu mieux contre lui au fil de ses paroles. "Ça peut aller très vite, tu sais." "Et si j'ai envie de prendre mon temps?" et si, pour une fois dans sa vie, Chloe a envie de tester, de tenter, de ralentir, de penser? Elle a toujours agi étape par étape, elle a toujours suivi un plan facile, simple et clair qui ne laissait pas de place à la dérogation. Elle s'est mouvée dans une vie tracée d'avance le sourire aux lèvres, pour tout faire exploser à la seconde où elle l'a réalisé. Le temps, il lui est précieux. Ce moment-là aussi.

Ses doigts tracent distraitement des traits contre la paume du brun, elle ne réalise même pas les gestes répétés et emplis de douceur qui creusent son épiderme, qui se calquent aux marques du travail qu'il effectue chaque jour. Il la fascine, il l'intrigue. Il est lui, il est la personne la plus vraie qu'elle a pu rencontrer, il ne suit que son rythme, ne se calquerait jamais à celui de qui que ce soit d'autre. Elle l'ignore, s'il sait à quel point elle l'admire ; elle l'ignore s'il réalise combien ses mots, même s'ils sont discrets, même s'il les choisit avec parcimonie, sont exactement ce dont elle a besoin. Ce à quoi elle se raccroche ce soir comme depuis son arrivée. Toujours.

"Une armoire, je dirais. Pas un truc classique, du travaillé, quelque chose qui serait à ton image, tu vois. Doux mais élégant, dynamique mais jamais trop sérieux, magnifique au naturel... Quelque chose comme ça, ouais." et il parle Zeke, il s'emporte, elle ne l'interromprait jamais. Il parle de son art, il parle de sa passion, il part d'elle aussi, ses yeux se perdent dans les siens. Et ce qu'il dit. Et ce sourire. Et cet air inquiet, ce voile trouble qu'elle voit se loger au creux de ses iris.

Elle n'aurait jamais pensé que la question serait remontée, parce qu'aux dernières nouvelles, elle craignait tout ce qu'on pouvait penser d'elle, elle craignait toutes les réactions qu'elle générait, les jugements, le dégoût, les préjugés, la colère qu'elle ramenait toujours dans son sillage. "C'est ça, ce que tu penses vraiment de moi?" elle n'aurait jamais cru, le lui demander ainsi.