« Je suis sûre que j'arriverais à te supporter ! » Oh, ça j'en doute. Je la laisse se bercer d'illusion, m'éloigne doucement en riant et en secouant la tête. Elle n'a encore rien vu. Le spectacle ne fait que commencer. « C'est tout ce que j'espère, on aura besoin d'un peu de répit quand même. Et de notre espace, ça, c'est certain ! » J'ai bien peur que, cependant, "notre espace" soit limité à un monceau rabougri de vie privée. Les activités seront toutes filmées, pour sûr. « Je veux bien te croire. J'ai un peu peur des fonds marins... » « On leur dira. Tu ne feras que ce que tu as envie de faire, ne t'inquiète pas. » Ils ne me feront pas faire de saut à l'élastique, ni de saut en parachute. Ce sont les pires scénarios, même si je suis persuadé qu'ici, on ne pratique pas ce genre d'activité. Les caméras tournent déjà, lorsque nous arrivons devant l'aéroport. Et je crains qu'elle ne nous lâche plus avant le soir. « Je pense que rien qu'en sortant de l'aéroport on va mourir de chaud. » Et effectivement, elle ne peut pas avoir plus raison qu'en ce moment même. Une fois les portes passées, la chaleur pèse sur nos épaules. Je regrette déjà l'avion et son air frais.

✵

Les maisons sur pilotis sont splendides. Le lieu a de quoi me faire oublier les caméras, quelques instants seulement. Tout est splendide, ouvert sur la mer. Paradisiaque. « Je crois qu'on va vraiment être tranquille ici ! » J'opine du chef en cherchant notre hutte des yeux. Je m'écarte de la porte pour laisser passer Molly, dont la petite révérence me donne à rire. Elle est suivie avant moi par une caméra. Je retiens un soupir avant d'entrer.

« C'est.... Wahou ! » Et c'est bien le mot. Les yeux grands ouverts, je dépasse le cameraman pour m'avancer dans le petit hall d'entrée. Les portes coulissantes, ouvertes, laissent apercevoir la chambre, qui fait aussi office de petit salon. Sur le lit trônent fièrement deux cygnes, juste comme l'avait prévu Molly. Je pouffe de rire en suivant des yeux le chemin de pétales de roses qui s'étend jusque à la porte de ce que je devine être la salle de bain. « Je t'avais prévenu ! » « Ok, t'as gagné, bravo. » Ce qu'elle n'a gagné, nous ne le saurons jamais, en revanche. Je laisse mon sac sur le lit, lâche ma valise à côté de celle de Molly et contourne le canapé et la table, face à l'océan. « C'est vraiment... » J'ouvre les portes coulissantes qui donnent sur la terrasse en bois, elle même reliée à une passerelle qui mène à l'eau. Au dessus du vide, en ciel et mer, un filet fait office de hamac. « T'as pas peur du vide, j'espère ? » J'inspire un grand coup, planté face à la mer. Tout est parfait, splendide. Pas le genre de paysage que je recherche, mais parfait malgré tout. Le coucher de soleil doit être merveilleux, d'ici. Tout autour de la plage se trouve une forêt peu dense, probablement marquée de chemins de randonnées. Je me tourne vers l'intérieur de notre habitation, le visage de nouveau teinté d'un peu de sérieux. « Vous pouvez nous laisser ? On va déballer les affaires. » « On reviendra vous donner le programme d'ici une trentaine de minutes. » J'opine du chef alors que la petite équipe qui nous suivait jusque là se retire en fermant la porte. Mes yeux trouvent tout de suite ceux de Molly. « Je vais prendre le canapé. Tu peux dormir dans le lit, cela ne me fait rien. » C'est la chose à faire, me semble-t-il. Dormir avec des inconnus m'importe peu, quand bien même je sais que le contexte est, ici, tout particulier. Mes yeux se promènent sur le plafond, atypique mais tellement joli. « Comment tu trouves tout ça, alors ? C'est ce à quoi tu t'attendais ? » Est-ce qu'on pouvait vraiment s'attendre à un lieu pareil ?

Il me rassure encore, j'ai l'impression qu'il fait ça tout le temps. Je me demande si ce côté là de moi ne va pas finir par le lasser. Si il ne va pas juste finir par me dire que je le saoule et qu'il en a marre que je doute tout le temps de tout. Et surtout de moi. « Je voudrais pas bloquer tous leurs plans, ils ont dû tout prévoir depuis des semaines... » Je veux pas qu'ils se disent que je suis la fille chiante qui veut imposer son avis. Même si, techniquement, c'est ma lune de miel et celle de Léo, on devrait avoir le droit de donner notre avis. On verra ça plus tard. On a même pas vu la maison, ou l'hôtel, juste l'endroit où on est censé dormir. On sort, avec nos valises, et on nous emmène vers une voiture. Mes yeux se perdent sur tous les paysages qui passent par la vitre.


***


J'avais jamais vu un endroit aussi beau. Une magnifique maison sur pilotis, pas de voisins à part la forêt et l'eau. Une eau tellement turquoise qu'on peut voir le fond. J'ai même pas encore tout visité que je me retrouve sur la terrasse. C'était parfait, idyllique. Je n'en revenais pas. « Non, j'ai pas le vertige, cet endroit est parfait. » Je croise le regard de Léo, je souris encore un peu plus. Je sens que tout va bien se passer, j'y crois de tout mon cœur. Léo demande à l'équipe de s'éloigner. Ils nous laissent, pendant 30 minutes, mais c'était déjà ça pas vrai ? Je commence à sortir mes affaires, je n'ai oublié ni mon maillot, ni mes lunettes de soleil. Soupir de soulagement. Mais j'ai complètement oublié la crème solaire. « Tu crois que t'as assez de crème solaire pour deux ? » Je le regarde un sourire en coin ancré à mon visage. Je suis tête en l'air, et maintenant il va le savoir. « T'es pas obligé tu sais, je...je peux y aller aussi, t'as le droit d'avoir le lit si tu veux être tranquille ! Je te promet que ça me dérange pas ! » Et c'était vraiment sincère. J'étais capable de dormir n'importe où quand j'étais fatiguée, sinon, je n'avais pas forcément besoin de beaucoup d'heures de sommeil. « Je crois que même le hamac me suffirait pour m'endormir. » Je souris encore en croisant son regard, rassurante, je l'espère. « Je... Je crois que j'ai encore du mal à y croire, tout ça paraît tellement irréel ! T'as déjà été dans un truc pareil toi ? » Il avait voyagé, il avait certainement bien plus d'expérience que moi. Mais je demande, et on continue de discuter parce que j'ai l'impression que ça devient naturel.

Trente minutes plus tard, la production toque à la porte. Je soupir légèrement en me levant pour ouvrir. Je crois les yeux de Léo qui n'a pas vraiment l'air emballé par leur arrivée. Je souris, pose ma main sur son épaule avant de me diriger vers la porte. « Souriez, vous êtes filmé ! » Un peu d'humour avant d'ouvrir la porte et de savoir ce qu'ils nous ont prévu pour ces prochaines semaines.

J'ai rarement mis le pied dans des endroits aussi paradisiaques que celui-là. La maison, bien que pas très grande, ressemble à une petite bulle. C'est assez intimiste, il n'y a pas de marbre partout. Je m'approche de la terrasse en silence, trop absorbé par la contemplation du lieu, avant d'interpeller à nouveau Molly « Non, j'ai pas le vertige, cet endroit est parfait. » Je repasse dans la pièce principale, sans fermer les grandes fenêtres. L'air marin est doux, faible. L'équipe technique nous laisse un peu d'espace, juste le temps de déballer nos affaires. « Tu crois que t'as assez de crème solaire pour deux ? » J'ai un petit rire. « T'en fais pas. » Ce n'est pas trop mon genre, de toute façon, de traîner sur la plage. Je la regarderai de loin, sous un parasol, un livre à la main. Elle pourra prendre toute la crème solaire dont elle aura besoin. « Tout ce qui est à moi est à toi, désormais, de toute façon. Pas vrai ? » J'attrape ma valise, l'ouvre pour commencer à en vider les vêtements. Ce n'est qu'en lançant ma plaisanterie que je réalise la portée de mes mots. « Pardon, c'était juste une blague. On est pas... Bref. T'inquiète. Crème solaire. J'en ai. Des litres. » Je me détourne pour aller poser mes affaires dans la salle de bain.

Je lui cède le lit. Dormir dans le canapé ne me dérange pas, il a l'air très confortable. Et ce n'est pas comme si on allait mourir de froid, de toute façon. « T'es pas obligé tu sais, je...je peux y aller aussi, t'as le droit d'avoir le lit si tu veux être tranquille ! Je te promet que ça me dérange pas ! » « Y'a pas de problème, j'ai du mal à dormir de toute façon. Je vais te déranger, à tourner dans tous les sens. » Charlie dit que je prends toute la place. Disait. Je repasse dans la chambre, pour vider le reste de la valise dans le placard qui m'est attribué. Je n'ai pas pris grand chose avec moi, de toute façon. Des carnets, des livres, de quoi dessiner. De quoi m'occuper si le temps devient long, si au bout d'un moment, nous n'avons plus rien à nous dire. « Je crois que même le hamac me suffirait pour m'endormir. » Je pose les cinq livres sur l'une des tables de chevets. « Oh, ouais, je vais dormir là-bas finalement. » Je lui rends son sourire, me corrige à nouveau. « Pas que dormir dans la même pièce que toi me dérange, évidemment. Je suis désolé, je suis fatigué, tu devrais pas faire attention à tout ce que je raconte. » Je secoue la tête, pousse ma valise vide sous le lit. « Je... Je crois que j'ai encore du mal à y croire, tout ça paraît tellement irréel ! T'as déjà été dans un truc pareil toi ? » Je secoue la tête. « Non, jamais. Les seules îles un peu semblables que j'ai un jour fait dans ma vie, ce sont les îles grecques. Et encore, je ne suis jamais allé dans des endroits comme celui-ci. »

Trente minutes plus tard - et pas une de plus - la production vient nous annoncer notre programme de la journée. Puisque nous n'avons pas beaucoup dormi ils ont choisi de nous laisser nous reposer pour aujourd'hui. Avant le repas, c'est cocktail sur la plage. Après le repas, c'est baignade. Et ce soir, c'est visite d'un village des environs. « Ils disent que c'est tout illuminé, le soir. », que je lance en jetant une de leurs serviettes sur mon épaule. Lunettes de soleil sur le nez, j'observe les environs. Molly et moi marchons côte à côte, sur la passerelle qui mène à la plage, de l'autre côté des huttes. Il n'y a pas grand monde, sur cette plage. De grands transats sont étendus entre ombre et soleil. Je nous choisi un endroit où l'on ne mourra pas de chaud. « Tu veux que je te mette de la crème solaire ? Profite en, j'en ai des litres, il faut l'écouler. T'auras pas meilleure offre autre part. » J'agite la bouteille jaune, sourire moqueur au bord des lèvres. Un serveur s'approche et je commande un sex on the beach, avant de me tourner vers Molly. « Tu prends quoi ? »

On vide nos valises, la mienne n'est pas vraiment remplie, je suis certaine que j'ai dû oublier la moitié des choses essentielles, mais je n'y fais pas attention là. Je verrais bien pendant tous ces jours si j'ai tout oublié. Mais j'ai quelques vêtements, un maillot, et ça me semble être le principal. Je peux souffler un peu. Sa remarque me fait sourire. « Pour l'instant à part quelques habits j'ai pas grand chose à partager ! Quoi que je suis sûre que ce débardeur pourrait t'aller comme un gant ! » Je ris un peu en sortant un débardeur bleu de ma valise. Je détends l'atmosphère, parce qu'il se justifie et je ne veux pas qu'il se sente mal à l'aise. Il est maladroit, je le suis aussi, et ça ne me gêne pas. Je continue de sourire. « T'inquiètes pas, tout va bien ! » Je reprend ces mots qu'il a utilisé un bon nombre de fois pour me rassurer moi quand on était dans l'avion. J'espère que ça peut avoir le même effet sur lui. Je veux qu'il arrive à souffler, à être lui-même. Il n'a pas besoin de jouer un rôle quand on se retrouve tous les deux, c'est pas le but de cette expérience. « J'aurais pris ta crème en otage de toute façon si t'avais dit non ! » ça c'est totalement faux, et je ris un peu plus. Parce que je n'aurais jamais osé aller prendre quelque chose dans ses affaires personnelles.

« On pourra toujours faire une nuit chacun comme ça on peut tous les deux profiter du grand lit sans se taper dessus pendant la nuit ! » Je trouve ça gentil qu'il se propose d'aller dormir sur le canapé. Et puis je voudrais pas prendre le lit alors que je risque de ne pas beaucoup dormir la nuit. Je ne sais même pas si c'est un gros dormeur ou non. Je ne sais pas grand chose finalement. « J'aime bien faire attention à tout ce que tu racontes, tu me fais rire ! » Comme si elle avait besoin de le préciser alors que son sourire ne l'a pas lâché depuis l'avion. « C'est peut-être les nuits sur le hamac qu'on va finir par alterner ! » et je hausse un sourcil avant de jeter un coup d’œil à la terrasse. Je vais bientôt tester ce hamac c'est certain. Et on reparles des voyages que Léo a bien pu faire. Je suis toujours aussi impressionnée qu'il ait vu autant de choses. « ça doit être tellement bien d'avoir déjà vu tant de choses... Je crois que je vais essayer de voyager un peu plus, j'ai l'impression de pas connaître grand chose. » Pas sur les autres pays en tout cas. Je me suis toujours intéressée aux sciences, à mes bouquins, aux animaux, mais c'est vrai que voyager n'a jamais été mon but premier. Ça finira peut-être par le devenir un jour maintenant que j'ai enfin pris l'avion pour la première fois.

L'équipe de production n'est pas rester trop longtemps finalement. On a le droit de passer l'après-midi tranquille, sans caméras, sans micro. J'espère au fond de moi que ça sera comme ça assez souvent. On a eu un programme qui m'intéresse, des choses qui font rêver et qui vont nous permettre de découvrir toute cette île. (ou ces îles ?) Je ne connais pas du tout l'endroit. « Je pense que ça va être magique comme ambiance ! » J'ai hâte de voir ce qui nous attend. Je le suis, il nous trouve une place tranquille. Il n'y a pas trop de monde et c'est agréable. « C'est vraiment beau. » Aucune plage de Brisbane ne ressemble à ça. Et je profite du paysage même si j'ai failli me casser la figure au moins 3 fois pendant le trajet à force de regarder tout autour de moi. On s'assoit, on va vraiment pouvoir se reposer. Je sens déjà le soleil qui brûle ma peau, j'ai pas l'habitude de me poser pendant des heures en plein soleil. « J'accepte ton offre ! Je te fais confiance, si tu te loupes et que t'oublie un endroit t'auras ma douleur sur la conscience ! » Je souris en attachant mes cheveux pour pas qu'il soit gêné. « Heuuuu... » Je n'y connais absolument rien en cocktail et je croise le regard de Léo, un peu perdue. « Je sais pas, je connais pas les cocktails. » Est ce que c'est alcoolisé ? Est ce que je vais boire quelque chose d'alcoolisé ou je vais boire autre chose ? Je ne sais pas du tout quoi faire. « Je vais prendre la même chose que toi, si j'aime pas tu le boiras à ma place ! » Je hoche la tête, je ne sais absolument pas ce qu'il peut bien y avoir dans ce qu'il a commandé. « Tu crois que l'eau est bonne ? » Parce que cette eau turquoise donne envie de plonger la tête la première.  

« Pour l'instant à part quelques habits j'ai pas grand chose à partager ! Quoi que je suis sûre que ce débardeur pourrait t'aller comme un gant ! » Je crois rêver. Je lui offre ma plus belle mine faussement boudeuse, le regard exagérément courroucé. « Ma couleur préférée, c'est le rouge, tu te rappelles ? Je porterai pas ton débardeur bleu. » Je ne veux plus parler de couleurs. Quelque chose, dans ma gorge, s'est resserré comme un étau, rendant l'air marin moins agréable à respirer. Et alors que mes yeux se raccrochent à l'horizon, quelque chose retient mes pensées en Australie. Quelque chose qui me rend maladroit dans mes mots, comme si je n'étais soudain plus très en adéquation avec le moment et ce que je raconte. J'en débite, des conneries, à la minute. Mais Molly, elle ne semble pas s'en formaliser. Molly, elle prend les choses avec le sourire. Molly, elle m'excuse déjà, alors qu'elle me connaît à peine - et j'ai peur que sa réserve de patience ne puisse pas contenir toute les gaffes que me prépare déjà le destin. « T'inquiètes pas, tout va bien ! » Elle reprend mes mots, étire mon sourire malgré elle - et malgré moi aussi. Je ne trouve rien à redire, opine du chef en continuant de ranger mes affaires. Elle trouve le moyen de me distraire, Molly, alors qu'elle ne sait pas combien j'en ai besoin. J'aimerais m'enchaîner ici, corps et âme. Ne penser à rien d'autre que cet endroit - alors que nous y sommes depuis moins d'une journée. « J'aurais pris ta crème en otage de toute façon si t'avais dit non ! » « T'aurais pas osé. » Elle est mignonne, avec son méfait hypothétique qui n'en est pas un. Et je suis certain qu'elle n'oserait effectivement pas.

Le lit, le centre de la pièce de théâtre. C'est drôle, ça me rappelle Le Mariage de Figaro. Mais si nous sommes les valets, qui joue le rôle du Maître ? « On pourra toujours faire une nuit chacun comme ça on peut tous les deux profiter du grand lit sans se taper dessus pendant la nuit ! » Je secoue doucement la tête. « Profite du lit. Le canapé, ça me va parfaitement. » Et dehors, il y a ce merveilleux hamac qui, je le sens, prendra la forme de mon dos tant je projette de m'y échouer. « J'aime bien faire attention à tout ce que tu racontes, tu me fais rire ! » « Je suis humoriste, tu savais pas ? » Mais je prends le tout comme un compliment. Il semblerait que la bataille pour le hamac soit lancée. Je pouffe de rire à sa remarque. Effectivement, bientôt elle ne voudra plus du lit. Le lit sera pour moi, alors. Je me ferai nomade de la maison sur pilotis. « Ça doit être tellement bien d'avoir déjà vu tant de choses... Je crois que je vais essayer de voyager un peu plus, j'ai l'impression de pas connaître grand chose. » Mes prunelles retrouvent les siennes. « T'as le temps, de voyager. Moi, j'aurais aimé être un peu plus chez moi. » Moi, j'aurais aimé que mes parents ne m'envoient pas à l'autre bout de la planète à chaque période de vacances. C'est une chance, autant que cela peut se révéler être une malédiction. Parce qu'après avoir fait le tour du monde, tout ce qu'on veut c'est être à la maison.

Une petite parenthèse, des caméras qui ne nous suivent que sur le ponton qui mène à la plage. Je crois qu'ils ont compris que nous laisser un peu de répit serait judicieux, après l'avion. De quoi nous détendre. « Je pense que ça va être magique comme ambiance ! » Moi aussi, j'ai hâte. J'ai toujours préféré la nuit au jour, le soir au matin. La nuit est plus créative. La nuit est lumineuse, quand on sait où trouver la lumière. Il suffit de lever les yeux au ciel. Molly s'extasie sur le paysage alors que nous rejoignons nos sièges de plage, face à un océan clair et calme. « J'accepte ton offre ! Je te fais confiance, si tu te loupes et que t'oublie un endroit t'auras ma douleur sur la conscience ! » J'ai un petit rire. « Tu me menace déjà ? » Je suis à ça de brandir le "je vais demander le divorce", mais c'est peut-être encore un peu tôt. La blague me reviendra plus tard, j'en suis sûr. Alors qu'elle se coiffe, le serveur vient prendre nos commandes. « Heuuuu... » Elle a l'air d'un peu trop hésiter, pour un cocktail. « Je sais pas, je connais pas les cocktails. » « Moi non plus. Fais semblant. Donne un nom au hasard, y'a bien un cocktail qui le portera. » Je ne m'y connais pas particulièrement, juste les classiques. Molly, elle, elle a l'air de ne pas connaître du tout. Peut-être qu'elle ne boit que de la bière - ou du vin. Je suis ignare en la matière. « Je vais prendre la même chose que toi, si j'aime pas tu le boiras à ma place ! » « Deux sex on the beach, alors. » Le serveur repart, la brune contemple déjà l'eau. « Tu crois que l'eau est bonne ? » « Elle doit être délicieuse. Viens là. » Je m'applique à lui étaler de la crème dans le dos, sur les épaules et sur la nuque, puis me tourne pour quémander son aide. Lorsque enfin nous sommes au même niveau d'étalage de crème - c'est à dire encore plus blancs que nous ne l'étions déjà - j'attrape sa main pour l'attirer avec moi, vers l'eau. « On va voir, si elle est bonne ! »

Et alors que je relève les yeux, je l'aperçois, la caméra pointée dans notre direction. Ils sont sur le ponton, nous crient de faire comme s'ils n'étaient pas là, un truc comme "on fait juste quelques plans". Je grommelle, me penche en avant et attrape Molly pour la soulever dans mes bras. « Comme ça, ça vous va ? », que je crie dans la direction de la caméra. Elle aura ce qu'elle voudra, la Glitters. Le Léo que je lui ai vendu est arrogant. Le Léo que je lui ai vendu se détourne, Molly dans les bras, vers la mer. Le Léo que je lui ai vendu n'avait certainement pas prévu de se ramasser la tête la première, une fois les pieds dans l'eau, en étouffant un juron - non sans embarquer Molly dans sa chute.

On fait de l'humour, j'essaie de détendre l'atmosphère, d'être naturelle. Comme ça, si il ne m'apprécie pas comme ça, on saura que rien ne peut marcher. Il pourra être fixé très rapidement. Je sors mes affaires, et il utilise des mots qu'il n'aime pas puisqu'il essaie de se justifier. Je continue d'être rassurante, parce que je sens qu'il en a besoin. Que ça l'aide un peu, ça m'aide aussi très certainement. « J'ai pas oublié ! » Et je sors le nœud papillon qui était posé sur mon sac. Je l'ai gardé, je l'aime bien ce nœud papillon d'un rouge vif. Je répond à sa mine faussement boudeuse. Je ne tiens pas très longtemps avant de sourire, un grand sourire pour le faire rire lui aussi et qu'il n'arrive plus à faire semblant de me faire la tête. Ou peut-être qu'il me fait vraiment la tête ? Je peux pas encore vraiment le savoir. « Non j'avoue je suis pas une criminelle. » Je hoche la tête, je n'irai pas en prison pour un vol de crème solaire à mon propre mari. Mon mari. Est ce que je vais m'habituer à dire ça un jour ?

On parle de qui dort où, j'avais même pas pensé à ça avant. Pourquoi j'ai pas pensé à ça avant ? Je me doutais bien qu'il ne voudrait pas qu'on dorme ensemble dès le début, on se connait à peine après tout, et moi aussi je préfère qu'on ne dorme pas ensemble pour l'instant. Mais je sens que je ne vais pas dormir cette nuit, que je vais me retrouver sur cette magnifique terrasse à me demander si tout ça est vraiment réel. Peut-être que je dessinerai, peut-être que je ne ferais que regarder l'horizon trop impatiente de savoir quelles activités on va faire le lendemain. « Ok j'insiste pas plus... Pour l'instant ! » Parce que je compte bien le laisser dormir sur le lit de temps en temps. Je ne suis pas le genre de fille qui veut être protégée tout le temps et qui pense que le lit lui est dû juste parce que c'est une fille. « Wahou ça en fait des cordes à ton arc ! » Je hoche la tête, de grands yeux ronds faussement étonné. Mais c'est la vérité, je le trouve adorable, il me fait rire même quand il pense que je peux prendre mal une phrase qu'il dit. Ce qui n'est pas encore arrivé une seule fois. Je souris légèrement, on a pas eu la même enfance et je le comprend. Mais il est un peu trop tôt pour aborder le sujet famille, ça a l'air compliqué pour lui comme pour moi. On en parlera, plus tard, quand on se sentira assez bien ensemble pour le faire.

On est enfin sur la plage, je rêvais de ce moment depuis qu'on est arrivé. On s'assoit sur des transats un peu éloigné du peu de monde qu'il y a, et c'est très bien comme ça. « Non je ferais jamais ça ! » Je le regarde dans les yeux, un regard faussement innocent. Il saura bien assez tôt que je suis incapable d'une quelconque violence. Qu'elle soit verbale ou physique. Les cocktails, qu'est ce que je peux bien prendre ? Je n'y connais rien et je n'essaie même pas de lui faire croire que je suis une grande connaisseuse. Je dois avoir l'air d'une enfant, mais c'est comme ça. Je souris, il ne se moque pas, il essaie même de m'aider. Alors je fais confiance à ses goûts et je me dis que ce qu'il prend doit être bon. « C'est alcoolisé ? » Parce que j'ai bu mon premier verre d'alcool il y a quelques mois, mais ça, je le garde encore un peu pour moi. Quelques secondes plus tard je me retrouve dos à lui et il m'étale de la crème dans le dos. Je me tourne à nouveau pour l'aider à mon tour. J'aime qu'il n'ait pas peur du contact humain, parce que je suis très tactile. Et je trouve que toucher les gens ça peut être très rassurant. Et c'est naturel, c'est agréable, on ne force rien ensemble depuis qu'on a décidé de dire oui.

Il attrape ma main, m'emmène vers l'eau. Je ris de bon cœur. « Le premier arrivé à l'eau ! » et je me mets à courir, j'essaie de courir vite mais il reste à ma hauteur et il m'arrête en regardant vers notre maison pour les prochains jours. Des caméras. « Ils étaient pas censés nous laisser tranquille ? » Je fronce légèrement les sourcils avant de pousser un petit cri de surprise quand il me soulève. J'explose de rire, c'est incontrôlable. Il hurle vers les caméras avant de courir vers l'eau. En moins de quelques secondes on tombe, et je me retrouve dans l'eau. Mon rire ne s'arrête pas, bien au contraire. Je suis une grande enfant et j'adore jouer. « Lequel de nous deux est tombé à l'eau en premier à ton avis ? » Je lui souris, mais je vérifie aussi qu'il ne se soit pas fait mal. « ça va ? » Je me lève et attrape ses deux mains pour qu'il puisse aussi se lever. Je garde sa main dans la mienne en avançant un peu plus dans l'eau. Et je le lâche pour plonger la tête la première. Je sors de l'eau, et tente de remettre mes cheveux en place. En vain. J'ai la moitié de mes cheveux qui se retrouve plaqués contre mon visage. Bien moins glamour qu'on pourrait l'imaginer.  

« C'est alcoolisé ? » J'opine du chef. Le soleil me tape dans le dos. « Oui. Y'a de la vodka et... du chambord, je crois. » La crème solaire nous blanchit encore la peau. Elle a déjà rougi, ma peau, que j'ai si peu exposé sous le soleil Australien. Il lui en faut peu. L'air dubitatif de Molly me fait revenir sur le sujet, un léger sourire aux lèvres. « Tu ne bois pas d'alcool ? » Je les trouve rares, moi, les gens de notre âge qui ne boivent pas d'alcool. Pas mal de mes amis sont passés au vin. A moi cocktails, bières et rhums. « On demandera au serveur de te ramener un diabolo menthe. », que je raille, alors qu'un sourire fend un peu plus mon visage. Elle est drôle, Molly, avec sa gueule hésitante.

Et je décide que les cocktails pourront bien nous attendre. Puisque nous avons champ libre, autant en profiter. Il serait idiot de ne pas le faire. La mer bleuté nous appelle, déjà conquise par quelques badauds qui se sont approchés de l'eau pour y faire quelques photos très instagramables. « Le premier arrivé à l'eau ! » Elle me dépasse vite, Molly, alors que je m'arrête pour relever le nez vers la forêt. Mon regard bifurque pour retrouver notre petite hutte et le ponton qui la relie à la plage. La tâche dans le paysage, c'est cette caméra, œil noir qui brise notre tranquillité. Après tout, c'est ce pourquoi nous avons signé. « Ils étaient pas censés nous laisser tranquille ? » Alors, je vais leur donner ce qu'ils veulent. Ni une ni deux, j'attrape Molly et la fait décoller du sol. Elle hurle de rire, Molly. Et je suis incapable de garder mon sérieux et toute l'arrogance que j'avais imprimé sur mon visage au préalable. Elle fait échouer mon plan, elle le fait tomber à l'eau au même titre que nous basculons ensemble dans l'océan. « Lequel de nous deux est tombé à l'eau en premier à ton avis ? » « Toi, évidemment. C'est de la faute de la gravité. » Et pas de mes pieds qui se sont enfoncés dans le sable. Cela fait longtemps que je ne me suis pas baigné. « Ça va ? » J'attrape sa main tendue, opine du chef et observe les environs, sa main dans la mienne.

Et lorsque nous avons un peu avancé par dessus les vaguelettes, sa paume se décolle de la mienne. D'une main, je rejette mes cheveux humides en arrière. Molly plonge, et je la quitte des yeux jusqu'à ce qu'elle refasse surface. C'est à mon tour de me glisser dans l'eau, d'y plonger la tête avant de la rejeter en arrière. Sur le visage de la brune, ses cheveux s'étalent comme des algues. « Ouh, ça risque de mal passer à l'écran, ça. » Je ricane, l'arrose à grandes eaux. La plage a perdu son calme, au grand dam de toutes les personnes qui étaient venues y passer un bon moment. Au bout d'un moment, j'arrête les éclaboussures pour jeter un regard circulaire aux alentours. « Elle est splendide, la forêt, autour. J'espère qu'on pourra s'y balader. »

Je n'y connais absolument rien en cocktail, ni en alcool. La vodka, j'en ai déjà entendu parler, mais le chambord, je vois pas du tout ce que ça peut être. « Oooh... » Oui j'essaie de pas avoir trop de réaction, ce ne sera pas mon premier verre d'alcool, mais mon premier cocktail. Je me pose pleins de questions, est ce que ça va être bon ? Quels effets ça va me faire ? Mais j'essaie d'être impassible. Je ne dis rien à Léo, ça doit être étrange de tomber sur un fille de 28 ans qui n'a bu son premier verre d'alcool que quelques semaines avant qu'ils se retrouvent ici. Mais il la pose la question Léo, la preuve que je suis incapable de cacher ce que je pense. « J'ai bu mon premier verre y'a que quelques semaines, je connais pas mes goûts en fait. » Ni mes limites, je ne sais même pas si boire un verre c'est pas déjà trop pour moi. Mais je verrais bien, je vais profiter de ce voyage, et c'est pas un cocktail qui me fera avoir un trou noir. « Arrêtes de te moquer ! » Je souris, je ne lui en veux pas, c'est assez marrant quand on arrive à se taquiner après tout.

Il se passe beaucoup de choses très rapidement. Il commence à m'emmener vers l'eau, j'avais hâte de me baigner alors je me suis mise à courir. Mais on a vu des caméras, et en quelques secondes Léo m'a attrapé pour me porter et on a fini par s'étaler dans l'eau. Et ça m'a fait beaucoup rire, la chute n'a pas été trop violente et j'arrive à me relever rapidement en emmenant Léo avec moi. « Si j'étais la première à l'eau c'est moi qui ai gagné alors ! » J'ai pris sa main, encore. Et je l'ai gardé pendant de longues minutes. On a observé autour de nous. Tout est sublime, et j'ai hâte de pouvoir tout découvrir. Je plonge, je n'ai pas peur ici, l'eau est si clair qu'on voit absolument tout. Mais quand je remonte, mes cheveux se retrouvent étalé sur mon visage. J'entends Léo qui rit, je dois être affreuse avec cette coiffure alors je ris aussi un peu. Il m'éclabousse et je cris en essayant aussi de lui envoyer de l'eau dessus. Je ferme les yeux et essaie de l'atteindre sans vraiment y parvenir. Mais, au moment où il arrête un peu je me précipite sur lui pour le noyer. Je finis par me retrouver sous l'eau moi aussi, j'ai pas un très bon équilibre et j'en profite pour replacer mes cheveux en arrière. « Tu crois que je passe mieux à l'écran comme ça ? » Je regarde derrière lui et les cameramans sont toujours sur notre terrasse. Il regarde autour de nous et je suis son regard. « On trouvera un moyen d'y aller ! » Parce que moi aussi je veux découvrir les environs, je veux voir tout ce qu'il y a à voir sur cette île. « Il doit y avoir des chemins de randonné ! » ça a l'air touristique, et ils ont dû prévoir que les gens aimeraient se promener tranquillement autour des maisons.

Je me retrouve à flotter de longues minutes sur le dos avant de sentir quelque chose me frôler. « Léo c'est toi qui viens de toucher mon dos ? » Mais il est bien trop loin alors je me relève rapidement en regardant autour de moi. On est assez isolé, personne n'a pu faire de mauvaise blague, alors je regarde dans l'eau, et je vois des raies qui nous tournent autour. Mon sourire s'agrandit, je n'en avais jamais vu dans leur habitat naturel et c'est magnifique. Elles passent sous mes mains. « Regarde ça ! C'est magnifique... » Je pourrais rester là des heures. Je finis par me rapprocher de Léo et lui envoyer de nouveau de l'eau dans la figure. « On a des cocktails qui nous attendent. » Et j'avance rapidement, pour essayer d'éviter les représailles.

« J'ai bu mon premier verre y'a que quelques semaines, je connais pas mes goûts en fait. » Elle doit se moquer de moi. Son rire va suivre, cristallin, son visage va se fendre d'un véritable sourire; celui qui plisse les yeux et fait basculer tout le corps en arrière. Mais rien, Molly est sérieuse, très sérieuse même. Je me contente d'échapper un petit rire, qu'elle ne prendra, j'espère, pas trop mal. « Tu vas aimer. » J'en sais rien, je prétends le contraire. C'est à ça qu'on doit jouer, non ? Pour l'instant. Jusqu'à se connaître vraiment.
Si c'est même possible.
« Arrêtes de te moquer ! » « J'me moque pas ! » Tout mon visage dit le contraire. Et tout le sien dit qu'elle le prend bien.

Course sur la plage - et qui ça étonne, je me casse la figure alors même qu'il n'y a absolument aucun obstacle sinon le vent qui joue avec nos cheveux. « Si j'étais la première à l'eau c'est moi qui ai gagné alors ! » « Ha non, ça je refuse ! » Mais elle a raison, elle marque un point et ça, je ne l'avais pas vu venir. Elle est forte, pour s'approprier les mérites des catastrophes que je provoque. Cela, je l'ai déjà remarqué. Je ne la laisserai pas gagner, et elle perdra même si je dois d'abord la noyer sous toute l'eau que je lui jette à l'a figure. Il suffit d'un moment d'inattention, une moquerie de plus pour qu'elle vienne appuyer sur ma tête. Pour que je me retrouve à essayer d'attraper ses poignets, histoire de l'empêcher de me tuer. Lorsque je remonte, mes yeux se posent sur la forêt. « Tu crois que je passe mieux à l'écran comme ça ? » « "Elle tue son mari pendant leur voyage de noces". Tu feras la une. », que je ricane. La voilà qui détourne son regard vers la verdure. Mes yeux remontent le long de son visage, en détaillent les angles. Je n'ai pas été aussi proche d'elle depuis que nous nous sommes dits oui. Ou peut-être que si, pendant la danse à la réception. Ce moment là ne comptait pas, je passais plutôt mon temps à lui écraser les pieds qu'à observer les traits de son minois. « On trouvera un moyen d'y aller ! » Mes yeux retournent vers la forêt. « Il doit y avoir des chemins de randonné ! » « Et tout un tas de bêtes sauvages. Genre des moustiques. » Je déteste ces trucs là. Ma phobie, juste après les araignées.

Elle flotte, Molly. Moi je me demande si on peut réquisitionner des masques, histoire de voir ce qui se cache sous cette eau claire. « Léo c'est toi qui viens de toucher mon dos ? » « Mmh ? » Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question. Alors qu'elle se relève, je les vois. Les raies. « Regarde ça ! C'est magnifique... » Avec une infinie lenteur, je rejoins la brune, qui fait un petit bout de chemin dans ma direction. « Tu sais que c'est une raie qui a tué Steve Irwin ? » Mon héros. Et peut-être qu'elle n'apprécie pas la référence, et alors je me retrouve de nouveau noyé sous des trombes d'eau. « On a des cocktails qui nous attendent. » Elle ne s'échappera pas aussi facilement. Alors qu'elle prend la poudre d'escampette, moi je plonge, juste derrière elle. Mes mains parviennent à se saisir de l'une de ses chevilles, que je tire en arrière pour provoquer la chute de la dresseuse de poissons. La tête hors de l'eau, je secoue la tête comme s'ébrouerait un chien. C'est à mon tour de prendre la fuite, les pieds dans le sable, en route vers les cocktails qui trônent à côté de nos sièges de plage.

Lorsque enfin je suis rejoins par Molly, j'ai déjà un verre à la main. « A ta défaite à la course sur la plage ! » Et je lève mon verre, grand sourire goguenard étalé sur le visage.

Il se moque, bien sûr qu'il se moque mais je rigole avec lui. Parce que je sais que c'est étonnant de rencontrer quelqu'un de mon âge qui n'a jamais voulu boire une goutte d'alcool. Je le comprends, et son expression m'amuse. « Si tu continues je vais devoir te jeter ce fameux cocktail que je vais aimer à la figure ! » Je hoche la tête, et je suis toujours incapable de garder mon air sérieux plus de 5 secondes. J'aime rire et être aussi détendue, je ne pensais pas que ça arriverait aussi vite, mais Léo arrive à me mettre à l'aise même si il ne le fait pas exprès.

Il refuse que je gagne cette course, mais c'est trop tard. Je l'ai déjà gagné et je hausse les épaules en souriant avant de me lever pour continuer d'avancer dans l'eau. « Tu gagneras peut-être une prochaine fois ! » Je ris de nouveau, je me vante un peu trop et il me le rend en m'envoyant une tonne d'eau au visage. Je me laisse pas faire et je finis par lui mettre la tête sous l'eau. On doit avoir l'air de deux enfants mais on s'amuse, et c'est la meilleure manière de profiter de cette lune de miel. Je replace mes cheveux comme je peux et Léo se relève, on est proche quelques instants. « Tu crois que ça ferait de moi la meurtrière la plus célèbre de Brisbane ? » Je n'avais jamais entendu parler de meurtre dans cette ville mais il y en avait sûrement eu, comme partout. « Le mariage le plus court de tous les temps ! » Même pas 24h ça aurait été triste. Je le regarde dans les yeux de longues secondes avant de tourner mon attention sur la forêt, forêt qu'il veut visiter et que je veux voir aussi. Mais je pouffe de rire quand il me dit que les moustiques sont des bêtes sauvages. « Je pense qu'il doit y avoir des animaux un peu plus dangereux que les moustiques dans cette forêt quand même ! » Je ris encore, j'ai l'impression que je ne fais que ça depuis qu'on s'est assis sur ces transats. Et c'est agréable. « T'as peur des moustiques ? »

Des raies, tout autour de moi. Je profite de ce moment, je vis un rêve éveillé et je ne veux pas louper une seule seconde de ce que je suis en train de vivre. Léo s'approche lentement de moi, et je souris comme une enfant qui vient de découvrir ses cadeaux de Noël. « Tu m'apprends quelque chose ! » Et ça m'intéresse d'apprendre de nouvelles choses. Et j'observe ces raies. « Mais elles sont pas vénéneuses celles là, et elles se sont habituées à la présence des humains autour d'elles. » Elle effleurent mes jambes et ça me fait sourire. On reste là jusqu'à ce qu'elles finissent par s'éloigner. J'espère qu'on vivra des moments aussi magiques tout le long de ce voyage. Je me rapproche de lui avant de l'éclabousser rapidement et essayer de partir en courant. Mais bien évidemment, l'eau me ralenti et il me rattrape pour me faire tomber et couler. Je me retrouve de nouveau avec tous mes cheveux devant les yeux à pouffer de rire comme une enfant. « Tu veux vraiment que les images de moi soient affreuses ! » Et je le rejoins sur la plage.

« On est à 1-1, j'ai gagné la première course je te rappel ! » Et j'attrape le cocktail. J'essaie de l'analyser quelques secondes, je le sens, et ça a pas l'air mauvais. Je lève mon verre vers Léo avant d'en boire une partie. « Ok c'est super bon ce truc ! » ça a goût au jus de fruit. Et je me dis que je comprends que c'est ce genre de cocktails qui peuvent être traitre. « Par contre je vais pas en abuser sinon je vais me retrouver bourrée pour la première fois le premier jour de notre lune de miel ! Et ça ça passera très mal à la télé je suis sûre ! » Et je pouffe de rire en buvant une nouvelle gorgée.

« T'as peur des moustiques ? » Seulement si elle tue les moustiques dans la forêt, là elle sera déclarée plus grande meurtrière d'Australie. Seulement si elle me protège de ces bestioles monstrueuses aux grandes pattes. « Non. » Si. « Juste un peu. » Beaucoup. Elle n'a pas besoin de le savoir.

Elles sont en train de la distraire, les raies, dans l'eau. Molly en oublie presque les moustiques, et ma tentative de la noyer - non, c'est l'inverse : sa tentative à elle de me noyer moi. « Tu m'apprends quelque chose ! » Steve Irwin, c'était mon australien préféré. Je rêvais de le rencontrer. Je n'en ai pas eu le temps. « Mais elles sont pas vénéneuses celles là, et elles se sont habituées à la présence des humains autour d'elles. » C'est la spécialiste des animaux qui parle. Elle n'a d'yeux que pour les créatures qui évoluent sous la surface, et j'alterne mes regards entre eux et elle. Elle a l'air d'une passionnée, voilà. Et lorsque enfin, je parviens à la faire retomber à l'eau, Molly accepte mal sa défaite. Enfin, mal - tout est relatif. « Tu veux vraiment que les images de moi soient affreuses ! » Il faudra que j'insiste beaucoup plus - et je ne suis pas sûr de parvenir à l'enlaidir. Elle sera très bien, à l'écran. Les australiens n'auront qu'une hâte : savoir où ils pourront trouver son Instagram.

« On est à 1-1, j'ai gagné la première course je te rappel ! » Je secoue la tête. Elle a perdu. Je l'ai menée à sa perte. Elle me fait rire, à être dubitative face à son cocktail. Elle me fait tant rire que je m'éclabousse en soufflant du nez dans le verre. « Ok c'est super bon ce truc ! » « Je te l'avais dit. J'ai toujours raison. », que je ricane, avant de m'en enfiler une gorgée. C'est qu'il est vraiment bon, en plus, ce cocktail là. Tout a l'air meilleur de toute façon, ici. « Par contre je vais pas en abuser sinon je vais me retrouver bourrée pour la première fois le premier jour de notre lune de miel ! Et ça ça passera très mal à la télé je suis sûre ! » « T'aurais le droit. » Ça serait légitime. Si j'ai un jour imaginé mon voyage de noces, je me figure surtout complètement ivre au champagne. « J'ai hâte que tu découvres les mojitos. » Objectivement le meilleur cocktail de tous les temps.

✵

L'après-midi a été tranquille. Maintenant, nous sommes suivis dans une rue toute éclairée, bondée de touristes de toutes les nationalités. J'ai enfilé ma seule et unique chemise blanche. « Attends, là-bas j'entends de la musique ! » Il y en a partout, de la musique. Le village est minuscule, mais très animé. J'attrape la main de Molly pour ne pas la perdre dans la foule qui se concentre doucement dans ce qui me semble être l'artère principale de la ville. Les gens s'écartent, je crois que ce doit être à cause de la caméra. Nous sommes censés rejoindre un bar, que nous apercevons bien vite à travers une des rues. Lorsque nous sommes assez proches, plus éloignés de la foule, je me plante au comptoir installé en pleine rue et me tourne vers Molly. « Tu veux quelque chose à boire ? » Je jette un œil aux deux personnes qui nous suivent, caméra à la main, et qui me font signe que l'heure tourne. C'est juste une petite sortie. Alors, est-ce que tout va être minuté, maintenant ? Je me penche vers Molly, juste assez près pour qu'elle m'entende malgré le brouhaha ambiant. « 'Va falloir rentrer bientôt. T'auras même pas le temps d'être ivre. » Et je nous commande à boire.

Il a peur des moustiques, et j'aime apprendre quelques petites informations qui semblent anodines, mais qui m'apprenne à savoir un peu plus qui est l'homme que j'ai en face de moi. Et pour l'instant rien ne me déplait, alors je croise les doigts pour que ça continue comme ça, et j'espère aussi qu'il ne me trouve pas des tonnes de défauts. « Tout le monde a ses peurs. » Je ne jugerais pas les siennes parce que ce n'est pas mon genre, et je ne veux pas non plus qu'il soit mal à l'aise.

Et le sujet change bien vite. Rapidement on se retrouve à jouer dans l'eau comme des enfants, à rire de bon cœur et à gêner toutes les personnes qui voulaient être tranquille. On profite du temps qu'on a hors caméra, des moments naturels, qu'on choisi de vivre. Je ne peux pas m'empêcher de parler des animaux qui sont en face de moi et qui tournent un peu autour de Léo, j'adore les animaux marins, et je connais beaucoup de choses sur eux. Mais j'essaie de me contenir, histoire de ne pas me montrer trop ennuyante. Parce que je pourrais lui parler de tout ça pendant des heures. Je m'assoie sur mon transat, complètement trempé et du sable partout sur mes jambes. « Pour l'instant ! » Et je souris, je trouverais bien un truc sur lequel il n'a pas raison pendant ces quelques semaines. Je ne veux pas vraiment être bourrée pour la première fois à la télévision, et la remarque de Léo me fait sourire. « J'aurais totalement pu profiter un peu plus du champagne à la réception ! » Mais j'étais bien trop stressée pour boire ou manger plus que 2 bouchées. « Ooooh tu vas me faire goûter tous les cocktails que t'aimes ? » Une nouvelle aventure, de nouvelles découvertes. Et je peux découvrir tout ça avec Léo, il a l'air de s'y connaître en cocktail sucrés et plutôt bons. Je vais certainement lui faire confiance sur les commandes de boisson.

**


Il fait sombre, on est bien plus tard dans la soirée. J'ai eu le temps de mettre une robe et des chaussures plates avant qu'on nous emmène vers le village qu'on doit visiter. C'est aussi beau la nuit que le jour, et les habitants sont adorables. L'ambiance est magiques, il y a des lumières un peu partout, les gens dansent, et la musique est partout dans les rues. Léo me tient la main et je me laisse guider en essayant d'oublier que les caméras nous suivent, j'ai envie de profiter de cette soirée comme si on était seul tous les deux. « T'as qu'à commander ton fameux mojito ! » Et je lui souris en gardant sa main dans la mienne. J'évite de regarder les cameramans, je suis pas vraiment à l'aise donc j'essaie juste de faire abstraction. J'observe une seconde les gens qui dansent avant que Léo n'attire mon attention. Je pouffe de rire. « Seulement si on reste le temps que la production a décidé, tu crois qu'ils nous obligeront à rentrer ? » Je ne pense pas qu'ils puissent faire une chose pareille. Je pense que si on décide qu'on veut danser jusqu'au bout de la nuit avec la population locale ils n'auront rien pour nous en empêcher. « Y'a que la valse que tu ne sais pas danser ou t'aimes pas danser en général ? » J'attrape son regard avant de tourner la tête vers la piste de danse improvisée. Un homme s'approche du bar et me tend la main, je souris en me tournant vers Léo avant que cet inconnu ne m'emmène sur la piste. Il tente de m'apprendre quelques pas de leur danse, et je rigole encore comme une enfant en essayant de le copier. Décidément, je ne suis vraiment pas douée pour danser.

« Ooooh tu vas me faire goûter tous les cocktails que t'aimes ? » « Seulement si t'oublies que je t'ai presque dit que j'ai peur des moustiques. » Ce qu'elle ne risque pas de faire. Mais je tente ma chance malgré tout.

✵

Et bientôt, nous nous retrouvons projetés dans cette ambiance fêtarde. L'ambiance dans laquelle je me fonds le mieux. L'ambiance que j'ai quitté il y a un moment maintenant, sans m'y replonger même doucement. Il y a longtemps que je n'ai pas dansé vraiment. Elle est jolie, dans sa robe, Molly. Je nous rapproche du bar désigné par la production, juste un tout petit peu plus calme que les autres. « T'as qu'à commander ton fameux mojito ! » Je laisse échapper un nouveau rire en passant nos commandes. Malheureusement, les types qui nous accompagnent n'ont pas l'air très décidés à nous laisser tranquilles. "Vingt-trois heures", qu'ils ont dit. On croirait qu'ils gardent des enfants. Il est déjà vingt-deux heures trente. « Seulement si on reste le temps que la production a décidé, tu crois qu'ils nous obligeront à rentrer ? » Je hausse les épaules. « Je ne sais pas. Peut-être bien. » Est-ce qu'ils nous laisseraient tranquilles, si on le leur demandait ? « Y'a que la valse que tu ne sais pas danser ou t'aimes pas danser en général ? » Le serveur pose nos boissons sur le zinc du bar. « La valse, que je ne sais plus danser. Je savais la danser, avant. » Je suis certain que je saurais encore, s'il n'y avait pas toutes ces caméras.

Son attention, elle est captée par autre chose. Molly s'échappe vers la piste, la musique n'est pas encore trop énergique. C'est comme une line dance, ce dans quoi l'homme qui a subtilisé sa main l'entraîne. Accoudé au bar, un sourire aux lèvres, je la regarde faire. Elle ne se débrouille pas trop mal, pourtant. L'homme a l'air très décidé à lui enseigner son pas, et il est aussitôt rejoint par une femme qui fait de même. Bientôt, c'est toute une petite troupe qui danse ensemble. Et alors que je me tiens un peu en retrait, on vient me chercher. J'ai beau m'essayer à dire "non" dans toutes les langues, on me tire sur la piste. Je me retrouve à danser côte à côté avec Molly, le sourire malgré tout accroché aux lèvres.

Il est vingt-trois heures et deux minutes lorsque l'équipe technique revient nous chercher sur la piste, me soufflant à l'oreille qu'il faudra penser à rentrer. « On reste. Pas longtemps. Une heure, grand maximum. L'hôtel n'est pas loin. Je nous ramène ne vie. » Deux minutes de palabre plus tard, et la petite équipe - composée, en fait, de deux personnes seulement - consent à nous laisser. Et non, je ne saurai pas nous ramener à l'hôtel. Mon sens de l'orientation est un désastre, y a-t-il encore besoin de le souligner ? Une fois qu'ils sont partis, je viens tirer Molly hors de la piste pour lui tendre son verre. « Tiens. Santé. On a environ une heure. » Lorsque nous avons trinqués - et pas avant, ça porte malheur, évidemment - je consens à boire un peu du mien. Le rhum roule sur ma langue, plus fruité que ceux que j'ai l'habitude de boire. « Alors ? » L'arôme de menthe glisse sur mon palais. C'est alors qu'au lieu de la calme musique qu'ils passaient jusque là, la piste se noircit de monde pour faire honneur à des ondes bien plus rythmées. Je me glisse dans la foule, chantant à tue-tête les paroles de Black Widow, officiellement l'une des BO de mon année 2014. Les années Pays-Bas. Les années de la fête tout le jour durant, toute la nuit ensuite. Les années des cachetons en boîte, des champis en soirée et du reste. « Dépêche toi, Cendrillon ! L'heure tourne ! »

Et une personne me passe devant, me pousse dans la foule. Je perds Molly des yeux. Où que je me tourne, elle est impossible à trouver du regard. « Molly ? » La musique pulse trop fort. Y'a un type qui me donne un coup de coude, et tout ma boisson s'étale sur ma chemise. La. Seule. Chemise blanche. « Molly ! » Peu importe la chemise. C'est elle que je dois retrouver. Et là, c'est peut-être le moment de paniquer.

On se pose au bar, les caméras derrière nous et je me concentre soit sur Léo soit sur la piste de danse. Je reste proche de lui pour l'entendre quand il me parle, la musique est déjà assez forte, et je ne suis pas vraiment habituée à ce genre d'ambiance. Je n'ai jamais été le style de fille qui sortait tous les week end avec ses amis de la fac. Non. Moi j'étais plutôt du genre à étudier jusqu'à tard dans la nuit. Mais je vais profiter de ce voyage, et Léo a l'air plutôt à l'aise. Alors je suis le mouvement, et je suis prête à m'amuser jusqu'à ce qu'on nous oblige à rentrer. On ne sait pas si on va pouvoir rester le temps qu'on veut, ou si on va devoir suivre les caméras quand elles auront décidé que c'était la fin de notre soirée. Alors je profite au maximum de chaque instant. Il m'annonce qu'il savait danser la valse, et il ne me dit pas qu'il aime pas danser, et je trouve ça plutôt cool. Parce que, même si je ne suis pas vraiment douée, j'aime beaucoup danser. « Je suis sûre que ça peut revenir très rapidement ! » Je hoche la tête, moi je ne sais vraiment pas danser la valse. « Tu es certainement meilleur danseur que moi. » Et je pouffe de rire en regardant ce que le barman est en train de mettre dans nos verres.

On m'emmène vers la piste de danse, un petit groupe se forme autour de nous et j'envoie quelques regards amusés à Léo qui reste accoudé au bar une poignet de minutes. Mais il se fait aussi embarquer sur la piste et on lui apprend la chorégraphie. Il est à côté de moi et on rigole encore quand on se mélange les pieds et qu'on se retrouve à faire le mauvais mouvement au mauvais moment. Et on reste pendant de longues minutes et la chorégraphie commence à rentrer juste avant que la musique ne se termine. Léo retourne vers les caméras, apparemment c'est l'heure pour nous de rentrer et je suis un peu déçue. Mais je reste sur la piste encore quelques minutes, Léo a l'air de discuter, peut-être qu'il tente de négocier pour qu'on puisse rester tranquille pendant quelques temps. Alors je le laisse faire. Je n'ai pas le temps de le voir arriver que Léo m'attrape la main pour me ramener vers le bar. « T'as réussi à négocier un délais ? » J'attrape mon verre et trinque avec Léo. Encore une fois, je l'observe un peu avant de goûter. « Décidément, t'es un expert en cocktails ! » Le goût est différent de celui que j'ai déjà goûté dans l'après-midi, je sens que l'alcool est un peu plus fort mais le sucre atténue ce goût. Et j'adore la menthe, alors je reprend rapidement une gorgée. Il chantonne et ça me fait rire, je connais aussi un peu cette chanson mais je ne fais que taper du pied en rythme. « Je vais devoir perdre ma chaussure pour être sûre que tu me retrouves après cette soirée ? »

Je continue de suivre Léo mais la foule devient de plus en plus dense. J'aurais dû attraper sa main, parce qu'on me bouscule et je perds complètement sa trace. Je me tourne rapidement, j'essaie de le retrouver mais la piste est bien trop grande. « Léo ? » Je change de stratégie et j'essaie de retrouver le coin du bar où on était tout à l'heure. Mais pas de traces de Léo, là, je vais peut-être commencer à paniquer. Surtout que je ne sais absolument pas comment on va pouvoir rentrer. Je me rapproche du bar et je regarde si il n'a pas eu la même idée que moi. Je me penche pour observer. Ma tête tourne de tous les côtés, et je commence vraiment à paniquer. Je suis seule, et perdue dans un endroit que je ne connais pas. On me propose un verre et je secoue la tête. Bien trop préoccupée pour parler à qui que ce soit. La main de l'inconnu se pose sur la mienne et je la retire rapidement avant de me rediriger vers la foule. Je vais faire le tour de la piste de danse, je pourrais peut-être le trouver plus facilement. Je me fais embarquer 2 ou 3 fois sur la piste par des groupes de personnes mais j'arrive à me dégager. Je ne suis pas très grande, alors j'ai du mal à voir partout. Mais il me semble retrouver la chevelure bouclée du brun alors je m'avance rapidement. Ouf. Sauvée. Je l'ai retrouvé. La crise est évitée. Sans réfléchir ni regarder son visage je le prends rapidement dans mes bras « Léooo, j'ai eu peur ! Je pensais t'avoir perdu ! »

La nuit est belle. La nuit est énergique. La nuit est créative. « Tu es certainement meilleur danseur que moi. » Je pouffe de rire. « Je sais pas si "se trémousser sur la piste" on peut appeler ça de la danse. » Probablement pas. Clément me tuerait s'il savait que je mélangeais danse comme lui il l'entend et... ce que je fais moi, c'est à dire des mouvements un peu aléatoires - et, parfois, voilà que ça tombe sur le rythme. Que mes pieds écrasent le sol pile sur la mesure. Mais ça, c'est de l'ordre du miracle.

Elle ne danse pas trop mal, Molly. Les line dance, c'est plus compliqué que cela n'y paraît. Plus encore, elle a l'air de s'amuser. Et c'est là que je suis vraiment heureux, que mon sourire s'étire au delà du simple sourire social, que je sens que mes yeux crépitent - et ce doit être la faute des flambeaux qu'ils ont allumé partout, pour donner cette ambiance joyeuse et festive. Et alors que l'on m'entraîne sur la piste, je les laisse faire, me meus tout sourire au rythme de la musique. L'air est bon, ici. On ne meurt pas de chaud, malgré la proximité de tous les touristes qui ont rejoint le cortège. La foule bat comme un cœur unique, énergique. Tout semble si parfait, soudain, que j'en oublie que l'heure tourne. Mon bagou nous permet de rester encore un peu. Pas de quoi s'affoler. Ils ne laisseraient pas leurs mariés seuls dans la nature trop longtemps. « T'as réussi à négocier un délais ? » « Pas grand chose. Juste de quoi s'amuser un peu. » C'est déjà ça, autant en profiter. Nous trinquons et je guette le visage de Molly, qui trempe ses lèvres dans le cocktail mentholé. « Décidément, t'es un expert en cocktails ! » D'un mouvement théâtral et désireux de prétendre adopter toute l'arrogance qui me caractériser, je rejette mes cheveux en arrière. « Je sais, je sais. » Et la musique m'emporte. « Je vais devoir perdre ma chaussure pour être sûre que tu me retrouves après cette soirée ? » « Encore une histoire de chaussures ? Décidément, tu ne fais que les perdre ! » Peut-être qu'elles y sont encore, ses chaussures à talons, sur la route qui nous menait à la réception. Et ma main lâche la sienne alors que je me perds dans la foule.

Ma main perd son point d'ancrage et mes yeux font de même, alors que la foule fait barrage à mes sens. Même mon verre s'en trouve renversé d'un coup d'épaule malencontreux. Perdu - pas de panique, pas de panique - je me mets à appeler Molly. Bien évidemment, sots que nous sommes, nous n'avons pas pensé à échanger nos numéros. Ma chemise est foutue. J'ai promis que nous rentrerions en vie et dans les temps. Mon regard balaie la foule sans y trouver ce que j'y recherche. Les palpitations gagnent ma gorge, alors que l'air se fait un peu plus rare. Et lorsque enfin je parviens à retrouver Molly, la voilà contre un autre garçon, cheveux bouclés. Le soulagement fend mon visage d'un sourire, alors que l'autre passe son bras par dessus les épaules de la brune. « Molly ! Putain, tu m'as fait peur. » Le type s'éloigne, probablement en voyant qu'à nos doigts brillent le témoignage de nos vœux, mais Molly n'échappe pas au regard lourd de l'homme qui n'a vraisemblablement pas bu que de l'eau... et qui est incapable d'inhiber ses comportements primaires. Je nous éloigne de la foule. « Tu me confonds déjà avec d'autres bouclés ? Je vais me vexer ! Y'a un type qui a renversé mon verre sur ma chemise. » Elle n'a plus son verre. « Ça va ? On est bêtes, on aurait dû échanger nos numéros pour pouvoir se retrouver. Tiens, le mien. » Je sors mon téléphone pour le lui montrer, qu'elle l'enregistre. « Tu veux rester danser, encore, ou est-ce qu'on rentre ? » Derrière nous, la fête bat son plein. Et de l'autre côté, les rues se font plus calmes, en pente douce vers notre hôtel, vers la tranquillité.