| | | (#)Dim 21 Juin 2020 - 20:40 | |
| Elle s’amuse et elle envie ces ronds qui s’échappent de ses lèvres, qui montent doucement et qui finissent par s’évaporer dans le plus pesant des silences. Quelque chose de si insignifiant, qui part aussi rapidement, aussi facilement, que tout le monde oublie, elle la première en s’empressant de tirer une nouvelle taffe pour reformer un rond encore plus parfait. C’est inutile mais ça occupe. Son esprit est distrait, il ne lui en faut pas beaucoup pour trouver concentration dans la plus ridicule des activités. Surtout une qui lui détruit les poumons. Mais elle lui donne aussi l’impression d’avoir les nerfs qui se détendent et sur ce point–là, elle en a cruellement besoin, la Cadburry. Elle a passé la soirée à faire ce qu’elle sait faire de mieux, oublier, s’amuser, foutre son sourire et son rire au service de l’ambiance du moment. Elle aurait pu zapper Ezechiel s’il n’avait pas fait son numéro, s’il n’avait pas eu la confusion du goût pour une raison aussi obscure qu’affligeante. Elle l’aurait foutu sur le côté, comme elle l’a cruellement fait pendant des heures parce qu’elle est comme ça, Birdie. Elle papillonne, elle ne reste pas, elle se fout de tout.
Et finalement, elle regrette de ne pas s’être trouvée une autre occupation. Elle s’en serait bien passée de ces paroles, assassines malgré lui. Birdie ne veut pas croire qu’il l’a fait exprès, Ezechiel. Il n’est pas méchant, il affirme lui–même qu’il pourrait pleurer de devoir détruire un arbre. Il a l’âme pur de toute la cruauté du monde et pourtant. Il lui souligne qu’il est juste débile. Pas cruel mais débile. Un peu trop simple, comme justification. Mais elle se la ferme, Birdie. Pour une fois, elle laisse ses yeux portés vers le ciel et ses doigts joués la danse avec son mégot et ses lèvres. Elle veut le laisser patauger un peu. Parce qu’après tout, quand on s’appelle Birdie Cadburry, quelle peut être la plus grande sentence, horrible, affreuse et de mauvais augure, que le silence ? Quelle punition plus affligeante qu’elle pourrait offrir que celle de retenir ses mots, d’ignorer, d’être stoïque, de marbre ? Même si l’intérieur ne l’est pas, loin de là. Elle a le brasier au creux de ses entrailles tout comme la mélancolie qui l’envahit un peu plus fort.
Mais ses oreilles restent aux aguets, accueillantes les paroles visiblement bourrées d’état d’âme d’Ezechiel. Elle tousse un moment, la fumée s’égarant là où il ne faut pas, les traits de son visage contracter alors qu’elle finit par le tourner vers lui. « J’ignore ce que tu veux chercher à faire, en faites, mais c’est passé. T’arriveras à rien rattraper ni réparer. Je suis pas un objet que tu peux retaper, Zeke. Les humains fonctionnent pas comme ça. S’ils ont une fissure, c’est foutu. T’auras beau faire ce que tu veux, ça se colmatera jamais. Fous toi ça dans le crâne. Et j’ai pas besoin d’un chaperon et encore moins d’un chevalier pour me protéger. T’as des années de retard sur ce sujet. » Parce qu’adolescente, elle l’aurait laissé faire. Elle l’aurait totalement cru capable de la prendre son aile, de la garder précieusement, de faire attention qu’on ne lui fasse pas de mal. Birdie hésite, tiraillée entre l’envie de ne pas bouger et celle de s’approcher. Elle choisit la première option, restant plantée sur sa voiture, jugeant qu’elle n’a pas à faire le premier pas.
Tant pis si elle parait cruelle en retour. Elle juge qu’elle est en droit de l’être.
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| | | | (#)Dim 21 Juin 2020 - 21:00 | |
| Il avait les yeux pétillants, pourtant son teint était terne. Le pauvre Zeke ne pouvait pas réagir, pas dans son état et, de toute manière, il ne se rappellerait de rien au petit matin et c'était certainement mieux ainsi parce qu'il ne contrôlait rien. Justement, d'ailleurs, il n'y avait rien de pire qu'un Ezechiel qui ne maîtrisait pas ce qu'il disait ou ce qu'il faisait parce que tout était nouveau, trop fort, bien trop violent pour lui. Voilà pourquoi il choisissait le silence habituellement, c'était beaucoup plus aisé à suivre, à gérer, pour ne pas finir mortifié. Le grand homme qu'il était n'avait pas autant de flegme avec quelques grammes d'alcool dans les veines et il n'avait pas envie d'avoir plus mal que cela. Il ne dit rien alors, pas tout de suite, tâchant de se relever en se tenant au véhicule, ignorant forcément la silhouette de Birdie qui n'avait pas l'air d'être en proie à ses émotions quand lui avait la tête qui tournait et ne savait plus quoi faire pour empêcher l'affaire. Il n'aurait probablement pas dû écouter les mots de la blonde, ne rien enregistrer non plus car elle remettait en cause absolument tout ce qu'il était et c'était juste insoutenable pour le grand Blythe. Il valait mieux tituber, ne pas faire attention, rebrousser chemin et la laisser là, toute seule, en espérant qu'il ne lui arrive rien car il s'en voudrait atrocement une nouvelle fois. Cela dit, le pauvre brun n'était qu'un coeur écrabouillé à l'heure actuelle et il prit de nouveau la route du bar sans se poser plus de questions, glissant sur quelques graviers au passage. Le comptoir lui tendait les bras et il ne savait pas du tout si Birdie était restée devant le lieu bondé. Lui s'arrêta là, jouant avec sa vie comme il n'avait jamais osé le faire, juste parce qu'il souffrait d'être encore et toujours seul, à payer pour tous ceux qui avaient été les violents de l'histoire. "Vodka. Grand format." Qu'il en arrive là, qu'il prenne ce genre de décisions n'était pas ce qu'il faisait de mieux mais il était déjà ivre, Zeke, et son cerveau n'était pas suffisamment connecté pour qu'il stoppe le flot tragique de ses émotions là-haut. Pas comme il l'aurait fait habituellement en s'approchant sûrement de Birdie pour s'excuser de mille façons différentes mais sans un mot, jamais sans un mot. |
| | | | (#)Dim 21 Juin 2020 - 21:38 | |
| Il y a quelque chose qu’elle ne comprend pas, qu’elle n’arrive pas à mettre une cohérence. Birdie n’est pas du genre à réfléchir, encore moins quand elle a bu, qu’elle a les pieds qui font mal à force de s’être dandinée et encore moins après avoir fumé précédemment autre chose que de la nicotine. Ses neurones sont à l’agonie la plus totale, ils ne lui ont jamais vraiment servi de toute façon. Elle réagit toujours spontanément, et ce n’est pas forcément une bonne chose. Birdie sera toujours la première à gueuler, à taper du pied, du poing, à hurler ses poumons. Est–ce que c’est parce qu’elle est un petit format qui ressent le besoin de se faire entendre ? Toujours est–il qu’elle n’aime pas qu’on l’ignore alors qu’elle, elle le fait royalement. Superbement même. Exactement comme maintenant, où elle décrète qu’elle s’en fiche royalement de ce que fout Ezechiel. Il disparait du coin de son œil, elle ignore ce qu’il va faire et elle s’en fiche. Ses doigts qui se crispent autour de son mégot en sont la preuve, pas vrai ?
Pourquoi elle a la foutue sensation d’avoir foutu les pieds dans le plat alors que c’est lui, avec sa grande taille et tout ce qui va avec qui l’a blessé ? Il est le fautif. Merde. Il y a quelque chose d’anormal. Quelque chose sur son visage. Elle ne comprend pas, la Cadburn. Elle papillonne ses paupières, rapidement, furieusement, avec vigueur parce que non. Ce n’est pas de la flotte, c’est juste l’éthanol qui s’évapore, d’accord ? Si on transpire de l’eau, l’alcool doit bien aussi sortir quelque part, n’est–ce pas ? Voilà une question qui pourrait mériter réflexion. Plus tard. Maintenant ? Non, ses neurones se sont fait la malle, cela a déjà été établi. Elle tire une bouffée tout en reprenant un coup d’air. Par réflexe, elle tourne la tête. Echec. Il n’est pas là. Il n’est plus là. Il a disparu. Elle a un coup au cœur. Et aux tripes. Elle se penche et elle ne voit aucune forme qui s’efface dans la nuit. Alors ses perles bleutées se stoppent sur le bar. Est–ce que… Non. Et si elle l’avait poussé à ce stade ?
Clope au bec, Birdie saute au sol, râle un moment de ses franges qui se prennent dans les coupures du capot, puis s’avance. D’abord vers la fenêtre, de par lequel elle se met à soupirer, front contre la vitre, buée qui se forme. Ce n’est pas typique comme image. C’est même carrément une autre dimension qu’elle est en train de vivre. Elle finit dos au mur, voire même pied au mur, tirant sur son mégot avec rapidité. Elle jauge ses options, ses possibilités, ce qu’elle va foutre. Dans la réalité des faits, Zeke n’a jamais été le protecteur. Mais elle, elle est quoi, au juste ? Visiblement son propre démon qui l’entraine dans des abymes où il ne serait jamais allé sans elle.
Le mieux serait qu’elle parte. Qu’elle le laisse – non, qu’elle le libère de sa mauvaise influence. Ou est–ce que ça serait de l’abandon ? Dans tous les cas, ça serait mieux pour lui. Mais égoïstement, pas pour elle. Parce qu’elle sait qu’elle se fera du souci. Qu’elle reviendra sûrement sur ses pas malgré tout ou qu’elle ira voir le lendemain s’il est bien rentré. Parce que c’est Zeke. Fous ton égo de côté, pour une fois. Juste pour ne pas à s’inquiéter, il faut qu’elle le garde sous sa vigilance. Cela lui semble logique. Limpide même.
Alors elle rentre dans le bar à son tour. Elle se dirige vers lui, elle s’assoit à côté de lui et elle pointe du doigt le verre d’Ezechiel au serveur. « Je prends ce qu’il prend. »
Echec et mat, girl.
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| | | | (#)Dim 21 Juin 2020 - 22:07 | |
| Il n'était pas censé faire cela, baisser les bras dès les premiers signes de lutte, se perdre dans des comportements destructeurs lorsqu'il n'était pas ainsi, Zeke. Il partait, oui, quand on lui faisait mal au coeur mais il trouvait une manière plus terre à terre de calmer le flot de ses pensées. Le bois. Le manier, le sculpter à sa guise, oublier tout le reste, ne plus qu'être l'artiste avant d'être l'homme. C'était ce que Ezechiel aimait faire dans ces moments là, quand il sentait que le contrôle de ses piètres émotions lui échappaient, ne plus être rien d'autre qu'un pantin sans existence réelle. Ce soir-là, il aurait aimé que le masque tienne encore, qu'il ait suffisamment de force pour lutter contre des vices plus profonds mais l'alcool avait fait son chemin jusqu'à sa caboche et faire le moindre choix logique et cohérent ne lui venait plus à l'idée. Le pauvre brun n'était qu'un pantin mais mené par autre chose que le fil d'un flot artistique... Il était entraîné par le démon, par ce verre qu'on lui colla dans la main et qu'il resta à regarder une bonne minute sans capter qu'il avait les yeux embués. Zeke ne pleurait pas, jamais de solitude en tout cas, parce qu'il aimait cela, pas vrai? C'était le premier principe de son existence, il était seul et le resterait pour éviter qu'il souffre de ne pas correspondre aux idées toutes faites qu'on pouvait attendre d'un grand homme comme lui. Blythe retint tout cela dit, avalant la moitié de son verre d'une traite, ne se sentant pas beaucoup mieux que lorsqu'il avait eu la nausée tantôt, même si son mal avait une nature différente à ce moment là. Il se sentait être mauvais, plus qu'il n'aurait jamais pu le croire, lui qui avait toujours une morale de fer, celui d'être l'homme bon de toutes les façons possibles car il n'avait que cela pour lui. Le reste n'était rien d'autre qu'apparat du moment qu'il était loin du reste de l'humanité... Jusqu'à ce que la voix de la petite blonde résonne jusqu'à ses tympans. Prendre ce qu'il avait pris. Il la laissait faire parce que c'était ce qu'elle voulait, continuer de se blesser perpétuellement sans qu'il ne demeure là pour la rattraper et Zeke ne voulait plus être un frein pour quiconque. Il l'avait déjà été pour Yele, pour Chloe, ses parents, pour toutes les personnes qui étaient passées à un moment ou un autre dans sa vie. "C'est la dernière fois que je bois." Etait-ce parce qu'il avait dit des mots horribles à son encontre? Ou les sensations désagréables qui l'habitaient? Tentait-il de se convaincre? Zeke n'en savait rien mais tout le monde aurait pu voir que quelque chose ne tournait pas rond chez lui et c'était ce qui avait toujours expliqué pourquoi on se moquait, pourquoi on le laissait seul, alors qu'il tournait son regard touché vers Birdie. Sans rien dire de plus. Comme s'il avait des mots à offrir, de toute façon. |
| | | | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 19:10 | |
| Il y a sûrement une différence de tonalité entre eux. Pourtant, les ondes ont souvent été bonnes, deux âmes qui n’ont rien avoir mais qui ont réussi à trouver un sens ensemble. Ils réussissent souvent à se comprendre mieux que les autres, meilleurs que le commun des mortels. Ils ont été si longtemps dans leur monde à eux qu’ils n’y avaient que le grand brun et la petite blonde pour capter la profondeur de leurs propos, parfois inexistants, souvent silencieux, ou alors au contraire complètement éparpillés. Leur communauté atypique fut si différente, si lointain que la société ne peut accueillir sans rien dire des gens comme eux. Elle le sait, il la comprend, c’est aussi simple et limpide que ça.
Alors pourquoi ça se complique quand il tient un propos qui pourtant la fait rire doucement ? Pourquoi est–ce qu’elle a l’impression d’avoir les boyaux qui se retournent quand il tourne son regard vers elle ? Deux iris portés d’une émotion certaine, qui l’ébranle elle autant que lui. Zeke n’a visiblement pas besoin de s’exprimer. A part pour dire des futilités que l’on dit toujours quand on ingurgite beaucoup trop d’éthanol. Cela a du sens. Mais son regard, il n’en a pas. Tout comme ce que ça provoque chez Birdie. Elle n’est pas handicapée physiquement, mais elle l’est intérieurement. Le contrôle des sentiments, mettre des mots sur les maux, comprendre ce que ses cordes sensibles peuvent lui transmettre. Elle n’en sait rien, elle est paumée et pourtant, elle n’ignore pas comment on lit, elle. Elle n’a pas l’excuse, elle qui lit tout sur tout. Elle qui s’entiche à détruire l’humain, elle ne veut cependant pas qu’il arrive malheur à Zeke. Pas de sa faute car elle pourrait s’en vouloir certainement. A mort, probablement.
La lâche qu’elle est fuit ses iris sombres pour les diriger vers le verre divin et salutaire qui se tient devant elle. Ses perles bleues se perdent dans le liquide transparent, son doigt avec sa bague tapotant contre l’objet avec un bruit qui l’aurait elle–même irrité. Pour une fois, les mots restent cloués dans sa tête sans vouloir en sortir. L’adrénaline est sûrement retombée et elle ne veut pas que ça recommence. « Si un arbre devait pousser dès que quelqu’un prononce cette phrase, la terre en serait envahie. » Soft, un langage qu’il comprend, une boutade par-dessous de le marché pour conclure l’affaire. « Y a rien de mal à lâcher prise de temps en temps. » Même si chez elle, ‘‘de temps en temps’’, c’est le temps de sa vie. Mais ça, Zeke n’est pas censé le savoir. Et il y a des choses qu’il ne mérite pas de savoir. Il en sait déjà bien trop. La preuve, à cause de ça, il est venu, il a vu et il a été vaincu. Tout ça parce qu’il est au courant et qu’il a souhaité bien faire. Faire preuve de protection, d’altruisme, de se mêler à une foule qu’il ne connait pas, à un univers dont il ne maitrise pas les codes juste pour elle. Evidemment qu’il en a été foutu en éclats comme ça, Zeke. Elle n’est bonne qu’à ça.
« Je t’aurai bien proposé de danser pour que tu puisses mieux capter les ondes positives qui peut y avoir mais t’as une sale tronche. J’ai pas envie que tu nous fasses un coma éthylique. Et je crois que tu t’es blessé, tantôt. Pas de quoi en crever mais faudrait qu’on s’occupe de ça. » A défaut de le dévisager lui et son visage, Birdie descend ses yeux vers son haut quelque peu martyrisé par les cailloux. Elle boit cul de sec le contenu de son récipient, comme pour prendre du courage juste avant de reporter son attention sur lui. Enfin. « J’veux pas me disputer avec toi, Zeze. Ça en vaut pas la peine. J’ai pas besoin de ta protection. Juste de ta présence. Vivante. » Son support. Son appui. Son rock. Celui qui n’a jamais bougé. Celui qui est toujours resté. Et celui qui en sait beaucoup trop alors qu’il n’était pas de taille pour ça.
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| | | | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 21:02 | |
| Il n'avait pas été façonné dans le même moule que Birdie, c'était une évidence, mais était-ce pour autant une mauvaise chose? Zeke ne l'avait jamais pensé, lui qui se nourrissait des différences d'autrui, de leur manière d'être et de paraître, de croire que le monde pouvait être plus beau. Cadburry avait toujours été rayonnante, un petit bout de soleil au milieu de la nuit qui caractérisait ce cher Blythe. Il ne souriait pas beaucoup, lui, et jamais très longtemps de toute manière. C'était comme s'il y avait une petite ligne en bas de son patrimoine génétique qui lui interdisait d'être trop familier avec le reste de l'univers. En réalité, Ezechiel ne le faisait pas exprès: il subissait le monde plus qu'il ne le maîtrisait et c'était ce fait qu'il montrait aux yeux du grand public ce soir-là. Ce grand homme malheureux, prêt à tout casser du jour au lendemain, c'était lui, c'était Zeke. Il suffisait qu'on le mette face à ses fautes et il perdait toute contenance, le misérable être qu'il était. Clairement, il avait failli sa mission avec Birdie: il n'avait pas su répondre correctement à ses inquiétudes d'adolescente, croyant qu'en l'invitant au rêve et au voyage, il la sauverait d'un ennui palpable. Au final, elle avait souffert plus que de raison et maintenant, Zeke savait qu'elle lui en voulait. Lui aussi s'en voulait et il passait les minutes suivantes à se morfondre au fond de ce verre définitivement trop rempli pour un garçon sobre comme lui habituellement. De fait, la soirée finirait mal pour lui, il avait déjà une vision trouble et pas sûr que ses pensées fonctionnent encore correctement. Blythe avait juste mal au coeur, assez mal pour ne pas avoir l'air de réagir au moindre mot de Birdie. Quelque chose s'était brisé en lui à côté de la voiture de la petite blonde et le fermier n'était pas certain de le récupérer un jour. Abattu, il l'était. Perdu, il l'était encore plus. Que faire? Que devenir maintenant? "C'est rien." Quelques égratignures, en clair trois fois rien, pas besoin d'y prêter la moindre importance. Son verre se termina cul sec, habile qu'il était dans l'art de feindre, personne ne pouvait deviner qu'il n'avait jamais bu jusqu'ici, Zeke. "C'est ma faute tout ça. Désolé." C'était le plus éloquent qu'elle obtiendrait de lui car Blythe ne parlait jamais de son ressenti, pas quand il semblait avoir le coeur autant en miettes après tous les reproches qui avaient fusé entre eux. "Je vais rentrer à pied." Fait lancé comme cela, sans réfléchir, peut être que Ezechiel pensait retrouver l'usage de ses neurones lors de l'heure qui le séparait de son lieu de vie... Il ne savait franchement rien, pathétique Blythe. |
| | | | (#)Jeu 25 Juin 2020 - 22:42 | |
| Il dit que ce n’est rien mais ses gestes disent le contraire. Est–ce que ce n’est rien les égratignures sur sa peau ou entre eux ? Les premiers peuvent être rapidement réparés. La carapace est solide après tout. Les deuxièmes le seront tout autant. Parce que Birdie ne compte pas le laisser tomber malgré tout, elle n’est pas lâche à ce stade, pas encore. C’est sûrement son habitude, l’attitude d’une gamine lointaine qui fut bien plus courageuse qu’elle. Qui savait encore lier des relations et les garder, être la boule d’optimiste et de vie qu’elle était. Elle l’a embêté, Zeke, tellement de fois. Et pourtant, jamais il n’a protesté. Elle n’aurait pas eu sa patience. Elle se serait sûrement donné des baffes un moment ou un autre. Pas Ezechiel. Alors forcément, ça reste ancré en elle et elle revient toujours. Vers lui, vers chez eux, vers ce qu’elle connait le mieux, vers le réconfort. La maison est toujours là, toujours bariolée, le quartier tient toujours, c’est rassurant. Et au milieu de tout ça, il y a l’aîné Blythe qui traine ses pattes, qui s’occupe du bétail qui a égayé la cadette Cadburn tant de fois. Alors Birdie reviendra pour lui. Comme elle reviendra pour sa famille. Et sûrement Malachi. Ils appartiennent à ce passé lointain, où tout n’était qu’innocence et insouciance.
Tout ce qu’elle n’est plus, même si on pourrait avoir un doute sur le deuxième point.
Alors si ce n’est rien, elle veut bien le croire. Il s’excuse dans la foulée et Birdie arque un sourcil. Elle ne comprend toujours pas pourquoi. De quoi il est désolé ? Qu’un autre a décidé de mettre la main sur elle pour assouvir une envie pressante ? Qu’elle a été détruite dans ce qu’elle a de plus intime et de plus précieux – à l’époque en tout cas ? Pourquoi il se sentirait désolé, Ezechiel, alors que le coupable lui–même ne l’a jamais été ? Il ne comprend pas que c’est la source de sa frustration ? Qu’il n’a pas à être désolé ? Mais tant pis. Elle accepte quand même ses excuses. Au moins pour ce qu’il a dit. Birdie s’en fiche que ce soit dans son intérêt à elle, qu’il se soucie pour elle, qu’il cherche juste à la tirer vers le haut. Elle n’a rien demandé de cela. Elle n’en veut pas. Elle peut se débrouiller toute seule.
« T’as conscience qu’y a bien au moins une heure de marche ? » Pas comme si cela pouvait lui faire peur. Aussi bien à lui qu’à elle. Birdie glisse de son siège et passe son bras autour de celui d’Ezechiel. Elle pose son menton dessus. « J’habite pas loin. Tu peux venir dormir sur place. Tu pourras même t’affaler sur moi pendant le trajet et squatter mon lit. » En guise de pardon à la Cadburry. Parce qu’elle ne s’excuse jamais à proprement parler de toute façon. C’est bien trop compliqué et son égo n’apprécierait pas vraiment. Surtout qu’elle juge qu’elle n’a pas eu tort de ses propos et réflexions jusqu’à présent. Un sourire mutin vient se pendre à ses lèvres. « Toujours pas tenté par un petit rodéo sur le capot ? » Elle sait qu’il dira non de toute façon. « On rentre où tu veux mais j’te laisse pas seul. Y a de drôles d’énergumènes à cette heure–ci dehors. Et crois–moi, tu peux avoir besoin de moi. » Birdie finit par tirer son bras de ses deux mains. « Allez, let’s go home, farmer boy. »
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| | | | (#)Sam 27 Juin 2020 - 21:02 | |
| Il ne savait plus tellement où se placer, le grand Blythe. Il ressentait juste la fatigue extrême s'éparpiller à travers le moindre de ses muscles et pourtant, Zeke ne voulait pas dormir. La terre tournait bien trop pour qu'il l'envisage: non, il avait juste envie de marcher durant des heures, finir par voir le soleil se lever et ne plus avoir à penser à quoique ce soit. Il était blessé, déchu et son coeur n'avait pas l'air de battre à un rythme régulier, voire de battre tout court. Ezechiell ne s'était jamais senti ainsi et il n'aimait pas tellement l'intrusion de l'alcool dans le flot de es pensées car tout prenait une tournure négative alors qu'il n'était pas ainsi habituellement, le fermier. Certes, il ne respirait pas la joie et la bonne humeur très souvent vu leu peu d'expressions faciales qu'il arrivait à partager au quotidien mais il arrivait toutefois à trouver du bon dans tout ce qu'il vivait, dans tout ce qu'il voyait. Maintenant qu'il y avait eu cette mini dispute avec Birdie, le brun n'arrivait plus à voir comment les choses pouvaient être belles et bien se terminer. En réalité, la faute lui revenait à Ezechiel: tout ce qui était arrivé à Birdie était né d'un sentiment de désespoir et de solitude entre les murs de sa chambre, de ce quartier sans vie qui les avait vus grandir. Zeke n'avait rien fait pour la retenir, il l'avait au contraire poussée à aller de l'avant et maintenant, la blonde n'était plus tout à fait la même. Oui, la vérité était bouleversante mais Zeke ne reconnaissait pas tellement la voisine qu'il avait connu. Tout avait l'air si sombre chez elle, malgré une apparente énergie positive. Tout cela, c'était un mensonge et maintenant, Ezechiel le savait. C'était ce qui lui faisait mal en se relevant du tabouret, se dirigeant instinctivement vers la sortie alors que Birdie recommençait à parler, apparemment bien décidée à ne pas le laisser prendre le chemin de la ferme. "Je veux marcher. Longtemps. T'es pas obligée de suivre mais j'ai pas envie de dormir. C'est très sombre, ce soir." Ses pensées, son coeur, la nuit noire, les événements tragiques qui les tenaillaient. Il commença sa route sans savoir vers quoi il se dirigeait, peut être pas la ferme mais est-ce que c'était si grave de ne pas se sentir chez soi en un seul endroit sur cette planète? "On me fera rien, t'as vu ma tête?" Il était grand, on le trouvait laid et effrayant, personne ne viendrait le toucher et Birdie devait le savoir. "Tu veux pas remonter le temps? Je veux oublier ce qui s'est passé.' Ou ce qui n'est jamais arrivé. Zeke ne savait pas vraiment ce qu'il sous entendait par là mais il regrettait énormément, en témoignait l'expression émue de son visage, lui qui ne laissait jamais rien paraître en temps normal. |
| | | | (#)Dim 28 Juin 2020 - 17:51 | |
| Le contraste entre le rythme de la salle, l’ambiance qui transpirait de leurs compères autour d’eux et les deux imbéciles qu’ils sont est assez saisissant. Birdie n’a pas pour habitude d’avoir son adrénaline qui redescend aussi sec mais il faut croire que les circonstances sont assez exceptionnelles pour que cela arrive malgré tout au moins une fois dans sa vie. Okay, cela est sûrement la deuxième fois, la première fois s’étant finie avec sa copine du moment branchée à des câbles d’hôpital dont rien que l’image fait frissonner la Cadburn. Mais là, il y a un événement tout aussi spécial. Peut–être moins dramatique – heureusement parce que Birdie n’aurait pas pu le supporter, pas après Malachi, certainement pas après tous ces drames ambulants qu’elle n’a rien demandé mais qui lui sont quand même tombés sur la figure – mais assez intense et important pour que la jolie blonde reprenne un minimum d’esprit et assez de contenance pour ne pas perdre son ami des yeux. C’est ce qu’est Ezechiel, et ce qu’il restera. Il aura beau dandiner son grand corps bien trop imposant pour la frêle personnalité qui s’y trouve à l’intérieur loin d’elle, il n’y arrivera pas. Pas plus qu’il la repoussera. Si c’est là une tentative de la faire fuir, il se trompe. Sur toutes les lignes possibles.
Ce n’est pas l’obscurité qui va lui faire peur. Que ce soit au sens propre comme au sens figuré alors qu’ils sont dehors et qu’elle lève les yeux vers le ciel. Même là–haut, y a des nuages qui viennent s’imposer. « Avant, y avait une croyance qui disait que les étoiles, ce sont des trous que forment les dieux pour nous regarder. Bordel, ils doivent bien rigoler, hein. » De les voir aussi pitoyables et insignifiants et pourtant, monter sur de grands chevaux et se donner de l’importance malgré tout. Birdie lâche un léger rire, sincère celui–là, quand il lui parle de sa tête et encore plus quand il lui demande de remonter le temps. Elle place ses mains sur ses joues pour amener son visage vers elle. « Je l’aime, moi, ta tête. » Elle l’a toujours aimé. Elle sourit, lui embrasse le front et glisse ses mains dans ses cheveux pour ne pas assombrir son visage, justement. « Mais on a eu la preuve ce soir que c’est pas ça qui empêchaient les gens de venir t’emmerder. » Sinon, on ne se serait pas moqués de lui, on n’aurait pas joué de lui, on ne s’en serait pas pris à lui. Tout ça parce qu’elle n’était pas là, dans ses pattes, à surveiller. Hors de question de faire l’erreur une nouvelle fois. « On peut remonter le temps, si tu veux. Je monte sur ton dos et on s’amuse à faire le cheval, comme avant. » Avant tout, avant la vraie vie, avant le tourbillon, avant les changements. Birdie a son visage qui s’éclaire un peu plus en même temps que son sourire, malgré le fait qu’elle a un pincement parce qu’elle voit l’expression d’Ezechiel. Elle passe ses pouces sur ses joues, juste sous ses yeux sombres. « J’aimerai que t’oublie aussi, Zeze. Y pense plus et ça finira bien par partir, non ? » Bien sûr, Birdie. Elle s’y connait bien, en étouffement de pensées. Tant et si bien qu’on finit par ne plus savoir si c’est vraiment arrivé ou non. Elle ignore ce qu’Ezechiel veut oublier mais elle, elle aimerait qu’il zappe ce qu’elle lui a dit. Ce qu’elle lui a révélé. Ce qu’elle n’aurait jamais rien dû dire à personne. Comment elle a pu délier sa langue après l’avoir tenu pendant des années, bordel ?
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| | | | (#)Dim 5 Juil 2020 - 12:58 | |
| Il n'était pas un garçon qui respirait la joie de vivre, encore moins ce soir-là, une fois que l'alcool lui avait presque fait passer l'arme à gauche, comme quoi il avait bien fait, Zeke, de ne pas commencer à boire toutes ces années. Force était de constater que tout cela ne lui allait pas du tout car il s'était assombri en l'espace de quelques minutes, après cette dispute des plus étranges avec Birdie. Ils n'avaient jamais eu ce genre de conversations: en général, la Cadburry parlait et Zeke était là pour la canaliser mais il s'avérait que la teneur de leur discussion n'avait pas conservé ce ton joueur habituel. Les aventures épiques de la soirée avaient simplement rappelé au grand Blythe tout ce qu'il n'était pas et qu'il aurait dû être. Il s'était renfermé sur lui-même il y avait déjà bien longtemps de cela mais il avait toujours essayé de faire croire aux autres que le chemin à suivre était bien distinct du sien: il fallait voyager, voir la vie en grand, profiter au maximum de tout ce que la ville alentour avait à apporter. Sacrément hypocrite de sa part en vérité car il aurait dû tenter de son côté, Ezechiel, au lieu de faire porter ce fardeau de l'expérience aux personnes importantes dans sa vie. Birdie avait été un dommage collatéral de sa peur de grandir, de ne pas être assez et elle en était revenue totalement brisée. Blythe avait alors compris qu'elle lui en voulait de l'avoir poussée à s'épanouir loin de leur petit village, là où le mal était partout et surtout constant pour les naïfs comme eux. Elle l'avait payé le prix fort et Zeke n'avait rien vu venir. Il n'avait pas su et maintenant, l'information lui transperçait le coeur sans cesse et il n'arrivait pas à tuer cet inconfort qui le poussait à être encore plus sombre qu'à l'accoutumée. Au bout du compte, Blythe se détestait encore plus ardemment que la veille, l'alcool n'aidant pas dans l'entreprise d'acceptation. Alors, se retrouver dehors, retrouver la marche au beau milieu des étoiles, sentir que Birdie l'avait tout de même suivi pour prononcer les anecdotes habituelles, c'était quelque chose qui devait l'aider à se sentir mieux. Il attendait cela, il rêvait juste de cela, fuyant toutefois le regard de sa comparse parce qu'il avait honte de tout ce qu'elle avait eu à traverser par sa faute. Il ne put pas le faire très longtemps vu la volonté de la petite blonde, elle qui vint lui baiser le front, l'obliger à se tourner vers elle pour remettre les pieds sur terre, arrêter de se flageller inutilement pour un passé qui était censé être révolu. Irrémédiablement. "C'est parce que j'étais saoul qu'ils en ont profité, c'est tout. Sobre, on m'embête jamais." Il faisait peur lorsqu'il était en pleine possession de ses moyens, Zeke, mais ce n'était pas quelque chose de définitif, malheureusement pour lui. "On peut plus redevenir des mômes, tu sais. Pas plus qu'on peut oublier ce qui est arrivé. Y a rien qui part comme ça. Je crois." Au fond, il n'en savait rien mais lui, il savait simplement qu'il avait mal au coeur depuis des mois et que rien de ce qu'l faisait n'aidait à faire partir la sensation. "Yele me déteste, tu sais. Et mon père est malade, il veut pas se soigner et pour eux, tout est ma faute. Qu'est-ce que j'ai mal fait?" Beaucoup trop, parce qu'il avait été faible, qu'il avait fait preuve de sentiments et qu'il n'avait pas résisté. Zeke ne pouvait pas se permettre cela, et là, il demandait conseil à Birdie pour tout arrête. Ne plus ressentir. Ne plus paraître si faible. Paraître aussi heureuse qu'elle, même si c'était du mensonge. Pur et dur. |
| | | | (#)Dim 19 Juil 2020 - 19:05 | |
| Pourquoi lui posait-on ce genre de contrariétés ? Est-ce que c'est une façon étrange de l'univers de lui faire un peu plus payer l'addition de ses erreurs, la globalité de ses échecs ? Pourtant avoir revu le regard océan sombre de Joseph a été d'une suffisance exemplaire. Au-delà des limites sûrement même. Mais non. Il a fallu qu'elle contemple, qu'elle soit témoin du mal être de ses amis les plus proches et les plus précieux. Perdue dans ses propres abymes, elle n'a rien vu, elle n'a rien entendu. Aucun appel, aucun signal de détresse alors qu'ils étaient là. Mais ils sont bien trop silencieux, bien trop discrets contrairement à elle qui prend toujours toute la place. Plus de place qu'elle ne devrait. Comme d'habitude, égoïste à souhait et aveugle en plus d'être sourde. Si elle s'était posée deux minutes, peut-être qu'elle aurait pu… Mais non. La voilà qui doit les rattraper in extremis par ses frêles bras qui se font forts – qui doivent l'être, pour eux, alors qu’elle ne sait pas comment faire. Birdie ne sait toujours pas gérer ça, le point d'interrogation flotte et mouve autour d'elle comme une ombre déplaisante. Comment ils peuvent avoir aussi mal alors qu'ils n'ont rien demandé à personne ? Pourquoi leur infliger tout ce malheur à eux ? Birdie peut comprendre pourquoi elle, qui a cumulé les fautes de parcours, les mauvais choix, le train de vie douteux. Mais Ezechiel ?
Il y a l'incertitude qui plane, des questions dont elle ne trouvera pas de réponses. La seule chose certaine est cette désagréable sensation qui lui parcourt les veines, comme un poids sur les épaules et dans la poitrine. Ce qui pourrait ressembler au goût de la culpabilité. Est-ce que c'est à ça que ça ressemble ? Le regard bleuté troublé par la vision d'un Zeke qui a eu comme le ciel qui lui est tombé sur la tête. Alors que ce ne fut qu'un feu follet, qu'une intrépide gamine qui n'a jamais été foutu de prendre soin d'elle. Birdie n'aurait pu prédire comment ce foutu speed dating aurait tourné. Si elle avait eu connaissances de tout le bordel qui en a découlé, elle se serait sûrement abstenue. Ou elle aurait essayé de changer la trajectoire finale. Mais Birdie étant Birdie, évidemment qu'elle a réagi de façon stupide et irréfléchie, portée par l'adrénaline, le choc et l'éthanol.
« Ca part si on veut que ça part. Le karma est pourri, il est injuste et il est pas compréhensible. Faut juste savoir lui taper dans les couilles et lui dire que c’est toi qui décides, et pas lui. Pas eux non plus. Okay, la famille, c’est important et blablabla, mais c’est ta vie. T’as rien fait de mal, j’en suis certaine. » La Cadburn soupire, elle baisse les yeux, elle sent la défaillance venir. Parce que même si elle réussit à s’asseoir sur ses problèmes, qu’elle réussit à occulter – ou presque – ses démons, ce n’est pas de la meilleure des façons. « C’est toi qui peut savoir comment rebondir, aplatir tout ça et…. Je suis pas la bonne personne pour ça, Zeke. Regarde, je… J’ai même pas été foutu de voir que t’allais pas bien, surtout après la bombe que je t’ai faite explosée à la tronche, et je m’en veux parce que t’y es pour rien mais que tu peux pas t’empêcher de t’en vouloir quand même et que c’est pas ce que je veux. Je suis pas une bonne personne, je n’ai pas de nobles intentions comme toi. » La gamine redevient en son état, ses grands yeux bleus coincés sur l’apparence d’Ezechiel avec une détresse à peine dissimulée – pas pour elle mais pour lui. « Tu peux pas me demander la solution parce que tout ce que je vais t’apporter, c’est encore plus de mal. Alors si, je veux croire qu’on peut redevenir des mômes parce que si on peut pas au moins s’accorder ça, autant aller se shooter jusqu’à ce que mort s’en suive. » Parce que sa vie n’est qu’un jeu et que son âge mental n’a jamais grandi. Alors Blythe ne peut pas lui retirer ça. Tout comme elle ne peut pas lui infliger plus en lui apportant des solutions invivables pour lui.
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| | | | (#)Dim 19 Juil 2020 - 20:38 | |
| La solitude finissait toujours par peser lourd et Zeke avait beau posséder des épaules solides, il arrivait fatalement un moment où le dos fléchissait. Au moins, un peu. Pour le moment, Ezechiel n'était pas brisé: il se rendait juste compte que son univers entier n'était qu'un vaste leurre car il n'avançait pas. Il restait planté là, hache et marteau à la main, à attendre que les planètes lui envoient un quelconque signe pour lui indiquer qu'il était sur la bonne voie. La vérité était toute autre, Blythe n'avait pas aidé le reste de sa famille, il se contentait de garder plus ou moins la ferme à flot, autant dire que l'échec se révélait cuisant avec quelque peu de recul. Il s'usait à la tâche pour un bénéfice moindre, pour des dettes qui n'en terminaient plus d'augmenter et qui signifiaient que la ferme allait bientôt devoir passer entre d'autres mains. Zeke s'y refusait car c'était sa vie entière qui se trouvait coincée dans un enclos avec les moutons, les vaches et les chevaux. Que ferait-il s'il ne pouvait plus subsister dans son lieu natal? Il n'avait plus que cela pour lui et un espoir qui s'achevait ce soir-là, perdu entre les dires brutaux de Birdie et les regrets flagrants d'un homme qui n'avait pas fait assez. Il n'avait clairement pas sauvé la jolie blonde, il n'avait fait que la projeter dans le grand univers, décor immense qui avait fini par la rattraper, la happer et la broyer. Sans plus de considération. Le grand brun en était à l'origine, il était un des précurseurs de cette douleur que Cadburry portait sur ses épaules depuis des années désormais et il ne pouvait plus rien faire pour l'empêcher. Pour la rattraper, sa jeune voisine, lui assurer que tout irait bien car il était lui-même abîmé. Déchiré à l'intérieur. "J'ai jamais existé, Birdie." C'était pire encore que n'avoir pas vécu, c'était indiquer qu'il n'avait jamais rien été. Juste un mirage, pas plus qu'une ombre en tout cas mais il se méprisait de le présenter ainsi à la blonde, elle qui avait besoin de ses sourires, de ses bras protecteurs et d'un ciel bleu pour avancer plus sereinement. "Dis pas de bêtises. T'es une bonne personne. Ou personne ne l'est. Puis, c'est rien tout ça. C'est rien." Comme lui était rien. Comme le monde tirait vers son extinction. Tout passait. Tout guérissait, d'une manière ou d'une autre. "J'aimais pas être un môme. Je me défendais pas. Au moins maintenant, je peux me protéger. Je peux juste plus te protéger, toi." Elle avait grandi et il ne pouvait rien faire, sauf essayer de lui sourire en passant un bras autour de ses épaules en espérant que leur amitié survivrait à ce monde étrange. |
| | | | (#)Mar 28 Juil 2020 - 18:51 | |
| « J'ai jamais existé, Birdie. » Voilà une boucle répétitive et habituelle, des propos guère surprenants. Zeke qui se descend plus bas que terre qui fait comme si son existence se résume à ça : le néant. C'est triste, ça ne manque jamais de la frustrer, la gamine, parce que c'est terrible faux, que personne ‘‘n'est rien’’, ça n'a pas de sens et Zeke mériterait presque une nouvelle baffe ; mais elle ne veut pas de nouveau faire preuve d'énervement ni de déchaînement. Pas envers lui alors qu’il semble sur le point déjà de se briser, même si le désir n'est pas manquant. Il a déjà eu sa dose, peut-être qu'elle peut le laisser en paix pour l'instant. Birdie reste donc silencieuse à ces mots, étrangement. Elle n'a pas envie de débattre, elle a le voile sur ses yeux qui s'abat parce que la force n'y est plus et que ses paroles resteront visiblement comme l'image qu'Ezechiel a de lui ; le total néant. Si lui ne peut pas l'entendre, alors cela ne sert à rien, cela reviendrait presque à parler à un malentendant. Pourtant, même s'il a ses propres difficultés, la jolie blonde sait que ses mots sont percutants. On ne peut que l’entendre, l’oiseau bavard ; étant une Cadburry, il ne peut en être autrement. Mais le Blythe a des œillères et la petite tornade ne peut résoudre à elle seule les tourments de sa tête, les tréfonds de son esprit restent les siens à contrôler, à maîtriser, à comprendre, et elle qui a déjà du mal avec ses propres démons, elle ne peut rien y faire malheureusement. Zeke mérite le monde mais il se réduit à rien, comme si son entité n’était qu’inexistant.
« Dis pas de bêtises. T'es une bonne personne. Ou personne ne l'est. Puis, c'est rien tout ça. C'est rien. » Et c'est là que sort le rire, clair, limpide, tonitruant. S'il n'est pas foutu de l'écouter, Zeke aime inventer des chimères aussi grandes que lui, aussi mensongères que peut l'être son esprit innocent. Parce qu'il l'est, mon dieu qu'il l'est, innocent. Candide à souhait et Birdie ne peut que le regarder avec ses propres yeux azur possédé de cet air hagard avec un fond d’émerveillement. Qu’on puisse encore avoir autant d’espoir sur elle, qu’on puisse encore la voir de cette façon après tout ce temps. Après tout ce qu’elle a pu faire, tout ce qu’elle est, il y a encore de rares cas qui n’ont pas de visions flouées d’elle - la simple vérité n’ayant jamais été portée à leur attention, Birdie prenant un soin presque inconscient de garder les angles arrondis indéfiniment. « Dire des bêtises fait partie de mon quotidien, mon grand paysan. T’as un œil sur moi qui est foutrement complaisant. Mais s’te plait, ne reste pas planté dans tes mensonges persistants. Tu penses ça parce que c’est ce que je veux te faire voir, mais si tu avais conscience du bordel, que j’ai causé, tu te tais, Birdie, si tu savais, tu me regarderai différemment. » Parce qu’il ne pourrait en être autrement. La jeune Cadburn secoue la tête parce qu’il lui accorde bien plus d’importance et de mérite qu’elle en mérite normalement.
« J'aimais pas être un môme. Je me défendais pas. Au moins maintenant, je peux me protéger. Je peux juste plus te protéger, toi. » Il y a eu les moqueries dans les coins de ruelles et des couloirs qui résonnaient telles des hurlements. A force de n’entendre que ça, on finit par les croire, forcément. Mais Birdie fermait ses œillères, sa force de caractère ayant toujours été présente et acquise dès ses premiers balbutiements. Quand elle courait déjà avec les plus grands en couche culottes et qu’elle n’en avait rien à faire des écorchures sur ses genoux ou ailleurs tant que c’était marrant. Elle n’a toujours écouté que son instinct, que sa tête, que son envie de vivre et tant pis si les autres n’étaient pas contents. A commencer par sa sœur aînée, qui a passé bien du temps à lui courir après en criant de faire attention et qu’elle était trop petite pour aller avec les grands. Mais les voix, les murmures, les piques, elle en était sourde, le visage complètement indifférent. Birdie n'a jamais eu besoin de personne pour la couver, bien trop fière d'avoir gardé son statut aussi indépendant. Mais elle a besoin de ses piliers, de ses fondations et Zeke en est un, roc solide, fidèle, toujours au poste, consistant. Contrairement à elle, il n’est pas du genre à disparaitre subitement. Le frêle oiseau en comparaison au chêne qu'il est, joint sa main dans celle qui est suspendue sur son épaule, sa tête se nichant contre lui, ses doigts se liant avec force et entêtement. Ce n'est pas demain qu'il pourra la laisser sur la bordure de la route et à en juger par son geste, ce n'est pas prévu dans les projets du grand brun immédiatement. Ce qui fait sourire Birdie, qui se retient à lui aussi bien pour ne pas qu'il fuit, pas d'elle, il n'a pas besoin, mais aussi pour garder son équilibre, qui reste précaire et brinquebalant. « Voyons, je suis choquée, pour qui tu me prends ? Je suis immarcescible, éternelle, increvable, Zeke, t'as pas besoin de t'inquiéter pour moi, je n’ai pas besoin de ton accompagnement ! » Qu’elle s’exclame en levant leurs mains jointes vers le ciel dont l’immensité ne finit par d’être intimidant. Son sourire se soulève sur ses lèvres alors que leurs pas les guident vers l’inconnu le plus total – se laisser porter au fil de leurs envies sans réfléchir, c’est toujours plus grisant.
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| | | | (#)Mar 28 Juil 2020 - 19:30 | |
| Il ne devrait pas être aussi noir, ce n'était pas ainsi qu'il avait été élevé. Ses parents avaient toujours fait en sorte que leurs mômes trouvent du bon dans la moindre des situations et Zeke était celui qui s'en était toujours le mieux sorti avec cette histoire. Pourtant, l'alcool avait fait son travail, un très mauvais travail, soyons honnêtes, et voilà qu'il disparaissait derrière une couche d'auto-haine. Ce n'était pas son genre de se considérer comme une âme vide, du moins pas face à une autre personne, Zeke faisait toujours tout ce qui était en son pouvoir pour conserver ses idées les plus sombres pour lui-même. Personne n'avait besoin de savoir qu'il ne s'appréciait que très peu et qu'il aurait préféré naître ailleurs que dans sa petite ferme avec son caractère si mutique. Néanmoins, on ne pouvait pas dire que le Blythe avait pu faire preuve de contrôle depuis qu'on l'avait forcé à boire le liquide sirupeux et surtout alcoolisé que le barman lui avait servi. Voilà la première erreur de son existence, se retrouver dans un sale état, sur le bord d'une route très fréquentée, à essayer de tenir le choc sans avoir envie de s'endormir dans le fossé. Autant dire qu'il n'était pas prêt de retrouver le confort de son lit, pas cette nuit là en tout cas. C'était peut être ce que Birdie avait cherché d'ailleurs, le faire sortir de ses travers habituels, lui, le grand homme qui passait son temps à surveiller que rien de mauvais n'arrivait à la petite blonde, comme s'il vivait sa vie par procuration avec elle. Oui, le grand brun était pathétique mais il n'essayait pas franchement de s'en défendre, pas à son âge car Ezechiel savait qu'il avait raté le coche concernant le flot de son existence. Il n'y avait rien qui l'attendait le lendemain, pas plus qu'il n'avait vécu des instants dignes d'intérêt la veille. Morne, voilà ce que tout cela était, jusqu'à ce que son nez se retrouve par terre, que Birdie joue les héros du dimanche et les voilà à former un duo improbable sur le bord du trottoir. Basta. "J'crois pas. Pas la peine d'insister, Birdie, tu me feras pas changer d'avis." Il savait parfaitement ce qu'il pensait de la petite blonde et elle aurait beau lui apporter des preuves par A plus B qu'elle était une terrible personne à jeter au beau milieu de la fosse aux lions, Zeke n'était pas prêt de lui offrir ce plaisir. A la place, il la laissait agir, comme toujours, poser sa tête et sa main contre son épaule, blablater sur divers sujets qu'il ne comprenait pas. Ce n'était pas comme s'il essayait en réalité: Zeke avait juste la sensation d'être passé à côté de tout ce qui comptait cette dernière décennie et il ne pouvait strictement rien faire pour réparer l'affaire. Non, là, il avait juste les yeux qui se fermaient tout seuls, on remerciait à nouveau l'alcool pour ses effets indésirables. En plus, les paroles de Birdie ne l'aidaient pas vraiment à garder les pieds sur terre, plutôt l'inverse. De quoi elle parlait? Qu'est-ce que c'était que ces mots-là? Zeke n'était pas un dictionnaire ambulant, il n'en avait jamais ouvert en vue du peu que le concept pouvait lui apporter. Alors, à la place de fournir une explication tangible sur ses incompréhensions, il sauta dans le fossé, ou plutôt, il s'y laissa tomber. Il allait dormir là. Voilà ce qu'il allait faire parce que la terre tournait beaucoup trop maintenant qu'il était de retour au sol. Autant fermer les yeux, non? Il avait froid cela dit et c'était dévastateur, le froid, n'est-ce pas? Est-ce que Zeke y survivrait? "Je me repose deux minutes. Et on repart." La blague, Blythe. Elle était particulièrement drôle celle-là. |
| | | | (#)Mar 28 Juil 2020 - 20:30 | |
| « J'crois pas. Je– Pas la peine d'insister, Birdie, tu me feras pas changer d'avis. » Okay. Quand Zeke se met à parler d’un ton ferme comme ça, Birdie a l’automatisme surprenant de ne pas insister effectivement. Elle clôt ses lèvres, elle ferme sa bouche et elle regarde le sol, tapant dans les cailloux qui traversent son trajet. Il ne veut pas la croire mais le jour où il apprendra ne serait–ce qu’un micro centième de ce qu’elle a pu faire, il la détestera. Il ne l’aimera plus, il s’en voudra plus de ne pas l’avoir protégé, il s’en foutra d’elle. Instinctivement, la jeune éméchée se raccroche un peu plus contre son ami parce qu’elle ne veut pas que ça arrive, pas encore, pas tout de suite. Mais ce n’est pas encore le cas. De toute façon, tant qu’elle ne dit rien, tant que ses lèvres restent clôturées, elle n’a aucun risque à avoir. Il en sait déjà trop et voilà qu’elle doit déjà vivre avec la culpabilité de le voir s’acharner contre lui-même pour un truc totalement indépendant de leurs volontés à tous les deux. De toute façon, la notion ‘‘être une bonne personne’’ est un concept assez flou, c’est une question de point de vue, c’est tout.
Alors le point de vue d’Ezechiel restera celui de la vision faussée qu’elle peut lui donner depuis toutes ces années. Toutes ces choses qu’elle garde pour elle et en elle, qu’elle traine comme des boulets mais qui ne l’empêchent pas de courir là où le vent l’emporte. Il est bien mieux dans l’ignorance, Zeke, surtout après avoir vu les conséquences que la vérité peut avoir sur lui. Ce n’est pas à lui de la protéger, c’est clairement l’inverse, il n’y a pas à en douter une seconde. « Je me repose deux minutes. Et on repart. »
Il était là et tout d’un coup, il n’est plus. Birdie a un regard confus et manque de chavirer dangereusement aussi avant de voir où avait atterri Zeke. Et elle rigole, la gamine, parce que c’est foutrement drôle. « Tu veux que j’enterre ? Ou tu te prépares à te cacher pour la prochaine bombe atomique ? » Il est clair que maintenant qu’il est allongé, il va avoir du mal à se redresser et sortir (littéralement) du trou. Ses yeux bleutés l’observent dans l’obscurité, le sourire lumineux sur le visage avant de crier « Attention, bombe à veniiiiiir ! » avant qu’elle ne saute elle–même dans la fosse. Elle manque de bousiller la cheville – si elle clopine demain, voilà la raison absurde – mais ça n’empêche pas la Cadburn de se mettre de nouveau à rire alors qu’elle est dans une position inconfortable à moitié sur Zeke. « On sait que si tu te reposes ‘deux minutes’, tu vas jamais repartir, gros lourdeau. On aurait dû prendre le vaaaaaan, tu vois, t’as pas voulu m’écouter ! » D’autant plus qu’elle habite pas loin d’ici. C’est totalement ridicule mais tant pis. Elle s’allonge à moitié et Birdie le redresse sur elle pour que que sa tête soit installée sur elle et non l’amas de terre – question de confort, c’est tout. « Tu dors et tu vas te réveiller avec des tresses brésiliennes. Partout. Tu pourras pas dire que t’auras pas été prévenu. » Dit–elle, une main dans ses cheveux et le sourire hagard alors que son dos se repose contre une paroi de la fosse. Retourner à l’état sauvage, s’engouffrer dans la terre, rien de plus naturel pour des enfants comme eux.
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