Dire que j’étais dégoûtée d’avoir été sortie la première était un euphémisme. Mais il fallait se montrer honnête, je n’avais clairement pas ma place dans cette aventure. A vrai dire, j’étais plus ennuyée pour Ezra qu’autre chose. mais d’avoir été sortie m’avait évité plus de dégâts et de revenir en mille pièces auprès de mes proches. Les enfants m’avaient plutôt bien accueillie. Ivana m’avait sévèrement réprimandée sur mon état. Il faut dire qu’à cause de mes multiples chutes, j’avais des bleus un peu partout, à commencer par cette sévère blessure à la tête. Et c’était ce qui me faisait appréhender les retrouvailles avec Zeke. Outre le fait que ce fut la croix et la bannière pour le joindre ses vingt derniers jours, je ne lui avais pas mentionné mon état. Je m’étais contentée de demeurer évasive une fois que j’avais réussi à l’avoir au téléphone après de nombreuses tentatives. Juste un « je veux te voir » et un « tu me manques » soufflés entre deux conversations et j’étais désormais en route pour sa ferme. Le temps s’était considérablement rafraichi ces derniers jours et outre le fait que je planquai ma blessure de guerre sous ma casquette de l’armée, je m’étais enfouie sous un sweat-shirt assez douillet et trois fois trop grand pour moi. Un jeans de passé et j’étais donc en route pour chez lui. je l’avais prise au sérieux quand il m’avait dit préférer les femmes naturelles. Je m’étais juste contentée d’un baume à lèvres -tout de même- et de prendre quelques affaires au cas où je passerai la nuit dans son antre. Partie après le boulot, j’avais tout de même eu le temps de faire une tarte avec l’insomnie de la nuit précédente. Nous ne nous étions pas revus depuis les baisers échangés et le moment de tendresse la nuit. donc forcément j’étais nerveuse. Voudrait-il toujours de moi ? Une part me soufflait qu’il n’avait pas pu changer d’avis en si peu de temps mais je suis tellement nulle que n’importe quelle fermière pourrait aisément prendre ma place. Alors que je me gare, je vins descendre avec mon sac sur l’épaule avant de tendre l’oreille. Les environs étaient calmes. Trop calmes. Et il n’avait pas menti. L’espace était gigantesque. Comment retrouver mon géant là-dedans ? Il y avait des arbres à perte de vue. Je vins donc emboîter une direction en espérant le trouver assez vite. Car il ne possédait pas de téléphone et donc aucun moyen de le communiquer. Sauf par signaux de fumée mais non, je ne cramerai pas mère… Un bruit se fait entendre derrière moi et je me retournai pour tomber face à mon pire cauchemar. Il était gigantesque -ou pas- de couleur verte. Je vins pousser un hurlement strident avant de venir jeter mes affaires sur lui en reculant. Je me heurtai à un tronc avant de grimper en vitesse dans l’arbre et me percher sur la première branche sans cesser de hurler. « Va-t’en espèce de sale bête, va-t’en, je suis pas comestible. » Je ne cessai de grimper toujours plus haut. J’ai vu le livre de la jungle hein. Ces saloperies, ça rampe jusqu’au sommet. « Mais va-t’en. Je veux pas mourir avant d’avoir revu mon arbre. » Je restai perchée sur l’une des branches les plus hautes sans quitter le reptile des yeux. « T’es franchement moche et j’aime pas les pommes alors ouste, pestai-je en lui jetant mon sac dessus. » C’était bien ma veine tiens. De tomber sur l’une des pires créatures de la Terre en venant voir l’arbre qui s’était enraciné dans mon cœur. Bah bravo, Eve, bien joué. Zeke allait vraiment me prendre pour une imbécile. Enfin si j’en sors vivante, bien entendu.
Zeke n'aimait pas la technologie, ce n'était un secret pour personne et pas à cause d'une conviction écologique quelconque, ni à cause d'un discours moralisateur à la noix qui voudrait qu'on fasse un peu plus attention aux ondes en tous genres. Non, ce qui l'agaçait le plus, c'était parler. Il n'exprimait ce qu'il avait à dire qu'avec les expressions de son visage et c'était impossible pour Blythe de le faire à travers un combiné alors, il ne faisait franchement pas beaucoup d'efforts quand il entendait l'appareil sonner dans la pièce à côté. Enfin, cela, c'était quand il était dans la maison et pas à gambader dans les multiples hectares de champs aux alentours de la propriété. Autant dire que si on voulait discuter avec le grand brun, il fallait venir en personne et le chercher pendant une bonne demi heure pour trouver sa cachette. Il n'était jamais à l'endroit où on le cherchait, à croire qu'il aimait qu'on lui court après. En réalité, non, Zeke était juste un indépendant qui n'aimait pas franchement compter sur les autres pour vivre pleinement. De toute manière, il avait beaucoup de travail à la ferme ces derniers temps pour se concentrer sur toutes les histoires qui l'attendaient. Il n'arrivait pas à se concentrer, autant qu'il n'arrivait ni à lire ni à écrire, alors autant se débarrasser d'un arbre qui était tombé lors d'une des dernières bourrasques en date et en vue de la taille du monstre, sa mission n'était pas prête d'être terminée. Il était hors d'haleine, le grand Blythe, au moment de reprendre le chemin de la ferme, ne se doutant pas qu'Eve serait déjà dans les parages. Certes, elle lui avait proposé de visiter l'endroit, elle qui se faisait une joie de venir habiter quelques mètres plus loin, pour sûr qu'elle avait envie de voir un peu de quoi il retournait, même si Zeke serait sûrement un piètre guide. Il avançait entre les hautes herbes, ignorant les quelques griffures de ronces, tendant finalement l'oreille lorsqu'il crut entendre un bruit inhabituel. Il alla doucement en s'approchant du lieu qui semblait hanté, réalisant une fois qu'il passa le virage que c'était Eve qui tâchait tant bien que mal de monter en haut d'un arbre. Zeke fronça les sourcils, clairement dans l'incompréhension de toute cette affaire. Il s'approcha, remarqua bien vite le serpent qui prit peur dès l'instant où Zeke entra dans sa sphère, glissant tout doucement vers la forêt. "Qu'est-ce que tu fais, Tarzan?" Ce n'était qu'un serpent, autant dire que pour Zeke, c'était atrocement banal comme rencontre. "Et si tu tombes?" Elle était maladroite, tout le monde savait cela, surtout elle d'ailleurs mais Ezechiel était en bas néanmoins alors, peut être qu'il ne lui arriverait rien cette fois-ci.
Parce que l'amour n'est pas et ne peut pas être de la simple affection. Ce n'est pas de l'habitude ou de la gentillesse. L'amour est folie, c'est le coeur qui bat à deux cents à l'heure, la lumière qui descend le soir quand le soleil se couche, l'envie de se lever le matin juste pour se regarder dans les yeux. (Federico Moccia, J'ai failli te dire je t'aime)
☆ Zeke & Eve ☆
Quand un homme me plaît, je deviens ridicule. Quand Pierre me plaisait, nous avons dû mettre des mois avant que je ne l’avoue. Parce que je n’avais aucune estime de soi -et je n’en ai toujours pas- donc je ne me voyais pas plaire à un homme comme lui. C’était à peu près la même chose pour Zeke. Quand je suis partie au Roa, je ne penserai pas qu’il me manquerait autant. Après tout, nous nous n’étions vus qu’une seule fois (enfin deux si on compte le refuge et la soirée comme étant deux fois distinctives.). J’avais beau me repasser la soirée comme un vieux film en noir et blanc, je ne voyais pas de signes qui auraient pu montrer que je lui plaisais. Je ne suis qu’une potiche haut comme trois pouces qui est pleine de phobies et essaie d’élever ses deux enfants avec des valeurs. Du moins ce que je présentais comme des valeurs parce que je n’ai jamais eu de parents sur lesquels compter. Jamais personne ne m’a trouvé digne d’intérêt. Et même ce stupide jeu avait trouvé le moyen de me sortir en première. Dans le fond, Grace avait raison, il n’y avait que des canons et je n’en faisais pas partie. Je tentai de me rationnaliser et que je n’avais pas rêver le fait que je plaisais à quelqu’un. Mais les australiens sont tous si étranges. Au moins les européens, on savait quoi penser. Ils étaient démonstratifs. On savait si on leur plaisait ou pas. je me heurtai à un mur et je suis timide, trop timide. Être une petite souris qui retourne se cacher dans son terrier et qui se sent de nouveau comme une adolescente face à un homme.
Assise dans cet arbre, à discuter avec un serpent, je me rends compte que je suis ridicule. comme s’il pouvait me répondre. Je suis très bien à me prendre pour un singe. Quoique, à côté le singe semble beau. Je m’assois donc en attendant que mon ennemi rampant se carapate ailleurs. Et ne revienne pas. rien qu’à le regarder, j’en ai des sueurs froides. Et je sens toutes les couleurs de mon visage me quitter tandis qu’il tire sa langue fourchue démoniaque. En vrai, on dit que les serpents font ça pour prendre la température. J’étais juste certaine qu’il prenait la température pour savoir comment me bouffer. Je doute être comestible. Déjà parce que je ne suis pas bien charnue et ensuite, je suis périmée. Je dodeline de la tête en lui lançant mon sac avant de voir arriver Zeke. Et pour le coup, mon cerveau bug carrément. Je peux le voir en chevalier servant sur son destrier avec le cote de maille et tout ce qui va avec. Je sens le rouge me monter aux joues. "Qu'est-ce que tu fais, Tarzan?" Je commence à le sentir, ce fichu muscle qui n’a pas fonctionné depuis longtemps alors que le dernier souvenir de nous deux remonte dans mon esprit. « Je… j’ai… » Comme à mon habitude, mon cerveau décide de n’en faire qu’à sa tête et refuse de formuler une phrase correctement. « Le serpent, j’ai… j’ai peur du serpent. » Je ne mentais pas sur cette véritable phobie. En voir un de près ou de loin me donnait la nausée. "Et si tu tombes?" Je vins pencher la tête alors que mon regard clair vient rencontrer le sien. De nouveau, une bouffée de chaleur vint saisir mes joues pour les colorer. « Je suis… enfin… je suis presque certaine que tu… » Je vins jouer avec une mèche de cheveux, nerveuse avant de me mâchouiller la lèvre inférieure. « tu me rattraperas. » Consciente que je ne pouvais pas rester dans mon perchoir. Dommage.
Je fis donc le chemin inverse, en faisant attention avant de venir poser les pieds sur la terre ferme. Je ne savais pas si je devais m’avancer ou non. Je me contentai donc de me balancer d’avant en arrière. « Et puis… j’ai… j’ai déjà failli mourir la semaine dernière. Donc nous sommes saufs. » Gênée par cet aveu, j’évitai son regard avant de me pencher pour ramasser mes affaires. Je remis tout dans mon sac avant de m’approcher de lui, le cœur battant à tout rompre. Ne sachant pas trop comment lui dire bonjour. Si je devais l’embrasser comme une petite amie ou si je devais le faire comme une amie ? Même si je l’avais présenté dans l’aventure comme étant mon copain, c’était autre chose de se retrouver en face à face. A la lumière du jour. Je vins faire un pas en avant pour lui faire face, un petit sourire sur les lèvres. « Salut ! » J’eus un petit rire nerveux. « Je ne sais pas trop comment te dire bonjour. Comme une amie ou… » Je vins jouer avec mes mains en sautillant presque sur mes pieds. « Laisse tomber, c’est bête. Tu… tu vas bien ? » Bravo, en éloquence on fera mieux hein. Une abrutie finie.
Zeke, ou le silence incarné. Personne ne pouvait franchement comprendre ce qui se passait dans sa caboche ébène et il n'essayait pas d'aider vraiment quiconque tâchait de s'y intéresser. C'était au final un sacré problème puisque les quelques personnes qui s'approchaient de lui se confrontaient à un mur, pas par envie mais par inaptitude. Le pauvre Blythe n'avait jamais développé aucune compétence sociale lorsqu'il était enfant, bien trop handicapé par ses troubles. On le trouvait bizarre, trop grand, trop muet pour que les gens aient véritablement envie d'en apprendre plus sur sa grande carcasse. Il avait fini par s'y habituer, même si pour cela, il avait dû s'affirmer dans la solitude, là bas, au fin fond de sa forêt où seuls les animaux avaient appris à l'écouter. Depuis qu'il était entré dans l'âge adulte, Ezechiel avait d'ailleurs arrêté de leur parler: il avait fini par comprendre que l'exercice était vain et il comptait sur l'instinct d'autrui pour qu'on le comprenne. Autant dire que c'était peine perdu, qu'il avait laissé partir des tonnes de personnes parce qu'il était trop idiot pour les retenir, lui, le grand dadais qui ne savait ni lire ni écrire. Il n'était bon qu'à couper du bois, nourrir des troupeaux de bêtes et réparer des enclos. Aucune carrière autre que celle qu'il avait eu par la force des choses ne l'attendait quelque part et Zeke était encore hautement convaincu qu'il finirait ses jours entre les quatre murs de cette propriété. De ce fait, il ne faisait que peu d'efforts pour s'intégrer et paraître normal, même aux yeux des quelques voisins qui appréciaient encore de vivre loin de tout. Là, pourtant, il devrait parce que Eve était venue jusque là, qu'elle redescendit le plus délicatement possible de son arbre de fortune maintenant que le serpent avait disparu dans les fourrés. Forcément, Ezechiel ne fut pas le premier à lancer la conversation, ne relevant même pas les propos de la jolie blonde, semblant réfléchir à ce qu'il était censé faire ou dire. A la place, il n'agit pas le moins du monde, captant le trouble de Eve, vivant le même mais intérieurement alors qu'il fronçait les sourcils en réaction aux dires de la jeune femme. "Comment ça failli mourir?" Aller droit au but, ne pas attendre quinze ans avant d'aboutir à une réponse parce qu'il allait s'inquiéter: c'était toujours le cas quand quelque chose n'allait pas pour les personnes de son entourage. "Moi, ça va. Mais toi, ça a pas l'air, si?" Il voyait bien qu'elle ne savait pas où se mettre et le pauvre Blythe ne comprenait pas que c'était de sa faute, du fait qu'il était trop éloigné de son côté, qu'il n'osait rien. Il était beaucoup trop nul avec tout cela, beaucoup trop lui en fait. "Je te fais visiter?" C'était la pire entrée en matière du monde mais Zeke, comme à son habitude, était incapable d'agir comme un être humain lambda.
Parce que l'amour n'est pas et ne peut pas être de la simple affection. Ce n'est pas de l'habitude ou de la gentillesse. L'amour est folie, c'est le coeur qui bat à deux cents à l'heure, la lumière qui descend le soir quand le soleil se couche, l'envie de se lever le matin juste pour se regarder dans les yeux. (Federico Moccia, J'ai failli te dire je t'aime)
☆ Zeke & Eve ☆
Il se passe mille et une choses dans la tête d’une femme lorsqu’elle rencontre un homme qui lui plaît. Nous nous retrouvons à l’état de l’éternelle adolescente. A ne pas savoir quoi faire, quoi dire. les hommes que j’ai fréquentés jusque-là étaient différents. Ezechiel était unique en son genre. Je n’avais juste un homme aussi silencieux, qui allait droit au but. Je ne savais pas le fond de sa pensée car dans le fond, nous ne nous étions côtoyés qu’une seule soirée. Une seule journée où il m’avait sauvé des griffes d’un psychopathe en puissance. Et pourtant, je l’ai senti. Cette connexion. C’était comme si sans le vouloir, il avait actionné un interrupteur en moi, un feu qui me régentait depuis. Les mots qu’il m’avait dits au refuge tournaient dans ma tête, constituaient une sorte de mantra pour me pousser à affronter la journée. A la repousser. Cette ombre qui avait envahi mon cœur, qui avait pris sa place pendant de nombreuses années. J’ai toujours été la gamine étrange. Celle qui se vivait des histoires dans sa tête, qui demeurait invisible au gré du monde. Celle devant qui on passait sans jeter un coup d’œil car elle se fondait dans la masse. Quelconque, commune, peu de gens me prêtaient attention et je ne l’ai plus cherché. Je l’ai repoussé, j’ai fait corps avec les ténèbres pendant de longues années. Deux forces se livraient bataille en moi. cette ombre que je dessinai sans cesse, monstre prédateur, véritable croque-mitaine qui venait gangréner mon cœur, qui venait le manger, ne pas en laisser une miette. Et la force blanche. Celle qui me poussait à me lever le matin, à vivre la journée et à ne plus la subir. Ce combat a toujours été omniprésent en moi. je ne savais pas s’il existait chez les autres. Je n’en avais aucune idée. Je n’espérai pas. Je poursuivais ce combat à l’heure actuelle alors que je me trouvais devant l’Australien. Alors que mon regard fuyait le sien, alors que je lui mentionnai mon incident. Celui survenu pendant le tournage du Roa. Dire que je n’ai pas vu ma vie défiler devant mes yeux serait mentir. Alors que cette force invisible me projetait en arrière, que ma tête heurtait un rocher au hasard et que la douleur, elle s’était insinuée en moi alors que j’affirmai à mon partenaire que j’allais bien.
"Comment ça failli mourir?" Ma lèvre inférieure se mit à trembler alors que je relevai la tête pour venir rencontrer le regard ébène du brun. Que l’intensité de ce dernier me foudroyât sur terre tandis qu’il attendait une réponse. Les larmes, mes larmes menaçaient de pointer le bout de leur nez alors que je vins fuir son regard. Que je gardai les pupilles vers le sol. Ma respiration se raréfia alors que ma main, maladroite vint se poser sur le torse de mon arbre. Que j’essayai d’ancrer les battements de mon organe fou sur le sien. Mes doigts vacants vinrent saisir le tissu élimé de la casquette qui trônait sur ma tête. Masquant ma blessure à la tête. celle qui aurait pu me coûter la vie. « Je suis désolée, murmurai-je. » D’un mouvement, je tirai sur le couvre-chef, découvrant le dessus de mon crâne. La salive vint à me manquer alors que je levai la tête. Sans pour autant le regarder. Mon regard se posa sur une branche derrière. Ma paume était toujours posée sur le torse massif de Zeke. Je ne désirai pas le quitter tant son feu intérieur vint animer mon corps. Cependant, je dus m’y résigner. Les pans de mon sweat-shirt vinrent se soulever alors que le vêtement ne tarda pas à trouver le sol. "Moi, ça va. Mais toi, ça a pas l'air, si?" Mes lèvres demeurèrent scellées alors que je tournai la tête pour regarder les environs. N’osant pas affronter ses yeux noirs. Je déglutis tandis que le débardeur que je portai, exposait les blessures que j’avais sur le buste. Les traces de griffures survenues à cause des buissons, les nombreux bleus ainsi que cet hématome sur ma tempe gauche. Celui qui mangeait désormais une partie de mon œil fatigué. Toute couleur avait quitté mon visage, sans doute d’un blanc macabre. Je vins cligner des yeux pour humidifier ma rétine, essayer de tout revoir en couleurs. Je sais que je devrais dire quelque chose. que je devrais écouter sa proposition, l’accepter malgré moi. Mais mon cerveau décida de faire la sourde oreille malgré tout, alors que mes mains vinrent se poser de part et d’autre de ma poitrine amaigrie. Je vins ouvrir la bouche, sèche, ne sachant que dire. Je devais pourtant formuler le combat qui fait rare dans ma tête. « Je suis bizarre. » Trois mots qui vinrent me décrire à la perfection. Qui vinrent faire corps avec le monstre qui prenait racine autour de ce palpitant qui avait demeuré en sommeil pendant des années. « Je m’imagine des choses dans ma tête. » Il fallait que j’essaie d’aller au bout de ma pensée. « J’ai imaginé ses retrouvailles une bonne centaine de fois pendant les semaines qui ont passé. J’ai même parlé de toi avec… des gens. » Je vins lui montrer ma tête blessée. Là où trônait la crevasse anciennement ensanglantée ainsi que le bleu qui me rendait affreuse. « Quand j’ai eu l’accident, j’ai vu les enfants. » Logique imparable, n’est-ce pas ? « Et je t’ai vu toi. Mon arbre. » Je vins prendre une profonde inspiration, ma poitrine se soulevant au gré de cette dernière alors que je vins déglutir à nouveau. « Je me voyais sauter dans tes bras et je demeure là, enracinée au sol parce que je ne sais pas. » J’étais à mon tour en train de me transformer en arbre. Et pas un beau. Pas comme lui qui était sans aucun doute un chêne majestueux, roi de la forêt. « Je ne sais pas si tu veux être mon arbre. Je ne sais pas si tu veux être avec moi comme j’ai envie d’être avec toi. » Je vins me balancer d’avant en arrière, les yeux suspendus dans le vide. Essayant de le voir comme je devais. De ne plus me réfugier dans mes fantasmes oniriques. Je vins lever le regard pour venir capturer le sien. Je me perdis dans le contraste étonnant de ses iris chocolatées, si différentes des miennes. Je vins me mâchouiller l’intérieur de ma joue alors que je levai la main, hésitante. Mes doigts vinrent pianoter dans le vide alors que je l’avançai pour venir la poser de nouveau sur son torse. Ma paume se déplia pour ne faire qu’un avec son corps massif. Épousant parfaitement la force de ses muscles alors que je demeurai la tête baissée. Sans savoir ce qu’il allait faire ou dire. Sans doute ne dirait-il rien. et que cela serait pour le mieux. Car dans le fond, j’avais assez parlé pour deux. « Tu m’as dit que si je trouvais mieux, je pourrais m’en aller. Mais et si c’est toi qui trouve mieux ? Je ne suis pas grand-chose. » Ma voix se brisa d’elle-même, cassée. Je ne le méritais pas. Et je sus que l’ombre avait gagné pour cette manche. Mais que ce n’était que partie remise. Mon corps se mit à trembler sous le coup de l’émotion alors que je vins poser ma tête près du sien pour fermer un instant les yeux. « Tu m’as manquée, chuchotai-je d’une voix timide, presque enfantine. » N’osant pas entourer son corps de mes bras, restant avec ma main posée près de son cœur, ma tête juste à côté, fixant un point vers l’horizon. Et n’osant pas capter son regard si intense. Ce regard qui me faisait prendre feu à peine mes iris rencontraient les siennes. Pourtant si différentes mais qui brûlaient presque d’un feu semblable.
Zeke n'était pas capable de comprendre les conflits intérieurs d'autrui, il avait déjà bien du mal à comprendre les siens, lui, l'homme de peu de mots mais pas de peu d'émotions. Il ne savait pas vraiment comment gérer le changement, ce qui le poussait en général à retourner se cacher entre les arbres de sa ferme des jours durant, dans l'espoir futile de retrouver sa vie simple d'antan. Il savait que c'était idiot car, parfois, la nouveauté avait du bon et pouvait amener de beaux instants à partager mais le pauvre Blythe avait toujours eu peur de dépendre des autres. Il détestait cette sensation, de devoir penser à qui que ce fut et il s'y refusait la plupart du temps. Il avait toujours été parfaitement bien tout seul, à gérer ses troubles sociaux sans jamais rien dire, pas même à sa famille. Alors, ces derniers jours, ne sachant pas où se placer vis à vis des quelques femmes qu'il connaissait, le grand Ezechiel s'était réfugié dans ses vieux travers qui n'aidaient en rien. Il coupait du bois, passait le temps en réaménageant les différents espaces de son lieu de vie alors que l'urgence était supposée être ailleurs. Clairement, le grand homme était perdu et ne savait pas par où commencer pour délier les noeuds qui s'étaient entremêlés au fond de son coeur. Autant ne pas y faire attention, se comporter comme l'homme insensible qu'il aimait être, ne plus s'interroger, rester mort dans l'âme. Pourtant, il avait accepté qu'Eve vienne faire un tour à la ferme, certainement car Zeke aimait tenir la moindre promesse et qu'ils en avaient parlé tous les deux avant qu'elle ne parte pour son émission de télé réalité que Zeke n'appréciait déjà pas tellement sans avoir la moindre notion de divertissement dans ce style. La preuve, la jolie blonde revenait avec moult blessures et plaies à lui faire découvrir et Ezechiel posa ses yeux sur chaque endroit qu'elle proposa à sa vue, le regard sombre mais loin d'être indifférent à tout cela. Il n'aimait pas, il n'avait jamais aimé ce genre de jeux. "L'accident?" C'était tout ce sur quoi il pouvait franchement réagir parce que Eve sous entendait qu'elle avait vu sa vie défiler durant ce jeu ridicule que Zeke ne comprenait pas le moins du monde. Elle parlait d'arbre, lui ne se considérait qu'à peine comme une racine alors, pourquoi était-ce différent aux yeux de la blonde? Il n'en savait rien, Blythe tâchait de suivre le cheminement de la pensée de la blonde mais il n'avait jamais été doué pour comprendre ce que les autres avaient sur le coeur et dans la tête. "Je comprends pas tout ce que tu me dis, Eve." Il était toujours honnête, le brun au regard sombre, et il ne pouvait pas lui mentir à ce sujet. Aborder des questions sérieuses le tendait toujours un peu et elle devait sûrement le sentir en se calant aussi proche de lui, le touchant même. Elle avait besoin d'être rassurée mais Zeke n'avait jamais su faire ce genre de choses, il était trop seul et trop cassé pour exceller dans quelconque discipline. "Je suis là. J'ai pas bougé. Je risque pas de trouver mieux au milieu de ma ferme." Il restait cartésien parce qu'il était vrai que Blythe n'avait pas essayé de sortir ces derniers jours et même si c'était le cas, il ne risquait pas de se faire remarquer pour son charisme et son flegme légendaires, si? "Pourquoi tu te poses autant de questions?" Il n'en avait aucune de son côté. Il avait juste voulu lui faire visiter la ferme et voilà que Zeke se retrouvait à la regarder de ses yeux ébène sans comprendre ce qui animait Eve et c'était quelque chose qui l'effrayait plus qu'il ne pourrait jamais l'avouer. Pas un homme comme lui, il n'en était pas capable.
Parce que l'amour n'est pas et ne peut pas être de la simple affection. Ce n'est pas de l'habitude ou de la gentillesse. L'amour est folie, c'est le coeur qui bat à deux cents à l'heure, la lumière qui descend le soir quand le soleil se couche, l'envie de se lever le matin juste pour se regarder dans les yeux. (Federico Moccia, J'ai failli te dire je t'aime)
☆ Zeke & Eve ☆
Dans ma tête, cela a toujours été un sac de nœuds impossible. Depuis toute petite, je ne disais pas grand-chose mais je pensais beaucoup. On pouvait le voir sur mon visage car j’ai toujours été très expressive. La seule chose que je parvenais à cacher était l’étendue de ma folie. Le fait que j’allais voir un thérapeute tous les deux jours pour essayer de palier à mon mal être. J’avais fini brisé plus que je ne voudrais l’admettre, sans réellement savoir mettre des mots corrects. Entrevoir un espoir était inespéré pour moi. une étincelle en dessous des cendres. Car je me suis toujours imaginée comme étant un tas de cendres, similaire au néant. Personne ne fait jamais attention à des cendres, il fallait baisser la tête. Faire gaffe où l’on mettait les pieds. J’aurai pu très bien choisir de disparaitre, de m’évaporer dans les airs, de changer de vie. Plutôt que de m’accrocher à celle-ci qu’on m’avait imposé malgré moi. La jeune orpheline. Celle de qui personne ne voulait. On me disait jolie, on me disait dynamique. Mais je n’en croyais pas un mot. je n’ai jamais été belle. la beauté est relative. Etant artiste, je pouvais la voir. Il y avait tout un nuancier concernant la beauté comme la folie. Là où brillaient toutes les couleurs de l’arc-en-ciel concernant ma bizarrerie, mon charme se voulait inexistant. Se voulait fuyant. J’avais cru en avoir lors de ma soirée partagée avec le grand brun. Celle où j’ai pu m’ouvrir légèrement, essayer de lui montrer à quel point l’on m’avait cassé. Mais en face de lui, le monstre tapi en moi se voulait plus rageur. Il en voulait plus. Il en désirait plus.
Cette petite voix qui me chuchotait à mon oreille que je ne valais rien. qu’il trouverait mieux. Mère de deux jeunes enfants, esprit brisé qui a peur de son ombre. Je tentai tant bien que mal de mettre des mots sur mes interrogations. Et il faut dire que mon interlocuteur n’était pas en reste. Là où j’avais réussi à apercevoir un semblant d’attraction mutuelle, c’était comme si on avait balayé tout ça. un peu comme un porche. N’étais-je fonc finalement que poussière ? Alors que je viens me découvrir, que je viens lui montrer mes plaies. Je ne sais pas mettre des mots corrects sur ce que j’ai ressenti, sur ce qu’il m’ait arrivé. J’avais réussi au travers d’une conversation téléphonique d’un banal soir de juin à l’informer de ma participation. J’avais même plaisanté sur de potentielles blessures, me heurtant de nouveau à ce silence. Le silence qui il n’y a pas deux semaines m’avait réconforté et qui maintenant m’angoissait. Sans doute car il y a quelques jours, j’étais dans mon cocon et que je sortais de ma zone de confort. Je devais agir, lui montrer. Je parle donc à tort et à travers, secouant mes mains dans tous les sens pour ne pas montrer le désastre qui se jouait dans mon cerveau. Et je pense faire l’impasse pour discuter de mon cœur. On va éviter et le laisser où il est celui-là. "L'accident?" Je me tournai vers Ezechiel avant de sentir toutes couleurs quitter mon visage. « Euh… » Mais quelle éloquence, ironisa mon esprit en me collant une gifle mentale. « Je me suis faite renverser par une voiture dès le départ. Mais c’est pas grave. » Cette tendance à dire que ce n’était rien. Tu parles, j’ai un mal de chien, pouvait me dire ma tête. Chut, chut, chut. Il ne fallait pas inquiéter mes proches. « En fait, dis-je malgré moi, je faisais du stop et la voiture est passée à toute vitesse et zouuuu, j’ai volé dans les airs. Pour m’écraser dans le fossé. Au moins, je ferai rire les gens à défaut d’avoir été utile. » Éliminée la première, on ne peut pas dire que je marquerai les esprits. Qui se souvient de ceux sortis en premier ? Personne.
Je recommence mes tergiversions avant de me racler la gorge. Ma voix se veut plus fluette à mesure que mon myocarde s’affole malgré lui. Heureusement que Zeke n’était pas Superman ou Matt Murdock et ne pouvait pas voir l’état de mon palpitant. Tu me diras, cela retirerait sans doute cette expression sérieuse de son visage. "Je comprends pas tout ce que tu me dis, Eve." Il va sérieusement me forcer à mettre des mots dessus. Je viens passer une main dans ma nuque, gênée. « Je ne comprends pas moi-même. Mais cherche pas, je pense toujours à cent à l’heure. » Il faut limite prendre l’autoroute pour parvenir à me suivre. Calamité humaine. « J’veux pas te faire peur. J’essaie de… » Je me montre de haut en bas. Couvertes de bleues et de plaies. « De pas être moi-même parce que j’suis hyperactive et que c’est difficile de me suivre. Et je ne veux pas te faire peur. Donc c’est la panique cérébrale et je pense trop. » Mais nous étions deux adultes. Lui plus que moi puisque je faisais toujours seize ans aux yeux du monde entier. Si j’étais un pokémon, je serai sans aucun doute un psykokwak. Le pokémon qui dégomme tout quand il s’affole. Je déglutis. Avec difficulté.
"Je suis là. J'ai pas bougé. Je risque pas de trouver mieux au milieu de ma ferme." Je le fixe en haussant un sourcil, dubitative. « Tu as plus de charme que tu ne le croies, Zeke. Si une handicapable des sentiments comme moi a réussi à développer des sentiments pour toi, je suis presque sûre qu’une gentille fermière immense sans enfants et avec un cerveau normal peut y parvenir. T’es très beau et t’as beaucoup de qualités. » Je vins tirer sur une mèche de cheveux, nerveuse en sautillant presque d’un pied à l’autre. Non mais il est aveugle ou bien ? Il fallait que je lui fasse recouvrer l’esprit à ce garçon. Je vins m’approcher pour lever les yeux vers lui. Un regard de chiot près pour l’euthanasie sans aucun doute. "Pourquoi tu te poses autant de questions?" Je me sens prendre un peu de couleurs à cette question. Mon teint de tomate m’avait presque manqué tiens. Je peux sentir mon cerveau se cogner la tête contre le mur alors que mon cœur m’adjoint de lui montrer puisque les mots ne voulaient pas percer la carapace de son esprit. « A cause de ça. » Je vins me coller sur la pointe de la pointe des pieds parce qu’il est immense avant de venir -avec difficulté- poser mes lèvres sur les siennes. Le baiser se voulait sans doute plus passionné que je ne l’aurai voulu. Une affaire de manque sans aucun doute alors que je vins me reculer un peu trop brutalement, manquant de tomber par la même occasion. Je me redressai tant bien que mal, un peu sonnée. « Je ne sais pas ce qu’il se passe là-dedans, dis-je en montrant sa tête, donc c’est difficile d’agir convenablement. Parce que si je te plais plus à la lumière du jour, tu vas fuir aussi vite que Beep Beep et si je te plais… » Non, ça c’’est impossible. « J’en sais rien, fais un geste, bouge tes beaux cheveux ou je sais pas. Mais j’suis pas douée pour décrypter les hommes qui sont plus grands que des frigos. » Je vins le fixer en mâchouillant nerveusement ma lèvre inférieure. J’allais devoir écrire un manuel sur le décryptage d’Ezechiel Blythe pour m’y retrouver. Ou qu’on me file une foutue boussole.
Il ne se sentait pas à sa place dans ce monde et si la plupart du temps, Zeke tâchait de le cacher, au fil du temps, l'affaire devenait plus difficile pour lui. Il voyait les autres autour de lui changer de mode de vie, évoluer que ce fut en bien ou en mal et lui, il restait l'homme statique, celui auquel on s'attendait, jamais rien d'autre, surtout jamais plus. Ses proches savaient qu'il serait là, à la ferme, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, si on avait besoin d'un réconfort quelconque. Il répétait les mêmes inlassables schémas depuis l'adolescence et surtout, le Blythe ne semblait guère prêt à changer quoique ce fut. Il aimait l'idée qu'il y avait de la certitude dans ses actes et ses mots, ce qui n'avait pas l'air d'être le cas chez beaucoup de gens. Pourtant, c'était le pire qu'il puisse faire, souffler le chaud et le froid en un rien de temps parce qu'il n'avait aucune idée d'où se mettre. Zeke aurait aimé essayer d'être plus normal, avoir au moins cette qualité là, de ne pas prendre peur dès que les événements procuraient de toutes nouvelles sensations mais il n'avait jamais réussi à agir autrement. Clairement, il n'était pas comme Eve, elle qui avait accouru pour participer à une émission de divertissement trépidante quelque part au fond du pays mais Zeke, lui, ne quittait jamais sa bonne vieille routine. Tout cela lui portait préjudice désormais et il avait mal au coeur, même si le tout sonnait lointain à ses oreilles. Son âme, elle, savait qu'il était en train de perdre pied, que le discours de Zimmer ne l'aidait en rien à faire perdurer le calme à l'intérieur de sa cage thoracique. "Ils t'ont mis en danger. C'est grave, Eve." Il n'aimait pas l'idée, encore moins d'apprendre les détails de tout cela car la réalité était atroce, elle aurait pu mourir. Vraiment disparaître et Zeke n'en aurait jamais rien su, trop idiot qu'il était en règle générale. "J'aime pas ça." La franchise de Zeke, encore et toujours, même s'il ne serrait pas les poings ni la mâchoire car ce n'était décidément pas son style. Il gardait les pieds sur terre autant que possible,malgré la désapprobation de son coeur, lui qui essayait de saisir toute l'étendue du message qu'Eve prononçait. Il n'arrivait pas à suivre cela dit car il n'était pas aussi proche de ses émotions et le brun n'essayait même pas de les attraper. "Pourquoi être quelqu'un d'autre que toi-même?" C'était une question qui le turlupinait, Ezechiel, car rien de ce qu'elle disait ne semblait faire sens pour lui. Pourquoi prendre peur? Pourquoi s'entêter à s'interroger sur tout et rien? Blythe n'était pas ainsi, plus depuis qu'il avait décidé de reprendre la ferme et de s'y tenir. Pourtant, Eve l'obligeait à tout remettre en perspective, à reposer les fondations de son existence, lui qui s'était toujours refusé à remettre en question ses plans. Elle lui présentait une vie qu'il n'avait pas, un être qu'il n'était pas non plus car ses qualités, il ne les voyait pas depuis un sacré bout de temps, il ne se sentait pas l'âme d'un homme idéal. "Je veux peut être pas ça, moi... Et puis, je sais même pas lire alors..." Il ne le disait pas cela, normalement, qu'il était trop bête et qu'il n'y arrivait pas. Bon, c'était ce que lui pensait et ce n'était même pas la vérité mais Zeke avait une vision biaisée de sa personne, ce qui s'avérait bien triste. Il ne bougeait pas, ce grand bêta, c'était sûrement mieux ainsi car il avait une démarche mal assurée, ce qui n'allait pas de pair avec la question qu'il posait à Eve. Lui demander pourquoi elle hésitait ainsi, pourquoi elle remettait tout en doute, c'était peut être trop à vrai dire. Il ne réagit pas, sentant qu'elle allait changer son fusil d'épaule, ce qu'elle fit bien vite effectivement en venant épouser ses lèvres avec les siennes. Le grand brun fut surpris, évidemment, lui qui n'avait pas l'habitude de recevoir autant d'affection venant d'une seule personne mais il réussit à rendre la fin de son baiser. Un exploit déjà bien consommé. Par la suite, il resta planté là, à regarder Eve, elle qui montrait sa caboche en essayant de comprendre ce qu'il pensait, la réponse était évidente. Du moins pour lui. "Il y a rien à décrypter, Eve. Je suis simplet." Encore un compliment envers lui-même, du grand Blythe. "J'aime pas réfléchir. Me demander des choses. Je sais juste que je vais jamais évoluer. Que je vais rester un piquet de ferme. C'est ce pour quoi je suis né." Pas elle néanmoins car Eve avait des choses à apporter à cet univers, contrairement à lui. "Eve, la question a jamais été si tu me plais ou non, ça a toujours été ce que tu dis justement... On peut pas me comprendre, c'est pour ça que je suis tout seul. Tu veux passer ta vie à essayer de déchiffrer ça?" Il se montra du doigt, signifiant par un simple geste que lui avait abandonné la mission depuis bon nombre d'années car c'était d'une logique implacable, Zeke ne s'aimait pas.
Parce que l'amour n'est pas et ne peut pas être de la simple affection. Ce n'est pas de l'habitude ou de la gentillesse. L'amour est folie, c'est le coeur qui bat à deux cents à l'heure, la lumière qui descend le soir quand le soleil se couche, l'envie de se lever le matin juste pour se regarder dans les yeux. (Federico Moccia, J'ai failli te dire je t'aime)
☆ Zeke & Eve ☆
Je mettais tout le temps les gens mal à l’aise. Parce que j’étais trop. Il n’y a pas besoin d’ajouter un adjectif à la fin de cette phrase. Je ressens les émotions beaucoup plus intensément que la moyenne. Je vivais à cent à l’heure et je ne savais pas quand me stopper. Souvent, je me contentai de courir, courir, courir. Dans ma tête se jouait une course sans fin. A courir après du temps que je n’ai plus, à courir après des personnes qui ne le méritaient pas. a les aimer. Je tombe amoureuse trop vite, trop facilement. Amoureuse à l’idée même d’aimer. Et vibrer pour la personne en face. Je ne me donnais pas dans la demi-mesure. Je donnais tout ou rien. Et je ne prévenais pas les gens en face. Puis, je volais en éclats et il me fallait des années pour me reconstruire. La raison est que je n’ai jamais reçu d’amour et je me suis promis d’en donner aux autres. Même s’ils n’en voulaient pas, même si on me frappait, me mettait à terre cérébralement. J’aimais. Je n’appréciais pas ma vie, je n’appréciais pas le monde qui m’entourait. Car même si je me mouvais à la vitesse de la lumière, le monde bougeait encore trop vite pour moi. Et le résultat était le même. j’étais fatiguée. Fatiguée de courir, fatiguée de recevoir des coups, fatiguée de vivre. Là où une personne de mon entourage se serait rendue compte de l’état dans lequel je me trouvais, je bénissais le ciel que Zeke ne le voit pas. Les cernes sous mes yeux, mon corps amaigri, couverts de bleus, mes yeux fuyants la réalité et cette tendance à bouger dans tous les sens. Je n’y arrivais plus. Tel Atlas, je portais un poids trop lourd sur mes frêles épaules et j’en venais à courber l’échine, posant un genou à terre pour récupérer mon souffle avant de reprendre ma course.
"Ils t'ont mis en danger. C'est grave, Eve." Le ton du géant, de mon arbre me surprend et j’en viens à sursauter. Comme une souris qu’on prendrait en faute avant d’avoir le regard fuyant. « Non, je… non, c’est… c’est de ma faute. » Car il était vrai que si j’avais deux mains gauches et deux pieds droits, c’était de ma faute. « J’suis pas un cadeau. » Stricte vérité. les personnes qui me côtoyaient le savaient. Car même si je donnais beaucoup d’affection, je mettais souvent ma vie en danger. Sans réellement le vouloir. J’étais très maladroite. Et je me sentais nigaude devant lui à lui dire ceci, consciente que je pourrais le faire fuir pour de bon. "J'aime pas ça." Je vins essayer de sourire, garder la face avant de venir prendre sa main. Doucement, je viens nouer mes petits doigts aux siens avant de le regarder avec mon regard clair, un peu trop vivace. « Je vais bien. Bon, je suis un peu cabossée mais je vais bien. Regarde. » Doucement, je vins poser sa main sur ma joue, pour qu’il sente la chaleur de mon visage. « ça va cicatriser, murmurai-je d’une voix douce, et puis comme je l’ai dit, je ferai rire l’audimat. » j’avais ajouté ceci timidement, d’une voix presque inaudible avant de me reculer malgré moi. Mon cœur reprit sa course effrénée alors qu’il aurait dû se stopper. Si je n’avais pas été si paniquée, je pense que j’aurai pu prendre conscience que le brun tenait effectivement à moi de par son inquiétude.
"Pourquoi être quelqu'un d'autre que toi-même?" Je le regardai, hébétée avant de réfléchir. Je baissais la tête avant de shooter dans un petit caillou qui se trouvait là et qui n’avait rien demandé. « Pour que tu me voies. Ma plus grande peur, ce ne sont pas les serpents. Mais que l’on me voit et qu’on dise que je n’en vaille pas la peine. Parce que je suis trop naïve ou trop petite, pas assez séduisante et blablabla. Je m’aime pas beaucoup et les gens non plus. » J’avais confié ceci en demi-teinte. Car il était vrai que je demeurai souvent seule face au monde gigantesque qui m’entourait. Effrayée et à la merci du premier requin qui viendrait. Mes yeux se voulaient fuyants, fixant le sol. Inconsciente des ressemblances que j’avais avec mon arbre. Je levais le nez pour vérifier qu’il était là. "Je veux peut être pas ça, moi... Et puis, je sais même pas lire alors..." Sa confidence me désarçonna légèrement. Pas dans le sens où je le voyais en mal, comme un imbécile. « Et les gens te l’ont fait payer ? Mais c’est pas vrai, tempêtai-je, tu ne peux pas rabaisser quelqu’un parce qu’il ne sait pas faire quelque chose. Et puis, puis… » Et voilà que je recommençai à m’énerver. Non mais qui était le salaud qui avait essayé d’abattre mon arbre ? Qui avait fait du mal à cet homme qui ne le méritait pas ? « J’te jure, je fais peut-être qu’1m52 mais je vais m’énerver. Je vois pas en quoi le fait que tu ne saches pas lire fasse de toi quelqu’un de mauvais ? Et puis va pas me faire croire que t’as envie de moi ? Parce que personne n’a envie de moi. Enfin d’être avec moi. » De nouveau mes joues me brulèrent alors que je pestai intérieurement. « Ce sont les gens qui t’ont fait croire que le fait que tu saches pas lire était une tare qui sont débiles, pas toi. » Ma franchise me tuera un jour.
Je ne pus m’empêcher de m’approcher de lui pour finalement mettre mes tergiversions en action. Mes lèvres épousèrent parfaitement les siennes et je lâchai un petit gémissement malgré moi alors que Zeke vint me le rendre. Surprise. Je me reculai, la tête en feu avant de mettre des mots sur ce que je ressentais. "Il y a rien à décrypter, Eve. Je suis simplet." Encore une idée préconçue. Je lui fis les gros yeux sans répondre car il continua dans sa lancée. Et il était rare pour Blythe de venir faire des phrases aussi longues. Il ne fallait pas être un mathématicien pour le comprendre. "J'aime pas réfléchir. Me demander des choses. Je sais juste que je vais jamais évoluer. Que je vais rester un piquet de ferme. C'est ce pour quoi je suis né." Je le fixai sans ciller, sans même hausser un sourcil, le laissant finir sa tirade. "Eve, la question a jamais été si tu me plais ou non, ça a toujours été ce que tu dis justement... On peut pas me comprendre, c'est pour ça que je suis tout seul. Tu veux passer ta vie à essayer de déchiffrer ça?" Mais ça suffit les conneries bon sang. Je vins sauter sur place pour atterrir dans ses bras, le surplombant légèrement. « Tu n’es pas simplet. » Mes doigts caressèrent ses cheveux. « Est-ce que je t’ai dit que j’avais des sentiments pour toi ou est-ce que je l’ai juste pensé ? Murmurai-je à voix haute. » Mes mains vinrent prendre en coupe son visage alors que mes lippes retrouvèrent les siennes dans un baiser beaucoup plus long et beaucoup plus appuyé. Je posai mon front contre le sien avant de prendre une profonde inspiration. « J’aime bien être avec toi. Tu me forces à sortir de ma zone de confort parce que je dois mettre des mots sur ce que je ressens. Et pour deux en plus. Donc tu m’écoutes : j’ai des sentiments pour toi. Alors bien sûr que je veux passer ma vie à décrypter ce qu’il se cache là-dessous. » Je continuai à caresser ses cheveux avec tendresse. « Je peux très bien t’aimer pour nous deux. Et essayer de faire rentrer là-dedans, je vins appuyer mon index sur le sommet de son front, que tu es quelqu’un de bien et que tu mérites qu’on t’aime un peu. » Un rire s’éleva dans les airs, sortant d’entre mes lèvres alors que mes bras se nouèrent autour de sa nuque pour venir cacher mon visage dans son cou. « J’aime pas faire ce genre de trucs, c’est gênant si c’est pas réciproque, murmurai-je les lèvres contre sa peau. » Inutile que je redresse la tête pour savoir que j’étais rouge comme un coquelicot. Mais c’est joli un coquelicot n’est-ce pas ?
Zeke serait éternellement cet homme trop grand, trop maladroit et surtout trop réservé, la tare de son existence. Personne n'aurait été en mesure d'expliquer cette personnalité atypique car ses parents n'avaient jamais été castrateurs et il avait eu des grands espaces autour de lui pour s'épanouir. Peut être que la présence de son cadet avait été un catalyseur essentiel dans le développement affectif d'Ezechiel car il ne fallait pas le cacher, Yele avait toujours cherché à avoir les projecteurs braqués sur lui. Alors, le plus naturellement du monde, l'aîné avait laissé toute la place au cadet, le laissant briller aux yeux de tous quand lui se complaisait dans ce rôle d'homme invisible. Avec le temps, rien n'avait changé: le grand Blythe avait conservé ce rôle de composition parce que Yele était devenu une star dans tout ce qu'il avait entrepris, charismatique à souhait, lui qui avait tout connu avant Zeke, ne restait que des miettes. C'était ce qui le paralysait le plus à coup sûr, parce qu'il avait vu le regard méprisant de son frère lorsqu'il l'avait retrouvé avec Chloe et depuis, Zeke n'était plus tout à fait le même. Il donnait l'impression de ne plus savoir ce qu'il faisait, pas plus que ce qu'il était, prenant des décisions hasardeuses, laissant des mots dévastateurs s'échapper d'entre ses lèvres pour la même raison. Il n'aimait pas être ainsi, il n'était pas censé être un homme en colère et avec autant de regrets, Ezechiel, il était doux, il était fort et il aimait les gens. Là, il n'avait pas l'air d'aimer la production d'une émission idiote, voyant que Eve les excusait ces personnes là. Lui, il n'avait pas envie de cela, d'autres individus étaient morts pour moins que cela. Il ne dit rien cela dit, se contentant de la toiser avec cet air las parce qu'elle se complaisait dans cette idée qu'elle allait être le capital bêtise de cette émission. Zeke ne la regarderait pas mais il n'avait pas spécialement envie qu'on se moque de Zimmer à cause de sa joyeuse maladresse. Il oublia, du moins pour le moment, se concentrant sur cette conversation des plus sérieuses, le grand homme apeuré comme jamais de dire ou faire quelque chose de mal. "Je te vois sans ça. Je te vois même mieux." Qu'elle fasse semblant, c'était ridicule puisque Ezechiel était celui qui lui avait maintes fois répété qu'il ne voyait l'intérêt que du naturel, jamais du faux semblant. C'était facile à dire mais il aurait dû comprendre que la blonde conservait des traumatismes de ses précédentes relations parce qu'on l'avait trop blessée, tant de fois délaissée par ailleurs. Ce n'était pas mieux du côté du fermier, qui laissait à son tour s'exprimer les quelques blessures qu'il avait conservées de son passé, rien de très glorieux et qui sembla marquer Eve avec ferveur. "C'est rien, eh. C'est du passé. Et tu crois des mauvaises choses." Il était convaincu que bon nombre d'hommes tueraient pour côtoyer une femme comme elle, Eve était juste trop aveugle pour le réaliser. Zeke ne voulait pas être le plus nul de la liste et pourtant, il réalisait cet exploit avec énormément d'aisance, le grand bonhomme. Il exprimait tout ce qui ne tournait pas rond chez lui, ne s'attendant pas à ce que Eve prenne son parti, plutôt à ce qu'elle tourne les talons, il ne lui en aurait pas voulu. A la place, la jeune femme prit place plus avant face à lui, sautant à son cou alors que le brun l'attrapa au vol pour éviter qu'elle se casse quelque chose d'autre, trop impulsive qu'elle pouvait être là. Il l'écouta ensuite, la laissant lui dire tout ce qu'elle avait sur le coeur, même si c'était compliqué pour Zeke de l'entendre. Il avait beaucoup de mal à penser que c'était sain d'aimer pour deux, pas quand il s'agissait de quelque chose d'aussi ancré au fond d'une âme meurtrie. Il la laissa dire néanmoins, la tint fermement contre lui alors qu'elle se portait contre son cou, apparemment gênée de faire preuve d'autant de sincérité dans ses propos... Si seulement le bûcheron était capable d'en faire autant de son côté. "Y a rien de gênant. C'est joli les gens qui sont capables de dire ce qu'ils pensent et ressentent." Il ne savait pas faire mais Eve le savait déjà, de toute évidence. "T'épuise pas trop en faisant tout ça, s'il te plait. Faudra que tu partes avant d'en souffrir." Elle devait déjà avoir mal en vue de tout ce que Zeke n'était pas en mesure de lui exprimer, peut être n'en serait-il jamais capable, ce qui était un crève coeur d'envergure, quoiqu'on en dise. "Tu veux voir la cabane maintenant?" Il avait peur d'en dire trop, d'exprimer trop de doutes quand il n'y en avait aucun qui avait sa place entre eux. Zeke cherchait son regard, sans savoir ce qu'il y trouverait: il voulait juste que le coeur d'Eve s'apaise, à défaut du sien.
Parce que l'amour n'est pas et ne peut pas être de la simple affection. Ce n'est pas de l'habitude ou de la gentillesse. L'amour est folie, c'est le coeur qui bat à deux cents à l'heure, la lumière qui descend le soir quand le soleil se couche, l'envie de se lever le matin juste pour se regarder dans les yeux. (Federico Moccia, J'ai failli te dire je t'aime)
☆ Zeke & Eve ☆
J’ai toujours aimé la transparence. Etre invisible était pour moi libérateur. Le peu de personnes qui avaient daigné me voir : je ne l’assumais pas. Certains diront que mes enfants me voyaient. Ils pouvaient lire entre mes lignes mais lorsqu’on est un enfant, on ne jette pas le même regard qu’autrui sur sa propre mère. Toute ma vie j’ai vécu avec mes complexes. Ma taille diminuée, mon corps trop frêle, mes dents de devant trop longues, mes cheveux hirsutes, indomptables. Je ne me trouvais pas belle. Trop candide, trop infantile. Même si j’avais cherché à séduire, je n’en aurais pas été capable. J’ai désiré tant de fois être sexy mais ma gaucherie, mon incapacité à rester concentrée sur un sujet m’ont desservi. Incapable, éternelle femme-enfant qui ne grandira plus jamais, qui restera telle qu’elle est. Le cœur qui ne sait plus où aller et le cerveau qui fonce sans se poser de questions. Je me surprenais à me perdre dans les méandres de mon esprit qui voulait aller trop vite au gré des battements de mon cœur qui dansait tel un funambule une danse macabre que je ne parvenais pas à suivre. Ce cœur qui ne demandait qu’à être donné. Qu’on m’a renvoyé, qu’on a jeté à mes pieds, ne daignant pas y faire attention. Je ne savais plus, je ne voulais plus savoir. Je ne voulais plus avancer et me prendre des coups, éprouver diverses blessures. Je ne m’en sentais plus la force.
Et pourtant, l’espoir. Cet espoir qui étreint mon organe, qui le rend vivant depuis quelques jours. Qui ne demande qu’à sortir pour qu’on l’ausculte. Le mal dont je souffrai a-t-il un traitement ? Un patch ? Un traitement ? "Je te vois sans ça. Je te vois même mieux." Je le fixe sans réellement comprendre. Avait-il conscience de ce qu’il disait ? De ce qu’il injectait dans mon cœur ? Je ne voulais plus qu’on joue avec mes sentiments, qu’on me les renvoie en plein visage. « Et tu ne sais rien de moi. » Là où j’essayai d’interpréter ses silences, avec moi il fallait lire entre les lignes. Comprendre que dans mes paroles, une détresse certaine ressortait. J’avais aussi peur que lui. J’avais peur de me donner et puis rien. Qu’il décide qu’une femme était mieux que moi. Pas besoin de chercher bien loin. Des femmes mieux, il y en avait plein. Je les croisai dans la rue. Je conversai avec elles, je tentai de leur ressembler. "C'est rien, eh. C'est du passé. Et tu crois des mauvaises choses." Je le regarde avec mes yeux remplis d’eau. Avec mon regard sans doute trop expressif. « Moi aussi on m’a rabaissé, tu sais. J’ai… j’ai un trouble de l’attention assez sévère. Je dois prendre des médicaments pour rester concentrée. C’est pour ça que je fais un métier manuel. Parce que quand je suis sur mes œuvres, je me détache pas. J’oublie même de manger ou de dormir. On a chacun nos complexes. » je baissais la tête, sans trop honteuse de cet aveu gênant. J’avais connu pour ma part, une scolarité chaotique. Certes, j’étais allée au bout de mes études car la mère supérieure ne m’avait jamais lâchée mais pour lui, je comprenais son complexe. Je ne pouvais pas me mettre à sa place mais je le comprenais. Je viens inspirer doucement avant de venir resserrer mes bras contre mon corps trop gracile et déglutir.
Mon cerveau disjoncta alors que je sautai dans ses bras. Alors que mes lèvres retrouvaient les siennes avec une facilité déjà ancrée. un manque exacerbé. Mon cœur s’ouvre, les mots sortent sans réfléchir alors que j’essaie d’alléger mes sentiments en les partageant avec lui. je ne demandai pas qu’ils me les rendent, qu’ils me renvoient l’ascenseur. Ils ne le font jamais. Mais j’avais besoin de m’exprimer, de dire, de parler. De faire des phrases sans aucun sens comme d’habitude. Ma tête se cacha dans le creux de son cou alors que mes mains jouaient toujours avec ses cheveux noirs. Mon souffle se répercuta sur sa peau à mesure que je vins resserrer mon étreinte malgré moi. "Y a rien de gênant. C'est joli les gens qui sont capables de dire ce qu'ils pensent et ressentent." Je vins gémir comme réponse, ne voulant pas ouvrir la bouche. J’essayai de savourer l’étreinte prodiguée par le grand brun, étonnée du manque ressenti. Mon cœur essaya de se caler sur sa fréquence. "T'épuise pas trop en faisant tout ça, s'il te plait. Faudra que tu partes avant d'en souffrir." Je vins redresser la tête alors que mon regard rencontra le sien. Deux opposés. « Arrête de dire que je dois partir. Je ne partirai pas. » Ma voix se voulait plus ferme, plus forte sans doute alors que je ne détournai pas le regard. Une flamme s’alluma en moi, anima mes iris. Je pouvais la sentir danser. « T’es convaincu que je vais finir par te quitter. Comme vient de le dire mon arbre, tu crois des mauvaises choses. » Je levai le menton, animée par une volonté nouvelle de faire passer le message. Se battre pour ses convictions, faire passer un message. Je savais très bien le faire. Même si j’étais petite et que je ressemblais à une ado de seize ans, j’avais tout de même un petit caractère quand on grattait. Et il commençait à en effleurer la surface. Zeke dut le sentir. Dut sentir le feu qui m’animait. Qui venait de s’embraser avec de simples paroles à mesure que ses bras encerclaient mon corps. "Tu veux voir la cabane maintenant?" Je penchai la tête sur le côté, sans ciller alors que mes doigts couraient le long de sa nuque. « C’est comme tu veux. La dernière fois, nous étions chez moi mais là, nous sommes chez toi donc ce sont tes règles. Pas les miennes. » La particularité du pokémon que j’incarnais : je n’étais vraiment pas chiante sur la marche à suivre. Très conciliante, je me laissais porter -dans les deux sens avec Zeke- au gré du vent, sans jamais poser de contraintes. J’en avais déjà assez dans ma tête comme ça.
La société obligeait les gens à faire des choix hasardeux, à changer pour les mauvaises raisons. Voilà pourquoi Zeke s'en mêlait très peu: lui n'était pas du tout influençable, il n'avait jamais su écouter les dires d'autrui, sûrement parce qu'il avait toujours préféré prendre la décision de rester dans son coin. Il ne disait rien, le grand brun, c'était habituel, sauf que là, justement, c'était le moment où il aurait dû commencer à parler. Ezechiel n'en ressentait pas tout à fait le besoin de son côté, même s'il se doutait qu'Eve aurait préféré qu'il fasse un long discours pour la rassurer, plutôt que l'inviter à connaître des doutes supplémentaires. Zeke s'en voudrait sûrement une fois qu'elle lui aurait tourné le dos mais à l'heure actuelle, son cerveau n'était plus véritablement capable de formuler des pensées cohérentes. Il verrait plus tard, il voulait juste rester fidèle à lui-même, le grand homme inflexible qui hocha la tête en signe de dénégation quand Eve lui indiqua qu'il ne savait rien d'elle. Au contraire, il avait la sensation d'en avoir appris beaucoup au cours de leurs quelques rencontres car elle était sensible, la blonde, et elle ne faisait jamais rien taire de ce qui l'étreignait. Ezechiel était bien différent mais il ne désirait pas la contredire tout de suite. Au contraire, il l'écoutait parler, lui préciser qu'elle aussi avait des difficultés à paraître aussi normale que les autres. Ils avaient en conséquence tous deux des comportements de marginaux parce qu'ils avaient besoin de s'isoler très fréquemment pour ne pas souffrir des remarques blessantes de leurs comparses. Lui, c'était le bois. Elle, l'art de manière plus générale. Il devait bien y avoir un lieu de rendez-vous entre les deux. "Comme quoi on se ressemble plus que tu dois le penser." Lui non plus ne dormait pas beaucoup. Il était toujours perdu dans son monde, loin de la société et Zeke s'en complaisait fort agréablement. Pour l'heure, il ne pouvait pas dire que c'était quelque chose qu'il vivait bien parce qu'il sentait qu'à force de rejeter la faute sur son passé, sur le comportement des autres, il finirait par perdre les quelques personnes qui acceptaient encore de passer quelques heures de temps en temps avec lui. Zimmer en faisait partie, elle qui s'était jetée à son cou pour le faire taire: c'était sûrement mieux ainsi parce que Blythe n'avait jamais été très doué pour faire tenir un monologue, pas un qui durait plus de dix secondes vu la taille de ses phrases. "On a qu'à rien croire, toi et moi." Lui, qu'elle allait partir. Elle, qu'elle ne plaisait à personne, jamais. Zeke, en tout cas, aimait bien ce plan en gardant une main ferme autour d'elle pour ne pas qu'elle chute alors qu'il croisait finalement son regard. Pour cette fois au moins, Eve avait l'air sûre d'elle et Zeke lui sourit, juste cela, c'était simple comme bonjour. Ensuite, il se mit en marche, ne la laissant pas choir vers le sol, préférant la porter jusqu'à l'arbre en périphérie de tous les autres, au milieu de la forêt, là où personne ne venait jamais en dehors des quelques personnes de confiance qui peuplaient l'existence de Zeke. Il relâcha Eve à ce moment là, commençant bien vite son ascension agile jusqu'en haut de l'arbre, sur la plateforme où il avait construit sa cabane. "Prends ma main. Tu verras tout de là haut." Mieux que dans ses bras, Zeke en était certain alors qu'il tendait une main assurée, lui ne se trouvant jamais aussi confiant que dans les antres qu'il s'était fabriquées. En espérant qu'elle en verrait l'intérêt, elle aussi.
Parce que l'amour n'est pas et ne peut pas être de la simple affection. Ce n'est pas de l'habitude ou de la gentillesse. L'amour est folie, c'est le coeur qui bat à deux cents à l'heure, la lumière qui descend le soir quand le soleil se couche, l'envie de se lever le matin juste pour se regarder dans les yeux. (Federico Moccia, J'ai failli te dire je t'aime)
☆ Zeke & Eve ☆
Je n’aimais pas parler de mes handicaps. Du fait que je souffrais d’un déficit de l’attention, que je ne savais pas plein de choses. Comme monter à cheval ou même nager. Que j’avais une peur bleue qu’on puisse me juger. Je n’avais jamais mis les mots sur ce besoin de m’évader, de vivre mille et une choses. Je vins donc toucher mon carnet qui trônait au fond de mon sac. Ce carnet élimé, noirci de divers dessins. Je ne le quittais jamais. Sauf lors du ROA qui ne m’avait manifestement pas réussi. Je déglutis avant de baisser la tête, trop blanche à cause de ma confession. J’avais moi aussi honte de mes défauts. Comme tout le monde mais je ne les montrai pas au gré du jour car je ne voulais pas de la pitié des gens. Je ne voulais pas qu’on puisse se saisir d’un bâton pour m’abattre. J’ai toujours aimé la solitude. Je n’aimais pas sortir, je n’aimais pas voir des gens, faire semblant. Sourire. "Comme quoi on se ressemble plus que tu dois le penser." Je levai les yeux vers lui avant d’inspirer profondément pour venir sortir mon précieux. Tel le Gollum des dents modernes -j’en avais la taille après tout- je viens lui montrer. « Quand je m’éparpille, je consigne tout dedans. » J’avais dit ceci avec une timidité nouvelle. Le rose vint teinter mes joues. Je ne lui tendis pas, consciente que s’il en venait à partager ma vie, il le verrait bien assez tôt. Puisque je l’avais tout le temps en main. « Je dessine. Je dessine tout ce que je vois. Toutes les personnes qui… comptent pour moi. » Un murmure alors que je le remis dans ma besace où trônaient mes affaires. Du rechange, des photos de mon travail. Je ne sortais jamais sans mille choses dans mes poches. Des pinceaux, des stylos, de la peinture. mille et une choses pour occuper cet esprit qui avait tendance à divaguer.
Je me calmai en douceur dans ses bras. Comme un mécanisme ancré alors que mes doigts parcouraient ses cheveux. Mon regard perdu dans les méandres de son cou alors que je me sentais mieux. Un peu mieux en tout cas. J’avais toujours cette peur de faire quelque chose, de dire une chose insignifiante qui pourrait lui faire tourner les talons. J’étais comme lui. dans le fond, j’avais moi aussi peur qu’on m’abandonne. Sauf que je m’attachais malgré tout. "On a qu'à rien croire, toi et moi." Mon regard rencontra le sien, trop émerveillé alors que mon nez frôla doucement le sien. Un petit sourire ornait ses lèvres et je me sentais fondre intérieurement. Par mimétisme, mes lèvres se retroussèrent avec cette mimique qui me faisait paraître enfant. Je le fixai, émue, touchée. Je ne sais pour quelle raison. Sans doute pour le sourire. ma main caressa doucement sa joue, alors que je ne le quittais pas des yeux. « ça va devenir une habitude de me porter, on dirait. » Mais il me l’avait affirmé que je n’étais pas bien grosse. Et je ne voulais pas encore plus éveiller son inquiétude en lui affirmant que j’avais quatre kilos en moins.
Je touchai néanmoins le sol bien assez tôt avant de regarder l’arbre. C’est haut, très haut. Je le regarde grimper avant de lui emboiter le pas. j’aimais monter dans les arbres. Je lui avais démontrer un peu plus haut. « Comment t’as fait pour tout monter là-haut ? » Je réussis à grimper sans encombre avant de toucher la plateforme de la cabane. Puis, je vis sa main apparaitre dans mon champ de vision. "Prends ma main. Tu verras tout de là haut." De nouveau, un petit gloussement sortit de ma gorge. Similaire à celui d’un cochon d’inde content. Je mis donc ma paume contre la sienne alors qu’il me hissa vers le sommet. Je restai pantoise en faisant le tour sur moi-même, les yeux émerveillés. Magnifique. La vue était superbe. « Je commence à comprendre pourquoi tu ne veux pas quitter cet endroit. C’est splendide. » Un légère brise s’infiltra dans mes cheveux alors que ma main se perdit dans les méandres de ma besace. Y rencontrant un objet. Un objet que j’avais fait. De nouveau la chaleur s’infiltra dans mon corps pour venir prendre position sur mes joues. Je sortis la petite figurine pour la regarder. Je m’assis en tailleur pour la regarder en fronçant les sourcils. « je t’ai fait ça, dis-je d’une petite voix, intimidée. » Je lui tendis le petit bonhomme avec les pieds en forme de racine et la petite femme blonde sur son épaule. J’avais tenté de le représenter du mieux que je pouvais même si j’avais conscience de la nullité de mon occupation. « Là, c’est toi. Je t’ai fait grand comme un arbre et ça c’est moi. Toute petite sur ton épaule. » Je baissais les yeux par réflexe avant de rentrer ma tête dans mes épaules comme une tortue. Un peu gênée et sans doute trop ridicule.
Zeke n'avait pas de jardin secret, il ne consignait rien du tout puisqu'il voyait en horreur la vue d'un crayon, fruit d'un passé douloureux. Au moins, Eve avait cela pour elle parce qu'elle pouvait prendre son carnet, à n'importe quel moment pour laisser son cerveau vagabonder vers des pensées plus douces. Le grand Blythe, lui, choisissait plutôt d'aller se perdre dans la forêt, des heures durant, là où personne ne viendrait le chercher et il s'amusait à découper quelques rondins de bois avant de les sculpter, juste avec son canif, la patience incarnée. Personne ne voyait vraiment le résultat de ses travaux car Ezechiel préférait les détruire, à peine les avait-il terminés. Il n'aimait pas qu'on le regarde de toute manière et si ses meubles restaient la seule exception en la matière, pour le reste, il fallait espérer tomber au bon moment pour avoir une chance inespérée d'observer Zeke en plein travail. Il ne disait rien là, rien de neuf à ce niveau là, puisqu'il laissa la jeune femme parler et surtout, lui montrer ce qu'elle faisait de son carnet, lui n'étant pas capable de faire preuve d'autant de concentration lorsqu'on parlait de papier. "Je ferais pareil si je savais tenir un crayon." Mais il ne savait pas, il n'aimait pas cela et on lui avait suffisamment tapé sur les doigts pour que Blythe arrête totalement de s'y coller. Il ne ferait plus jamais rien pour paraître plus commun, montant le moindre de ses projets sans jamais rien consigner, même si c'était censé être la norme. Avec lui, rien n'était standard de toute manière parce qu'il souriait sans crier gare, voyant qu'Eve réagissait à une telle vision, certainement heureuse de le sentir se dérider un peu en la portant entre ses bras. Il ne clignait même plus des yeux en conséquence, sentant leur nez qui se frôlait, l'affection se nouant dans le plus intime des silences avant qu'ils ne se mettent en route pour la forêt avoisinante. "T'es tellement légère." Comparé à ce qu'il avait l'habitude de porter. Tout ce qui était lourd relevait du quotidien de Zeke et elle, Eve, elle était tout l'inverse de ce qu'il côtoyait habituellement. Il n'irait pas le dire ainsi, de but en blanc, mais rien que ce fait lui faisait du bien parce qu'il avait besoin de cette légèreté pour ne plus paraître si terne. Il ne l'était plus à ce moment là, en haut de l'arbre, à attendre que Zimmer prenne sa suite, la main tendue vers elle, assuré qu'il était qu'elle arriverait en haut sans encombre. "Il a fallu être patient. Adroit aussi." Il avait mis de mois à finir la cabane, des mois où la moindre chute aurait pu lui être fatale mais Zeke avait pris son temps, il y était allé par étapes et le résultat était incroyablement merveilleux. Désormais tous deux en haut, le grand brun laissa Eve découvrir le décor alentour, lui s'asseyant sur le sol froid mais solide qu'offrait les planches de bois travaillées par son ego adolescent. "Et on entend que les oiseaux." Un bruit qui l'enchantait, le brun fermant les yeux pour s'enivrer de leur chant avant de sentir qu'Eve l'avait rejoint, triturant dans son sac pour en sortir un nouvel objet. Zeke le regarda, les sourcils froncés, sentant qu'elle y avait mis toute son âme, dans une image d'eux qu'il n'avait jamais imaginé rencontrer un jour. "T'es pas si petite, tu sais." Il lui fit un clin d'oeil amusé. "J'en fais aussi, des choses comme ça. Dan le bois. Mais je les montre pas. Je les casse." Allez savoir si c'était compréhensible pour autrui, ce genre d'attitude venant d'un grand dadais comme lui. "Te renferme pas comme ça. C'est joli." Il avait effectivement vu du coin de l'oeil qu'Eve s'embarrassait de lui avoir montré son oeuvre. Lui trouvait le tout délicat, comme elle. En tous points comme elle. "Un jour, je ferai un truc pour toi. Sans le casser après." Il suffisait d'être un peu patient avec Zeke, même si ce n'était pas toujours simple sur la durée. "Pour te montrer comment je te vois." Pas si petite, pour sûre, délicate à outrance et jolie comme jamais, son sourire s'étendant sur ses lèvres alors que ses yeux de jais brillaient face à elle.
Parce que l'amour n'est pas et ne peut pas être de la simple affection. Ce n'est pas de l'habitude ou de la gentillesse. L'amour est folie, c'est le coeur qui bat à deux cents à l'heure, la lumière qui descend le soir quand le soleil se couche, l'envie de se lever le matin juste pour se regarder dans les yeux. (Federico Moccia, J'ai failli te dire je t'aime)
☆ Zeke & Eve ☆
Le calme ambiant. Zeke l’incarnait tout comme l’endroit où il vivait. Là où je vivais tout à cent à l’heure, où mon hyperactivité avait été plusieurs fois un danger pour moi, je me retrouvais avec ce calme que je ne connaissais pas. Et je devais l’apprivoiser. Je voyais un peu Ezechiel comme un cheval sauvage, celui qui ne se laisse pas approcher car il possédait des blessures que je ne connaissais pas. Mas j’allais apprendre à les déceler et à les panser s’il fallait. Les miennes étaient visibles. Autant à l’œil nu, dû à mon corps balafré mais aussi avec mes mimiques. J’ai toujours eu un visage expressif. Qui laissait passer mille émotions. J’ai tenté plusieurs fois de cacher ce que j’éprouvai mais la vérité restait la même. J’étais un livre ouvert pour peu qu’on désire le feuilleter. Avec des images hautes en couleur, possédant celles de l’arc-en-ciel au grand complet. Perchée dans mon arbre, j’essaie de lui prodiguer une certaine tendresse. Je pouvais lire dans son regard que tout était nouveau pour lui. Il suffisait de savoir lire entre les lignes. Mains qui touchent sa peau, sourire qui retroussait mes babines. Je me sentais bien dans ses bras. A ma place. "T'es tellement légère." Paroles murmurées comme un compliment. Je vins pencher un peu plus la tête, laissant mes iris bleutées se perdent dans les siennes avant de sentir mon visage prendre une douce teinte rosée. « Comme une souris. » Il n’était pas difficile de comprendre en quoi je me réincarnerai. Une souris. Ou un cochon d’inde vu ma facilité à en imiter le cri.
J’emboitais le pas au grand brun sans difficulté. J’ai toujours aimé me mettre en hauteur. Sans doute parce que je touchais trop souvent le sol. Je vins saisir sa grande main, faisant sans doute le double de la mienne avant de le laisser me hisser vers le haut. "Il a fallu être patient. Adroit aussi." Je regardai le tout avec de grands yeux. Les fondations, le sol stable. Je tournai sur moi-même comme une girouette alors que ma main s’attarda sur le bois. « Et surtout des muscles, oui. C’est bien fait. Y’a pas un défaut. » Je me hasardai à le regarder avec mon sourire enfantin collé aux lèvres. « Tu dois faire des beaux meubles. T’as beaucoup de talent. T’as fait ça quand ? » Question posée pour essayer de dater. Il s’agissait avant tout d’une déformation professionnelle puisque restaurer les objets anciens étaient ma spécialité. Un métier de vieux. Que j’assumai parfaitement. "Et on entend que les oiseaux." Je vins fermer les yeux avant de tendre l’oreille. Effectivement. On entendait le gazouillis d’une faune inconnue. Automatiquement, mes doigts voulaient trouver le carnet pour dessiner ce que je voyais. Mais ils se refermèrent sur autre chose. Un autre pan de ma personnalité.
J’ai toujours aimé créé des choses. Des petites choses futiles. Rafistoler. Pour faire la petite statuette j’avais utilisé des chutes d’autres œuvres que j’avais raccommodé. Je vins prendre place près de Zeke, m’asseyant en tailleur avant de lui tendre. Le représenter sur de grandes jambes avec ses cheveux si longs et sa barbe. J’avais sans cesse peur que tout le monde les trouve ridicules mes petites statues. "T'es pas si petite, tu sais." Je le regardai avant de sentir la chaleur s’infiltrer dans mes joues à nouveau sous le coup de son clin d’œil. Je ne dis rien cependant le laissant admirer mon travail, légèrement embarrassée. "J'en fais aussi, des choses comme ça. Dans le bois. Mais je les montre pas. Je les casse." La démarche de frustration car la personne n’est jamais satisfaite du travail fourni. Je me contentai de hocher la tête en silence, comprenant pourquoi il avait besoin de détruire son travail. "Te renferme pas comme ça. C'est joli." De nouveau, mon visage se teint d’une teinte coquelicot alors que je demeurai muette, sans cesser de la regarder avec une petite étincelle dans le regard. Consciente que mes sentiments pour lui grandissaient à la même mesure que mon petit sourire timide. "Un jour, je ferai un truc pour toi. Sans le casser après." Mon cœur s’emballa à cette affirmation, comme s’il était résolu à le faire. Je me rapprochai donc de lui pour venir coller ma peau contre son corps massif. "Pour te montrer comment je te vois." En silence, je laissais mes yeux rencontrer son regard, mon sourire s’étendre petite à petit, émue par cette confession. « T’es beau quand tu souris. » Toujours cette franchise, ce besoin de dire ce que j’avais sur le cœur alors que mes doigts vinrent caresser sa joue. « Enfin t’es beau tout le temps mais t’es beau aussi quand tu souris. » Doucement, je vins pencher la tête sur le côté en le regardant avec cette petite flammèche dans le regard. Mes doigts se refermèrent sur les siens qui tenaient la figurine que je vins lui ôter des mains avant de la poser à côté de nous. Ma main revint se poser sur la sienne alors qu’une connexion vint s’établir. Mon cœur battant à tout rompre, n’osant pas m’approcher davantage. Me contentant de caresser ses doigts des miens alors que cette fois-ci, je perdais toute contenance face à lui. Mon visage définitivement couleur carmin avec un petit sourire qui flottait sur le coin de mes lèvres. Et cette flammèche qui se transforma bientôt en brasier, laissant le silence nous apaiser.